Mémoire tout corrigé - Peace Palace Library

Transcription

Mémoire tout corrigé - Peace Palace Library
Vous allez consulter un mémoire réalisé par un étudiant dans le cadre de sa scolarité à
l'IEP de Grenoble. L'IEP ne pourra être tenu pour responsable des propos contenus dans
ce travail.
En tant qu'oeuvre originale, ce mémoire relève du droit de la propriété intellectuelle et
vous pouvez uniquement en faire une reproduction à titre privé, sous réserve de la
mention d'origine.
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES BP 48 – 38040 GRENOBLE Cedex 9
www.iep­grenoble.fr UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
Institut d’Etudes Politiques de Grenoble
Christophe SCIUS
L’ARCHIPEL DES SPRATLYS ET LA
QUESTION DU REGLEMENT
PACIFIQUE DES DIFFERENDS
Séminaire :
« Règlement pacifique des différends, recours à la force et prévention des conflits
internationaux »
2006-2007
Sous la direction de Mme BANNELIER-CHRISTAKIS
3
Liste des sigles et abréviations
ARF
:
ASEAN Regional Forum
ASEAN
:
Association of Southeast Asian Nations
CBM
:
Confidence Building Measures
CIA
:
Central Intelligence Agency
CIJ
:
Cour Internationale de Justice
CPJI
:
Cour Permanente de Justice Internationale
GRP
:
Gouvernement Révolutionnaire Provisoire
JC
:
Jésus-Christ
JO
:
Journal Officiel
OMC
:
Organisation Mondiale du Commerce
ONU
:
Organisation des Nations Unies
PNB
:
Produit National Brut
RDV
:
République Démocratique du Vietnam
RPC
:
République Populaire de Chine
RSV
:
République du Sud Vietnam
TAC
:
Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia
URSS
:
Union des Républiques Socialistes Soviétiques
US
:
United States
USA
:
United States of America
ZEE
:
Zone Économique Exclusive
4
Sommaire
Partie 1 : Le conflit territorial des Spratlys.
Chapitre 1 : Les îles Spratlys.
Section 1 : La situation géographique.
Section 2 : Les intérêts stratégiques de ces îles.
Section 3 : Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu.
Chapitre 2 : Rapide historique.
Section 1 : L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques.
Section 2 : De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon.
Section 3 : De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit.
Section 4 : Les notions de date critique et de cristallisation du différend appliquées aux
Spratlys.
Chapitre 3 : Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public.
Section 1 : Iles, habitables, ou rochers ?
Section 2 : Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des problèmes de
délimitation de frontières.
Partie 2 : Les différentes revendications.
Chapitre 1 : Les revendications les plus anciennes.
Section 1 : Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam.
Section 2 : La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps
immémoriaux ».
Chapitre 2 : Les revendications plus récentes.
Section 1 : Les Philippines invoquent un res nullius.
Section 2 : La Malaisie.
Section 3 : Le Brunei et la continuité géographique.
Partie. 3 : Les possibilités de règlement pacifique de ce
différend.
Chapitre 1 : Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement
juridique.
Section 1 : Les modes de règlements diplomatiques.
Section 2 : Les modes de règlements juridiques.
Chapitre 2 : La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine
méridionale du 4 Novembre 2002.
Section 1 : Le cadre de cette déclaration.
Section 2 : Quelle est sa force juridique, son contenu.
Chapitre 3 : Les autres solutions envisageables.
Section 1 : Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté.
Section 2 : Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté.
5
Introduction
La mer de Chine méridionale est le théâtre d’un certain nombre de différends. Le plus
important d’entre eux, de par sa durée, sa situation géographique et le nombre de
protagonistes, est celui concernant la souveraineté sur l’archipel des Spratlys. Six pays se
disputent cet archipel composé d’une myriade de petites formations étendues sur une grande
surface située au sud-est de la mer de Chine méridionale. Ces îles furent longtemps
considérées comme un danger pour la navigation, mais à partir du XVIIème siècle environ,
leurs intérêts divers commencèrent à se montrer. Petit à petit les intérêts de ces îles
grandissaient, ce qui a amené la convoitise de plus en plus d’Etats riverains de la mer de
Chine. Cette situation entraîna des affrontements armés entre les prétendants, ce qui fît que le
conflit fut montré dans les années 1980 et 1990 comme un des points « sensibles » du monde.
Le conflit évolua ensuite à partir des années 1990, et surtout 2000 vers une baisse des
tensions, malgré tout toujours présentes. Les Etats parties au litige commençaient timidement
à suivre les normes du droit international applicable à un conflit : le non-recours à la force,
l’obligation de négocier et le développement de la confiance. Ceci en vue d’arriver dans
l’avenir à un règlement pacifique du différend, en passant éventuellement par des régimes de
coopération plus ou moins contraignants. Malgré certaines suspicions envers le droit
6
international, « droit fait par et pour les pays occidentaux », ils cherchent aussi à l’utiliser
pour prouver leurs droits en avançant des arguments juridiques très divers. Ils utilisent aussi la
richesse des traditions asiatiques pour développer des concepts nouveaux qui favoriseraient un
apaisement. Dans ce cadre, d’autres puissances ou groupes régionaux ont un rôle important à
jouer.
« Le nationalisme, c’est la guerre » a dit François Mitterrand en 1994 au Parlement
Européen. Cette citation est valable pour le conflit sur les îles Spratlys, dont le nom
occidental, qui sera utilisé tout du long de ce mémoire, vient du marin anglais qui
cartographia ces îles vers 18801. Il existe d’innombrables conflits territoriaux de par le monde,
et beaucoup sont dus, ou accentués par le nationalisme. Les Spratlys n’échappent pas à la
règle. Beaucoup d’Etats du Sud-est asiatique partis au conflit ont une histoire moderne
turbulente. Ils utilisent le nationalisme comme un « ciment » pour leurs régimes politiques. La
République Populaire de Chine accorde aussi beaucoup d’importance au nationalisme. Le
parti communiste, parti unique, l’utilise pour rester au pouvoir et pousser son pays vers plus
de développement économique. Cette attitude peut certes avoir des bénéfices pour ces acteurs
sur le plan national, mais sur le plan international, dans le cadre de conflits les impliquant,
cela complique encore plus la situation. En effet, il est plus délicat pour eux de reculer sur
certains points ou de faire des concessions pour faire avancer la situation. Au contraire, la
pression nationale peut les pousser à avoir des réactions violentes, basées sur le court terme.
Le moment important de tels conflits est quand les protagonistes comprennent qu’ils ont plus
d’intérêts, tant au niveau national qu’international, à collaborer pour trouver une solution qui
résoudra le problème sur le long terme. Pour les Spratlys, il semble que les Etats parties au
différend commencent à prendre conscience de cela et évoluent vers un règlement pacifique
du conflit. Néanmoins, cette avancée est très lente du fait de la complexité de la situation et de
l’attitude de certains acteurs. Cette lenteur peut être frustrante pour certains, mais c’est peut
être à ce prix que le règlement sera définitif et accepté par tous, le consensus étant essentiel.
Le but de ce mémoire va être de regarder ce conflit complexe en détail, de comprendre
ses enjeux et son évolution historique. Grâce à cette analyse en profondeur du conflit, ce
mémoire va pouvoir analyser les revendications des différents protagonistes et voir, au regard
de la doctrine du droit international public, les faiblesses et les forces de chaque dossier. De
1
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly Archipelago and its implications for the future”, Conflict
management and peace science, Volume 22, 2005, p.80.
7
même, grâce au droit international, nous pourrons regarder quelles solutions pacifiques ont été
trouvées dans d’autres conflits de par le monde. Nous verrons si les protagonistes
commencent à aller dans le sens d’un règlement pacifique, et de quel modèle ils pourraient
s’inspirer.
D’un point de vue du droit international public, du droit de la Mer et du règlement pacifique
des différends ce conflit est très intéressant et très riche. En effet, étant donné que le conflit
dure depuis plus d’un siècle, les normes de droit international ont changé avec le temps et
donc quand nous étudierons les différentes revendications qui sont en partie basées sur des
faits historiques, il faudra veiller à utiliser le droit en vigueur à l’époque. De plus, en dehors
des six principaux protagonistes, un certain nombre d’autres acteurs sont impliqués dans ce
conflit du fait de leur présence dans cette zone et de leur implication dans ce conflit à des
temps anciens. C’est le cas des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Grande-Bretagne,
de l’Indonésie et du Japon. Le fait qu’il y ait autant de protagonistes rend le différend plus
compliqué et mobilise plus de notions de droit international comme la succession ou la
reconnaissance de souveraineté par un Etat tiers. De même tous les Etats argumentent leurs
déclarations de souveraineté le plus possible et à chaque fois avec des arguments différents
qui sont puisés dans des sources et des époques différentes. Cela va de l’occupation et
l’administration effectives, au titre inchoate en passant par la contigüité géographique, la
découverte et la notion de res nullius. Ces arguments sont basés sur des textes ou des cartes
anciens, la Convention de Montego Bay, la Chartre des Nations Unies et autres que nous
devrons tous analyser de près. Ce conflit nous amène aussi à aborder des notions de droit de la
mer. Nous devrons mobiliser la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer2, afin de
déterminer le statut exact de chaque bout de terre des Spratlys ; pour les délimitations
maritimes ; les définitions des différents degrés de juridiction de la mer ; l’exploration et
l’exploitation dans différentes zones ; le règlement pacifique des différends ; etc.… Enfin,
pour régler ce conflit les acteurs pourront s’inspirer de ce qui a déjà été fait lors d’autres
résolutions de conflits, ainsi que des normes de droit international public. Nous devrons donc
analyser ces exemples de différents régimes de coopération et de méthodes de dialogue ou de
règlement de différend, tout en cherchant à les adapter aux particularismes du conflit.
2
Elle fût signée le 10 Décembre 1982 à Montego Bay, Jamaïque.
8
Dans une première grande partie (I) nous commencerons par exposer la situation
concrète de ces îles afin de poser clairement le cadre de cette étude. Il est important de savoir
où elles se situent exactement et combien il y en a. De même, il convient de déterminer les
intérêts de ces îles, qui sont nombreux et qui expliquent aussi le fait que les protagonistes ne
veulent pas reculer sur cette question de la souveraineté. Nous parlerons aussi des six
protagonistes3, mais aussi des autres pays que nous avons évoqués plus haut. L’histoire a
aussi un grand rôle à jouer dans le cadre de ce conflit, il faut donc être très précis sur le
déroulement des évènements qui peuvent avoir un effet sur les titres des uns et des autres.
Nous ferons plus particulièrement attention à certaines dates qui sont considérées comme des
moments clés du conflit. Pour finir de bien détailler le cadre de ce conflit nous détaillerons la
définition d’une « île », d’un « rocher » et de d’autres formations marines qui ont un rôle
important dans ce conflit. Nous utiliserons différents articles de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer pour nous aider.
Dans la deuxième partie (II) nous nous intéresserons aux différentes revendications.
Nous ferons une analyse de toutes les revendications des différents pays, en commentant à
chaque fois les points forts et les points faibles de chaque dossier. Nous ferons une analyse en
droit des arguments évoqués pour savoir s’ils sont valables et s’ils le sont quelle est leur force
juridique, surtout en comparaison avec les autres revendications. Il est possible de diviser les
revendications en deux groupes, ceux qui se basent plus sur des faits historiques, et les autres
qui avancent d’autres arguments très divers.
Finalement dans une troisième partie (III) nous nous poserons la question de l’avenir
de ce conflit et les possibilités de le régler de façon pacifique en accord avec le Droit
International. Cette dernière partie utilise beaucoup plus l’actualité du conflit et ses
caractéristiques principales pour chercher la meilleure solution au conflit. Nous analyserons
les modes diplomatiques et juridiques de règlement des différends en exposant ce qui pourrait
fonctionner pour les Spratlys et pourquoi. Nous regarderons les rôles que peuvent jouer
l’ASEAN, ainsi que d’autres acteurs de la région et d’ailleurs. Il est aussi important de
commenter l’actualité dans cette partie, surtout quand il semble qu’elle aille dans le bon sens,
celui d’un règlement pacifique du différend. Nous étudierons donc plus en détail la
Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine du 4 Novembre 2002. Puis il
3
Les six protagonistes sont : le Brunei-Darussalam, la Malaisie, les Philippines, la République de Chine, la
République Populaire de Chine et le Vietnam.
9
faudra aussi regarder les différents modèles de coopération que la coutume et les auteurs du
droit international proposent pour les Spratlys. Les différences se font sur la question de la
souveraineté, sur les pouvoirs d’une éventuelle autorité, sur le but de la zone, …
10
I) Le conflit territorial des Spratlys
Les îles Spratlys, qui sont situées dans la mer de Chine méridionale, sont l’objet d’un
différend territorial entre un certain nombre de pays de la région. Nous commencerons par
poser les faits en regardant les îles elles-mêmes (A.). Ensuite, nous ferons un rapide historique
du conflit, relativement ancien, afin de poser les bases des connaissances qui nous serons très
utiles pour la suite (B.). Puis, avant d’aborder la question de la souveraineté sur ces îles il est
central de déterminer leur statut (C.). En effet, il existe une différence entre une « île », un
« rocher », un « haut-fond découvrant » et des élévations submergées d’après la Convention
sur le Droit de la Mer de Montego Bay ; et de plus toutes les îles ne donnent pas accès aux
mêmes droits en fonction de leur taille et de leur viabilité.
A. Les îles Spratlys
Concernant les îles, il est nécessaire de clarifier certains aspects centraux. Nous
commencerons par la situation géographique (1.). Puis, nous regarderons les multiples intérêts
stratégiques de ces îles (2.). Enfin, nous dresserons la liste des pays qui sont impliqués dans ce
conflit (3.).
1. La situation géographique
Les îles Spratlys sont situées dans la mer de Chine du Sud, ses coordonnées
géographiques sont : 8 38 N, 111 55 E4. Ces îles sont connues des marins depuis des temps
anciens, elles étaient considérées comme un danger par les navigateurs et comme un refuge
une partie de l’année pour des pêcheurs venus principalement du Vietnam et de la Chine5. Les
Spratlys sont composées d’une centaine d’îles, d’îlots, de rochers et de hauts-fonds
découvrants6, soit des formations qui sont au moins partiellement au-dessus du niveau de la
mer lors de la marée basse. Mais en tout, il y aurait plus de 200 formations de terre, dont une
centaine qui ne dépasseraient pas le niveau de la mer, même à marée basse7. Il y aurait douze
4
Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, L’Harmattan,
1996, Paris, p.5.
6
103 ou 104 d’après le Quid 2006 et le site https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
7
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …, op. cit., p.80.
5
11
îles principales8, mais entre 20 et 46 îles et rochers9, soit des formations continuellement audessus du niveau de la mer. L’île la plus grande est Itu Aba et fait 36 hectares ; la superficie
cumulée des îles principales est de 5km²10. Elles ont en tout 926km de côte. Le point le plus
bas est situé au niveau de la mer, et le point culminant varie entre 4 et 6 mètres selon les
sources11. Ces îles sont étalées sur une longueur d’entre 500 et 800 km, et une largeur d’entre
400 et 900 km. La superficie totale de la zone serait d’environ 410 000 km², mais elle varie en
fonction des îles qui sont prisent en compte dans l’ensemble et il existe des estimations plus
petites12 ou plus grandes13. Ces îles sont situées à plus de 900 miles au Sud-est de l’île de
Hainan (territoire chinois) ; le Vietnam est à 230 miles marins à l’Ouest, les Philippines à 120
miles marins à l’Est, la Malaisie à 150 miles marins au Sud-est, le Brunei-Darussalam à 150
miles marins au Sud-est et l’île de Taiwan est à plus de 1000 miles marins au Nord.
Néanmoins, la situation de Taïwan est particulière car ils revendiquent le territoire de la Chine
continentale comme le leur et pourraient dans ce cas compter sur l’île de Hainan.
C’est une région au climat tropical qui est balayé par des typhons pendant plusieurs mois de
l’année et les vagues passent par-dessus ces îles pendant cette période. Il n’y a de l’eau
potable que sur deux îles, il n’y aurait pas de terres arables et très peu de végétation14. Il n’y a
pas de population indigène, mais ces îles étaient utilisées par des pêcheurs pendant la bonne
saison.
Un certain nombre de ces îles sont occupées militairement par tous les protagonistes à
l’exception du Brunei-Darussalam. Les estimations de nombres d’îles occupées varient et ne
peuvent être très précises car ce sont des informations stratégiques que les Etats ne dévoilent
pas. Il en va de même pour le nombre de militaires installés et les installations présentes.
Nous allons quand même voir une fourchette afin de se faire une idée de la concentration des
forces militaires sur ces petits bouts de terre. D’après le site de la CIA entre quarante et
soixante élévations seraient occupées, mais certains auteurs donnent des estimations plus
8
Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea: How does their presence limit the extent of the
high seas and the area and the Maritime Zones of the mainland coast?”, Ocean Development and International
Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.181.
10
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
11
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ pour 4 mètres sur Southwest Cay ou 6 mètres
pour JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy, and geo-politics in
the South China Sea”, The international journal of marine and coastal law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998,
p.195.
12
150 000km² pour CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute and the Law of the sea”, Ocean development
and International Law, Volume 25, Numéro 1, Janvier-Mars 1994, p.61.
13
534 000km² pour LABROUSSE (H.), “Quelle solution pour les îles Spratley?”, Défense nationale, Décembre
1994, p.129.
14
GJETNES (M.), “The Spratlys: Are they rocks or islands?”, Ocean Development and International Law,
Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.201.
9
12
détaillées par pays. Il tient toutefois d’attirer l’attention sur la nationalité des auteurs qui ont
tendance à sous-estimer les forces en présence de leur pays. Jean-Pierre Ferrier en 2000 fait
état de 36 îles occupées, deux par Taiwan, 17 par le Vietnam, neuf par les Philippines, trois
par la Malaisie et six par la Chine15. Il y a un accord sur Taiwan qui n’occupe qu’Itu Aba et
Tungsha et ce depuis longtemps. Ensuite, le Vietnam est très actif avec le plus d’îles occupées
et le plus de troupes. Les estimations varient entre 17 îles occupées et plus de 25 avec entre
600 et plus d’un millier de troupes sur ces îles16. La Chine est aussi très active : elle a occupé
sa première île en 1988 mais a rattrapé son retard depuis avec entre six et une bonne douzaine
d’îles occupées. Elle aurait entre 260 et 500 militaires. Les Philippines occupent entre 9 et 11
îles dans la zone la plus proche de sa côte avec environ 600 militaires. La Malaisie occuperait
3 ou 4 îles avec une centaine de militaires, toutes dans la zone du Sud-est des Spratlys17.
Les seules infrastructures présentes sont des infrastructures militaires même si certains
protagonistes affirment construire « des cabanes de pêcheurs » et non des casernes, elles sont
« en béton armée hérissées d’antennes satellites, de canons antiaériens et disposent de platesformes pour hélicoptères »18. Il y aurait trois pistes d’atterrissage, une de moins de 914 mètres
et deux entre 914 et 1 523 mètres, deux étant goudronnées19. Mais il est très difficile de savoir
à qui appartiennent ces pistes. Certains disent qu’au moins une appartient à la Chine20, alors
que d’autres affirment que la Chine n’en a pas mais que les Philippines, le Vietnam et la
Malaisie en possèdent une21. La Chine a récemment construit un port de très gros tonnage car
l’approche des îles coralliennes est très difficile. Mais les eaux autours des îles restent très peu
profondes et l’approche est uniquement possible en période de beau temps. Les autres
constructions sont des casernes militaires, des héliports, des stations radars, des centres
météorologiques, des centres de communication et quelques rares anciennes cabanes de
pêcheurs22. La Malaisie a proposé en 1999 des tours touristiques pour faire de la plongée dans
les Spratlys, mais sous la pression des autres pays elle a du retirer cette offre23.
Pour une vue d’ensemble des îles, leurs noms, et la position des fosses marines voir document
annexe 11.
15
FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, Gualino éditeur, 2000, p.218.
LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea policy”, Asian survey, Volume 37, Numéro 4, Avril 1997, p.324.
17
Ibid.
18
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise en mer de Chine du Sud”, Défense nationale, Volume
53, Janvier 1997, p111 et annexe 13.
19
Source : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
20
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.64.
21
LIN (C.), “Taiwan’s South China…”, op. cit., p.324.
22
Ibid.
23
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code of Conduct for the South China Sea”, Ocean Development and
International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.107.
16
13
2. Les intérêts stratégiques de ces îles
Après ce descriptif qui rend ces îles peu attractives il faut préciser les intérêts
stratégiques des Spratlys pour comprendre l’intérêt que leur portent les six protagonistes.
Nous pouvons lister quatre intérêts qui font que ces îles sont tant disputées et sont d’un intérêt
géostratégique mondial24. Ce sont: le potentiel de ressources en gaz et en pétrole qui sont des
énergies de plus en plus recherchées, des réserves halieutiques importantes pour la vie
économique de ces pays qui dépendent en partie de la pêche, le passage de lignes maritimes
stratégiques très fréquentées avec le détroit de Malacca, la centralité de sa position dans la
mer de Chine et donc une possibilité d’écoute et de surveillance accrue dans une zone très
active et sensible. Nous pouvons diviser ces intérêts en intérêts économiques (a.) et intérêts
géopolitiques (b.).
a. Les intérêts économiques
Le sous-sol des îles Spratlys pourrait recéler d’importantes réserves d’hydrocarbures.
La première estimation des réserves de pétrole fût faite en 1969 par un rapport sismologique
de la zone, faite par les Nations Unies, qui indiquait que la zone pouvait contenir des réserves
d’hydrocarbures25. Depuis, de nombreuses estimations ont été faites et les estimations varient
grandement : les estimations moyennes disent que le sous-sol contient plus de 17 milliards de
barils, soit plus que les réserves du Koweït26. Des estimations chinoises datant des années
1980 font état de plus 105 milliards de barils de pétrole dans les Spratlys, en plus de d’autres
réserves dans d’autres zones de la Mer de Chine27. Les estimations les plus importantes
montent jusqu’à 225 milliards de barils de pétrole28. Ces estimations semblent néanmoins un
peu exagérées. Ce pétrole serait enfoui en profondeur et difficile d’accès, ce qui augmenterait
le coût de son extraction et nécessiterait une technologie avancée, et donc l’aide de
compagnies étrangères29. Mais aux vues de la flambée des prix actuelle, entre 65 et 70 dollars
24
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime security cooperation situation and
proposals”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, p.187.
25
CORDNER (L.), “The Spratly Islands …”, op. cit., p.61.
26
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.80.
27
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté … , op. cit., p.80.
28
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys Islands under International Law”, Journal of energy and natural
resources law, Volume 15, Numéro 3, Août 1997, p.191.
29
CHUNG (C.), “The Spratlys and other South China Sea disputes”, The journal of social, political, and
economic studies, Volume 24, Printemps 1999, Washington, p.21.
