Mémoire tout corrigé - Peace Palace Library
Transcription
Mémoire tout corrigé - Peace Palace Library
Vous allez consulter un mémoire réalisé par un étudiant dans le cadre de sa scolarité à l'IEP de Grenoble. L'IEP ne pourra être tenu pour responsable des propos contenus dans ce travail. En tant qu'oeuvre originale, ce mémoire relève du droit de la propriété intellectuelle et vous pouvez uniquement en faire une reproduction à titre privé, sous réserve de la mention d'origine. INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES BP 48 – 38040 GRENOBLE Cedex 9 www.iepgrenoble.fr UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE Institut d’Etudes Politiques de Grenoble Christophe SCIUS L’ARCHIPEL DES SPRATLYS ET LA QUESTION DU REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS Séminaire : « Règlement pacifique des différends, recours à la force et prévention des conflits internationaux » 2006-2007 Sous la direction de Mme BANNELIER-CHRISTAKIS 3 Liste des sigles et abréviations ARF : ASEAN Regional Forum ASEAN : Association of Southeast Asian Nations CBM : Confidence Building Measures CIA : Central Intelligence Agency CIJ : Cour Internationale de Justice CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale GRP : Gouvernement Révolutionnaire Provisoire JC : Jésus-Christ JO : Journal Officiel OMC : Organisation Mondiale du Commerce ONU : Organisation des Nations Unies PNB : Produit National Brut RDV : République Démocratique du Vietnam RPC : République Populaire de Chine RSV : République du Sud Vietnam TAC : Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques US : United States USA : United States of America ZEE : Zone Économique Exclusive 4 Sommaire Partie 1 : Le conflit territorial des Spratlys. Chapitre 1 : Les îles Spratlys. Section 1 : La situation géographique. Section 2 : Les intérêts stratégiques de ces îles. Section 3 : Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu. Chapitre 2 : Rapide historique. Section 1 : L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques. Section 2 : De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon. Section 3 : De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit. Section 4 : Les notions de date critique et de cristallisation du différend appliquées aux Spratlys. Chapitre 3 : Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public. Section 1 : Iles, habitables, ou rochers ? Section 2 : Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des problèmes de délimitation de frontières. Partie 2 : Les différentes revendications. Chapitre 1 : Les revendications les plus anciennes. Section 1 : Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam. Section 2 : La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps immémoriaux ». Chapitre 2 : Les revendications plus récentes. Section 1 : Les Philippines invoquent un res nullius. Section 2 : La Malaisie. Section 3 : Le Brunei et la continuité géographique. Partie. 3 : Les possibilités de règlement pacifique de ce différend. Chapitre 1 : Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement juridique. Section 1 : Les modes de règlements diplomatiques. Section 2 : Les modes de règlements juridiques. Chapitre 2 : La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale du 4 Novembre 2002. Section 1 : Le cadre de cette déclaration. Section 2 : Quelle est sa force juridique, son contenu. Chapitre 3 : Les autres solutions envisageables. Section 1 : Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté. Section 2 : Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté. 5 Introduction La mer de Chine méridionale est le théâtre d’un certain nombre de différends. Le plus important d’entre eux, de par sa durée, sa situation géographique et le nombre de protagonistes, est celui concernant la souveraineté sur l’archipel des Spratlys. Six pays se disputent cet archipel composé d’une myriade de petites formations étendues sur une grande surface située au sud-est de la mer de Chine méridionale. Ces îles furent longtemps considérées comme un danger pour la navigation, mais à partir du XVIIème siècle environ, leurs intérêts divers commencèrent à se montrer. Petit à petit les intérêts de ces îles grandissaient, ce qui a amené la convoitise de plus en plus d’Etats riverains de la mer de Chine. Cette situation entraîna des affrontements armés entre les prétendants, ce qui fît que le conflit fut montré dans les années 1980 et 1990 comme un des points « sensibles » du monde. Le conflit évolua ensuite à partir des années 1990, et surtout 2000 vers une baisse des tensions, malgré tout toujours présentes. Les Etats parties au litige commençaient timidement à suivre les normes du droit international applicable à un conflit : le non-recours à la force, l’obligation de négocier et le développement de la confiance. Ceci en vue d’arriver dans l’avenir à un règlement pacifique du différend, en passant éventuellement par des régimes de coopération plus ou moins contraignants. Malgré certaines suspicions envers le droit 6 international, « droit fait par et pour les pays occidentaux », ils cherchent aussi à l’utiliser pour prouver leurs droits en avançant des arguments juridiques très divers. Ils utilisent aussi la richesse des traditions asiatiques pour développer des concepts nouveaux qui favoriseraient un apaisement. Dans ce cadre, d’autres puissances ou groupes régionaux ont un rôle important à jouer. « Le nationalisme, c’est la guerre » a dit François Mitterrand en 1994 au Parlement Européen. Cette citation est valable pour le conflit sur les îles Spratlys, dont le nom occidental, qui sera utilisé tout du long de ce mémoire, vient du marin anglais qui cartographia ces îles vers 18801. Il existe d’innombrables conflits territoriaux de par le monde, et beaucoup sont dus, ou accentués par le nationalisme. Les Spratlys n’échappent pas à la règle. Beaucoup d’Etats du Sud-est asiatique partis au conflit ont une histoire moderne turbulente. Ils utilisent le nationalisme comme un « ciment » pour leurs régimes politiques. La République Populaire de Chine accorde aussi beaucoup d’importance au nationalisme. Le parti communiste, parti unique, l’utilise pour rester au pouvoir et pousser son pays vers plus de développement économique. Cette attitude peut certes avoir des bénéfices pour ces acteurs sur le plan national, mais sur le plan international, dans le cadre de conflits les impliquant, cela complique encore plus la situation. En effet, il est plus délicat pour eux de reculer sur certains points ou de faire des concessions pour faire avancer la situation. Au contraire, la pression nationale peut les pousser à avoir des réactions violentes, basées sur le court terme. Le moment important de tels conflits est quand les protagonistes comprennent qu’ils ont plus d’intérêts, tant au niveau national qu’international, à collaborer pour trouver une solution qui résoudra le problème sur le long terme. Pour les Spratlys, il semble que les Etats parties au différend commencent à prendre conscience de cela et évoluent vers un règlement pacifique du conflit. Néanmoins, cette avancée est très lente du fait de la complexité de la situation et de l’attitude de certains acteurs. Cette lenteur peut être frustrante pour certains, mais c’est peut être à ce prix que le règlement sera définitif et accepté par tous, le consensus étant essentiel. Le but de ce mémoire va être de regarder ce conflit complexe en détail, de comprendre ses enjeux et son évolution historique. Grâce à cette analyse en profondeur du conflit, ce mémoire va pouvoir analyser les revendications des différents protagonistes et voir, au regard de la doctrine du droit international public, les faiblesses et les forces de chaque dossier. De 1 SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly Archipelago and its implications for the future”, Conflict management and peace science, Volume 22, 2005, p.80. 7 même, grâce au droit international, nous pourrons regarder quelles solutions pacifiques ont été trouvées dans d’autres conflits de par le monde. Nous verrons si les protagonistes commencent à aller dans le sens d’un règlement pacifique, et de quel modèle ils pourraient s’inspirer. D’un point de vue du droit international public, du droit de la Mer et du règlement pacifique des différends ce conflit est très intéressant et très riche. En effet, étant donné que le conflit dure depuis plus d’un siècle, les normes de droit international ont changé avec le temps et donc quand nous étudierons les différentes revendications qui sont en partie basées sur des faits historiques, il faudra veiller à utiliser le droit en vigueur à l’époque. De plus, en dehors des six principaux protagonistes, un certain nombre d’autres acteurs sont impliqués dans ce conflit du fait de leur présence dans cette zone et de leur implication dans ce conflit à des temps anciens. C’est le cas des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Indonésie et du Japon. Le fait qu’il y ait autant de protagonistes rend le différend plus compliqué et mobilise plus de notions de droit international comme la succession ou la reconnaissance de souveraineté par un Etat tiers. De même tous les Etats argumentent leurs déclarations de souveraineté le plus possible et à chaque fois avec des arguments différents qui sont puisés dans des sources et des époques différentes. Cela va de l’occupation et l’administration effectives, au titre inchoate en passant par la contigüité géographique, la découverte et la notion de res nullius. Ces arguments sont basés sur des textes ou des cartes anciens, la Convention de Montego Bay, la Chartre des Nations Unies et autres que nous devrons tous analyser de près. Ce conflit nous amène aussi à aborder des notions de droit de la mer. Nous devrons mobiliser la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer2, afin de déterminer le statut exact de chaque bout de terre des Spratlys ; pour les délimitations maritimes ; les définitions des différents degrés de juridiction de la mer ; l’exploration et l’exploitation dans différentes zones ; le règlement pacifique des différends ; etc.… Enfin, pour régler ce conflit les acteurs pourront s’inspirer de ce qui a déjà été fait lors d’autres résolutions de conflits, ainsi que des normes de droit international public. Nous devrons donc analyser ces exemples de différents régimes de coopération et de méthodes de dialogue ou de règlement de différend, tout en cherchant à les adapter aux particularismes du conflit. 2 Elle fût signée le 10 Décembre 1982 à Montego Bay, Jamaïque. 8 Dans une première grande partie (I) nous commencerons par exposer la situation concrète de ces îles afin de poser clairement le cadre de cette étude. Il est important de savoir où elles se situent exactement et combien il y en a. De même, il convient de déterminer les intérêts de ces îles, qui sont nombreux et qui expliquent aussi le fait que les protagonistes ne veulent pas reculer sur cette question de la souveraineté. Nous parlerons aussi des six protagonistes3, mais aussi des autres pays que nous avons évoqués plus haut. L’histoire a aussi un grand rôle à jouer dans le cadre de ce conflit, il faut donc être très précis sur le déroulement des évènements qui peuvent avoir un effet sur les titres des uns et des autres. Nous ferons plus particulièrement attention à certaines dates qui sont considérées comme des moments clés du conflit. Pour finir de bien détailler le cadre de ce conflit nous détaillerons la définition d’une « île », d’un « rocher » et de d’autres formations marines qui ont un rôle important dans ce conflit. Nous utiliserons différents articles de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour nous aider. Dans la deuxième partie (II) nous nous intéresserons aux différentes revendications. Nous ferons une analyse de toutes les revendications des différents pays, en commentant à chaque fois les points forts et les points faibles de chaque dossier. Nous ferons une analyse en droit des arguments évoqués pour savoir s’ils sont valables et s’ils le sont quelle est leur force juridique, surtout en comparaison avec les autres revendications. Il est possible de diviser les revendications en deux groupes, ceux qui se basent plus sur des faits historiques, et les autres qui avancent d’autres arguments très divers. Finalement dans une troisième partie (III) nous nous poserons la question de l’avenir de ce conflit et les possibilités de le régler de façon pacifique en accord avec le Droit International. Cette dernière partie utilise beaucoup plus l’actualité du conflit et ses caractéristiques principales pour chercher la meilleure solution au conflit. Nous analyserons les modes diplomatiques et juridiques de règlement des différends en exposant ce qui pourrait fonctionner pour les Spratlys et pourquoi. Nous regarderons les rôles que peuvent jouer l’ASEAN, ainsi que d’autres acteurs de la région et d’ailleurs. Il est aussi important de commenter l’actualité dans cette partie, surtout quand il semble qu’elle aille dans le bon sens, celui d’un règlement pacifique du différend. Nous étudierons donc plus en détail la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine du 4 Novembre 2002. Puis il 3 Les six protagonistes sont : le Brunei-Darussalam, la Malaisie, les Philippines, la République de Chine, la République Populaire de Chine et le Vietnam. 9 faudra aussi regarder les différents modèles de coopération que la coutume et les auteurs du droit international proposent pour les Spratlys. Les différences se font sur la question de la souveraineté, sur les pouvoirs d’une éventuelle autorité, sur le but de la zone, … 10 I) Le conflit territorial des Spratlys Les îles Spratlys, qui sont situées dans la mer de Chine méridionale, sont l’objet d’un différend territorial entre un certain nombre de pays de la région. Nous commencerons par poser les faits en regardant les îles elles-mêmes (A.). Ensuite, nous ferons un rapide historique du conflit, relativement ancien, afin de poser les bases des connaissances qui nous serons très utiles pour la suite (B.). Puis, avant d’aborder la question de la souveraineté sur ces îles il est central de déterminer leur statut (C.). En effet, il existe une différence entre une « île », un « rocher », un « haut-fond découvrant » et des élévations submergées d’après la Convention sur le Droit de la Mer de Montego Bay ; et de plus toutes les îles ne donnent pas accès aux mêmes droits en fonction de leur taille et de leur viabilité. A. Les îles Spratlys Concernant les îles, il est nécessaire de clarifier certains aspects centraux. Nous commencerons par la situation géographique (1.). Puis, nous regarderons les multiples intérêts stratégiques de ces îles (2.). Enfin, nous dresserons la liste des pays qui sont impliqués dans ce conflit (3.). 1. La situation géographique Les îles Spratlys sont situées dans la mer de Chine du Sud, ses coordonnées géographiques sont : 8 38 N, 111 55 E4. Ces îles sont connues des marins depuis des temps anciens, elles étaient considérées comme un danger par les navigateurs et comme un refuge une partie de l’année pour des pêcheurs venus principalement du Vietnam et de la Chine5. Les Spratlys sont composées d’une centaine d’îles, d’îlots, de rochers et de hauts-fonds découvrants6, soit des formations qui sont au moins partiellement au-dessus du niveau de la mer lors de la marée basse. Mais en tout, il y aurait plus de 200 formations de terre, dont une centaine qui ne dépasseraient pas le niveau de la mer, même à marée basse7. Il y aurait douze 4 Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, L’Harmattan, 1996, Paris, p.5. 6 103 ou 104 d’après le Quid 2006 et le site https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 7 SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …, op. cit., p.80. 5 11 îles principales8, mais entre 20 et 46 îles et rochers9, soit des formations continuellement audessus du niveau de la mer. L’île la plus grande est Itu Aba et fait 36 hectares ; la superficie cumulée des îles principales est de 5km²10. Elles ont en tout 926km de côte. Le point le plus bas est situé au niveau de la mer, et le point culminant varie entre 4 et 6 mètres selon les sources11. Ces îles sont étalées sur une longueur d’entre 500 et 800 km, et une largeur d’entre 400 et 900 km. La superficie totale de la zone serait d’environ 410 000 km², mais elle varie en fonction des îles qui sont prisent en compte dans l’ensemble et il existe des estimations plus petites12 ou plus grandes13. Ces îles sont situées à plus de 900 miles au Sud-est de l’île de Hainan (territoire chinois) ; le Vietnam est à 230 miles marins à l’Ouest, les Philippines à 120 miles marins à l’Est, la Malaisie à 150 miles marins au Sud-est, le Brunei-Darussalam à 150 miles marins au Sud-est et l’île de Taiwan est à plus de 1000 miles marins au Nord. Néanmoins, la situation de Taïwan est particulière car ils revendiquent le territoire de la Chine continentale comme le leur et pourraient dans ce cas compter sur l’île de Hainan. C’est une région au climat tropical qui est balayé par des typhons pendant plusieurs mois de l’année et les vagues passent par-dessus ces îles pendant cette période. Il n’y a de l’eau potable que sur deux îles, il n’y aurait pas de terres arables et très peu de végétation14. Il n’y a pas de population indigène, mais ces îles étaient utilisées par des pêcheurs pendant la bonne saison. Un certain nombre de ces îles sont occupées militairement par tous les protagonistes à l’exception du Brunei-Darussalam. Les estimations de nombres d’îles occupées varient et ne peuvent être très précises car ce sont des informations stratégiques que les Etats ne dévoilent pas. Il en va de même pour le nombre de militaires installés et les installations présentes. Nous allons quand même voir une fourchette afin de se faire une idée de la concentration des forces militaires sur ces petits bouts de terre. D’après le site de la CIA entre quarante et soixante élévations seraient occupées, mais certains auteurs donnent des estimations plus 8 Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea: How does their presence limit the extent of the high seas and the area and the Maritime Zones of the mainland coast?”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.181. 10 https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 11 https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ pour 4 mètres sur Southwest Cay ou 6 mètres pour JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy, and geo-politics in the South China Sea”, The international journal of marine and coastal law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998, p.195. 12 150 000km² pour CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute and the Law of the sea”, Ocean development and International Law, Volume 25, Numéro 1, Janvier-Mars 1994, p.61. 13 534 000km² pour LABROUSSE (H.), “Quelle solution pour les îles Spratley?”, Défense nationale, Décembre 1994, p.129. 14 GJETNES (M.), “The Spratlys: Are they rocks or islands?”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.201. 9 12 détaillées par pays. Il tient toutefois d’attirer l’attention sur la nationalité des auteurs qui ont tendance à sous-estimer les forces en présence de leur pays. Jean-Pierre Ferrier en 2000 fait état de 36 îles occupées, deux par Taiwan, 17 par le Vietnam, neuf par les Philippines, trois par la Malaisie et six par la Chine15. Il y a un accord sur Taiwan qui n’occupe qu’Itu Aba et Tungsha et ce depuis longtemps. Ensuite, le Vietnam est très actif avec le plus d’îles occupées et le plus de troupes. Les estimations varient entre 17 îles occupées et plus de 25 avec entre 600 et plus d’un millier de troupes sur ces îles16. La Chine est aussi très active : elle a occupé sa première île en 1988 mais a rattrapé son retard depuis avec entre six et une bonne douzaine d’îles occupées. Elle aurait entre 260 et 500 militaires. Les Philippines occupent entre 9 et 11 îles dans la zone la plus proche de sa côte avec environ 600 militaires. La Malaisie occuperait 3 ou 4 îles avec une centaine de militaires, toutes dans la zone du Sud-est des Spratlys17. Les seules infrastructures présentes sont des infrastructures militaires même si certains protagonistes affirment construire « des cabanes de pêcheurs » et non des casernes, elles sont « en béton armée hérissées d’antennes satellites, de canons antiaériens et disposent de platesformes pour hélicoptères »18. Il y aurait trois pistes d’atterrissage, une de moins de 914 mètres et deux entre 914 et 1 523 mètres, deux étant goudronnées19. Mais il est très difficile de savoir à qui appartiennent ces pistes. Certains disent qu’au moins une appartient à la Chine20, alors que d’autres affirment que la Chine n’en a pas mais que les Philippines, le Vietnam et la Malaisie en possèdent une21. La Chine a récemment construit un port de très gros tonnage car l’approche des îles coralliennes est très difficile. Mais les eaux autours des îles restent très peu profondes et l’approche est uniquement possible en période de beau temps. Les autres constructions sont des casernes militaires, des héliports, des stations radars, des centres météorologiques, des centres de communication et quelques rares anciennes cabanes de pêcheurs22. La Malaisie a proposé en 1999 des tours touristiques pour faire de la plongée dans les Spratlys, mais sous la pression des autres pays elle a du retirer cette offre23. Pour une vue d’ensemble des îles, leurs noms, et la position des fosses marines voir document annexe 11. 15 FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, Gualino éditeur, 2000, p.218. LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea policy”, Asian survey, Volume 37, Numéro 4, Avril 1997, p.324. 17 Ibid. 18 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise en mer de Chine du Sud”, Défense nationale, Volume 53, Janvier 1997, p111 et annexe 13. 19 Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 20 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.64. 21 LIN (C.), “Taiwan’s South China…”, op. cit., p.324. 22 Ibid. 23 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code of Conduct for the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.107. 16 13 2. Les intérêts stratégiques de ces îles Après ce descriptif qui rend ces îles peu attractives il faut préciser les intérêts stratégiques des Spratlys pour comprendre l’intérêt que leur portent les six protagonistes. Nous pouvons lister quatre intérêts qui font que ces îles sont tant disputées et sont d’un intérêt géostratégique mondial24. Ce sont: le potentiel de ressources en gaz et en pétrole qui sont des énergies de plus en plus recherchées, des réserves halieutiques importantes pour la vie économique de ces pays qui dépendent en partie de la pêche, le passage de lignes maritimes stratégiques très fréquentées avec le détroit de Malacca, la centralité de sa position dans la mer de Chine et donc une possibilité d’écoute et de surveillance accrue dans une zone très active et sensible. Nous pouvons diviser ces intérêts en intérêts économiques (a.) et intérêts géopolitiques (b.). a. Les intérêts économiques Le sous-sol des îles Spratlys pourrait recéler d’importantes réserves d’hydrocarbures. La première estimation des réserves de pétrole fût faite en 1969 par un rapport sismologique de la zone, faite par les Nations Unies, qui indiquait que la zone pouvait contenir des réserves d’hydrocarbures25. Depuis, de nombreuses estimations ont été faites et les estimations varient grandement : les estimations moyennes disent que le sous-sol contient plus de 17 milliards de barils, soit plus que les réserves du Koweït26. Des estimations chinoises datant des années 1980 font état de plus 105 milliards de barils de pétrole dans les Spratlys, en plus de d’autres réserves dans d’autres zones de la Mer de Chine27. Les estimations les plus importantes montent jusqu’à 225 milliards de barils de pétrole28. Ces estimations semblent néanmoins un peu exagérées. Ce pétrole serait enfoui en profondeur et difficile d’accès, ce qui augmenterait le coût de son extraction et nécessiterait une technologie avancée, et donc l’aide de compagnies étrangères29. Mais aux vues de la flambée des prix actuelle, entre 65 et 70 dollars 24 ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime security cooperation situation and proposals”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, p.187. 25 CORDNER (L.), “The Spratly Islands …”, op. cit., p.61. 26 SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.80. 27 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté … , op. cit., p.80. 28 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys Islands under International Law”, Journal of energy and natural resources law, Volume 15, Numéro 3, Août 1997, p.191. 29 CHUNG (C.), “The Spratlys and other South China Sea disputes”, The journal of social, political, and economic studies, Volume 24, Printemps 1999, Washington, p.21. 14 le baril30, son exploitation redeviendrait rentable. La Malaisie et le Brunei exploitent déjà des gisements proches des Spratlys qui sont relativement importants31. Le pétrole est une ressource énergétique très importante pour les différents protagonistes qui sont tous dans des périodes de croissance et en ont besoin pour continuer dans ce sens. Certains tirent déjà des revenus importants du pétrole comme le Brunei-Darussalam qui est l’un des pays les plus riche au monde grâce à ses ressources ; le Vietnam qui a commencé son exploitation tardivement, dans les années 1980, dispose de réserves de qualité en nombre ; et la Malaisie dont la production décline depuis quelques années. Mais les autres pays sont des importateurs de pétrole et ils en ont besoin pour continuer leur croissance et leur rattrapage économique. Les Philippines importent environ 80% de leurs besoins, soit 14% du total de leurs importations et leur deuxième poste de dépense32. Taiwan importe la quasi-totalité de son pétrole33. Mais c’est la demande de la Chine qui est la plus impressionnante, c’est le deuxième plus gros consommateur de pétrole au monde derrière les Etats-Unis, et leur demande est en constante augmentation du fait de la croissance de leur économie, elle a augmenté de plus de 10% l’année dernière et la dépendance à l’étranger est devenue de plus en plus importante. La Chine est passée d’exportatrice nette au début des années 1990, à devoir importer 45% de son pétrole en 200634. Le pétrole des Spratlys serait une source nationale et donc pas soumis aux aléas du marché international et à l’envolée des prix, ce qui garantirait une plus grande indépendance à ces pays. Le sous-sol contiendrait aussi beaucoup de gaz naturel, les experts sont d’ailleurs plus optimistes pour ces réserves35. Des estimations chinoises parlent de 25 milliards de mètres cube de gaz naturel36. Ces ressources énergétiques sont importantes car elles permettraient un revenu supplémentaire pour certains comme le Vietnam, mais elles permettraient aussi de réduire la dépendance de ces pays envers les pays producteurs et envers la fluctuation des prix, c’est notamment le cas de la Chine qui dépend de plus en plus de pays comme l’Arabie Saoudite, l’Angola, le Soudan ou la Russie et qui paye son pétrole de plus en plus cher37. Il y 30 Reuters. LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly Islands dispute”, Loyola of Los Angeles International and comparative law journal, Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996, p.869. 32 http://www.edc.ca/french/docs/gphilippines_f.pdf. 33 http://www.test-organisation.org. 34 http://www.french.xinhuanet.com. 35 RICHARDSON (M.), “ASEAN-China maritime security cooperation”, Institute of Southeast Asian Studies, Singapore, 2005, p.204. 36 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.11. 37 SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.79. 31 15 aurait également des réserves importantes de phosphore, environ 370 000 tonnes38, et du guano qui pourrait être exploité sur une courte période. Les ressources halieutiques sont aussi très importantes pour ces pays car c’est un secteur qui emploie traditionnellement beaucoup de main d’œuvre, surtout au Vietnam, en Chine et aux Philippines, et qui nourrit aussi une large partie de la population asiatique toujours croissante. Cette zone est très riche en poisson et les variétés de poisson sont assez diverses39. Elle correspondrait à un peu moins de 10% des prises mondiales. Une estimation de la valeur des stocks d’une espèce de thon en 1996 était de 50 Millions de dollars40. Même si les stocks seraient en baisse du fait d’une surexploitation, cette zone est encore riche et il n’est pas trop tard pour prendre des mesures41. Le gouvernement chinois par exemple prend des mesures pour faire baisser la pêche dans cette zone, en baissant le nombre de bateaux et en encourageant l’aquaculture42. b. Les intérêts géopolitiques Le premier intérêt géopolitique de ces îles est les routes maritimes stratégiques qui passent non loin. La mer de Chine est le lien entre le Pacifique et l’Océan Indien. Tout le trafic qui provient du Nord-est et du Sud-est de l’Asie, de l’Indochine, du centre et de l’est du Pacifique, ainsi qu’une partie du trafic vers les USA passent par des détroits stratégiques à l’entrée de la mer de Chine. Ce sont les détroits de Malacca, de Sunda, de Lombok et de Taiwan43. Cette route, aussi appelé « route de soie de la mer »44, relie le port russe de Vladivostok, seul port russe libre des glaces toute l’année, au Moyen-Orient et son pétrole en passant par le Japon et l’Inde entre autres45. Du fait de sa position centrale tout le trafic maritime passe d’un côté ou de l’autre des Spratlys. Le détroit de Malacca est au Sud-est des Spratlys et est le passage maritime le plus fréquenté du globe, il y passe 25% du transport mondial de pétrole, 30% du trafic maritime mondial, trois fois plus de trafic qu’au Canal de Suez et cinq fois plus qu’au Canal de Panama, soit 80 000 bateaux par an46. Plus de 25% du 38 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur, op. cit., p.11. Idem, p.24. 40 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint…”, op. cit., p.869. 41 SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …”, op. cit., p.80. 42 http://mcsinfo.u-strasbg.fr. 43 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.61. 44 ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188. 45 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.191. 46 ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188. 39 16 pétrole mondial passe par ce détroit. Le Japon est le troisième consommateur mondial de pétrole depuis 2003, et le premier consommateur de gaz, la Corée du Sud est le septième consommateur mondial de pétrole et le deuxième de gaz naturel et la grande majorité de leurs importations transitent par cette zone.47 80% des importations de pétrole chinois et même une partie de l’approvisionnement des Etats-Unis passent aussi par là48. En plus des énergies qui transitent par ces passages, il y a aussi une part importante des exportations de ces pays qui empruntent ces voies maritimes. Le commerce avec les pays développés par le biais de ses exportations est vital pour ces pays du Sud-est asiatique dont les économies dépendent de leurs exportations et des investissements étrangers49. Le contrôle des Spratlys permet de regarder tout ce qui passe par ces zones. Le deuxième intérêt géopolitique de ces îles est leur centralité dans la mer de Chine. Avec la fin de la guerre froide il y a eu des grands changements dans cette région du monde. Il y a eu une sorte de vide de pouvoir, vide stratégique50. L’URSS, un peu avant sa chute a retiré ses troupes de sa base de Cam Ranh au nord du Vietnam, près de la frontière avec la Chine, ce qui a laissé plus de place à la Chine. Ensuite, les Etats-Unis, sous la pression de la population et du Sénat des Philippines, ont du se retirer de leur base de Clark Field et Subic Bay qui étaient les bases de la VIIème flotte US51. Ces départs des deux grands à la fin de la Guerre froide ont laissé un vide que naturellement les Etats de la région ont voulu combler. De ce point de vue, la rivalité entre le Vietnam et la Chine est centrale car elle a pris encore plus de place avec une Chine qui s’affirme et le Vietnam orphelin de son protecteur, l’URSS. Ces îles sont situées presque au milieu de la Mer de Chine, et même si elles sont trop petites pour en faire une importante base militaire, elles restent stratégiques pour surveiller, écouter et voir tout ce qui se passe autour52. De ces îles il est facile, du fait de la proximité géographique comme nous l’avons vu, de surveiller tout le trafic maritime de la région. Il y a aussi une forte présence militaire dans la région, car malgré le départ des troupes américaines des Philippines elles ont tout de même des droits de mouillage permanent dans un certain nombre de pays aux alentours, Philippines, Singapour, et plus récemment partiellement au Vietnam et elles passent souvent par les détroits pour les surveiller. De plus les Etats-Unis possèdent l’île de Guam non loin de là qui est devenue la base militaire de repli de la VIIème 47 ER (L.), “Japan and the Spratlys dispute”, Asian survey, Volume 36, Numéro 10, Octobre 1996, p.998. ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188. 49 TØNNESON (S.), “Introduction”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, AvrilJuin 2001, p.94. 50 SONG (Y.), “The U.S. policy on the Spratly Islands and the South China Sea”, The Indonesian Quarterly, Volume 25, Numéro 3, Juillet 1997, p.325. 51 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste, op. cit., p.105. 52 Idem, p.109. 48 17 flotte US avec Hawaï, et les Etats-Unis sont liés à un certain nombre d’Etats de la région par des traités de défense53. Ces îles pourraient être très utiles comme base d’écoute pour les Chinois par exemple. Le contrôle sur ces îles, en plus d’offrir des avantages économiques importants, affirmerait le statut de puissance régionale pour l’Etat qui les posséderait. C’est aussi une question de prestige pour le pays qui remporterait la souveraineté. Cette victoire le renforcerait car souvent les questions de souveraineté et de territoire sont liées au nationalisme qui est utilisé par ces pays en construction comme des ciments54. C’est notamment le but de la Chine qui veut se montrer dans le monde comme une puissance mondiale, mais qui commence par affirmer son autorité sur ce qu’elle considère comme sa mer intérieure, la mer de Chine, pour affirmer son statut de puissance régionale55. Nous pourrions qualifier cette politique de « doctrine Monroe de la Chine ». 3. Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu Beaucoup d’acteurs jouent, ou ont joué un rôle dans le conflit des Spratlys. Nous allons d’abord étudier ceux qui sont directement concernés : les six protagonistes (a.). Puis nous regarderons quels autres pays ont été ou sont encore impliqués (b.). a. Les six protagonistes Il y a six pays qui sont impliqués au premier chef car ils revendiquent la souveraineté sur une île, une partie des îles ou tout l’archipel des Spratlys. Ce sont le Brunei-Darussalam, la Malaisie, les Philippines, la République de Chine, la République Populaire de Chine et le Vietnam. Nous allons regarder un certain nombre de caractéristiques de ces Etats qui nous aiderons à mieux comprendre les positions et les attitudes de chacun dans ce conflit. Cela inclut les dépenses militaires, le régime politique, le poids économique, la politique étrangère, ainsi que d’autres points qui nous sembleront pertinents pour bien analyser la situation complexe des Spratlys. 53 SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.323. BELLER (R.), “Analyzing the relationship between International law and International politics in China’s and Vietnam’s territorial dispute over the Spratly Islands”, Texas International Law journal, Volume 29, Numéro 1, hiver-printemps 1994, p.296. 55 FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, op. cit., p.217. 54 18 Le Brunei-Darussalam est un petit Etat riche grâce à ses importantes ressources en pétrole. Son Produit National Brut par habitant est de 22 402 dollars US pour une population, alphabétisée à 91%, de 350 000 habitants sur un territoire de 5 765km², soit une densité de 60 habitants au km². Le taux de chômage est de 10%56. Il n’y a pas d’impôt, et l’éducation et les soins sont gratuits grâce à la manne financière que représentent le pétrole et le gaz. C’est une monarchie héréditaire où l’islam est la religion officielle57. Il a acquis son indépendance de la Grande-Bretagne le 1er Janvier 1984, mais il garde des liens étroits avec la Grande-Bretagne, notamment sur le plan militaire et dans le cadre du Commonwealth. Malgré des dépenses importantes au vue de sa population58 et de sa taille ce pays est doté d’une petite armée, avec seulement 300 hommes dans son armée de l’air et 700 dans sa marine ce qui limite grandement sa capacité de se projeter loin de son territoire, ce qui fait que le Brunei n’occupe aucune île des Spratlys59. Il a aussi conclu des accords de défense avec l’Australie, les EtatsUnis60 et garde de bonnes relations avec Singapour, les Philippines et l’Indonésie. Sa politique étrangère est tournée vers la paix et la survie étant donnée sa taille. Son nom veut d’ailleurs dire : « Nation de Brunei, demeure de la paix »61. Le Brunei entretenait des relations parfois tendues avec son voisin la Malaisie qui le coupe en deux avec son territoire du Limbang62. Mais depuis son entrée dans l’ASEAN ses relations se sont nettement améliorées. Ce pays exploite trois champs, dont deux off-shore sur le même plateau continental que les Spratlys. Ses exportations de pétrole et de gaz comptent pour 87,5% de ses exportations, ce qui fait que ce pays est très dépendant de ses ressources naturelles. Le Brunei est membre de l’ASEAN depuis le 7 Janvier 1984, soit une semaine après son indépendance, et donne beaucoup d’importance aux organisations internationales en général63. Il a signé la Convention de Montego Bay le 5 Décembre 1984, et l’a ratifié le 5 Novembre 199664. La Malaisie est une fédération de 9 sultanats héréditaires, de 4 Etats non monarchiques et de 3 Etats fédéraux créés le 16 Septembre 1963 suite au rattachement du Sarawak et du Sabah (de l’île de Bornéo) à la Fédération de Malaya indépendante le 31 Août 195765. La Malaisie est divisée entre sa partie Occidentale, située sur la presqu’île de Malacca, et sa 56 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, Robert Laffont, 2003, Paris, p.1045. http://asiep.free.fr/. 58 Il était au 4ème rang mondial pour les dépenses militaires par habitant en 1993 d’après http://asiep.free.fr/. 59 Le Brunei appelle ses îles les « îles Nanshaqundao ». 60 Un accord a été signé en 1994 qui autorise les forces américaines à utiliser les ports et l’espace aérien du Sultanat. Un accord de paix, d’amitié, de commerce et de navigation existe depuis 1850 entre les deux pays. 61 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1045. 62 Ibid. 63 http://www.mfa.gov.bn. 64 http://www.un.org/french/ 65 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1212. 57 19 partie Orientale avec les Etats (non monarchiques) de Sarawak et de Sabah, les plus proches des Spratlys66. La Malaisie est donc divisée en deux par la mer de Chine, et sa partie Occidentale donne sur le détroit de Malacca ce qui lui donne une position stratégique très importante. Elle a une population d’environ 25 millions d’habitants à 65% Malais, mais avec une forte minorité chinoise (26%)67. L’islam est religion d’Etat et pratiquée par 60% de la population. Le pays a une histoire mouvementée et a été en partie sous influence thaïlandaise, anglaise et hollandaise. Son PNB par habitant est de 3 390 dollars US, soit plus de 7 fois moins que le Brunei. La Malaisie dispose aussi de réserves importantes de pétrole et de gaz surtout, principalement dans sa partie Orientale, elle est exportatrice net. La Malaisie est membre fondateur de l’ASEAN avec sa création le 8 Août 196768. La Malaisie a ratifié la Convention de Montego Bay le 14 Octobre 199669. La République des Philippines est le seul Etat archipélagique des six pays qui revendiquent les Spratlys, et est composée de 7 107 îles. C’est une République indépendante depuis le 4 Juillet 1946, c’était une ancienne colonie américaine après que les Etats-Unis aient racheté l’ensemble à l’Espagne en 1898 pour 20 millions de dollars70. Le régime politique est instable et connaît souvent des perturbations, il est marqué par la période de dictature de Marcos des années 1960 aux années 1980. Il y a des tensions entre les catholiques qui représentent entre 80 et 84% de la population et les musulmans qui représentent entre 5 et 8% de la population. Ce qui amène à des rébellions dans certaines îles du Sud71 et des groupes classés terroristes par les Etats-Unis comme Abu Sayyaf72. Le PNB par habitant y est de 1 020 dollars et le taux de pauvreté atteint 40% des 88 millions de Philippins. Les Philippines ont des réserves de pétrole, mais pas suffisamment pour couvrir leurs besoins malgré des découvertes récentes. Les Spratlys sont connues comme les îles Kalayaan et sont rattachées à la province de Palawan, l’île la plus proche, mais les Philippines ne revendiquent qu’une partie des Spratlys qu’ils considèrent comme distincte de l’archipel. Les Philippines sont aussi un membre fondateur de l’ASEAN73. Les Philippines ont signé la Convention de Montego Bay le 10 Décembre 1982 et l’a ratifiée le 8 Mai 1984. Ils ont proposé un juge, Haydee B. 66 Les îles Spratlys sont appelées les îles Nanshaqundao et sont rattachées administrativement, pour la Malaisie, à la province de Sabah. 