j`te dérange _script bilingue
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j`te dérange _script bilingue
Radio drama Fiction radio « Jte dérange ? Non non » Jean-Charles Massera « Bad time? No, no » Jean-Charles Massera « Jte dérange ? Non non » Jean-Charles Massera coréalisé par Jean-Charles Massera et Arnaud Forest. Un feuilleton original de Jean-Charles Massera conçu pour les nouveaux modes d'écoute (podcast, smartphone, écouteurs). Chaque semaine vous recevez un appel, en voiture, à table, au boulot. Jte dérange ? Non non. C'est votre ami, votre amoureuse ou votre mari qui vous parle : de couple, de statut social, d'une écharpe du PSG... Une écriture contemporaine, un jeu alerte, une réalisation maison. Episodes (30’): 1. Le restau qui faisait chalet 2. T’as mis où les oranges ? 3. Le survêt’ j’en peux plus là 4. C’est mon écharpe, c’est ça ? 5. Non mais là ça dépasse tout « Bad time? No, no » Jean-Charles Massera co-directed by Jean-Charles Massera and Arnaud Forest A highly original series conceived by Jean-Charles Massera specifically for new listening trends (podcasts, smartphones, headsets). Every week, you receive a call, in your car, over dinner, at work. "Bad time? No, no." It could be your friend, lover or husband on the line, wanting to discuss relationships, social status, a soccer club scarf... Modern writing, sprightly performances and in-house production and direction. Episodes (30'): 1. The Restaurant That Looked Like A Chalet 2. Where'd You Put The Oranges? 3. No More Track Pants 4. It's My Scarf, Right? 5. That Beats It All Episode 1: Le restau qui faisait chalet Enregistrements : 4 juin 12 Interprète : Pascal Sangla Assistante réalisation : Sara Monimart Texte : Jean-Charles Massera Réalisation : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Mixage : Arnaud Forest Production : ARTE Radio Lieu de Tournage : Studio Ambiance de bureau : clavier d'ordinateur, sonnerie de téléphone, plusieurs voix en arrièreplan. Au premier plan, une voix masculine qui appelle du boulot. - Ouais, j'te dérange ?... Y paraît qu'hier soir vous êtes sortis avec Stéphane ? C'est cool ça ! C'est une affaire qui roule ! Bon, super !... Écoute, ça a rien à voir, mais alors vraiment rien hein, mais faut que j'te raconte un truc qui toi va t'parler, tu vas voir, mais direct ! L'autre soir avec Éric on avait réservé un restau... Bah tiens, justement celui devant lequel on était passé une fois en revenant de chez Casto... ouais quand on refaisait ta salle de bain... Tu m'avais dit que ça avait l'air d'être pas mal... Mais si ! Celui où tu disais que ça faisait un peu chalet. Oui... Enfin gîte… Une voix qui passe au premier plan qui interrompt la conversation... - Attends, y'a mon boss qui passe... La voix du boss. Clics de souris d'ordinateur. - Ouais, et donc on est allé dans ce restau et on a HA-LLU-CI-NÉ ! Comment te dire ça ? De l'entrée au dessert... mais de l'entrée au dessert : rien, mais RIEN n'avait de goût ! Véridique ! Même avec du sel, j'te jure ! Ouais, mais non là c'est encore aut'chose. En fait, là c'est comme si on était allé dans une idée de restaurant ! Mais ouais c'est ça, c'est exactement ça : une idée de restaurant mais sans... Ben sans sa substance ! Comme si on avait joué à aller au restau en fait. Tu sais t'as le kit, t'as la boîte avec les tables, les ptites chaises, les nappes, le couvert tout ça, et ce qu'il y a dans l'assiette, ben c'est du plastique ! Même le vin était... je sais pas comment dire... générique ! Ouais générique ! Alors qu'il y avait bien l'étiquette du vin qu'on avait choisi hein ! Enfin bon bref on a joué à la dînette quoi. On l'entends se redresser sur son siège et parler un peu plus près du téléphone. - Comment ça, ça te… ? Avec la vie ? Toi, ça t'fait ça avec la vie ?... Mais heu... Episode 1 : That swiss chalet restaurent Recorded: June 4th, 2012 Actor : Pascal Sangla Assistant director: Sara Monimart Author : Jean-Charles Massera Co-direction : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Sound design and mixing: Arnaud Forest Produced by ARTE Radio Recorded in studio. Male voice calling from a busy office. - Hi, bad time? I hear you went out last night with Stéphane. Cool! That's a done deal. Great! On a totally different subject, I have to tell you this... You'll love it. The other evening, Eric and I booked a table at that restaurant we drove past, coming back from Home Depot... When we were doing your bathroom. You said it looked quite good... You know, looks a bit like a Swiss chalet. Or a B&B. Breaks off as voice passes by. - Hold on, it's the boss. Boss's voice. Mouse clicks. - Yeah, so we went there and it blew our minds! I mean, seriously, from start to finish, from start to finish, nothing, and I mean nothing, had any taste. It's the truth! Even with salt on it... No, but this was something else. It's like going to a concept restaurant. That's exactly right, that's what it was, it's all concept and no restaurant. There's nothing there. It was like restaurant role-play, in fact. You've got a kit, with tables and chairs, silverware and everything, and the stuff in the plate is plastic! Even the wine was—what's the word?— generic. Yes, generic! There was the label on the bottle but it wasn't wine! I'm telling you, it was role-play. Sits up and hunches closer to the phone. - What? Sorry? ... Life? You feel that way about life sometimes? - Ah ouais... Hmm... Si, si, si, non mais... - Ok... - Ah ouais, donc l'impression que tu joues à la vie... mais que c'que tu fais, c'que tu vis, c'est pas... - C'est pas vraiment vrai ouais c'est ça... Donc ta réalité, tu la sens pas... Tu regardes ce que tu vis en fait. Comme si t'étais détaché, c'est ça... - Ah ouais carrément !!!... On entend des néons qui crépitent et une voix au loin. - Attends… Mais t'es jamais... Enfin… T'es jamais dans ce que tu fais donc... Tu te regardes toujours vivre du coup...comme... C'est comme si t'étais... enfin je sais pas... insensibilisé ? - C'est ouf ce truc... Des voix en arrière-plan. - Mais quand tu dis que t'as les formes de la vie... Attends... Le personnage principal écarte le téléphone. Il s'adresse à un collègue : « Thomas... Tu va déjeuner ? (Son collègue répond oui) Tu vas au Jap' ? Tu peux me ramener un M2 stoplait ? Ouais, à tout'... » Il rapproche à nouveau le téléphone. - Ouais... Il baisse un peu la voix. -Attends... Et quand tu dis que t'as les formes du travail, des soirées avec tes ami(e)s, ton copain, ta copine tout ça…(un téléphone sonne en arrière-plan, une voix féminine répond) Tout ça, ça veut dire que tu sens rien ?... Je veux dire que tu te sens pas ici avec eux au moment où t'es avec eux ?... Ah ouais, donc y a pas que moi. L'ambiance sonore change lentement, elle devient plus lointaine