14
le baril30, son exploitation redeviendrait rentable. La Malaisie et le Brunei exploitent déjà des
gisements proches des Spratlys qui sont relativement importants31. Le pétrole est une
ressource énergétique très importante pour les différents protagonistes qui sont tous dans des
périodes de croissance et en ont besoin pour continuer dans ce sens. Certains tirent déjà des
revenus importants du pétrole comme le Brunei-Darussalam qui est l’un des pays les plus
riche au monde grâce à ses ressources ; le Vietnam qui a commencé son exploitation
tardivement, dans les années 1980, dispose de réserves de qualité en nombre ; et la Malaisie
dont la production décline depuis quelques années. Mais les autres pays sont des importateurs
de pétrole et ils en ont besoin pour continuer leur croissance et leur rattrapage économique.
Les Philippines importent environ 80% de leurs besoins, soit 14% du total de leurs
importations et leur deuxième poste de dépense32. Taiwan importe la quasi-totalité de son
pétrole33. Mais c’est la demande de la Chine qui est la plus impressionnante, c’est le deuxième
plus gros consommateur de pétrole au monde derrière les Etats-Unis, et leur demande est en
constante augmentation du fait de la croissance de leur économie, elle a augmenté de plus de
10% l’année dernière et la dépendance à l’étranger est devenue de plus en plus importante. La
Chine est passée d’exportatrice nette au début des années 1990, à devoir importer 45% de son
pétrole en 200634. Le pétrole des Spratlys serait une source nationale et donc pas soumis aux
aléas du marché international et à l’envolée des prix, ce qui garantirait une plus grande
indépendance à ces pays.
Le sous-sol contiendrait aussi beaucoup de gaz naturel, les experts sont d’ailleurs plus
optimistes pour ces réserves35. Des estimations chinoises parlent de 25 milliards de mètres
cube de gaz naturel36. Ces ressources énergétiques sont importantes car elles permettraient un
revenu supplémentaire pour certains comme le Vietnam, mais elles permettraient aussi de
réduire la dépendance de ces pays envers les pays producteurs et envers la fluctuation des
prix, c’est notamment le cas de la Chine qui dépend de plus en plus de pays comme l’Arabie
Saoudite, l’Angola, le Soudan ou la Russie et qui paye son pétrole de plus en plus cher37. Il y
30
Reuters.
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly Islands dispute”,
Loyola of Los Angeles International and comparative law journal, Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996,
p.869.
32
http://www.edc.ca/french/docs/gphilippines_f.pdf.
33
http://www.test-organisation.org.
34
http://www.french.xinhuanet.com.
35
RICHARDSON (M.), “ASEAN-China maritime security cooperation”, Institute of Southeast Asian Studies,
Singapore, 2005, p.204.
36
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.11.
37
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.79.
31
15
aurait également des réserves importantes de phosphore, environ 370 000 tonnes38, et du
guano qui pourrait être exploité sur une courte période.
Les ressources halieutiques sont aussi très importantes pour ces pays car c’est un
secteur qui emploie traditionnellement beaucoup de main d’œuvre, surtout au Vietnam, en
Chine et aux Philippines, et qui nourrit aussi une large partie de la population asiatique
toujours croissante. Cette zone est très riche en poisson et les variétés de poisson sont assez
diverses39. Elle correspondrait à un peu moins de 10% des prises mondiales. Une estimation
de la valeur des stocks d’une espèce de thon en 1996 était de 50 Millions de dollars40. Même
si les stocks seraient en baisse du fait d’une surexploitation, cette zone est encore riche et il
n’est pas trop tard pour prendre des mesures41. Le gouvernement chinois par exemple prend
des mesures pour faire baisser la pêche dans cette zone, en baissant le nombre de bateaux et
en encourageant l’aquaculture42.
b. Les intérêts géopolitiques
Le premier intérêt géopolitique de ces îles est les routes maritimes stratégiques qui
passent non loin. La mer de Chine est le lien entre le Pacifique et l’Océan Indien. Tout le
trafic qui provient du Nord-est et du Sud-est de l’Asie, de l’Indochine, du centre et de l’est du
Pacifique, ainsi qu’une partie du trafic vers les USA passent par des détroits stratégiques à
l’entrée de la mer de Chine. Ce sont les détroits de Malacca, de Sunda, de Lombok et de
Taiwan43. Cette route, aussi appelé « route de soie de la mer »44, relie le port russe de
Vladivostok, seul port russe libre des glaces toute l’année, au Moyen-Orient et son pétrole en
passant par le Japon et l’Inde entre autres45. Du fait de sa position centrale tout le trafic
maritime passe d’un côté ou de l’autre des Spratlys. Le détroit de Malacca est au Sud-est des
Spratlys et est le passage maritime le plus fréquenté du globe, il y passe 25% du transport
mondial de pétrole, 30% du trafic maritime mondial, trois fois plus de trafic qu’au Canal de
Suez et cinq fois plus qu’au Canal de Panama, soit 80 000 bateaux par an46. Plus de 25% du
38
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur, op. cit., p.11.
Idem, p.24.
40
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint…”, op. cit., p.869.
41
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …”, op. cit., p.80.
42
http://mcsinfo.u-strasbg.fr.
43
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.61.
44
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188.
45
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.191.
46
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188.
39
16
pétrole mondial passe par ce détroit. Le Japon est le troisième consommateur mondial de
pétrole depuis 2003, et le premier consommateur de gaz, la Corée du Sud est le septième
consommateur mondial de pétrole et le deuxième de gaz naturel et la grande majorité de leurs
importations transitent par cette zone.47 80% des importations de pétrole chinois et même une
partie de l’approvisionnement des Etats-Unis passent aussi par là48. En plus des énergies qui
transitent par ces passages, il y a aussi une part importante des exportations de ces pays qui
empruntent ces voies maritimes. Le commerce avec les pays développés par le biais de ses
exportations est vital pour ces pays du Sud-est asiatique dont les économies dépendent de
leurs exportations et des investissements étrangers49. Le contrôle des Spratlys permet de
regarder tout ce qui passe par ces zones.
Le deuxième intérêt géopolitique de ces îles est leur centralité dans la mer de Chine.
Avec la fin de la guerre froide il y a eu des grands changements dans cette région du monde.
Il y a eu une sorte de vide de pouvoir, vide stratégique50. L’URSS, un peu avant sa chute a
retiré ses troupes de sa base de Cam Ranh au nord du Vietnam, près de la frontière avec la
Chine, ce qui a laissé plus de place à la Chine. Ensuite, les Etats-Unis, sous la pression de la
population et du Sénat des Philippines, ont du se retirer de leur base de Clark Field et Subic
Bay qui étaient les bases de la VIIème flotte US51. Ces départs des deux grands à la fin de la
Guerre froide ont laissé un vide que naturellement les Etats de la région ont voulu combler.
De ce point de vue, la rivalité entre le Vietnam et la Chine est centrale car elle a pris encore
plus de place avec une Chine qui s’affirme et le Vietnam orphelin de son protecteur, l’URSS.
Ces îles sont situées presque au milieu de la Mer de Chine, et même si elles sont trop petites
pour en faire une importante base militaire, elles restent stratégiques pour surveiller, écouter
et voir tout ce qui se passe autour52. De ces îles il est facile, du fait de la proximité
géographique comme nous l’avons vu, de surveiller tout le trafic maritime de la région. Il y a
aussi une forte présence militaire dans la région, car malgré le départ des troupes américaines
des Philippines elles ont tout de même des droits de mouillage permanent dans un certain
nombre de pays aux alentours, Philippines, Singapour, et plus récemment partiellement au
Vietnam et elles passent souvent par les détroits pour les surveiller. De plus les Etats-Unis
possèdent l’île de Guam non loin de là qui est devenue la base militaire de repli de la VIIème
47
ER (L.), “Japan and the Spratlys dispute”, Asian survey, Volume 36, Numéro 10, Octobre 1996, p.998.
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.188.
49
TØNNESON (S.), “Introduction”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, AvrilJuin 2001, p.94.
50
SONG (Y.), “The U.S. policy on the Spratly Islands and the South China Sea”, The Indonesian Quarterly,
Volume 25, Numéro 3, Juillet 1997, p.325.
51
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste, op. cit., p.105.
52
Idem, p.109.
48
17
flotte US avec Hawaï, et les Etats-Unis sont liés à un certain nombre d’Etats de la région par
des traités de défense53. Ces îles pourraient être très utiles comme base d’écoute pour les
Chinois par exemple.
Le contrôle sur ces îles, en plus d’offrir des avantages économiques importants, affirmerait le
statut de puissance régionale pour l’Etat qui les posséderait. C’est aussi une question de
prestige pour le pays qui remporterait la souveraineté. Cette victoire le renforcerait car
souvent les questions de souveraineté et de territoire sont liées au nationalisme qui est utilisé
par ces pays en construction comme des ciments54. C’est notamment le but de la Chine qui
veut se montrer dans le monde comme une puissance mondiale, mais qui commence par
affirmer son autorité sur ce qu’elle considère comme sa mer intérieure, la mer de Chine, pour
affirmer son statut de puissance régionale55. Nous pourrions qualifier cette politique de
« doctrine Monroe de la Chine ».
3. Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu
Beaucoup d’acteurs jouent, ou ont joué un rôle dans le conflit des Spratlys. Nous allons
d’abord étudier ceux qui sont directement concernés : les six protagonistes (a.). Puis nous
regarderons quels autres pays ont été ou sont encore impliqués (b.).
a. Les six protagonistes
Il y a six pays qui sont impliqués au premier chef car ils revendiquent la souveraineté
sur une île, une partie des îles ou tout l’archipel des Spratlys. Ce sont le Brunei-Darussalam,
la Malaisie, les Philippines, la République de Chine, la République Populaire de Chine et le
Vietnam. Nous allons regarder un certain nombre de caractéristiques de ces Etats qui nous
aiderons à mieux comprendre les positions et les attitudes de chacun dans ce conflit. Cela
inclut les dépenses militaires, le régime politique, le poids économique, la politique étrangère,
ainsi que d’autres points qui nous sembleront pertinents pour bien analyser la situation
complexe des Spratlys.
53
SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.323.
BELLER (R.), “Analyzing the relationship between International law and International politics in China’s
and Vietnam’s territorial dispute over the Spratly Islands”, Texas International Law journal, Volume 29,
Numéro 1, hiver-printemps 1994, p.296.
55
FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, op. cit., p.217.
54
18
Le Brunei-Darussalam est un petit Etat riche grâce à ses importantes ressources en
pétrole. Son Produit National Brut par habitant est de 22 402 dollars US pour une population,
alphabétisée à 91%, de 350 000 habitants sur un territoire de 5 765km², soit une densité de 60
habitants au km². Le taux de chômage est de 10%56. Il n’y a pas d’impôt, et l’éducation et les
soins sont gratuits grâce à la manne financière que représentent le pétrole et le gaz. C’est une
monarchie héréditaire où l’islam est la religion officielle57. Il a acquis son indépendance de la
Grande-Bretagne le 1er Janvier 1984, mais il garde des liens étroits avec la Grande-Bretagne,
notamment sur le plan militaire et dans le cadre du Commonwealth. Malgré des dépenses
importantes au vue de sa population58 et de sa taille ce pays est doté d’une petite armée, avec
seulement 300 hommes dans son armée de l’air et 700 dans sa marine ce qui limite
grandement sa capacité de se projeter loin de son territoire, ce qui fait que le Brunei n’occupe
aucune île des Spratlys59. Il a aussi conclu des accords de défense avec l’Australie, les EtatsUnis60 et garde de bonnes relations avec Singapour, les Philippines et l’Indonésie. Sa politique
étrangère est tournée vers la paix et la survie étant donnée sa taille. Son nom veut d’ailleurs
dire : « Nation de Brunei, demeure de la paix »61. Le Brunei entretenait des relations parfois
tendues avec son voisin la Malaisie qui le coupe en deux avec son territoire du Limbang62.
Mais depuis son entrée dans l’ASEAN ses relations se sont nettement améliorées. Ce pays
exploite trois champs, dont deux off-shore sur le même plateau continental que les Spratlys.
Ses exportations de pétrole et de gaz comptent pour 87,5% de ses exportations, ce qui fait que
ce pays est très dépendant de ses ressources naturelles. Le Brunei est membre de l’ASEAN
depuis le 7 Janvier 1984, soit une semaine après son indépendance, et donne beaucoup
d’importance aux organisations internationales en général63. Il a signé la Convention de
Montego Bay le 5 Décembre 1984, et l’a ratifié le 5 Novembre 199664.
La Malaisie est une fédération de 9 sultanats héréditaires, de 4 Etats non monarchiques
et de 3 Etats fédéraux créés le 16 Septembre 1963 suite au rattachement du Sarawak et du
Sabah (de l’île de Bornéo) à la Fédération de Malaya indépendante le 31 Août 195765. La
Malaisie est divisée entre sa partie Occidentale, située sur la presqu’île de Malacca, et sa
56
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, Robert Laffont, 2003, Paris, p.1045.
http://asiep.free.fr/.
58
Il était au 4ème rang mondial pour les dépenses militaires par habitant en 1993 d’après http://asiep.free.fr/.
59
Le Brunei appelle ses îles les « îles Nanshaqundao ».
60
Un accord a été signé en 1994 qui autorise les forces américaines à utiliser les ports et l’espace aérien du
Sultanat. Un accord de paix, d’amitié, de commerce et de navigation existe depuis 1850 entre les deux pays.
61
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1045.
62
Ibid.
63
http://www.mfa.gov.bn.
64
http://www.un.org/french/
65
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1212.
57
19
partie Orientale avec les Etats (non monarchiques) de Sarawak et de Sabah, les plus proches
des Spratlys66. La Malaisie est donc divisée en deux par la mer de Chine, et sa partie
Occidentale donne sur le détroit de Malacca ce qui lui donne une position stratégique très
importante. Elle a une population d’environ 25 millions d’habitants à 65% Malais, mais avec
une forte minorité chinoise (26%)67. L’islam est religion d’Etat et pratiquée par 60% de la
population. Le pays a une histoire mouvementée et a été en partie sous influence thaïlandaise,
anglaise et hollandaise. Son PNB par habitant est de 3 390 dollars US, soit plus de 7 fois
moins que le Brunei. La Malaisie dispose aussi de réserves importantes de pétrole et de gaz
surtout, principalement dans sa partie Orientale, elle est exportatrice net. La Malaisie est
membre fondateur de l’ASEAN avec sa création le 8 Août 196768. La Malaisie a ratifié la
Convention de Montego Bay le 14 Octobre 199669.
La République des Philippines est le seul Etat archipélagique des six pays qui
revendiquent les Spratlys, et est composée de 7 107 îles. C’est une République indépendante
depuis le 4 Juillet 1946, c’était une ancienne colonie américaine après que les Etats-Unis aient
racheté l’ensemble à l’Espagne en 1898 pour 20 millions de dollars70. Le régime politique est
instable et connaît souvent des perturbations, il est marqué par la période de dictature de
Marcos des années 1960 aux années 1980. Il y a des tensions entre les catholiques qui
représentent entre 80 et 84% de la population et les musulmans qui représentent entre 5 et 8%
de la population. Ce qui amène à des rébellions dans certaines îles du Sud71 et des groupes
classés terroristes par les Etats-Unis comme Abu Sayyaf72. Le PNB par habitant y est de 1 020
dollars et le taux de pauvreté atteint 40% des 88 millions de Philippins. Les Philippines ont
des réserves de pétrole, mais pas suffisamment pour couvrir leurs besoins malgré des
découvertes récentes. Les Spratlys sont connues comme les îles Kalayaan et sont rattachées à
la province de Palawan, l’île la plus proche, mais les Philippines ne revendiquent qu’une
partie des Spratlys qu’ils considèrent comme distincte de l’archipel. Les Philippines sont aussi
un membre fondateur de l’ASEAN73. Les Philippines ont signé la Convention de Montego
Bay le 10 Décembre 1982 et l’a ratifiée le 8 Mai 1984. Ils ont proposé un juge, Haydee B.
66
Les îles Spratlys sont appelées les îles Nanshaqundao et sont rattachées administrativement, pour la Malaisie, à
la province de Sabah.
67
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1212.
68
http://www.aseansec.org/.
69
http://www.un.org/french/.
70
FREMY (D.), FREMY (M.), op. cit., p.
71
Celles de Mindanao, Basilan, Tawi-Tawi, Sulu et une moitié de Palawan sont « fortement déconseillés » par le
Ministère des Affaires Etrangères car des groupes musulmans indépendantistes y sévissent.
72
http://www.diplomatie.gouv.fr.
73
http://www.aseansec.org/.
20
Yorac, comme juge pour le tribunal international du droit de la mer. Ce dernier avait fait sa
thèse sur les Droits des Philippines sur les îles Spratlys ce qui montre l’importance de la
question pour les Philippines74.
Taïwan75 entretient des relations tendues avec la République Populaire de Chine76.
Elle est toujours en théorie une province de la Chine, mais depuis que les nationalistes ses
sont réfugiés sur l’île en décembre 1949 il existe deux systèmes politiques, celle de la
République de Chine77 et celle de la République Populaire de Chine78. Taïwan se veut être le
représentant de la Chine toute entière et à ce jour Taïwan n’a jamais déclaré officiellement
son indépendance, la question d’un référendum sur l’indépendance revient souvent, mais il
n’a jamais été organisé. Depuis quelques années il existe des relations directes avec la Chine
qui font baisser les tensions, mais elles restent très turbulentes, avec par exemple une loi
« anti-sécession » votée en 2005 par Pékin et le fait que le président taïwanais actuel soit un
indépendantiste79. Taiwan entretient des relations diplomatiques pleines avec une vingtaine de
pays uniquement, et la liste diminue, mais un certain nombre de pays ont des représentations
non-officielles sur l’île, dont la Chine, et Taïwan a installé des bureaux de représentation dans
58 Etats. Taïwan a cédé sa place à la Chine à l’ONU le 25 Octobre 1971, et depuis est exclu
de toutes les instances onusiennes et d’un certain nombre d’organisations internationales, ce
qui pose un problème de représentativité et d’écoute internationale80. D’un point de vue
militaire Taiwan est menacé par la Chine, et a engagé pour sa défense d’importantes dépenses
pour se doter d’une armée moderne. Sur une population de 22,6 millions, 4,320 millions sont
des militaires81, soit autant que pour la Chine continentale. Taïwan dispose aussi de forces
importantes et modernes pour son armée de terre et de l’air et consacrait, en 2005, 11,4% de
son budget à ce poste stratégique82. De plus, Taïwan peut compter, en théorie, sur le soutien
militaire des Etats-Unis en cas d’attaque chinoise. Le Congrès américain a voté en 1979 à
l’unanimité l’obligation pour les Etats-Unis de garantir la sécurité de l’île, et ce alors que les
Etats-Unis avaient reconnu qu’il n’existait qu’une seule Chine au début des années 197083. Au
74
http://www.un.org/french/.
Nous appellerons la République de Chine « Taiwan » tout au long de ce mémoire afin de faire une différence
plus claire avec la République Populaire de Chine.
76
Nous appellerons la République Populaire de Chine « Chine » tout au long de ce mémoire afin de faire une
différence plus claire avec la République de Chine.
77
Elle fût fondée en 1912 par Sun Yat-sen.
78
Voir le paragraphe suivant.
79
Chen Dhui-bian représente le Parti Démocrate Progressiste qui est indépendantiste.
80
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.
81
Armée de réserve et forces actives incluses.
82
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.1172.
83
http://www.monde-diplomatique.fr/.
75
21
niveau économique Taiwan est riche, son PNB par habitant est de plus de 13 000 dollars US,
ce qui en fait la 17ème puissance mondiale, avec de forts taux de croissance et un taux de
chômage aux alentours de 5%. Taiwan investit beaucoup dans les pays du Sud-est asiatique à
des fins économiques mais aussi politiques pour garder de bonnes relations avec ces pays
proches qui ont connu des moments de tension par le passé avec la Chine. Taïwan revendique
les Spratlys au nom de la Chine entière, elles sont appelées îles Nansha et sont rattachées
administrativement à la province de Kaohsiung. Taiwan ne peut pas signer la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la Mer, conformément à l’article 305 de cette même
Convention84.
La République Populaire de Chine a été fondée le 1er octobre 1949 par Mao Zedong.
C’est un Etat communiste, totalitaire et centralisateur. La Chine est dotée d’une longue
histoire avec une organisation en dynastie depuis de nombreux siècles. Au fil du temps elle a
connu des phases alternantes d’expansion et de repli sur soi. Depuis la fin du XXème Siècle,
et notamment la chute de l’URSS, la Chine connaît une croissance très importante et s’affirme
de plus en plus comme une puissance mondiale, tant économique que politique. Ce géant de 1
milliard 300 millions d’habitants connaît une croissance économique d’environ 9% depuis les
années 1990 pour un PNB par habitant de plus 950 dollars US85. Ce qui en fait la 4ème
puissance mondiale depuis 200686. Le pays est doté d’une main d’œuvre nombreuse et bon
marché doublée d’une politique volontariste des dirigeants qui font que la Chine avance à
grands pas dans le développement économique. Mais cela lui pose aussi des problèmes
importants comme l’énergie et le besoin de nourrir sa population87. En plus d’être une
puissance économique qui devient incontournable, la Chine veut s’affirmer comme un acteur
politique mondial, et elle en a les moyens. La Chine est membre permanent du Conseil de
Sécurité de l’ONU, elle est une puissance nucléaire, et dispose d’une importante diaspora
répartie de par le monde. La Chine cherche à développer son armée, et sa croissance
économique le lui permet. Le secteur de la défense comptait pour 10% de son budget en
200088. Son budget connaît une croissance de 12% tous les ans depuis plus de dix ans, avec
une croissance accélérée entre 2006 et 2007 de 18% pour arriver à une somme officielle de 35
milliards d’euros, ce qui illustre le sens dans lequel la Chine cherche à aller. De plus, d’après
un rapport américain du Pentagone le budget militaire réel chinois de 2007 serait en réalité de
84
http://www.un.org/french/.
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.
86
Classement de la Banque Mondiale sortit le 5 Juillet 2006.
87
Voir partie sur les intérêts des Spratlys.
88
http://www.lexpansion.com/.
85
22
80 milliards d’euros, et non de 35 milliards comme affirment les autorités de Pékin89. Cette
somme ferait que la Chine serait le troisième budget militaire au monde et le premier en
Asie90. Un tel écart additionné sur plusieurs années revient à une somme assez importante.
Même si il y a un embargo européen et américain sur la technologie militaire vendue en
Chine, son armée se modernise rapidement91. La Chine cherche notamment à développer une
marine de haute-mer avec l’achat d’un porte-avion92. Cette importance militaire accrue de la
Chine remet en cause les équilibres de la puissance, surtout au niveau du Sud-est Asiatique
que la Chine considère comme son arrière cour, voire son territoire93. La Chine est donc
clairement la plus grande puissance régionale dans ce conflit94. Les Spratlys sont appelées les
îles Nansha et sont rattachées à la province de Hainan, une grande île qui borde le sud du
littoral chinois. La Chine a signé la Convention de Montego Bay le 10 Décembre 1982, et l’a
ratifiée le 7 Juin 199695.
Le Vietnam est marqué par son histoire trouble au sortir de la Seconde Guerre
Mondiale, et ce n’est que depuis peu que le Vietnam occupe une vraie place au niveau
international. Le Vietnam était une colonie française depuis que la France avait occupé le
royaume d’Annam vers le milieu du XIXème Siècle, il était incorporé dans l’Indochine.