67 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1212. 68 http://www.aseansec.org/. 69 http://www.un.org/french/. 70 FREMY (D.), FREMY (M.), op. cit., p. 71 Celles de Mindanao, Basilan, Tawi-Tawi, Sulu et une moitié de Palawan sont « fortement déconseillés » par le Ministère des Affaires Etrangères car des groupes musulmans indépendantistes y sévissent. 72 http://www.diplomatie.gouv.fr. 73 http://www.aseansec.org/. 20 Yorac, comme juge pour le tribunal international du droit de la mer. Ce dernier avait fait sa thèse sur les Droits des Philippines sur les îles Spratlys ce qui montre l’importance de la question pour les Philippines74. Taïwan75 entretient des relations tendues avec la République Populaire de Chine76. Elle est toujours en théorie une province de la Chine, mais depuis que les nationalistes ses sont réfugiés sur l’île en décembre 1949 il existe deux systèmes politiques, celle de la République de Chine77 et celle de la République Populaire de Chine78. Taïwan se veut être le représentant de la Chine toute entière et à ce jour Taïwan n’a jamais déclaré officiellement son indépendance, la question d’un référendum sur l’indépendance revient souvent, mais il n’a jamais été organisé. Depuis quelques années il existe des relations directes avec la Chine qui font baisser les tensions, mais elles restent très turbulentes, avec par exemple une loi « anti-sécession » votée en 2005 par Pékin et le fait que le président taïwanais actuel soit un indépendantiste79. Taiwan entretient des relations diplomatiques pleines avec une vingtaine de pays uniquement, et la liste diminue, mais un certain nombre de pays ont des représentations non-officielles sur l’île, dont la Chine, et Taïwan a installé des bureaux de représentation dans 58 Etats. Taïwan a cédé sa place à la Chine à l’ONU le 25 Octobre 1971, et depuis est exclu de toutes les instances onusiennes et d’un certain nombre d’organisations internationales, ce qui pose un problème de représentativité et d’écoute internationale80. D’un point de vue militaire Taiwan est menacé par la Chine, et a engagé pour sa défense d’importantes dépenses pour se doter d’une armée moderne. Sur une population de 22,6 millions, 4,320 millions sont des militaires81, soit autant que pour la Chine continentale. Taïwan dispose aussi de forces importantes et modernes pour son armée de terre et de l’air et consacrait, en 2005, 11,4% de son budget à ce poste stratégique82. De plus, Taïwan peut compter, en théorie, sur le soutien militaire des Etats-Unis en cas d’attaque chinoise. Le Congrès américain a voté en 1979 à l’unanimité l’obligation pour les Etats-Unis de garantir la sécurité de l’île, et ce alors que les Etats-Unis avaient reconnu qu’il n’existait qu’une seule Chine au début des années 197083. Au 74 http://www.un.org/french/. Nous appellerons la République de Chine « Taiwan » tout au long de ce mémoire afin de faire une différence plus claire avec la République Populaire de Chine. 76 Nous appellerons la République Populaire de Chine « Chine » tout au long de ce mémoire afin de faire une différence plus claire avec la République de Chine. 77 Elle fût fondée en 1912 par Sun Yat-sen. 78 Voir le paragraphe suivant. 79 Chen Dhui-bian représente le Parti Démocrate Progressiste qui est indépendantiste. 80 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p. 81 Armée de réserve et forces actives incluses. 82 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1172. 83 http://www.monde-diplomatique.fr/. 75 21 niveau économique Taiwan est riche, son PNB par habitant est de plus de 13 000 dollars US, ce qui en fait la 17ème puissance mondiale, avec de forts taux de croissance et un taux de chômage aux alentours de 5%. Taiwan investit beaucoup dans les pays du Sud-est asiatique à des fins économiques mais aussi politiques pour garder de bonnes relations avec ces pays proches qui ont connu des moments de tension par le passé avec la Chine. Taïwan revendique les Spratlys au nom de la Chine entière, elles sont appelées îles Nansha et sont rattachées administrativement à la province de Kaohsiung. Taiwan ne peut pas signer la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, conformément à l’article 305 de cette même Convention84. La République Populaire de Chine a été fondée le 1er octobre 1949 par Mao Zedong. C’est un Etat communiste, totalitaire et centralisateur. La Chine est dotée d’une longue histoire avec une organisation en dynastie depuis de nombreux siècles. Au fil du temps elle a connu des phases alternantes d’expansion et de repli sur soi. Depuis la fin du XXème Siècle, et notamment la chute de l’URSS, la Chine connaît une croissance très importante et s’affirme de plus en plus comme une puissance mondiale, tant économique que politique. Ce géant de 1 milliard 300 millions d’habitants connaît une croissance économique d’environ 9% depuis les années 1990 pour un PNB par habitant de plus 950 dollars US85. Ce qui en fait la 4ème puissance mondiale depuis 200686. Le pays est doté d’une main d’œuvre nombreuse et bon marché doublée d’une politique volontariste des dirigeants qui font que la Chine avance à grands pas dans le développement économique. Mais cela lui pose aussi des problèmes importants comme l’énergie et le besoin de nourrir sa population87. En plus d’être une puissance économique qui devient incontournable, la Chine veut s’affirmer comme un acteur politique mondial, et elle en a les moyens. La Chine est membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, elle est une puissance nucléaire, et dispose d’une importante diaspora répartie de par le monde. La Chine cherche à développer son armée, et sa croissance économique le lui permet. Le secteur de la défense comptait pour 10% de son budget en 200088. Son budget connaît une croissance de 12% tous les ans depuis plus de dix ans, avec une croissance accélérée entre 2006 et 2007 de 18% pour arriver à une somme officielle de 35 milliards d’euros, ce qui illustre le sens dans lequel la Chine cherche à aller. De plus, d’après un rapport américain du Pentagone le budget militaire réel chinois de 2007 serait en réalité de 84 http://www.un.org/french/. FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p. 86 Classement de la Banque Mondiale sortit le 5 Juillet 2006. 87 Voir partie sur les intérêts des Spratlys. 88 http://www.lexpansion.com/. 85 22 80 milliards d’euros, et non de 35 milliards comme affirment les autorités de Pékin89. Cette somme ferait que la Chine serait le troisième budget militaire au monde et le premier en Asie90. Un tel écart additionné sur plusieurs années revient à une somme assez importante. Même si il y a un embargo européen et américain sur la technologie militaire vendue en Chine, son armée se modernise rapidement91. La Chine cherche notamment à développer une marine de haute-mer avec l’achat d’un porte-avion92. Cette importance militaire accrue de la Chine remet en cause les équilibres de la puissance, surtout au niveau du Sud-est Asiatique que la Chine considère comme son arrière cour, voire son territoire93. La Chine est donc clairement la plus grande puissance régionale dans ce conflit94. Les Spratlys sont appelées les îles Nansha et sont rattachées à la province de Hainan, une grande île qui borde le sud du littoral chinois. La Chine a signé la Convention de Montego Bay le 10 Décembre 1982, et l’a ratifiée le 7 Juin 199695. Le Vietnam est marqué par son histoire trouble au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et ce n’est que depuis peu que le Vietnam occupe une vraie place au niveau international. Le Vietnam était une colonie française depuis que la France avait occupé le royaume d’Annam vers le milieu du XIXème Siècle, il était incorporé dans l’Indochine. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale le Vietnam fût occupé entièrement et tardivement par les forces japonaises, mais la présence française se faisait déjà moins sentir. Une volonté indépendantiste était déjà présente et le 2 Septembre 1945 la République Démocratique du Vietnam fut proclamée à Hanoï. Il s’en suivit la guerre d’Indochine qui a duré jusqu’en 1954. Le 5 Juin 1948 avec les accords de la baie d’Along, la France reconnaît l’indépendance du Vietnam, mais à l’ancien empereur Bao Daï et non à Hô Chi Minh. La guerre continue. Les accords de Genève de 1954 mettent fin à la guerre et créent deux Etats avec la République Démocratique du Vietnam au Nord et la République du Vietnam du Sud située au Sud du 17ème parallèle. Puis en 1956, la France se retire définitivement, la République du Vietnam du Sud est alors soutenue par les Etats-Unis. Le nord du Vietnam dépendait, à l’époque, de la Chine. Dès 1957, les combats reprennent et il s’en suit la guerre du Vietnam de 1964 à 1973, puis entre 1974 et 1975 la guerre de réunification qui mit fin à l’existence de deux Vietnam avec la victoire définitive des forces communistes de la République Démocratique du 89 Le Point du Jeudi 6 Septembre 2007, p.46. http://www.lexpansion.com/. 91 http://www.lefigaro.fr/international/. 92 http://www.senat.fr/rap. 93 La Chine considère en effet que toute la mer de Chine fait partie de son territoire pour des raisons historiques. 94 BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.319. 95 http://www.un.org/french/. 90 23 Vietnam96. En Décembre1978 le Vietnam envahit le Cambodge, ce que la Chine désapprouve et les relations entre les deux anciens alliés, déjà tendues depuis 1975, se crispèrent97. La Chine ira même jusqu’à attaquer le Vietnam au nord en janvier 1979 pendant que le Vietnam se tourne vers l’URSS pour un soutien98. Toutes ces guerres à répétition laissèrent le Vietnam dans un mauvais état et dépendant de l’aide extérieure. Mais, après la chute de l‘URSS, qui se fit sentir dès 1989 avec le retrait des troupes soviétiques de la base de Cam Ranh, le Vietnam se trouvait sans protecteur face à son ennemi : la Chine. De plus, c’était une Nation au banc du monde qui était sous le coût d’un embargo mené par les américains. Le Vietnam devait alors changer sa politique s’il voulait s’adapter à ce nouveau monde. Le Vietnam s’est alors ouvert, avec un premier geste dès 1989 avec le retrait de ses troupes du Cambodge99. En 1994 les américains ont levé leur embargo100, le 28 Juillet 1995 le Vietnam est accepté au sein de l’ASEAN101, en 1999 et en 2000 il signe des traités de délimitation territoriale avec la Chine pour sa frontière nord et la baie de Beibu/golf de Tonkin102 et il est entré à l’OMC depuis Janvier 2007, ce qui est le couronnement de sa politique d’ouverture entamée après la chute de l’URSS103. Cette ouverture s’accompagne d’une croissance économique d’entre 5 et 9% depuis les années 1990 et qui amène son PNB par habitant à environ 500 dollars au début des années 2000, et a fait baisser son taux de pauvreté de 55% en 1993 à 35% en 1998 sur une population de 82 millions104. Le Vietnam a un chômage de 20% mais a aussi un fort potentiel économique avec une culture du travail, une main d’œuvre pas très chère et des réserves de pétrole et de gaz importantes qui pourront lui assurer un revenu important et une indépendance énergétique précieuse105. Le Vietnam appelle les îles Spratlys les Truong Sa et les a rattachées à la province de Khanh Hoa. Il a signé la Convention de Montego Bay le 10 Décembre 1982, puis l’a ratifiée le 25 Juillet 1994106. Après avoir passé en revu les six protagonistes et les points importants de leur histoire et de leurs caractéristiques nationales qui seront utiles pour mieux analyser le conflit, nous allons nous pencher sur les autres pays qui jouent un rôle, même minime dans ce conflit. 96 BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 2, Hatier, Paris, 1996, pp.147-148. BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 3, Hatier, Paris, 2001, p.85. 98 GUAN (A.), “ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, Security dialogue, Volume 30, Numéro 4, Décembre 1999, p.426. 99 VAÏSSE (M.), Les relations internationales depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2002, p.191. 100 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p. 101 http://www.aseansec.org/. 102 NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea, the case of the South China Sea dispute”, UN-Nippon Foundation, New York, Décembre 2005, p.51. 103 http://www.wto.org/. 104 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p. 105 FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p. 106 http://www.un.org/french/. 97 24 b. Les acteurs secondaires Il existe un certain nombre d’acteurs qui ont des rôles plus ou moins importants à différentes époques du conflit et pour différentes raisons. Nous allons passer en revue le rôle des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Indonésie et du Japon. Nous verrons de façon rapide l’implication de ces pays dans le conflit, mais leurs rôles et les conséquences de leurs implications reviendront dans différentes parties de ce mémoire lorsqu’ils auront un effet sur le conflit ou sur une revendication. Mais nous aborderons aussi l’ASEAN et son organe de discussion pour les problèmes de sécurité, l’ASEAN Régional Forum. Les Etats-Unis ont une forte présence militaire dans la région, malgré leur retrait de leurs bases des Philippines, la VIIème flotte US est basée à Guam et patrouille beaucoup dans les environs. Les Etats-Unis ont des accords avec de nombreux pays de la région pour permettre à leurs navires de guerre et à leurs avions d’utiliser l’espace maritime et aérien d’Etats de la région107. Les Etats-Unis veulent garder un œil sur cette région stratégique car une partie de leur pétrole et de leur commerce extérieur passe par ses détroits108, ils veulent surveiller la Chine, et des alliés proches sont dans la région et les USA ont des accords de défense avec eux109. Ils tiennent beaucoup à la libre circulation des navires et à trouver une solution pacifique à ce différend110. La présence des Etats-Unis dans la région est ancienne. Ils étaient les colonisateurs des Philippines et ont mené une guerre contre le Vietnam du nord entre 1964 et 1973. La France était présente dans la région dans sa colonie de Cochinchine. Lors des indépendances qui suivirent la Deuxième Guerre Mondiale, la Cochinchine s’est divisée en plusieurs parties, dont une qui forme le Vietnam. La France a donc joué un rôle actif dans la région du milieu du XIXème Siècle jusqu’au milieu du XXème Siècle. La Grande-Bretagne était aussi une puissance coloniale dans la région car elle dominait ce qui est aujourd’hui le Brunei et une partie de la Malaisie. Ils étaient aussi présents à Hong-Kong jusqu’en 1997. La présence la plus importante, pour ce mémoire, de la GrandeBretagne est dans la fin du XIXème Siècle car deux de ses ressortissants et un de ses navires auraient pris possession de ses îles au nom de la couronne111. 107 C’est le cas pour Singapour, les Philippines, la Malaisie, le Vietnam, le Brunei et d’autres. Les Etats-Unis tiennent beaucoup à la libre circulation des navires et à leur sécurité. Voir GUAN (A.), “ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, op. cit., p.427. 109 Le Japon, Taiwan et les Philippines surtout. 110 SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.324. 111 LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes de la Chine”, Défense nationale, Février 1994, p.138. 108 25 L’Indonésie est un pays important dans le Sud-est asiatique. Dans le cadre du conflit des îles Spratlys, il favorise le contact et le dialogue entre les protagonistes, et donc un moyen de trouver une solution pacifique, en organisant des « Workshops » depuis les années 1990112. L’Indonésie a tout intérêt à ce que la paix soit préservée dans cette partie du monde. Le Japon a occupé certaines îles Spratlys pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Mais elle avait déjà tenté d’exploiter du guano sur certaines îles entre 1918 et 1921113. Mais au traité de San Francisco en 1952 et dans d’autres traités de paix d’après guerre, le Japon a officiellement renoncé à revendiquer ces îles, même si l’extrême droite japonaise les réclame encore aujourd’hui. Cette région est d’une importance capitale pour le Japon car beaucoup du trafic maritime qui lui est vital tant pour ses exportations que pour ses importations transite par cette zone, c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le Sud-est asiatique est le premier bénéficiaire de l’aide japonaise. Le Japon veut surveiller l’attitude de la Chine de près car elle pourrait avoir des répercussions sur son attitude concernant les différends territoriaux qu’ont le Japon et la Chine sur d’autres îles de la région114. Depuis le milieu des années 1990, le Japon voudrait jouer un rôle plus important pour faciliter une solution négociée, mais son implication dans la région reste un sujet très sensible du fait de la Deuxième Guerre Mondiale. Militairement le Japon ne dispose pas d’une grande armée, car d’après l’article 9 de sa Constitution elle ne peut uniquement disposer que d’une armée de défense, ce qui limite sa possibilité d’action directe pour défendre ses intérêts par la force115. L’ASEAN peut aussi jouer un rôle dans ce conflit. Cinq des six protagonistes sont membres de l’ASEAN, et même si à la base l’ASEAN est plus une union économique, elle devient une union politique depuis quelques années116. Selon Yves Lacoste ses plus grands succès seraient dans le domaine de la diplomatie en réussissant à éviter des conflits entre ses membres117. Ce qui est prometteur pour les Spratlys d’autant plus que l’ASEAN dispose d’un organe qui peut être très utile pour amener une discussion dans un environnement favorable, c’est l’ASEAN Regional Forum (ARF) créé en 1994. Son but affiché est de promouvoir le dialogue sur les « major regional security issues in the region ». Les Spratlys étant un conflit dans la mer de Chine fait partie de ces préoccupations118. Cet organe réunit, entre autres, les 112 DJALAL (H.), “Indonesia and the South China Sea Initiative”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.99. Voir aussi la partie sur la médiation et les bons offices. 113 ER (L.), “Japan and the Spratlys…”, op. cit., p.997. 114 Le Japon et la Chine ont un différend sur les îles Senkaku. Voir Ibid, p.996. 115 Le Japon a limité sa défense des voies de navigation à 1 000 miles marins autour de son territoire. Voir Ibid, p.1004. 116 VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2005, p.28. 117 LACOSTE (Y.), dir., Dictionnaire de Géopolitique, Flammarion, Paris, 1993, p.207. 118 http://www.aseansec.org/. 26 six protagonistes du conflit sur les îles Spratlys. De plus l’ASEAN a récemment créé l’ASEAN Security Community (ASC) qui a pour but de résoudre les conflits entre les pays de l’ASEAN de manière pacifique119. Cet organe vient renforcer un point faible de l’ASEAN qui était que ses pays membres avaient parfois du mal à se mettre d’accord entre eux, ce qui leur posait préjudice face à d’autres acteurs plus puissants comme la Chine120. B. Rapide historique Dans cette partie nous allons faire un historique du conflit en parlant de tous les moments importants qui pourraient influencer la solution finale du litige. Dans cet historique il est important de faire une distinction entre trois temps. Nous allons commencer par regarder la période ancienne qui va jusqu’en 1933 quand le conflit était principalement entre le Vietnam et la Chine (1.). Puis, dans un deuxième temps nous allons regarder la période qui court de 1933 à 1956 qui amène une multiplication des acteurs et des revendications (2.). Enfin, dans un troisième temps vient la période de 1956 à 2002 qui est marquée par une hausse des tensions, des accrochages, des occupations et également une multiplication des acteurs (3.). 1. L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques Cette période est souvent citée comme étant le point de départ de l’administration ou de l’occupation chinoise ou vietnamienne. Ils font référence à de nombreuses cartes et documents anciens qui, selon eux, prouvent leur souveraineté effective sur ces îles. Ces îles étaient fréquentées depuis longtemps par des pêcheurs, et étaient connues par les navigateurs comme posant un danger. Ces navigateurs venaient de différents horizons : indiens, perses, arabes, portugais, français, espagnols, hollandais, britanniques, …121 Ils avaient identifié ces îles sur de nombreuses cartes122. Les chinois font référence à des documents qui datent du deuxième siècle avant Jésus-Christ et qui diraient que les chinois avaient découverts les îles à cette date123. Ce même auteur parle de documents datant de 111 avant JC, de la période de la dynastie Han (206 avant JC à l’an 24) et de la dynastie Ming (1368 à 1644) qui évoqueraient une administration effective chinoise. L’auteur évoque aussi des fouilles archéologiques qui 119 http://www.aseansec.org/. VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, op. cit., p.29. 121 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.38. 122 Idem, p.57. 123 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871. 120 27 auraient permis de trouver les restes d’une occupation chinoise sur les îles datant d’entre 618 et 1272124. Néanmoins ces affirmations doivent être prises de manière suspecte car l’auteur est chinois et prend clairement position en faveur de son pays ; c’est d’ailleurs souvent le cas des auteurs chinois. Il est vrai qu’il existe un certain nombre de documents chinois qui font état d’îles dans la mer de Chine125. La première carte des îles daterait des années 1403-1433 et serait chinoise126. Le Vietnam, qui était connu sous le nom d’Empire d’Annam à l’époque, fait aussi référence à des documents anciens, même s’ils sont plus rares que les chinois du fait de la destruction d’un certain nombre pendant les différentes guerres du pays. Les preuves les plus anciennes documentées et citées comme preuve par les Vietnamiens remontent au milieu du XVème siècle. Après cette période, il y a plus de documents avec un certain nombre de cartes127, mais aussi des documents officiels du tout début du XVIIIème siècle qui parlent de cartographier précisément les îles, de les exploiter et de créer une compagnie à cette fin128. Néanmoins, dans cette période, la distinction entre les îles Spratlys et un autre archipel situé plus au nord-ouest de la mer de Chine, les îles Paracels, n’était pas bien faite129 ce qui pose des problèmes d’interprétation sur lesquels nous reviendrons dans la partie consacrée plus spécifiquement aux revendications et à leurs lacunes. La dernière précision importante qu’il faut apporter sur cette période est le lien qui existait entre l’Empire d’Annam et la Chine impériale. L’Empereur de Chine était le suzerain de celui du royaume d’Annam, mais l’Empire d’Annam n’était pas dans une situation de « mi-souveraineté ». Le lien, flou, qui liait les deux empires était plus de la nature d’une « allégeance religieuse accompagnée d’un tribut de périodicité variable »130. Le lien qui existe donc entre la Chine et le Vietnam n’est pas comparable à celui qui lierait un Etat vassal à son Etat suzerain en Occident131. Ce lien fût définitivement rompu en 1884 avec la signature du traité de protectorat français et le geste symbolique de destruction par le feu du sceau chinois132. Par ce traité de 1884, le Vietnam devient un protectorat français avant de devenir une colonie quelques années plus tard. La France est l’héritière de l’Empire d’Annam, et ce sont ses actes qui ont une importance pour la souveraineté sur les Spratlys à partir de cette date. Au début de 124 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871. Pour une liste plus détaillée, voir CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.38 à 64. 126 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.62. 127 ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.192. 128 Pour une liste plus détaillée, voir CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.64 à 72. 129 Idem, p.58. 130 Idem, p.75. 131 HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends maritimes dans la mer de Bien Dong (Mer de Chine méridionale), Pedone, Paris, 2004, p.223. 132 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.77. 125 28 son occupation du Vietnam, la France évitait délibérément, selon certains auteurs, de faire des déclarations de souveraineté sur les îles de la mer de Chine133. Cela serait le cas pour le Traité franco-chinois du 26 Juin 1887 qui organisait la délimitation de la frontière entre la Chine et le Tonkin et dans lequel les revendications sur les îles de la mer de Chine n‘ont pas été abordées. A partir de cette date, il s’en suit une période de calme durant laquelle aucune revendication n’est clairement exprimée et il est très rarement question des Spratlys, tant dans les documents français que chinois. Autour de la fin des années 1920 et du début des années 1930 le Japon montre un intérêt croissant pour ces îles avec une communication accrue dessus et une exploitation du phosphate par une compagnie japonaise. La France, après une période de doute et d’accumulation d’informations sur les actions qui avaient été entreprises par l’Empire d’Annam sur ces îles, a réagi et pris des actions dans le sens de l’appropriation. Elle s’informe d’abord de la possibilité d’une revendication des Philippines car elle considère que ces îles sont plus proches des Philippines, mais quand elle reçoit une réponse qui dit que les Philippines ne sont pas intéressées par ces îles elle réagit134. Elle notifie les Etats tiers par un communiqué daté du 23 Septembre 1930 « l’occupation par la France de l’archipel des Spratlys »135. Puis, le 26 Juillet 1933 la France publie une déclaration de souveraineté au Journal Officiel de la République Française qui revendique six îles de l’archipel d’après une situation de res nullius136. Cette déclaration est contestée par le Japon qui dit occuper ces îles depuis 1917137 et qu’une compagnie japonaise nationale exploite le guano sur ces îles138. Certains auteurs affirment que la Chine aurait protesté139, mais d’autres affirment qu’elle n’aurait rien dit140. Aucun des auteurs que j’ai lu ne fait référence à des documents pour prouver ce qu’ils ont avancé, et dans les deux cas plusieurs auteurs parlent de chaque version, le doute persiste donc. La Grande-Bretagne aurait été consultée sur le sujet car certains de ses sujets avaient occupés les îles en 1877 et un de ses navires aurait planté le drapeau britannique en 1874141, mais sa réponse fût une de non-revendication car elle aurait considéré qu’elle ne disposait pas d’assez d’arguments juridiques142. Cette version est aussi contestée par Harry 133 CORDNER (L.), “The Spratlys…”, op. cit., p.65. D’après CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté, op.cit., p.105 le Consulat français à Manille aurait demandé aux Philippines leur éventuel intérêt pour ces îles le 22 Mars 1929. 135 Idem, p.105. 136 Annexe 1. 137 CORDNER (L.), “The Spratlys…”, op. cit., p.65. 138 ER (L.), “Japan and..“, op. cit., p.997. 139 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…” , op. cit., p.192. 140 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.105. 141 LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.138. 142 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.107. 134 29 Roque Jr., mais dans ce cas les arguments d’une non-revendication de la Grande-Bretagne semblent plus convaincants. 2. De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon La publication du titre de souveraineté de la France marque un point tournant dans le conflit. En effet, il semble que ce soit la première vraie revendication officielle que l’on puisse retrouver. Cette publication au JO amène aussi une hausse des tensions dans le conflit, surtout avec le Japon, et ensuite avec la Chine. En effet, les années 1933-1952 sont marquées par l’intrusion du Japon dans le conflit. Le Japon a protesté contre le titre de souveraineté de la France paru en 1933 ; puis en 1939 il est allé plus loin en occupant les Spratlys, c’est d’ailleurs la première occupation militaire enregistrée. La France proteste143, mais je ne retrouve aucune trace d’une protestation chinoise. En mars 1939 elle les annexe et les rattache à la province de Taiwan144. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le Japon a construit une base pour sous-marins sur la plus grande des îles, Itu Aba, c’était dans sa logique de se créer un empire en Asie et ces îles étaient stratégiquement placées145. Après sa défaite le Japon ne quitte pas les îles immédiatement, ses troupes seront désarmées par les forces de Tchang KaiShek qui occuperont ensuite l’île d’Itu Aba à partir de 1946. Taïwan affirme que les alliés avaient mandaté la Chine pour qu’elle désarme les troupes japonaises, mais dans le Traité de Tchoung-King du 28 Février 1946 il est stipulé que la Chine ne doit agir qu’au Nord du 16ème parallèle, les Spratlys étant situées en-dessous146. Taïwan retire ses troupes en 1950 après que les troupes chinoises de Mao aient atterri sur l’île de Hainan147. Le Japon renonce à tous ses droits sur les Spratlys dans le Traité de San Francisco de Septembre 1951, mais, contrairement à ce que veulent faire croire la Chine et Taïwan, ces îles n’ont été attribuées à personne148. Aucun des deux gouvernements chinois n’avait été invité à cette Conférence de San Francisco, mais une résolution fut proposée par l’URSS pour rajouter dans la liste des îles qui doivent retourner à la Chine, les Paracels et les Spratlys, mais elle fut rejetée par 49 des 52 pays présents149. Néanmoins, pour la Chine et Taïwan, l’affirmation selon laquelle le Japon aurait renoncé à tous ses droits sur les Spratlys au profit de la Chine serait confirmée dans le 143 Idem, p.106. ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.192. 145 ER (L.), “Japan and...“, op cite, p.997. 146 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.110. 147 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64. 148 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.193. 149 Ibid. 144 30 Traité signé en Avril 1952 entre la Chine et le Japon. Mais, mis à part les auteurs chinois, aucun auteur ne vient confirmer cette revendication, bien au contraire. De plus, le Japon ne soutient aucune des revendications des six protagonistes ; comme le Japon est co-contractant son interprétation est importante et elle contredit la version chinoise, la rendant donc caduc150. La France pendant ce temps essaye de nouveau de revendiquer les Spratlys au nom de l’Annam avec différentes déclarations et quelques actes. En 1947 la France propose de nouveau151 à la Chine de porter l’affaire devant la Cour Internationale de Justice, proposition que la Chine refuse152. Certaines discussions et correspondances indiqueraient même que le Ministère des Affaires Etrangères voulait que ces îles deviennent des Territoires d’Outre Mer. La dernière trace de cette revendication date de Juillet 1955153. La France se retire définitivement du Vietnam en 1956 après les Accords de Genève de 1954 et à partir de cette date ne dit plus rien sur les îles, même si formellement elle n’aurait pas abandonné ses prétentions154. Elle laisse derrière elle un Etat divisé en deux : République Démocratique du Vietnam et la République du Sud Vietnam. Pendant cette période d’après-guerre, dés qu’un représentant de l’un des deux Vietnam pouvait s’exprimer dans le sens de la souveraineté du Vietnam sur les Spratlys, il le faisait, notamment à la Conférence de San Francisco par le représentant de l’Etat associé du Vietnam. Cette déclaration est vue par certains comme la première déclaration moderne de souveraineté du Vietnam sur les Spratlys155. 3. De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit Le départ de la France en 1956 amène plusieurs changements. D’abord un de succession entre la France et les différents gouvernements du Vietnam ; puis un d’occupation car Taiwan réoccupe Itu Aba, et le Vietnam occupe pour la première fois les Spratlys, dès son indépendance ; et finalement une multiplication des acteurs dès les années 1950. Le départ de la France et l’indépendance du Vietnam pose tout d’abord la question de la succession. Il est important de déterminer quelle voix succède à la France, et donc à l’Empire d’Annam car il existe trois différents gouvernements qui revendiquent la représentation du Vietnam. A la place du Vietnam, à partir de l’Accord de Genève, il existe maintenant deux 150 ER (L.), “Japan and...“, op. cit., p.996. La France a proposé pour la première fois à la Chine un arbitrage international en 1937, voir CHEMILLIERGENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.117. 152 Idem, p.111. 153 Idem, p.112. 154 Idem, p.124. 155 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872. 151 31 Vietnam avec deux gouvernements distincts. Puis, à partir de 1969, au Sud Vietnam, il existe aussi un Gouvernement Révolutionnaire Provisoire (G.R.P.) qui est l’allié du Vietnam du Nord. Il semblerait que les trois gouvernements soient les successeurs de la France et que tous les actes qu’ils prennent peuvent être retenus comme des actes du Vietnam156. Mais la question de succession se repose en 1975 lorsque le Vietnam est enfin réunifié après 30 ans de division. En effet c’est le Nord qui envahit le Sud, et donc de ce fait le Nord devrait être le successeur, mais les Accords de Genève en 1954 placent les Spratlys sous le contrôle du Vietnam du Sud, ce qui voudrait dire que pour les actes relevant des Spratlys les voix du gouvernement du Sud Vietnam et possiblement celle du G.R.P. soient celles qu’il faille écouter157. Les chinois argumentent que seuls les actes de la République Démocratique du Vietnam sont ceux qu’il faut garder car elle a gagné la guerre, cette version serait favorable aux revendications chinoises, mais elle est fortement contestée par d’autres auteurs158. La succession du Vietnam en 1975 n’est donc pas claire et cette multiplication des voix rend les arguments du Vietnam un peu moins audibles. L’année 1956 fût aussi une année d’action. En effet, dès le départ des troupes françaises du Vietnam, les troupes du Sud-Vietnam occupent quelques îles des Spratlys au nom de leur gouvernement159. Le Sud Vietnam rattacha dès octobre 1956 les Spratlys à la province de Phuoc Tuy. La même année Taiwan reprend pied sur l’île d’Itu Aba et ne la quitte plus depuis160. Un troisième acteur, les Philippines entrent en scène cette année-la. Thomas Cloma, un avocat, agit en temps que citoyen privé pour revendiquer les îles et il y débarqua161. Il occupa quelques îles, déclara qu’il les avait découvertes en 1947 et nomme l’ensemble « l’Etat de Kalayaan ». Cette revendication privée n’est pas officiellement supportée par les Philippines à cette date. Ces occupations diverses amenèrent les protestations de la Chine162. Ces protestations seraient supportées par le gouvernement de la République Démocratique du Vietnam (RDV) qui aurait déclaré cette même année que les Spratlys seraient un territoire chinois. Mais il faut savoir qu’à cette époque la Chine était l’allié principal de la RDV qui dépendait de son aide militaire et économique dans sa guerre contre le Sud et les Etats-Unis. Ce fait donnait un pouvoir de levier extraordinaire à la Chine et pourrait faire douter de la 156 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.118. Idem, p.123. 158 Idem, p.121. 159 Idem, p.119. 160 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64. 161 Idem, p.66. 162 ROQUE (H.), “China’s claim to …”, op. cit., p.194. 157 32 sincérité de ces dires rapportés. La même opinion fût émise de nouveau en 1958 par le Premier Ministre de la RDV163. Après cette année 1956 très active, le conflit ne cessa de gagner en importance. Les années 1973 à 1975 furent aussi très importantes. En 1973 le Sud-Vietnam occupa plus d’îles, et en 1975 il transféra ces îles aux forces de la RDV qui réaffirma sa souveraineté sur ces îles, en contradiction avec ses affirmations de 1956 et 1958 ce qui pourrait nous amener à dire que ces paroles ont étés affirmées sous pression de la Chine. Pendant cette période, le G.R.P. a toujours revendiqué les Spratlys comme territoire du Vietnam et a proposé à plusieurs reprises une solution négociée164. Cette affirmation de la souveraineté contribua à empirer les relations entre le Vietnam nouvellement unifié et la Chine. En 1974, Thomas Cloma transféra la « souveraineté » du groupe de Kalayaan aux Philippines, et en 1978 le Président Marcos publia un décret qui affirmait que ces îles faisaient partie du territoire des Philippines165. Il avait au préalable renforcé les structures militaires sur les îles occupées depuis 1971 par les troupes des Philippines suite à un accrochage avec des forces de Taiwan basées sur Itu Aba, les Philippines n’avaient pas revendiquées les îles à ce moment-là. Cette reprise de l’activité fût suivie en 1979 de la part de la Malaisie par la publication d’une carte délimitant son plateau continental et qui incorpore certaines îles des Spratlys. Ensuite, entre 1983 et 1986 la Malaisie occupa certaines îles du groupe revendiqué166. Puis de nouveau en 1999 elle s’appropria d’autres îles après un conflit avec les Philippines167. La situation connut un rebond dramatique en 1987 avec le premier incident sérieux entre deux protagonistes qui amena la perte de navires chinois et vietnamien et plus de 100 morts côté vietnamien168. En 1988 la Chine attaqua de nouveau les troupes vietnamiennes pour les déloger de 6 îlots. La Chine coula deux ou trois navires vietnamiens et il y eu environ 80 morts169. C’était la première occupation militaire des îles par la Chine. La Chine avait pénétré dans la zone en premier en 1997 sous prétexte d’effecteur des recherches sur le vent pour le compte de l’UNESCO170. Le prochain incident violent, entre la Chine et les Philippines, eut lieu entre 1995 et 1997 quand la Chine expulsa les forces des Philippines stationnées sur 163 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66. CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.121. 165 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66. 166 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872. 167 TIGLAO (R.), “Seaside boom”, Far Eastern Economic review, Volume 162, 8 Juillet 1999, Hong Kong, p.14. 168 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy, and geo-politics in the South China Sea”, The international journal of marine and coastal law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998, p.209. 169 http://www.quid.fr/. 170 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.106. 164 33 Mischief Reef. Cette occupation avait été précédée d’une Loi du 25 Février 1992171 qui délimitait la mer territoriale et les zones contiguës de la Chine, et qui incluait les Spratlys comme territoire chinois172. Cette loi donnait la possibilité à la Chine d’utiliser la force pour défendre les îles173. Le 26 Juin 1998, la Chine proclama une loi sur sa Zone Economique Exclusive et son plateau continental qui incorpore les Spratlys174. La même année, Taïwan publia une carte qui incluait officiellement les Spratlys comme territoire taïwanais.175. En 1999, de nouveaux incidents eurent lieu autour de Mischief Reef176. Le Brunei-Darussalam est le seul à ne pas occuper une île des Spratlys. Il publia une carte à son indépendance en 1984 qui incluait dans sa ZEE un îlot des Spratlys, Louisa Reef. Cette revendication fût confirmée par une autre carte en 1988 qui délimitait son plateau continental177. Mais dès 1982 le Brunei avait sous-entendu de par sa loi maritime qu’elle pourrait revendiquer une partie des Spratlys178. Dans les années 1980 et1990 tous les protagonistes ont donc augmenté le nombre d’îles qu’ils occupaient et ont renforcé les structures militaires présentes sur les îles. De nombreux incidents entre des pêcheurs et des forces armées ont été relatées, ainsi que des protestations sur des voyages organisés de journalistes, de projets de complexe touristique, des exercices militaires près de la zone, des voyages touristiques et des concessions pétrolières ont été accordées à des compagnies étrangères. Les années 1990 ont aussi été favorables à des batailles sur l’attribution de zones d’exploration ou d’exploitation pour les Spratlys qui sont considérées comme étant riches en hydrocarbures179. La Chine fut la première à signer un accord pétrolier d’exploration en 1992 avec la Crestone Energy Corp., une société américaine, pour une zone située au sud-ouest des Spratlys180. Le Vietnam protesta d’autant plus que c’était une zone située juste à côté d’une de ses zones d’exploitation off-shore. En avril 1994 le Vietnam accorda une concession à un ensemble de compagnies mené par Mobil Oil situé juste à l’Ouest de celui accordé par la Chine, il s’en suivit des incidents entre navires dans ces zones181. Puis, c’est au tour des Philippines d’accorder un droit d’exploration à Vaalco Energy en mai 1994 dans une zone de 171 Annexe 3. SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.110. 