Omar Fassatoui Doctorant FDSPT, Université Tunis El Manar

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Omar Fassatoui Doctorant FDSPT, Université Tunis El Manar
Omar Fassatoui
Doctorant FDSPT, Université Tunis El Manar
Sciences Po. Aix , Aix Marseille Université
Les principes et leurs mécanismes
d’évaluation
Définie comme « une réflexion pluridisciplinaire sur les effets
des sciences de la vie sur la société ». La bioéthique
accompagne aujourd'hui les progrès de la biomédecine en
imposant un cadre à la recherche et aux applications
biomédicales.
 La bioéthique semble émaner d’une réflexion internationale
commune sur l’avenir de l’humanité face à la nouvelle
maitrise sur le vivant que confère la biomédecine.
 La bioéthique a dû être pluridisciplinaire, car la biomédecine
soulève des questions de plusieurs ordres. Ces questions ne
se posant pas de la même manière dans les différentes
sociétés du monde, il a également fallu que la bioéthique
soit une réflexion internationale.
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L’aboutissement de cette réflexion bioéthique résiderait
dans ces grands principes sur lesquels s’accordent
toutes les nations comme un devoir être bioéthique.
Le droit - comme moyen du politique et d’action
publique - s’étant avéré le meilleur outil pour la
bioéthique, il a fallu intégrer la réflexion bioéthique dans
la production normative internationale. Ce devoir être
bioéthique fait aujourd’hui l’objet de plusieurs règles,
textes et conventions de droit international.
Quand il est question d’évaluer ces principes, un
constat s’impose: La consécration internationale ne
serait pas une garantie d’effectivité. Car bien que
consacrés par le droit international, les grands principes
de la bioéthique souffriraient des limites de ce même
droit et d’autres limites liées à l’universalité de ces
mêmes principes. Nous invitant à penser à d’autres
mécanismes d’évaluation que la reconnaissance
internationale.
Limites du droit international en tant que
régulation par le haut
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1- les termes des textes à vocation internationale sont
généralement vagues afin de pouvoir répondre aux attentes de
toutes les parties signataires.
2-Une réflexion internationale sur les principes « universels »
pourrait difficilement intégrer toutes les spécificités
socioculturelles de chaque Etat
3- Les textes consacrant les grands principes ne servent que
de cadre ou de grandes lignes directrices destinés aux Etats.
4-Les textes internationaux sont souvent repris par des
conventions régionales culturelles comme par exemple celles
de la conférence islamique (OCI).
5-L’absence de coercition de ce « soft Law » rendrait difficile
toute harmonisation des législations à l’échelle internationale.
6- Peut t on réellement représenter 193 Etats ?
Limites de l’universalité
L’universalité voudrait que le « bio » de bioéthique couvre
toutes les formes de vie (animales, végétales). La
concentration sur l’Homme ferait presque oublier les
implications biomédicales sur l’environnement ( toutes formes
de vie confondues)
 La compréhension des grands principes reste très tributaire du
contexte de chaque aire géographique en fonction de son
histoire, sa culture et d’autres éléments:
 La dignité humaine autour de laquelle tourne toute la réflexion
bioéthique en est le meilleur exemple : même dans un
contexte occidental auquel la bioéthique et les droits de
l’homme en général sont souvent rattachés: La dignité sert en
effet de base philosophique à l’acceptation de l’euthanasie au
Pays-Bas et à son interdiction en France.
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Nous pouvons également réfléchir sur le principe de
consentement éclairé et d’égalité: appliqués aux dons
d’organes entre consentement éclairé et consentement
présumé. Sommes nous réellement dans l’universalité?
Comment parler d’universalité dans un monde où des cultures
trouveraient normal de disposer de son corps pour des fins
financières ou de favoriser le choix du sexe d’un enfant qu’on
considérait comme une pratique eugénique ailleurs?
Pouvons nous également parler d’universalité quand la
majorité des Etats signataires :
Ne vit pas dans des contextes démocratiques, où l’Etat
représente réellement le peuple et où les droits de l’homme
sont reconnus et respectés.
Ne possède pas les structures biomédicales susceptibles de
soulever les questions bioéthiques.
Comment peut on parler d’universalité quand ce qui est interdit
chez nous est légal chez nos voisins directs ?