Pendant la Deuxième Guerre Mondiale le Vietnam fût occupé entièrement et tardivement par
les forces japonaises, mais la présence française se faisait déjà moins sentir. Une volonté
indépendantiste était déjà présente et le 2 Septembre 1945 la République Démocratique du
Vietnam fut proclamée à Hanoï. Il s’en suivit la guerre d’Indochine qui a duré jusqu’en 1954.
Le 5 Juin 1948 avec les accords de la baie d’Along, la France reconnaît l’indépendance du
Vietnam, mais à l’ancien empereur Bao Daï et non à Hô Chi Minh. La guerre continue. Les
accords de Genève de 1954 mettent fin à la guerre et créent deux Etats avec la République
Démocratique du Vietnam au Nord et la République du Vietnam du Sud située au Sud du
17ème parallèle. Puis en 1956, la France se retire définitivement, la République du Vietnam du
Sud est alors soutenue par les Etats-Unis. Le nord du Vietnam dépendait, à l’époque, de la
Chine. Dès 1957, les combats reprennent et il s’en suit la guerre du Vietnam de 1964 à 1973,
puis entre 1974 et 1975 la guerre de réunification qui mit fin à l’existence de deux Vietnam
avec la victoire définitive des forces communistes de la République Démocratique du
89
Le Point du Jeudi 6 Septembre 2007, p.46.
http://www.lexpansion.com/.
91
http://www.lefigaro.fr/international/.
92
http://www.senat.fr/rap.
93
La Chine considère en effet que toute la mer de Chine fait partie de son territoire pour des raisons historiques.
94
BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.319.
95
http://www.un.org/french/.
90
23
Vietnam96. En Décembre1978 le Vietnam envahit le Cambodge, ce que la Chine désapprouve
et les relations entre les deux anciens alliés, déjà tendues depuis 1975, se crispèrent97. La
Chine ira même jusqu’à attaquer le Vietnam au nord en janvier 1979 pendant que le Vietnam
se tourne vers l’URSS pour un soutien98. Toutes ces guerres à répétition laissèrent le Vietnam
dans un mauvais état et dépendant de l’aide extérieure. Mais, après la chute de l‘URSS, qui se
fit sentir dès 1989 avec le retrait des troupes soviétiques de la base de Cam Ranh, le Vietnam
se trouvait sans protecteur face à son ennemi : la Chine. De plus, c’était une Nation au banc
du monde qui était sous le coût d’un embargo mené par les américains. Le Vietnam devait
alors changer sa politique s’il voulait s’adapter à ce nouveau monde. Le Vietnam s’est alors
ouvert, avec un premier geste dès 1989 avec le retrait de ses troupes du Cambodge99. En 1994
les américains ont levé leur embargo100, le 28 Juillet 1995 le Vietnam est accepté au sein de
l’ASEAN101, en 1999 et en 2000 il signe des traités de délimitation territoriale avec la Chine
pour sa frontière nord et la baie de Beibu/golf de Tonkin102 et il est entré à l’OMC depuis
Janvier 2007, ce qui est le couronnement de sa politique d’ouverture entamée après la chute
de l’URSS103. Cette ouverture s’accompagne d’une croissance économique d’entre 5 et 9%
depuis les années 1990 et qui amène son PNB par habitant à environ 500 dollars au début des
années 2000, et a fait baisser son taux de pauvreté de 55% en 1993 à 35% en 1998 sur une
population de 82 millions104. Le Vietnam a un chômage de 20% mais a aussi un fort potentiel
économique avec une culture du travail, une main d’œuvre pas très chère et des réserves de
pétrole et de gaz importantes qui pourront lui assurer un revenu important et une
indépendance énergétique précieuse105. Le Vietnam appelle les îles Spratlys les Truong Sa et
les a rattachées à la province de Khanh Hoa. Il a signé la Convention de Montego Bay le 10
Décembre 1982, puis l’a ratifiée le 25 Juillet 1994106.
Après avoir passé en revu les six protagonistes et les points importants de leur histoire et de
leurs caractéristiques nationales qui seront utiles pour mieux analyser le conflit, nous allons
nous pencher sur les autres pays qui jouent un rôle, même minime dans ce conflit.
96
BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 2, Hatier, Paris, 1996, pp.147-148.
BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 3, Hatier, Paris, 2001, p.85.
98
GUAN (A.), “ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, Security dialogue, Volume 30, Numéro 4,
Décembre 1999, p.426.
99
VAÏSSE (M.), Les relations internationales depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2002, p.191.
100
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.
101
http://www.aseansec.org/.
102
NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea,
the case of the South China Sea dispute”, UN-Nippon Foundation, New York, Décembre 2005, p.51.
103
http://www.wto.org/.
104
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.
105
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, op. cit., p.
106
http://www.un.org/french/.
97
24
b. Les acteurs secondaires
Il existe un certain nombre d’acteurs qui ont des rôles plus ou moins importants à
différentes époques du conflit et pour différentes raisons. Nous allons passer en revue le rôle
des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Indonésie et du Japon.
Nous verrons de façon rapide l’implication de ces pays dans le conflit, mais leurs rôles et les
conséquences de leurs implications reviendront dans différentes parties de ce mémoire
lorsqu’ils auront un effet sur le conflit ou sur une revendication. Mais nous aborderons aussi
l’ASEAN et son organe de discussion pour les problèmes de sécurité, l’ASEAN Régional
Forum.
Les Etats-Unis ont une forte présence militaire dans la région, malgré leur retrait de
leurs bases des Philippines, la VIIème flotte US est basée à Guam et patrouille beaucoup dans
les environs. Les Etats-Unis ont des accords avec de nombreux pays de la région pour
permettre à leurs navires de guerre et à leurs avions d’utiliser l’espace maritime et aérien
d’Etats de la région107. Les Etats-Unis veulent garder un œil sur cette région stratégique car
une partie de leur pétrole et de leur commerce extérieur passe par ses détroits108, ils veulent
surveiller la Chine, et des alliés proches sont dans la région et les USA ont des accords de
défense avec eux109. Ils tiennent beaucoup à la libre circulation des navires et à trouver une
solution pacifique à ce différend110. La présence des Etats-Unis dans la région est ancienne.
Ils étaient les colonisateurs des Philippines et ont mené une guerre contre le Vietnam du nord
entre 1964 et 1973.
La France était présente dans la région dans sa colonie de Cochinchine. Lors des
indépendances qui suivirent la Deuxième Guerre Mondiale, la Cochinchine s’est divisée en
plusieurs parties, dont une qui forme le Vietnam. La France a donc joué un rôle actif dans la
région du milieu du XIXème Siècle jusqu’au milieu du XXème Siècle.
La Grande-Bretagne était aussi une puissance coloniale dans la région car elle
dominait ce qui est aujourd’hui le Brunei et une partie de la Malaisie. Ils étaient aussi présents
à Hong-Kong jusqu’en 1997. La présence la plus importante, pour ce mémoire, de la GrandeBretagne est dans la fin du XIXème Siècle car deux de ses ressortissants et un de ses navires
auraient pris possession de ses îles au nom de la couronne111.
107
C’est le cas pour Singapour, les Philippines, la Malaisie, le Vietnam, le Brunei et d’autres.
Les Etats-Unis tiennent beaucoup à la libre circulation des navires et à leur sécurité. Voir GUAN (A.),
“ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, op. cit., p.427.
109
Le Japon, Taiwan et les Philippines surtout.
110
SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.324.
111
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes de la Chine”, Défense nationale, Février 1994, p.138.
108
25
L’Indonésie est un pays important dans le Sud-est asiatique. Dans le cadre du conflit
des îles Spratlys, il favorise le contact et le dialogue entre les protagonistes, et donc un moyen
de trouver une solution pacifique, en organisant des « Workshops » depuis les années 1990112.
L’Indonésie a tout intérêt à ce que la paix soit préservée dans cette partie du monde.
Le Japon a occupé certaines îles Spratlys pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Mais
elle avait déjà tenté d’exploiter du guano sur certaines îles entre 1918 et 1921113. Mais au
traité de San Francisco en 1952 et dans d’autres traités de paix d’après guerre, le Japon a
officiellement renoncé à revendiquer ces îles, même si l’extrême droite japonaise les réclame
encore aujourd’hui. Cette région est d’une importance capitale pour le Japon car beaucoup du
trafic maritime qui lui est vital tant pour ses exportations que pour ses importations transite
par cette zone, c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le Sud-est asiatique est le premier
bénéficiaire de l’aide japonaise. Le Japon veut surveiller l’attitude de la Chine de près car elle
pourrait avoir des répercussions sur son attitude concernant les différends territoriaux qu’ont
le Japon et la Chine sur d’autres îles de la région114. Depuis le milieu des années 1990, le
Japon voudrait jouer un rôle plus important pour faciliter une solution négociée, mais son
implication dans la région reste un sujet très sensible du fait de la Deuxième Guerre
Mondiale. Militairement le Japon ne dispose pas d’une grande armée, car d’après l’article 9
de sa Constitution elle ne peut uniquement disposer que d’une armée de défense, ce qui limite
sa possibilité d’action directe pour défendre ses intérêts par la force115.
L’ASEAN peut aussi jouer un rôle dans ce conflit. Cinq des six protagonistes sont
membres de l’ASEAN, et même si à la base l’ASEAN est plus une union économique, elle
devient une union politique depuis quelques années116. Selon Yves Lacoste ses plus grands
succès seraient dans le domaine de la diplomatie en réussissant à éviter des conflits entre ses
membres117. Ce qui est prometteur pour les Spratlys d’autant plus que l’ASEAN dispose d’un
organe qui peut être très utile pour amener une discussion dans un environnement favorable,
c’est l’ASEAN Regional Forum (ARF) créé en 1994. Son but affiché est de promouvoir le
dialogue sur les « major regional security issues in the region ». Les Spratlys étant un conflit
dans la mer de Chine fait partie de ces préoccupations118. Cet organe réunit, entre autres, les
112
DJALAL (H.), “Indonesia and the South China Sea Initiative”, Ocean Development and International Law,
Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.99. Voir aussi la partie sur la médiation et les bons offices.
113
ER (L.), “Japan and the Spratlys…”, op. cit., p.997.
114
Le Japon et la Chine ont un différend sur les îles Senkaku. Voir Ibid, p.996.
115
Le Japon a limité sa défense des voies de navigation à 1 000 miles marins autour de son territoire. Voir Ibid,
p.1004.
116
VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2005, p.28.
117
LACOSTE (Y.), dir., Dictionnaire de Géopolitique, Flammarion, Paris, 1993, p.207.
118
http://www.aseansec.org/.
26
six protagonistes du conflit sur les îles Spratlys. De plus l’ASEAN a récemment créé
l’ASEAN Security Community (ASC) qui a pour but de résoudre les conflits entre les pays de
l’ASEAN de manière pacifique119. Cet organe vient renforcer un point faible de l’ASEAN qui
était que ses pays membres avaient parfois du mal à se mettre d’accord entre eux, ce qui leur
posait préjudice face à d’autres acteurs plus puissants comme la Chine120.
B. Rapide historique
Dans cette partie nous allons faire un historique du conflit en parlant de tous les moments
importants qui pourraient influencer la solution finale du litige. Dans cet historique il est
important de faire une distinction entre trois temps. Nous allons commencer par regarder la
période ancienne qui va jusqu’en 1933 quand le conflit était principalement entre le Vietnam
et la Chine (1.). Puis, dans un deuxième temps nous allons regarder la période qui court de
1933 à 1956 qui amène une multiplication des acteurs et des revendications (2.). Enfin, dans
un troisième temps vient la période de 1956 à 2002 qui est marquée par une hausse des
tensions, des accrochages, des occupations et également une multiplication des acteurs (3.).
1. L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques
Cette période est souvent citée comme étant le point de départ de l’administration ou de
l’occupation chinoise ou vietnamienne. Ils font référence à de nombreuses cartes et
documents anciens qui, selon eux, prouvent leur souveraineté effective sur ces îles. Ces îles
étaient fréquentées depuis longtemps par des pêcheurs, et étaient connues par les navigateurs
comme posant un danger. Ces navigateurs venaient de différents horizons : indiens, perses,
arabes, portugais, français, espagnols, hollandais, britanniques, …121 Ils avaient identifié ces
îles sur de nombreuses cartes122. Les chinois font référence à des documents qui datent du
deuxième siècle avant Jésus-Christ et qui diraient que les chinois avaient découverts les îles à
cette date123. Ce même auteur parle de documents datant de 111 avant JC, de la période de la
dynastie Han (206 avant JC à l’an 24) et de la dynastie Ming (1368 à 1644) qui évoqueraient
une administration effective chinoise. L’auteur évoque aussi des fouilles archéologiques qui
119
http://www.aseansec.org/.
VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, op. cit., p.29.
121
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.38.
122
Idem, p.57.
123
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871.
120
27
auraient permis de trouver les restes d’une occupation chinoise sur les îles datant d’entre 618
et 1272124. Néanmoins ces affirmations doivent être prises de manière suspecte car l’auteur est
chinois et prend clairement position en faveur de son pays ; c’est d’ailleurs souvent le cas des
auteurs chinois. Il est vrai qu’il existe un certain nombre de documents chinois qui font état
d’îles dans la mer de Chine125. La première carte des îles daterait des années 1403-1433 et
serait chinoise126. Le Vietnam, qui était connu sous le nom d’Empire d’Annam à l’époque, fait
aussi référence à des documents anciens, même s’ils sont plus rares que les chinois du fait de
la destruction d’un certain nombre pendant les différentes guerres du pays. Les preuves les
plus anciennes documentées et citées comme preuve par les Vietnamiens remontent au milieu
du XVème siècle. Après cette période, il y a plus de documents avec un certain nombre de
cartes127, mais aussi des documents officiels du tout début du XVIIIème siècle qui parlent de
cartographier précisément les îles, de les exploiter et de créer une compagnie à cette fin128.
Néanmoins, dans cette période, la distinction entre les îles Spratlys et un autre archipel situé
plus au nord-ouest de la mer de Chine, les îles Paracels, n’était pas bien faite129 ce qui pose
des problèmes d’interprétation sur lesquels nous reviendrons dans la partie consacrée plus
spécifiquement aux revendications et à leurs lacunes. La dernière précision importante qu’il
faut apporter sur cette période est le lien qui existait entre l’Empire d’Annam et la Chine
impériale. L’Empereur de Chine était le suzerain de celui du royaume d’Annam, mais
l’Empire d’Annam n’était pas dans une situation de « mi-souveraineté ». Le lien, flou, qui
liait les deux empires était plus de la nature d’une « allégeance religieuse accompagnée d’un
tribut de périodicité variable »130. Le lien qui existe donc entre la Chine et le Vietnam n’est
pas comparable à celui qui lierait un Etat vassal à son Etat suzerain en Occident131. Ce lien fût
définitivement rompu en 1884 avec la signature du traité de protectorat français et le geste
symbolique de destruction par le feu du sceau chinois132.
Par ce traité de 1884, le Vietnam devient un protectorat français avant de devenir une colonie
quelques années plus tard. La France est l’héritière de l’Empire d’Annam, et ce sont ses actes
qui ont une importance pour la souveraineté sur les Spratlys à partir de cette date. Au début de
124
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871.
Pour une liste plus détaillée, voir CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.38 à 64.
126
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.62.
127
ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.192.
128
Pour une liste plus détaillée, voir CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.64 à 72.
129
Idem, p.58.
130
Idem, p.75.
131
HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends maritimes dans la mer de Bien Dong (Mer de Chine
méridionale), Pedone, Paris, 2004, p.223.
132
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.77.
125
28
son occupation du Vietnam, la France évitait délibérément, selon certains auteurs, de faire des
déclarations de souveraineté sur les îles de la mer de Chine133. Cela serait le cas pour le Traité
franco-chinois du 26 Juin 1887 qui organisait la délimitation de la frontière entre la Chine et
le Tonkin et dans lequel les revendications sur les îles de la mer de Chine n‘ont pas été
abordées. A partir de cette date, il s’en suit une période de calme durant laquelle aucune
revendication n’est clairement exprimée et il est très rarement question des Spratlys, tant dans
les documents français que chinois. Autour de la fin des années 1920 et du début des années
1930 le Japon montre un intérêt croissant pour ces îles avec une communication accrue dessus
et une exploitation du phosphate par une compagnie japonaise. La France, après une période
de doute et d’accumulation d’informations sur les actions qui avaient été entreprises par
l’Empire d’Annam sur ces îles, a réagi et pris des actions dans le sens de l’appropriation. Elle
s’informe d’abord de la possibilité d’une revendication des Philippines car elle considère que
ces îles sont plus proches des Philippines, mais quand elle reçoit une réponse qui dit que les
Philippines ne sont pas intéressées par ces îles elle réagit134. Elle notifie les Etats tiers par un
communiqué daté du 23 Septembre 1930 « l’occupation par la France de l’archipel des
Spratlys »135. Puis, le 26 Juillet 1933 la France publie une déclaration de souveraineté au
Journal Officiel de la République Française qui revendique six îles de l’archipel d’après une
situation de res nullius136. Cette déclaration est contestée par le Japon qui dit occuper ces îles
depuis 1917137 et qu’une compagnie japonaise nationale exploite le guano sur ces îles138.
Certains auteurs affirment que la Chine aurait protesté139, mais d’autres affirment qu’elle
n’aurait rien dit140. Aucun des auteurs que j’ai lu ne fait référence à des documents pour
prouver ce qu’ils ont avancé, et dans les deux cas plusieurs auteurs parlent de chaque version,
le doute persiste donc. La Grande-Bretagne aurait été consultée sur le sujet car certains de ses
sujets avaient occupés les îles en 1877 et un de ses navires aurait planté le drapeau britannique
en 1874141, mais sa réponse fût une de non-revendication car elle aurait considéré qu’elle ne
disposait pas d’assez d’arguments juridiques142. Cette version est aussi contestée par Harry
133
CORDNER (L.), “The Spratlys…”, op. cit., p.65.
D’après CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté, op.cit., p.105 le Consulat français à Manille
aurait demandé aux Philippines leur éventuel intérêt pour ces îles le 22 Mars 1929.
135
Idem, p.105.
136
Annexe 1.
137
CORDNER (L.), “The Spratlys…”, op. cit., p.65.
138
ER (L.), “Japan and..“, op. cit., p.997.
139
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…” , op. cit., p.192.
140
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.105.
141
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.138.
142
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.107.
134
29
Roque Jr., mais dans ce cas les arguments d’une non-revendication de la Grande-Bretagne
semblent plus convaincants.
2. De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon
La publication du titre de souveraineté de la France marque un point tournant dans le
conflit. En effet, il semble que ce soit la première vraie revendication officielle que l’on
puisse retrouver. Cette publication au JO amène aussi une hausse des tensions dans le conflit,
surtout avec le Japon, et ensuite avec la Chine. En effet, les années 1933-1952 sont marquées
par l’intrusion du Japon dans le conflit. Le Japon a protesté contre le titre de souveraineté de
la France paru en 1933 ; puis en 1939 il est allé plus loin en occupant les Spratlys, c’est
d’ailleurs la première occupation militaire enregistrée. La France proteste143, mais je ne
retrouve aucune trace d’une protestation chinoise. En mars 1939 elle les annexe et les rattache
à la province de Taiwan144. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le Japon a construit une
base pour sous-marins sur la plus grande des îles, Itu Aba, c’était dans sa logique de se créer
un empire en Asie et ces îles étaient stratégiquement placées145. Après sa défaite le Japon ne
quitte pas les îles immédiatement, ses troupes seront désarmées par les forces de Tchang KaiShek qui occuperont ensuite l’île d’Itu Aba à partir de 1946. Taïwan affirme que les alliés
avaient mandaté la Chine pour qu’elle désarme les troupes japonaises, mais dans le Traité de
Tchoung-King du 28 Février 1946 il est stipulé que la Chine ne doit agir qu’au Nord du 16ème
parallèle, les Spratlys étant situées en-dessous146. Taïwan retire ses troupes en 1950 après que
les troupes chinoises de Mao aient atterri sur l’île de Hainan147. Le Japon renonce à tous ses
droits sur les Spratlys dans le Traité de San Francisco de Septembre 1951, mais,
contrairement à ce que veulent faire croire la Chine et Taïwan, ces îles n’ont été attribuées à
personne148. Aucun des deux gouvernements chinois n’avait été invité à cette Conférence de
San Francisco, mais une résolution fut proposée par l’URSS pour rajouter dans la liste des îles
qui doivent retourner à la Chine, les Paracels et les Spratlys, mais elle fut rejetée par 49 des 52
pays présents149. Néanmoins, pour la Chine et Taïwan, l’affirmation selon laquelle le Japon
aurait renoncé à tous ses droits sur les Spratlys au profit de la Chine serait confirmée dans le
143
Idem, p.106.
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.192.
145
ER (L.), “Japan and...“, op cite, p.997.
146
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.110.
147
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64.
148
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.193.
149
Ibid.
144
30
Traité signé en Avril 1952 entre la Chine et le Japon. Mais, mis à part les auteurs chinois,
aucun auteur ne vient confirmer cette revendication, bien au contraire. De plus, le Japon ne
soutient aucune des revendications des six protagonistes ; comme le Japon est co-contractant
son interprétation est importante et elle contredit la version chinoise, la rendant donc caduc150.
La France pendant ce temps essaye de nouveau de revendiquer les Spratlys au nom de
l’Annam avec différentes déclarations et quelques actes. En 1947 la France propose de
nouveau151 à la Chine de porter l’affaire devant la Cour Internationale de Justice, proposition
que la Chine refuse152. Certaines discussions et correspondances indiqueraient même que le
Ministère des Affaires Etrangères voulait que ces îles deviennent des Territoires d’Outre Mer.
La dernière trace de cette revendication date de Juillet 1955153. La France se retire
définitivement du Vietnam en 1956 après les Accords de Genève de 1954 et à partir de cette
date ne dit plus rien sur les îles, même si formellement elle n’aurait pas abandonné ses
prétentions154. Elle laisse derrière elle un Etat divisé en deux : République Démocratique du
Vietnam et la République du Sud Vietnam. Pendant cette période d’après-guerre, dés qu’un
représentant de l’un des deux Vietnam pouvait s’exprimer dans le sens de la souveraineté du
Vietnam sur les Spratlys, il le faisait, notamment à la Conférence de San Francisco par le
représentant de l’Etat associé du Vietnam. Cette déclaration est vue par certains comme la
première déclaration moderne de souveraineté du Vietnam sur les Spratlys155.
3. De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit
Le départ de la France en 1956 amène plusieurs changements. D’abord un de succession
entre la France et les différents gouvernements du Vietnam ; puis un d’occupation car Taiwan
réoccupe Itu Aba, et le Vietnam occupe pour la première fois les Spratlys, dès son
indépendance ; et finalement une multiplication des acteurs dès les années 1950.
Le départ de la France et l’indépendance du Vietnam pose tout d’abord la question de la
succession. Il est important de déterminer quelle voix succède à la France, et donc à l’Empire
d’Annam car il existe trois différents gouvernements qui revendiquent la représentation du
Vietnam. A la place du Vietnam, à partir de l’Accord de Genève, il existe maintenant deux
150
ER (L.), “Japan and...“, op. cit., p.996.