173 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.106. 174 Annexe 5. 175 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.107. 176 GUAN (A.), “ASEAN, China and…”, op. cit., p.426. 177 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66. 178 Annexe 2. 179 Voir la partie sur les intérêts économiques de ces îles. 180 CHANDA (N.), “Treacherous shoals”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992, p.15. 181 LABROUSSE (H.), “Quelle solution…, op. cit., p.134. 172 34 l’est des Spratlys182. Les Philippines ont plus récemment accordé des droits d’exploration à Alcorn Petroleum, alors que le Vietnam accordait des droits à Conoco183. Seuls ces trois pays ont accordé des droits d’exploration ou d’exploitation à des compagnies pétrolières, mais cela suffit à augmenter les tensions entre les protagonistes et à créer des incidents d’autant plus qu’ils déclarent qu’ils protégeront les concessions accordées par la force si nécessaire. Après ces provocations diverses qui ont fait craindre un affrontement armé plus grave dans les années 1990, des tentatives pour faire baisser les tensions ont été entreprises. La première de ces tentatives fut les « Workshops on Managing Potentiel Conflicts in the South China Sea » commencée en 1990 en Indonésie avec les pays de l’ASEAN, puis avec la Chine à partir de 1991184. C’est une réunion informelle qui se réunit tous les ans. Il y eut ensuite la Déclaration de Manille de 1992 qui joua un rôle important185, ainsi que des accords entre les Philippines et la Chine et entre les Philippines et le Vietnam en 1995 sur des principes pour un code de conduite186. 1995 fut aussi la date où la Chine accepta des négociations multilatérales pour la première fois. Ces négociations ont abouti en 1997 et 1998 sur des déclarations et une volonté d’arriver à rédiger un Code de conduite pour la mer de Chine187. Elles ont débouché en 2002 sur la signature de la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale. Notre revue rapide des points importants de l’historique s’arrête à cette date, mais il sera fait une analyse plus en profondeur de cette Déclaration ainsi que des accords pétroliers récents qui semblent tirer ce conflit vers une issue positive. 4. Les notions de date critique et de cristallisation du différend appliquées aux Spratlys Parmi toutes les dates que nous avons vues, il en existe certaines qui semblent plus importantes que d’autres. Ces dates pourraient correspondre à la notion de date critique ou de cristallisation du différend. Ces notions sont abordées dans le cas des Spratlys par Monique 182 TIGLAO (R.), “Troubled waters”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 30 Juin 1994, Hong Kong, p.20. 183 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.195. 184 DJALAL (H.), “Indonesia…”, op. cit., p.99. 185 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.133. 186 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p136-137. 187 BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes after the 2002 declaration: beyond confidence-building”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, p.347. 35 Chemillier-Gendreau188, Harry L. Roque Jr.189 et Nguyen Hong Thao190 qui proposent un certain nombre de dates qui pourraient être considérées comme étant une date critique ou un moment de cristallisation du différend. La notion de date critique correspond à une « Date ou période pertinente pour établir le contenu d’une situation juridique et à laquelle il faut se placer pour apprécier les droits respectifs des parties et à partir de laquelle les actions unilatérales des parties ne sont plus susceptibles de modifier leurs droits respectifs »191. Il y a deux choses importantes à retenir de cette définition. Tout d’abord le fait qu’une date critique peut être une « date » ou bien une « période ». Ensuite, c’est le fait qu’après cette date les actions des parties « ne sont plus susceptibles de modifier leurs droits respectifs ». Les critères qui permettraient de définir cette date critique ne sont pas clairement définis, et chaque différend est un cas unique et doit être traité de la sorte192. Cette notion est souvent utilisée dans la jurisprudence mais n’est pas obligatoire. La notion de cristallisation du différend est plus vague. Elle correspondrait à « une situation bloquée »193. Mais je n’ai pas trouvé de définition plus précise venant de sources différentes. Dans le cas du différend relatif aux Spratlys la cristallisation du différend pourrait correspondre à l’arrivée des Philippines, en 1951, ou de la Malaisie, en 1979, dans le différend, car cette multiplication d’acteurs aurait braqué les autres Etats. Les dates des Spratlys qui pourraient correspondre à celle de date critique sont multiples. La détermination de cette date, ou période, est d’une grande importance car les revendications sont multiples et étalées dans le temps, ce qui fait que cette date pourrait exclure certains pays qui se sont exprimés tardivement sur la question. Les différentes dates évoquées sont les années 1884-1887 avec l’arrivée de la France et le Traité sur les frontières franco-chinoises ; 1933 avec l’avis de souveraineté de la France ; 1937 ou 1947 avec la proposition de la France de porter le litige en arbitration ; 1939 avec l’invasion du Japon ; 1951 avec l’arrivée des Philippines, la Conférence de San Francisco et le Vietnam qui retrouve une part de sa souveraineté ; 1954-56 avec le départ de la France, l’entière souveraineté du Vietnam, 188 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.90-93. ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.202. 190 HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses…, op. cit., p.272-275. 191 SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.293. 192 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, L’Harmattan, 1996, Paris, p.91. 193 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.91. 189 36 l’occupation de certaines îles par Thomas Cloma, le Vietnam et Taiwan ; les possibilités sont nombreuses et toutes ont possiblement des effets différents sur la solution trouvée. C. Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public Il existe en Droit de la Mer une distinction entre une « île », un « rocher » et des « hautsfonds découvrants ». La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer194, signée en 1982 à Montego Bay et entrée en vigueur en 1994, les définit. 148 Etats y sont parties au premier février 2005195, dont cinq des six protagonistes196. Seul Taïwan ne l’a pas signé ni ratifié car selon l’article 305 de la Convention, Taiwan n’étant pas dans le système des Nations Unies197 il ne peut donc pas être partie à la Convention. Ce qui ne l’empêche pas de la respecter198. Certains auteurs parlent de « Constitution de la Mer »199 et elle est vue comme un des plus grands succès du Droit International réalisé par les Nations Unies200. Nous nous servirons très largement de la Convention de Montego Bay dans cette partie. Nous commencerons par déterminer dans un premier temps dans quelle catégorie les îles Spratlys rentrent, celle d’une « île », d’un « rocher » ou des « hauts-fonds découvrants » (1.). Puis, dans un deuxième temps il s’agira de différencier les différentes sortes d’îles, car il existe des différences dans les droits qui sont attachés à ces différentes définitions (2.). 1. Iles habitables, ou rochers ? Dans la Convention de Montego Bay, à l’article 121.1, une définition de ce qui est entendu par « île » est donnée. Nous verrons cette définition et les conditions posées dans une première partie (a.). Il existe aussi une différence, détaillé à l’article 121.3, entre une « île » qui est capable de soutenir une vie et une activité économique propre et celles qui ne le sont pas, et qui sont considérées comme des « rochers ». Nous verrons donc dans une deuxième 194 Les termes Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, Convention de Montego Bay ou Convention seront utilisés indifféremment tout au long de ce mémoire. 195 Source: www.ladocumentationfrancaise.fr. 196 Brunei-Darussalam a ratifié la Convention le 5 Novembre 1996, La Chine le 7 Juillet 1996, La Malaisie le 14 Octobre 1996, les Philippines le 8 Mai 1984 et le Vietnam le 25 Juillet 1994. 197 SHAW (Y.), “Taiwan: a view from Taipei”, Foreign affairs, Eté 1985, p.1050. 198 Source: LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea…”, op. cit., p.325. Toutes les politiques suivies par le gouvernement de Taiwan en rapport avec le Droit de la Mer et détaillées dans cet article suivent la Convention de Montego Bay. 199 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.183. 200 Source: NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., p.2. 37 partie dans quelle catégorie rentrent les Spratlys (b.). Puis dans une troisième partie nous parlerons du statut d’archipel pour les Spratlys (c.). Nous allons ainsi commencer par regarder si les Spratlys sont bien des « îles » au sens de la Convention. a. Qu’est-ce qu’une « île » ? La première distinction qu’il tient de faire est une entre une « île » et un « hauts-fonds découvrant ». Nous commencerons donc par regarder si les Spratlys doivent être considérées comme des « haut-fonds » ou des « îles ». L’article 121 paragraphe 1 de la Convention de Montego Bay donne la définition d’une « île » avec les critères dont il faut tenir compte. Pour cet article une « île » est : « …une étendue naturelle de terre entourée d'eau qui reste découverte à marée haute. ». Il y a donc plusieurs points importants sur lesquels il faut revenir. En premier lieu la notion « d’étendue naturelle ». Ceci exclut donc toutes les constructions humaines qui ont pour but d’élever artificiellement le niveau de l’île qui serait alors considérée comme une île artificielle et donc non-naturelle201. En revanche, comme le précise Monique Chemillier-Gendreau, la nature de la terre n’est pas importante202. Cette première condition fait que beaucoup des îles des Spratlys ne rentrent pas dans la catégorie « île », mais plus dans celle de « hauts-fonds découvrants ». En effet, tous les protagonistes, sauf le Brunei-Darussalam, ont construit des fortifications militaires sur des îles afin de les rendre habitables203. La Malaisie, par exemple, a construit une piste d’atterrissage entre deux îlots afin de les rendre praticables204. La deuxième condition est que la formation doit être « entourée d’eau ». Cela semble assez logique, et ne fait pas de doute dans le cas des Spratlys. La troisième condition posée par cette définition est celle de « (rester) découverte à marée haute. ». Ici encore, cette condition exclut un certain nombre d’étendues naturelles de terre des Spratlys de la catégorie des îles. La plupart de ces étendues de terre sont petites et recouvertes à marée base205. Il a même été reporté que des militaires chinois montaient la garde sur des îlots avec de l’eau jusqu’aux genoux à marée haute206. Néanmoins, cette 201 DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses Universitaires de France, Paris, 1984, p.28. 202 Ibid 203 BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.295. 204 Annexe 14. 205 YALOWITZ (G.), “Spratly spats are serious”, US News and World report, 28 Mars 1988, p.36 206 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.69. 38 deuxième condition est plus sujette à interprétation207. En effet, il est posé la question des marées exceptionnelles et des tempêtes dans cette zone de la mer de Chine qui est régulièrement balayée par des typhons dont les vagues recouvrent ces étendues de terre208. Mais, d’après les interprétations des auteurs spécialistes du Droit de la Mer les marées exceptionnelles sont à prendre à part des marées normales. En effet, comme le rappelle Marius Gjetnes209 en citant la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, lorsqu’une disposition d’un traité n’est pas claire elle doit être : « interprété(e) de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. » (Article 31.1). Ensuite, il cite l’article 32 de la même Convention de Vienne qui est relatif à l’utilisation des travaux préparatoires pour interpréter un traité lorsque « le sens est ambigu ou obscur » (article 32.a) ou que le « résultat est manifestement absurde ou déraisonnable » (article 32.b). Finalement, Marius Gjetnes cite l’article 33 qui est relatif à l’interprétation d’un traité lorsqu’il est traduit en plusieurs langues210. Ce sont ces dispositions de la Convention de Vienne qui font que les auteurs arrivent à cette conclusion. Ce qui fait qu’au final, seul une dizaine de ces formations satisfont la définition légale « d’île ». b. « Iles » ou « rochers » L’article 121(3) fait une différence entre une île « qui (…) se prêtent (…) à l'habitation humaine ou à une vie économique propre » et une qui ne s’y prête pas, et est donc considéré comme un « rocher ». Cette différence est essentielle car elle ouvre droit à différents avantages. Cette question est souvent étudiée par les auteurs qui se penchent sur les Spratlys et donnent lieu à des interprétations car les termes sont flous. Il faut donc garder à l’esprit en continu les dispositions de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités cité précédemment. La jurisprudence amène un premier critère, celui de la taille. En effet, le critère de la taille a été abordé plusieurs fois lors de règlement de différends : lors d’un jugement de la Cour Suprême Norvégienne en 1996 relatif au tracé de la ligne de base autour de l’archipel des Spitzberg et à la zone de pêche qui en découlait, puis lors de la décision de la Cour Internationale de Justice dans le cas Jan Mayen211. Ce critère de la taille fait que 207 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.192 https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 209 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.193. 210 Ces articles de la Convention de Vienne sont très importants et seront utilisés plus tard lors de divers interprétations de traités internationaux. 211 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.193. 208 39 certaines îles rentrent automatiquement dans la catégorie des îles. Mais la taille des îles en question212 lors de ces deux jugements comparée à celle de la plus grande des Spratlys213 fait qu’aucune des Spratlys ne peut être qualifiée automatiquement du seul fait de sa taille comme une « île ». Ce critère de la taille est donc limité, et les auteurs de la Convention de Montego Bay, d’après les travaux préparatoires, ne voulaient pas se baser uniquement sur ce critère de la taille214. Ils ont donc précisé la définition avec deux critères supplémentaires. Le deuxième critère, qui est apporté par l’article de la Convention, est celui de « l’habitation humaine ». Cela pose plusieurs questions car la formule est vague215. En premier, il faut préciser que cette condition ne pose pas forcément qu’il y ait, ou qu’il y ait eu une vie humaine, mais seulement qu’elle y soit possible, que l’île s’y prête216. Néanmoins, comme le souligne Marius Gjetnes, le meilleur moyen pour savoir si une « habitation humaine » est possible est de voir si elle existe, ou existait. De plus, si une population est présente, les travaux préparatoires indiquent qu’elle n’est pas obligée de résider de manière continue sur l’île, mais elle doit être plus que juste un refuge, ou un lieu de passage217. La deuxième question est celle de la taille de la population qui habiterait l’île. Rares sont les auteurs qui s’aventurent à donner un chiffre précis. Certains parlent de « communauté stable »218, d’autres sont un peu plus précis et disent qu’il faut la possibilité d’une « résidence stable d’un groupe d’êtres humains »219. Marius Gjetnes s’aventure à donner une fourchette en parlant d’une population comprise entre cinq et cinquante personnes, mais ces chiffres ne peuvent être qu’indicatifs et il faut étudier la question au cas par cas, île par île. La troisième question est celle de la composition de la population. Certains avancent que le type de population n’a pas grande importance, même si la présence d’une famille serait un argument important, par exemple s’ils accompagnent des pêcheurs220. Néanmoins il semble que certaines catégories de populations soient exclues. En effet, les travaux préparatoires de la Convention indiqueraient que sont exclus de la catégorie de la population les soldats, les gardiens de phares ou du personnel présent uniquement pour des raisons de préservation de l’environnement ou scientifiques. De plus, étant donné l’utilisation du terme « se prêter », cela 212 Dans le premier cas l’île d’Abel fait 13,2 km², puis dans le deuxième cas l’île de Jan Mayen fait 54,8 km de long. Ibid. 213 Itu Aba fait 36 hectares. 214 Idem, p.194. 215 DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses Universitaires de France, Paris, 1984, p.49. 216 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.195. 217 Idem, p.196. 218 Ibid. 219 Ibid. 220 Idem, p.200. 40 élimine tous les artifices qui peuvent être ajoutés pour rendre l’île habitable221, tel un phare ou une caserne comme c’est le cas sur de nombreuses formations dans les Spratlys. Finalement, la présence d’eau douce, de terre fertile et d’autres ressources naturelles peut faire correspondre une étendue de terre à la définition d’une « île ». Mais, pour être décisif il faut que ces ressources servent à une population locale qui dépend des ressources de la mer qui l’entoure. Cet argument fut avancé par la Norvège en 1951 devant la Cour Internationale de Justice lors de l’Affaire de sa zone de pêche qui le jugea comme convaincant222. L’idée principale derrière cette première condition est que si il y a une population côtière et qu’elle dépend des ressources de la mer pour vivre il faut lui permettre de les exploiter et de les protéger en lui accordant une ZEE. Le troisième critère est celui d’une « vie économique propre ». Là encore, plusieurs questions se posent du fait de l’ambigüité de la formule. En premier lieu il tient de savoir si la mer territoriale de 12 miles marins autour de l’île peut être associée à l’île et donc si les activités économiques qui s’y déroulent peuvent supporter la qualification comme « île » de l’élévation. Cette question fut soulevée lors des négociations par plusieurs représentants de pays de l’Océan Pacifique. Ils ont souligné la possibilité pour une île de vivre de la pêche dans ses eaux territoriales, ou de ressources naturelles dans le sous-sol de sa mer territoriale. Une interprétation littérale du terme « vie économique propre » nous amènerait à penser que la mer territoriale ne peut être rattachée de la sorte à l’île. Mais Marius Gjetnes pencherait pour rattacher la mer territoriale à la vie économique de l’île223, car il s’agit de faire la distinction entre une « île » et un « rocher » qui ont tous les deux droit à une mer territoriale, la différence entre les deux étant la ZEE et le plateau continental. La deuxième question qu’il tient d’aborder est de savoir s’il est nécessaire que les ressources soient effectivement exploitées ou si leur présence suffit. Comme pour l’habitation humaine, il semble ici, étant donné l’utilisation du terme « se prêter », que la présence de richesse et la possibilité de les exploiter est suffisante. Ceci est confirmé par le jugement de la Cour Suprême de Norvège, que nous avons déjà évoqué, quand elle a considéré que la possibilité d’une chasse à l’ours polaire qui serait économiquement viable, même si elle est interdite, est suffisante pour satisfaire au critère de la « vie économique propre »224. Néanmoins, il existe certaines limites afin de ne pas arriver à des situations absurdes qui seraient donc contraires à l’article 32.b de la Convention de Vienne. En premier lieu, il faut que ces ressources 221 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28. GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.195. 223 Idem, p.198. 224 Idem, p.197. 222 41 représentent une richesse qui peut être exploitée dans le long terme, ce qui exclut l’exploitation de guano225 qui est souvent épuisé rapidement, ou la vente de corail arraché autour de l’île. La deuxième limite est une limite plus moderne et est relatif au type d’activité économique. En effet, vu le développement des nouvelles technologies, notamment de l’information et de la communication, il serait facile d’installer sur une île perdue un réseau électronique qui gère un casino virtuel via satellite par exemple226. Dans ce cas, cette activité économique pourrait être installée partout, et elle n’est pas due aux caractéristiques de l’île. Il convient de garder continuellement à l’esprit la Convention de Vienne relatif au Droit des Traités pour interpréter cet article. La dernière limite vient du fait que certaines ressources d’une île peuvent n’avoir aucune valeur économique à un certain moment dans l’histoire, puis avec l’arrivée de nouvelles technologies devenir viables économiquement227. C’est le cas du pétrole par exemple, un des enjeux stratégiques des Spratlys. Le statut d’une île peut donc changer dans le temps et il faut s’adapter. La troisième et dernière question est celle du mot « propre ». Le mot « propre » implique qu’il faut exclure toute vie économique qui se base ailleurs et qui utilise l’île uniquement comme « point d’appui »228. En revanche, il n’implique pas que l’île doit être entièrement autosuffisante et qu’une partie de la vie économique peut être basée ailleurs, à condition que l’île reste un chainon important229 et que ses ressources soient au moins une partie de la base de la vie économique de l’île. Enfin ce terme insinue qu’une activité économique qui est dépendante du financement extérieur n’entre pas dans les critères. Ce qui exclut le stationnement de troupes militaires ou de populations maintenues grâce à des aménagements et infrastructures onéreux faites par un Etat pour donner plus de poids à ses arguments230, ce qui est le cas sur de nombreuses îles des Spratlys. Les Etats en question espèrent bénéficier de cette situation floue et des termes qu’il faut interpréter. Enfin, il faut interpréter le « ou » pour savoir si les deux critères sont cumulatifs ou si l’un des deux suffit pour être qualifié « d’île ». Cette question s’est posée lors de la traduction du texte dans certaines langues. Marius Gjetnes231 nous cite l’exemple de la Norvège. Il se réfère aussi aux travaux préparatoires de la Convention en pointant qu’au début 225 Idem, p.201. Il est possible de citer en exemple l’Etat créé au large de la Grande-Bretagne sur une ancienne plateforme pétrolière. Ce genre de structure aurait un intérêt économique possible, mais cette vie économique peut difficilement lui donner le droit d’exister. 227 DIPLA (H.), Le régime juridique…, op. cit., p.49. 228 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28. 229 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.198. 230 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28-29. 231 GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.194. 226 42 des négociations le mot « ou » était remplacé par le mot « et ». Il en vint à la conclusion que le choix du mot « ou » était intentionnel, et donc que les deux critères ne sont pas cumulatifs mais qu’un seul des deux suffit pour qu’une élévation soit qualifiée « d’île » au sens juridique. La plupart des auteurs arrivent à la conclusion que très peu d’îles des Spratlys, voir aucune232, ne satisfont soit au critère de « l’habitation humaine », soit à celui de la « vie économique propre » de l’article 121(3). Il existerait en revanche entre 20 et 46 formations qui pourraient être qualifiées de « rochers »233. Néanmoins, les Etats impliqués ne tiennent pas compte de cela et préfèrent considérer que ces îles entrent dans les critères de l’article 121(3) car les avantages attendus sont importants. De plus, si un jour ces îles sont considérées comme rentrant dans la définition de l’article 121.3 lors d’un règlement de l’affaire ou d’un changement de situation, mais qu’un Etat ne pensait pas cela et s’était retiré avant ce serait à son désavantage car du coup il perdrait l’effectivité du contrôle pour gagner la souveraineté sur cette île. Ce qui fait que tant qu’aucun règlement n’est trouvé, la tentation est grande d’occuper de nouvelles îles et d’aménager celles qui sont déjà possédées. c. La question de l’archipel Maintenant que nous avons défini une « île », nous allons essayer de déterminer si les Spratlys remplissent les critères pour être qualifiés « d’archipel », car dans ce cas encore les avantages obtenus avec cette différente définition juridique sont autres que si les îles étaient toutes prises individuellement. La définition d’un « archipel » est donnée à l’article 46.b de la Convention de Montego Bay : « un ensemble d'îles, y compris des parties d'îles, les eaux attenantes et les autres éléments naturels qui ont les uns avec les autres des rapports si étroits qu'ils forment intrinsèquement un tout géographique, économique et politique, ou qui sont historiquement considérés comme tels. »234 La plupart des auteurs affirment que les Spratlys forment un seul archipel235. Mais les Philippines soutiennent qu’il existe plusieurs archipels à l’intérieur du groupe des Spratlys qui est très étendu236. Les Philippines soutiennent qu’un groupe d’îles qu’ils appellent les 232 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.29 ; et GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.201. 233 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.181. 234 http://www.un.org/french/. 235 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.199. 236 410 000 km² selon le site https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 43 Kalayaan sont distincts des Spratlys et rattachés à la province de Palawan de par le plateau continental237. C’est aussi le cas de la Malaisie et du Brunei-Darussalam qui ne revendiquent qu’une partie des Spratlys, ou une seule île.238 Parmi tous les auteurs que j’ai trouvé, seul Harry Roque Jr dit que les Spratlys ne sont pas un archipel selon la Convention de Montego Bay239. La réponse à cette question est difficile à trancher car les Spratlys sont « historiquement considérées » par certains pays comme étant un archipel, mais par d’autres comme étant composés de plusieurs archipels. De plus, d’un point de vue purement géographique, toutes les îles revendiquées ne semblent pas vraiment faire partie d’un ensemble « étroit », mais plus de différents ensembles qui composent le plus vaste ensemble appelé les îles Spratlys. Cette thèse est supportée par les conditions qui sont posées à l’article 47 de la Convention pour le tracé des lignes de base archipélagiques. En effet, une des conditions selon l’article 47.1 est que le rapport entre la mer et la terre soit compris entre 1 pour 1 et 1 pour 9. Or, il existe un certain nombre d’îles et de regroupements d’îles qui sont assez éloignés les uns des autres qui font que ce rapport, si toutes les îles des Spratlys étaient regroupées dans le même ensemble, ne serait pas respecté. La superficie totale de la zone serait donc de 410 000 km², alors que la superficie totale de la terre serait de 5km²240, ce qui fait un rapport de 1 pour 82000. Ce critère de l’article 47.1 ne pourra pas être rempli même si les lignes de base sont tracées selon le critère de l’article 47.3 de la Convention qui stipule que « Le tracé de ces lignes de base ne doit pas s'écarter sensiblement du contour général de l'archipel. », et même si la surface de la terre est agrandie en application de l’article 47.7 : « Aux fins du calcul du rapport de la superficie des eaux à la superficie des terres prévu au paragraphe 1, peuvent être considérées comme faisant partie des terres les eaux situées en deçà des récifs frangeants bordant les îles et les atolls ainsi que toute partie d'un plateau océanique à flancs abrupts entièrement ou presque entièrement cernée par une chaîne d'îles calcaires et de récifs découvrants ». Ce qui fait que même si les Spratlys étaient considérées comme un seul archipel, l’entité qui les posséderait devrait tracer des lignes de base pour les différents ensembles qui composent les Spratlys. Mais en traçant ces différents ensembles il risque d’exclure certaines formations 237 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…, op. cit., p.202. SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: Indonesian sponsorship of the South China Sea workshops”, Studies in conflict and terrorism, Volume 18, Numéro 1, p.2. 239 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.191. 240 https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/. 238 44 trop éloignées, ce qui serait alors un argument de choix pour les pays qui ne revendiquent une souveraineté que partielle sur les Spratlys. Ces questions de définition de l’archipel et des lignes de base ne sont pas les priorités des protagonistes, ce qui fait qu’aucun Etat n’a tracé de lignes de bases dans les Spratlys241. Mais pour régler ce problème de définition de(s) ligne(s) de base archipélagique(s) il faut avant tout régler le problème de la définition de chaque bout de terre des Spratlys car le tracé ne sera pas le même en fonction de la définition juridique de ces bouts de terre. En effet, selon l’article 47.4 les lignes de base ne peuvent être « tirées vers ou depuis des hauts-fonds découvrants » sauf si des « phares ou des installations similaires émergées en permanence n'y aient été construits » ou « que le haut-fond ne soit situé, entièrement ou en partie, à une distance de l'île la plus proche ne dépassant pas la largeur de la mer territoriale ». Cet article pose plusieurs problèmes. D’abord celui de savoir quelles formations sont des « hauts-fonds découvrants » et qui pourront servir comme points pour une ligne de base seulement selon certaines conditions. Puis, celle de savoir ce que sont des « installations similaires » à des phares. Enfin de savoir quelles formations de terre peuvent être qualifiées « d’île » ou de « rocher » et qui peuvent donc servir comme des points de référence pour ces lignes de base archipélagique. Ce qui laisse encore bon nombre de questions en suspens. De manière générale cette question de délimitation n’est toujours pas tranchée, et même si d’un point de vue strictement juridique les Spratlys ne constituent pas forcément un seul archipel, d’un point de vue politique les protagonistes traitent ces îles comme un ensemble afin de régler la question de la souveraineté plus facilement, car c’est leur priorité. Les considérations d’ordre plus techniques et juridiques viennent après242. Pourtant elles méritent plus d’attention car la résolution du conflit ne sera pas la même si les Spratlys sont prises comme plusieurs archipels avec des îles isolées ou comme un seul archipel, au sens juridique du terme. 241 242 GJETNES (M.), “The Spratlys…, op. cit., p.192. Ibid. 45 2. Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des problèmes de délimitation de frontières. a. Les avantages selon la définition La distinction que nous venons de faire entre un « haut-fond découvrant », un « rocher » et une « île » est primordiale car selon la définition, il y a des droits et des avantages différents. Nous allons donc voir ces différences et regarder quels droits sont attachés aux îles Spratlys. Nous commencerons par regarder quels droits sont attachés aux « hauts-fonds découvrants », ces hauts-fonds qui ne sont découverts qu’à marée basse. Cette question est réglée par l’article 13 de la Convention de Montego Bay. L’article 13.2 stipule que : « Lorsque des hauts-fonds découvrants se trouvent entièrement à une distance du continent ou d'une île qui dépasse la largeur de la mer territoriale, ils n'ont pas de mer territoriale qui leur soit propre. ». Cette disposition est claire, mais il existe une exception qui est donnée à l’article 13.1 qui stipule que : « Lorsque des hauts-fonds découvrants se trouvent, entièrement ou en partie, à une distance du continent ou d'une île ne dépassant pas la largeur de la mer territoriale, la laisse de basse mer sur ces hauts-fonds peut être prise comme ligne de base pour mesurer la largeur de la mer territoriale. ». Ceci veut dire que ces « hauts-fonds découvrants » peuvent être utilisés comme des points du tracé de la ligne de base s’ils sont à moins de 12 miles marins d’une « île »243. Dans le cas des Spratlys, aucune île ne se trouve à moins de 12 miles marins du territoire d’un des protagonistes. Il est possible que cette exception soit valable pour un certain nombre de « hauts-fonds découvrants » dans les Spratlys, mais ici encore il faut qu’il y ait un accord sur la définition de chaque bout de terre dans les Spratlys, et ce n’est pas le cas ni la priorité pour l’instant. Néanmoins, la plupart des auteurs affirment que la majorité des élévations des Spratlys entrent dans cette catégorie244, et aucune construction humaine artificielle ne les fera changer de statut pour devenir des « rochers » ou des « îles ».245 243 GUILLAUME (G.), « Les hauts-fonds découvrants en Droit International » in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, p.297. 244 Sur la centaine d’élévations dans les Spratlys, environ 80% seraient des “hauts-fonds découvrants”, il y aurait aussi une centaine d’élévations qui ne dépassent pas le niveau de la mer. 245 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.177. 46 Nous allons maintenant regarder quels droits sont attachés à un « rocher », une élévation qui ne satisfait pas aux critères de l’article 121.3 d’habitation humaine et de vie économique propre. Cette question est réglée par les articles 121.2 et 121.2 qui disent qu’un « rocher » n'a « pas de zone économique exclusive ni de plateau continental ». Un « rocher » ne dispose donc que d’une « mer territoriale » de 12 miles marins246 et d’une « zone contigüe » de 24 miles marins247. C’est le cas en temps normal pour tout territoire et c’est aussi le cas pour entre environ 20 et 30 élévations dans les Spratlys. Nous allons maintenant détailler les droits qui sont rattachés au statut « d’île », définie à l’article 121 et qui satisfont aux conditions de l’article 121.3. Ces droits sont les plus importants et selon l’article 121.2 sont les mêmes que pour un autre territoire terrestre : « la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental d'une île sont délimités conformément aux dispositions de la Convention applicables aux autres territoires terrestres. ». Toutes les « îles » des Spratlys disposeraient donc d’une mer territoriale de 12 miles marins, d’une zone contigüe de 24 miles marins, d’une Zone Economique Exclusive de 200 miles marins248 et d’un plateau continental qui peut aller jusqu’à 350 miles marins249. Certains auteurs ont tenté de faire une liste non-exhaustive de ces « îles », et elles incluent Itu Aba, Spratly Island et Thi Tu, mais ils précisent ensuite qu’à part ces trois îles il est possible que d’autres élévations pourraient être qualifiées « d’îles » après une étude individuelle de la centaine d’élévations des Spratlys250. Néanmoins, il est presque sûr que peu d’élévations pourraient être qualifiées « d’îles », une petite dizaine au maximum. La particularité de ces trois types d’élévations (hauts-fonds découvrants, rochers, îles) par rapport à un territoire terrestre classique réside dans le tracé de la ligne de base. La manière de tracer cette ligne de base est définie à l’article 6 de la Convention de Montego Bay qui stipule que : « Lorsqu'il s'agit de parties insulaires d'une formation atollienne ou d'îles bordées de récifs frangeants, la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer sur le récif, côté large, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines reconnues officiellement par l'Etat côtier. ». 246 Article 3 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer. Article 33 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer. 248 Article 57 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer. 249 Article 76 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer. 250 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.178. 247 47 Si l’île ne dispose pas de récifs il faut prendre la ligne de basse mer. Si l’île n’est entourée que partiellement d’un récif il faut tracer des lignes droites les plus courtes possibles entre la fin du récif et la ligne de basse mer sur l’île. Enfin, s’il existe une ouverture dans un récif il faut tracer une ligne droite la plus courte possible pour fermer cette ouverture251. Finalement si les Spratlys étaient considérées comme un archipel cela permettrait de tracer des lignes de base archipélagiques entre les « îles », « rochers », et « hauts-fonds découvrants », qui respectent les conditions de l’article 47.4, de façon à les relier entre eux. Ces lignes de base devront remplir certaines conditions que nous avons déjà vues en partie plus haut et qui sont détaillées dans les articles 47.1 à 47.8 de la Convention. Ensuite, c’est cette ligne de base archipélagique qui sera prise comme base pour mesurer « la largeur de la mer territoriale, de la zone contiguë, de la zone économique exclusive et du plateau continental »252 qui sont les mêmes que pour les « autres territoires terrestres ». L’intérieur de la ligne de base archipélagique est composé des « eaux archipélagiques » ainsi que des « eaux intérieures » qui sont délimitées par l’Etat par « des lignes de fermeture »253. L’Etat exerce sa « souveraineté (…) aux eaux situées en deçà des lignes de base archipélagiques », et le régime des « eaux intérieures » est le même que pour les « autres territoires terrestres »254. Dans ce dernier cas les étendues maritimes accordées à l’entité qui contrôlerait les Spratlys seraient très vastes car elles pourraient aller jusqu’à 350 miles marins pour son plateau continental, ce qui pose un problème de délimitation de frontières avec certains pays voisins255. b. Le problème de la délimitation des frontières maritimes L’obtention d’une ZEE et d’un plateau continental pour certaines des îles Spratlys pose des problèmes de délimitation de frontières avec les pays qui sont situés à moins de 400, ou 700 miles marins des Spratlys et cela sans être séparés d’une fosse continentale ; soit tous les protagonistes sauf la Chine et Taiwan256. Le Vietnam est situé, au point le plus près à chaque fois, à 230 miles marins, les Philippines sont situées à 120 miles marins, la Malaisie à 150 miles marins, la Chine continentale, plus précisément l’île de Hainan, est à plus de 900 251 Ibid. Article 48 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. 253 Article 50 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. 254 Article 49 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. 255 Voir annexe 12. 256 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.171. 252 48 miles marins257, le Brunei-Darussalam à environ 150 miles marins et Taiwan à plus de 1000 miles marins258. De plus, si les Spratlys donnent droit à une ZEE et un plateau continental, cela amènera la quasi-totalité de la mer et du sous-sol de la Mer de Chine méridionale sous un degré de juridiction divers. Ceci ferait de la mer de Chine méridionale une mer semi-fermée dans les faits, alors qu’en réalité elle ne l’est pas259. Il y aurait alors naturellement des problèmes de délimitation de frontières entre des Etats et des territoires qui se feront face ou seront adjacents. Les problèmes de délimitations peuvent amener des tensions importantes et il faut les étudier de plus près, même si d’éventuelles tensions n’apparaîtront qu’une fois que la question de la souveraineté sur les îles sera réglée. En effet c’est la terre qui donne à l’Etat costal un droit sur les eaux adjacentes à ses côtes260, et qui entraîne donc ces problèmes de délimitation. Nous allons donc regarder dans cette partie comment d’éventuelles frontières maritimes entre les Etats de la Mer de Chine méridionale et les îles Spratlys pourront être trouvées. Nous aborderons le problème du poids relatif des îles Spratlys face aux Etats alentours, ainsi que la possibilité de faire une frontière différente entre la ZEE et le plateau continental. Dans tout règlement territorial, et donc aussi maritime, la base est le principe d’équité. Ce principe est rappelé dans les articles 74.1 et 83.1 de la Convention qui parlent de trouver une « solution équitable » pour toute délimitation de la ZEE et du plateau continental respectivement. Ces articles traitent des délimitations entre Etats dont les côtes se font face ou sont adjacentes, mais nous utiliserons uniquement les parties relatives aux côtes qui se font face, car les îles Spratlys sont situées entre tous les protagonistes, et la question ici n’est pas de parler des délimitations maritimes entres ces Etats. En effet, le droit n’est pas le même lorsqu’il s’agit de côtes adjacentes ou qui se font face261. La deuxième condition que fixent ces articles est que la solution doit être basée sur le droit international tel qu’il est défini dans l’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice262. Ensuite, dans le respect de ces deux conditions générales, la jurisprudence a développé une méthode pour obtenir une délimitation. Le principe qui est appliqué en premier de manière provisoire dans une délimitation de frontière de territoires qui se font face est la règle de l’équidistance263. Puis, il faut adapter ce principe général pour que la ligne reflète une certaine 257 NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., p.9. Pour une vue d’ensemble voir les annexes 11 et 12. 