et plus sourde et parle encore plus bas. - Ben, je viens de te répondre... ça me fait exactement la même chose... mais bon généralement, c'est un truc que tu gardes pour toi parce que... - Tu vois... -Ouais déjà, mais aussi parce que du coup ça touche des choses beaucoup plus emmerdantes... Les sons du bureau sont filtrés derrière lui, on perçoit la sonnette de l’ascenseur. - Ben j'sais pas, mais expliquer à la personne avec qui tu vis qu'on ressent pas sa présence par exemple... Ben tu vois, c'est délicat quand même ! - Yeah, right... Sure, fine... - Okay. - Like life's role-play? ... But what you do, what happens isn't... - It doesn't feel real, right. You have no sense of reality... You're outside looking in. Like you were removed from life? - Yes, totally. Neon lights crackle. - So, you're never... I mean, you're never fully involved... Like you watch yourself living... It's as if you were... I don't know... Desensitized? - That's crazy. Background voices. - When you say your life's hollow... Hold on... To a co-worker: Thomas, you going for lunch? (Co-worker replies yes) The Japanese? Bring me back an M2, will you? Thanks, see you. Back to the phone. - Yeah... Lowers his voice. - So, when you say your life's hollow... At work, or when you go out with friends or with your girlfriends... (phone rings, woman answers).You mean, you don't feel anything? I mean you don't feel like you're there with them when you're with them? ... Right, so it's not just me. Voice becomes more distant, muffled. Even softer. - I just told you... I feel exactly the same thing... But generally, you keep it to yourself because... - You see? - Exactly, because it hits on some more sensitive stuff. Office activity filtered out. Elevator dings. - I don't know, telling the person you live with that you don't feel them there... It's pretty tricky. - Ben ouais... Ouais, ouais, ouais, c'est ça... c'est comme si y avait une glace de séparation entre nous et la vie. Bon ça fait un peu aquarium comme image, mais en fait... c'est ça... -Non mais ok, mais… dire que c'est un truc de dépressif, c'est aller un peu vite pour régler la question quand même non ?... Je veux dire que tu peux aussi dire que c'est une façon d'évacuer le problème... Enfin de pas le voir en tout cas... L'ambiance du bureau redevient réaliste, on perçoit les voix de ses collègues. - Ouais. Ok, j'te laisse. De toute façon j'vais bouffer... On s'voit demain non ? - Bon ben à demain alors. Je t'embrasse. Le téléphone est raccroché. ARTE Radio.com - Yeah, exactly... It's like having a glass partition separating us from real life. It makes it sound like an aquarium, but you get my point. - Sure, okay... Saying it's a sign of depression is a bit of a shortcut, isn't it? ... I mean, it sounds like a way of dodging the issue. Or ignoring it, at least. Office activity returns to normal. Voices of co-workers. - Okay, I've gotta go get some lunch. See you tomorrow? - See you tomorrow then. Lots of love. He hangs up. ARTE Radio dot com. Episode 2: T’as mis où les oranges ? Enregistrements : 4 juin 12 Interprète : Christophe Brault Assistante réalisation : Sara Monimart Texte : Jean-Charles Massera Réalisation : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Mixage : Arnaud Forest Production : ARTE Radio Cuisine. Son d'une radio. - Ouais c'est moi, j'te dérange ?... - T'as mis où les oranges ? Non, je dis tu-as-mis-où-les-oranges ?... Bah heu non, j'ai regardé... Tu te souviens pas où… ? Placards qui s'ouvrent et se ferment. - Putain, mais c'est toi qu'a rangé les fruits quand on est revenu des courses. Elles vont être pourries là ! ... Ben si tu les manges pas tout de suite, les fruits bio ils pourrissent. Là déjà samedi, c'est limite. Donc si on les mange pas aujourd'hui... Ouiiii, oui on sait que t'as du travail, c'est bon. On sait bien que tu as du travail, alors que moi à 10 h 30, je cherche des oranges pour mon p'tit déj’... Bruits de placard. On le sait très bien. Soupir. La machine à café se déclenche. - Mais non... C'est pas ce que tu voulais dire, mais tu l'as dit. Attends... Attends ton ton agacé, la p'tite remarque sur le fait que j'me lève quand même un peu tard… gna gna gna... Enfin bref... - Plus fort. Non ! J'suis pas drôle quand j'ai pas eu mon jus d'orange, mais d'habitude y a jamais de problème parce qu'il est dans le réfrigérateur ! - Bon ok il y a peut-être plus de vitamines dans les oranges pressées... - Ouais bon, tu vas pas me le faire le coup du soutien à la cause palestinienne via les oranges, hein ! C'est comme le bio ! D'accord ! - Non mais je sais que ça n'a rien à voir. C'est pour éviter de laisser la terre crever, pour les vitamines et patati et patata... Quand on le boit tout de suite... Tu vois ? J'ai bien appris ma leçon ! - Non mais je sais : c'est super important pour bien commencer la journée... Soupir. Faut-il encore qu'elle en vaille la peine... Episode 2: Where’d you put the oranges ? Recorded: June 4th, 2012 Actor : Christophe Brault Assistant director: Sara Monimart Author : Jean-Charles Massera Co-direction : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Sound design and mixing: Arnaud Forest Produced by ARTE Radio Kitchen. Radio plays. - It's me. Is this a bad time? - Where'd you put the oranges? No, I said, where'd you put the oranges? ... No, I looked there... You don't remember? Cupboards open and shut. - You put the fruit away when we got back from the store, dammit. They're gonna rot. If you don't eat it right away, organic fruit rots. Saturday was borderline, so if we don't eat them today... Yes, we know you have work to do. You have work to do and here I am at 10:30 looking for oranges for breakfast. (cupboards) We know already. Sighs. Coffee machine. - No, you didn't mean it, but you said it. You know, your snippy, snidey tone and the remark about me getting up late... Blah blah blah... Anyway... - (louder) No! I'm no fun when I haven't had my orange juice, but usually it's sitting there in the fridge. - Okay, maybe there are more vitamins in squeezed oranges... - Don't spin me the line about buying oranges giving support to the Palestinian cause! Same goes for organic! Okay! - I know they're two different issues. It's for the planet and the vitamins, yadda, yadda... When you drink it right away... See? I've got it downpat. - I know that. It's important to start the day right. (sighs) But what's the point? Bruits d'assiette. - Ben je me sens déclassé ! J’me sens sous-mec, si tu veux savoir ! - Non ! Non mais attends ! C'est toi qui me dis ça ??!! Mais putain ça a rien à voir ! Mais j'insulte personne là : j'ai dit que j'me sentais sous-mec, j'ai jamais parlé de sous-nanas ! C'est toi qui me parle de sous-nanas ! - Non, mais tu peux pas comparer. Mais, les nanas