La France a proposé pour la première fois à la Chine un arbitrage international en 1937, voir CHEMILLIERGENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.117.
152
Idem, p.111.
153
Idem, p.112.
154
Idem, p.124.
155
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872.
151
31
Vietnam avec deux gouvernements distincts. Puis, à partir de 1969, au Sud Vietnam, il existe
aussi un Gouvernement Révolutionnaire Provisoire (G.R.P.) qui est l’allié du Vietnam du
Nord. Il semblerait que les trois gouvernements soient les successeurs de la France et que tous
les actes qu’ils prennent peuvent être retenus comme des actes du Vietnam156. Mais la
question de succession se repose en 1975 lorsque le Vietnam est enfin réunifié après 30 ans de
division. En effet c’est le Nord qui envahit le Sud, et donc de ce fait le Nord devrait être le
successeur, mais les Accords de Genève en 1954 placent les Spratlys sous le contrôle du
Vietnam du Sud, ce qui voudrait dire que pour les actes relevant des Spratlys les voix du
gouvernement du Sud Vietnam et possiblement celle du G.R.P. soient celles qu’il faille
écouter157. Les chinois argumentent que seuls les actes de la République Démocratique du
Vietnam sont ceux qu’il faut garder car elle a gagné la guerre, cette version serait favorable
aux revendications chinoises, mais elle est fortement contestée par d’autres auteurs158. La
succession du Vietnam en 1975 n’est donc pas claire et cette multiplication des voix rend les
arguments du Vietnam un peu moins audibles.
L’année 1956 fût aussi une année d’action. En effet, dès le départ des troupes françaises du
Vietnam, les troupes du Sud-Vietnam occupent quelques îles des Spratlys au nom de leur
gouvernement159. Le Sud Vietnam rattacha dès octobre 1956 les Spratlys à la province de
Phuoc Tuy. La même année Taiwan reprend pied sur l’île d’Itu Aba et ne la quitte plus
depuis160. Un troisième acteur, les Philippines entrent en scène cette année-la. Thomas Cloma,
un avocat, agit en temps que citoyen privé pour revendiquer les îles et il y débarqua161. Il
occupa quelques îles, déclara qu’il les avait découvertes en 1947 et nomme l’ensemble
« l’Etat de Kalayaan ». Cette revendication privée n’est pas officiellement supportée par les
Philippines à cette date. Ces occupations diverses amenèrent les protestations de la Chine162.
Ces protestations seraient supportées par le gouvernement de la République Démocratique du
Vietnam (RDV) qui aurait déclaré cette même année que les Spratlys seraient un territoire
chinois. Mais il faut savoir qu’à cette époque la Chine était l’allié principal de la RDV qui
dépendait de son aide militaire et économique dans sa guerre contre le Sud et les Etats-Unis.
Ce fait donnait un pouvoir de levier extraordinaire à la Chine et pourrait faire douter de la
156
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.118.
Idem, p.123.
158
Idem, p.121.
159
Idem, p.119.
160
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64.
161
Idem, p.66.
162
ROQUE (H.), “China’s claim to …”, op. cit., p.194.
157
32
sincérité de ces dires rapportés. La même opinion fût émise de nouveau en 1958 par le
Premier Ministre de la RDV163.
Après cette année 1956 très active, le conflit ne cessa de gagner en importance. Les
années 1973 à 1975 furent aussi très importantes. En 1973 le Sud-Vietnam occupa plus d’îles,
et en 1975 il transféra ces îles aux forces de la RDV qui réaffirma sa souveraineté sur ces îles,
en contradiction avec ses affirmations de 1956 et 1958 ce qui pourrait nous amener à dire que
ces paroles ont étés affirmées sous pression de la Chine. Pendant cette période, le G.R.P. a
toujours revendiqué les Spratlys comme territoire du Vietnam et a proposé à plusieurs reprises
une solution négociée164. Cette affirmation de la souveraineté contribua à empirer les relations
entre le Vietnam nouvellement unifié et la Chine. En 1974, Thomas Cloma transféra la
« souveraineté » du groupe de Kalayaan aux Philippines, et en 1978 le Président Marcos
publia un décret qui affirmait que ces îles faisaient partie du territoire des Philippines165. Il
avait au préalable renforcé les structures militaires sur les îles occupées depuis 1971 par les
troupes des Philippines suite à un accrochage avec des forces de Taiwan basées sur Itu Aba,
les Philippines n’avaient pas revendiquées les îles à ce moment-là. Cette reprise de l’activité
fût suivie en 1979 de la part de la Malaisie par la publication d’une carte délimitant son
plateau continental et qui incorpore certaines îles des Spratlys. Ensuite, entre 1983 et 1986 la
Malaisie occupa certaines îles du groupe revendiqué166. Puis de nouveau en 1999 elle
s’appropria d’autres îles après un conflit avec les Philippines167.
La situation connut un rebond dramatique en 1987 avec le premier incident sérieux entre deux
protagonistes qui amena la perte de navires chinois et vietnamien et plus de 100 morts côté
vietnamien168. En 1988 la Chine attaqua de nouveau les troupes vietnamiennes pour les
déloger de 6 îlots. La Chine coula deux ou trois navires vietnamiens et il y eu environ 80
morts169. C’était la première occupation militaire des îles par la Chine. La Chine avait pénétré
dans la zone en premier en 1997 sous prétexte d’effecteur des recherches sur le vent pour le
compte de l’UNESCO170. Le prochain incident violent, entre la Chine et les Philippines, eut
lieu entre 1995 et 1997 quand la Chine expulsa les forces des Philippines stationnées sur
163
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66.
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.121.
165
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66.
166
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872.
167
TIGLAO (R.), “Seaside boom”, Far Eastern Economic review, Volume 162, 8 Juillet 1999, Hong Kong, p.14.
168
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy, and geo-politics in
the South China Sea”, The international journal of marine and coastal law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998,
p.209.
169
http://www.quid.fr/.
170
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.106.
164
33
Mischief Reef. Cette occupation avait été précédée d’une Loi du 25 Février 1992171 qui
délimitait la mer territoriale et les zones contiguës de la Chine, et qui incluait les Spratlys
comme territoire chinois172. Cette loi donnait la possibilité à la Chine d’utiliser la force pour
défendre les îles173. Le 26 Juin 1998, la Chine proclama une loi sur sa Zone Economique
Exclusive et son plateau continental qui incorpore les Spratlys174. La même année, Taïwan
publia une carte qui incluait officiellement les Spratlys comme territoire taïwanais.175. En
1999, de nouveaux incidents eurent lieu autour de Mischief Reef176.
Le Brunei-Darussalam est le seul à ne pas occuper une île des Spratlys. Il publia une carte à
son indépendance en 1984 qui incluait dans sa ZEE un îlot des Spratlys, Louisa Reef. Cette
revendication fût confirmée par une autre carte en 1988 qui délimitait son plateau
continental177. Mais dès 1982 le Brunei avait sous-entendu de par sa loi maritime qu’elle
pourrait revendiquer une partie des Spratlys178.
Dans les années 1980 et1990 tous les protagonistes ont donc augmenté le nombre d’îles qu’ils
occupaient et ont renforcé les structures militaires présentes sur les îles. De nombreux
incidents entre des pêcheurs et des forces armées ont été relatées, ainsi que des protestations
sur des voyages organisés de journalistes, de projets de complexe touristique, des exercices
militaires près de la zone, des voyages touristiques et des concessions pétrolières ont été
accordées à des compagnies étrangères.
Les années 1990 ont aussi été favorables à des batailles sur l’attribution de zones
d’exploration ou d’exploitation pour les Spratlys qui sont considérées comme étant riches en
hydrocarbures179. La Chine fut la première à signer un accord pétrolier d’exploration en 1992
avec la Crestone Energy Corp., une société américaine, pour une zone située au sud-ouest des
Spratlys180. Le Vietnam protesta d’autant plus que c’était une zone située juste à côté d’une de
ses zones d’exploitation off-shore. En avril 1994 le Vietnam accorda une concession à un
ensemble de compagnies mené par Mobil Oil situé juste à l’Ouest de celui accordé par la
Chine, il s’en suivit des incidents entre navires dans ces zones181. Puis, c’est au tour des
Philippines d’accorder un droit d’exploration à Vaalco Energy en mai 1994 dans une zone de
171
Annexe 3.
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.110.
173
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.106.
174
Annexe 5.
175
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.107.
176
GUAN (A.), “ASEAN, China and…”, op. cit., p.426.
177
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66.
178
Annexe 2.
179
Voir la partie sur les intérêts économiques de ces îles.
180
CHANDA (N.), “Treacherous shoals”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992, p.15.
181
LABROUSSE (H.), “Quelle solution…, op. cit., p.134.
172
34
l’est des Spratlys182. Les Philippines ont plus récemment accordé des droits d’exploration à
Alcorn Petroleum, alors que le Vietnam accordait des droits à Conoco183. Seuls ces trois pays
ont accordé des droits d’exploration ou d’exploitation à des compagnies pétrolières, mais cela
suffit à augmenter les tensions entre les protagonistes et à créer des incidents d’autant plus
qu’ils déclarent qu’ils protégeront les concessions accordées par la force si nécessaire.
Après ces provocations diverses qui ont fait craindre un affrontement armé plus grave
dans les années 1990, des tentatives pour faire baisser les tensions ont été entreprises. La
première de ces tentatives fut les « Workshops on Managing Potentiel Conflicts in the South
China Sea » commencée en 1990 en Indonésie avec les pays de l’ASEAN, puis avec la Chine
à partir de 1991184. C’est une réunion informelle qui se réunit tous les ans. Il y eut ensuite la
Déclaration de Manille de 1992 qui joua un rôle important185, ainsi que des accords entre les
Philippines et la Chine et entre les Philippines et le Vietnam en 1995 sur des principes pour un
code de conduite186. 1995 fut aussi la date où la Chine accepta des négociations multilatérales
pour la première fois. Ces négociations ont abouti en 1997 et 1998 sur des déclarations et une
volonté d’arriver à rédiger un Code de conduite pour la mer de Chine187. Elles ont débouché
en 2002 sur la signature de la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine
méridionale. Notre revue rapide des points importants de l’historique s’arrête à cette date,
mais il sera fait une analyse plus en profondeur de cette Déclaration ainsi que des accords
pétroliers récents qui semblent tirer ce conflit vers une issue positive.
4. Les notions de date critique et de cristallisation du différend
appliquées aux Spratlys
Parmi toutes les dates que nous avons vues, il en existe certaines qui semblent plus
importantes que d’autres. Ces dates pourraient correspondre à la notion de date critique ou de
cristallisation du différend. Ces notions sont abordées dans le cas des Spratlys par Monique
182
TIGLAO (R.), “Troubled waters”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 30 Juin 1994, Hong Kong,
p.20.
183
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.195.
184
DJALAL (H.), “Indonesia…”, op. cit., p.99.
185
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around the South China
Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.133.
186
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around the South China
Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p136-137.
187
BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes after the 2002 declaration: beyond confidence-building”,
Institute of Southeast Asian studies, 2005, p.347.
35
Chemillier-Gendreau188, Harry L. Roque Jr.189 et Nguyen Hong Thao190 qui proposent un
certain nombre de dates qui pourraient être considérées comme étant une date critique ou un
moment de cristallisation du différend. La notion de date critique correspond à une
« Date ou période pertinente pour établir le contenu d’une situation
juridique et à laquelle il faut se placer pour apprécier les droits respectifs
des parties et à partir de laquelle les actions unilatérales des parties ne
sont plus susceptibles de modifier leurs droits respectifs »191.
Il y a deux choses importantes à retenir de cette définition. Tout d’abord le fait qu’une date
critique peut être une « date » ou bien une « période ». Ensuite, c’est le fait qu’après cette date
les actions des parties « ne sont plus susceptibles de modifier leurs droits respectifs ». Les
critères qui permettraient de définir cette date critique ne sont pas clairement définis, et
chaque différend est un cas unique et doit être traité de la sorte192. Cette notion est souvent
utilisée dans la jurisprudence mais n’est pas obligatoire.
La notion de cristallisation du différend est plus vague. Elle correspondrait à « une situation
bloquée »193. Mais je n’ai pas trouvé de définition plus précise venant de sources différentes.
Dans le cas du différend relatif aux Spratlys la cristallisation du différend pourrait
correspondre à l’arrivée des Philippines, en 1951, ou de la Malaisie, en 1979, dans le
différend, car cette multiplication d’acteurs aurait braqué les autres Etats.
Les dates des Spratlys qui pourraient correspondre à celle de date critique sont multiples. La
détermination de cette date, ou période, est d’une grande importance car les revendications
sont multiples et étalées dans le temps, ce qui fait que cette date pourrait exclure certains pays
qui se sont exprimés tardivement sur la question. Les différentes dates évoquées sont les
années 1884-1887 avec l’arrivée de la France et le Traité sur les frontières franco-chinoises ;
1933 avec l’avis de souveraineté de la France ; 1937 ou 1947 avec la proposition de la France
de porter le litige en arbitration ; 1939 avec l’invasion du Japon ; 1951 avec l’arrivée des
Philippines, la Conférence de San Francisco et le Vietnam qui retrouve une part de sa
souveraineté ; 1954-56 avec le départ de la France, l’entière souveraineté du Vietnam,
188
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.90-93.
ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.202.
190
HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses…, op. cit., p.272-275.
191
SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.293.
192
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, L’Harmattan,
1996, Paris, p.91.
193
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.91.
189
36
l’occupation de certaines îles par Thomas Cloma, le Vietnam et Taiwan ; les possibilités sont
nombreuses et toutes ont possiblement des effets différents sur la solution trouvée.
C. Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public
Il existe en Droit de la Mer une distinction entre une « île », un « rocher » et des « hautsfonds découvrants ». La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer194, signée en
1982 à Montego Bay et entrée en vigueur en 1994, les définit. 148 Etats y sont parties au
premier février 2005195, dont cinq des six protagonistes196. Seul Taïwan ne l’a pas signé ni
ratifié car selon l’article 305 de la Convention, Taiwan n’étant pas dans le système des
Nations Unies197 il ne peut donc pas être partie à la Convention. Ce qui ne l’empêche pas de la
respecter198. Certains auteurs parlent de « Constitution de la Mer »199 et elle est vue comme un
des plus grands succès du Droit International réalisé par les Nations Unies200. Nous nous
servirons très largement de la Convention de Montego Bay dans cette partie. Nous
commencerons par déterminer dans un premier temps dans quelle catégorie les îles Spratlys
rentrent, celle d’une « île », d’un « rocher » ou des « hauts-fonds découvrants » (1.). Puis,
dans un deuxième temps il s’agira de différencier les différentes sortes d’îles, car il existe des
différences dans les droits qui sont attachés à ces différentes définitions (2.).
1. Iles habitables, ou rochers ?
Dans la Convention de Montego Bay, à l’article 121.1, une définition de ce qui est
entendu par « île » est donnée. Nous verrons cette définition et les conditions posées dans une
première partie (a.). Il existe aussi une différence, détaillé à l’article 121.3, entre une « île »
qui est capable de soutenir une vie et une activité économique propre et celles qui ne le sont
pas, et qui sont considérées comme des « rochers ». Nous verrons donc dans une deuxième
194
Les termes Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, Convention de Montego Bay ou Convention
seront utilisés indifféremment tout au long de ce mémoire.
195
Source: www.ladocumentationfrancaise.fr.
196
Brunei-Darussalam a ratifié la Convention le 5 Novembre 1996, La Chine le 7 Juillet 1996, La Malaisie le 14
Octobre 1996, les Philippines le 8 Mai 1984 et le Vietnam le 25 Juillet 1994.
197
SHAW (Y.), “Taiwan: a view from Taipei”, Foreign affairs, Eté 1985, p.1050.
198
Source: LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea…”, op. cit., p.325. Toutes les politiques suivies par le
gouvernement de Taiwan en rapport avec le Droit de la Mer et détaillées dans cet article suivent la Convention
de Montego Bay.
199
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.183.
200
Source: NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., p.2.
37
partie dans quelle catégorie rentrent les Spratlys (b.). Puis dans une troisième partie nous
parlerons du statut d’archipel pour les Spratlys (c.). Nous allons ainsi commencer par regarder
si les Spratlys sont bien des « îles » au sens de la Convention.
a. Qu’est-ce qu’une « île » ?
La première distinction qu’il tient de faire est une entre une « île » et un « hauts-fonds
découvrant ». Nous commencerons donc par regarder si les Spratlys doivent être considérées
comme des « haut-fonds » ou des « îles ». L’article 121 paragraphe 1 de la Convention de
Montego Bay donne la définition d’une « île » avec les critères dont il faut tenir compte. Pour
cet article une « île » est : « …une étendue naturelle de terre entourée d'eau qui reste
découverte à marée haute. ». Il y a donc plusieurs points importants sur lesquels il faut
revenir. En premier lieu la notion « d’étendue naturelle ». Ceci exclut donc toutes les
constructions humaines qui ont pour but d’élever artificiellement le niveau de l’île qui serait
alors considérée comme une île artificielle et donc non-naturelle201. En revanche, comme le
précise Monique Chemillier-Gendreau, la nature de la terre n’est pas importante202. Cette
première condition fait que beaucoup des îles des Spratlys ne rentrent pas dans la catégorie
« île », mais plus dans celle de « hauts-fonds découvrants ». En effet, tous les protagonistes,
sauf le Brunei-Darussalam, ont construit des fortifications militaires sur des îles afin de les
rendre habitables203. La Malaisie, par exemple, a construit une piste d’atterrissage entre deux
îlots afin de les rendre praticables204.
La deuxième condition est que la formation doit être « entourée d’eau ». Cela semble
assez logique, et ne fait pas de doute dans le cas des Spratlys.
La troisième condition posée par cette définition est celle de « (rester) découverte à
marée haute. ». Ici encore, cette condition exclut un certain nombre d’étendues naturelles de
terre des Spratlys de la catégorie des îles. La plupart de ces étendues de terre sont petites et
recouvertes à marée base205. Il a même été reporté que des militaires chinois montaient la
garde sur des îlots avec de l’eau jusqu’aux genoux à marée haute206. Néanmoins, cette
201
DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses Universitaires de
France, Paris, 1984, p.28.
202
Ibid
203
BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.295.
204
Annexe 14.
205
YALOWITZ (G.), “Spratly spats are serious”, US News and World report, 28 Mars 1988, p.36
206
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.69.
38
deuxième condition est plus sujette à interprétation207. En effet, il est posé la question des
marées exceptionnelles et des tempêtes dans cette zone de la mer de Chine qui est
régulièrement balayée par des typhons dont les vagues recouvrent ces étendues de terre208.
Mais, d’après les interprétations des auteurs spécialistes du Droit de la Mer les marées
exceptionnelles sont à prendre à part des marées normales. En effet, comme le rappelle
Marius Gjetnes209 en citant la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, lorsqu’une
disposition d’un traité n’est pas claire elle doit être : « interprété(e) de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet
et de son but. » (Article 31.1). Ensuite, il cite l’article 32 de la même Convention de Vienne
qui est relatif à l’utilisation des travaux préparatoires pour interpréter un traité lorsque « le
sens est ambigu ou obscur » (article 32.a) ou que le « résultat est manifestement absurde ou
déraisonnable » (article 32.b). Finalement, Marius Gjetnes cite l’article 33 qui est relatif à
l’interprétation d’un traité lorsqu’il est traduit en plusieurs langues210. Ce sont ces dispositions
de la Convention de Vienne qui font que les auteurs arrivent à cette conclusion. Ce qui fait
qu’au final, seul une dizaine de ces formations satisfont la définition légale « d’île ».
b. « Iles » ou « rochers »
L’article 121(3) fait une différence entre une île « qui (…) se prêtent (…) à l'habitation
humaine ou à une vie économique propre » et une qui ne s’y prête pas, et est donc considéré
comme un « rocher ». Cette différence est essentielle car elle ouvre droit à différents
avantages. Cette question est souvent étudiée par les auteurs qui se penchent sur les Spratlys
et donnent lieu à des interprétations car les termes sont flous. Il faut donc garder à l’esprit en
continu les dispositions de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités cité
précédemment. La jurisprudence amène un premier critère, celui de la taille. En effet, le
critère de la taille a été abordé plusieurs fois lors de règlement de différends : lors d’un
jugement de la Cour Suprême Norvégienne en 1996 relatif au tracé de la ligne de base autour
de l’archipel des Spitzberg et à la zone de pêche qui en découlait, puis lors de la décision de la
Cour Internationale de Justice dans le cas Jan Mayen211. Ce critère de la taille fait que
207
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.192
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
209
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.193.
210
Ces articles de la Convention de Vienne sont très importants et seront utilisés plus tard lors de divers
interprétations de traités internationaux.
211
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.193.
208
39
certaines îles rentrent automatiquement dans la catégorie des îles. Mais la taille des îles en
question212 lors de ces deux jugements comparée à celle de la plus grande des Spratlys213 fait
qu’aucune des Spratlys ne peut être qualifiée automatiquement du seul fait de sa taille comme
une « île ». Ce critère de la taille est donc limité, et les auteurs de la Convention de Montego
Bay, d’après les travaux préparatoires, ne voulaient pas se baser uniquement sur ce critère de
la taille214. Ils ont donc précisé la définition avec deux critères supplémentaires.
Le deuxième critère, qui est apporté par l’article de la Convention, est celui de
« l’habitation humaine ». Cela pose plusieurs questions car la formule est vague215. En
premier, il faut préciser que cette condition ne pose pas forcément qu’il y ait, ou qu’il y ait eu
une vie humaine, mais seulement qu’elle y soit possible, que l’île s’y prête216. Néanmoins,
comme le souligne Marius Gjetnes, le meilleur moyen pour savoir si une « habitation
humaine » est possible est de voir si elle existe, ou existait. De plus, si une population est
présente, les travaux préparatoires indiquent qu’elle n’est pas obligée de résider de manière
continue sur l’île, mais elle doit être plus que juste un refuge, ou un lieu de passage217.
La deuxième question est celle de la taille de la population qui habiterait l’île. Rares sont les
auteurs qui s’aventurent à donner un chiffre précis. Certains parlent de « communauté
stable »218, d’autres sont un peu plus précis et disent qu’il faut la possibilité d’une « résidence
stable d’un groupe d’êtres humains »219. Marius Gjetnes s’aventure à donner une fourchette
en parlant d’une population comprise entre cinq et cinquante personnes, mais ces chiffres ne
peuvent être qu’indicatifs et il faut étudier la question au cas par cas, île par île.
La troisième question est celle de la composition de la population. Certains avancent que le
type de population n’a pas grande importance, même si la présence d’une famille serait un
argument important, par exemple s’ils accompagnent des pêcheurs220. Néanmoins il semble
que certaines catégories de populations soient exclues. En effet, les travaux préparatoires de la
Convention indiqueraient que sont exclus de la catégorie de la population les soldats, les
gardiens de phares ou du personnel présent uniquement pour des raisons de préservation de
l’environnement ou scientifiques. De plus, étant donné l’utilisation du terme « se prêter », cela
212
Dans le premier cas l’île d’Abel fait 13,2 km², puis dans le deuxième cas l’île de Jan Mayen fait 54,8 km de
long. Ibid.
213
Itu Aba fait 36 hectares.