259 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…, op. cit., p.199. 260 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.172. 261 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.176. 262 http://www.un.org/french/. 263 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.179. 258 49 réalité. La jurisprudence des tribunaux internationaux et la pratique des Etats ne donnent pas forcément le même poids à une île en fonction de la situation, cela se fait au cas par cas. Pour Dong Manh Nguyen il existe trois sortes d’îles lors d’une délimitation territoriale : celles qui sont ignorées, celles à qui sont accordées un effet partiel, et celles à qui sont données pleine influence264. Les îles seront mises dans ces catégories en fonction de critères de taille, de localisation, de population, d’importance économique, … En appliquant cette technique aux Spratlys il faudra donc étudier les droits de chaque île individuellement ou de chaque sousensemble défini par ses lignes de base. Après avoir modifié la ligne d’équidistance en fonction du poids relatif des îles face au pays qui lui fait face, la solution trouvée devrait correspondre à une solution équitable. Ce type de solution pourrait être appliqué aux îles Spratlys une fois que le statut de chaque île aura été déterminé et d’éventuelles lignes de base tracées. Mais, il semble déjà que vu le faible nombre d’îles qui satisferaient éventuellement aux critères de l’article 121, peu de poids serait donné aux Spratlys, surtout quand la côte de l’Etat est la plus proche comme pour les Philippines, la Malaisie et le Brunei-Darussalam265. Cette délimitation sera difficile même si le statut des îles est clarifié car il existe de nombreux désaccords entre les Etats voisins sur leurs frontières maritimes, qu’elles soient adjacentes ou qu’elles se fassent face. Même si petit à petit des solutions négociées sont trouvées comme en 2000 entre le Vietnam et la Chine pour le Golf de Tonkin266, ou plus récemment entre le Vietnam et l’Indonésie en 2003, il existe encore de nombreux points de tension267. Nous allons maintenant regarder le problème de la délimitation de la ZEE et du plateau continental. La question de la mer territoriale ne pose pas de problème ici car les îles Spratlys sont situées à plus de 12 miles marins des Etats qui les revendiquent. La seule importance de la mer territoriale ici est qu’en aucun cas une ZEE ou un plateau continental ne peut repousser une mer territoriale268. Ce qui fait que tous les « rochers » auront une mer territoriale mais qu’ils peuvent être entourés par la ZEE d’un Etat269. Les « hauts-fonds découvrants » ne disposent d’aucun droit sauf s’ils sont incorporés dans des lignes de base archipélagiques. Comme nous venons de le voir, la délimitation de la ZEE et du plateau continental s’est faite par rapport au poids relatif des îles face à la masse d’un continent, ou d’un pays entier. Mais cette ligne de séparation à laquelle nous arrivons ne doit pas forcément 264 NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op cite, p.55-56. OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.181. 266 Idem, p.51. 267 NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., pp.25-27. 268 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.175. 269 Idem p.181. 265 50 être la même pour la ZEE et pour le plateau territorial270. Cette différenciation sera plutôt le cas à l’Ouest des Spratlys entre le Vietnam et les Spratlys, et au Sud face à la Malaisie et à l’Indonésie. A l’Est et au Sud-est face aux Philippines, à la Malaisie et au Brunei-Darussalam, étant donné leur proximité aux îles, la séparation maritime sera probablement la même pour la ZEE et le plateau continental. De même, vu la distance entre les Spratlys et la Chine et Taiwan les revendications ne peuvent se chevaucher, d’autant plus qu’il existe une fosse marine entre eux271. Entre les Spratlys et le Vietnam, il existe une fosse qui ne sépare pas les deux entièrement, ce qui fait que le Vietnam peut revendiquer un plateau continental de 350 miles marins ; de même, vu que les Spratlys sont sur ce même plateau continental, ils peuvent aussi revendiquer une zone de 350 miles marins. Il en va de même pour la Malaisie, car une partie de son territoire est située au sud des Spratlys plus loin que la partie qui est à l’Est. L’Indonésie est située au sud des Spratlys et sur le même plateau continental. La limite pourrait être différente entre la ZEE et le plateau continental dans ces cas car la limite de la ZEE est de 200 miles marins. Quand cette limite sera tracée, il faudra donner plus de poids aux pays, mais ils seront suffisamment loin pour que la majorité de la ZEE des Spratlys dans ces directions ne soient pas contestée. En revanche, la situation est différente pour le plateau continental car les Etats et les Spratlys peuvent revendiquer jusqu’à 350 miles marins. Donc les zones qui se chevaucheront seront plus importantes, et du fait du poids moins important des Spratlys, un plus grand plateau continental sera attribué aux Etats. Il y aura donc une juridiction différente sur la colonne d’eau, et le sol et sous-sol272, comme c’est déjà le cas entre la Malaisie et l’Indonésie dans le détroit de Malacca273. Quelle que soit la situation plus tard, s’il est nécessaire de faire une délimitation de frontières maritimes entre les Spratlys et les Etats qui leur font face, le résultat se devra d’être équitable274 et ce quel que soit la solution trouvée conformément au droit international. C’est la base pour une résolution définitive et pacifique du différend. Une aide peut être trouvée devant le Tribunal de la Mer, institué par la Convention de Montego Bay, qui est compétent pour s’occuper des délimitations maritimes et de la classification des îles car la délimitation maritime viendrait après une résolution de la question de la souveraineté et serait une interprétation de la Convention de Montego Bay275. Mais cette soumission à la Convention et 270 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002, p.1179. Voir carte annexe 11. 272 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.183. 273 NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under…, op. cit., p.52. 274 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.180. 275 Article 286 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. 271 51 aux différentes méthodes qu’elle propose reste sur la base du volontariat276 et les protagonistes semblent réticents envers toute solution juridique, ou amenée par une tierce personne, même si elle est valable uniquement pour des questions de définition d’îles et de poids relatif lors d’une délimitation territoriale. Néanmoins, la question des droits des îles ne peut être abordée qu’une fois la question de la souveraineté résolue, c’est ce que stipule la Convention de Montego Bay dans son préambule comme le souligne Lee Vietnam277. De plus, cette Convention n’est pas faite pour régler des différends relatifs à la souveraineté278, et le conflit sur les îles Spratlys relève plus de questions de souveraineté que du droit de la mer279. Il faut donc que nous étudiions maintenant les pays impliqués, leurs revendications et les arguments juridiques qu’ils avancent. 276 NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under…”, op. cit., p.51. CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.68. 278 Article 298 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. 279 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.234. 277 52 II) Les différentes revendications Dans cette partie nous allons étudier les revendications des pays plus en détail. Nous regarderons les arguments évoqués par chaque protagoniste avant de les comparer au droit international pour voir s’ils sont crédibles et quelle force ils ont par rapport aux arguments des autres protagonistes. Il s’agit bien sûr de comparer le droit en vigueur à l’époque aux actes et documents cités comme preuves par les protagonistes, car c’est le seul moyen de savoir si ces actes ou documents sont valables et s’ils entraînent des droits280. Nous utiliserons toutes les sources de droit international listées à l’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice. Nous regarderons dans un premier temps les revendications les plus anciennes que sont celles de la Chine, de Taiwan et du Vietnam (A.). Puis, nous analyserons les revendications des Philippines, de la Malaisie et du Brunei qui sont apparues plus tardivement (B.). A. Les revendications les plus anciennes Dans cette partie, nous allons regarder les arguments des pays qui montrent un intérêt pour ces îles depuis des temps anciens281. Nous allons donc commencer par regarder les revendications vietnamiennes et les arguments qu’ils évoquent pour essayer de prouver leur souveraineté sur les îles (1.). Puis, dans un deuxième temps, nous analyserons les arguments qui sont évoqués par la Chine et Taiwan qui sont mis dans une même partie (2.). Nous évoquerons, quand il sera nécessaire, les réactions de pays moins impliqués dans le conflit qui auraient pu réagir à des déclarations de souveraineté. 1. Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam Les revendications du Vietnam sont anciennes, il fait donc les étudier selon différentes périodes. En premier, il faut savoir si « l’occupation historique » sur des terres étant res nullius revendiquées par le Vietnam est réelle ; puis, il faudra regarder la période de la 280 Max Huber dans l’affaire de l’île de Palmas : « un acte juridique doit être apprécié à la lumière du droit de l’époque, et non à celle du droit en vigueur au moment où s’élève ou doit être réglé un différend relatif à cet acte. » dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.530. 281 Voir partie historique. 53 colonisation française où les actes français seront étudiés ; puis nous analyserons la période trouble de l’après-guerre avant de regarder la période qui va de la réunification à aujourd’hui. La notion de succession d’Etats sera très importante dans cette partie. a. Un éventuel titre embryonnaire obtenu et consolidé avant 1884 Comme nous avons vu dans la partie historique, le Vietnam se base sur des cartes et documents anciens qui datent de l’époque de l’Empire d’Annam pour attester sa souveraineté. Il s’agit maintenant de regarder quelles sont les conditions pour qu’un titre de souveraineté puisse être effectivement accordé et de savoir si le Vietnam satisfait à ces conditions aux vues des documents qu’il présente et des arguments qu’il évoque. Cette période correspond à celle avant 1884. Le Vietnam base ses revendications anciennes sur la découverte et l’occupation d’un territoire sans maître282. Avant 1885 et l’Acte de Berlin, la souveraineté était obtenue grâce au « fait de la découverte et quelques manifestations symboliques de souveraineté »283. Il faut donc un premier élément d’ordre matériel, le corpus, constitué par la découverte. La découverte ne doit pas être confondue avec « connaissance »284. Cette découverte doit être complétée par une « manifestation symbolique de souveraineté ». La pose d’un étendard était suffisante à l’époque285, d’autant plus qu’il était possible d’adapter la manifestation à la géographie et au peuplement du lieu286. Dans le cas des Spratlys, un petit acte aurait été suffisant. Cette découverte par le Vietnam dans le cas des Spratlys pourrait être prouvée au XVème siècle selon certains auteurs à l’aide entre autres de nombreuses cartes plus détaillées, semble-t-il, que les cartes chinoises287. Néanmoins, à cette époque, les archipels des Spratlys et des Paracels étaient considérés comme faisant un seul bloc, la distinction entre les deux ne vient que plus tard au début du XVIIIème Siècle. Certains auteurs évoquent « l’hypothèse plausible » d’une gestion des Spratlys par les seigneurs Nguyen dès le début du XVIème Siècle288. Cette gestion consistait à récupérer les trésors laissés par les naufrages de navires sur les îles. Ces actes seraient suffisants pour prouver une découverte effective et non une simple connaissance. 282 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531. 284 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.53. 285 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531. 286 Idem, p.532 qui donne l’exemple de la sentence de Clipperton. 287 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.208 et 210. 288 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.69. 283 54 Cet élément doit ensuite être complété par un élément intentionnel, l’animus, exercé par un Etat. Les seuls actes pertinents sont ceux qui sont faits par une autorité étatique et qui rentrent dans ses fonctions traditionnelles289. Ce qui veut dire que, soit la nature des faits, soit la qualité de l’auteur sont les critères pertinents pour l’intention. Dans le cas de l’exemple que nous avons cité, l’activité était ordonnée par les Seigneurs Nguyen, les empereurs du Vietnam, et cela rentre dans le cadre de leurs compétences étatiques. Cet exemple pourrait suffire pour donner un titre embryonnaire au Vietnam car les Spratlys sont de petites îles et les actes peuvent être « symboliques », ils sont plus que symboliques dans ce cas. Les obligations ne semblent pas être très importantes ; en effet, dans le cas de l’île de Clipperton une déclaration sur un bateau de guerre suivie d’une surveillance était suffisante290. Mais ce titre inchoate ou titre embryonnaire doit être complété dans un laps de temps raisonnable sans être contesté pour qu’il puisse être considéré comme une preuve de souveraineté291. Il faut en effet qu’il y ait une administration effective des îles292, tout en tenant compte des particularités géographiques des Spratlys. Cette administration effective peut être prouvée à partir du début du XVIIIème siècle d’après certains auteurs293. D’après eux, il existe de « nombreux documents, concordants (…) et relayés par des récits étrangers qui vont dans le sens de l’affirmation d’un titre de souveraineté »294. Ils citent différentes activités étatiques prouvées par des cartes et documents officiels vérifiés tels que : lever, gérer et exploiter une compagnie maritime pour l’exploitation des îles295, organiser une reconnaissance topographique, construire des stèles et des bornes de souveraineté sur les îles, décider de constructions, secourir des bateaux étrangers et organiser la perception d’impôts296. Malgré la confusion qui existait entre les archipels Paracels et les archipels Spratlys, il semble bien que les actes pris par les autorités de l’Empire d’Annam étaient valables pour les deux archipels qui étaient considérés comme un dans un premier temps, puis comme deux archipels au début du XVIIème siècle297. Mais ces preuves de souveraineté peuvent être contestées par un autre Etat qui réclame aussi la souveraineté sur un territoire. Il faut que ces protestations 289 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532. Ibid. 291 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.196. 292 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532. 293 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.66 et HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.217. 294 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.66. 295 Une compagnie commune aux îles Spratlys et Paracels est d’abord créée avant d’être divisé au début du XVIIème Siècle en deux sous-groupes, l’un pour les Paracels, l’autre pour les Spratlys. 296 Pour une discussion plus complète et une revue plus détaillée des documents fournis voir HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., pp.218-222 et CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., pp.6672. 297 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.71. 290 55 soient répétées et de d’intensité suffisante d’après le droit international. Dans les cas des Spratlys, certains auteurs évoquent des contestations chinoises (trouver ces contestations). En revanche, d’autres n’en font pas état, et vont même plus loin en affirmant: « En réalité, il n’y a pas de trace que la Chine se soit jamais opposée à l’affirmation de la souveraineté de l’Empereur Gia Long et de ses successeurs, ni tout au long du XVIIIème siècle, ni surtout au XIXème siècle lorsque les seigneurs vietnamiens organisèrent de manière plus administrative l’exploitation des îles sous leur juridiction. » En tout état de cause il ne semble pas qu’elles aient été suffisamment fortes et répétées pour contester le titre vietnamien. Un certain nombre d’auteurs arrivent à la conclusion qu’en 1884, quand l’Empire d’Annam passa sous contrôle français, « la souveraineté du Vietnam sur les îles (…) est incontestable »298 et ce au moins depuis 1816299. En effet, le Vietnam semble avoir assez de preuves pour prouver qu’il est passé d’un titre inchoate à un titre de souveraineté par une administration effective dans un délai raisonnable. Le Vietnam aurait assez de documents pour prouver une possession « non troublée, paisible, ininterrompue et incontestée. »300. Mais le point faible de la revendication vietnamienne est souvent cité comme étant la période de l’occupation française. Il faut voir ce qu’il en est vraiment. b. La période coloniale française Il faut tout d’abord éclaircir la théorie de la succession des Etats. Le passage d’un Empire d’Annam indépendant et entièrement souverain à un système de protectorat puis de colonie est relativement rapide. Il y a différents traités et accords qui amènent la colonisation française. Celui qui est décisif est celui de 1884 qui augmente les compétences de la France dans le cadre de son protectorat sur le Vietnam, il est appelé Traité de Patenôtre. C’est à partir de cette date que l’on peut considérer que les actes de la France sont ceux qui engagent le Vietnam car c’est sa personnalité juridique en droit international qui représente le Vietnam301. La succession d’Etat est définie par la Commission du Droit International comme étant : « la substitution d’un Etat à un autre dans la responsabilité des relations internationales d’un 298 HONG THAO (N.), LeVietnam…, op. cit., p.226. CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p65. 300 HONG THAO (N.), LeVietnam…, op. cit., p.197. 301 Idem, p.226. 299 56 territoire. »302. Cette définition générale est suffisante pour cette première succession d’Etats. La France peut donc faire référence à tous les actes de l’Empire d’Annam car elle succède sur le même territoire et sur la même population. Néanmoins, la France ne fait appel à cette notion de succession d’Etat que pour revendiquer les îles Paracels. Après 1884 et pendant plus de quarante ans, la France ne se prononça presque pas sur les Spratlys. Elle avait, semble-t-il, une connaissance approximative du dossier historique et n’osait pas revendiquer clairement les îles303. La France ne prît conscience des intérêts de ces îles que vers la fin des années 1920 avec la montée en puissance du Japon304. Donc après avoir hésité pendant de longues années, et s’être informé auprès d’autres puissances sur d’éventuelles revendications305, la France se prononça clairement le 25 Juillet 1933 puis le 26 Juillet 1933 dans le Journal Officiel de la République Française en affirmant sa souveraineté sur six îles principales des Spratlys qu’elle avait déclaré territoire res nullius306. Pour que cette déclaration emporte des droits de souveraineté sur les îles il faut une « occupation effective, attestée par des actes administratifs »307. Suite à l’Acte général de Berlin de 1885, les conditions pour pouvoir déclarer sa souveraineté sur un territoire sans maître ont donc été augmentées. Il faut une « occupation effective » (caractère gras rajouté) pour une administration sur l’ensemble. Dans sa déclaration parue au JO, la France revendique six « îles » ou « îlots » ainsi que « les îlots qui en dépendent ». Les six îles ou îlots cités sont à priori les plus grosses formations des Spratlys, ce qui veut dire que la déclaration vaut pour tout l’archipel d’après la jurisprudence de l’arbitre Max Huber dans le cas de l’île de Palmas « l’accessoire suit le principal »308. Par la notification parue au JO la condition de l’animus est remplie par la France car c’est un avis de souveraineté. De plus, par cette publication la France remplit une condition non obligatoire d’après la jurisprudence, la notification. Cette notion a fait son apparition en 1885 dans l’Acte général de Berlin. Cette condition ne vaut que pour l’Afrique et les rapports entre puissances européennes309. Ensuite, pour prouver son occupation et administration effectives il semble qu’il y ait peu d’actes. Mais ces actes pourraient être suffisants si l’on en juge par la taille des îles car les exigences 302 Dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.539. CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.99. 304 Le Japon demanda à la France quel était le statut territorial des îles Spratlys, dans HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.236. 305 Ibid. 306 Voir annexe 1. 307 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531. 308 Idem, p.533. 309 Idem, p.531. 303 57 sont moindres pour les îles de petite taille, mais cela se décide au cas-par-cas310. La France avait, dès 1928, envoyé des navires dans la région pour des relevés topographiques et des recherches minières311. La marine aurait occupé l’île Spratly dès 1930 suite à la demande du Gouvernement français (faire une référence à la parution au JO). Puis, en Décembre 1933 le Gouverneur de la Cochinchine rattacha les Spratlys à la Province du Baria312. Mais, ce possible titre de souveraineté acquis par la France sur la base du res nullius peut être contesté par un autre Etat s’il arrive à prouver qu’il avait acquis et conservé la souveraineté sur les îles avant que la France ne les revendique313. En 1933, la France semble peu contestée par les autres partis. D’après certains le Japon serait la seule puissance à avoir protesté auprès de la France. Mais, en 1934 le Japon aurait reconnu les droits de la France. De plus, ses revendications historiques basées sur la présence de pêcheurs et bateaux japonais semblent peu convaincantes314. La Grande-Bretagne a protesté en 1930, mais en 1933 a décidé d’abandonner ses revendications basées sur des faits de 1874 et 1877 qui semblent trop faibles juridiquement315. La Grande-Bretagne aurait même soutenu la position française en 1939 face à l’occupation japonaise et aux protestations françaises316. Si cette reconnaissance est prouvée elle donnerait un poids supplémentaire au titre français, et par succession possiblement au titre vietnamien. Si certains affirment que la Chine a protesté et qu’elle avait un droit établi sur ces îles il faut qu’elle le prouve. Cette question sera abordée dans la partie suivante, et la Chine semble être la seule en mesure de contester le titre français. Ce titre peut aussi être contesté si un Etat émet des protestations de manière répétée et suffisamment forte. C’est la même condition que nous avons vu plus haut au temps de l’Empire d’Annam. Aux vues de ce que nous venons de voir, il ne semble pas qu’il y ait eu de contestations répétées et fortes d’autres pays. Néanmoins le cas de la Chine sera traité avec plus d’attention dans une partie suivante. Pour résumer cette période de domination française, nous pouvons dire qu’après une période de désintéressement quasiment total, la France comprend vers la fin des années 1920, face à une forte activité japonaise, les intérêts de ces îles. Elle publia au JO le 26 Juillet 1933 un avis de souveraineté sur les Spratlys sur une base de res nullius. Sur cette base la France devrait prouver une occupation effective et une administration sur l’ensemble de l’archipel. 310 Idem, p.532. CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté …, op. cit., p.105. 312 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.237. 313 Idem, p.236. 314 Idem, p.239, et CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.106. 315 Voir partie historique et partie sur les protagonistes. 316 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.42. 311 58 Les actes français allant dans ce sens ne semblent pas très nombreux, mais sont possiblement suffisants aux vues de la taille des Spratlys. Mais ce titre pourrait être contesté par un autre Etat s’il arrive à prouver l’administration et l’occupation antérieures à celle de la France, ou s’il conteste assez régulièrement et de façon assez forte l’occupation française. Ces dernières questions sont sujettes à interprétations et les avis divergent quand à la solidité du titre français affirmé en 1933. Une réponse définitive à ces questions ne sera donnée uniquement lors d’une solution finale entre les six protagonistes de la question de la souveraineté. c. Le flou de l’après-guerre, de 1945 à 1975. Après la Deuxième Guerre Mondiale, le Vietnam entra dans une période trouble de son histoire. Cette période est marquée par des guerres à répétition et une multiplication du nombre d’entités qui se disent représentants du Vietnam. Il est donc très important dans cette période de déterminer qui succède à la France et quelle parole engage la souveraineté du Vietnam. Il sera d’autant plus important de le déterminer car les différentes entités ont eu des attitudes différentes qui ont des effets sur le possible titre vietnamien. Malheureusement il semble que le droit international ne soit pas capable de donner une réponse nette317. Nous allons tout de même essayer d’éclaircir ce problème et commenter les attitudes des différentes entités. La première chose à faire est donc d’essayer de déterminer qui parle au nom du Vietnam et à quelle époque. De 1945 à 1949 c’est la France qui représente encore officiellement le Vietnam. La France est alors déjà en guerre contre la République Démocratique du Vietnam située plus au Nord et créée en Septembre 1945. Pendant cette période ses actes semblent peu nombreux et certains auteurs affirment même que la France ne s’est pas exprimée sur la question depuis sa protestation à l’occupation japonaise en 1939-1940318. Néanmoins, il semble que la France a pris quelques mesures qui allaient dans le sens d’une affirmation du titre de 1933. Elle proposa une nouvelle fois à la Chine de porter le différend devant la Cour Internationale de Justice en 1947 ; elle envoya la marine française aux Spratlys déposer une stèle de souveraineté319 ; suite à une patrouille la marine française découvre l’occupation chinoise en 1949 ; la correspondance diplomatique entre Paris et les représentants français 317 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.242. JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.201. 319 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.241. 318 59 locaux laisse entendre que la France souhaiterait réaffirmer sa souveraineté320. Il a même été question, semble-t-il, pour une courte période allant jusqu’en 1955, de revendiquer les Spratlys comme Territoire d’Outre Mer321. Si la France avait décidé de revendiquer officiellement les Spratlys comme territoire français cela aurait affaibli la position vietnamienne car elle n’aurait pu se baser uniquement sur les faits de l’Empire d’Annam datant du milieu du XIXème siècle au plus tard322. Mais la France ne les revendique pas et laisse donc ouverte la question de la succession de son titre de 1933. Pendant cette même période, il semble qu’il n’y ait pas eu d’actes ou de déclarations de la République Démocratique du Vietnam sur les Spratlys. Ceci est compréhensif étant donné qu’ils étaient en guerre contre la France, et donc occupés par d’autres préoccupations. Par les Accords de la Baie d’Halong en 1949, la France transféra progressivement à l’Etat du Vietnam, représenté par l’Empereur Bao Dai, la souveraineté sur le Vietnam entre 1949 et 1950. Par cet acte, la France transféra ainsi sa souveraineté sur tout le territoire à l’Etat du Vietnam323. Mais, certains auteurs affirment qu’il n’est jamais question des Spratlys, et même que la France aurait explicitement affirmé que les Spratlys n’ont jamais été cédées au Vietnam et donc que les droits qui allaient avec n’ont pas été transférés324. Néanmoins l’attitude de l’Etat du Vietnam va dans le sens d’actes qui affirment sa souveraineté sur les Spratlys. A la Conférence de San Francisco en 1951 il déclare la souveraineté du Vietnam sur les Spratlys, puis en 1956 lors du départ des dernières troupes françaises, la République du Sud Vietnam325 envoya sa marine prendre pied sur les Spratlys et y poser des marqueurs de souveraineté. Cette même année elle rattacha administrativement les îles à la province de Phuoc Tuy. 326. Une autre période importante se situe entre 1954, date des Accords de Genève, et 1956, date du départ définitif des troupes françaises. Les accords de Genève divisent le Vietnam en deux Etats, la République Démocratique du Vietnam au nord et la République du Sud Vietnam au sud, le long du 17ème parallèle. Dans le cadre de cet accord l’administration des Spratlys a été transférée de la France à la République du Sud Vietnam. Cette RSV a pris des mesures pour ces îles dès 1956 comme nous venons de le voir. Entre 1956 et 1975 elle envoya des patrouilles maritimes à intervalles réguliers, ce qui va dans le sens d’une 320 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.111 et 112. Voir la partie historique. 322 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.238. 323 LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.139. 324 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.66. 325 La République du Sud Vietnam est le nouveau nom de l’Etat du Vietnam suite à un coup d’Etat. 326 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p65. 321 60 administration et d’une occupation effective. L’exigence de l’animus est remplie car c’est la marine qui fait ces actes sur ordre du gouvernement, de plus, ils déposent des stèles sur ces îles327. Cette attitude fait que si la République du Sud Vietnam est considérée comme l’entité étatique compétente pour les Spratlys du fait de la délimitation territoriale du 17ème parallèle, la position du Vietnam est renforcée. Mais la position du Vietnam est affaiblie par l’attitude de la République Démocratique du Vietnam pendant cette même période. Après les Accords de Genève de 1954 la RDV est renforcée comme entité étatique. Mais au cours de la période de 1956 à 1975, la RDV aurait soutenu la souveraineté de la Chine sur les Spratlys, et ce à trois reprises328. Il est indéniable que ces soutiens sont une pièce importante pour les chinois, et une épine dans le pied du dossier vietnamien. Mais il est très important de préciser qui, et dans quelles conditions ces soutiens ont été apportés. Les auteurs de ces soutiens sont le vice-ministre des Affaires Etrangères de la RDV, le Premier-Ministre de la RDV et le troisième message est une note venant de la capitale de la RDV, Hanoï329. Ce sont donc des personnes importantes du régime de l’époque, ce qui pourrait nous amener à croire que ces paroles engagent la RDV. Mais Nguyen Hong Thao essaie quand même de limiter la portée de ces actes330. Il est aussi important de préciser dans quelles conditions ces actes ont été faits. En effet, à l’époque, la RDV était en guerre contre la République du Sud Vietnam puis contre les USA, et elle sortait de la guerre contre la France. La RDV avait besoin du soutien actif de la Chine qui disposait d’un levier important via l’aide qu’elle lui donnait. Il est donc possible de questionner l’indépendance totale des autorités de Hanoï, d’autant plus que le dernier soutien s’est exprimé en 1965, et qu’au début des années 1970 les relations entre la RDV et la Chine se sont tendues, et aucun soutien n’a été de nouveau évoqué. Les paroles qui ont été prononcées et les documents signés pourraient éventuellement être considérés comme illicites car faits sous contrainte. Dans ce cas précis ce serait une contrainte d’ordre militaire-politique et économique ce qui pourrait entacher d’illégalité la parole donnée. Il tient de rester prudent sur cette notion car elle n’est pas clairement définie et sujette à de multiples interprétations331. En revanche, le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire, l’allié de la République Démocratique du Vietnam basé au sud n’aurait jamais soutenu la souveraineté chinoise. Il aurait toujours plaidé pour une solution négociée entre les deux pays dans un climat de calme 327 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.255. BELLER (R.), “Analyzing the…”, op. cit., p.309. 329 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.248 et 249. 330 Idem, p.249 à 252. 331 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., pp.200-201. 328 61 et de confiance. Le GRP n’était pas directement sous influence chinoise mais était l’allié de la RDV, et le fait qu’il n’ait jamais soutenu la revendication chinoise illustre le fait que l’attitude adoptée à trois reprises par la RDV s’est faite sous de fortes pressions. La différence de points de vue sur cette question se fait sur le fait de savoir s’il faut considérer la République du Sud Vietnam comme compétente pour administrer les Spratlys du fait des Accords de la Baie d’Halong, des Accords de Genève et la frontière du 17ème parallèle. Ou si du fait de la victoire finale de la République Démocratique du Vietnam en 1975, il faut considérer cette entité étatique comme le représentant du Vietnam à partir de sa création en 1945. Dans le premier cas, la position du Vietnam ressort plus forte, mais dans le second cas sa position ressort affaiblie. La solution choisie dépend souvent de la nationalité et une réponse définitive à cette question ne peut être donnée uniquement lors d’un règlement de la question de la souveraineté. d. Le Vietnam réunifié. En 1975 le Vietnam est enfin réunifié par la victoire de la République Démocratique du Vietnam sur le République du Sud Vietnam qui donne naissance à la République Socialiste du Vietnam. La question de la succession est épineuse comme nous l’avons vu, et elle aura une grande influence sur le titre du Vietnam selon la solution privilégiée, mais il est quand même important de regarder l’attitude de la République Socialiste du Vietnam à partir de 1975. La période de 1975 à nos jours est une période de grande activité pour le Vietnam. Dès sa réunification en 1975, le Vietnam déclare sa souveraineté sur les Spratlys, il contredit donc ce que le RDV avait affirmé sous probable pression chinoise. Le Vietnam accompagne cette déclaration d’une occupation militaire des lieux332. Le Vietnam n’était plus présent depuis que la République du Sud Vietnam avait retiré ses troupes stationnées pour un court moment sur certaines îles. Le Vietnam prend de nombreuses mesures afin d’affirmer sa souveraineté. Il occupe jusqu’à une vingtaine d’îles, il donne des concessions d’exploration à des compagnies pétrolières, il publie deux livres blancs en 1981 et 1988 pour défendre sa cause333, il proteste 332 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.201. The Hoang Sa and Truong Sa archipelagos Vietnamese territories, Livre blanc du Ministre des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, 1981 et Les archipels des Hoang Sa et Truong Sa et le Droit International, Ministère des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, Hanoi, Avril 1988. 333 62 auprès de l’ONU en invoquant des actes qui vont « contre sa souveraineté »334, il proteste contre toutes les actions des autres protagonistes dans la zone, … Les actions sont nombreuses et répondent toutes au désir de prouver la souveraineté vietnamienne sur les îles. C’est une période où tous les actes sont faits avec cette arrière pensée de prouver sa souveraineté, et où il y a une multiplication des acteurs. Tout ce qui peut ressortir de pertinent de cette période c’est que le Vietnam n’abandonne pas sa revendication sur les Spratlys et l’accompagne d’actes forts. C’est à ce moment que les notions de date critique ou cristallisation de différend sont de nouveau pertinentes. Le Vietnam base sa revendication sur deux choses. En premier lieu sur le titre originaire qu’aurait acquis l’Empire d’Annam au moins depuis 1816 et bien avant 1884 grâce à une administration et une occupation des îles, notamment sous la période des seigneurs Nguyen. Puis le Vietnam se revendique comme étant l’héritier de la France et se base sur la parution au JO le 26 Juillet 1933 d’un avis de souveraineté sur les îles déclarées terra nullius. Les faiblesses possibles de la revendication du Vietnam résident en plusieurs points. En premier, il faut voir si la Chine n’avait pas acquis avant le Vietnam un titre originaire basé sur la découverte et l’administration. Puis, il faut savoir si pendant la période de calme français un autre pays n’aurait pas affirmé ses droits. Il faut vérifier que le Vietnam, et avant la France, n’ont pas été systématiquement contestés par un autre pays depuis 1933. Il convient de clarifier qui succède à qui lors de la période trouble de l’après guerre, et de savoir qui avait l’administration effective sur les Spratlys lors de cette période. Enfin, il faut déterminer la portée réelle de tous les actes entrepris par la RSV sur les Spratlys de manière nondiscontinue depuis 1975. 2. La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps immémoriaux » La Chine et Taïwan sont traités dans une même partie car ils se basent sur les mêmes faits historiques et leurs histoires étaient liées jusqu’en 1949. Néanmoins, il sera posé le problème de leur division territoriale, voire politique, depuis 1949 qui peut affaiblir le titre des deux Chine. Cette question sera analysée de manière distincte car les effets ne sont pas forcément les mêmes sur la Chine (a.) ou sur Taïwan (b.). 334 Annexe 10. 63 a. La République Populaire de Chine La Chine évoque principalement la notion de droits immémoriaux acquis grâce à sa découverte des Spratlys en des temps anciens. Elle donne des documents et des cartes anciennes comme preuves. Il faudra vérifier si ces actes donnent un titre de souveraineté à la Chine ou s’ils ne font que état de la connaissance des archipels et non d’une prise de possession. Il faudra ensuite regarder la période qui va du XIXème au milieu du XXème siècle, où il semble que la Chine est très peu présente dans la région, juste au moment de l’affirmation plus forte du titre vietnamien. Il faudra vérifier si ce désintérêt n’affaiblit pas d’éventuels droits de la Chine. Puis, il faudra analyser le réveil progressif de la Chine depuis l’arrivée des japonais dans la zone avant la Deuxième Guerre Mondiale. Cette montée en puissance est conclue par la prise de possession par la force de certaines îles des Spratlys en 1988. Il faudra vérifier quels effets ces actes ont sur le titre chinois. - La découverte et le titre originaire chinois La Chine base sa revendication sur la découverte et sur le fait que ces territoires appartiennent à la Chine « depuis des temps immémoriaux ». Mais, pour que ces arguments soient acceptés et qu’ils débouchent sur un titre de souveraineté il faut qu’ils se plient aux mêmes conditions que celles qui nous avons vu pour le titre historique du Vietnam, à savoir l’animus et le corpus. La Chine a produit beaucoup de cartes, documents et récits d’auteurs chinois pour prouver ce qu’elle avance335. Le premier document qui parlerait d’une découverte chinoise serait un document du IIème siècle avant JC336. Ces cartes prouvent une connaissance ancienne de ces territoires, mais il existe un certain nombre de points d’interrogation les concernant. Tout d’abord la distinction entre les Spratlys et les Paracels n’est pas bien faite337. Ensuite, il y a des questions d’authenticité338. Puis, une question d’interprétation pour savoir de quelles îles il s’agit vraiment car les noms ont beaucoup changé et souvent, la description n’est pas assez claire pour que l’on puisse trancher, ce qui amène des débats sans fins entre les différents traducteurs339. La Chine évoque aussi comme argument la présence de traces archéologiques chinoises sur les îles. Il semblerait néanmoins 335 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.199. Voir partie historique. 