qui sont au foyer, elles sont habituées... Non, mais ce que je veux dire... - Non mais laisse-moi finir... Haussant la voix : Mais écoute putain ! Les nanas, je dis pas que c'est bien et que c'est ça qu'elles veulent ! Je dis juste que... ben pour un mec, c'est un déclassement... Exactement... Un déclassement. - Ben oui ! Puisque la culture nous a habitués à travailler ! En mangeant, la bouche pleine : enfin j'veux dire à avoir un emploi en dehors de la maison… Fin des activités domestiques... Ça, tu peux pas le nier. Moi je suis désolé, mais moi aujourd'hui j'me sens Monsieur Rien ! Voilà ! - Ben oui. Ben moi j'en ai pas ! C'est la réalité ! - Comment ça quand bien même j'en retrouverais ça serait surtout un emploi ? Je comprends pas là... - Ouais je sais, un emploi ça fait emploi du temps... Le travail, c'est aut'chose.... Autre chose qu'il y a plus vraiment d'ailleurs... Soupir - Non... mais ta chanson, je la connais par cœur : travailler, c'est travailler le monde au sens de sculpter le monde, le marquer de ton emprunte... et vu les boulots de merde qu'on se tape, c'est plus possible... Le rapport avec le produit de notre travail devient complètement abstrait, on peut plus se l'approprier... Mais je le sais tout ça, je le sais... Il n'empêche que sans ces boulots de merde… il allume une cigarette, je me sens pas vraiment être... Quoi ? C'est con ça ? Et me parle pas de mon épanouissement en dehors des processus de production parce que là je vais pas supporter. - Mais écoute, ça tient pas une seconde... Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Que j'aille m'épanouir en allant écouter des conférences sur l'art contemporain, hein ?... Des conférences où y a que des nanas d'ailleurs, je dis ça en passant... - Bah écoute c'est la réalité... C'est toi-même qui me l'avait fait remarquer : genre, « les mecs méprisent ça, pour eux tout ça c'est futile, le réel et l'important c'est le boulot . Ça, c'est pour passer le temps entre le shopping et le thé chez les copines »... Je fais que répéter hein... Mais bon c'est pas faux hein ! - Mais arrête ! Mais de quoi tu parles ? En plus c'est facile, c'est facile vraiment d'attaquer mes parents comme ça... J'veux dire, toi, t'as as grandi dans une famille de... Plates. - I feel downgraded. A sub-guy, if you must know! - Now, hold on... Are you serious? That's irrelevant! I'm not insulting anyone. I said I felt like a sub-guy. I didn't say anything about sub-girls. You're the one talking about sub-girls. - It's not the same... Girls who stay home are used to it... No, I mean... - Let me finish. (raises his voice) Listen, dammit! I didn't say it's right and it's what girls want. I'm just saying that for a guy, it's degrading. Exactly. Degrading. - Sure! We're conditioned to work for a living. (eating, mouth full) I mean, finding work outside of the home... No more domestic activity.... You can't deny that. Sorry, but right now I feel totally worthless. - Sure, but I don't!... That's how it is. - What do you mean, finding a job for the sake of it? I don't follow you. - Yes, I know a job isn't everything... Work can be something else. Something there isn't much of anymore. (sighs) - No, change the record, will you? Work means working the world in the sense of shaping the world, leaving your mark on it... Given the crappy jobs on offer, that's not on the agenda. The relationship to the product has become abstract. You can't appropriate it... I know all that. Even so, without those crappy jobs... (lights a cigarette) I don't feel like a being... What? That's stupid? If you say a word about fulfillment outside the production process, I'll blow my top. - Look, that doesn't stand up... You want me to find fulfillment by going to talks on contemporary art? ... Talks where the audience is all-women, by the way... - To quote you, "Guys don't care about that. It's futile. For them, all that matters is a job. That's just to kill time between going shopping and meeting your girlfriends."... It's what you said.... But you're not wrong. - What are you talking about? It's easy to have a go at my parents like that.... I mean, youn grew up in a family that... - Mais je détourne pas la conversation putain ! Mais bon tu m'dis qu'aller à ces putains de conférences, ça me permettrait de me représenter les choses un peu autrement ! Avec ton petit ton de supériorité là... Style « t'es comme tes parents, tu penses que tout ça c'est de la masturbation intellectuelle » ! Attends !.... - Mais n'importe quoi ! J'ai absolument pas besoin de la reconnaissance de mes parents.... Je m'en fous total... Et c'est pas parce que t'as jamais pu les encadrer... - Ouais alors ça c'est... Ouais, enfin c'est peut-être pas aussi simple que ça non plus ! Alors, ok, ils jurent que par les grandes écoles, ok j'ai fait espagnol et dans leurs « p'tits schémas » comme tu dis, c'est naze, mais bon... j'ai assez de recul pour savoir qu'on se construit aussi un peu contre les schémas des parents donc... - Mais putain... mais j'ai pas honte de dire que j'ai fait espagnol ! Mais c'est quoi ce délire ! Simplement, j'en éprouve pas une fierté particulière au point de le crier sur tous les toits tout le temps c'est tout ! - Non, c'est pas vrai, l'autre soir quand Aurélie est venue dîner, on en a parlé, alors... - Mais si tu savais ce que je m'en branle d'HEC ! Non, mais j'veux dire, elle a fait HEC tant mieux pour elle, qu'est-ce que tu veux que ça m'foute ? - Ben absolument pas. J'ai aucun problème avec l'image de ce que je suis. Il remonte la cuvette des toilettes. -Je disais que là en ce moment, je me sentais mal parce que j'avais pas de boulot c'est tout... Ça a rien à voir. Il urine - Ouais, ok, j'suis d'accord, mais j'ai pas plus de respect pour un boulot d'ingénieur, de DRH ou de je sais pas qui qui sort de l'ESSEC, des Mines ou de Sciences Po que pour un mec qu'a fait la fac... Bon enfin je veux dire c'est bon quoi... Le problème, c'est avoir du taf ou pas, le reste.... ça va, j'ai dépassé ça ! - Mon problème, c'est que j'ai toujours pas trouvé mon mode de subjectivation ?... Ouais, ouais... sans doute... Bon ben je vais te laisser dans ton mode de subjectivation de responsable marketing alors... Et moi tu sais ce que je vais faire ? Ben je vais prendre le dernier kiwi qu'est dans la corbeille, comme ça j'aurai au moins un peu de vitamines pour affronter ma journée de sous-subjectivité ! - Ben ouais j'suis lourd... qu'est-ce que tu veux ? J'ai fait espagnol, j'ai pas fait légèreté... Allez tchao. Il tire la chasse. ARTE Radio.com - I'm not changing the subject, dammit! You say that going to these talks will help me see things differently! With your superior tone... Like, "You're just like your parents. You think all that's intellectual masturbation." Hold