214
Idem, p.194.
215
DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses Universitaires de
France, Paris, 1984, p.49.
216
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.195.
217
Idem, p.196.
218
Ibid.
219
Ibid.
220
Idem, p.200.
40
élimine tous les artifices qui peuvent être ajoutés pour rendre l’île habitable221, tel un phare ou
une caserne comme c’est le cas sur de nombreuses formations dans les Spratlys.
Finalement, la présence d’eau douce, de terre fertile et d’autres ressources naturelles peut faire
correspondre une étendue de terre à la définition d’une « île ». Mais, pour être décisif il faut
que ces ressources servent à une population locale qui dépend des ressources de la mer qui
l’entoure. Cet argument fut avancé par la Norvège en 1951 devant la Cour Internationale de
Justice lors de l’Affaire de sa zone de pêche qui le jugea comme convaincant222. L’idée
principale derrière cette première condition est que si il y a une population côtière et qu’elle
dépend des ressources de la mer pour vivre il faut lui permettre de les exploiter et de les
protéger en lui accordant une ZEE.
Le troisième critère est celui d’une « vie économique propre ». Là encore, plusieurs
questions se posent du fait de l’ambigüité de la formule. En premier lieu il tient de savoir si la
mer territoriale de 12 miles marins autour de l’île peut être associée à l’île et donc si les
activités économiques qui s’y déroulent peuvent supporter la qualification comme « île » de
l’élévation. Cette question fut soulevée lors des négociations par plusieurs représentants de
pays de l’Océan Pacifique. Ils ont souligné la possibilité pour une île de vivre de la pêche
dans ses eaux territoriales, ou de ressources naturelles dans le sous-sol de sa mer territoriale.
Une interprétation littérale du terme « vie économique propre » nous amènerait à penser que
la mer territoriale ne peut être rattachée de la sorte à l’île. Mais Marius Gjetnes pencherait
pour rattacher la mer territoriale à la vie économique de l’île223, car il s’agit de faire la
distinction entre une « île » et un « rocher » qui ont tous les deux droit à une mer territoriale,
la différence entre les deux étant la ZEE et le plateau continental.
La deuxième question qu’il tient d’aborder est de savoir s’il est nécessaire que les ressources
soient effectivement exploitées ou si leur présence suffit. Comme pour l’habitation humaine,
il semble ici, étant donné l’utilisation du terme « se prêter », que la présence de richesse et la
possibilité de les exploiter est suffisante. Ceci est confirmé par le jugement de la Cour
Suprême de Norvège, que nous avons déjà évoqué, quand elle a considéré que la possibilité
d’une chasse à l’ours polaire qui serait économiquement viable, même si elle est interdite, est
suffisante pour satisfaire au critère de la « vie économique propre »224. Néanmoins, il existe
certaines limites afin de ne pas arriver à des situations absurdes qui seraient donc contraires à
l’article 32.b de la Convention de Vienne. En premier lieu, il faut que ces ressources
221
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28.
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.195.
223
Idem, p.198.
224
Idem, p.197.
222
41
représentent une richesse qui peut être exploitée dans le long terme, ce qui exclut
l’exploitation de guano225 qui est souvent épuisé rapidement, ou la vente de corail arraché
autour de l’île. La deuxième limite est une limite plus moderne et est relatif au type d’activité
économique. En effet, vu le développement des nouvelles technologies, notamment de
l’information et de la communication, il serait facile d’installer sur une île perdue un réseau
électronique qui gère un casino virtuel via satellite par exemple226. Dans ce cas, cette activité
économique pourrait être installée partout, et elle n’est pas due aux caractéristiques de l’île. Il
convient de garder continuellement à l’esprit la Convention de Vienne relatif au Droit des
Traités pour interpréter cet article. La dernière limite vient du fait que certaines ressources
d’une île peuvent n’avoir aucune valeur économique à un certain moment dans l’histoire, puis
avec l’arrivée de nouvelles technologies devenir viables économiquement227. C’est le cas du
pétrole par exemple, un des enjeux stratégiques des Spratlys. Le statut d’une île peut donc
changer dans le temps et il faut s’adapter.
La troisième et dernière question est celle du mot « propre ». Le mot « propre » implique qu’il
faut exclure toute vie économique qui se base ailleurs et qui utilise l’île uniquement comme
« point d’appui »228. En revanche, il n’implique pas que l’île doit être entièrement autosuffisante et qu’une partie de la vie économique peut être basée ailleurs, à condition que l’île
reste un chainon important229 et que ses ressources soient au moins une partie de la base de la
vie économique de l’île. Enfin ce terme insinue qu’une activité économique qui est
dépendante du financement extérieur n’entre pas dans les critères. Ce qui exclut le
stationnement de troupes militaires ou de populations maintenues grâce à des aménagements
et infrastructures onéreux faites par un Etat pour donner plus de poids à ses arguments230, ce
qui est le cas sur de nombreuses îles des Spratlys. Les Etats en question espèrent bénéficier de
cette situation floue et des termes qu’il faut interpréter.
Enfin, il faut interpréter le « ou » pour savoir si les deux critères sont cumulatifs ou si
l’un des deux suffit pour être qualifié
« d’île ».
Cette question s’est posée lors de la
traduction du texte dans certaines langues. Marius Gjetnes231 nous cite l’exemple de la
Norvège. Il se réfère aussi aux travaux préparatoires de la Convention en pointant qu’au début
225
Idem, p.201.
Il est possible de citer en exemple l’Etat créé au large de la Grande-Bretagne sur une ancienne plateforme
pétrolière. Ce genre de structure aurait un intérêt économique possible, mais cette vie économique peut
difficilement lui donner le droit d’exister.
227
DIPLA (H.), Le régime juridique…, op. cit., p.49.
228
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28.
229
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.198.
230
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.28-29.
231
GJETNES (M.), “The Spratlys…”, op. cit., p.194.
226
42
des négociations le mot « ou » était remplacé par le mot « et ». Il en vint à la conclusion que
le choix du mot « ou » était intentionnel, et donc que les deux critères ne sont pas cumulatifs
mais qu’un seul des deux suffit pour qu’une élévation soit qualifiée « d’île » au sens juridique.
La plupart des auteurs arrivent à la conclusion que très peu d’îles des Spratlys, voir
aucune232, ne satisfont soit au critère de « l’habitation humaine », soit à celui de la
« vie économique propre » de l’article 121(3). Il existerait en revanche entre 20 et 46
formations qui pourraient être qualifiées de « rochers »233. Néanmoins, les Etats impliqués ne
tiennent pas compte de cela et préfèrent considérer que ces îles entrent dans les critères de
l’article 121(3) car les avantages attendus sont importants. De plus, si un jour ces îles sont
considérées comme rentrant dans la définition de l’article 121.3 lors d’un règlement de
l’affaire ou d’un changement de situation, mais qu’un Etat ne pensait pas cela et s’était retiré
avant ce serait à son désavantage car du coup il perdrait l’effectivité du contrôle pour gagner
la souveraineté sur cette île. Ce qui fait que tant qu’aucun règlement n’est trouvé, la tentation
est grande d’occuper de nouvelles îles et d’aménager celles qui sont déjà possédées.
c. La question de l’archipel
Maintenant que nous avons défini une « île », nous allons essayer de déterminer si les
Spratlys remplissent les critères pour être qualifiés « d’archipel », car dans ce cas encore les
avantages obtenus avec cette différente définition juridique sont autres que si les îles étaient
toutes prises individuellement. La définition d’un « archipel » est donnée à l’article 46.b de la
Convention de Montego Bay :
« un ensemble d'îles, y compris des parties d'îles, les eaux attenantes et les
autres éléments naturels qui ont les uns avec les autres des rapports si
étroits qu'ils forment intrinsèquement un tout géographique, économique et
politique, ou qui sont historiquement considérés comme tels. »234
La plupart des auteurs affirment que les Spratlys forment un seul archipel235. Mais les
Philippines soutiennent qu’il existe plusieurs archipels à l’intérieur du groupe des Spratlys qui
est très étendu236. Les Philippines soutiennent qu’un groupe d’îles qu’ils appellent les
232
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., p.29 ; et GJETNES (M.), “The
Spratlys…”, op. cit., p.201.
233
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.181.
234
http://www.un.org/french/.
235
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.199.
236
410 000 km² selon le site https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
43
Kalayaan sont distincts des Spratlys et rattachés à la province de Palawan de par le plateau
continental237. C’est aussi le cas de la Malaisie et du Brunei-Darussalam qui ne revendiquent
qu’une partie des Spratlys, ou une seule île.238 Parmi tous les auteurs que j’ai trouvé, seul
Harry Roque Jr dit que les Spratlys ne sont pas un archipel selon la Convention de Montego
Bay239.
La réponse à cette question est difficile à trancher car les Spratlys sont « historiquement
considérées » par certains pays comme étant un archipel, mais par d’autres comme étant
composés de plusieurs archipels. De plus, d’un point de vue purement géographique, toutes
les îles revendiquées ne semblent pas vraiment faire partie d’un ensemble « étroit », mais plus
de différents ensembles qui composent le plus vaste ensemble appelé les îles Spratlys. Cette
thèse est supportée par les conditions qui sont posées à l’article 47 de la Convention pour le
tracé des lignes de base archipélagiques. En effet, une des conditions selon l’article 47.1 est
que le rapport entre la mer et la terre soit compris entre 1 pour 1 et 1 pour 9. Or, il existe un
certain nombre d’îles et de regroupements d’îles qui sont assez éloignés les uns des autres qui
font que ce rapport, si toutes les îles des Spratlys étaient regroupées dans le même ensemble,
ne serait pas respecté. La superficie totale de la zone serait donc de 410 000 km², alors que la
superficie totale de la terre serait de 5km²240, ce qui fait un rapport de 1 pour 82000. Ce critère
de l’article 47.1 ne pourra pas être rempli même si les lignes de base sont tracées selon le
critère de l’article 47.3 de la Convention qui stipule que « Le tracé de ces lignes de base ne
doit pas s'écarter sensiblement du contour général de l'archipel. », et même si la surface de la
terre est agrandie en application de l’article 47.7 :
« Aux fins du calcul du rapport de la superficie des eaux à la superficie des
terres prévu au paragraphe 1, peuvent être considérées comme faisant
partie des terres les eaux situées en deçà des récifs frangeants bordant les
îles et les atolls ainsi que toute partie d'un plateau océanique à flancs
abrupts entièrement ou presque entièrement cernée par une chaîne d'îles
calcaires et de récifs découvrants ».
Ce qui fait que même si les Spratlys étaient considérées comme un seul archipel, l’entité qui
les posséderait devrait tracer des lignes de base pour les différents ensembles qui composent
les Spratlys. Mais en traçant ces différents ensembles il risque d’exclure certaines formations
237
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…, op. cit., p.202.
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: Indonesian sponsorship of the South China Sea workshops”,
Studies in conflict and terrorism, Volume 18, Numéro 1, p.2.
239
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.191.
240
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/.
238
44
trop éloignées, ce qui serait alors un argument de choix pour les pays qui ne revendiquent une
souveraineté que partielle sur les Spratlys.
Ces questions de définition de l’archipel et des lignes de base ne sont pas les priorités
des protagonistes, ce qui fait qu’aucun Etat n’a tracé de lignes de bases dans les Spratlys241.
Mais pour régler ce problème de définition de(s) ligne(s) de base archipélagique(s) il faut
avant tout régler le problème de la définition de chaque bout de terre des Spratlys car le tracé
ne sera pas le même en fonction de la définition juridique de ces bouts de terre. En effet, selon
l’article 47.4 les lignes de base ne peuvent être « tirées vers ou depuis des hauts-fonds
découvrants » sauf si des « phares ou des installations similaires émergées en permanence n'y
aient été construits » ou « que le haut-fond ne soit situé, entièrement ou en partie, à une
distance de l'île la plus proche ne dépassant pas la largeur de la mer territoriale ». Cet article
pose plusieurs problèmes. D’abord celui de savoir quelles formations sont des « hauts-fonds
découvrants » et qui pourront servir comme points pour une ligne de base seulement selon
certaines conditions. Puis, celle de savoir ce que sont des « installations similaires » à des
phares. Enfin de savoir quelles formations de terre peuvent être qualifiées « d’île » ou de
« rocher » et qui peuvent donc servir comme des points de référence pour ces lignes de base
archipélagique. Ce qui laisse encore bon nombre de questions en suspens.
De manière générale cette question de délimitation n’est toujours pas tranchée, et même si
d’un point de vue strictement juridique les Spratlys ne constituent pas forcément un seul
archipel, d’un point de vue politique les protagonistes traitent ces îles comme un ensemble
afin de régler la question de la souveraineté plus facilement, car c’est leur priorité. Les
considérations d’ordre plus techniques et juridiques viennent après242. Pourtant elles méritent
plus d’attention car la résolution du conflit ne sera pas la même si les Spratlys sont prises
comme plusieurs archipels avec des îles isolées ou comme un seul archipel, au sens juridique
du terme.
241
242
GJETNES (M.), “The Spratlys…, op. cit., p.192.
Ibid.
45
2. Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des
problèmes de délimitation de frontières.
a. Les avantages selon la définition
La distinction que nous venons de faire entre un « haut-fond découvrant », un
« rocher » et une « île » est primordiale car selon la définition, il y a des droits et des
avantages différents. Nous allons donc voir ces différences et regarder quels droits sont
attachés aux îles Spratlys. Nous commencerons par regarder quels droits sont attachés aux
« hauts-fonds découvrants », ces hauts-fonds qui ne sont découverts qu’à marée basse. Cette
question est réglée par l’article 13 de la Convention de Montego Bay. L’article 13.2 stipule
que : « Lorsque des hauts-fonds découvrants se trouvent entièrement à une distance du
continent ou d'une île qui dépasse la largeur de la mer territoriale, ils n'ont pas de mer
territoriale qui leur soit propre. ». Cette disposition est claire, mais il existe une exception qui
est donnée à l’article 13.1 qui stipule que :
« Lorsque des hauts-fonds découvrants se trouvent, entièrement ou en
partie, à une distance du continent ou d'une île ne dépassant pas la largeur
de la mer territoriale, la laisse de basse mer sur ces hauts-fonds peut être
prise comme ligne de base pour mesurer la largeur de la mer territoriale. ».
Ceci veut dire que ces « hauts-fonds découvrants » peuvent être utilisés comme des points du
tracé de la ligne de base s’ils sont à moins de 12 miles marins d’une « île »243. Dans le cas des
Spratlys, aucune île ne se trouve à moins de 12 miles marins du territoire d’un des
protagonistes. Il est possible que cette exception soit valable pour un certain nombre de
« hauts-fonds découvrants » dans les Spratlys, mais ici encore il faut qu’il y ait un accord sur
la définition de chaque bout de terre dans les Spratlys, et ce n’est pas le cas ni la priorité pour
l’instant. Néanmoins, la plupart des auteurs affirment que la majorité des élévations des
Spratlys entrent dans cette catégorie244, et aucune construction humaine artificielle ne les fera
changer de statut pour devenir des « rochers » ou des « îles ».245
243
GUILLAUME (G.), « Les hauts-fonds découvrants en Droit International » in La Mer et son Droit, Mélanges
offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, p.297.
244
Sur la centaine d’élévations dans les Spratlys, environ 80% seraient des “hauts-fonds découvrants”, il y aurait
aussi une centaine d’élévations qui ne dépassent pas le niveau de la mer.
245
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.177.
46
Nous allons maintenant regarder quels droits sont attachés à un « rocher », une
élévation qui ne satisfait pas aux critères de l’article 121.3 d’habitation humaine et de vie
économique propre. Cette question est réglée par les articles 121.2 et 121.2 qui disent qu’un
« rocher » n'a « pas de zone économique exclusive ni de plateau continental ». Un « rocher »
ne dispose donc que d’une « mer territoriale » de 12 miles marins246 et d’une « zone
contigüe » de 24 miles marins247. C’est le cas en temps normal pour tout territoire et c’est
aussi le cas pour entre environ 20 et 30 élévations dans les Spratlys.
Nous allons maintenant détailler les droits qui sont rattachés au statut « d’île », définie
à l’article 121 et qui satisfont aux conditions de l’article 121.3. Ces droits sont les plus
importants et selon l’article 121.2 sont les mêmes que pour un autre territoire terrestre : « la
mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental
d'une île sont délimités conformément aux dispositions de la Convention applicables aux
autres territoires terrestres. ». Toutes les « îles » des Spratlys disposeraient donc d’une mer
territoriale de 12 miles marins, d’une zone contigüe de 24 miles marins, d’une Zone
Economique Exclusive de 200 miles marins248 et d’un plateau continental qui peut aller
jusqu’à 350 miles marins249. Certains auteurs ont tenté de faire une liste non-exhaustive de ces
« îles », et elles incluent Itu Aba, Spratly Island et Thi Tu, mais ils précisent ensuite qu’à part
ces trois îles il est possible que d’autres élévations pourraient être qualifiées « d’îles » après
une étude individuelle de la centaine d’élévations des Spratlys250. Néanmoins, il est presque
sûr que peu d’élévations pourraient être qualifiées « d’îles », une petite dizaine au maximum.
La particularité de ces trois types d’élévations (hauts-fonds découvrants, rochers, îles) par
rapport à un territoire terrestre classique réside dans le tracé de la ligne de base. La manière
de tracer cette ligne de base est définie à l’article 6 de la Convention de Montego Bay qui
stipule que :
« Lorsqu'il s'agit de parties insulaires d'une formation atollienne ou d'îles
bordées de récifs frangeants, la ligne de base à partir de laquelle est
mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer sur le
récif, côté large, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines reconnues
officiellement par l'Etat côtier. ».
246
Article 3 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer.
Article 33 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer.
248
Article 57 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer.
249
Article 76 de la Convention des Nations Unies pour les Droit de la Mer.
250
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.178.
247
47
Si l’île ne dispose pas de récifs il faut prendre la ligne de basse mer. Si l’île n’est entourée que
partiellement d’un récif il faut tracer des lignes droites les plus courtes possibles entre la fin
du récif et la ligne de basse mer sur l’île. Enfin, s’il existe une ouverture dans un récif il faut
tracer une ligne droite la plus courte possible pour fermer cette ouverture251.
Finalement si les Spratlys étaient considérées comme un archipel cela permettrait de tracer
des lignes de base archipélagiques entre les « îles », « rochers », et « hauts-fonds
découvrants », qui respectent les conditions de l’article 47.4, de façon à les relier entre eux.
Ces lignes de base devront remplir certaines conditions que nous avons déjà vues en partie
plus haut et qui sont détaillées dans les articles 47.1 à 47.8 de la Convention. Ensuite, c’est
cette ligne de base archipélagique qui sera prise comme base pour mesurer « la largeur de la
mer territoriale, de la zone contiguë, de la zone économique exclusive et du plateau
continental »252 qui sont les mêmes que pour les « autres territoires terrestres ». L’intérieur de
la ligne de base archipélagique est composé des « eaux archipélagiques » ainsi que des « eaux
intérieures » qui sont délimitées par l’Etat par « des lignes de fermeture »253. L’Etat exerce sa
« souveraineté (…) aux eaux situées en deçà des lignes de base archipélagiques », et le régime
des « eaux intérieures » est le même que pour les « autres territoires terrestres »254. Dans ce
dernier cas les étendues maritimes accordées à l’entité qui contrôlerait les Spratlys seraient
très vastes car elles pourraient aller jusqu’à 350 miles marins pour son plateau continental, ce
qui pose un problème de délimitation de frontières avec certains pays voisins255.
b. Le problème de la délimitation des frontières maritimes
L’obtention d’une ZEE et d’un plateau continental pour certaines des îles Spratlys
pose des problèmes de délimitation de frontières avec les pays qui sont situés à moins de 400,
ou 700 miles marins des Spratlys et cela sans être séparés d’une fosse continentale ; soit tous
les protagonistes sauf la Chine et Taiwan256. Le Vietnam est situé, au point le plus près à
chaque fois, à 230 miles marins, les Philippines sont situées à 120 miles marins, la Malaisie à
150 miles marins, la Chine continentale, plus précisément l’île de Hainan, est à plus de 900
251
Ibid.
Article 48 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
253
Article 50 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
254
Article 49 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
255
Voir annexe 12.
256
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.171.
252
48
miles marins257, le Brunei-Darussalam à environ 150 miles marins et Taiwan à plus de 1000
miles marins258. De plus, si les Spratlys donnent droit à une ZEE et un plateau continental,
cela amènera la quasi-totalité de la mer et du sous-sol de la Mer de Chine méridionale sous un
degré de juridiction divers. Ceci ferait de la mer de Chine méridionale une mer semi-fermée
dans les faits, alors qu’en réalité elle ne l’est pas259. Il y aurait alors naturellement des
problèmes de délimitation de frontières entre des Etats et des territoires qui se feront face ou
seront adjacents. Les problèmes de délimitations peuvent amener des tensions importantes et
il faut les étudier de plus près, même si d’éventuelles tensions n’apparaîtront qu’une fois que
la question de la souveraineté sur les îles sera réglée. En effet c’est la terre qui donne à l’Etat
costal un droit sur les eaux adjacentes à ses côtes260, et qui entraîne donc ces problèmes de
délimitation. Nous allons donc regarder dans cette partie comment d’éventuelles frontières
maritimes entre les Etats de la Mer de Chine méridionale et les îles Spratlys pourront être
trouvées. Nous aborderons le problème du poids relatif des îles Spratlys face aux Etats
alentours, ainsi que la possibilité de faire une frontière différente entre la ZEE et le plateau
continental.
Dans tout règlement territorial, et donc aussi maritime, la base est le principe d’équité.
Ce principe est rappelé dans les articles 74.1 et 83.1 de la Convention qui parlent de trouver
une « solution équitable » pour toute délimitation de la ZEE et du plateau continental
respectivement. Ces articles traitent des délimitations entre Etats dont les côtes se font face ou
sont adjacentes, mais nous utiliserons uniquement les parties relatives aux côtes qui se font
face, car les îles Spratlys sont situées entre tous les protagonistes, et la question ici n’est pas
de parler des délimitations maritimes entres ces Etats. En effet, le droit n’est pas le même
lorsqu’il s’agit de côtes adjacentes ou qui se font face261. La deuxième condition que fixent
ces articles est que la solution doit être basée sur le droit international tel qu’il est défini dans
l’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice262.
Ensuite, dans le respect de ces deux conditions générales, la jurisprudence a développé une
méthode pour obtenir une délimitation. Le principe qui est appliqué en premier de manière
provisoire dans une délimitation de frontière de territoires qui se font face est la règle de
l’équidistance263. Puis, il faut adapter ce principe général pour que la ligne reflète une certaine
257
NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., p.9.
Pour une vue d’ensemble voir les annexes 11 et 12.
259
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…, op. cit., p.199.
260
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.172.
261
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.176.
262
http://www.un.org/french/.
263
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.179.