337 ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.197. 338 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute:…”, op. cit., p.199. 339 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.200. 336 64 que ces traces soient plus sur les Paracels que sur les Spratlys340. Même si des poteries anciennes sont trouvées sur les îles cela n’est pas la preuve d’une occupation réelle, mais constitue peut être seulement les vestiges de différents naufrages. Enfin, le dernier argument que les chinois évoquent pour cette période est la présence régulière de pêcheurs chinois sur les îles341. Il existe un problème commun à tous ces arguments : ils précisent tous la connaissance ancienne des îles par des chinois, mais ce ne sont pas des actes officiels qui émanent d’autorités de l’Etat, ce qui fait que l’animus n’est pas présent. Dans son livre blanc de 1980 dans laquelle la République Populaire de Chine essaye de prouver la souveraineté de la Chine sur les archipels Paracels et Spratlys, elle donne trois faits pour tenter de prouver son administration des îles depuis plus de 1000 ans342. Mais ces trois épisodes décrits par les chinois semblent concerner uniquement les îles Paracels et non les Spratlys343. La Chine, semble-t-il, n’arrive pas à produire de documents prouvant un titre de découverte car elle n’a pas de preuves d’administration effective ou d’actes étatiques allant dans le sens de la volonté de l’occupation ou de l’administration. Sans ces preuves d’actes étatiques les actions des pêcheurs sont des actes privés et ne peuvent donc être évoqués comme preuves par la Chine344. De plus, les pêcheurs chinois ne sont pas les seuls à pêcher dans ces eaux riches en poisson. Les cartes et récits de voyages avancés par la Chine sont aussi des actes privés, et ils ne font que décrire les îles, et la connaissance n’est pas la découverte345. Enfin, les traces de civilisation chinoise sur ces îles pourraient être probantes si elles concernaient les Spratlys et s’il était prouvé qu’il y avait vraiment des habitations permanentes. Mais cette possible occupation est ancienne, ce qui pourrait aussi nous amener à argumenter que la Chine aurait perdu ses droits après un certain temps. Ces droits auraient ensuite été récupérés par l’Empire d’Annam avec la théorie de prescription acquisitive, car comme nous l’avons vu le Vietnam aurait acquis un titre au cours du XVIIIème et XIXème siècles. Le titre vietnamien aurait pu être contesté par un titre plus ancien de la Chine, mais comme nous venons de le voir, ce titre originaire chinois semble ne pas exister du fait de l’absence d’actes étatiques le soutenant, ou du moins même s’il existe il ne s’est a priori jamais transformé en titre de souveraineté. La Chine évoquerait aussi un argument original : c’est celui que la mer de Chine méridionale constituerait des eaux historiques chinoises346. Et donc de ce fait, les îles Spratlys 340 Idem, p.201. CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.62. 342 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.203. 343 Idem, p.206. 344 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532. 345 Idem, p.531. 346 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.172. 341 65 seraient un territoire historique de la Chine et elle serait seule et entière souveraine sur ce territoire. La mer de Chine méridionale serait considérée comme une mer intérieure chinoise347. Cet argument serait sous-entendu notamment par la carte des neuf lignes qui a été émise par la Chine unie en 1947348. La Cour Internationale de Justice a proposé une définition « d’eaux historiques » dans le cas des pêcheries norvégiennes: « historic waters are usually meant waters which are treated as internal waters but which would not have that character were it not for the existence of an historic title. »349. Mais les conditions pour qu’une mer soit définie comme étant les eaux historiques d’un Etat ne sont pas très bien établies. Il y a beaucoup de débats sur cette question, et elle est d’ailleurs évitée par la Convention de Montego Bay qui ne définit pas le terme et ne l’évoque que très rarement350. Cet argument est réapparu dans certain cas de jurisprudence du droit international351 recherches d’organismes 352 ainsi que dans des et permet d’éclairer un peu les conditions pour pouvoir bénéficier d’eaux historiques. Il faudrait l’exercice effectif de l’autorité de l’Etat sur cette zone, la continuité dans le temps de cet exercice, ainsi que l’acquiescement des autres Etats353. Dans le cas de la mer de Chine méridionale aucune de ces conditions ne semble entièrement réunie pour la Chine ce qui affaiblit donc la revendication implicite que formulait la Chine sur des eaux historiques en mer de Chine méridionale. Néanmoins, il n’y a pas de régime juridique unique pour des eaux historiques ; la CIJ a précisé que cela s’effectuait au cas par cas354. En revanche le fait que des pêcheurs chinois utilisent régulièrement et depuis des temps anciens ces eaux comme des zones de pêche pourrait amener la Chine à disposer de droits historiques de pêche spécifiques dans cette zone en cas de délimitation de frontières si la souveraineté lui échappait355. Cela vaudrait aussi pour les autres pays dont les pêcheurs utilisent cette zone depuis longtemps dans le cas où une délimitation territoriale avec une souveraineté sur les Spratlys limiterait grandement l’espace de la haute mer. De plus, cette revendication d’eaux historiques n’est pas valable pour le plateau continental qui dépend de droits existants ipso 347 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1166. KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law and in China’s practice”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.161et annexe 12. 349 Idem, p.151. 350 OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.172. 351 L’affaire des pêcheries norvégiennes de la CIJ de 1951, l’affaire du Golf de Foncesca de 1992, l’affaire realtif au plateau continental entre la Tunisie et la Libye de la CIJ de 1982, l’affaire entre l’Eritrée et le Yémen de 1998, … 352 KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law …”, op. cit., p.151. 353 Ibid. 354 L’affaire du plateau continental entre la Libye et la Tunisie dans OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea … ”, op. cit., p.172. 355 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1183. 348 66 facto et ab initio356. Elle est valable pour la colonne d’eau et il est possible de douter qu’elle soit valable pour les îles dans cette zone357. Finalement, le fait d’invoquer que dans le nom de la mer il y a « Chine » ne peut être reçu comme argument valable pour un titre historique358. - La période de vide du XVIIIème au milieu du XXème Durant cette période la Chine semble se désintéresser des îles359. Elle ne réagit qu’une fois que le Japon et la France s’y intéressent dans les années 1920. Ce désintéressement qui dure plus de 220 ans est un moment de faiblesse pour la revendication chinoise. En effet, si elle avait acquis un titre inchoate, ce qui n’est pas forcément le cas comme nous venons de le voir, la Chine aurait du le consolider afin de le faire devenir un titre de souveraineté. Or, la Chine semble se désintéresser des îles, même s’il reste à prouver que l’Etat chinois s’y soit intéressé avant, et ce au moment de la consolidation du titre vietnamien. Le fait que la Chine ne fit rien pour ces territoires pendant si longtemps pourrait amener ces îles à devenir derelictio si jamais la Chine a eu des droits dessus. Cette notion est une d’abandon : « situation dans laquelle un Etat, en cessant d’exercer effectivement ses compétences sur un territoire qu’il occupait, témoigne de sa volonté de renoncer à le soumettre à sa souveraineté. »360. Dans le cas des Spratlys l’occupation postérieure de la Chine n’est pas acquise, mais l’absence de la Chine dans cette zone face au perfectionnement du titre vietnamien pourrait avoir des conséquences juridiques importantes pour la Chine du fait de la prescription acquisitive. Le fait que la Chine n’est guère présente, surtout avant 1884, pourrait rendre le titre vietnamien supérieur au titre chinois à partir de cette période. Le délai pour qu’il y ait usucapion, le moment où « la possession acquise de bonne foi se transforme en droit de souveraineté », n’est pas fixe et varie au cas par cas361. La Chine aurait pu affirmer ses droits en 1884, ou pendant l’occupation française du Vietnam car la France se préoccupait peu des Spratlys comme nous l’avons vu, mais il n’en est rien. La Chine essaye de profiter de ce moment de flou de la part de la France en évoquant le Traité du 26 Juin 1887 entre la France, empire colonial, et la Chine sur des délimitations de 356 CIJ dans l’affaire de 1969 sur le Plateau continental de la mer du Nord dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1192. 357 KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International…”, op. cit., p.163. 358 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.257. 359 « Il y a seulement de leur part ignorance du sort des archipels et désintérêt. » CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.95 et p.75. 360 SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.1. 361 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., pp.537-538. 67 frontières362. La Chine prétend que par ce traité la France aurait reconnu les droits de souveraineté de la Chine sur les Spratlys et que du fait du principe de l’estoppel l’avis de souveraineté de la France de 1933 n’est pas valide363. Ce principe veut dire qu’un Etat tiers, dans ce cas la Chine, « s’oppose à ce qu’un Etat partie à un procès puisse faire valoir une prétention ou soutienne un argument contredisant son comportement antérieur ou une position prise précédemment et dans lequel les tiers avaient placé leur confiance légitime. ». Mais dans le cas présent cette interprétation du traité semble erronée. En effet, d’après certains auteurs, le traité ne porte que sur la délimitation de la frontière terrestre entre le Tonkin et la Chine, et non maritime364. La Chine évoque l’argument selon lequel le traité stipule que toutes les îles à l’Est de 105° de longitude appartenaient à la Chine, et comme les Spratlys se situent effectivement à l’Est de cette ligne, la France les aurait accordées à la Chine365. Mais cette interprétation semble absurde et la France l’a contredite366. De même, la Convention de Vienne sur l’interprétation des Traités stipule qu’il faut user de bonne foi pour interpréter un traité, or si nous suivons le raisonnement chinois nous arrivons à des situations absurdes qui feraient que la Chine pourrait réclamer le territoire des Philippines par exemple car il est situé à l’Est de la ligne fixée367. Ce traité, interprété de bonne foi, ne semble donc pas régler l’attribution des Spratlys, qui ne sont d’ailleurs jamais mentionnées dans les négociations et les travaux préalables368. Il règle le problème de la frontière terrestre entre le Tonkin et la Chine et la ligne litigieuse sert pour des îles situées dans la mer territoriale, et donc à proximité des côtes, et non pour des îles situées à 230 miles marins du territoire vietnamien qui n’est pas dans le Tonkin369. Après cette période d’inactivité autour des Spratlys, la Chine aurait pu se réveiller face à la montée de l’impérialisme nippon dans la zone, le Japon ayant émis des prétentions sur les îles de Pratas, situées plus au Nord. Cet épisode réveille effectivement le nationalisme chinois qui est très fort pour les nombreuses îles de la mer de Chine méridionale. Chen Jie, un auteur chinois, insiste sur l’importance de ces îles pour les chinois qui considèrent que « the Spratly archipelago has been part of the motherland’s territory since ancient times »370. Mais ce 362 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.64. ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.198. 364 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.81. 365 BELLER (R.), “Analyzing the…”, op. cit., p.306. 366 Ibid. 367 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.82. 368 Idem, p.83. 369 Voir partie sur la situation géographique des Spratlys. 370 JIE (C.), “China’s Spratly policy with special reference to the Philippines and Malaysia”, Asian survey, Volume 34, Numéro 10, Octobre 1994, p.893. 363 68 réveil n’est que partiel et ne concerne pas immédiatement les Spratlys, mais uniquement les Paracels371. Selon certains auteurs, mais c’est contesté comme nous l’avons vu précédemment, la Chine aurait protesté à la prise de possession des Spratlys en 1930 puis à la parution au JO de l’avis de souveraineté en 1933. Cette éventuelle protestation serait le premier acte chinois pour les Spratlys après sa longue période d’inactivité dans la région. Mais en 1939, alors que le Japon occupe militairement les îles, je ne trouve aucune trace d’un document qui parlerait d’une protestation chinoise, même dans les articles les plus prochinois. En revanche, la France aurait protesté372. Ce qui fait que même face à la montée de l’impérialisme japonais et aux revendications claires et fortes de la France, la Chine n’aurait pas réagi pour les Spratlys, mais uniquement pour les Paracels. Plus grave encore pour le titre chinois, la Chine aurait admis indirectement que les Spratlys n’étaient pas un territoire chinois. Des auteurs, qui semblent plus convaincus par les arguments vietnamiens, font état de trois cartes publiées en 1894373, 1909 et en 1934374. Les deux premières indiqueraient que la frontière le plus au sud serait l’île de Hainan, et la dernière indiquerait que la frontière le plus au sud serait les Paracels. Ces cartes seraient des cartes officielles, et si leur existence et leur valeur juridique sont prouvées, cela affaiblirait la prétention chinoise de possession depuis des temps immémoriaux. Le désintérêt chinois pour les îles pendant cette période porte un préjudice important à l’éventuel titre chinois car il correspond, dans un premier temps, à la montée de l’affirmation vietnamienne sur ces terres. La Chine aurait pu réagir pendant le début de l’occupation française car la France était peu présente, mais elle ne le fît pas, et citer le Traité francochinois de 1887 comme une preuve ne semble pas du tout être pertinent juridiquement du fait de son interprétation erronée par la Chine. Enfin, s’il est avéré que la Chine ne réagit pas à l’avis de souveraineté de la France, ni à l’occupation japonaise des Spratlys, l’absence serait longue de plus de 250 ans. De plus, la différence faite entre les Paracels et les Spratlys, au détriment des Spratlys, est un vrai point faible du dossier de la Chine. Les prétentions chinoises seraient affaiblies encore plus s’il est prouvé que les cartes de 1894, 1909 et 1934 sont des actes officiels. 371 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.98. HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.241. 373 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.74. 374 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.206. 372 69 - Le réveil progressif chinois Le « réveil » chinois pour les Spratlys arriva après la Seconde Guerre Mondiale. Pendant cette période d’après guerre la Chine protesta contre chaque action entreprise par le Vietnam aux Spratlys375. Elle commença en 1951 après que le représentant de l’Etat associé du Vietnam ait déclarée la souveraineté du Vietnam sur les Spratlys, et ce alors que la Chine n’était pas présente à la conférence. Elle protesta aussi contre l’affirmation de Thomas Cloma en 1956 que les Spratlys sont des territoires sans maîtres ; contre l’affirmation des Philippines de sa souveraineté sur les Spratlys376 ; contre l’occupation de quelques îles par la Malaisie ; et elle refusa la proposition française de recours à l’arbitrage377. Mais la Chine ne fait pas que protester, elle entreprit aussi certaines actions pour affirmer sa souveraineté, pour obtenir le corpus et l’animus indispensables. En 1947, le gouvernement de la Chine nationaliste a placé les Spratlys sous l’administration de la province de Kuangtung378. La Chine aurait proclamé une première loi sur sa mer territoriale en Septembre 1958 qui indiquait que les Spratlys seraient un territoire chinois379. Mais la Chine se base surtout sur deux Traités dans cette période qui auraient eu pour conséquence, d’après la Chine et Taiwan, une reconnaissance internationale de sa souveraineté sur les Spratlys380. Ces deux traités sont le Traité de paix de San Francisco de Septembre 1951, et le Traité de paix sino-japonais d’Avril 1952 signé à Taipeh381. Il semble néanmoins que cette interprétation soit erronée. Tout d’abord cette interprétation est contredite par le Japon, le co-contractant dans le cas du traité de 1952 car le Japon : « does not support the territorial claims of any particular country »382. Ensuite les traités indique que: « Japan renounces all right, title and claim to the Spratly Islands »383, les articles 2 de chaque traité étant le même. Mais il ne précise pas qui hérite de la souveraineté sur les îles384. De plus, il y a une trace d’une motion qui a été déposée par l’URSS lors de la Conférence de San Francisco, la Chine n’étant pas présente, qui voulait qu’il soit précisé que les Spratlys étaient territoire chinois. Or, cette motion a été rejetée par 3 voix pour et 46 contre385. De ce fait, l’interprétation qui doit être faite de l’article 2 des deux traités est claire : 375 JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.894. SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.82. 377 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.43. 378 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.64. 379 Ibid. 380 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development …”, op. cit., p.871. 381 HONG THAO (N.), Le Vietnam …, op. cit., p.243. 382 ER (L.), “Japan and...“, op. cit., p.996. 383 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.64. 384 ER (L.), “Japan…”, op. cit., p.998. 385 HONG THAO (N.), Le Vietnam ..., op. cit., p.257. 376 70 il s’agit pour le Japon de renoncer officiellement et définitivement à la souveraineté sur les îles Spratlys, entre autres, et non de céder ces îles à la Chine. D’autant plus que pour que le Japon puisse renoncer à la souveraineté sur les Spratlys au profit de la Chine, il fallait que le Japon ait acquis un titre de souveraineté valable sur les îles en question. Or les japonais se basaient sur la présence nombreuse de pêcheurs et de bateaux japonais, ainsi que l’exploitation de guano dans les années 1910-1920 par une compagnie japonaise. Ces actes privés ne peuvent constituer un titre valable sur les Spratlys, d’autant plus qu’ils sont contestés par la France. Le réveil et les thèses chinois sont soutenus par un nombre important d’auteurs chinois ou d’origine chinoise qui publient beaucoup de textes en faveur de la Chine sur ces questions386. La Chine utilise aussi beaucoup les organes de presse nationale, comme l’Agence Chine Nouvelle, pour publiciser ses protestations et défendre ses intérêts387. Un second réveil, plus violent cette fois, arrive en 1988 lors de la bataille navale entre les chinois et les vietnamiens qui se termine par la prise de possession de 6 îles par la Chine388. A partir de cette date, la Chine multiplia les actes qui vont dans le sens de l’affirmation de sa souveraineté sur les îles. Elle occupe de plus en plus d’îles, elle accorde des concessions d’exploration pour la zone à des compagnies pétrolières, elle capture occasionnellement des pêcheurs étrangers en affirmant qu’ils entrent illégalement dans ses eaux territoriales389, elle multiplie les actes symboliques, … Parmi toutes ces actions, il en reste quelques unes qui sont plus marquantes que d’autres. La prise de possession de 6 îles en 1988 est marquante car c’est la première fois que la Chine est présente sur les îles et c’est la dernière à y être. De plus, à ce jour c’est le seul incident militaire d’importance390. Il y a aussi la prise de possession de Mischief Reef, l’île la plus proche des Philippines, en 1995 qui illustre le revirement de politique de la Chine. Avant, la Chine contestait publiquement tous les actes du Vietnam, mais elle restait très discrète pour les actions et affirmations des autres protagonistes391. Cette prise de possession et les réactions fortes de la part des Philippines, mais aussi de la Chine, qui en découlent illustrent ce changement de stratégie opéré depuis la fin des années 1980392. Ces prises de possession par la force d’îles des Spratlys ne renforcent pas vraiment la position chinoise. En effet, même si du coup la Chine est présente physiquement sur les îles, ce qui 386 CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.64. Idem, p.46. 388 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64. 389 La capture de pêcheurs des autres protagonists est d’ailleus très répandue dans cette zone. ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.195. 390 BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.345. 391 JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.894. 392 Idem, p.898. 387 71 donnerait du poids à ses prétentions, le droit international a évolué, et il existe une interdiction du recours à la force pour régler un différend. Cette règle existe depuis la Pacte Briand-Kellog de 1928, confirmé par l’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies393. Ce qui fait que « nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale »394. Cette règle limiterait donc le nombre d’îles que la Chine occupe et repousserait la date de sa présence dans les îles car celles prises par la force ne pourraient être reconnues, affaiblissant du même coup les prétentions chinoises. La concession accordée par la Chine à Crestone en 1992 et les déclarations qui allaient avec réaffirment l’argument chinois que les eaux de la mer de Chine méridionale sont des eaux historiques chinoises. La Chine a aussi publié des lois importantes en 1992 relatives à sa mer territoriale et à sa zone contigüe, puis, en 1998 relative à sa ZEE et à son plateau continental395. Mais la Chine a aussi pris des mesures qui vont dans le sens de l’apaisement, pour maintenir une situation de tension, propice à mettre en valeur sa puissance, sans avoir de conflit ouvert, qu’elle ne serait pas sûre de gagner et qui serait négatif pour son économie396. Néanmoins, son honnêteté est remise en question car souvent un geste d’apaisement est suivi, ou accompagné, d’un geste unilatéral qui lui est contraire397. La Chine a quand même accepté l’idée de discussions multilatérales398 et d’un Code de Conduite, quoique non obligatoire, dans les années 1990399. Elle a aussi proposé une exploitation commune des ressources à plusieurs reprises400, même si elle l’a accompagnée, du moins au début, de conditions pas facilement acceptables par les autres protagonistes. La faiblesse de la position de la Chine dans cette période est le fait qu’elle ne soit présente physiquement dans les îles qu’en 1988, alors que d’autres y sont depuis plus de trente ans. Néanmoins, elle n’était pas totalement absente car il semble qu’elle ait protesté aux actes des protagonistes quand ils affirmaient leur souveraineté sur les îles. Mais les autres protagonistes ont aussi protesté contre tous les faits et gestes de la Chine, en plus d’avoir entrepris des actions. Cette situation fait qu’il est dur d’affirmer qu’un titre de souveraineté ait pris le dessus sur un autre lors de cette période trouble où tous les gestes sont faits avec des arrières pensées. Il est quand même important de regarder la position de Taïwan, car elle 393 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.537. Déclaration relative aux principes du Droit International touchant les relations amicales de 1970 dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002, p.537. 395 Annexe 5. 396 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.120. 397 JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.899. 398 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.119. 399 BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes…”, op. cit., p.346. 400 LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.140. 394 72 pourrait avoir un effet important sur l’issue de cette période. D’autant plus qu’il semble que la Chine et Taïwan arrivent à mettre de côté leurs différends politiques pour collaborer sur les Spratlys401. Taiwan aurait proposé à la Chine d’organiser des patrouilles communes, ils auraient lancé une mission scientifique commune dans les Spratlys en Mars 1994402 et la Chine ne proteste pas contre les actions de Taïwan dans la zone. b. La République Démocratique de Chine (Taiwan) Même si d’après la politique « d’une seule Chine », qui est celle de la plupart des pays du monde, Taïwan n’est pas un Etat à proprement dire, il est important de regarder sa position pour plusieurs raisons. En premier parce que Taïwan est séparé politiquement de la Chine depuis 1949 et ils ont pris des chemins différents quant aux actions à mener sur les Spratlys. Puis, quelque-soit la probabilité que cela advienne, une éventuelle indépendance taïwanaise changerait le poids des différents pays dans le conflit, et en premier chef ceux de la Chine et de Taïwan. Taiwan se base sur les mêmes faits historiques que la Chine car ils ont une histoire commune jusqu’en 1949 et ils revendiquent tous les deux la souveraineté sur le même territoire et la même population403. Nous ne reviendrons donc pas sur les forces et les faiblesses du titre historique de la Chine que nous venons de voir. Nous commencerons à regarder le titre taïwanais à partir de 1949, date de la séparation de la République de Chine et de la République Populaire de Chine du fait de la création de la RPC. - Les actions menées par Taiwan après la Deuxième Guerre Mondiale Taiwan se base sur les mêmes arguments historiques que la Chine, mais elle a une attitude différente de la Chine au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Taïwan est présent dans les Spratlys beaucoup plus tôt que la Chine continentale. Elle occupe l’île d’Itu Aba en 1946 pour surveiller l’évacuation des troupes japonaises et s’approprier les îles404. Cette occupation par les troupes de la République de Chine serait illégale d’après Nguyen Hong Thao car elle était mandatée par les alliés, d’après la Conférence de Potsdam, pour désarmer 401 BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.308. JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.900. 403 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.200. 404 BELLER (R.), “Analyzing the relationship …”, op. cit., p.307. 402 73 les japonais au nord du 16ème parallèle, hors les Spratlys sont situées au sud de cette ligne405. Donc de ce fait Taïwan ne peut revendiquer de mandat international pour l’occupation des Spratlys. Puis Taïwan se retire en 1950 quand les forces de la République Populaire de Chine arrivent à Hainan. Ils reviennent en 1956 lors de la proclamation de découverte par Marc Cloma et de présence accrue du Vietnam406. Pendant cette période d’absence de six ans aucun autre prétendant n’occupa les îles. Taiwan est donc le protagoniste qui occupe ces îles depuis le plus de temps, mais il n’est présent que sur deux îles, dont la plus grande. Mais, mis à part cette occupation militaire et des patrouilles dans la zone la présence militaire de Taiwan n’est pas très forte. Elle a même baissé ses effectifs depuis la fin des années 1980, contrairement à tous les autres pays impliqués407. Ce qui ne l’empêche tout de même pas de rentrer dans des escarmouches avec d’autres acteurs408. Au début des années 1990 le gouvernement taïwanais prend des mesures pour illustrer sa souveraineté, avant l’attachement administratif des Spratlys à la province de Kaohsiung et en revendiquant ces îles dans une loi sur la mer territoriale en 1992409. Taïwan est dans une situation délicate dans ce conflit, car si elle s’affirme trop elle risque de subir les foudres de la Chine et des pays de l’ASEAN, mais si elle se fait trop discrète elle sera ignorée. Ce sera d’autant plus facile pour les autres pays que Taïwan est en dehors de toutes les organisations internationales depuis 1979. Taïwan a donc décidé d’avoir une méthode tournée vers le règlement pacifique du différend grâce à des mesures pour amener la confiance et la multiplication des possibilités de dialogue. Mais du fait de l’opposition de la Chine et de son statut au niveau international Taïwan préfère que les discussions restent à un niveau officieux410. Taïwan compte sur son poids économique pour ne pas être ignoré par les autres, surtout les pays de l’ASEAN411. La position de Taïwan dans ce XXème siècle n’est donc vraiment pas facile. Elle dispose d’un bon argument avec son occupation d’Itu Aba depuis 1946. Si cette occupation est complétée par la revendication historique de la Chine le titre chinois gagne en crédibilité. Elle doit adopter une position difficile dans laquelle elle ne doit se mettre personne à dos, tout en affirmant ses prétentions et en cherchant une solution pacifique dans le cadre d’échanges informels. Ceci se complique par les divisions politiques internes412. 405 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.243. ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.198. 407 LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.324. 408 Idem, p.325. 409 Ibid. 410 Idem, p.329. 411 L’Asie du Sud-est est devenue un des principaux partenaires commerciaux de Taiwan, en plus d’être le principal bénéficiaire de ses aides économiques. Taiwan accueil aussi beaucoup de travailleurs de ces pays. 412 LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.332. 406 74 - Les effets d’une éventuelle indépendance taïwanaise Si Taiwan venait à déclarer son indépendance cela aurait des effets importants sur les titres de la Chine, de Taiwan et du Vietnam. En cas d’indépendance, la position de la Chine devrait se baser beaucoup plus sur le titre historique, qui comme nous l’avons vu souffre d’une longue période de vide. En revanche dans l’histoire récente, la Chine ne pourra compter sur sa présence physique dans les îles au plus tôt qu’en 1988, ce qui lui serait préjudiciable. Taiwan pourrait compter sur sa présence physique dans les îles avant tous les autres avec son occupation en 1946 d’Itu Aba. Mais il sera difficile pour Taïwan de revendiquer l’histoire de la Chine, même s’il en faisait partie avant 1949, comme la sienne pour soutenir son titre413. Ce qui pourrait impliquer que si le titre de Taïwan est supérieur, il ne le sera que pour l’île d’Itu Aba. Ce qui fait que si les faiblesses de l’histoire de la Chine sont considérées comme trop grandes, dans ce cas le Vietnam obtient la souveraineté sur les Spratlys, l’occupation taïwanaise est trop tardive pour s’opposer à ce fait. Dans le cas d’une indépendance de Taïwan, le Vietnam serait le grand gagnant. Les deux Chine sont conscientes de ce fait, et cela explique sans doute leur capacité à mettre leur différend politique de côté dans le cadre de ce conflit. Après avoir analysé les prétentions des deux plus anciens protagonistes nous pouvons tirer certaines conclusions. Tout d’abord, le titre du Vietnam semble avoir été créé de manière assez forte, et l’inaction de la France au début de son occupation ne semble pas avoir entraîné sa perte. Néanmoins, la solution qui sera trouvée pour la période floue de succession de l’après-guerre sera très importante. La position de la Chine, en général, est indéniablement plus forte unie, même si sa position est loin d’être parfaite414. Si elle est désunie la Chine serait faible car elle n’est présente que très tardivement sur les îles. En revanche Taiwan aurait des arguments assez forts, mais plus spécifiquement pour l’île d’Itu Aba, et pas forcément pour tout l’archipel, car il existe d’autres « îles » sur lesquelles Taiwan n’a aucun contrôle415. De plus il y aura un conflit sur lequel pourra revendiquer l’histoire ancienne et commune de la Chine et de Taiwan. Au final il est impossible à ce stade de recherche d’arriver à trancher clairement la question de savoir quel titre est supérieur à l’autre. D’autant plus qu’il y a trois 413 BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.307. Idem, p.308. 415 CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.65. 414 75 autres protagonistes dont les arguments doivent être pris en compte pour qu’une comparaison complète soit faite. B. Les revendications plus récentes 1. Les Philippines invoquent un res nullius Les Philippines argumentent leurs prétentions de deux manières. Tout d’abord ils considèrent que les Kalayaan, la partie Est des Spratlys, constituent un archipel distinct des Spratlys416. Ce qui est appelé « Spratlys » au niveau international est limité aux îles citées par la France, et à celles occupées par les japonais pendant la Deuxième Guerre Mondiale, soit 7 au total. Seules ces îles sont connues et découvertes pour les Philippines417. Ensuite, ils affirment que les Kalayaan sont une terra nullius et que c’est Thomas Cloma qui les a découvertes en 1947418. En 1974 les Philippines ont succédés à cette découverte du fait du don de Thomas Cloma de la « souveraineté » de Kalayaan aux Philippines. La première revendication officielle des Philippines date de 1978, mais la première occupation de 1956419. Nous regarderons d’abord les arguments des Philippines pour Kalayaan (a.). Puis nous nous intéresserons à ceux avancés concernant les Spratlys (b.). a. Les Kalayaan sont « terra nullius » Il est nécessaire d’analyser un peu plus le raisonnement des Philippines quand ils affirment que les Kalayaan sont terra nullius alors que la Chine et le Vietnam se les disputent depuis plusieurs centaines d’années et que la France a émis un avis de souveraineté sur 6 îles précises, mais aussi sur « les îlots qui en dépende »420. D’autant plus que la France avait demandé, avant de publier cet avis au JO, entre autres, aux Philippines s’ils revendiquaient ces îles et Manille avait répondu négativement. Les Philippines sont en difficulté sur trois points ici. Tout d’abord, il reste à prouver qu’il existe deux archipels distincts dans cette zone. D’ailleurs les Philippines, semble-t-il, n’arrivent pas à produire de carte qui fasse clairement 416 JOYNER (C.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.202. HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.267. 418 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872. 419 Voir partie historique. 420 Voir annexe 1. 417 76 une différence entre les Kalayaan et les Spratlys421. Même si, comme nous l’avons vu plus tôt, les Spratlys sont étendues sur un vaste ensemble, il semblerait que d’un point de vue historique elles soient considérées comme formant un seul et même archipel422. La deuxième faiblesse ici est d’affirmer que ces terres étaient res nullius jusqu’en 1947. Même si les deux groupes sont distincts, d’après toutes les cartes produites par le Vietnam et la Chine ces pays avaient connaissance de toutes les îles dans la région. « Connaissance » ne signifie pas « découverte », mais comme nous l’avons vu, le Vietnam et la Chine produisent aussi des documents qui vont dans le sens d’une administration et d’une occupation partielle. Mais si les arguments vietnamiens et chinois pour un titre historique sont rejetés du fait de leur faiblesse, l’avis de souveraineté de la France pourrait poser problème. En effet, cet avis s’appliquerait à toutes les îles citées, mais aussi aux « îlots qui en dépendent ». Cette formule est un peu vague, mais il faudrait déterminer quels îlots dépendent de quelles îles pour pouvoir déterminer ensuite quels îles, îlots et rochers sont exclus de cet avis de souveraineté. Il n’est pas sûr qu’il reste beaucoup de territoire car le droit international permet d’adapter l’obligation d’occupation effective en fonction des situations et des possibilités, ce qui fait que « l’accessoire suit le principal »423. Cette règle peut être appliquée aux îlots et rochers des Spratlys, et dans ce cas ne laisser éventuellement que quelques îlots comme res nullius. Ces îles auraient pu être derelictio après la Deuxième Guerre Mondiale, mais il reste à prouver que la France a abandonné ce territoire, ce qui n’est comme nous l’avons vu, pas forcément le cas. Enfin la troisième faiblesse ici est la succession des Philippines à Thomas Cloma du fait de son don de 1974 des « Kalayaan » aux Philippines. Le don d’une personne à un Etat d’un territoire a déjà existé dans le passé, par exemple le don du Roi de Belgique à la Belgique de sa possession en Afrique, le Congo. Mais la différence ici est que Thomas Cloma est un avocat et non un chef d’Etat et qu’aucun Etat, même pas les Philippines424, n’a jamais reconnu l’existence de son « Kalayaan » (La terre de la liberté) dont il s’était autoproclamé le Président425. Cette « succession » peut donc être jugée douteuse d’un point de vue du droit international, la rendant possiblement non valide. Si cette succession est non valide, les prétentions des Philippines débuteraient en 1978 avec sa première déclaration de revendication, ce qui est tardif, et enlèverait l’argument du res nullius car entre temps trois pays ont pris position sur les îles. 421 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268. Voir partie sur le statut des Spratlys dans le Droit International. 423 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., , p.533. 424 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.66. 425 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.202. 422 77 Néanmoins, si la thèse des Philippines est acceptée, et que Kalayaan est considéré comme un archipel distinct et comme terra nullius, il faudrait que les Philippines puissent prouver une occupation et une administration effective valable pour l’ensemble des Kalayaan d’après les conditions du droit international de l’époque. Or, cette occupation s’est mise en place doucement après des hésitations et elle a presque toujours été contestée soit par le Vietnam, soit par la Chine, soit par Taiwan, soit par plusieurs en même temps. Thomas Cloma affirme, en 1956, avoir découvert les îles en 1947. Il n’est présent sur les îles qu’en 1956. Ces actions entreprises par Thomas Cloma ont été dénoncées par le Vietnam et la Chine426. Les troupes de Taiwan auraient eu des escarmouches avec Thomas Cloma et des philippins, c’est d’ailleurs une des raisons du retour des troupes de Taïwan sur Itu Aba. Ensuite l’armée des Philippines aurait occupé ses premières îles en 1971 suite à un incident entre la marine taïwanaise et un bateau de pêche philippins, mais le gouvernement niait revendiquer les îles, ce qui constituait une position contradictoire427. La revendication officielle vient en 1978, et entre temps les Philippines ont construit et renforcé leurs bases sur 7 ou 8 îles428. Cette période entre 1971 et 1978 est assez trouble sur les agissements exacts des Philippines avec des contradictions importantes selon les auteurs. Après cette période les Philippines multiplièrent les actes étatiques dans la zone avec l’occupation de nouvelles îles, un renforcement des structures militaires, un rattachement à la province de Palawan, des autorisations d’exploration et d’exploitation de pétrole dans la zone, … Ces actes sont en effets étatiques, mais ils sont toujours contestés par les autres prétendants, et répondent vraisemblablement à l’unique volonté de renforcer les arguments des Philippines. La notion de date critique revient encore ici. Au final les Philippines hésitent, se contredisent parfois entre leurs actes et leurs paroles et sont contestées dans leur démarche par les autres protagonistes déjà présents. Il est difficile d’affirmer dans ces conditions que les Philippines remplissent les conditions pour obtenir un titre de souveraineté du fait d’une découverte. Ils n’apportent pas la preuve d’une administration et d’une occupation effective des îles sur une période assez longue et dans une situation de calme. 426 BELLER (R.), “Analyzing the relationship between…”, op. cit., p.308. CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66. 428 HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends…, op. cit., pp.266-267. 