Il faudrait donc modérer l’universalité de ces principes et
penser à des moyens qui permettrait de rendre la
réflexion bioéthique plus effective.
LE DROIT NATIONAL
Le Droit national : une régulation par le bas?
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On pourrait dire que l’évaluation des grands principes de
bioéthique semble dépendre plus de leur intégration dans
la législation nationale des Etats que dans le droit
international de la bioéthique.

Le droit national par opposition au droit international est
une régulation par le bas et ne risque pas d’être perçu
comme émanant d’une culture étrangère ( Bioéthique et
Droits de l’Homme sont toujours perçus comme produits de
la culture occidentale.
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Le droit national est plus apte à intégrer les spécificités
socio-cultuelles, historiques ou autres de chaque pays.
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A l’origine, les normes appliquées en matière de
bioéthique ont été une production nationale. Certes pas
juridiques puisqu’il s’agissait principalement de règles
déontologiques.
Ce sont les ordres des médecins et la pratique locale qui
ont été les premiers à dégager des règles qui se sont
appliquées pendant longtemps avant qu’on décide internationalement- d’y consacrer des textes
et
conventions spécifiques.
Le meilleur exemple est celui de la création des comités
d’éthiques au sein même des hôpitaux avant d’en avoir à
l’échelle nationale.
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Plus que le droit international, la coercition peut être plus
effective ou persuasive dans le droit national car elle
constitue une réalité plus directe (la violation de plusieurs
principes peuvent constituer des infractions au sens
pénal) face à la « virtualité » d’un droit international.
Rappelons que l’Etat est souverain et qu’il dispose d’une
large marge quant à la ratification et l’intégration des
textes internationaux dans sa législation interne.
La réflexion bioéthique nationale se développerait avec
moins de contraintes liées à cette recherche d’adhésion
internationale qui caractérise tous les projets de textes
internationaux.
Le droit national permettrait surtout une révision plus facile
des règles relatives à la biomédecine en fonction de la
réalité biomédicale du pays.
Conclusion:
La réussite de la bioéthique ne serait pas uniquement la production
d’un texte ou d’une convention. Le but premier est de protéger
l’humain en implantant l’éthique biomédicale chez tous les acteurs
de la biomédecine ( recherche et pratiques biomédicales).
 S’il est une bonne chose c’est que la réflexion ait pu aboutir à ces
grands principes. Mais nous pouvons dire que la réussite des grands
principes dépendrait d’une consécration en amont servant de cadre
ou de ligne directrice et surtout en aval pour créer une tradition
bioéthique nationale dans les pays en question.

La réflexion internationale contribue indéniablement à la
consécration des grands principes de la bioéthique. Car cela
correspondrait à un souci commun à toutes les nations du monde de
protéger l’humain là où il se trouve dans la planète.
 Mais l’humain n’étant pas uniquement un corps à protéger contre un
nouveau pouvoir biomédical mais également un contexte, une
culture à respecter, l’évaluation des grands principes passerait
indéniablement par le droit national.
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Ce qu’il faut retenir c’est que l’universalité est celle de la réflexion
bioéthique plus que celle des principes qui peuvent être compris de
manière différente voire très différente selon le contexte socioculturel:
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« Il n’y a nulle grandiloquence à affirmer qu’en cédant ou en ne
cédant pas devant un irrespect tout ponctuel de la personne, je
contribue à décider quelle humanité nous allons être. Principe de
moralité, le respect de la personne est ainsi principe d’humanité*»

Le principal enjeu de la bioéthique serait de définir l’humanité que
nous voulons être. Et cela n’est pas uniquement un travail
interétatique. « L’enseignement à tirer ne doit-il pas être que chaque
État doit avoir conscience du rôle qu’il doit jouer face à l’étendue des
enjeux de la biomédecine et des biotechnologies et, incidemment, de
l’engagement que les citoyens peuvent attendre de lui ?**»
*Recherche biomédicale et respect de la personne humaine. Explicitation d’une démarche, Comité consultatif national
d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Paris, la Documentation française, 198
** Brigitte Feuillet-Le Mintier « Normes nationales et internationales en bioéthique »,Revue française des
affaires sociales 3/2002 (n° 3), p. 15-30.
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Plus qu’une invitation à « être en conformité avec les
standards internationaux», le droit international de la
bioéthique devrait se munir de moyens de vérifier
l’adhésion réelle aux textes des conventions ainsi que leur
bonne et effective intégration dans les législations
nationales.
Pourquoi ne pas même envisager des
sanctions? L’avenir de l’humanité justifierait largement un
passage de la « soft » à la « hard Law »…
MERCI
POUR VOTRE
ATTENTION