258
49
réalité. La jurisprudence des tribunaux internationaux et la pratique des Etats ne donnent pas
forcément le même poids à une île en fonction de la situation, cela se fait au cas par cas. Pour
Dong Manh Nguyen il existe trois sortes d’îles lors d’une délimitation territoriale : celles qui
sont ignorées, celles à qui sont accordées un effet partiel, et celles à qui sont données pleine
influence264. Les îles seront mises dans ces catégories en fonction de critères de taille, de
localisation, de population, d’importance économique, … En appliquant cette technique aux
Spratlys il faudra donc étudier les droits de chaque île individuellement ou de chaque sousensemble défini par ses lignes de base. Après avoir modifié la ligne d’équidistance en
fonction du poids relatif des îles face au pays qui lui fait face, la solution trouvée devrait
correspondre à une solution équitable. Ce type de solution pourrait être appliqué aux îles
Spratlys une fois que le statut de chaque île aura été déterminé et d’éventuelles lignes de base
tracées. Mais, il semble déjà que vu le faible nombre d’îles qui satisferaient éventuellement
aux critères de l’article 121, peu de poids serait donné aux Spratlys, surtout quand la côte de
l’Etat est la plus proche comme pour les Philippines, la Malaisie et le Brunei-Darussalam265.
Cette délimitation sera difficile même si le statut des îles est clarifié car il existe de nombreux
désaccords entre les Etats voisins sur leurs frontières maritimes, qu’elles soient adjacentes ou
qu’elles se fassent face. Même si petit à petit des solutions négociées sont trouvées comme en
2000 entre le Vietnam et la Chine pour le Golf de Tonkin266, ou plus récemment entre le
Vietnam et l’Indonésie en 2003, il existe encore de nombreux points de tension267.
Nous allons maintenant regarder le problème de la délimitation de la ZEE et du
plateau continental. La question de la mer territoriale ne pose pas de problème ici car les îles
Spratlys sont situées à plus de 12 miles marins des Etats qui les revendiquent. La seule
importance de la mer territoriale ici est qu’en aucun cas une ZEE ou un plateau continental ne
peut repousser une mer territoriale268. Ce qui fait que tous les « rochers » auront une mer
territoriale mais qu’ils peuvent être entourés par la ZEE d’un Etat269. Les « hauts-fonds
découvrants » ne disposent d’aucun droit sauf s’ils sont incorporés dans des lignes de base
archipélagiques. Comme nous venons de le voir, la délimitation de la ZEE et du plateau
continental s’est faite par rapport au poids relatif des îles face à la masse d’un continent, ou
d’un pays entier. Mais cette ligne de séparation à laquelle nous arrivons ne doit pas forcément
264
NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op cite, p.55-56.
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.181.
266
Idem, p.51.
267
NGUYEN (M.), “Settlement of…”, op. cit., pp.25-27.
268
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…, op. cit., p.175.
269
Idem p.181.
265
50
être la même pour la ZEE et pour le plateau territorial270. Cette différenciation sera plutôt le
cas à l’Ouest des Spratlys entre le Vietnam et les Spratlys, et au Sud face à la Malaisie et à
l’Indonésie. A l’Est et au Sud-est face aux Philippines, à la Malaisie et au Brunei-Darussalam,
étant donné leur proximité aux îles, la séparation maritime sera probablement la même pour la
ZEE et le plateau continental. De même, vu la distance entre les Spratlys et la Chine et
Taiwan les revendications ne peuvent se chevaucher, d’autant plus qu’il existe une fosse
marine entre eux271. Entre les Spratlys et le Vietnam, il existe une fosse qui ne sépare pas les
deux entièrement, ce qui fait que le Vietnam peut revendiquer un plateau continental de 350
miles marins ; de même, vu que les Spratlys sont sur ce même plateau continental, ils peuvent
aussi revendiquer une zone de 350 miles marins. Il en va de même pour la Malaisie, car une
partie de son territoire est située au sud des Spratlys plus loin que la partie qui est à l’Est.
L’Indonésie est située au sud des Spratlys et sur le même plateau continental. La limite
pourrait être différente entre la ZEE et le plateau continental dans ces cas car la limite de la
ZEE est de 200 miles marins. Quand cette limite sera tracée, il faudra donner plus de poids
aux pays, mais ils seront suffisamment loin pour que la majorité de la ZEE des Spratlys dans
ces directions ne soient pas contestée. En revanche, la situation est différente pour le plateau
continental car les Etats et les Spratlys peuvent revendiquer jusqu’à 350 miles marins. Donc
les zones qui se chevaucheront seront plus importantes, et du fait du poids moins important
des Spratlys, un plus grand plateau continental sera attribué aux Etats. Il y aura donc une
juridiction différente sur la colonne d’eau, et le sol et sous-sol272, comme c’est déjà le cas
entre la Malaisie et l’Indonésie dans le détroit de Malacca273.
Quelle que soit la situation plus tard, s’il est nécessaire de faire une délimitation de frontières
maritimes entre les Spratlys et les Etats qui leur font face, le résultat se devra d’être
équitable274 et ce quel que soit la solution trouvée conformément au droit international. C’est
la base pour une résolution définitive et pacifique du différend. Une aide peut être trouvée
devant le Tribunal de la Mer, institué par la Convention de Montego Bay, qui est compétent
pour s’occuper des délimitations maritimes et de la classification des îles car la délimitation
maritime viendrait après une résolution de la question de la souveraineté et serait une
interprétation de la Convention de Montego Bay275. Mais cette soumission à la Convention et
270
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002, p.1179.
Voir carte annexe 11.
272
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.183.
273
NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under…, op. cit., p.52.
274
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.180.
275
Article 286 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
271
51
aux différentes méthodes qu’elle propose reste sur la base du volontariat276 et les
protagonistes semblent réticents envers toute solution juridique, ou amenée par une tierce
personne, même si elle est valable uniquement pour des questions de définition d’îles et de
poids relatif lors d’une délimitation territoriale.
Néanmoins, la question des droits des îles ne peut être abordée qu’une fois la question de
la souveraineté résolue, c’est ce que stipule la Convention de Montego Bay dans son
préambule comme le souligne Lee Vietnam277. De plus, cette Convention n’est pas faite pour
régler des différends relatifs à la souveraineté278, et le conflit sur les îles Spratlys relève plus
de questions de souveraineté que du droit de la mer279. Il faut donc que nous étudiions
maintenant les pays impliqués, leurs revendications et les arguments juridiques qu’ils
avancent.
276
NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under…”, op. cit., p.51.
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.68.
278
Article 298 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
279
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.234.
277
52
II) Les différentes revendications
Dans cette partie nous allons étudier les revendications des pays plus en détail. Nous
regarderons les arguments évoqués par chaque protagoniste avant de les comparer au droit
international pour voir s’ils sont crédibles et quelle force ils ont par rapport aux arguments des
autres protagonistes. Il s’agit bien sûr de comparer le droit en vigueur à l’époque aux actes et
documents cités comme preuves par les protagonistes, car c’est le seul moyen de savoir si ces
actes ou documents sont valables et s’ils entraînent des droits280. Nous utiliserons toutes les
sources de droit international listées à l’article 38 du statut de la Cour Internationale de
Justice. Nous regarderons dans un premier temps les revendications les plus anciennes que
sont celles de la Chine, de Taiwan et du Vietnam (A.). Puis, nous analyserons les
revendications des Philippines, de la Malaisie et du Brunei qui sont apparues plus tardivement
(B.).
A. Les revendications les plus anciennes
Dans cette partie, nous allons regarder les arguments des pays qui montrent un intérêt pour
ces îles depuis des temps anciens281. Nous allons donc commencer par regarder les
revendications vietnamiennes et les arguments qu’ils évoquent pour essayer de prouver leur
souveraineté sur les îles (1.). Puis, dans un deuxième temps, nous analyserons les arguments
qui sont évoqués par la Chine et Taiwan qui sont mis dans une même partie (2.). Nous
évoquerons, quand il sera nécessaire, les réactions de pays moins impliqués dans le conflit qui
auraient pu réagir à des déclarations de souveraineté.
1. Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam
Les revendications du Vietnam sont anciennes, il fait donc les étudier selon différentes
périodes. En premier, il faut savoir si « l’occupation historique » sur des terres étant res
nullius revendiquées par le Vietnam est réelle ; puis, il faudra regarder la période de la
280
Max Huber dans l’affaire de l’île de Palmas : « un acte juridique doit être apprécié à la lumière du droit de
l’époque, et non à celle du droit en vigueur au moment où s’élève ou doit être réglé un différend relatif à cet
acte. » dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.530.
281
Voir partie historique.
53
colonisation française où les actes français seront étudiés ; puis nous analyserons la période
trouble de l’après-guerre avant de regarder la période qui va de la réunification à aujourd’hui.
La notion de succession d’Etats sera très importante dans cette partie.
a. Un éventuel titre embryonnaire obtenu et consolidé avant 1884
Comme nous avons vu dans la partie historique, le Vietnam se base sur des cartes et
documents anciens qui datent de l’époque de l’Empire d’Annam pour attester sa souveraineté.
Il s’agit maintenant de regarder quelles sont les conditions pour qu’un titre de souveraineté
puisse être effectivement accordé et de savoir si le Vietnam satisfait à ces conditions aux vues
des documents qu’il présente et des arguments qu’il évoque. Cette période correspond à celle
avant 1884.
Le Vietnam base ses revendications anciennes sur la découverte et l’occupation d’un territoire
sans maître282. Avant 1885 et l’Acte de Berlin, la souveraineté était obtenue grâce au « fait de
la découverte et quelques manifestations symboliques de souveraineté »283. Il faut donc un
premier élément d’ordre matériel, le corpus, constitué par la découverte. La découverte ne
doit pas être confondue avec « connaissance »284. Cette découverte doit être complétée par
une « manifestation symbolique de souveraineté ». La pose d’un étendard était suffisante à
l’époque285, d’autant plus qu’il était possible d’adapter la manifestation à la géographie et au
peuplement du lieu286. Dans le cas des Spratlys, un petit acte aurait été suffisant. Cette
découverte par le Vietnam dans le cas des Spratlys pourrait être prouvée au XVème siècle
selon certains auteurs à l’aide entre autres de nombreuses cartes plus détaillées, semble-t-il,
que les cartes chinoises287. Néanmoins, à cette époque, les archipels des Spratlys et des
Paracels étaient considérés comme faisant un seul bloc, la distinction entre les deux ne vient
que plus tard au début du XVIIIème Siècle. Certains auteurs évoquent « l’hypothèse
plausible » d’une gestion des Spratlys par les seigneurs Nguyen dès le début du XVIème
Siècle288. Cette gestion consistait à récupérer les trésors laissés par les naufrages de navires
sur les îles. Ces actes seraient suffisants pour prouver une découverte effective et non une
simple connaissance.
282
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.871.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531.
284
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.53.
285
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531.
286
Idem, p.532 qui donne l’exemple de la sentence de Clipperton.
287
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.208 et 210.
288
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.69.
283
54
Cet élément doit ensuite être complété par un élément intentionnel, l’animus, exercé par un
Etat. Les seuls actes pertinents sont ceux qui sont faits par une autorité étatique et qui rentrent
dans ses fonctions traditionnelles289. Ce qui veut dire que, soit la nature des faits, soit la
qualité de l’auteur sont les critères pertinents pour l’intention. Dans le cas de l’exemple que
nous avons cité, l’activité était ordonnée par les Seigneurs Nguyen, les empereurs du
Vietnam, et cela rentre dans le cadre de leurs compétences étatiques. Cet exemple pourrait
suffire pour donner un titre embryonnaire au Vietnam car les Spratlys sont de petites îles et
les actes peuvent être « symboliques », ils sont plus que symboliques dans ce cas. Les
obligations ne semblent pas être très importantes ; en effet, dans le cas de l’île de Clipperton
une déclaration sur un bateau de guerre suivie d’une surveillance était suffisante290.
Mais ce titre inchoate ou titre embryonnaire doit être complété dans un laps de temps
raisonnable sans être contesté pour qu’il puisse être considéré comme une preuve de
souveraineté291. Il faut en effet qu’il y ait une administration effective des îles292, tout en
tenant compte des particularités géographiques des Spratlys. Cette administration effective
peut être prouvée à partir du début du XVIIIème siècle d’après certains auteurs293. D’après
eux, il existe de « nombreux documents, concordants (…) et relayés par des récits
étrangers qui vont dans le sens de l’affirmation d’un titre de souveraineté »294. Ils citent
différentes activités étatiques prouvées par des cartes et documents officiels vérifiés tels que :
lever, gérer et exploiter une compagnie maritime pour l’exploitation des îles295, organiser une
reconnaissance topographique, construire des stèles et des bornes de souveraineté sur les îles,
décider de constructions, secourir des bateaux étrangers et organiser la perception d’impôts296.
Malgré la confusion qui existait entre les archipels Paracels et les archipels Spratlys, il semble
bien que les actes pris par les autorités de l’Empire d’Annam étaient valables pour les deux
archipels qui étaient considérés comme un dans un premier temps, puis comme deux archipels
au début du XVIIème siècle297. Mais ces preuves de souveraineté peuvent être contestées par
un autre Etat qui réclame aussi la souveraineté sur un territoire. Il faut que ces protestations
289
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532.
Ibid.
291
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.196.
292
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532.
293
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.66 et HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op.
cit., p.217.
294
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.66.
295
Une compagnie commune aux îles Spratlys et Paracels est d’abord créée avant d’être divisé au début du
XVIIème Siècle en deux sous-groupes, l’un pour les Paracels, l’autre pour les Spratlys.
296
Pour une discussion plus complète et une revue plus détaillée des documents fournis voir HONG THAO (N.),
Le Vietnam…, op. cit., pp.218-222 et CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur…, op. cit., pp.6672.
297
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.71.
290
55
soient répétées et de d’intensité suffisante d’après le droit international. Dans les cas des
Spratlys, certains auteurs évoquent des contestations chinoises (trouver ces contestations). En
revanche, d’autres n’en font pas état, et vont même plus loin en affirmant:
« En réalité, il n’y a pas de trace que la Chine se soit jamais opposée à
l’affirmation de la souveraineté de l’Empereur Gia Long et de ses successeurs, ni
tout au long du XVIIIème siècle, ni surtout au XIXème siècle lorsque les seigneurs
vietnamiens organisèrent de manière plus administrative l’exploitation des îles
sous leur juridiction. »
En tout état de cause il ne semble pas qu’elles aient été suffisamment fortes et répétées pour
contester le titre vietnamien.
Un certain nombre d’auteurs arrivent à la conclusion qu’en 1884, quand l’Empire d’Annam
passa sous contrôle français, « la souveraineté du Vietnam sur les îles (…) est
incontestable »298 et ce au moins depuis 1816299. En effet, le Vietnam semble avoir assez de
preuves pour prouver qu’il est passé d’un titre inchoate à un titre de souveraineté par une
administration effective dans un délai raisonnable. Le Vietnam aurait assez de documents
pour prouver une possession « non troublée, paisible, ininterrompue et incontestée. »300. Mais
le point faible de la revendication vietnamienne est souvent cité comme étant la période de
l’occupation française. Il faut voir ce qu’il en est vraiment.
b. La période coloniale française
Il faut tout d’abord éclaircir la théorie de la succession des Etats. Le passage d’un
Empire d’Annam indépendant et entièrement souverain à un système de protectorat puis de
colonie est relativement rapide. Il y a différents traités et accords qui amènent la colonisation
française. Celui qui est décisif est celui de 1884 qui augmente les compétences de la France
dans le cadre de son protectorat sur le Vietnam, il est appelé Traité de Patenôtre. C’est à partir
de cette date que l’on peut considérer que les actes de la France sont ceux qui engagent le
Vietnam car c’est sa personnalité juridique en droit international qui représente le Vietnam301.
La succession d’Etat est définie par la Commission du Droit International comme étant : « la
substitution d’un Etat à un autre dans la responsabilité des relations internationales d’un
298
HONG THAO (N.), LeVietnam…, op. cit., p.226.
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p65.
300
HONG THAO (N.), LeVietnam…, op. cit., p.197.
301
Idem, p.226.
299
56
territoire. »302. Cette définition générale est suffisante pour cette première succession d’Etats.
La France peut donc faire référence à tous les actes de l’Empire d’Annam car elle succède sur
le même territoire et sur la même population.
Néanmoins, la France ne fait appel à cette notion de succession d’Etat que pour revendiquer
les îles Paracels. Après 1884 et pendant plus de quarante ans, la France ne se prononça
presque pas sur les Spratlys. Elle avait, semble-t-il, une connaissance approximative du
dossier historique et n’osait pas revendiquer clairement les îles303. La France ne prît
conscience des intérêts de ces îles que vers la fin des années 1920 avec la montée en
puissance du Japon304. Donc après avoir hésité pendant de longues années, et s’être informé
auprès d’autres puissances sur d’éventuelles revendications305, la France se prononça
clairement le 25 Juillet 1933 puis le 26 Juillet 1933 dans le Journal Officiel de la République
Française en affirmant sa souveraineté sur six îles principales des Spratlys qu’elle avait
déclaré territoire res nullius306. Pour que cette déclaration emporte des droits de souveraineté
sur les îles il faut une « occupation effective, attestée par des actes administratifs »307. Suite à
l’Acte général de Berlin de 1885, les conditions pour pouvoir déclarer sa souveraineté sur un
territoire sans maître ont donc été augmentées. Il faut une « occupation effective » (caractère
gras rajouté) pour une administration sur l’ensemble. Dans sa déclaration parue au JO, la
France revendique six « îles » ou « îlots » ainsi que « les îlots qui en dépendent ». Les six îles
ou îlots cités sont à priori les plus grosses formations des Spratlys, ce qui veut dire que la
déclaration vaut pour tout l’archipel d’après la jurisprudence de l’arbitre Max Huber dans le
cas de l’île de Palmas « l’accessoire suit le principal »308. Par la notification parue au JO la
condition de l’animus est remplie par la France car c’est un avis de souveraineté. De plus, par
cette publication la France remplit une condition non obligatoire d’après la jurisprudence, la
notification. Cette notion a fait son apparition en 1885 dans l’Acte général de Berlin. Cette
condition ne vaut que pour l’Afrique et les rapports entre puissances européennes309. Ensuite,
pour prouver son occupation et administration effectives il semble qu’il y ait peu d’actes.
Mais ces actes pourraient être suffisants si l’on en juge par la taille des îles car les exigences
302
Dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.539.
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.99.
304
Le Japon demanda à la France quel était le statut territorial des îles Spratlys, dans HONG THAO (N.), Le
Vietnam…, op. cit., p.236.
305
Ibid.
306
Voir annexe 1.
307
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.531.
308
Idem, p.533.
309
Idem, p.531.
303
57
sont moindres pour les îles de petite taille, mais cela se décide au cas-par-cas310. La France
avait, dès 1928, envoyé des navires dans la région pour des relevés topographiques et des
recherches minières311. La marine aurait occupé l’île Spratly dès 1930 suite à la demande du
Gouvernement français (faire une référence à la parution au JO). Puis, en Décembre 1933 le
Gouverneur de la Cochinchine rattacha les Spratlys à la Province du Baria312.
Mais, ce possible titre de souveraineté acquis par la France sur la base du res nullius
peut être contesté par un autre Etat s’il arrive à prouver qu’il avait acquis et conservé la
souveraineté sur les îles avant que la France ne les revendique313. En 1933, la France semble
peu contestée par les autres partis. D’après certains le Japon serait la seule puissance à avoir
protesté auprès de la France. Mais, en 1934 le Japon aurait reconnu les droits de la France. De
plus, ses revendications historiques basées sur la présence de pêcheurs et bateaux japonais
semblent peu convaincantes314. La Grande-Bretagne a protesté en 1930, mais en 1933 a
décidé d’abandonner ses revendications basées sur des faits de 1874 et 1877 qui semblent trop
faibles juridiquement315. La Grande-Bretagne aurait même soutenu la position française en
1939 face à l’occupation japonaise et aux protestations françaises316. Si cette reconnaissance
est prouvée elle donnerait un poids supplémentaire au titre français, et par succession
possiblement au titre vietnamien. Si certains affirment que la Chine a protesté et qu’elle avait
un droit établi sur ces îles il faut qu’elle le prouve. Cette question sera abordée dans la partie
suivante, et la Chine semble être la seule en mesure de contester le titre français.
Ce titre peut aussi être contesté si un Etat émet des protestations de manière répétée et
suffisamment forte. C’est la même condition que nous avons vu plus haut au temps de
l’Empire d’Annam. Aux vues de ce que nous venons de voir, il ne semble pas qu’il y ait eu de
contestations répétées et fortes d’autres pays. Néanmoins le cas de la Chine sera traité avec
plus d’attention dans une partie suivante.
Pour résumer cette période de domination française, nous pouvons dire qu’après une
période de désintéressement quasiment total, la France comprend vers la fin des années 1920,
face à une forte activité japonaise, les intérêts de ces îles. Elle publia au JO le 26 Juillet 1933
un avis de souveraineté sur les Spratlys sur une base de res nullius. Sur cette base la France
devrait prouver une occupation effective et une administration sur l’ensemble de l’archipel.
310
Idem, p.532.
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté …, op. cit., p.105.
312
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.237.
313
Idem, p.236.
314
Idem, p.239, et CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.106.
315
Voir partie historique et partie sur les protagonistes.
316
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.42.
311
58
Les actes français allant dans ce sens ne semblent pas très nombreux, mais sont possiblement
suffisants aux vues de la taille des Spratlys. Mais ce titre pourrait être contesté par un autre
Etat s’il arrive à prouver l’administration et l’occupation antérieures à celle de la France, ou
s’il conteste assez régulièrement et de façon assez forte l’occupation française. Ces dernières
questions sont sujettes à interprétations et les avis divergent quand à la solidité du titre
français affirmé en 1933. Une réponse définitive à ces questions ne sera donnée uniquement
lors d’une solution finale entre les six protagonistes de la question de la souveraineté.
c. Le flou de l’après-guerre, de 1945 à 1975.
Après la Deuxième Guerre Mondiale, le Vietnam entra dans une période trouble de
son histoire. Cette période est marquée par des guerres à répétition et une multiplication du
nombre d’entités qui se disent représentants du Vietnam. Il est donc très important dans cette
période de déterminer qui succède à la France et quelle parole engage la souveraineté du
Vietnam. Il sera d’autant plus important de le déterminer car les différentes entités ont eu des
attitudes différentes qui ont des effets sur le possible titre vietnamien. Malheureusement il
semble que le droit international ne soit pas capable de donner une réponse nette317. Nous
allons tout de même essayer d’éclaircir ce problème et commenter les attitudes des différentes
entités.
La première chose à faire est donc d’essayer de déterminer qui parle au nom du Vietnam et à
quelle époque. De 1945 à 1949 c’est la France qui représente encore officiellement le
Vietnam. La France est alors déjà en guerre contre la République Démocratique du Vietnam
située plus au Nord et créée en Septembre 1945. Pendant cette période ses actes semblent peu
nombreux et certains auteurs affirment même que la France ne s’est pas exprimée sur la
question depuis sa protestation à l’occupation japonaise en 1939-1940318. Néanmoins, il
semble que la France a pris quelques mesures qui allaient dans le sens d’une affirmation du
titre de 1933. Elle proposa une nouvelle fois à la Chine de porter le différend devant la Cour
Internationale de Justice en 1947 ; elle envoya la marine française aux Spratlys déposer une
stèle de souveraineté319 ; suite à une patrouille la marine française découvre l’occupation
chinoise en 1949 ; la correspondance diplomatique entre Paris et les représentants français
317
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.242.