on... - Don't be stupid! I don't give a damn about my parents' approval... And not because you can't stand them. - Now that's... Maybe you're oversimplifying things. Okay, they're obsessed with the top schools and I did Spanish, so that sucks, as you say.... But I know that you grow by kicking against your parents... - Jesus! I'm not ashamed to say I did Spanish. You're out of your mind! It's just I'm not so proud of it that I have to shout it from the rooftops! - That's not true. When Aurélie came to dinner, we talked about it. - Screw business school! She went to business school, good for her, but what the hell do I care? - Absolutely not. I have no self-image problems, thank you. - (raises the toilet seat) All I was saying was that I was down because I'm out of work. That's totally different. (he pees) - Okay, sure, but I have no more respect for an engineer, executive or Varsity scholar than a guy with a community college diploma... Seriously, cut it out... The big issue is having a job or not... I've got over everything else. - My problem is I haven't found my mode of subjectivation?... Yeah, right... I'll leave you in your marketing exec mode of subjectivation... You know what I'm gonna do? Eat the last kiwi to ensure I have enough vitamins to cope with my day of sub-subjectivity! - Sure, it's not funny... I studied Spanish, not comedy... Right, bye. He pulls the flush. ARTE Radio dot com. Episode 3: Le survêt’j’en peux plus là Enregistrements : 6 juin 12 Interprète : Elisabeth Hölzle Assistante réalisation : Sara Monimart Texte : Jean-Charles Massera Réalisation : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Mixage : Arnaud Forest Production : ARTE Radio Lieux de tournage : Studio Voix de femme dans un supermarché. Elle fait ses courses tout en appelant. - J'te dérange ? T’es dans le train là non ? - Écoute, j’en peux plus d'ses survêtements là... Non, mais je sais, dis comme ça c’est con, mais là j'craque... Pourtant t’es témoin, j’ai vraiment essayé de faire des efforts... (Interruption de la conversation : vous pouvez vous excuser quand même…) - J'veux dire heu... l’épilation intégrale, c’est pas à toi que j'vais l’apprendre, ça m’a quand même coûté un gros travail sur moi-même... Donc de ce côté-là, j'crois que j’ai fait ma part de boulot. Là, c’est sûr que les prochaines vacances à la mer avec les parents, ça risque d’être compliqué... - Mais ouais, j'fais ce que j'veux avec mon corps, mais bon on voit que t’as pas été élevée par une mère féministe... Franchement la foufoune de ptite fille autour du barbeuque cet été j'le sens moyen... - Mais ouais... Non pas que le barbecue évidemment, t'es bête... Mais bon, ouais ils sont... enfin, ils sont naturistes quoi ! - Ouais... Enfin, c’est pas une spécialité allemande non plus... Interruption de la conversation. La voix s'adresse à un vendeur : - excusez-moi, vous pouvez me prendre le paquet de pâtes qu'est là-haut ? J'suis un peu trop p'tite... Heu... Celui-là ! Merci. Bruit du paquet de pâtes qui atterrit dans le caddie. - Enfin bref, c'est pas le problème ! Donc ouais j'fais des mégas efforts pour lui alors que lui... - Ah ben si ! ... Ah mais j’en peux plus, mais à plein de niveaux ! Ah ben déjà au niveau du respect de soi ! Episode 3: No more track pants Recorded: June 6th, 2012 Actress: Elisabeth Hölzle Assistant director: Sara Monimart Author : Jean-Charles Massera Co-direction : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Sound design and mixing: Arnaud Forest Produced by ARTE Radio Recorded in studio. Woman's voice, calling as she shops in a supermarket. - Bad time? Are you on the train? - Look, I can't take it anymore. No more track pants! I know, it sounds stupid, but I've had enough... You know the efforts I've made... (conversation interrupted: You could at least say sorry). - I mean... I don't have to tell you, the full wax was nearly a deal-breaker... I think I've done my bit. The next vacation by the sea with the in-laws is going to be tricky. - Sure, it's my body, but you clearly weren't raised by a feminist mother... Seriously, the prepubescent pussy look at the barbecue this summer, it's not me. - Yeah... No, the barbecue's not the problem, dummy... Sure, they're... They're naturists... - Yes... Sure, but not only Germans. Breaks off. To store assistant. - Excuse me, can you get a pack of that pasta for me, please. I'm too small. Thanks. Pasta tossed in the cart. - That's not the point. I make mega-efforts for him and he... - I do! ... It's repulsive on so many levels. Self-respect, to start with. - Attends, ttends, ttends, ttends, ttends... Le survêt' Carrefour informe qui fait des grosses pointes sur les genoux avec la bite qui s'balade dans l'creux avant du pantalon, si tu veux là j’en peux plus ! Et puis t’as les shooes et la veste qui vont avec aussi... Ah non c’est atroce ! Non mais j'veux dire à ce niveau-là c’est même plus manquer de tenue, c’est... Des annonces au micro à l'intérieur du magasin. - Ah ben oui !... Ah mais attends, toi tu croyais que ça me posait pas de problèmes ? Toi, tu croyais que j'vivais ça super bien ! - Mais...Mais la jupe quasiment ras la touffe ! Qu'est-ce que tu crois ? C'est pour que monsieur bande ! Et puis qu’y mbaise un peu d'temps en temps ! Parce que sinon c’est repos sous le jogging 24h sur 24, 7 jours sur 7 ! J'peux te le dire !... C’est bien ça l'problème. Moi j'dois lui donner une image qui l’excite, mais lui tintin ! Hé ouais... - Mais... Evidemment que c’est une image... et je sais que c’est super misérable, mais tu veux que j'fasse quoi ? J'm’habille normalement, il me regarde pas ! Donc je fais quoi moi ? J'vais voir ailleurs ? J'achète un chariot de piles pour l'vibro ? Sons de sacs plastique pour les légumes A voix basse : - Non pas le canard, non j’en ai un autre un peu plus... enfin un autre qui m’aide un peu plus à tenir déjà... Mais bon, j’ai pas décidé de faire ma vie avec un vibro ! Non, puis moi ses couilles qui pèsent dans le survêt', j’ai honte, mais j’ai honte ! Ça me renvoie une image, mais une image... Ben déjà l’image de moi avec une jupe ras la touffe, ça c’est clair, de ce côté-là, y a cohérence... Mais quand même, tu te rends compte, le comble, c’est que c’est lui qui me demande d’être sexy... Non mais on croit rêver. Lui, il veut une image de toi, par contre lui, il n'a aucune image de lui. Enfin, il a aucune conscience de l’image qu’il renvoie et de ce que ça dégage ! Et alors d’ici à ce que ça lui passe un jour par la tête que je puisse un tant soit peu, en tant que nana, moi aussi ééééventuellement avoir une image de lui qui m’excite, alors là heu... Son de caddie de courses qui heurte quelque chose. - Aïe! Oh merde ! - Attends mais comment ça je suis dur ? Mais c’est lui qu’est