427 78 b. Les Spratlys sous juridiction alliée En plus de cette position sur Kalayaan, les Philippines affirment que les Spratlys ont été abandonnées par le Japon lors de sa défaite à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et que ces terres sont sous mandat des alliés429. Les Spratlys sont donc ces îles qui ont été citées dans l’avis de souveraineté français et occupées par les japonais pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Les Philippines considèrent qu’après le retrait des japonais, la France n’a pas cherché à récupérer ces îles. Elle cite le silence de la France lors de la Conférence de San Francisco comme preuve. Cette même conférence déclare dans son article 2, comme nous l’avons déjà vu, que le Japon renonce à ses prétentions sur les Spratlys. Mais il n’attribue à personne la souveraineté sur les îles430. Ce qui ferait que, de facto, ces îles seraient placées sous le mandat des alliés. Donc d’après les Philippines, il faut l’accord des alliés pour occuper une de ces îles. Ceci vise donc directement l’occupation par Taïwan d’Itu Aba, situé sous le 16ème parallèle, qui n’avait pas demandé l’autorisation aux alliés. Cet argument attaque donc aussi tous les prétendants qui occupent une des 7 îles des Spratlys, ce qui est donc aussi le cas du Vietnam et de la Chine. Toutefois, il existe des doutes importants sur la pertinence de cet argument. Le mandat allié semble inexistant car lors de la Conférence de San Francisco la question d’un tel mandat sur les Spratlys n’a tout simplement jamais été abordée431. De plus les Etats-Unis, un des meneurs des alliés de la Deuxième Guerre Mondiale a toujours refusé de soutenir les revendications des Philippines, même quand ces derniers le demandaient432. Donc même si ce mandat existe, les Philippines n’auraient pas reçu l’autorisation de l’exercer, or ils occupent une des 7 îles des Spratlys433. Cette occupation, d’après les arguments même des Philippines, serait illégale. Enfin, pour essayer de donner plus de poids à ses revendications les Philippines ont aussi évoqué d’autres arguments. Ils ont évoqué la contigüité géographique434, un titre historique435 ainsi que des raisons économiques et de sécurité nationale436. Mais ces deux dernières arguments semblent dénués de toute argumentation juridique, et donc de poids dans 429 ROQUE (H.), “China’s claims …, op. cit., p.194. CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66. 431 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268. 432 SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.328. 433 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268. 434 Nous détaillerons cette notion dans la partie suivante car c’est l’argument principal de la Malaisie. Néanmoins dans le cas des Philippines une fosse marine passe juste à l’Ouest de l’île de Palawan, affaiblissant cet argument. 435 Les Philippines n’apportent a priori aucun document pour étayer leur thèse. 436 ROQUE (H.), “China’s…”, op. cit., p.194. 430 79 le cadre d’un règlement de conflit. Ces arguments semblent plus être la raison de l’intervention que des arguments réels. Les Philippines ont déclaré que les Kalayaan étaient res nullius car elles pensaient que les faiblesses dans les dossiers chinois et vietnamiens feraient qu’aucun des deux n’avait obtenu un titre de souveraineté. Puis pour contourner le problème de l’avis de souveraineté de la France et l’occupation japonaise ils ont déclaré, profitant de l’étendue de l’archipel, que les Spratlys et Kalayaan étaient séparées. Ensuite, pour consolider leur position ils invoquent une occupation et administration effectives de Kalayaan accompagnées d’autres arguments dont la force juridique est douteuse. Finalement pour éviter d’avoir des rivaux dans la zone, les Philippines estiment que les 7 îles des Spratlys, qu’ils ne revendiquent pas, doivent dépendre de l’administration des alliés. C’est aussi une façon de tenter d’internationaliser le conflit au détriment de la Chine qui refuse toute internationalisation. La revendication des Philippines mobilise des arguments juridiques différents et a une certaine pertinence, mais elle semble être construite après coup et de façon parfaite pour éviter tous les problèmes autour du conflit des Spratlys. 2. La Malaisie Les revendications de la Malaisie se sont faites entendre la première fois en 1979 par la publication d’une carte. Puis elle occupa certaines des îles entre 1983 et 1986, puis de nouveau en 1999437. Elle ne revendique que 12 îles des Spratlys. La base de la revendication de la Malaisie est le fait que certaines îles sont situées sur son plateau continental et que de ce fait elles font parties de son territoire438. C’est une interprétation de l’argument de la contigüité géographique. Malgré le fait que certains disent que « nul n’a jamais soutenu que la contigüité constitue un titre valable de souveraineté »439, il contient tout de même d’analyser cette revendication. Cet argument a déjà été utilisé par le Maroc dans l’affaire du Sahara Occidental, et par l’Argentine pour les îles Falkland440. Cet argument peut avoir une valeur si l’île revendiquée se situe dans la mer territoriale de l’Etat, « faute d’un titre plus 437 Voir partie historique. SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …”, op. cit., p.82. 439 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, Précis de la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, Larcier, 2000, p.494. 440 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.533. 438 80 sérieux »441. C’est ce qui ressort de la sentence arbitrale de Max Huber pour l’île de Palmas. Il précise ensuite : « Il est impossible de démontrer l’existence d’une règle de droit international positif portant que les îles situées en dehors des eaux territoriales appartiendraient à un Etat en raison du seul fait que son territoire forme pour elle la terra firma (le plus proche continent ou la plus proche île d’étendue considérable). »442. Cette précision est importante dans ce cas car les îles revendiquées par la Malaisie sont endehors de sa mer territoriale. Mais la Malaise est consciente de cela et essaye de contourner ce problème en basant son argument sur une interprétation inverse des articles 77 et 121 de la Convention de Montego Bay. D’après le droit international c’est « la terre qui confie à l’Etat riverain un droit sur les eaux qui baignent ses côtes »443, et non l’inverse. Or la Malaisie invoque le fait que les îles seraient des prolongements naturels de son plateau continental, acquis grâce à l’article 77 de la Convention, et donc la Malaisie aurait la souveraineté sur ces îles. La Malaisie a en effet déclaré qu’elle considérait ces bouts de terre comme des « îles » selon la définition de l’article 121444. Ce qui a son importance car la conclusion ne sera pas forcément la même si les bouts de terre ne satisfaisaient pas à la définition d’île, de rocher ou de haut-fond découvrant. Mais de manière générale, si l’argument de la contigüité géographique était retenu il amènerait à des « résultats arbitraires »445. C’est pour cela que dans le cas d’un règlement du différend cet argument ne sera pris en compte « tout au plus (…) pour déterminer le degré souhaitable d’effectivité de l’occupation »446. Or dans le cas de la Malaisie, les Spratlys étaient déjà revendiquées par quatre pays et occupées en partie sans interruption depuis 1956. L’argument de la contigüité géographique donné par la Malaisie ne peut donc que compléter une effectivité d’occupation et d’administration, or la Malaisie ne les revendique qu’en 1979 et occupa sa première île en 1983, relativement tardivement, ce qui affaiblit sa position et ses prétentions. La Malaisie aurait aussi évoqué un droit historique sur les îles, afin, semble-t-il de compléter les lacunes de la contigüité géographique. Mais même si cela était vérifié les 441 SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.249. Ibid. 443 Affaire de pêcheries dans VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.531. 444 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.67. 445 GRANT (J.), BARKER (C.), “Encyclopaedic dictionary of International Law”, Oceana Publications, New York, 2004, p.98. 446 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.533. 442 81 arguments en faveur de ce titre historique semblent inexistants447. Du moins la Malaisie aurait la charge de prouver qu’elle avait acquis et consolidé son titre historique avant les autres protagonistes, et cela semble difficile. La revendication de la Malaisie basée sur la contigüité géographique ne peut donc être acceptée comme un argument en soi, mais uniquement comme le complément d’un titre de souveraineté pour lui donner une valeur supplémentaire. 3. Le Brunei et la continuité géographique Les revendications du Brunei-Darussalam sont les moins développées et les dernières à être exprimées. Il n’a publié qu’une seule carte en 1984, dès son indépendance, de ses eaux territoriales et de sa ZEE qui incluaient une île de l’archipel, Louisa Reef. Il n’y a pas eu de déclaration accompagnant la carte, mais l’élément de la contiguïté géographique semble celui invoqué par le Brunei. C’est le même argument que celui que nous avons vu pour la Malaisie, et donc les mêmes conclusions sont applicables. Néanmoins, Louisa Reef serait soit un hautfond découvrant, soit un élément submergé en permanence, ce qui fait qu’elle pourrait faire partie du plateau continental du Brunei si elle était submergée en permanence448. Mais il faut définir ce bout de terre avant. La publication, en 1988, d’une deuxième carte pour son plateau continental qui serait de 320 miles ferait que le Brunei rentrerait en conflit avec d’autres pays, dont la Malaisie, et l’éventuel propriétaire des îles Spratlys. Mais la possibilité pour le Brunei de revendiquer plus de 200 miles marins de plateau continental semble remise en question car une fosse marine passe entre 60 et 100 miles des côtes du Brunei449. 447 HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.271. JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.203. 449 CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.68. 448 82 III) Les possibilités de règlement pacifique de ce différend Cette partie sera consacrée aux solutions possibles pour arriver à un règlement pacifique de ce différend. Trouver un règlement pacifique aux différends est une obligation internationale, rappelée par l’article 279 de la Convention de Montego Bay qui cite l’article 2, paragraphe 3 de la Charte des Nations-Unies450. Ces méthodes sont listées dans l’article 33, paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies de manière non exhaustive451. Aucune méthode n’est imposée452, c’est pour cela que nous aborderons un maximum de possibilités qui sont mises à disposition des protagonistes. De même, comme nous allons le voir, l’utilisation d’une méthode n’exclut pas la pratique, en parallèle, d’autres méthodes453. Tout d’abord nous regarderons les méthodes traditionnelles de règlement diplomatique et de règlement juridique prévues par le droit international contemporain qui peuvent favoriser et amener un règlement pacifique (A.). Nous regarderons quelles en ont été les applications dans le présent conflit. Puis nous analyserons la Déclaration sur le Code de Conduite dans la mer de Chine Méridionale signé le 4 novembre 2002 (B.). Cette déclaration est très importante car c’est le premier pas commun de tous les protagonistes pour se donner des règles afin d’éviter un conflit armé, il faut donc l’analyser dans une partie en soi. Finalement nous regarderons les solutions qui ont été adoptées dans d’autres conflits et qui pourraient s’appliquer aux particularités du conflit des Spratlys (C.). En effet d’après l’article 280 de la Convention de Montego Bay et la Déclaration de Manille de 1982 sur le règlement pacifique des différends les Etats parties à un conflit peuvent régler leur différend « en accord avec le principe du libre choix des moyens »454. 450 Les Etats Parties règlent tout différend surgissant entre eux (…) par des moyens pacifiques conformément à l'Article 2, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies. 451 Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix. 452 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.822. 453 Idem, p.824. 454 Cité dans idem, p.823. 83 A. Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement juridique En droit international il existe deux grandes catégories de méthodes pour favoriser un règlement pacifique. Nous détaillerons en premier les méthodes de règlement diplomatique, en les concrétisant, lorsqu’il en existe, avec les actions déjà menées pour les Spratlys (1.). Puis, nous regarderons les possibilités d’un règlement juridique (2.). Ici aussi nous verrons les propositions des uns et des autres, tout en précisant la réticence de la plupart des pays de la région envers les juridictions internationales en particulier et le droit international public en général qui sont accusés d’être d’origine occidentale et de ne pas être adaptés aux particularismes des traditions asiatiques. 1. Les modes de règlements diplomatiques Il existe trois grandes catégories de règlement diplomatique. Nous commencerons par regarder la méthode des négociations directes bilatérales ou multilatérales (a.). Dans le cas des Spratlys il existe des tentatives de négociations directes, mais une opposition existe entre les protagonistes pour déterminer si ces négociations doivent être bilatérales ou multilatérales. Puis nous détaillerons en quoi consistent la médiation et le bon office (b.). Ici le rôle de l’Indonésie, de part les Workshops commencés en 1990, et de l’ASEAN seront abordés. Nous regarderons aussi quel rôle futur ils peuvent jouer grâce à cette méthode. Enfin nous expliquerons en quoi consistent l’enquête et la conciliation, et voir s’ils peuvent être appliqués au cas des Spratlys (c.). a. Négociations directes bilatérales ou multilatérales Négocier est « le degré minimum de l’obligation de régler pacifiquement les différends internationaux »455. La négociation est le minimum de ce qui est attendu des Etats dans un différend456. Elle doit être menée de « bonne foi » et les Etats doivent mettre en œuvre des « principes de droit équitables »457. La Convention de Montego Bay prévoit à son 455 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.828. Idem, p.829. 457 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.710. 456 84 article 283, paragraphe 1 que « si un différend surgit entre des Etats parties », « les parties en litige procèdent promptement à un échange de vues concernant le règlement du différend par la négociation ou par d'autres moyens pacifiques. »458. Le Brunei a exprimé sa volonté d’échanger son point de vue, et donc de négocier, en accord avec cet article de la Convention. Les modalités de la négociation sont très diverses : elle peut être bilatérale ou multilatérale ; l’objet est très large et il n’est pas forcément d’arriver à un règlement du litige, mais il peut passer par des mesures pour augmenter la confiance et diffuser les tensions ; les Etats parties au litige peuvent poursuivre des négociations bilatérales et des négociations multilatérales en parallèle ; il peut être décidé de soumettre le litige à un autre type de règlement en cas d’échec des négociations459. Dans le cas des Spratlys 6 pays sont impliqués. La question se pose donc de savoir s’il faut que la négociation soit bilatérale ou multilatérale. Puis nous verrons qu’il existe aussi un désaccord entre les protagonistes pour savoir s’il faut amener des tiers dans la négociation et dans quel cadre elle peut se faire. Enfin, nous verrons si des négociations ont déjà abouties à des résultats, ou si pour l’instant elles sont inutiles pour les Spratlys. La Chine a longtemps été opposée à des négociations multilatérales, craignant une coalition des pays de l’ASEAN contre elle460. Elle préférait favoriser des négociations bilatérales car pour elle il était beaucoup plus facile de faire parler sa puissance et de peser plus nettement face à un seul Etat461. Le Brunei, par exemple, ne pèserait pas lourd tout seul face à la Chine. Néanmoins, elle a changé sa position sur le sujet en 1995, acceptant pour la première fois des négociations multilatérales uniquement avec les pays de l’ASEAN462. C’est d’ailleurs à partir de ce moment là que des progrès ont pu se faire sentir et que les tensions ont pu baisser un peu. La Malaisie, semble-t-il, aurait été aussi opposée pendant un temps à des négociations multilatérales, mais la raison ne semble pas claire463. De même, le Vietnam refusait toute discussion multilatérale tant qu’elle occupait encore le Cambodge, craignant que les discussions ne tournent à une condamnation de ses actes plus que vers la recherche d’une solution pour les Spratlys. La Chine a accepté des négociations multilatérales à partir du moment où elle craignait une internationalisation du conflit. La Chine refuse toute internationalisation car elle verrait sa 458 http://www.un.org/french/. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.831. 460 JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.897. 461 BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.320. 462 ER (L.), “Japan and the…”, op. cit., p.1006. 463 BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.346. 459 85 puissance diminuer464. En effet, un des acteurs que certains pays de l’ASEAN aimeraient voir plus impliqués dans le conflit sont les Etats-Unis, une puissance très impliquée dans la région et capable de contrebalancer la Chine465. Les USA auraient aussi proposé en 1995 « to assist in any way that the claimants deem helpful »466. Aucune suite n’a été donnée semble-t-il à cette proposition. Le Japon souhaiterait aussi jouer un rôle plus important car ce passage maritime est vital pour l’économie japonaise. Mais un rôle éventuel du Japon n’est pas très bien accueilli par la Chine et d’autres pays d’Asie qui ont encore un souvenir très marqué de la Deuxième Guerre Mondiale467. Les pays de l’ASEAN, pour essayer de faire évoluer la situation, voulaient soulever la question lors des réunions de l’ASEAN Régional Forum (ARF), or beaucoup de pays étrangers à la région étaient présents lors de ce forum468. L’ASEAN aurait aussi fait passer une note sur le sujet dans le document final du mouvement des pays non-alignés en 1992, réaffirmant un mois après leur volonté de voir la marine des Etats-Unis rester dans la région469. La Chine a préféré accepter des négociations multilatérales que d’internationaliser le conflit470. La crainte de la Chine d’une alliance des pays de l’ASEAN contre elle ne s’est jamais vraiment transformée en réalité, sauf lors de l’incident de Mischief en 1995. Même si une alliance des pays de l’ASEAN est plus facilement possible, pour l’instant ce sont leurs différences qui l’emportent sauf lors de rares crises471. La tension a un peu baissé depuis 1995 et l’incident de Mischief Reef. La Chine accepte des négociations multilatérales, elle accepte de dialoguer avec le Vietnam472, le Vietnam est membre de l’ASEAN depuis 1995473 ce qui donne la possibilité à l’Association de se coordonner plus facilement sur le sujet, l’ASEAN a accordé à la Chine le statut de « partenaire de dialogue » dans l’ARF474, l’ASEAN et la Chine ont mis en place des sommets ASEAN+1475, des accords et des déclarations communes ont étés signés, et des « Workshops on Managing Potentiel conflicts in the South China Sea » durent depuis plus de quinze ans 464 SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.11. SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.334. 466 Idem, p.329. 467 ER (L.), “Japan and...”, op. cit., p.1003. 468 L’ARF est composé des pays membres de l’ASEAN, de l’Australie, du Canada, de la Chine, de l’Inde, de l’UE, des USA, du Japon de la Nouvelle-Zélande, de la Mongolie, du Pakistan, de la Russie, de la Corée du Sud, de la Corée du Nord et de la Papouasie Nouvelle-Guinée. http://www.aseansec.org/. 469 JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., pp.902-903. 470 Idem, p.896. 471 VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and Southeast Asia”, Ocean Development and International Law, Volume 31, Numéro 3, 2000, p239. 472 Ce fait est très important car la Chine avait développée une politique d’opposition systématique au Vietnam, comme l’atteste les documents dans les annexes (faire référence aux annexes). 473 http://www.aseansec.org/. 474 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.118. 475 http://www.aseansec.org/. 465 86 avec la participation de la Chine. Néanmoins, tous ces progrès semblent être le minimum au regard de l’obligation de négocier posée par le droit international, et la situation actuelle semble plus constituer une discussion que des négociations476. C’est tout de même un progrès et nous verrons plus tard que certains développements plus récents nous permettent d’être éventuellement plus optimistes. b. Médiation et bon office La médiation et les bons offices sont des notions très similaires. Le bon office est le rôle qu’un Etat tiers joue pour amener les Etats à se rencontrer et à négocier. Son rôle est fini dès qu’il a atteint ce but. L’Etat chargé des bons offices a donc un rôle très limité concentré en amont. En revanche, dans le cas de la négociation l’Etat tiers s’implique plus. Bien entendu il commence avec les mêmes enjeux que le bon office, mais une fois que les négociations commencent, le médiateur « propose des bases de négociation et intervient dans le déroulement de la négociation pour favoriser un rapprochement des points de vue des intéressés, sans chercher cependant à imposer une solution. »477. Le conflit des Spratlys se prête à l’intervention d’un tiers Etat qui viendrait aider les protagonistes à trouver une solution, les exemples les plus marquants sont ceux de l’Indonésie et de l’ASEAN. - Le rôle de l’Indonésie, celui d’un (possible) médiateur L’Indonésie a des intérêts importants à ce que la situation aux Spratlys ne dégénère pas en conflit de plus grande ampleur, et est apparu comme le leader pour la recherche d’une solution pacifique au différend478. L’Indonésie est à l’origine des « Workshops on Managing Potentiel conflicts in the South China Sea » qui ont débuté en 1990 et qui est un des premiers et des plus importants lieux d’échanges pour les protagonistes. Ces Workshops ont largement pu être possibles grâce à Ali Alatlas, l’ancien Ministre des Affaires Etrangères de l’Indonésie, et Hasjim Djalal, son Ambassadeur pour le Droit de la Mer479 qui ont demandé une aide du 476 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.116. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.833. 478 VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and Southeast Asia”, Ocean Development and International Law, Volume 31, Numéro 3, 2000, p.240. 479 VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building…”, op. cit., p.239. 477 87 Canada480. Ils se sont inspirés de l’expérience que l’ASEAN avait acquise pour s’occuper des conflits en Indochine481. Ces Workshops sont organisés en six groupes de discussion et consistent en des réunions annuelles à niveau informel, ce qui permet donc la participation de Taïwan482. Leur but affiché est d’amener une coopération régionale « in marine resource management, navigational safety, and environmental protection on the basis of shared interests and mutual benefits »483. L’Indonésie s’est inspirée des modalités de coopération présentes dans la Convention de Montego Bay qui oblige les Etats d’une mer semi-fermée à coopérer dans certains domaines484. Ces domaines de coopération sont présentés à l’article 123 : « Les Etats riverains d'une mer fermée ou semi-fermée devraient coopérer entre eux dans l'exercice des droits et l'exécution des obligations qui sont les leurs en vertu de la Convention. A cette fin, ils s'efforcent, directement ou par l'intermédiaire d'une organisation régionale appropriée, de : a) coordonner la gestion, la conservation, l'exploration et l'exploitation des ressources biologiques de la mer; b) coordonner l'exercice de leurs droits et l'exécution de leurs obligations concernant la protection et la préservation du milieu marin; c) coordonner leurs politiques de recherche scientifique et entreprendre, s'il y a lieu, des programmes communs de recherche scientifique dans la zone considérée; d) inviter, le cas échéant, d'autres Etats ou organisations internationales concernés à coopérer avec eux à l'application du présent article. » L’Indonésie a posé d’autres règles au début qui ont permis d’amener la confiance de tous : commencer au niveau informel, éviter d’institutionnaliser d’internationaliser le problème et adopter une approche pas-à-pas 485 la structure, éviter . La Chine, Taïwan et le Vietnam sont présents dès le deuxième workshop en 1991, amenant donc tous les protagonistes des Spratlys à une même table. Ces Workshops ont réussi à enregistrer certains succès qui vont dans le sens d’une baisse des tensions. Tout d’abord, ils ont réussi à amener tous les protagonistes du conflit des Spratlys à la même table, réussissant donc la mission de bon office ; ils ont amené à la rédaction de principes communs qui sont la base d’une coopération ; ils ont favorisé un certain nombre de déclarations ; ils ont amené la création de plusieurs « Technical Working Groups » dans des domaines relatifs à l’environnement, à la 480 DJALAL (H.), “Indonesia and …”, op. cit., p.99. Idem, p.98. 482 LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.329. 483 SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.6. 484 DJALAL (H.), “Indonesia…”, op. cit., p.98. 485 Idem, p.99. 481 88 navigation, aux sciences, à la communication et aux affaires légales ; et ils durent depuis 17 ans maintenant ce qui peut faciliter la communication entre les membres486. Après avoir favorisé des contacts entre les protagonistes l’Indonésie espérait pouvoir aboutir à des accords plus formels sur le problème de souveraineté sur les îles dans la mer de Chine méridionale, dont les Spratlys487. Elle aurait fait des propositions pour que les protagonistes mettent de côté la question de la souveraineté et qu’ils exploitent en commun les ressources de la région en prenant exemple sur son traité pour le détroit de Timor avec l’Australie. Une preuve supplémentaire du succès de ces Workshops est le soutien apporté des Etats-Unis488, ainsi que la proposition du Japon d’aider à les financer s’ils ont lieu au Japon489. Néanmoins, cette proposition fut rejetée catégoriquement par la Chine490. Mais ces Workshops sont aussi critiqués et ont montré leurs limites. D’une part l’Indonésie a été prise par des problèmes internes qui ont fait changer ses priorités491, et ensuite la confiance a mis du temps à s’installer et la Chine ne semble pas mettre assez de bonne volonté pour faire avancer les choses. De même, la question de la souveraineté est encore trop sensible aujourd’hui et elle n’a pas été abordée pour l’instant492. Ceci fait dire à certains auteurs que le processus n’avance pas assez vite. Ils souhaitent que les Etats dépassent ces cadres généraux pour aller vers des régimes de coopération plus poussés493. Nous verrons dans une partie suivante que ces régimes commencent peut être à apparaître grâce à une pression qui se fait de plus en plus forte, mais aussi à des solutions de plus en plus nombreuses. - L’ASEAN exerce ses bons offices Au sein de l’ASEAN aussi l’Indonésie a un rôle important à jouer : elle aurait offert ses bons offices lors de la Conférence de l’ASEAN de 1992 à Manille494. Mais c’est 486 Idem, pp.99-102. SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.6. 488 SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.326. 489 ER (L.), “Japan and...“, op. cit., pp.1007-1008. 490 CHUNG (C.), “The Spratlys and other…”, op. cit., p.23. 491 VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building…”, op. cit., p.240. 492 CHUNG (C.), “The Spratlys and other…”, op. cit., p.23. 493 Mark Valencia a appelé à plusieurs reprises pour dépasser les acquis des Workshops et passer à des régimes communs d’exploitation. VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, Far Eastern Economic Review, 30 Mars 1989, p.20, VALENCIA (M.), “A Spratly solution”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 31 Mars 1994, Hong Kong, p.30, VALENCIA (M.), “The Spratly Islands dispute”, Far Eastern Economic review, Volume 166, 9 Janvier 2003, Hong-Kong, p.21. 494 SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.117. 487 89 l’ASEAN de par elle-même qui peut jouer un rôle important, d’autant plus que depuis 1995 le Vietnam fait partie de ses membres495. Tout d’abord, elle a favorisé une communication, un dialogue entre ses membres partis au conflit, puis elle l’a favorisé avec les pays non-membres à travers de CBM, « Confidence Building Mesures ». Les années 1980 et le début des années 1990 ont été marquées par une forte tension, certains Etats communiquaient peu avec les autres et la méfiance était très forte. Pour pouvoir arriver à une situation de confiance sur laquelle il serait possible de bâtir un règlement du litige il fallait multiplier les petits pas d’échange. Ce sont des CBM, « Confidence Building Mesures », qui viennent en partie d’initiatives de l’ASEAN qui cherche à favoriser le dialogue et la confiance entre les partis. Ces CBM sont la base de la résolution d’un conflit496 et ils veulent favoriser une situation de statu quo qui serait la plus favorable à une situation de négociation, car les bases seraient claires et inchangées pendant la négociation. Elles ont contribuées à faire baisser les tensions dans les années récentes, même si les affrontements et les désaccords sont encore possibles497. Il est possible de citer la Déclaration de Manille sur la Mer de Chine méridionale de juillet 1992 qui stipule que les membres veulent résoudre le différend « by peaceful means through dialogue and negotiation (…) to exercise self-restreint in order not to complicate the situation. »498. L’ASEAN a favorisé la rédaction de Code de Conduite bilatéraux entre les Philippines et le Vietnam, et entre les Philippines et la Chine499. Ces deux Codes de Conduite ont inspiré la Déclaration sur la Conduite des parties dans la mer de Chine méridionale de 2002, un accord très important pour le conflit et un des plus grands pas réalisé sous les auspices de l’ASEAN500. Il est aussi possible de citer l’ARF qui serait « the most influential security forum in the Asia-Pacific. »501. Même si ce forum n’est pas considéré comme canal de discussion par la Chine car il est trop international, il permet de faciliter les CBM, « Confidence Building Mesures », dans divers domaines502. L’ASEAN a aussi des faiblesses qui peuvent limiter ses capacités d’influence503. Même s’il y a une évolution depuis quelques années qui lui donne plus de pouvoir, un des principes clés de l’ASEAN reste la non-intervention dans les affaires internes d’un pays, ce 495 BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.345. BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.351. 497 TIGLAO (R.), “Seaside boom”, op. cit., p.14. 498 ARMSTRONG (D.), LLOYD (L.), REDMOND (J.), International Organisations in world politics, Palgrave, Macmillan, 2004, Chine, p.219. 499 BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes…”, op. cit., p.346. 500 Cette Déclaration fera l’objet d’une étude plus approfondie dans une partie suivante. 501 ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.190. 502 Ibid. 503 KARNS (M.), MINGST (K.), International Organizations, Lynne Rienner, Boulder, 2004, USA, p.189. 496 90 qui lui laisse peu de marge de manœuvre quand un pays explique que ses actions font partie de ses affaires internes. De plus, l’ASEAN est dotée de faibles structures et les pays d’Asie du Sud-est préfèrent se baser sur des rencontres informelles504, d’où les espoirs placés dans les Workshops. L’ASEAN reste malgré tout une structure pertinente pour aider à trouver une solution au conflit car elle dispose de beaucoup de différents forums qui peuvent accueillir des discussions sur le sujet à tous les niveaux et pour n’importe quel point technique, de plus quatre des six protagonistes font partie de ses membres mais elle garde une certaine indépendance pour s’exprimer. Sa mission semble plus se rapprocher de celle du bon office, avec l’Indonésie qui pourrait plus facilement jouer le rôle de médiateur, une formule complémentaire. c. Enquête et conciliation L’enquête est une « recherche portant sur des faits présentés comme à l’origine d’un litige, en vue de constater leur matérialité, leur nature, les circonstances qui les accompagnent, et dans la fourniture d’un rapport aux parties »505. Il n’y a eu aucune enquête dans le cas du conflit sur les Spratlys. Si une enquête est diligentée pour les Spratlys, les faits, actions et documents divers à examiner seront nombreux et étalés sur une longue période. Ils vont des premières cartes présentées par les chinois datant du IIème siècle avant Jésus-Christ aux lois nationales produites par les parties ces dernières années. Cette enquête, dont les modalités précises sont définies par les Etats parties, devra donc constater la matérialité, la nature et les circonstances des faits. Mais la Commission ne devra tirer aucune conclusion dans son rapport d’enquête506. Cette technique de règlement diplomatique pourrait éclairer la situation juridique des arguments des uns et des autres, ce qui pourrait être utile dans ce conflit étant donné le grand nombre de documents et d’actions qui sont interprétés de manière différente par les protagonistes. Du fait de la limite de sa portée, une simple enquête risque d’être désapprouvée par certains dont les actions et arguments auront été éventuellement affaiblis, risquant de redémarrer le conflit, car un certain nombre de protagonistes semblent se satisfaire du flou actuel507. Pour le différend des Spratlys il faudrait qu’une enquête soit complétée avec d’autres mesures pour arriver à une solution, et pas juste établir les faits. 504 Idem, p.191. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.834. 506 Idem, p.835. 507 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.235. 505 91 L’organe chargé de mener la conciliation dispose d’un peu plus de pouvoir que celle qui mène une enquête. Cet organe, fixé par les parties au litige, étudie les faits et doit faire des propositions aux Etats parties afin qu’ils trouvent une solution508. Même si les Etats ne sont pas obligés de suivre les propositions de la conciliation ce pouvoir supplémentaire fait que pour les Spratlys une conciliation serait plus adaptée qu’une enquête. L’organe chargé de la conciliation pourrait faire établir les faits et étudier toutes les questions du litige, puis rendre des propositions concrètes aux parties. Ces propositions ne seraient donc pas obligatoires, mais cela pourrait être un avantage pour la plupart des pays du conflit qui sont réticents envers la justice internationale. D’autant plus que ce mode de règlement « étudie le litige dans tous ses aspects », ce qui implique que l’organe chargé de la conciliation doit prendre en compte la forme juridique et la forme politique du conflit, ce qui pourrait satisfaire les différentes parties. De plus, elle inclut une procédure contradictoire509, ce qui laisse une chance à tous les Etats car tous s’expriment sur un pied d’égalité. Cette conciliation, si elle a lieu, doit inclure les 6 Etats parties au conflit pour qu’une, ou la, solution proposée puisse amener la fin du conflit. C’est ensemble qu’ils se mettront d’accord sur les modalités exactes de la conciliation, composition de l’organe, effet de la proposition, suite à donner en cas d’échec de cette conciliation, … Cette méthode de la conciliation n’a pas été entreprise pour les Spratlys mais elle pourrait être adaptée au conflit. 2. Les modes de règlements juridiques Il existe aussi des méthodes de règlement juridique des différends. Ces méthodes juridiques diffèrent des méthodes diplomatiques principalement du fait que la solution s’impose aux Etats510. Les protagonistes montrent beaucoup de réticences à utiliser ces méthodes. Mais il semblerait qu’il y ait des signes qui montrent une acceptation de ces méthodes juridiques511. La Malaisie et l’Indonésie sont récemment allées devant la CIJ pour leur différend sur les îles Spidan et Ligitan512. Il est important de détailler ces méthodes car elles sont possibles et elles ont déjà été évoquées dans le passé pour les Spratlys. Ces méthodes rentrent dans deux grandes catégories. En premier, nous analyserons en quoi 508 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.836. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.837. 510 Idem, p.862. 511 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.109. 512 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.144. 509 92 consiste l’arbitrage (a.) ; puis nous regarderons ensuite le règlement judiciaire avec les tribunaux qui pourraient être compétents pour les Spratlys (b.). a. L’arbitrage L’arbitrage est une méthode qui est « plus respectueuse de la souveraineté de l’Etat que le règlement juridictionnel »513. Il a pour objet « le règlement des litiges entre les Etats par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. »514. Cette méthode de règlement est plus souple qu’un règlement judiciaire car les parties peuvent choisir les arbitres et ils soumettent un compromis à l’arbitre qui ne peut que trancher en fonction de ce qui lui a été soumis dans ce compromis515. De manière générale « la volonté des Etats s’impose à l’organe arbitral qu’ils mettent en place. »516. Néanmoins, cette méthode reste une méthode juridique et l’organe arbitral a la compétence de sa compétence517 et il rend sa décision en droit, et ce même si le conflit qui lui est soumis à une forte connotation politique518. Cet organe arbitral peut prendre différentes formes, il peut être un arbitre unique, une commission mixte ou un tribunal collégial519. L’arbitrage qu’il rend est en principe définitif, il a autorité de chose jugée520. Mais la sentence ne s’applique que pour les Etats qui sont parties à l’arbitrage521, ce qui fait que pour les Spratlys il faudrait que les 6 pays soient d’accord pour se soumettre à un arbitrage pour que la question soit réglée. L’application de la sentence est en principe obligatoire, mais si un Etat ne la respecte pas les moyens de recours sont limités, de même si un Etat n’est pas content de la sentence les procédures d’appel sont difficiles à mettre en place522. Dans le cas des Spratlys si un Etat plus puissant, la Chine par exemple, décidait de ne pas appliquer la sentence un recours contre ce refus serait très difficile. Mais ces cas de figures restent exceptionnels523 et dans le cas des Spratlys un arbitrage pourrait être la voie médiane entre un règlement judiciaire qui n’a pas la faveur des protagonistes et les moyens diplomatiques qui montrent leurs limites de par leur lenteur. 513 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.867. Convention de la Haye du 29 Juillet 1899 cité dans VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.720. 515 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., pp.723-726. 516 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.870. 517 Idem, p.877. 518 Idem, p.873. 519 Idem, pp.876-877. 520 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.728. 521 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.884. 522 Idem, p.885. 523 Ibid. 514 93 La France avait proposé à la Chine dès 1927 de soumettre ce différend à un mode de règlement juridique sans en préciser la méthode exacte. Elle avait réitéré sa proposition en 1947, mais la Chine a décliné l’offre les deux fois. Certains voudraient en déduire que la Chine avoue explicitement les faiblesses de ses arguments et de sa revendication. Les Philippines auraient aussi proposé à la Chine de porter le différend devant la CIJ, mais la Chine a refusé en 1999524. Je n’ai pas vu d’autres propositions émanant d’autres Etats. b. Le règlement judiciaire Le règlement judiciaire correspond à un règlement effectué par une juridiction permanente. Les Etats disposent d’un certain nombre de juridictions qui seraient susceptibles de recevoir le litige des Spratlys. La première de ces institutions qui pourrait entendre le différend des Spratlys est la Cour Internationale de Justice (CIJ). Cette Cour est l’héritière de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI), qui, elle, dépendait de la Société des Nations, et les deux ont déjà traité de nombreuses affaires de délimitation territoriales, entre autres maritimes. Cinq des six protagonistes sont parties à la CIJ, Taïwan ne peut pas l’être. Ils peuvent donc tous soumettre le différend à la CIJ, mais les autres Etats sont libres de refuser la juridiction de la Cour s’ils n’ont pas signé la clause facultative de juridiction obligatoire525. Aucun des cinq Etats n’a signé cette clause pour l’instant. La Cour étudiera alors le litige qui lui est soumit en fonction de ce qui est précisé dans le compromis juridictionnel526. La décision qu’elle rendra sera obligatoire pour les pays qui ont signé le compromis, même si parfois les directives qu’elle donne laissent une marge d’appréciation aux Etats527. La Cour a aussi la possibilité de statuer ex aequo et bono528. La procédure d’avis consultatif n’est pas ouverte aux Etats, mais seulement aux organisations internationales sur accord de l’Assemblée Générale de l’ONU529. Ce qui fait que l’ASEAN pourrait saisir la Cour, mais cette probabilité semble faible pour l’instant même si elle permettrait de voir plus clair dans le conflit sans engager les Etats. Il est important de regarder le rôle que le Tribunal de la Mer pourrait avoir car les Spratlys sont des îles et, comme nous l’avons vu, il existe de nombreux points qu’il faut 524 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.109. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.898. 526 Idem, p.896. 527 Idem, p.906. 528 Idem, p.905. 529 Idem, p.908. 525 94 éclairer pour régler le problème durablement. Comme nous l’avons vu, tous les protagonistes ont signé la Convention de Montego Bay sans réserves et ils peuvent donc saisir la Cour s’ils le souhaitent. Le Tribunal International du Droit de la Mer n’a pas compétence pour régler les problèmes territoriaux comme nous l’avons déjà vu, mais il peut régler toutes les questions relatives à l’interprétation ou l’application de la Convention530. Le Tribunal peut donc aider les protagonistes à définir le statut de chaque bout de terre des Spratlys et confirmer des tracés de lignes de base, il peut aussi aider dans les problèmes de délimitations territoriaux et indiquer si les Spratlys sont un archipel ou non. La Convention prévoit aussi trois autres moyens pour régler ces différends d’interprétation ou d’application : « la Cour internationale de Justice, l'arbitrage conformément aux dispositions de l'annexe VII de la Convention, ou l'arbitrage spécial dans le cadre de l'annexe VIII de la Convention »531. Néanmoins le Tribunal sera plus compétant que la CIJ dans ces domaines532. Dans le cas des Spratlys, une coopération entre la CIJ, qui pourrait régler le problème de souveraineté, et le Tribunal international du droit de la mer, qui pourrait régler toutes les questions relatives à la mer, pourrait aider à trouver une solution au litige des Spratlys et serait une vraie innovation en droit international. Le principal problème de ce mode de règlement est que la plupart des protagonistes des Spratlys se méfient du droit international et ils savent tous que leurs dossiers ont des faiblesses ce qui les rend très réticents à porter le différend devant la CIJ. En revanche, ils pourraient utiliser le Tribunal de la Mer pour les aider à définir le statut de chaque île, rocher, haut-fond découvrant et haut-fond submergé. Un autre problème de ces juridictions ouvertes uniquement aux Etats est que Taïwan ne pourrait être présent en cas de résolution du litige devant la CIJ, ou discussion avec le Tribunal de la Mer. La situation de Taïwan complique encore plus le problème. Les méthodes diplomatiques sont les méthodes favorisées par les protagonistes, mais ils n’avancent pas assez vite vers une solution du litige au goût de certains auteurs. Dans ce cas, un arbitrage pourrait être une solution intermédiaire acceptable, tout en tenant compte de la complexité de la situation de Taïwan et de sa relation avec la Chine. Mais une solution définitive au conflit n’est pas la première préoccupation des Etats à l’heure actuelle et ils préfèrent se concentrer sur une baisse des tensions et la mise en place de régimes de coopération divers qui mettraient de côté la question de la souveraineté. 530 http://www.itlos.org/. http://www.itlos.org/. 532 MARSIT (M.), “Cinquième anniversaire du Tribunal International du Droit de la Mer” in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, p.435. 531 95 B. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale du 4 Novembre 2002 Les Spratlys sont un point de conflit potentiel du fait des tensions importantes entres les 6 protagonistes. Ces tensions ont fait craindre un conflit jusqu’au début du XXIème siècle, et encore aujourd’hui des risques existent. Mais comme nous venons de le voir des initiatives sont prises dans le sens d’un apaisement, même si les résultats ne sont pas toujours ceux escomptés des progrès sont là. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale en est un des meilleurs exemples. C’est la première déclaration commune de tous les protagonistes sur un Code de conduite dans la mer de Chine. Il faut donc analyser cette Déclaration plus en profondeur pour voir son impact et sa portée réels. Nous regarderons donc le cadre de cette déclaration en premier pour bien saisir son importance (1.). Puis nous analyserons son contenu et la force juridique de cette Déclaration (2.). 1. Le cadre de cette déclaration La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale a été signée le 4 Novembre 2002 par tous les membres de l’ASEAN et la Chine. Elle est le fruit de longues négociations entre les différents Etats qui n’étaient pas tous favorables à un Code de conduite. La Chine surtout s’opposait à ce qu’il existe un Code de Conduite formel sur un seul document, elle soutenait que la Déclaration commune du Président chinois et des chefs d’Etat et de gouvernement de l’ASEAN datant du 16 Décembre 1997 suffisait largement533. Mais en 1999 elle accepte de rentrer dans des négociations avec l’ASEAN pour trouver les principes d’un Code de Conduite534. Les Philippines, le Vietnam et l’Indonésie étaient ceux qui poussaient le plus pour un Code de Conduite535. Les négociations ont commencé en 2000 dans une situation tendue due à des conflits sur le terrain536. La volonté d’arriver à un Code de Conduite fut lancée en Juillet 1992 par les Ministres des Affaires Etrangères des pays de l’ASEAN dans la Déclaration sur la mer de Chine méridionale, aussi appelée la Déclaration de Manille537. Cette volonté arrive à un moment de fortes tensions dans le conflit que 533 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.132. HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.108. 535 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.131. 536 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.105. 537 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for …”, op. cit., p.133. 534 96 caractérisent les années 1980 et 1990, elle était nécessaire afin de limiter les risques potentiels de conflits plus intenses. Néanmoins, la mise en route de la discussion et des négociations sur le texte ont pris du temps, car comme nous l’avons vu, tous les protagonistes n’étaient pas d’accord sur le contenu, la force ou l’utilité même de ce Code. Cette Déclaration s’est inspirée de nombreux textes différents qui viennent tous de l’ASEAN, ce qui illustre le rôle important que cette organisation peut jouer. Elle s’est inspirée en premier du « Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia » (TAC) signé en 1976 par les pays de l’ASEAN. La Déclaration de Manille l’a cité comme la base de tout Code de Conduite538. Le TAC est ouvert à la ratification par d’autres pays que les pays membres de l’ASEAN depuis le 25 Juillet 1998539. La Chine y a accédé le 8 Octobre 2003540. Le TAC prévoit qu’un High Council soit créé pour régler des différends régionaux de manière diplomatique, ce Council pourrait donc fonctionner pour le litige des Spratlys. Mais, de façon générale le TAC pousse les parties à respecter le principe de règlement pacifique des différends541. Certains auteurs affirment que le deuxième document qui aurait inspiré le Code de Conduite est le « Southeast Asia Nuclear Weapon-Free Zone » de 1997542. Mais cette affirmation peut être plus discutable car la Chine a accepté la Déclaration, mais si elle limitait sa capacité nucléaire dans la zone il semble peu probable que la Chine aurait accepté. Le troisième texte qui aurait influencé la rédaction du Code est la Convention de Montego Bay543. Le Code a aussi été influencé par le « Joint Statement between the Republic of the Philippines and the People’s Republic of China on the South China Sea and on Other Areas of Cooperation » signé en août 1995. En Novembre de la même année les Philippines et le Vietnam ont signé « The Joint Statement on the Fourth Annual Bilateral Consultations »544. Ces deux déclarations correspondent à des Codes de Conduite entre les deux signataires pour la Mer de Chine. Une partie de ces déclarations ont été reprises dans des réunions de l’ASEAN ou de l’ARF545. Les cinq principes de la coexistence pacifique, la Déclaration de Manille de 1992, la déclaration de l’ASEAN de 1967, la « Zone of Peace, Freedom and Neutrality Declaration » de novembre 1971, la « Declaration of ASEAN Concord » du 24 février 1976, la « ASEAN Vision 2020 » de décembre 1997 et la « Declaration of ASEAN 538 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.134. HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116. 540 Annexe 7. 541 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116. 542 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.135. 543 Idem, p.136. 544 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., pp.113-114. 545 KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct …”, op. cit., p.138. 97 Concord II » du 7 octobre 2003 auraient également inspiré le Code de Conduite546. Cette liste n’est pas complète, mais elle fait le tour des principaux documents qui ont influencé le Code de Conduite dans son contenu, dans sa force et dans son esprit. Le but affiché de cette Déclaration est de poser les bases pour plus de coopération et une résolution future du différend de manière pacifique en augmentant la confiance entre les protagonistes grâce à des Confidence Building Mesures547. Sans être uniquement une proclamation politique, cette Déclaration ne serait pas faite pour être un traité avec des obligations légales pour les pays parties548. Mais il convient maintenant de regarder quels moyens la Déclaration se donne pour remplir ces objectifs, et si elle a une force obligatoire ou plus de l’ordre du symbolique. 2. Quelle est sa force juridique, son contenu L’article 10 de cette Déclaration stipule que : « The Parties concerned reaffirm that the adoption of a code of conduct in the South China Sea would further promote peace and stability in the region and agree to work, on the basis of consensus, towards the eventual attainment of this objective. » Cet article pose clairement la limite de cette Déclaration : c’est une Déclaration sur un éventuel Code de Conduite et non un Code de Conduite en lui-même. Cet article illustre la réticence de la Chine à vouloir accepter un Code de Conduite contraignant. En effet, cette Déclaration pourrait être qualifiée d’acte concerté non conventionnel. Ces actes concertés non conventionnels sont différents des traités car ils ne sont pas obligatoires549. Ce sont des accords signés entre Etats qui ont des noms très divers et qui peuvent avoir des engagements proches des traités550. Il est parfois dur de faire la différence entre un traité et un acte concerté non conventionnel qui n’engage pas la responsabilité de l’Etat et qui est non susceptible de recours551. La règle pour déterminer à quelle catégorie l’acte appartient est celui de la volonté des Etats, cela a été précisé par la jurisprudence552. Le problème vient quand il n’est pas écrit clairement quelle est la volonté des Etats parties. La CIJ précise dans ce cas qu’il « faut tenir 546 http://www.aseansec.org/. HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.113. 548 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.114. 549 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.389. 550 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.371. 551 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.389. 552 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.372. 547 98 compte avant tout des termes employés et des circonstances dans lesquelles (…) (l’accord) a été élaboré »553. Dans la même affaire la Cour précise aussi qu’il « n’existe pas de règle de droit international interdisant qu’un communiqué conjoint constitue un accord international. »554. Pour cette Déclaration, même s’il n’est pas dit explicitement que cet acte n’engage pas en droit les Etats parties, le sens de l’article 10 semble néanmoins assez clair pour pouvoir en déduire la limite de la portée de la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine. Néanmoins, certaines parties de la Déclaration peuvent relever du droit international coutumier ou pourraient être consacrées dans un autre traité et dans ce cas elles s’imposeraient à l’Etat comme elles le faisaient avant. L’acte pourrait alors être qualifié « d’acte mixte »555. De plus, la Déclaration même si elle est un acte concerté non conventionnel peut engager politiquement, ce qui est très important, car elle peut alors exercer une pression forte sur les Etats parties556. D’un point de vue politique cette Déclaration semble très forte. Il faut le souligner, c’est la première Déclaration commune à tous les protagonistes qui s’engagent pour prendre des mesures pour aller dans le sens de la construction de relations de confiance, d’un statu quo, d’une coopération dans différents domaines, d’une renonciation à la violence et puis finalement vers la résolution du différend557. Cette Déclaration pose un certain nombre de principes et donne des lignes directrices aux Etats parties pour leur attitude dans la mer de Chine. Il n’a pas été facile de trouver un consensus entre les différents protagonistes pour qu’ils soient tous d’accord sur les principes compris dans la Déclaration558. Mais avant de développer ces points il convient de clarifier la portée géographique de cette Déclaration. Elle vaut pour les conflits dans la Mer de Chine, et est donc sans doute applicable aux Spratlys559. La Déclaration évoque un certain nombre de principes que les Etats devront respecter. En premier celui du non-recours à la force pour régler les différends territoriaux qui est écrit dans son article 4560. Cette obligation est une obligation du droit international comme nous l’avons vu précédemment, la Déclaration ne fait que la reprendre. Mais il n’est pas anodin de le préciser à la vue d’évènements que nous avons 553 Affaire du Plateau continental de la mer d’Egée du 19 Décembre 1987 cité dans VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.373. 554 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.388. 555 Ibid. 556 VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.373. 557 Annexe 6. 558 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116. 559 Idem, p.115. 560 « The Parties concerned undertake to resolve their territorial and jurisdictional disputes by peaceful means, without resorting to the threat or use of force. ». 99 évoqués précédemment qui ont eu lieu en mer de Chine. Cette notion est complétée par l’obligation de négocier qui est aussi une obligation des Etats et qui est rappelée dans la Déclaration à son article 4561. Enfin, dans le même domaine les parties cherchent à faciliter le règlement pacifique du différend selon les articles 4, 5 et 7, ce qui est aussi une obligation en Droit International562. Un deuxième principe qui est aussi une obligation internationale en vertu de la Convention de Montego Bay est la libre circulation des navires et des aéronefs dans certaines zones, dont la mer de Chine fait partie comme le stipule l’article 3563. Ce point de libre circulation est considéré comme un enjeu national vital par les Etats-Unis564. Un troisième principe abordé est celui de faire preuve de « self-restraint in the conduct of activities that would complicate or escalate disputes and affect peace and stability », et ce afin de favoriser un statu quo au niveau de l’occupation des îles pour aider à trouver une solution et éviter d’attiser les tensions565. Ce principe de self-restreint a été présenté par le Vietnam dès 1988, mais il n’a pas été très bien accueilli par la Chine dans un premier temps566. Le statu quo est présenté par certains auteurs comme une des conditions les plus importantes pour faciliter un règlement du conflit car il stabiliserait la situation et serait une base stable pour négocier567. Il convient de préciser qu’une situation de statu quo ne porte pas préjudice aux intérêts des Etats et aux revendications de souveraineté sur le long terme568. La Déclaration base les avancées futures sur des valeurs d’égalité, un principe de droit international, et de respect mutuel dans son article 2. Ce n’est pas anodin de rappeler ces principes quand le différend comprend des pays qui ont une telle disparité de taille et d’influence à tous les niveaux. Le dernier principe qui est présent dans cette Déclaration est un principe qui vient de la tradition de l’ASEAN, c’est celui de la consultation569. Il est évoqué dans les articles 4570 et 7571. Ensuite dans les lignes directrices la Déclaration propose une liste non exhaustive de mesures possibles et non-exhaustive pour développer la confiance entre les Etats. Cette liste à l’article 5 propose de développer le dialogue entre les officiels militaires ; tente de pousser les Etats à assurer la sécurité de toutes les personnes dans les 561 « friendly consultations and negotiations by sovereign states directly concerned, in accordance with universally recognized principles of international law ». 562 « facilitating peaceful resolution of disputes among them. ». 563 « The Parties reaffirm their respect for and commitment to the freedom of navigation in and overflight above the South China Sea ». 564 SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.319. 565 Article 5 de la Déclaration. 566 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.118. 567 Idem, p.113. 568 Idem, p.118. 569 Idem, p.120. 570 « friendly consultations ». 571 « consultations ». 100 zones qui sont en danger ; à signaler aux autres Etats, sur la base du volontariat, tout exercice militaire commun dans la zone ; et plus généralement vise à créer des échanges d’information générales utiles entre les Etats. Cette liste n’est donc pas exhaustive comme nous le fait comprendre le « including ». De même en attendant une solution définitive au conflit la Déclaration établit une liste de domaines où une coopération est possible à son article 6. Ces coopérations sont des possibilités qui sont aussi listées dans la Convention de Montego Bay. La liste soumise n’est pas exhaustive ni obligatoire comme le laissent entendre les mots : « may include ». Elle inclut donc : la protection de l’environnement marin ; la recherche scientifique maritime ; la sécurité de la navigation et de la communication en mer ; des opérations de recherche et de sauvetage ; et la lutte contre le crime international qui comprend, mais n’est pas limité au trafic de drogue, le trafic d’armes, et les actes de piraterie et de vol en mer. La Déclaration laisse une grande liberté aux Etats parties car elle stipule que: « The modalities, scope and locations, in respect of bilateral and multilateral cooperation should be agreed upon by the Parties concerned prior to their actual implementation. ». Enfin le dernier point important qu’il convient de souligner dans cette Déclaration est qu’elle pousse les Etats à trouver des moyens « for building trust and confidence »572. Des discussions sur les CBM étaient déjà en cours dans d’autres forums tels que l’ARF573. Mais le fait que la Déclaration insiste sur le besoin d’avoir des Confidence Building Mesures couplés avec la force politique de cette Déclaration donne plus de poids à ce souhait, voir cette obligation car le mot « committed » est utilisé. Néanmoins, malgré sa force politique importante et la présence d’obligations de droit international cette Déclaration n’est pas toujours respectée. Il y a eu des conflits sur le terrain, la Chine a occupé d’autres îles, certains proposent des visites touristiques, d’autres installent des observatoires à oiseaux, … De plus Taïwan ne peut être partie à cette Déclaration car seuls les sujets de droit international peuvent être partis à un acte concerté non conventionnel574, or Taïwan ne semble pas être un sujet de plein droit du droit international. Cette Déclaration montre donc ses limites et illustre le fait qu’elle ne peut être qu’une étape. Elle a favorisé la confiance et le dialogue, elle montre des principes importants que les Etats devraient suivre en mer de Chine, mais surtout elle permet de regarder vers l’avenir et de faire 572 Article 2 de la Déclaration. HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.119. 574 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.118. 573 101 un pas de plus pour faire baisser les tensions, et arriver à une solution, si ce n’est définitive, au moins provisoire, de la question de la souveraineté sur les îles Spratlys. C. Les autres solutions envisageables Les règlements diplomatiques et juridictionnels que nous venons de voir se veulent de favoriser ou d’apporter une solution au problème de la souveraineté sur les Spratlys. Les Workshops et la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine cherchent à favoriser la confiance entre les protagonistes grâce à des Confidence Building Mesures. L’existence de la confiance entre les acteurs est essentielle pour avancer des solutions575. Or la confiance semble être de plus en plus présente, et il devient donc possible d’envisager l’étape suivante pour un règlement pacifique. Il existe des solutions qui peuvent favoriser le règlement de ce conflit sans impliquer de tiers, sans imposer une quelconque solution et qui serait adapté aux Spratlys. Ces solutions sont multiples, mais nous n’étudierons que celles qui semblent capables de s’adapter aux particularismes du conflit sur les Spratlys. Il est possible de les diviser en deux grandes catégories. Soit ces régimes peuvent mettre complètement de côté la question de la souveraineté. Elles arrêteraient l’expression des revendications sans préjudice pour les revendications elles-mêmes. Nous verrons les différentes possibilités de régimes suspensifs de la souveraineté dans une première partie (1.). Puis, nous analyserons dans une deuxième partie les régimes qui traitent de la question de la souveraineté (2.). Soit ils l’accordent à un protagoniste, soit à tous. Nous analyserons aussi les limites de la transposition d’un régime aux Spratlys, et la nécessité de les adapter. 1. Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté Nous verrons dans cette partie les exemples sur lesquels les protagonistes peuvent se baser pour trouver un régime commun sans résoudre la question de la souveraineté. Ces régimes mettent de côté l’allocation de la souveraineté pour qu’elle soit réglée plus tard ou lui donner moins d’importance. Ces solutions sont importantes car elles peuvent déboucher sur une confiance mutuelle plus importante et in fine aider à régler le litige territorial. Plusieurs possibilités sont offertes. D’abord il est possible de créer une zone similaire à celle de 575 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.225. 102 l’Antarctique qui consacre la paix, la recherche scientifique et la protection de l’environnement (a.). Puis, nous verrons que des développements récents peuvent nous faire penser que les protagonistes cherchent à aller vers une exploitation commune des ressources, mais sans toucher à la question de la souveraineté (b.). Enfin il a aussi été évoqué récemment, lors d’un colloque international, la possibilité pour les Spratlys de devenir un parc international (c.). a. Création d’une zone semblable à celle de l’Antarctique Mark Valencia aurait rédigé un « Traité pour la zone des Spratlys » en se basant sur le modèle de l’Antarctique576. Ceci illustre le fait que le traité de l’Antarctique pourrait servir de modèle pour les Spratlys. Ce traité est entré en vigueur le 1er décembre 1959 et est appelé le Traité de Washington. Ce traité vient du fait qu’un certain nombre de pays se disputaient la souveraineté sur ces bouts de terre et évoquaient différents arguments juridiques pour prouver leur revendications. Ils ne revendiquaient pas non plus la totalité des terres, mais seulement certaines parties577. Cette situation est donc similaire à celle des Spratlys car il y a plusieurs protagonistes, avec différents arguments juridiques et des revendications de plus ou moins grande taille. A première vue les cadres des litiges semblent similaires, le Traité de Washington pourrait donc très bien être appliqué aux Spratlys. Dans le fond, ce traité établit un certain nombre de principes originaux qui sont bien respectés par les parties. Il y a tout d’abord la partie consacrée au « gel de la souveraineté578. Ce « gel » est présent dans l’article 4 du traité qui indique que pendant que le traité est en vigueur les actions entreprises par les Etats ne peuvent « asserting, supporting, or denying a claim to territorial sovereignty in Antarctica or create any rights of sovereignty in Antarctica »579. C’est donc un « gel » réel de la question de la souveraineté pour l’Antarctique, c’est cet article qui ferait tenir le Traité et qui aurait permis une collaboration des différentes parties sur le sujet. Cette disposition pourrait aussi être appliquée aux Spratlys, et aurait des chances d’avoir le même effet sur les protagonistes. 576 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.109. DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.534. 578 Ibid. 579 Article 4 du Traité de Washington cite dans JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute… ”, op. cit., p.223. 577 103 Un autre principe que le traité pose est celui de faire de l’Antarctique une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science »580. Les Spratlys pourraient effectivement être transformées en zone pour la science. C’est d’ailleurs un domaine dans lequel les parties ont cherché à développer des CBM, et qui est cité comme un domaine dans lequel la coopération entre les protagonistes est plus aisée d’après les Workshops et la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine. Le fait de qualifier la zone comme « consacrée à la paix » semble être une bonne idée pour supprimer les tensions éventuelles, et transformer la zone des Spratlys en zone à utilisation pacifique ferait baisser les tensions. Mais le traité stipule aussi que la zone est une zone démilitarisée581. Cette proposition avait aussi été faite par le président Philippin Fidel Ramos. Or, dans le cas des Spratlys les îles sont occupées uniquement et exclusivement par des militaires. La démilitarisation de toutes les îles semble être une tache difficile, voir impossible pour certains582. De même, l’Antarctique est une zone libre d’armes nucléaires, or les Spratlys sont un passage important entre autres pour les navires de guerre américains, et les Chinois possèdent eux aussi l’arme nucléaire. Malgré les efforts de l’ASEAN pour bannir les armes nucléaires de la région, cette stipulation du Traité de Washington semble très dure à mettre en place. Si les militaires restent dans la région la situation sera toujours un minimum sous tension. La Convention de Canberra de 1980 complète aussi le traité de Washington et il organise la conservation de la faune et de la flore marine583. La zone des Spratlys est une zone riche en faune et en flore marine. Transformer cette zone en une zone de protection de l’environnement aurait donc un grand intérêt écologique, d’autant plus qu’il permettrait de préserver les stocks de poissons qui sont en chutes dans cette zone du fait d’une surexploitation. Cette bonne gestion des stocks a donc aussi un intérêt économique important pour les Etats riverains qui dépendent en partie des ressources de la mer pour vivre. Le Ministre de la Défense des Philippines avait proposé en 2000 de faire de la zone des Spratlys une zone de pêche commune à tous les protagonistes584, comme si la zone était considérée comme des eaux de pêche historiques de tous les protagonistes. Il faudrait arriver à concilier ces deux propositions qui semblent en partie contradictoires, car dans le cas de la proposition du Ministre de la Défense, la pression sur les ressources halieutiques de la zone serait importante car les Etats riverains disposent de flottilles de pêche importantes et incompatibles 580 Protocol de Madrid de 1991 cité dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.535. 581 Article 1. 582 LIN (C.), “Taiwan’s South China…”, op. cit., p.331. 583 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.534. 584 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.109. 104 avec une réserve naturelle. De plus, protéger l’environnement dans cette zone signifie aussi protéger les îles et leurs récifs. Or, de plus en plus de ces structures fragiles sont détruites par les constructions militaires585. Il faut donc agir rapidement si la protection de l’environnement veut être la plus utile et efficace possible. Le Traité de Washington prévoit aussi des contrôles pour vérifier que ses règles sont bien respectées586. Ces contrôles sont effectués par les autres signataires du traité. Ce genre de contrôle pourrait convenir aux protagonistes car ils pourraient tout contrôler eux-mêmes, sans l’intervention de tiers et sans besoin d’une institutionnalisation trop importante. Le Traité de Washington était d’ailleurs, à la base, très peu institutionnalisé, un particularisme qui plairait sans doute aux Etats du Sud-est Asiatique et à la Chine. Le Traité de Washington pourrait donc servir de modèle pour certains aspects d’une future collaboration plus poussée entre les protagonistes, mais il ne pourra être copié exactement, il faudra l’adapter aux particularismes tels que l’occupation militaire et l’importance de la pêche. b. Une exploitation des ressources sans régler la question de la souveraineté Le 14 mars 2005 les compagnies nationales de pétrole chinoises, vietnamiennes, et des Philippines ont signé un accord historique dans lequel ils se sont mis d’accord pour conduire des recherches séismologiques dans une zone de 143 000 km² afin de déterminer les réserves en pétrole de la zone en question qui est située sur les Spratlys587. Cet accord illustre un changement d’attitude par rapport aux années 1990 et début 2000 quand les protagonistes annonçaient des accords différents avec des compagnies étrangères dans des zones contestées et qui, occasionnellement, se chevauchaient588. Mais elle montre aussi ses limites car elle stipule que: « The three parties affirm that the signing of the Tripartite Agreement will not undermine the basic positions held by their respective Governments on the South China Sea issue »589. Ce qui montre que les protagonistes veulent profiter de la manne pétrolière sans régler le conflit de souveraineté, qui constitue le fond de l’affaire. Mais ce genre d’accord peut aider à faire baisser les tensions et donc favoriser ensuite un accord sur la souveraineté, en attendant la question est en suspens. Mais cet accord entre des compagnies pétrolières, 585 Annexes 13 et 14. Article 7 du Traité de Washington. 587 Annexe 8. 588 SONG (Y.), “The U.S. policy o…”, op. cit., pp.321-322. 589 Annexe 8. 586 105 malgré la présence des Etats n’est qu’un premier pas. En effet, les protagonistes pourraient se mettre d’accord au niveau de l’Etat sur une exploitation commune des ressources. Il existe pour cela beaucoup d’exemples d’exploitation commune dans la région, et des auteurs ont proposé des solutions, notamment Mark Valencia avec sa proposition de Spratlys Development Authority590. Nous allons regarder quels modèles ont été proposés pour les Spratlys, et les critères pertinents pour déterminer les compétences dans la zone. La Chine aurait proposé dès 1990, et l’aurait ensuite répété à plusieurs reprises, de faire des prospections puis une exploitation en commun avec les autres prétendants591. L’accord signé le 14 mars 2005 semble aller dans le sens d’une exploitation en commun, même si pour l’instant elle n’est valable que pour trois ans et ce pour une exploration et non une exploitation592. Taïwan aurait aussi proposé une exploitation en commun de toutes les ressources de la zone. Son Président Lee aurait proposé aux autres Etats de participer à un « système de sécurité collectif Asiatique » qui impliquerait une réduction de l’armement dans la région, une cotisation à un pot commun de sécurité et une exploitation en commun des ressources. Le tout serait géré par une Compagnie du Développement de la Mer de Chine du Sud doté de 10 milliards de dollars US593. L’ambassadeur des Philippines au Japon aurait aussi proposé qu’une compagnie privée internationale s’occupe de gérer l’exploitation des ressources aux Spratlys594. Enfin, l’Indonésie aurait aussi proposé, au travers des Workshops, que les protagonistes s’inspirent du Timor Gap Treaty qu’il a signé avec l’Australie en 1989 et qui régit l’exploitation commune du pétrole dans le détroit du Timor595. Ce dernier traité est souvent vu comme un modèle possible pour les Spratlys. Il a une approche originale du problème car il divise la zone qui est contestée en trois parties, une partie où la coopération est totale et les bénéfices et coûts sont divisés en deux parts égales, mais aussi deux autres parties où les bénéfices et coûts sont divisés en deux parts de 10 et 90%596. Cette approche pourrait séduire les 6 protagonistes car ils ne revendiquent pas tous les mêmes zones, rendant donc un partage géographique possible, même s’il sera compliqué. A ce propos Marc Valencia aurait fait différentes propositions pour trouver la bonne zone en s’appuyant sur des travaux de Victor Prescott597. Ce point illustre aussi la nécessité de partager les coûts, mais 590 VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, op. cit., p.20. LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.140. 592 Annexe 8. 593 LIN (C.), “Taiwan’s South …”, op. cit., p.335. 594 Ibid. 595 SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., pp.5-6. 596 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.219. 597 CUI (W.), “Multilateral management as a fair solution to the Spratly disputes”, Vanderbilit journal of Transnational Law, Volume 36, Numéro 3, Mai 2003, p833. 591 106 aussi les bénéfices d’une telle exploitation. Ici aussi la répartition sera difficile, et elle devra être effectuée de manière équitable. Ensuite le deuxième point intéressant pour les Spratlys est le fait que l’Indonésie et l’Australie ont décidé de ne pas honorer les contrats qu’ils ont conclu précédemment avec d’autres compagnies pétrolières pour exploiter la zone598. Cette règle résoudrait effectivement le problème des droits qui ont été accordés sur les mêmes zones par différents Etats à différentes compagnies. Parmi les points importants, il convient de déterminer avec précision les ressources réelles de la zone, or, comme nous l’avons vu plus haut, les estimations varient grandement599. Ce point illustre l’importance que l’Accord de mars 2005 peut avoir dans la construction d’un régime d’exploitation commune. Mark Valencia a fait sa première proposition pour un « Spratlys Management Authority » en 1989. Il a ensuite écrit un livre, Sharing the resources of the South China Sea, avec John Van Dyke et Noel Ludwig dans lequel ils proposent plusieurs modèles pour une allocation des Spratlys dans le cas d’une exploitation commune600. Son modèle d’exploitation n’est d’ailleurs valable pas uniquement pour le pétrole, mais aussi pour toutes les ressources de la zone. Ils basent leurs allocations de zones sur différents critères : l’étendue de la revendication, la longueur de la côte et la position des îles occupées. A partir de là, ils font plusieurs simulations. Mais cette méthode est critiquée car elle pousse les protagonistes à occuper le plus d’îles possibles et elle prendrait en compte la revendication des neufs lignes de la Chine601. Ces débats montrent l’importance de la délimitation de la zone concernée par l’exploitation commune, surtout dans le cas des Spratlys le sujet est sensible aux vues des revendications chinoises. D’ailleurs, l’Accord de mars 2005 précise bien une zone précise déterminée par des « specific geographic coordinates »602. Ces propositions et ces idées illustrent la complexité pour trouver un accord final sur une autorité. Il y a un certain nombre de critères à définir : la zone concernée, l’étendue des compétences, l’aspect de l’Autorité chargée de réguler le tout, ses pouvoirs, son financement, la répartition des bénéfices, le contrôle, ... Mais la base de tout accord reste la même ; il faut que la question de la souveraineté soit mise en suspend pour la période et la zone concernée. De même il faut une vraie volonté de coopération entre les Etats pour arriver à un accord. Cette volonté ne peut être possible uniquement si les Etats savent qu’ils ont plus à gagner qu’à 598 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.219. Idem, p.217. 600 CUI (W.), “Multilateral management … ” , op. cit., p.818. 601 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …, op. cit., p.110. 602 Annexe 8. 599 107 perdre603. Les points plus techniques qui peuvent faire varier l’accord sur des points importants doivent être débattus par les Etats concernés lorsqu’ils chercheront à établir l’autorité en question. Certains auteurs estiment que l’attrait du pétrole fera qu’une solution sera trouvée rapidement pour l’exploiter en commun, mais qu’un risque de conflit restera important car la question de la souveraineté sera toujours sous-jacente604. C’est effectivement le problème d’une exploitation commune des ressources, surtout dans le cas des Spratlys où tous les Etats accordent beaucoup d’importance à la souveraineté sur ces îles605, et ils n’hésiteront pas à utiliser la force comme nous l’avons vu. En revanche, si un tel accord est une première étape vers un règlement définitif du problème cette lacune est évitée. c. Création d’un parc international pour les îles Spratlys sur le modèle des parcs naturel en Afrique du Sud, Mozambique et Zimbabwe Lors de la Conférence « Parks for Peace » organisée en Afrique du Sud les 16, 17 et 18 septembre 1997, G.H. Blake a soumis la proposition que les Spratlys pouvaient devenir un parc international. En effet, les Spratlys ont une vie marine riche, tant au niveau de la faune que de la flore ; ce qui explique l’importance pour la pêche de cette région et les tours touristiques de plongée que la Malaisie voulait développer. Cette proposition est une proposition originale mais elle pourrait en effet contribuer à résoudre le problème des Spratlys. Ce domaine des parcs transnationaux marins n’est pas encore très développé. Mais, il existe beaucoup de possibilités pour en créer et cela multiplierait les exemples pour les Spratlys. En effet, sur 420 frontières maritimes à être délimitées, seules 150 avaient été formalisées en 1997. A cette même date il y avait 15 accords créant des zones maritimes conjointes, la première datant de 1958 entre le Bahreïn et l’Arabie Saoudite606. Les protagonistes aux Spratlys disposent donc de peu d’exemples concrets pour développer ce régime original, mais s’ils arrivent à créer cette zone cela serait un signal politique assez fort pour la paix et l’environnement. 603 CUI (W.), “Multilateral management … ”, op. cit., p.815. SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise …, op. cit., pp.121-122. 605 HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …, op. cit., p.110. 606 BLAKE (G.), “The geopolitics of transboundary cooperation : an overview”, Parks for Peace International Conference on Transboundary Protected Areas as a Vehicle for International Co-operation, Somerset West, South Africa, 16-18 Septembre 1997, p.79. 604 108 Même s’il existe peu d’exemple il est possible de déduire qu’il y a deux possibilités concernant la souveraineté. Soit elle est mise de côté et le parc est sans souveraineté, soit la souveraineté est partagée en zones et le parc serait alors un parc transfrontalier comme il en existe des centaines607. Dans les deux cas il faudrait institutionnaliser un minimum le parc pour arriver à une protection efficace avec entre autres des patrouilles. De même il faudra détruire les structures militaires installées sur les récifs pour laisser la nature reprendre ses droits. Mais ici, comme dans l’exemple de l’Antarctique, une démilitarisation sera difficile. 2. Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté Comme nous venons de le voir pour les parcs il peut être tentant de résoudre le problème de la souveraineté et de proposer un régime commun pour les Spratlys. Il existe deux possibilités pour les Spratlys. Soit la création d’un condominium qui amènerait un partage égal de la souveraineté et un partage équitable des charges et des bénéfices en fonction de différents critères (a.). Mais il a aussi été proposé, surtout par la Chine, que la souveraineté sur les Spratlys leur soit accordée exclusivement et qu’ils acceptent de partager les ressources avec les autres prétendants (b.). a. Création d’une zone à souveraineté partagée avec possibilité d’exploiter les ressources en commun (condominium) Comme nous venons de le voir, une des lacunes possible d’une exploitation des ressources en commun est de mettre la question de la souveraineté de côté, ce qui entraîne un risque potentiel de conflit. De plus, nous avons vu que tous les Etats sont très attachés à la souveraineté sur les Spratlys, surtout la Chine et le Vietnam. Une solution qui concilierait ces deux approches serait la création d’un condominium pour les Spratlys. Un condominium correspond à un territoire où « un ou plusieurs Etats s’accaparent la totalité des fonctions étatiques ». Les Etats en question « s’engagent à exercer les compétences étatiques de façon collégiale »608. Ce territoire reste un « territoire étranger » et la situation ne peut être qualifiée 607 Il existe des parcs transfrontaliers entre la France et l’Italie, entre l’Afrique du Sud, le Mozambique et le Zimbabwe, … 608 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p..487. 