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.201.
319
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.241.
318
59
locaux laisse entendre que la France souhaiterait réaffirmer sa souveraineté320. Il a même été
question, semble-t-il, pour une courte période allant jusqu’en 1955, de revendiquer les
Spratlys comme Territoire d’Outre Mer321. Si la France avait décidé de revendiquer
officiellement les Spratlys comme territoire français cela aurait affaibli la position
vietnamienne car elle n’aurait pu se baser uniquement sur les faits de l’Empire d’Annam
datant du milieu du XIXème siècle au plus tard322. Mais la France ne les revendique pas et
laisse donc ouverte la question de la succession de son titre de 1933. Pendant cette même
période, il semble qu’il n’y ait pas eu d’actes ou de déclarations de la République
Démocratique du Vietnam sur les Spratlys. Ceci est compréhensif étant donné qu’ils étaient
en guerre contre la France, et donc occupés par d’autres préoccupations.
Par les Accords de la Baie d’Halong en 1949, la France transféra progressivement à l’Etat du
Vietnam, représenté par l’Empereur Bao Dai, la souveraineté sur le Vietnam entre 1949 et
1950. Par cet acte, la France transféra ainsi sa souveraineté sur tout le territoire à l’Etat du
Vietnam323. Mais, certains auteurs affirment qu’il n’est jamais question des Spratlys, et même
que la France aurait explicitement affirmé que les Spratlys n’ont jamais été cédées au
Vietnam et donc que les droits qui allaient avec n’ont pas été transférés324. Néanmoins
l’attitude de l’Etat du Vietnam va dans le sens d’actes qui affirment sa souveraineté sur les
Spratlys. A la Conférence de San Francisco en 1951 il déclare la souveraineté du Vietnam sur
les Spratlys, puis en 1956 lors du départ des dernières troupes françaises, la République du
Sud Vietnam325 envoya sa marine prendre pied sur les Spratlys et y poser des marqueurs de
souveraineté. Cette même année elle rattacha administrativement les îles à la province de
Phuoc Tuy. 326.
Une autre période importante se situe entre 1954, date des Accords de Genève, et
1956, date du départ définitif des troupes françaises. Les accords de Genève divisent le
Vietnam en deux Etats, la République Démocratique du Vietnam au nord et la République du
Sud Vietnam au sud, le long du 17ème parallèle. Dans le cadre de cet accord l’administration
des Spratlys a été transférée de la France à la République du Sud Vietnam. Cette RSV a pris
des mesures pour ces îles dès 1956 comme nous venons de le voir. Entre 1956 et 1975 elle
envoya des patrouilles maritimes à intervalles réguliers, ce qui va dans le sens d’une
320
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.111 et 112.
Voir la partie historique.
322
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.238.
323
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.139.
324
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.66.
325
La République du Sud Vietnam est le nouveau nom de l’Etat du Vietnam suite à un coup d’Etat.
326
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p65.
321
60
administration et d’une occupation effective. L’exigence de l’animus est remplie car c’est la
marine qui fait ces actes sur ordre du gouvernement, de plus, ils déposent des stèles sur ces
îles327. Cette attitude fait que si la République du Sud Vietnam est considérée comme l’entité
étatique compétente pour les Spratlys du fait de la délimitation territoriale du 17ème parallèle,
la position du Vietnam est renforcée.
Mais la position du Vietnam est affaiblie par l’attitude de la République Démocratique
du Vietnam pendant cette même période. Après les Accords de Genève de 1954 la RDV est
renforcée comme entité étatique. Mais au cours de la période de 1956 à 1975, la RDV aurait
soutenu la souveraineté de la Chine sur les Spratlys, et ce à trois reprises328. Il est indéniable
que ces soutiens sont une pièce importante pour les chinois, et une épine dans le pied du
dossier vietnamien. Mais il est très important de préciser qui, et dans quelles conditions ces
soutiens ont été apportés. Les auteurs de ces soutiens sont le vice-ministre des Affaires
Etrangères de la RDV, le Premier-Ministre de la RDV et le troisième message est une note
venant de la capitale de la RDV, Hanoï329. Ce sont donc des personnes importantes du régime
de l’époque, ce qui pourrait nous amener à croire que ces paroles engagent la RDV. Mais
Nguyen Hong Thao essaie quand même de limiter la portée de ces actes330. Il est aussi
important de préciser dans quelles conditions ces actes ont été faits. En effet, à l’époque, la
RDV était en guerre contre la République du Sud Vietnam puis contre les USA, et elle sortait
de la guerre contre la France. La RDV avait besoin du soutien actif de la Chine qui disposait
d’un levier important via l’aide qu’elle lui donnait. Il est donc possible de questionner
l’indépendance totale des autorités de Hanoï, d’autant plus que le dernier soutien s’est
exprimé en 1965, et qu’au début des années 1970 les relations entre la RDV et la Chine se
sont tendues, et aucun soutien n’a été de nouveau évoqué. Les paroles qui ont été prononcées
et les documents signés pourraient éventuellement être considérés comme illicites car faits
sous contrainte. Dans ce cas précis ce serait une contrainte d’ordre militaire-politique et
économique ce qui pourrait entacher d’illégalité la parole donnée. Il tient de rester prudent sur
cette notion car elle n’est pas clairement définie et sujette à de multiples interprétations331.
En revanche, le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire, l’allié de la République
Démocratique du Vietnam basé au sud n’aurait jamais soutenu la souveraineté chinoise. Il
aurait toujours plaidé pour une solution négociée entre les deux pays dans un climat de calme
327
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.255.
BELLER (R.), “Analyzing the…”, op. cit., p.309.
329
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.248 et 249.
330
Idem, p.249 à 252.
331
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., pp.200-201.
328
61
et de confiance. Le GRP n’était pas directement sous influence chinoise mais était l’allié de la
RDV, et le fait qu’il n’ait jamais soutenu la revendication chinoise illustre le fait que l’attitude
adoptée à trois reprises par la RDV s’est faite sous de fortes pressions.
La différence de points de vue sur cette question se fait sur le fait de savoir s’il faut
considérer la République du Sud Vietnam comme compétente pour administrer les Spratlys
du fait des Accords de la Baie d’Halong, des Accords de Genève et la frontière du 17ème
parallèle. Ou si du fait de la victoire finale de la République Démocratique du Vietnam en
1975, il faut considérer cette entité étatique comme le représentant du Vietnam à partir de sa
création en 1945. Dans le premier cas, la position du Vietnam ressort plus forte, mais dans le
second cas sa position ressort affaiblie. La solution choisie dépend souvent de la nationalité et
une réponse définitive à cette question ne peut être donnée uniquement lors d’un règlement de
la question de la souveraineté.
d. Le Vietnam réunifié.
En 1975 le Vietnam est enfin réunifié par la victoire de la République Démocratique
du Vietnam sur le République du Sud Vietnam qui donne naissance à la République Socialiste
du Vietnam. La question de la succession est épineuse comme nous l’avons vu, et elle aura
une grande influence sur le titre du Vietnam selon la solution privilégiée, mais il est quand
même important de regarder l’attitude de la République Socialiste du Vietnam à partir de
1975.
La période de 1975 à nos jours est une période de grande activité pour le Vietnam. Dès
sa réunification en 1975, le Vietnam déclare sa souveraineté sur les Spratlys, il contredit donc
ce que le RDV avait affirmé sous probable pression chinoise. Le Vietnam accompagne cette
déclaration d’une occupation militaire des lieux332. Le Vietnam n’était plus présent depuis que
la République du Sud Vietnam avait retiré ses troupes stationnées pour un court moment sur
certaines îles. Le Vietnam prend de nombreuses mesures afin d’affirmer sa souveraineté. Il
occupe jusqu’à une vingtaine d’îles, il donne des concessions d’exploration à des compagnies
pétrolières, il publie deux livres blancs en 1981 et 1988 pour défendre sa cause333, il proteste
332
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.201.
The Hoang Sa and Truong Sa archipelagos Vietnamese territories, Livre blanc du Ministre des Affaires
Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, 1981 et Les archipels des Hoang Sa et Truong Sa et le Droit
International, Ministère des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, Hanoi, Avril 1988.
333
62
auprès de l’ONU en invoquant des actes qui vont « contre sa souveraineté »334, il proteste
contre toutes les actions des autres protagonistes dans la zone, … Les actions sont nombreuses
et répondent toutes au désir de prouver la souveraineté vietnamienne sur les îles. C’est une
période où tous les actes sont faits avec cette arrière pensée de prouver sa souveraineté, et où
il y a une multiplication des acteurs. Tout ce qui peut ressortir de pertinent de cette période
c’est que le Vietnam n’abandonne pas sa revendication sur les Spratlys et l’accompagne
d’actes forts. C’est à ce moment que les notions de date critique ou cristallisation de différend
sont de nouveau pertinentes.
Le Vietnam base sa revendication sur deux choses. En premier lieu sur le titre originaire
qu’aurait acquis l’Empire d’Annam au moins depuis 1816 et bien avant 1884 grâce à une
administration et une occupation des îles, notamment sous la période des seigneurs Nguyen.
Puis le Vietnam se revendique comme étant l’héritier de la France et se base sur la parution au
JO le 26 Juillet 1933 d’un avis de souveraineté sur les îles déclarées terra nullius. Les
faiblesses possibles de la revendication du Vietnam résident en plusieurs points. En premier, il
faut voir si la Chine n’avait pas acquis avant le Vietnam un titre originaire basé sur la
découverte et l’administration. Puis, il faut savoir si pendant la période de calme français un
autre pays n’aurait pas affirmé ses droits. Il faut vérifier que le Vietnam, et avant la France,
n’ont pas été systématiquement contestés par un autre pays depuis 1933. Il convient de
clarifier qui succède à qui lors de la période trouble de l’après guerre, et de savoir qui avait
l’administration effective sur les Spratlys lors de cette période. Enfin, il faut déterminer la
portée réelle de tous les actes entrepris par la RSV sur les Spratlys de manière nondiscontinue depuis 1975.
2. La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps
immémoriaux »
La Chine et Taïwan sont traités dans une même partie car ils se basent sur les mêmes faits
historiques et leurs histoires étaient liées jusqu’en 1949. Néanmoins, il sera posé le problème
de leur division territoriale, voire politique, depuis 1949 qui peut affaiblir le titre des deux
Chine. Cette question sera analysée de manière distincte car les effets ne sont pas forcément
les mêmes sur la Chine (a.) ou sur Taïwan (b.).
334
Annexe 10.
63
a. La République Populaire de Chine
La Chine évoque principalement la notion de droits immémoriaux acquis grâce à sa
découverte des Spratlys en des temps anciens. Elle donne des documents et des cartes
anciennes comme preuves. Il faudra vérifier si ces actes donnent un titre de souveraineté à la
Chine ou s’ils ne font que état de la connaissance des archipels et non d’une prise de
possession. Il faudra ensuite regarder la période qui va du XIXème au milieu du XXème
siècle, où il semble que la Chine est très peu présente dans la région, juste au moment de
l’affirmation plus forte du titre vietnamien. Il faudra vérifier si ce désintérêt n’affaiblit pas
d’éventuels droits de la Chine. Puis, il faudra analyser le réveil progressif de la Chine depuis
l’arrivée des japonais dans la zone avant la Deuxième Guerre Mondiale. Cette montée en
puissance est conclue par la prise de possession par la force de certaines îles des Spratlys en
1988. Il faudra vérifier quels effets ces actes ont sur le titre chinois.
-
La découverte et le titre originaire chinois
La Chine base sa revendication sur la découverte et sur le fait que ces territoires
appartiennent à la Chine « depuis des temps immémoriaux ». Mais, pour que ces arguments
soient acceptés et qu’ils débouchent sur un titre de souveraineté il faut qu’ils se plient aux
mêmes conditions que celles qui nous avons vu pour le titre historique du Vietnam, à savoir
l’animus et le corpus. La Chine a produit beaucoup de cartes, documents et récits d’auteurs
chinois pour prouver ce qu’elle avance335. Le premier document qui parlerait d’une
découverte chinoise serait un document du IIème siècle avant JC336. Ces cartes prouvent une
connaissance ancienne de ces territoires, mais il existe un certain nombre de points
d’interrogation les concernant. Tout d’abord la distinction entre les Spratlys et les Paracels
n’est pas bien faite337. Ensuite, il y a des questions d’authenticité338. Puis, une question
d’interprétation pour savoir de quelles îles il s’agit vraiment car les noms ont beaucoup
changé et souvent, la description n’est pas assez claire pour que l’on puisse trancher, ce qui
amène des débats sans fins entre les différents traducteurs339. La Chine évoque aussi comme
argument la présence de traces archéologiques chinoises sur les îles. Il semblerait néanmoins
335
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.199.
Voir partie historique.
337
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.197.
338
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute:…”, op. cit., p.199.
339
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.200.
336
64
que ces traces soient plus sur les Paracels que sur les Spratlys340. Même si des poteries
anciennes sont trouvées sur les îles cela n’est pas la preuve d’une occupation réelle, mais
constitue peut être seulement les vestiges de différents naufrages. Enfin, le dernier argument
que les chinois évoquent pour cette période est la présence régulière de pêcheurs chinois sur
les îles341. Il existe un problème commun à tous ces arguments : ils précisent tous la
connaissance ancienne des îles par des chinois, mais ce ne sont pas des actes officiels qui
émanent d’autorités de l’Etat, ce qui fait que l’animus n’est pas présent. Dans son livre blanc
de 1980 dans laquelle la République Populaire de Chine essaye de prouver la souveraineté de
la Chine sur les archipels Paracels et Spratlys, elle donne trois faits pour tenter de prouver son
administration des îles depuis plus de 1000 ans342. Mais ces trois épisodes décrits par les
chinois semblent concerner uniquement les îles Paracels et non les Spratlys343. La Chine,
semble-t-il, n’arrive pas à produire de documents prouvant un titre de découverte car elle n’a
pas de preuves d’administration effective ou d’actes étatiques allant dans le sens de la volonté
de l’occupation ou de l’administration. Sans ces preuves d’actes étatiques les actions des
pêcheurs sont des actes privés et ne peuvent donc être évoqués comme preuves par la
Chine344. De plus, les pêcheurs chinois ne sont pas les seuls à pêcher dans ces eaux riches en
poisson. Les cartes et récits de voyages avancés par la Chine sont aussi des actes privés, et ils
ne font que décrire les îles, et la connaissance n’est pas la découverte345. Enfin, les traces de
civilisation chinoise sur ces îles pourraient être probantes si elles concernaient les Spratlys et
s’il était prouvé qu’il y avait vraiment des habitations permanentes. Mais cette possible
occupation est ancienne, ce qui pourrait aussi nous amener à argumenter que la Chine aurait
perdu ses droits après un certain temps. Ces droits auraient ensuite été récupérés par l’Empire
d’Annam avec la théorie de prescription acquisitive, car comme nous l’avons vu le Vietnam
aurait acquis un titre au cours du XVIIIème et XIXème siècles. Le titre vietnamien aurait pu
être contesté par un titre plus ancien de la Chine, mais comme nous venons de le voir, ce titre
originaire chinois semble ne pas exister du fait de l’absence d’actes étatiques le soutenant, ou
du moins même s’il existe il ne s’est a priori jamais transformé en titre de souveraineté.
La Chine évoquerait aussi un argument original : c’est celui que la mer de Chine
méridionale constituerait des eaux historiques chinoises346. Et donc de ce fait, les îles Spratlys
340
Idem, p.201.
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.62.
342
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.203.
343
Idem, p.206.
344
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.532.
345
Idem, p.531.
346
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.172.
341
65
seraient un territoire historique de la Chine et elle serait seule et entière souveraine sur ce
territoire. La mer de Chine méridionale serait considérée comme une mer intérieure
chinoise347. Cet argument serait sous-entendu notamment par la carte des neuf lignes qui a été
émise par la Chine unie en 1947348. La Cour Internationale de Justice a proposé une définition
« d’eaux historiques » dans le cas des pêcheries norvégiennes: « historic waters are usually
meant waters which are treated as internal waters but which would not have that character
were it not for the existence of an historic title. »349. Mais les conditions pour qu’une mer soit
définie comme étant les eaux historiques d’un Etat ne sont pas très bien établies. Il y a
beaucoup de débats sur cette question, et elle est d’ailleurs évitée par la Convention de
Montego Bay qui ne définit pas le terme et ne l’évoque que très rarement350. Cet argument est
réapparu dans certain cas de jurisprudence du droit international351
recherches d’organismes
352
ainsi que dans des
et permet d’éclairer un peu les conditions pour pouvoir bénéficier
d’eaux historiques. Il faudrait l’exercice effectif de l’autorité de l’Etat sur cette zone, la
continuité dans le temps de cet exercice, ainsi que l’acquiescement des autres Etats353. Dans le
cas de la mer de Chine méridionale aucune de ces conditions ne semble entièrement réunie
pour la Chine ce qui affaiblit donc la revendication implicite que formulait la Chine sur des
eaux historiques en mer de Chine méridionale. Néanmoins, il n’y a pas de régime juridique
unique pour des eaux historiques ; la CIJ a précisé que cela s’effectuait au cas par cas354. En
revanche le fait que des pêcheurs chinois utilisent régulièrement et depuis des temps anciens
ces eaux comme des zones de pêche pourrait amener la Chine à disposer de droits historiques
de pêche spécifiques dans cette zone en cas de délimitation de frontières si la souveraineté lui
échappait355. Cela vaudrait aussi pour les autres pays dont les pêcheurs utilisent cette zone
depuis longtemps dans le cas où une délimitation territoriale avec une souveraineté sur les
Spratlys limiterait grandement l’espace de la haute mer. De plus, cette revendication d’eaux
historiques n’est pas valable pour le plateau continental qui dépend de droits existants ipso
347
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1166.
KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law and in China’s practice”, Ocean Development and
International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, p.161et annexe 12.
349
Idem, p.151.
350
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea…”, op. cit., p.172.
351
L’affaire des pêcheries norvégiennes de la CIJ de 1951, l’affaire du Golf de Foncesca de 1992, l’affaire realtif
au plateau continental entre la Tunisie et la Libye de la CIJ de 1982, l’affaire entre l’Eritrée et le Yémen de 1998,
…
352
KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law …”, op. cit., p.151.
353
Ibid.
354
L’affaire du plateau continental entre la Libye et la Tunisie dans OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the
South China Sea … ”, op. cit., p.172.
355
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1183.
348
66
facto et ab initio356. Elle est valable pour la colonne d’eau et il est possible de douter qu’elle
soit valable pour les îles dans cette zone357. Finalement, le fait d’invoquer que dans le nom de
la mer il y a « Chine » ne peut être reçu comme argument valable pour un titre historique358.
-
La période de vide du XVIIIème au milieu du XXème
Durant cette période la Chine semble se désintéresser des îles359. Elle ne réagit qu’une
fois que le Japon et la France s’y intéressent dans les années 1920. Ce désintéressement qui
dure plus de 220 ans est un moment de faiblesse pour la revendication chinoise. En effet, si
elle avait acquis un titre inchoate, ce qui n’est pas forcément le cas comme nous venons de le
voir, la Chine aurait du le consolider afin de le faire devenir un titre de souveraineté. Or, la
Chine semble se désintéresser des îles, même s’il reste à prouver que l’Etat chinois s’y soit
intéressé avant, et ce au moment de la consolidation du titre vietnamien. Le fait que la Chine
ne fit rien pour ces territoires pendant si longtemps pourrait amener ces îles à devenir
derelictio si jamais la Chine a eu des droits dessus. Cette notion est une d’abandon :
« situation dans laquelle un Etat, en cessant d’exercer effectivement ses compétences sur un
territoire qu’il occupait, témoigne de sa volonté de renoncer à le soumettre à sa
souveraineté. »360. Dans le cas des Spratlys l’occupation postérieure de la Chine n’est pas
acquise, mais l’absence de la Chine dans cette zone face au perfectionnement du titre
vietnamien pourrait avoir des conséquences juridiques importantes pour la Chine du fait de la
prescription acquisitive. Le fait que la Chine n’est guère présente, surtout avant 1884, pourrait
rendre le titre vietnamien supérieur au titre chinois à partir de cette période. Le délai pour
qu’il y ait usucapion, le moment où « la possession acquise de bonne foi se transforme en
droit de souveraineté », n’est pas fixe et varie au cas par cas361. La Chine aurait pu affirmer
ses droits en 1884, ou pendant l’occupation française du Vietnam car la France se préoccupait
peu des Spratlys comme nous l’avons vu, mais il n’en est rien.
La Chine essaye de profiter de ce moment de flou de la part de la France en évoquant le Traité
du 26 Juin 1887 entre la France, empire colonial, et la Chine sur des délimitations de
356
CIJ dans l’affaire de 1969 sur le Plateau continental de la mer du Nord dans DAILLIER (P.), PELLET (A.),
Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.1192.
357
KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International…”, op. cit., p.163.
358
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.257.
359
« Il y a seulement de leur part ignorance du sort des archipels et désintérêt. » CHEMILLIER-GENDREAU
(M.), La souveraineté…, op. cit., p.95 et p.75.
360
SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.1.
361
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., pp.537-538.
67
frontières362. La Chine prétend que par ce traité la France aurait reconnu les droits de
souveraineté de la Chine sur les Spratlys et que du fait du principe de l’estoppel l’avis de
souveraineté de la France de 1933 n’est pas valide363. Ce principe veut dire qu’un Etat tiers,
dans ce cas la Chine, « s’oppose à ce qu’un Etat partie à un procès puisse faire valoir une
prétention ou soutienne un argument contredisant son comportement antérieur ou une position
prise précédemment et dans lequel les tiers avaient placé leur confiance légitime. ». Mais dans
le cas présent cette interprétation du traité semble erronée. En effet, d’après certains auteurs,
le traité ne porte que sur la délimitation de la frontière terrestre entre le Tonkin et la Chine, et
non maritime364. La Chine évoque l’argument selon lequel le traité stipule que toutes les îles à
l’Est de 105° de longitude appartenaient à la Chine, et comme les Spratlys se situent
effectivement à l’Est de cette ligne, la France les aurait accordées à la Chine365. Mais cette
interprétation semble absurde et la France l’a contredite366. De même, la Convention de
Vienne sur l’interprétation des Traités stipule qu’il faut user de bonne foi pour interpréter un
traité, or si nous suivons le raisonnement chinois nous arrivons à des situations absurdes qui
feraient que la Chine pourrait réclamer le territoire des Philippines par exemple car il est situé
à l’Est de la ligne fixée367. Ce traité, interprété de bonne foi, ne semble donc pas régler
l’attribution des Spratlys, qui ne sont d’ailleurs jamais mentionnées dans les négociations et
les travaux préalables368. Il règle le problème de la frontière terrestre entre le Tonkin et la
Chine et la ligne litigieuse sert pour des îles situées dans la mer territoriale, et donc à
proximité des côtes, et non pour des îles situées à 230 miles marins du territoire vietnamien
qui n’est pas dans le Tonkin369.