dur !!! Hé faut pas inverser les rôles là ! Pourquoi moi je devrais le faire bander et lui ne rien faire pour me faire mouiller ? Après ça, il s’étonne que j’ai zéro envie et que je mouille quasiment jamais ! Ben évidemment ! - Hein ? Je parle comme un mec ? Attends... Tu me dis que je parle comme un mec parce que j’émets l’idée que moi aussi j’ai le droit d’avoir des désirs ? Ah non, mais attends, mais c’est l’hallu ça ! C’est toi qui me dis ça ?... Bon, tu me diras, une nana, elle a besoin de sentir qu’on la désire pour être excitée... Mais moi la bosse dans le survêt', c'est plus fort que moi, je peux pas ! Sons de caisses. - Mais je les aime toujours ses fesses, c’est pas le problème ! Mais dans un jean ! - Hold on... Shapeless track pants with the knees sticking out and his dick dangling in the saggy crotch, no way! And matching sneakers and top, too... It's horrendous. It's beyond neglecting your appearance, it's... Store announcements. - Right! ... You thought I was okay with it? You thought it made me happy? - The pussy-flashing mini-skirt, obviously! To get him hard. So he'll slip me one from time to time. Because it's floppy in the track pants 24/7. You bet! That's the problem! I've got to turn him on, and he does nothing for me. Right! - I know it's an image and I know it totally sucks, but what can I do? If I dress normally, he won't look at me. What then? I cheat on him? I stock up on batteries for the dildo? Bags of vegetables rustle. Whispers: - No, not the duck. I have another one that's more... One that helps me grin and bear it. But I didn't shack up with a dildo. And his balls dangling in his pants. I'm so embarrassed! I get an image in my head... I mean, the image of me in a micro-skirt, okay, that makes sense... But do you realize? He asks me to dress sexy… You couldn't make it up. He wants total horniness, but screw what I want. He doesn't realize the image it projects! And I won't hold my breath for it to occur to him that I, as a woman, might like to have an image of him that turns me on... Cart bumps into something. - Ouch! Shit! - I'm being mean? He's being mean! Not the other way around. Why should I get him hard if he won't get me wet? And he's surprised I never feel like it and never get moist. Obviously! - I sound like a guy? I sound like a guy because I suggest I have a right to feel desire? Hold on, this is nuts! Are you serious? ... Okay, so a chick needs to feel desired to get turned on, but the lump in the track pants doesn't do it for me! Checkout. - No, I love his butt. That's not the problem. In jeans! S'adressant à un autre client : « Non, non, j'ai pas beaucoup d'articles, vous attendez comme tout le monde ! » - Donc qu’est-ce tu veux qu’je fasse, que j’aille le violer au boulot ?... Parce que là évidemment, il y va encore en jean... Il en est pas encore à... Enfin bref, ça me déprime total... Après tu m’étonnes qu’il y ait des violences conjugales qui vont jusqu’au viol ! S'adressant à la caisse. « Non, cet article c'est pas... C'est à moi ça, c'est les piles... Merci. » Bip des articles à la caisse. - Ah ouais tu vois pas le rapport ?... Bah, la nana qu’a plus envie parce que le mec fait plus attention à lui et force la nana parce que justement elle a plus du tout envie de lui... La caissière lui indique le prix des articles : « - ça fait 11 euros et 46 centimes s'il vous plaît. A la caissière : « En carte bleue... » - Enfin ce dont on parle depuis tout à l’heure là... La caissière : « Vous avez la carte Auchan ? De nouveau, s'adressant à la caissière : « Non, j'ai pas la carte Fidélité... » - Ben ouais et il y en a plus qu'on le croît ! - Mais bon, les mecs ils sont aussi convaincus qu’il y a qu’eux qui ont besoin d’images pour les chauffer, que nous on doit se faire belles, c’est dans nos gènes. Eux à partir de là, ils en déduisent qu’ils ont zéro effort à faire... La bosse dans le jogging a besoin de la bombasse du film de cul et toi, ta vie, c’est de gérer ton rapport à la bombasse. Cool la vie ! J'adore ! Et puis grosse place pour toi en tant que juste toi-même !... Bon bref, je vais arrêter de te prendre la tête avec ça parce que... Je dois payer en plus... Ouais, on s'appelle la semaine prochaine, quand tu veux, ok. Ciao. Elle raccroche le téléphone. ARTE Radio.com To another customer: No, I don't have much. Wait your turn. - What do you expect me to do, rape him at work? Of course, he works in jeans. He hasn't... God, this depresses me. Rape in marriage, tell me about it! To the clerk: No, the batteries are mine... Thanks. Register beeps. - You don't follow me? The girl who's turned off because the guy's such a slob, so he forces her because obviously she doesn't want it. Clerk: That's 11.46 euros, please. To the clerk: By card. - I mean, what we've been talking about. Clerk: You have the store card? To the clerk: No, I don't. - Sure, more than you think. - But guys think they're the only ones who need horny images and that looking sexy is in our genes, so they jump to the conclusion that they don't have to work for it. Floppy pants needs the hot porn chick image, so get over it! Isn't life cool? I love it. And lots of room for you to be yourself. Anyway, I'll let you go... I have to pay anyway. Yeah, talk to you next week. Whenever. Ciao! She hangs up. ARTE Radio dot com. Episode 4: C’est mon écharpe, c’est ça ? Enregistrements : 7 juin 12 Interprète : Guillaume Hincky Assistante réalisation : Sara Monimart Texte : Jean-Charles Massera Réalisation : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Mixage : Arnaud Forest Production : ARTE Radio Lieu de tournage : Studio Voix masculine qui appelle d’un quai de gare. Sons de chariots qui passent. - Ouais, c'est moi... Heu... Tu me fais la gueule ?... - Ouais ben ouais, je sais que t'es dans le train, tu viens de me planter sur le quai comme si j'étais... Ben je sais pas... C'est à cause de mon écharpe, c'est ça ? - Ben ouais je sais c'est nul, c'est une écharpe de supporter donc... Ben ouais pour toi c'est vulgaire... Toi t'es quelqu'un de classe, tu t'habilles avec finesse toi... C'est pas fin une écharpe de supporter avec des écussons... Et puis ouais ouais, ça renvoie à des comportements, ben des comportements avec lesquels t'as un peu de mal quoi... Ouais, c'est sûr, quand t'es toute seule à côté de gens qui portent tous la même écharpe avec des grosses couleurs criardes, avec des écussons un peu grossiers là... c'est compliqué. Non, non, mais je sais, ça te dégoûte. Sons de tickets que l'on valide. - Bah attends, tu te souviens plus des trois jours qu'on avait passés en Angleterre, quand on avait pris le train pour aller à Liverpool là ? Quand on était allé voir ton expo , à côté du musée des Beatles... Ouais c'est ça, la Tate Liverpool... Bon