109 de « co-souveraineté ». Néanmoins, une Chambre de la CIJ a précisé dans un arrêt du 11 septembre 1992 que le mot condominium : « en tant que terme technique utilisé en droit international, désigne en général (un) système organisé, mis en place (par un accord entre les Etats concernés) en vue de l’exercice en commun de pouvoirs gouvernementaux souverains sur un territoire ; situation qu’il serait peut être plus juste d‘appeler co-imperium. »609. Cette définition confirme donc bien qu’un condominium est une étape supérieure dans la coopération qu’une exploitation commune des richesses qui laisse de côté la question de la souveraineté. Cette idée de condominium aurait aussi été avancée lors du deuxième Workshop en 1991610. Mais elle semble avoir reçu beaucoup moins d’échos que la notion d’exploitation en commun. Cela est peut être dû à l’importance qu’accordent les Etats à une souveraineté sur ces îles, et une souveraineté partagée ne serait peut être pas une vraie souveraineté pour eux, et ce d’autant plus si elle est partagée entre des pays qui ont des relations parfois tendues. Comme dans le cas de l’exploitation en commun, les modalités précises concernant la zone, les compétences des uns et des autres, la contribution et le gain des différentes parties et bien d’autres aspects sont sujettes au débat entre les futurs Etats parties. Pour les Spratlys une telle zone pourrait être possible, et elle aurait l’avantage de régler le problème de la souveraineté de manière définitive. Néanmoins, pour qu’elle soit acceptée un jour il faudra que les nationalismes et les tensions entre les protagonistes baissent. Ceci est un travail de longue haleine. b. Le modèle des Spitzberg poussé par la Chine La Chine propose que la souveraineté sur les îles Spratlys lui soit accordée, puis elle accepterait ensuite une exploitation en commun des ressources611. Cette solution se rapprocherait de la solution trouvée pour l’archipel des Spitzberg au nord de la Norvège. Le Traité concernant les Spitzberg fut signé en 1920, il accordait la souveraineté sur les îles à la Norvège, mais il a aussi créé un régime équitable d’exploitation en commun des ressources de l’archipel par les autres pays qui revendiquaient les îles612. Ces autres Etats, au nombre de 40, 609 DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.488. HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.110. 611 SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: …”, op. cit., p.10. 612 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: …”, op. cit., p.220. 610 110 gardent leurs droits économiques passés basés sur la notion de terra nullius. Le traité contient aussi des précisions sur l’utilisation des taxes qui sont levées par la Norvège, toutes doivent être utilisées sur les îles613. Ce qui est intéressant pour le conflit des Spratlys est le fait que les Etats qui n’ont pas la souveraineté peuvent exploiter presque librement les îles, et le nombre de protagonistes n’est pas un problème car le Traité des Spitzberg fonctionne pour 40 Etats, un tel modèle pourrait alors aussi fonctionner pour 5 protagonistes dans le cas des Spratlys. Cette proposition est défendue par beaucoup d’auteurs chinois qui manient la politique de la carotte et du bâton pour essayer de convaincre leurs lecteurs, et les autres protagonistes, que la Chine est faible et généreuse quand elle propose une telle solution et qu’ils feraient mieux d’accepter rapidement tant qu’ils ont encore un « avantage » sur la Chine614. L’article de Charles Liu précise tout d’abord que les protagonistes ont tout intérêt à accepter rapidement cette offre « généreuse » qui ne durera pas pour toujours. De plus, il sous-entend que la Chine utilisera la force s’il le faut plus tard615. L’auteur affirme ensuite que les autres prétendants auront, sans doute, moins de difficultés que la Chine pour ne plus revendiquer la souveraineté sur les îles616. Cette affirmation semble grossièrement erronée. L’auteur continue dans son exposé en faisant une liste des avantages que pourront tirer les autres Etas de cette solution : un meilleur accès aux technologies étrangères, une meilleure relation avec la Chine, un meilleur accès au marché chinois et plus de poids face aux grandes puissances de ce monde617. Puis, quand l’auteur fait la liste des gains pour la Chine, il dit que la Chine bénéficiera de bonnes relations avec son voisinage qui pourra le défendre sur certains sujets sensibles tels que la situation des droits de l’homme en Chine618. Il dit aussi que la Chine a une armée limitée et ne sera donc pas obligée de disperser ses forces car la paix sera établie, et enfin il parle du besoin de la Chine en nouvelles technologies et de la nécessaire coopération avec des compagnies étrangères pour exploiter le pétrole619. Les avantages que l’auteur cite illustrent tous des faiblesses de la Chine : elle a besoin de ses voisins, son armée est trop petite et elle n’est pas développée. Il cherche peut être à donner l’impression d’une Chine plus petite qu’elle n’est, plus à la taille des autres pays de la région. Or, objectivement, ce n’est pas le cas. 613 Idem, p.221. LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly Islands dispute”, Loyola of Los Angeles International and comparative law journal, Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996 est un bon exemple de cette attitude. 615 LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.884. 616 Idem, p.885. 617 Idem, pp.887-889. 618 Idem, pp.890-891. 619 Idem, p.891. 614 111 Cette solution proposée par la Chine semble hautement improbable tant elle vexerait et ébranlerait les nationalismes des autres pays. Rien que pour le Vietnam cette solution semble impossible. Ils ont toujours clamé haut et fort que l’archipel des Spratlys est un territoire vietnamien, et accepter la souveraineté chinoise pour exploiter les richesses des lieux serait inacceptable pour eux. Ce refus de la souveraineté chinoise va de même pour les autres pays qui revendiquent les Spratlys. La proposition chinoise tend à sous-estimer l’importance autre qu’économique de ces îles pour les autres pays. Mark Valencia exprime ceci très clairement: « The disputes are not primarily about oil but rather about the strategic significance of the islands and the sovereignty claims thereto… It should also be remembered that the claimants are countries, not oil companies. Countries must and do think long-term and multi-dimensional, particularly when territory is involved. »620. Nous venons de voir les différentes possibilités de régimes internationaux dont disposent les protagonistes. Ces régimes peuvent aider à développer une confiance, déjà préexistante, entre les acteurs. Il est aussi possible que certains de ces régimes règlent définitivement le différend. Mais, beaucoup d’auteurs sont d’accord pour dire que tant que la question de la souveraineté sur les îles n’a pas été réglée le conflit perdurera621. De plus, il existe un scepticisme sur la volonté des acteurs de mettre rapidement en place un de ces régimes622. Finalement, la place de Taïwan dans tous ces modèles reste un problème permanent et dur à résoudre tant que les relations entre la Chine et Taïwan resteront telles qu’elles le sont actuellement623. Certains auteurs cherchent à mettre en avant la politique « d’une Chine », qui est acceptée par la plupart des pays du monde, dont les grandes puissances et les pays impliqués dans le conflit, pour indiquer qu’il n’existe pas de problèmes avec Taïwan, il suffit de l’ignorer dans une résolution du litige624. Cette solution ne me semble pas aller de soi, et la question de la place de Taïwan dans un règlement de ce genre mérite plus d’attention. 620 Mark Valencie cite dans HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.110. Idem, p.108. 622 VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: …”, op. cit., p.239. 623 JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: …”, op. cit., p.213. 624 CUI (W.), “Multilateral management … ”, op. cit., p.813. 621 112 Conclusion Le conflit territorial sur la souveraineté des Spratlys est un différend assez ancien. Il fait donc appel à des notions qui ont évolué avec le temps, ce qui oblige à une précision historique certaine. Il est compliqué par le nombre d’acteurs, six au total, et par le statut juridique ambiguë de l’un d’entre eux : Taïwan. Tous les protagonistes évoquent des arguments juridiques et politiques très différents pour soutenir leurs revendications. Cette multiplication des arguments rend le différend très intéressant, mais complique aussi son règlement final car il n’est pas aisé de déterminer quels arguments sont supérieurs. Ce d’autant plus que tous les dossiers ont des faiblesses à différents moments. Le droit international est donc essentiel pour mieux comprendre les arguments des uns et des autres et pouvoir juger leur valeur juridique. Le droit international de la mer tel qu’il est présent dans la Convention Internationale du Droit de la Mer signée à Montego Bay en Décembre 1982 est très utile pour aider à déterminer le cadre d’un éventuel règlement et la portée réelle des droits que peuvent engendrer les Spratlys. Une collaboration entre le Tribunal du Droit de la Mer, chargé d’interpréter la Convention de Montego Bay, et la Cour Internationale de Justice, qui peut s’occuper de différends territoriaux, pourrait être très utile dans la détermination d’une solution finale. En effet, il est indispensable, et obligatoire en droit, de trouver une solution pacifique à ce différend situé dans une zone stratégique. Les tensions ont été les plus élevées dans les années 1980 et 1990, mais, fort heureusement, depuis quelques années, les protagonistes semblent montrer une réelle envie de trouver un règlement pacifique, au moins provisoire, à la question des Spratlys. Pour arriver à un règlement pacifique final il faudra passer par plusieurs étapes, ce qui rend le processus long ; trop long pour certains… Tout d’abord, il est nécessaire d’installer la confiance entre les acteurs qui sont souvent très méfiants les uns envers les autres. Puis le droit international, comme le droit de la mer, prévoient des mesures de coopération qui facilitent l’arrivée à une solution finale. Les protagonistes peuvent s’inspirer de différents modèles, qui traitent de la question de la souveraineté différemment, pour arriver à une solution définitive ou provisoire, mais à chaque fois dans un cadre pacifique. 113 Des développements récents laissent entrevoir la possibilité d’arriver à une situation de coopération dans un régime multilatéral sans recours à la violence. Mais les tensions et la méfiance sont encore très présents, et il tient de rester réaliste : une solution est possible, mais elle sera longue et compliquée à trouver. Il faut espérer que les protagonistes seront utiliser toutes les possibilités que leur offrent le droit de la mer et le droit international public avec le règlement pacifique des différends. 114 Bibliographie Ouvrages : - ARMSTRONG (D.), LLOYD (L.), REDMOND (J.), International Organisations in world politics, Palgrave, Macmillan, 2004, Chine, p.264 - BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 2, Hatier, Paris, 1996, p.485 - BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 3, Hatier, Paris, 2001, p.379 - CHAIGNEAU (P.), dir., Enjeux diplomatiques et stratégiques, Economica, Centre d’étude diplomatiques et stratégiques, 2005, p.365 - CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, L’Harmattan, 1996, Paris, p.134 - DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002, p.1510 - DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses Universitaires de France, Paris, 1984, p.236 - FAURE (J.), PROST (Y.), Relations Internationales, Ellipses, 2004, p.526 - FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, Gualino éditeur, 2000, p.42, p.217-218, p.226 - FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, Robert Laffont, 2003, p.2190 - GRANT (J.), BARKER (C.), “Encyclopaedic dictionary of International Law”, Oceana Publications, New York, 2004, p.641 - HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends maritimes dans la mer de Bien Dong (Mer de Chine méridionale), Pedone, Paris, 2004, p.314 - KARNS (M.), MINGST (K.), International Organizations, Lynne Rienner, Boulder, 2004, USA, p.520 - LACOSTE (Y.), dir., Dictionnaire de Géopolitique, Flammarion, Paris, 1993, p.207 - SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.1198 - VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2005, p.28-29 115 - VAÏSSE (M.), Les relations internationales depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2002, p.239 - VERHOEVEN (J.), Droit International Public, Précis de la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, Larcier, 2000, p.829 - WACKERMANN (G.), Les frontières dans un monde en mouvement, Ellipses, 2003, p. - Britannica Concise Encyclopedia - Columbia University Press Encyclopedia Articles : - ABBOTT (J.), “China and the South Sea dialogues”, Contemporary Southeast Asia, Volume 22, Décembre 2000, Singapore, pp.617-619 - BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes after the 2002 declaration: beyond confidence-building”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, pp.344-355 - BELLER (R.), “Analyzing the relationship between International law and International politics in China’s and Vietnam’s territorial dispute over the Spratly Islands”, Texas International Law journal, Volume 29, Numéro 1, hiver-printemps 1994, pp.293-320 - BERNSTEIN (R.), MUNRO (R.), “China: the coming conflict with America”, Foreign affairs, Mars-Avril 1997, pp.18-25 - BLAKE (G.), “The geopolitics of transboundary cooperation : an overview”, Parks for Peace International Conference on Transboundary Protected Areas as a Vehicle for International Co-operation, Somerset West, South Africa, 16-18 Septembre 1997, pp.7581 - CALDER (K.), “Asia’s empty tank”, Foreign affairs, Mars-Avril 1996, pp.55-63 - CHANDA (N.), CHEUNG (T.), “Reef knots”, Far Eastern Economic Review, 30 Août 1990, p.11 - CHANDA (N.), “Treacherous shoals”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992, pp.14-16 - CHARNEY (J.), “Central East Asian maritime boundaries and the law of the sea”, American Journal of International law, Volume 89, Octobre 1995, pp.724-749 - CHARNEY (J.), “Rocks that cannot sustain human habitation”, American journal of International law, Volume 93, Octobre 1999, pp.863-878 116 - CHARNEY (J.), PRESCOTT (J.), “Resolving cross-strait relations between China and Taiwan”, American journal of International law, Volume 94, Juillet 2000, pp.453-477 - CHEN (K.), “China and Vietnam said to reach agreement on disputed islands”, Wall Street Journal, 23 Décembre 1993, New York, p.8 - CHRISTENSEN (T.), “Chinese realpolitik”, Foreign affairs, Septembre-Octobre 1996, pp.37-45 - CHUA (R.), “Chinese, Filipinos stage a stare-down at sea in disputed Pacific reef area”, Wall Street journal, 17 Mai 1995, New York, p.14 - CHUNG (C.), “The Spratlys and other South China Sea disputes”, The journal of social, political, and economic studies, Volume 24, Printemps 1999, Washington, pp.17-36 - CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute and the Law of the sea”, Ocean development and International Law, Volume 25, Numéro 1, Janvier-Mars 1994, pp.61-74 - CUI (W.), “Multilateral management as a fair solution to the Spratly disputes”, Vanderbilit journal of Transnational Law, Volume 36, Numéro 3, Mai 2003, pp.799-861 - DJALAL (H.), “Indonesia and the South China Sea Initiative”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.97-103 - DOBSON (W.), FRAVEL (T.), “Red herring hegemon: China in the South China Sea”, Current History, Septembre 1997, pp.258-263 - DUBNER (B.), “On the interplay of International Law of the sea and the prevention of maritime pollution”, Georgetown International environmental Law review, Volume 11, Automne 1998, pp.137-161 - ENGARDIO (P.), PRASSO (S.), SHARI (M.), BALFOUR (F.), “The hot spots Clinton skipped over”, Business Week, 29 Avril 1996, New York, p.56 - ER (L.), “Japan and the Spratlys dispute”, Asian survey, Volume 36, Numéro 10, Octobre 1996, pp.995-1010 - FORTES (M.), “The Spratlys as a zone of peace: the transboundary biosphere reserve concept at work”, Juin 2002, http://www.csiwisepractices.org/ - Réponse à FORTES (M.); BUDOWSKI (G.), KELMAN (I.), PRESCOTT (V.), “The Spratly Islands: an opportunity for environmental diplomacy?”, Juin 2002, http://www.csiwisepractices.org/ - FURTADO (X.), “International Law and the dispute over the Spratly Islands”, Contemporary Southeast Asia, Volume 21, Décembre 1999, Singapore, pp.386-404 - GJETNES (M.), “The Spratlys: Are they rocks or islands?”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.191-204 117 - GUAN (A.), “ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, Security dialogue, Volume 30, Numéro 4, Décembre 1999, pp.425-429 - GUILLAUME (G.), « Les hauts-fonds découvrants en Droit International » in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, pp.287-302 - HAAS (D.), “Out of others’ shadows : ASEAN moves toward greater regional cooperation in the face of the EC and NAFTA”, The American University journal of International Law and policy, Volume 9, Printemps 1994, pp.809-867 - HAMZAH (B.), “China’s strategy”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992, p.22 - HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code of Conduct for the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.105-130 - HUANG (E.), “Taiwan’s status in a changing world: United Nations representation and membership for Taiwan”, Golden Gate University School of Law, Volume 9, Printemps 2003, pp.55-98 - JIE (C.), “China’s Spratly policy with special reference to the Philippines and Malaysia”, Asian survey, Volume 34, Numéro 10, Octobre 1994, pp.893-903 - JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy, and geo-politics in the South China Sea”, The international journal of marine and coastal law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998, pp.193-236 - KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law and in China’s practice”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.149-168 - KIRAS (J.), “The South China Sea: Issues of a maritime dispute”, Peacekeeping and International relations, Volume 24, Juillet 1995, p.3 - KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.131-147 - KLARE (M.), “The next great arms race”, Foreign affairs, Eté 1993, pp.136-144 - KODAMA (Y.), “Annual review of significant developments: 1995”, The International lawyer, Volume 30, Eté 1996, pp.367-386 - KRISTOF (N.), “The rise of China, this times it is real”, Foreign affairs, NovembreDécembre 1993, pp.59-67 - LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes de la Chine”, Défense nationale, Février 1994, pp.135-141 118 - LABROUSSE (H.), “Quelle solution pour les îles Spratley?”, Défense nationale, Décembre 1994, pp.129-136 - LAGONI (R.), “Interim measures pending maritime delimitation agreements”, American Journal of International Law, Volume 78, Avril 1984, pp.345-368 - LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea policy”, Asian survey, Volume 37, Numéro 4, Avril 1997, pp.323-339 - LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly Islands dispute”, Loyola of Los Angeles International and comparative law journal, Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996, pp.865-892 - MAHBUBANI (K.), “The pacific way”, Foreign affairs, Janvier-Février 1995, pp.100106 - MAHBUBANI (K.), “An Asia-Pacific consensus”, Foreign affairs, Septembre-Octobre 1997, pp.149-155 - MARSIT (M.), “Cinquième anniversaire du Tribunal International du Droit de la Mer” in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, pp.421-436 - MARTIN (P.), “Regional efforts at preventive measures: four cases studies on the development of conflict-prevention capabilities”, New-York University Journal of International Law and politics, Volume 30, Printemps-été 1998, pp.881-937 - McCORQUODALE (R.), PANGALANGAN (R.), “Pushing back the limitations of territorial boundaries”, European Journal of International Law, Volume 12, Novembre 2001, pp.867-880 - McDORMAN (T.), “The Canada-France maritime boundary case: drawing a line around St. Pierre and Miquelon”, American Journal of International Law, Volume 84, Janvier 1990, pp.157-189 - MEDEIROS (E.), FRAVEL (M.), “China’s new diplomacy”, Foreign affairs, NovembreDécembre 2003, pp.22-30 - MENEFEE (S.), “Republics of the reef: Nation-building on the continental shelf and in the world’s oceans”, California Western International Law journal, Volume 25, Automne 1994, pp.81-111 - MIO (L.), “The Timor Gap treaty as a model for joint development in the Spratly Islands”, American University International Law review, Volume 13, 1998, pp.727-764 119 - NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea, the case of the South China Sea dispute”, UN-Nippon Foundation, New York, Décembre 2005, p.74 - NOYES (J.), “International law of the sea”, The International lawyer, Volume 31, Eté 1997, pp.703-715 - ODGAARD (L.), “Deterrence and co-operation in the South China Sea”, Contemporary Southeast Asia, Volume 23, Août 2001, Singapore, pp.292-306 - ONG (D.), “Joint development of common offshore oil and gas deposits: ‘Mere’ State practice or Customary International Law”, American Journal of International Law, Octobre 1999, pp.771-804 - OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea: How does their presence limit the extent of the high seas and the area and the Maritime Zones of the mainland coast?”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.169-190 - PELLET (A.), “Les reserves aux Conventions sur le Droit de la Mer”, in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, pp.501-520 - PIERRE (A.), “Vietnam’s contradictions”, Foreign affairs, Novembre-Décembre 2000, pp.69-78 - RICHARDSON (M.), “ASEAN-China maritime security cooperation”, Institute of Southeast Asian Studies, Singapore, 2005, pp.199-207 - ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys Islands under International Law”, Journal of energy and natural resources law, Volume 15, Numéro 3, Août 1997, pp.189-211 - ROSS (R.), “Beijing as a conservative power”, Foreign affairs, Mars-Avril 1997, pp.3339 - SALEEM (O.), “The Spratly Islands dispute: China defines the new Millennium”, American University International Law review, Volume 15, 2000, pp.527-582 - SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise en mer de Chine du Sud”, Défense nationale, Volume 53, Janvier 1997, pp.105-122 - SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly Archipelago and its implications for the future”, Conflict management and peace science, Volume 22, 2005, pp.79-94 - SHAW (Y.), “Taiwan: a view from Taipei”, Foreign affairs, Eté 1985, pp.1050-1058 - SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: Indonesian sponsorship of the South China Sea workshops”, Studies in conflict and terrorism, Volume 18, Numéro 1, pp.1-15 120 - SONG (Y.), “The U.S. policy on the Spratly Islands and the South China Sea”, The Indonesian Quarterly, Volume 25, Numéro 3, Juillet 1997, pp.318-334 - STEPHENS (D.), “The impact of the 1982 Law of the Sea Convention on the conduct of peacetime naval/military operations”, California Western International Law journal, Volume 29, Printemps 1999, pp.283-311 - STUDEMAN (M.), Calculating China’s advances in the South China Sea: identifying the triggers of “expansionism”, Volume 51, Printemps 1998, Washington, pp.68-90 - TIGLAO (R.), “Troubled waters”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 30 Juin 1994, Hong Kong, pp.20-22 - TIGLAO (R.), “Seaside boom”, Far Eastern Economic review, Volume 162, 8 Juillet 1999, Hong Kong, p.14 - TOMLINSON (M.), “Recent development in the International Law of the Sea”, The International lawyer, Volume 32, pp.599-609 - TØNNESON (S.), “Introduction”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.93-95 - VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, Far Eastern Economic Review, 30 Mars 1989, p.20 - VALENCIA (M.), “A Spratly solution”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 31 Mars 1994, Hong Kong, p.30 - VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and Southeast Asia”, Ocean Development and International Law, Volume 31, Numéro 3, 2000, pp.238-240 - VALENCIA (M.), “The Spratly Islands dispute”, Far Eastern Economic review, Volume 166, 9 Janvier 2003, Hong-Kong, p.21 - WILLIAMS (M.), “Don’t neglect the Spratlys”, Far Eastern Economic review, Volume 165, 26 Septembre 2002, Hong-Kong, pp.26 - YALOWITZ (G.), “Spratly spats are serious”, US News and World report, 28 Mars 1988, p.36 - YERGIN (D.), “Fueling Asia’s recovery”, Foreign affairs, Mars-Avril 1998, pp.34-42 - ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime security cooperation situation and proposals”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, pp.187-207 121 Documents : - Carte détaillée de l’archipel des Spratlys - Carte officielle chinoise qui représente les revendications de la République Populaire de Chine, « carte des neuf lignes » - Carte qui montre les réserves en pétrole et gaz naturel dans la mer de Chine méridionale - Carte avec les revendications superposées, Courrier International, Hors série, Mars-AvrilMai 2005 - Carte avec la géographie marine de la mer de Chine Documents légaux : Traités Internationaux : - Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, Montego Bay, 10 Décembre1982 - Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, Bali, 24 Février 1976; Protocol I, Manille, 15 Décembre 1987; Protocol II, Manille, 25 Juillet 1998; Rules of procedure of the High Council of Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, Hanoi, 23 Juillet 2001; Instrument of extension (to China) of the treaty of amity and cooperation in Southeast Asia, Bali, 8 Octobre 2003; Instrument of accession to the Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, Bali, 8 Octobre 2003 Lois nationales : - Parution du Journal Officiel de la République Française, 26 Juillet 1933, p.7837 - Loi maritime du Brunei-Darussalam, 1982 - Loi maritime chinoise, 25 Février 1992 - Loi maritime chinoise, 26 Juin 1998 - Loi chinoise sur la pêche, 12 Janvier 2002 Déclarations officielles : - Declaration on the conduct of parties in the South China Sea, Cambodge, 4 Novembre 2002; Terms of reference of the ASEAN-China joint working group on the implementation of the Declaration on the conduct of parties in the South China Sea, Kula Lumpur, Malaisie, 7 Décembre 2004 122 - Joint declaration of the Heads of State/Government of the Association of Southeast Asian Nations and the People’s Republic of China on strategic partnership for peace and prosperity, Bali, 8 Octobre 2003; Plan of action to implement the joint Declaration on ASEAN-China strategic partnership for peace and prosperity, 2004 - Joint statement on East Asia cooperation, Manille, 28 Novembre 1999 - Joint statement on the signature of a tripartite agreement for joint Marine Seismic Undertaking in the agreement are in the South China Sea, Manille, 14 Mars 2005 - Joint Statement of the Meeting of Heads of State/Government of the Member States of ASEAN and the President of the People's Republic of China, Kuala Lumpur, Malaisie, 16 Décembre 1997 - Joint Statement of ASEAN-China Commemorative Summit, Nanning, 30 Octobre 2006 - Memorandum of Understanding between the Governments of the Member Countries of the Association of Southeast Asian Nations and the Government of the People’s Republic of China on Transport Cooperation, Vientiane, 27 November 2004 Documents des Nations Unies : - Declaration of H. E. Mr. Rodolfo C. Severino, Secretary-General of the Association of Southeast Asian Nations, Fourth high-level meeting between the United Nations and regional organizations on cooperation for peace building, Nations Unies, New-York, 6-7 Février 2001 - Rapport du Secrétaire Général sur le droit de la Mer, Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, 1 Novembre 1996 - Projet de résolution de l’AG (AG/610) de l’ONU, 9 Décembre 1996 - Compte rendu analytique de la 2630ième séance, 31 Mai 2000 - Communiqué de presse, AG/853, 24 Novembre 1998 - Communiqué de presse, AG/610, 9 Décembre 1996 - Communiqué de presse, AG/729, 26 Novembre 1997 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 9 Octobre 1979 - Lettre adressé au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 24 Mars 1980 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 4 Février 1982 123 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 20 Avril 1987 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 15 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 16 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 Février 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente de la Chine auprès de l’Organisations des Nations Unies, 28 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 30 Mars 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unis, 5 Avril 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 14 Avril 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par la Chargée d’Affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 2 Mai 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 13 Mai 1988 - Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 17 Mai 1988 Documents nationaux officiels : - The Hoang Sa and Truong Sa archipelagos Vietnamese territories, Livre blanc du Ministre des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, 1981 - Les archipels des Hoang Sa et Truong Sa et le Droit International, Ministère des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, Hanoi, Avril 1988 124 Déclarations à la presse : - ASEAN China Foreign Ministers’ informal meeting joint press release, Quingdao, Chine, 21 Juin 2004 - ASEAN-China senior officials meeting on the implementation of the Declaration on the code of conduct of parties in the South China Sea, Press release, Kuala Lumpur, Malaisie, 7 Décembre 2004 Discours : - ASEAN-China relations: harmony and development, H.E. Ong Keng Yong, SecrétaireGénéral de l’ASEAN, Lors d’un Congrès pour marquer le quinzième anniversaire du dialogue de la Chine avec l’ASEAN, Singapore 8 Décembre 2006 Sites consultés : - http://www.un.org/french/ - http://lessites.service-public.fr/cgi-bin/annusite/annusite.fcgi/etr1?lang=fr - http://www.legifrance.gouv.fr/ - http://www.lexisnexis.com/ - http://proquest.com/ - http://www.aseansec.org/ - http://www.cnooc.com.cn/ - http://www.icj-cij.org/ - http://www.spratlys.org/ - http://www.itlos.org/ - http://www.fmprc.gov.cn/ - http://www.mofa.gov.vn/ - http://www.kln.goc.my/ - http://www.dfa.gov.ph/ - http://www.mofa.gov.tw/ - http://www.mfa.gov.bn/ - http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ - https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ - http://www.french.xinhuanet.com/ 125 - http://www.test-organisation.org/ - http://www.edc.ca/french/docs/gphilippines_f.pdf/ - http://mcsinfo.u-strasbg.fr/ - http://asiep.free.fr/ - http://www.diplomatie.gouv.fr/ - http://www.monde-diplomatique.fr/ - http://www.lefigaro.fr/international/ - http://www.lemonde.fr/ - http://www.ajefrance.com/ - http://www.lexpansion.com/ - http://www.senat.fr/rap/ - http://www.wto.org/ - http://www.quid.fr/ - http://www.nansha.org.cn/ 126 Table des matières Liste des sigles et abréviations ................................................................................................... 4 Sommaire ................................................................................................................................... 5 Introduction ................................................................................................................................ 6 I) Le conflit territorial des Spratlys .......................................................................................... 11 A. Les îles Spratlys............................................................................................................... 11 1. La situation géographique ............................................................................................ 11 2. Les intérêts stratégiques de ces îles.............................................................................. 14 a. Les intérêts économiques ......................................................................................... 14 b. Les intérêts géopolitiques......................................................................................... 16 3. Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu ..................................................... 18 a. Les six protagonistes ................................................................................................ 18 b. Les acteurs secondaires ............................................................................................ 25 B. Rapide historique ............................................................................................................. 27 1. L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques............................ 27 2. De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon................................................... 30 3. De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit .................................................. 31 4. Les notions de date critique et de cristallisation du différend appliquées aux Spratlys .......................................................................................................................................... 35 C. Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public .......................................... 37 1. Iles habitables, ou rochers ? ......................................................................................... 37 a. Qu’est-ce qu’une « île » ?......................................................................................... 38 b. « Iles » ou « rochers » .............................................................................................. 39 c. La question de l’archipel .......................................................................................... 43 2. Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des problèmes de délimitation de frontières. ................................................................................................ 46 a. Les avantages selon la définition.............................................................................. 46 b. Le problème de la délimitation des frontières maritimes ......................................... 48 II) Les différentes revendications............................................................................................. 53 A. Les revendications les plus anciennes ............................................................................. 53 1. Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam ............................ 53 a. Un éventuel titre embryonnaire obtenu et consolidé avant 1884 ............................. 54 b. La période coloniale française.................................................................................. 56 c. Le flou de l’après-guerre, de 1945 à 1975................................................................ 59 d. Le Vietnam réunifié. ................................................................................................ 62 2. La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps immémoriaux » .......................................................................................................................................... 63 a. La République Populaire de Chine........................................................................... 64 La découverte et le titre originaire chinois....................................................... 64 La période de vide du XVIIIème au milieu du XXème ................................... 67 Le réveil progressif chinois .............................................................................. 70 b. La République Démocratique de Chine (Taiwan).................................................... 73 Les actions menées par Taiwan après la Deuxième Guerre Mondiale............. 73 Les effets d’une éventuelle indépendance taïwanaise...................................... 75 B. Les revendications plus récentes ..................................................................................... 76 1. Les Philippines invoquent un res nullius ..................................................................... 76 a. Les Kalayaan sont « terra nullius » .......................................................................... 76 b. Les Spratlys sous juridiction alliée........................................................................... 79 2. La Malaisie ................................................................................................................... 80 149 3. Le Brunei et la continuité géographique ...................................................................... 82 III) Les possibilités de règlement pacifique de ce différend .................................................... 83 A. Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement juridique ........................ 84 1. Les modes de règlements diplomatiques...................................................................... 84 a. Négociations directes bilatérales ou multilatérales .................................................. 84 b. Médiation et bon office ............................................................................................ 87 Le rôle de l’Indonésie, celui d’un (possible) médiateur................................... 87 L’ASEAN exerce ses bons offices ................................................................... 89 c. Enquête et conciliation ............................................................................................. 91 2. Les modes de règlements juridiques ............................................................................ 92 a. L’arbitrage ................................................................................................................ 93 b. Le règlement judiciaire............................................................................................. 94 B. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale du 4 Novembre 2002 .................................................................................................................... 96 1. Le cadre de cette déclaration ........................................................................................ 96 2. Quelle est sa force juridique, son contenu.................................................................... 98 C. Les autres solutions envisageables ................................................................................ 102 1. Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté .......................... 102 a. Création d’une zone semblable à celle de l’Antarctique ........................................ 103 b. Une exploitation des ressources sans régler la question de la souveraineté........... 105 c. Création d’un parc international pour les îles Spratlys sur le modèle des parcs naturel en Afrique du Sud, Mozambique et Zimbabwe ............................................. 108 2. Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté..................................... 109 a. Création d’une zone à souveraineté partagée avec possibilité d’exploiter les ressources en commun (condominium)...................................................................... 109 b. Le modèle des Spitzberg poussé par la Chine........................................................ 110 Conclusion.............................................................................................................................. 113 Annexes .................................................................................................................................. 127 Table des matières .................................................................................................................. 149 150