ben là t'étais super mal ! Je me souviens : on a failli pas monté dans le train. Tu voulais téléphoner à l'hôtel pour annuler la piaule tellement tu te voyais pas faire le voyage au milieu des supporters qu'avaient envahi les wagons. Et tu vois, c'est là en te voyant me dire au revoir sur le quai que j'y ai repensé... T'avais exactement la même tête ! Sons de roulettes de valises sur un escalator. - Ah oui complètement ! Mais je t'ai revue, comme si on était sur le quai de la gare à Londres, pareil ! Exactement le même rictus super tendu là... Quand tu méprises les gens. Le MÊME ! Tu t'en rends même pas compte ! Episode 4: It’s my scarf, right ? Recorded: June 7th, 2012 Actress: Guillaume Hincky Assistant director: Sara Monimart Author : Jean-Charles Massera Co-direction : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Sound design and mixing: Arnaud Forest Produced by ARTE Radio Recorded in studio. Male voice calling from a train platform. Carts roll by. - Yeah, it's me. Are you mad at me? - Sure, I know you're on a train, you just blew me off on the platform. Because of my scarf, right? - I know it's dumb, wearing a soccer club's scarf. Sure, you think it's vulgar... You're classy, you wear elegant clothes... A soccer club scarf with the badges isn't elegant... I know, it reminds you of behavior you can't stomach... Yeah, sure, all alone next to loads of people wearing the same scarf, in garish colors with stupid badges... It's tricky. Yeah, I know it disgusts you. Tickets being stamped. - Hold on, don't you remember our long weekend in England when we took a train to Liverpool? That exhibit you wanted to see next to the Beatles museum... Yeah, right, the Tate Liverpool. You took one look and nearly didn't get on the train. You were about to cancel the hotel because you couldn't face traveling with all those football fans. You kissing me off on the platform just now brought it all back... You had the exact same expression! Suitcase on an escalator. - Totally. Just like when you were on the platform in London. The same uptight grin... The same condescending grin. You don't even realize. - Ouais mais non, mais là c'était... mais c'est exactement cette même gueule que t'avais tout à l'heure. Et moi, je me souviens dans le train, (on entend une femme qui demande un renseignement au loin ) j'étais assez mal parce que je m'étais dit, « putain elle le sait pas encore, mais quand elle va l'apprendre du coup… »... Ben ouais, ben ouais, ouais parce que justement je t'avais pas encore dit que je venais de prendre un abonnement au PSG... (Annonce SNCF pour un train sur le départ ) Ouais, alors ok, c'est vrai que dans le train, c'était un peu extrême... - Non mais ok, c'était super dur. Non mais c'est vrai, ça puait la bière et la transpiration. Ils chantaient super fort, y en avait partout c'était atroce... bon... Mais par rapport à mon écharpe, j'ai vu le mépris dans tes yeux, han... Ça a été super dur tout d'un coup pour toi de dire au revoir à un mec qu'allait dans un stade... T'avais honte d'être avec moi en fait, non mais j'ai bien vu. Si on avait été dans un hôtel super luxe ou dans un restau, encore je peux comprendre, j'aurais fait un peu beauf et là ouais, ouais, j'aurais pu comprendre que t'avais du mal à m'embrasser, mais là, putain, à la gaaaare... En fait, là, t'as pris conscience que j'étais un supporter... Que tu vivais avec un supporter... Sons des panneaux d'affichage, l'ambiance sonore évolue en une note continue... En s'énervant un peu et en baissant la voix : - Non mais hé, attends, tout le monde va pas voir les putes pendant la coupe du monde hein... Ok, ok, on en a vachement parlé à la télé tout ça, mais bon... c'est comme dans la vie... T'en as partout des prostituées, c'est pas parce que tous les mecs vont... C'est pareil avec le nombre de morts dans les stades, faut arrêter quoi... - Mais non, ok je botte un peu en touche là, mais... tu vois ce que je veux dire, j'suis pas pas une brute épaisse non ?... Enfin tu vois comment on est, comment je suis, comment je suis avec toi j'veux dire... ça va, non ?... S'énervant de plus en plus : - Mais faut pas mettre tout le monde dans le même sac là... Par exemple, Patrick tu le connais ! - Mais putain, c'est pas parce… C’est pas parce qu'il y avait des prostituées spécialement arrivées que... Patrick et moi, on a jamais... - Tu m'emmerdes !!!! - Les supportrices, elles faisaient comment ? Mais j'en sais rien moi... Au fur et à mesure la voix de l'homme change pour finalement l'entendre à travers un combiné téléphonique. − Comment ça, je devrais me poser la question, mais surtout en dehors des stades de foot ? L'ambiance sonore de la gare évolue : les trains se font lointains et sourds, la note continue revient, on passe dans une nouvelle dimension sonore. - Sure, but it was the same stupid expression. I remember on the train... (a woman asks for directions), I felt sick, thinking, She doesn't know, but when she finds out... Yeah, because I hadn't told you I'd bought a season ticket for Paris Saint-Germain... (Train station announcement) I admit, that train was pretty hardcore. - Okay, it was hellish. I know, it stank of beer and sweat. They were singing their heads off, it was horrible... But you looked at my scarf with such contempt... Suddenly, you couldn't face saying goodbye to a guy going to a stadium... You were ashamed of me. I could see it.... If it had been a 5-star hotel or restaurant, I'd understand. I'd have looked an idiot... Yes, I'd have understood you not wanting to kiss me, but at the train station, dammit! You only just realized I'm a soccer fan... That you live with a soccer fan. Departure board rattles. Raises his voice, then lowers it: - Hold on, not everybody goes banging hookers at the World Cup... Okay, it was all over the TV news but... It's like everything... There are hookers everywhere but not everybody goes and... It's like the hysteria about killings at matches. Forget it. - Sure, I'm ducking it... I'm trying to say, I'm not a brainless moron... You know what I'm like, what I'm like with you... I mean... I'm cool, right? Angrier. - Don't lump everybody together! I mean, you know Patrick! - Shit! Just because... Just because hookers were flown in doesn't mean... Patrick and me never... - You're pissing me off here! - The women fans? How should I know? Voice changes, filtered by a telephone. - Whaddya mean, I should worry about that but not at the game? Train station fades out. We move into a new sound dimension. - (Chuchotant) Hé, mais attends, attends... En fait, t'es en train de me dire quoi là ? Que t'es pas satisfaite sexuellement ?... Enfin avec moi, je veux dire... Et puis ça y est là, ça y est maintenant avec l'écharpe, là c'est la fin de tout, là j'te répugne... C'est ça ?... Bon en même temps, c'est vrai que toi tu t'habilles super bien... Je le dis souvent d'ailleurs... alors que moi je... C'est vrai que c'est pas un truc qui m'intéresse quoi... - (Haussant le ton) Ouais ben tu vois, ça cachait bien quelque chose... Je me disais bien qu'il y avait un truc. Bon ben maintenant qu'on y est, vas-y dis-moi... Ben vas-y, crache, là maintenant que t'as lancé le truc... - Une question...de souci de soi ! Wouah ! Ah ouais ! Tu peux un peu traduire là stoplaît parce que tu sais nous on va au stade, donc on n'a pas souvent l'occas’ d'aller à la médiathèque... Alors ? - Aaaah… c'est vrai que je passe pas ma vie à regarder les magazines de mode... Non, ça c'est vrai que... Enfin je bosse hein... j’veux dire j'ai pas que ça à foutre... - Non, mais c'est pas ce que je voulais dire... Mais bon c'est pas pareil, j'suis un mec, j'vais pas... Vous, c'est normal quoi... - Moi j'aime bien quand t'es bien habillée... Pourquoi tu me dis ça ? Tout le temps des compliments... ça tu peux pas dire le contraire. -Si tu fais pas ça, j'te rgarde plus... Ben non non. L'ambiance sonore se fait de plus en plus étrange, des notes tournent comme des sirènes de trains. - Quand on a refait la peinture chez toi... Ah ouais, ouais, c'est vrai qu'on n'a pas beaucoup... Enfin oui, oui, on n'a pas fait l'amour, oui, oui... Oui ben bon ça arrive... Un chariot passe au loin. - Oui, bon trois semaines... Non mais c'est pas parce que t'étais en jogging... C'est... Enfin ça a rien à voir. Et puis attends, je t'ai jamais demandé de t'habiller... -Comme une pute ! Mais alors là c'est... Han... C'est vrai que j'aime bien quand t'es habillée un peu sexy, mais comme tu fais enfin... avec du goût... Enfin voilà, c'est pas non plus... L'ambiance sonore s'arrête. La voix de l'homme revient brut, à blanc : - Qu'est-ce qu'elles ont mes sandales Decathlon ? C'est des sandales de mecs, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? -Ça me grossit les pieds ! Okaaay. Ah non mais alors là désolé de m'habiller comme un sac hein... Dis donc... Donc ouais là c'est pas que l'écharpe...(il se racle la gorge) Là, c'est un tout quoi... J'te répugne... Avec mes copains supporters, mes pieds... Okay... Bon ben... Qu'est-ce tu veux dire après ça ? (il se touche la barbe et il souffle) Bon écoute, là je crois que je vais te laisser car je sais vraiment plus quoi te dire. Ouais... Bon ben... sa... salut ! Il raccroche le téléphone. ARTE Radio.com - (whispers) Hold on... What are you saying? That you're sexually frustrated?... With me, I mean... Okay, I get it. With my scarf, that's it. I revolt you now.... Right?... You always look so good... I keep telling you... And I'm just... I'm just not interested. - (raises voice) See? It was hiding something.... I knew something was wrong. Come on now, tell me straight... Spit it out, now you're on a roll. - A question of self-respect? Wow! Right! ... Translation, please, 'cos we're too busy chanting to read books. Well? - Ah... As if I have time to waste on fashion magazines... No, I mean... I've got a job... I have other stuff to do. - No, that's not what I meant... It's different. I'm a guy, I'm not... It's natural for you girls... - I like it when you dress up... What? ... I'm always complimenting you.... You can't say I'm not. - Do that and I won't look at you again... No, no. Strange mood change. Notes like train horns. - When we repainted your place? Yeah, right, we hardly... Sure, okay, so we didn't make love... I know. It happens. Carts roll past. - Okay, three weeks... No, it wasn't because of your track pants... That's irrelevant. Hold on, I never tell you what to wear. - Like a hooker. That's... Sure, I like it when you dress sexy, but in your own style... tastefully... It's not exactly... Background sounds cut out. - What's wrong with my Walmart sandals? They're guys' sandals, that's all. - Like I've got big feet? Okay, I apologize for dressing like a slob... Say... It's not only the scarf, is it? (clears his throat) It's everything. I disgust you... My football friends, my feet... Okay... right... What can I say to that? (scratches beard, sighs) Look, I think I'd better go because I've no idea what to say to that. Yeah... Right... Bye! Hangs up. ARTE Radio dot com. Episode 5: Non mais là ça dépasse tout Enregistrements : 9 juin 12 Interprète : Guillaume Hincky Assistante réalisation : Sara Monimart Texte : Jean-Charles Massera Réalisation : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Mixage : Arnaud Forest Production : ARTE Radio Lieux de tournage : Studio Voix masculine appelle en mangeant. Durant toute la conversation, on l'entend manger dans son appartement. -Ouais salut... Ah j'te dérange là ? Rires par dessus la voix lointaine de son correspondant Il prend une bouchée. - Bon je me suis dit que tu serais peut-être chez toi et qu'on pourrait se faire une petite soirée téléphone, à défaut de soirée télé !... Ouais, ouais, ben vas-y vas-y... - humm... Et tu l'as fait toi-même ? Ben moi, je sais pas les faire, donc je les prends en bouteille. Sons de couverts dans l'assiette. - Mais bon moi ce soir, c'est pâtes, pâtes bolo'... C'est un peu dégueu ouais, je sais pas pourquoi ils coupent les pâtes comme ça... Enfin bon... - Ah dis donc en parlant de soirée télé naze... Est-ce que t'as regardé hier ? - Ah putain, écoute ! J'ai regardé un truc... hum... Comment dire... Ben qui m'a vachement gêné. Je sais plus sur quelle chaîne c'était, mais c'était hyyyyper gênant, quoi. C'était un débat... enfin un débat, une sorte de talk-show comme il y en a plein là... super affecté, mais mais vraiment ! Oui, non mais là, la manière dont ils se comportaient, je te promets, j'avais du mal à les mater tellement c'était gênant ! Non mais attends... D'abord, ils faisaient comme s'ils étaient super potes... Ils étalaient vraiment ça avec des sourires de cons, mais de cons ! Comme c'est pas possible... Mais non, mais ils s'envoyaient des compliments tu sais qui faisaient super faux. Putain, j'te jure c'était ouf ! Il prend une gorgée d'eau. Episode 5: That beats it all Recorded: June 9th, 2012 Actress: Guillaume Hincky Assistant director: Sara Monimart Author : Jean-Charles Massera Co-direction : Arnaud Forest & Jean-Charles Massera Sound design and mixing: Arnaud Forest Produced by ARTE Radio Recorded in studio Male voice calling while eating in his apartment. - Hi, is this a bad time? (Laughs) Another mouthful. - I thought you'd be home and we'd have a night on the phone, instead of watching TV. Yeah, sure, go ahead. - You made it yourself?... I wouldn't know how. I buy it in bottles. Knife and fork click. - Pasta for me tonight. Bolognese... It's gross. Why do they cut the pasta like that? Anyway... - Talking about watching crappy TV... Were you watching last night? - I saw something—how can I put it?—that really made me squirm. I can't remember which channel, but it was squirm-inducing. It was a debate or one of those talk shows, you know... Totally mannered. Seriously... Just the way they were acting I could hardly watch. I mean it... Pretending to be great pals... With those idiotic smiles on their faces. Idiotic, like you wouldn't believe... And gushing over each other like total phonies. I swear, it was insane. Sip of water. - Non mais arrête de répéter ça, je sais bien que c'était la télé, mais je te promets que là ça dépassait vraiment... -Ah mais non non non non... c'était pas du tout des people, c'était des journalistes de la chaîne, et leur patron ! Il se ressert un verre d'eau. - Non, non ! Pas le patron de la chaîne, le patron du groupe auquel APPARTIENT la chaîne ! - Mais si, si ! Non parce que, vraiment là, ça atteignait des sommets. Mais je sais pas quel genre... justement, je sais même pas s'il y a des mots pour ça, tellement c'était pas possible. - Mais attends tends... Imagines : les mecs qui viennent te raconter que c'est plus qu'un patron, que c'est un copain ! Rires Hé ouais, voilà, exactement : un COPAIN ! Que c'est une aventure humaine ou je sais pas quelle connerie... Et toi, tu dois gober en regardant ça, hein... - Ouais, ouais, ouais... Et alors attends... Tu vois le « Patron », enfin le copain, de faire genre super décontracté avec sa gueule bronzée aux UV !!! Non mais là tu vois, c'était même plus du cirage de pompes ou de la lèche !... Là c'est... C'est ailleurs...wahou c'est... Sons de couverts dans l'assiette. - Non mais d'accord... Alors attends, le présentateur encore, tu peux comprendre... - Ouais, voilà ! C'est son rôle de jouer au con, d'orienter la conversation vers des trucs biens niais, genre « ouais, on est tous des potes, etc. »... Ça, c'est la télé, d'accord... Mais le journaliste ? C'est pas un journaliste, je sais pas, comme tu dis « du service des sports » ou « l'animateur sympa genre télématin », etc. Non, non, non,non ! Non, non ! Le mec : journaliste « politique » ! - Hé si ! Si ! Genre le grand journaliste que tu te tapes dans les grands débats là, tu sais style « ce soir on invite le président ! » etc... Il prend une bouchée et mastique. - Mais si, si ! Quand je te dis que c'était... En fait... Tu vois ce que ça veut dire... Attends... J'en ai foutu partout... On l'entend essuyer avec une serviette en papier la table. - Parce que ouais je te rappelle que le groupe là, c'est évidemment pas un groupe de presse. Ben non ! La presse, c'est juste UNE des activités du groupe. Et les autres activités du groupe, bah imagines... Qu'est-ce que c'est ? - Et ben ouais, c'est simple : ça touche tous les secteurs clés, enfin l'économie quoi. Non mais là, c'est plus obscène, là... là...(il prend une bouchée) non mais... c'est pire qu'obscène ! - Stop saying that. I know it's TV, but this beats it all, honestly. - No, no... They weren't celebrities. It was the channel's reporters and their boss. Refills glass. - No, not the station boss. The boss of the corporation that owns the station. - Seriously... It was so over the top. I don't even know if there are words to describe how over the top it was. - Just imagine, they're telling you he's more than a boss, he a pal. (laughter) I know, exactly... A pal! That it's all a great big adventure or some shit like that... And they want you to buy that. - Yeah... Hold on... And the boss-buddy plays it cool with his sunbed tan! It wasn't just licking his boots or even his ass, it was just so... wow! Knife and fork click. - Sure but from the presenter you expect it. - Precisely! He's there to suck up and get a fluffy conversation going, like we're all friends here... Sure, that's TV... But the reporter? He wasn't a sports reporter or the morning TV guy. No, he was a straight-up political journalist. - He was! The guy who gets all the glory stuff, like interviewing the president. Bites. Chews. - Seriously, it was absolutely... You see what this means? Hold on, I've made a mess.. Wipes with a paper towel. - Remember, the corporation isn't a media company. No way! That's just one part of their operation. And the other parts... Can you guess? - It's obvious. Every single key sector of the economy... No, it's not just obscene... (another mouthful) It's worse than obscene! - Mais non, mais non. Non, non ! (il s'énerve, s'arrête de mastiquer et pose sa fourchette dans son assiette) C'est réduire les spectateurs et les spectatrices à des connes et des cons, c'est partir du principe qu'ils ont juste plus de cerveau... qu'ils sont incapables d'analyser, de recontextualiser les conneries qu'on est en train de leur balancer... C'est plus du foutage du gueule, là, c'est du cynisme ! Alors, est-ce que c'est de l'asservissement volontaire ? Ça j'en sais rien quoi... De la dépossession plutôt. - Bah de ta liberté... ta capacité d'analyse... Ton droit de critique... Enfin ça va loin quoi... - Ben ouais, ouais, tu me diras, ça doit être super chouette d'être dépossédé par un copain... D'être contrôlé par un pote qui vient prendre le café avec toi le matin... Ah ouais, parce qu'il y avait ça aussi : le mec racontait que le matin pendant sa chronique, le patron venait prendre le café... Ah non, mais je te jure, c'était hallucinant ! Il reprend une bouchée. -Ouais, ben moi du coup j'ai plus faim. Il pose sa fourchette de nouveau - Ben écoute, ouais t'as raison, on a qu'à dire qu'on va se coucher. On se fait une vraie bouffe la semaine prochaine ? - Ah ben cool, cool, et ben écoute tu m'appelles, quand t'as du temps on voit ça ? Ok, ben super. Bon, ben écoute, je te laisse là du coup. - Ok, bisous. Ciao, ciao. Il raccroche. ARTE Radio.com - No, definitely not! (snaps, stops chewing, puts fork down) They're turning the viewers into complete idiots on the basis that they have no brain and that they can't analyze any of this bullshit or put it into context. They're not just laughing at us, it's total cynicism. So, are we accomplices in our own slavery? I've no idea... It's more like we're dispossessed. - Your freedom. Your capacity to analyze... Your right to criticize... All that, you know. - Sure, it must be great to be dispossessed by a buddy... Being controlled by a buddy who stops by your desk for coffee every morning. I'd forgotten that... The guy told a story about the boss stopping by for coffee while he was on air... Seriously, it was nuts. Another mouthful. - That's ruined my appetite. Puts his fork down. - Yeah, you're right, it's time for bed. Let's grab some dinner next week. - Cool. Call me when you're free, okay? Great. See you then. - Okay, ciao. Ciao. He hangs up. ARTE Radio dot com.