Après cette période d’inactivité autour des Spratlys, la Chine aurait pu se réveiller face
à la montée de l’impérialisme nippon dans la zone, le Japon ayant émis des prétentions sur les
îles de Pratas, situées plus au Nord. Cet épisode réveille effectivement le nationalisme chinois
qui est très fort pour les nombreuses îles de la mer de Chine méridionale. Chen Jie, un auteur
chinois, insiste sur l’importance de ces îles pour les chinois qui considèrent que « the Spratly
archipelago has been part of the motherland’s territory since ancient times »370. Mais ce
362
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute …”, op. cit., p.64.
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.198.
364
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.81.
365
BELLER (R.), “Analyzing the…”, op. cit., p.306.
366
Ibid.
367
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.82.
368
Idem, p.83.
369
Voir partie sur la situation géographique des Spratlys.
370
JIE (C.), “China’s Spratly policy with special reference to the Philippines and Malaysia”, Asian survey,
Volume 34, Numéro 10, Octobre 1994, p.893.
363
68
réveil n’est que partiel et ne concerne pas immédiatement les Spratlys, mais uniquement les
Paracels371. Selon certains auteurs, mais c’est contesté comme nous l’avons vu
précédemment, la Chine aurait protesté à la prise de possession des Spratlys en 1930 puis à la
parution au JO de l’avis de souveraineté en 1933. Cette éventuelle protestation serait le
premier acte chinois pour les Spratlys après sa longue période d’inactivité dans la région.
Mais en 1939, alors que le Japon occupe militairement les îles, je ne trouve aucune trace d’un
document qui parlerait d’une protestation chinoise, même dans les articles les plus prochinois.
En revanche, la France aurait protesté372. Ce qui fait que même face à la montée de
l’impérialisme japonais et aux revendications claires et fortes de la France, la Chine n’aurait
pas réagi pour les Spratlys, mais uniquement pour les Paracels. Plus grave encore pour le titre
chinois, la Chine aurait admis indirectement que les Spratlys n’étaient pas un territoire
chinois. Des auteurs, qui semblent plus convaincus par les arguments vietnamiens, font état de
trois cartes publiées en 1894373, 1909 et en 1934374. Les deux premières indiqueraient que la
frontière le plus au sud serait l’île de Hainan, et la dernière indiquerait que la frontière le plus
au sud serait les Paracels. Ces cartes seraient des cartes officielles, et si leur existence et leur
valeur juridique sont prouvées, cela affaiblirait la prétention chinoise de possession depuis des
temps immémoriaux.
Le désintérêt chinois pour les îles pendant cette période porte un préjudice important à
l’éventuel titre chinois car il correspond, dans un premier temps, à la montée de l’affirmation
vietnamienne sur ces terres. La Chine aurait pu réagir pendant le début de l’occupation
française car la France était peu présente, mais elle ne le fît pas, et citer le Traité francochinois de 1887 comme une preuve ne semble pas du tout être pertinent juridiquement du fait
de son interprétation erronée par la Chine. Enfin, s’il est avéré que la Chine ne réagit pas à
l’avis de souveraineté de la France, ni à l’occupation japonaise des Spratlys, l’absence serait
longue de plus de 250 ans. De plus, la différence faite entre les Paracels et les Spratlys, au
détriment des Spratlys, est un vrai point faible du dossier de la Chine. Les prétentions
chinoises seraient affaiblies encore plus s’il est prouvé que les cartes de 1894, 1909 et 1934
sont des actes officiels.
371
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.98.
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.241.
373
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.74.
374
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.206.
372
69
-
Le réveil progressif chinois
Le « réveil » chinois pour les Spratlys arriva après la Seconde Guerre Mondiale.
Pendant cette période d’après guerre la Chine protesta contre chaque action entreprise par le
Vietnam aux Spratlys375. Elle commença en 1951 après que le représentant de l’Etat associé
du Vietnam ait déclarée la souveraineté du Vietnam sur les Spratlys, et ce alors que la Chine
n’était pas présente à la conférence. Elle protesta aussi contre l’affirmation de Thomas Cloma
en 1956 que les Spratlys sont des territoires sans maîtres ; contre l’affirmation des Philippines
de sa souveraineté sur les Spratlys376 ; contre l’occupation de quelques îles par la Malaisie ; et
elle refusa la proposition française de recours à l’arbitrage377. Mais la Chine ne fait pas que
protester, elle entreprit aussi certaines actions pour affirmer sa souveraineté, pour obtenir le
corpus et l’animus indispensables. En 1947, le gouvernement de la Chine nationaliste a placé
les Spratlys sous l’administration de la province de Kuangtung378. La Chine aurait proclamé
une première loi sur sa mer territoriale en Septembre 1958 qui indiquait que les Spratlys
seraient un territoire chinois379. Mais la Chine se base surtout sur deux Traités dans cette
période qui auraient eu pour conséquence, d’après la Chine et Taiwan, une reconnaissance
internationale de sa souveraineté sur les Spratlys380. Ces deux traités sont le Traité de paix de
San Francisco de Septembre 1951, et le Traité de paix sino-japonais d’Avril 1952 signé à
Taipeh381. Il semble néanmoins que cette interprétation soit erronée. Tout d’abord cette
interprétation est contredite par le Japon, le co-contractant dans le cas du traité de 1952 car le
Japon : « does not support the territorial claims of any particular country »382. Ensuite les
traités indique que: « Japan renounces all right, title and claim to the Spratly Islands »383, les
articles 2 de chaque traité étant le même. Mais il ne précise pas qui hérite de la souveraineté
sur les îles384. De plus, il y a une trace d’une motion qui a été déposée par l’URSS lors de la
Conférence de San Francisco, la Chine n’étant pas présente, qui voulait qu’il soit précisé que
les Spratlys étaient territoire chinois. Or, cette motion a été rejetée par 3 voix pour et 46
contre385. De ce fait, l’interprétation qui doit être faite de l’article 2 des deux traités est claire :
375
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.894.
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly…”, op. cit., p.82.
377
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.43.
378
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.64.
379
Ibid.
380
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development …”, op. cit., p.871.
381
HONG THAO (N.), Le Vietnam …, op. cit., p.243.
382
ER (L.), “Japan and...“, op. cit., p.996.
383
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.64.
384
ER (L.), “Japan…”, op. cit., p.998.
385
HONG THAO (N.), Le Vietnam ..., op. cit., p.257.
376
70
il s’agit pour le Japon de renoncer officiellement et définitivement à la souveraineté sur les
îles Spratlys, entre autres, et non de céder ces îles à la Chine. D’autant plus que pour que le
Japon puisse renoncer à la souveraineté sur les Spratlys au profit de la Chine, il fallait que le
Japon ait acquis un titre de souveraineté valable sur les îles en question. Or les japonais se
basaient sur la présence nombreuse de pêcheurs et de bateaux japonais, ainsi que
l’exploitation de guano dans les années 1910-1920 par une compagnie japonaise. Ces actes
privés ne peuvent constituer un titre valable sur les Spratlys, d’autant plus qu’ils sont
contestés par la France.
Le réveil et les thèses chinois sont soutenus par un nombre important d’auteurs chinois
ou d’origine chinoise qui publient beaucoup de textes en faveur de la Chine sur ces
questions386. La Chine utilise aussi beaucoup les organes de presse nationale, comme
l’Agence Chine Nouvelle, pour publiciser ses protestations et défendre ses intérêts387. Un
second réveil, plus violent cette fois, arrive en 1988 lors de la bataille navale entre les chinois
et les vietnamiens qui se termine par la prise de possession de 6 îles par la Chine388. A partir
de cette date, la Chine multiplia les actes qui vont dans le sens de l’affirmation de sa
souveraineté sur les îles. Elle occupe de plus en plus d’îles, elle accorde des concessions
d’exploration pour la zone à des compagnies pétrolières, elle capture occasionnellement des
pêcheurs étrangers en affirmant qu’ils entrent illégalement dans ses eaux territoriales389, elle
multiplie les actes symboliques, … Parmi toutes ces actions, il en reste quelques unes qui sont
plus marquantes que d’autres. La prise de possession de 6 îles en 1988 est marquante car c’est
la première fois que la Chine est présente sur les îles et c’est la dernière à y être. De plus, à ce
jour c’est le seul incident militaire d’importance390. Il y a aussi la prise de possession de
Mischief Reef, l’île la plus proche des Philippines, en 1995 qui illustre le revirement de
politique de la Chine. Avant, la Chine contestait publiquement tous les actes du Vietnam,
mais elle restait très discrète pour les actions et affirmations des autres protagonistes391. Cette
prise de possession et les réactions fortes de la part des Philippines, mais aussi de la Chine,
qui en découlent illustrent ce changement de stratégie opéré depuis la fin des années 1980392.
Ces prises de possession par la force d’îles des Spratlys ne renforcent pas vraiment la position
chinoise. En effet, même si du coup la Chine est présente physiquement sur les îles, ce qui
386
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté…, op. cit., p.64.
Idem, p.46.
388
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.64.
389
La capture de pêcheurs des autres protagonists est d’ailleus très répandue dans cette zone. ROQUE (H.),
“China’s claim to the Spratlys…”, op. cit., p.195.
390
BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.345.
391
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.894.
392
Idem, p.898.
387
71
donnerait du poids à ses prétentions, le droit international a évolué, et il existe une interdiction
du recours à la force pour régler un différend. Cette règle existe depuis la Pacte Briand-Kellog
de 1928, confirmé par l’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies393. Ce qui fait
que « nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera
reconnue comme légale »394. Cette règle limiterait donc le nombre d’îles que la Chine occupe
et repousserait la date de sa présence dans les îles car celles prises par la force ne pourraient
être reconnues, affaiblissant du même coup les prétentions chinoises.
La concession accordée par la Chine à Crestone en 1992 et les déclarations qui allaient avec
réaffirment l’argument chinois que les eaux de la mer de Chine méridionale sont des eaux
historiques chinoises. La Chine a aussi publié des lois importantes en 1992 relatives à sa mer
territoriale et à sa zone contigüe, puis, en 1998 relative à sa ZEE et à son plateau
continental395. Mais la Chine a aussi pris des mesures qui vont dans le sens de l’apaisement,
pour maintenir une situation de tension, propice à mettre en valeur sa puissance, sans avoir de
conflit ouvert, qu’elle ne serait pas sûre de gagner et qui serait négatif pour son économie396.
Néanmoins, son honnêteté est remise en question car souvent un geste d’apaisement est suivi,
ou accompagné, d’un geste unilatéral qui lui est contraire397. La Chine a quand même accepté
l’idée de discussions multilatérales398 et d’un Code de Conduite, quoique non obligatoire,
dans les années 1990399. Elle a aussi proposé une exploitation commune des ressources à
plusieurs reprises400, même si elle l’a accompagnée, du moins au début, de conditions pas
facilement acceptables par les autres protagonistes.
La faiblesse de la position de la Chine dans cette période est le fait qu’elle ne soit
présente physiquement dans les îles qu’en 1988, alors que d’autres y sont depuis plus de
trente ans. Néanmoins, elle n’était pas totalement absente car il semble qu’elle ait protesté aux
actes des protagonistes quand ils affirmaient leur souveraineté sur les îles. Mais les autres
protagonistes ont aussi protesté contre tous les faits et gestes de la Chine, en plus d’avoir
entrepris des actions. Cette situation fait qu’il est dur d’affirmer qu’un titre de souveraineté ait
pris le dessus sur un autre lors de cette période trouble où tous les gestes sont faits avec des
arrières pensées. Il est quand même important de regarder la position de Taïwan, car elle
393
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.537.
Déclaration relative aux principes du Droit International touchant les relations amicales de 1970 dans
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002, p.537.
395
Annexe 5.
396
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.120.
397
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.899.
398
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste…, op. cit., p.119.
399
BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes…”, op. cit., p.346.
400
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.140.
394
72
pourrait avoir un effet important sur l’issue de cette période. D’autant plus qu’il semble que la
Chine et Taïwan arrivent à mettre de côté leurs différends politiques pour collaborer sur les
Spratlys401. Taiwan aurait proposé à la Chine d’organiser des patrouilles communes, ils
auraient lancé une mission scientifique commune dans les Spratlys en Mars 1994402 et la
Chine ne proteste pas contre les actions de Taïwan dans la zone.
b. La République Démocratique de Chine (Taiwan)
Même si d’après la politique « d’une seule Chine », qui est celle de la plupart des pays
du monde, Taïwan n’est pas un Etat à proprement dire, il est important de regarder sa position
pour plusieurs raisons. En premier parce que Taïwan est séparé politiquement de la Chine
depuis 1949 et ils ont pris des chemins différents quant aux actions à mener sur les Spratlys.
Puis, quelque-soit la probabilité que cela advienne, une éventuelle indépendance taïwanaise
changerait le poids des différents pays dans le conflit, et en premier chef ceux de la Chine et
de Taïwan.
Taiwan se base sur les mêmes faits historiques que la Chine car ils ont une histoire commune
jusqu’en 1949 et ils revendiquent tous les deux la souveraineté sur le même territoire et la
même population403. Nous ne reviendrons donc pas sur les forces et les faiblesses du titre
historique de la Chine que nous venons de voir. Nous commencerons à regarder le titre
taïwanais à partir de 1949, date de la séparation de la République de Chine et de la
République Populaire de Chine du fait de la création de la RPC.
-
Les actions menées par Taiwan après la Deuxième Guerre Mondiale
Taiwan se base sur les mêmes arguments historiques que la Chine, mais elle a une attitude
différente de la Chine au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Taïwan est présent
dans les Spratlys beaucoup plus tôt que la Chine continentale. Elle occupe l’île d’Itu Aba en
1946 pour surveiller l’évacuation des troupes japonaises et s’approprier les îles404. Cette
occupation par les troupes de la République de Chine serait illégale d’après Nguyen Hong
Thao car elle était mandatée par les alliés, d’après la Conférence de Potsdam, pour désarmer
401
BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.308.
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.900.
403
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.200.
404
BELLER (R.), “Analyzing the relationship …”, op. cit., p.307.
402
73
les japonais au nord du 16ème parallèle, hors les Spratlys sont situées au sud de cette ligne405.
Donc de ce fait Taïwan ne peut revendiquer de mandat international pour l’occupation des
Spratlys. Puis Taïwan se retire en 1950 quand les forces de la République Populaire de Chine
arrivent à Hainan. Ils reviennent en 1956 lors de la proclamation de découverte par Marc
Cloma et de présence accrue du Vietnam406. Pendant cette période d’absence de six ans aucun
autre prétendant n’occupa les îles. Taiwan est donc le protagoniste qui occupe ces îles depuis
le plus de temps, mais il n’est présent que sur deux îles, dont la plus grande. Mais, mis à part
cette occupation militaire et des patrouilles dans la zone la présence militaire de Taiwan n’est
pas très forte. Elle a même baissé ses effectifs depuis la fin des années 1980, contrairement à
tous les autres pays impliqués407. Ce qui ne l’empêche tout de même pas de rentrer dans des
escarmouches avec d’autres acteurs408. Au début des années 1990 le gouvernement taïwanais
prend des mesures pour illustrer sa souveraineté, avant l’attachement administratif des
Spratlys à la province de Kaohsiung et en revendiquant ces îles dans une loi sur la mer
territoriale en 1992409. Taïwan est dans une situation délicate dans ce conflit, car si elle
s’affirme trop elle risque de subir les foudres de la Chine et des pays de l’ASEAN, mais si elle
se fait trop discrète elle sera ignorée. Ce sera d’autant plus facile pour les autres pays que
Taïwan est en dehors de toutes les organisations internationales depuis 1979. Taïwan a donc
décidé d’avoir une méthode tournée vers le règlement pacifique du différend grâce à des
mesures pour amener la confiance et la multiplication des possibilités de dialogue. Mais du
fait de l’opposition de la Chine et de son statut au niveau international Taïwan préfère que les
discussions restent à un niveau officieux410. Taïwan compte sur son poids économique pour
ne pas être ignoré par les autres, surtout les pays de l’ASEAN411. La position de Taïwan dans
ce XXème siècle n’est donc vraiment pas facile. Elle dispose d’un bon argument avec son
occupation d’Itu Aba depuis 1946. Si cette occupation est complétée par la revendication
historique de la Chine le titre chinois gagne en crédibilité. Elle doit adopter une position
difficile dans laquelle elle ne doit se mettre personne à dos, tout en affirmant ses prétentions et
en cherchant une solution pacifique dans le cadre d’échanges informels. Ceci se complique
par les divisions politiques internes412.
405
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.243.
ROQUE (H.), “China’s claim to the…”, op. cit., p.198.
407
LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.324.
408
Idem, p.325.
409
Ibid.
410
Idem, p.329.
411
L’Asie du Sud-est est devenue un des principaux partenaires commerciaux de Taiwan, en plus d’être le
principal bénéficiaire de ses aides économiques. Taiwan accueil aussi beaucoup de travailleurs de ces pays.
412
LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.332.
406
74
-
Les effets d’une éventuelle indépendance taïwanaise
Si Taiwan venait à déclarer son indépendance cela aurait des effets importants sur les
titres de la Chine, de Taiwan et du Vietnam. En cas d’indépendance, la position de la Chine
devrait se baser beaucoup plus sur le titre historique, qui comme nous l’avons vu souffre
d’une longue période de vide. En revanche dans l’histoire récente, la Chine ne pourra compter
sur sa présence physique dans les îles au plus tôt qu’en 1988, ce qui lui serait préjudiciable.
Taiwan pourrait compter sur sa présence physique dans les îles avant tous les autres avec son
occupation en 1946 d’Itu Aba. Mais il sera difficile pour Taïwan de revendiquer l’histoire de
la Chine, même s’il en faisait partie avant 1949, comme la sienne pour soutenir son titre413. Ce
qui pourrait impliquer que si le titre de Taïwan est supérieur, il ne le sera que pour l’île d’Itu
Aba. Ce qui fait que si les faiblesses de l’histoire de la Chine sont considérées comme trop
grandes, dans ce cas le Vietnam obtient la souveraineté sur les Spratlys, l’occupation
taïwanaise est trop tardive pour s’opposer à ce fait. Dans le cas d’une indépendance de
Taïwan, le Vietnam serait le grand gagnant. Les deux Chine sont conscientes de ce fait, et cela
explique sans doute leur capacité à mettre leur différend politique de côté dans le cadre de ce
conflit.
Après avoir analysé les prétentions des deux plus anciens protagonistes nous pouvons tirer
certaines conclusions. Tout d’abord, le titre du Vietnam semble avoir été créé de manière
assez forte, et l’inaction de la France au début de son occupation ne semble pas avoir entraîné
sa perte. Néanmoins, la solution qui sera trouvée pour la période floue de succession de
l’après-guerre sera très importante. La position de la Chine, en général, est indéniablement
plus forte unie, même si sa position est loin d’être parfaite414. Si elle est désunie la Chine
serait faible car elle n’est présente que très tardivement sur les îles. En revanche Taiwan aurait
des arguments assez forts, mais plus spécifiquement pour l’île d’Itu Aba, et pas forcément
pour tout l’archipel, car il existe d’autres « îles » sur lesquelles Taiwan n’a aucun contrôle415.
De plus il y aura un conflit sur lequel pourra revendiquer l’histoire ancienne et commune de la
Chine et de Taiwan. Au final il est impossible à ce stade de recherche d’arriver à trancher
clairement la question de savoir quel titre est supérieur à l’autre. D’autant plus qu’il y a trois
413
BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.307.
Idem, p.308.
415
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.65.
414
75
autres protagonistes dont les arguments doivent être pris en compte pour qu’une comparaison
complète soit faite.
B. Les revendications plus récentes
1. Les Philippines invoquent un res nullius
Les Philippines argumentent leurs prétentions de deux manières. Tout d’abord ils
considèrent que les Kalayaan, la partie Est des Spratlys, constituent un archipel distinct des
Spratlys416. Ce qui est appelé « Spratlys » au niveau international est limité aux îles citées par
la France, et à celles occupées par les japonais pendant la Deuxième Guerre Mondiale, soit 7
au total. Seules ces îles sont connues et découvertes pour les Philippines417. Ensuite, ils
affirment que les Kalayaan sont une terra nullius et que c’est Thomas Cloma qui les a
découvertes en 1947418. En 1974 les Philippines ont succédés à cette découverte du fait du
don de Thomas Cloma de la « souveraineté » de Kalayaan aux Philippines. La première
revendication officielle des Philippines date de 1978, mais la première occupation de 1956419.
Nous regarderons d’abord les arguments des Philippines pour Kalayaan (a.). Puis nous nous
intéresserons à ceux avancés concernant les Spratlys (b.).
a. Les Kalayaan sont « terra nullius »
Il est nécessaire d’analyser un peu plus le raisonnement des Philippines quand ils
affirment que les Kalayaan sont terra nullius alors que la Chine et le Vietnam se les disputent
depuis plusieurs centaines d’années et que la France a émis un avis de souveraineté sur 6 îles
précises, mais aussi sur « les îlots qui en dépende »420. D’autant plus que la France avait
demandé, avant de publier cet avis au JO, entre autres, aux Philippines s’ils revendiquaient
ces îles et Manille avait répondu négativement. Les Philippines sont en difficulté sur trois
points ici. Tout d’abord, il reste à prouver qu’il existe deux archipels distincts dans cette zone.
D’ailleurs les Philippines, semble-t-il, n’arrivent pas à produire de carte qui fasse clairement
416
JOYNER (C.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.202.
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.267.
418
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.872.
419
Voir partie historique.
420
Voir annexe 1.
417
76
une différence entre les Kalayaan et les Spratlys421. Même si, comme nous l’avons vu plus tôt,
les Spratlys sont étendues sur un vaste ensemble, il semblerait que d’un point de vue
historique elles soient considérées comme formant un seul et même archipel422. La deuxième
faiblesse ici est d’affirmer que ces terres étaient res nullius jusqu’en 1947. Même si les deux
groupes sont distincts, d’après toutes les cartes produites par le Vietnam et la Chine ces pays
avaient connaissance de toutes les îles dans la région. « Connaissance » ne signifie pas
« découverte », mais comme nous l’avons vu, le Vietnam et la Chine produisent aussi des
documents qui vont dans le sens d’une administration et d’une occupation partielle. Mais si
les arguments vietnamiens et chinois pour un titre historique sont rejetés du fait de leur
faiblesse, l’avis de souveraineté de la France pourrait poser problème. En effet, cet avis
s’appliquerait à toutes les îles citées, mais aussi aux « îlots qui en dépendent ». Cette formule
est un peu vague, mais il faudrait déterminer quels îlots dépendent de quelles îles pour
pouvoir déterminer ensuite quels îles, îlots et rochers sont exclus de cet avis de souveraineté.
Il n’est pas sûr qu’il reste beaucoup de territoire car le droit international permet d’adapter
l’obligation d’occupation effective en fonction des situations et des possibilités, ce qui fait
que « l’accessoire suit le principal »423. Cette règle peut être appliquée aux îlots et rochers des
Spratlys, et dans ce cas ne laisser éventuellement que quelques îlots comme res nullius. Ces
îles auraient pu être derelictio après la Deuxième Guerre Mondiale, mais il reste à prouver
que la France a abandonné ce territoire, ce qui n’est comme nous l’avons vu, pas forcément le
cas. Enfin la troisième faiblesse ici est la succession des Philippines à Thomas Cloma du fait
de son don de 1974 des « Kalayaan » aux Philippines. Le don d’une personne à un Etat d’un
territoire a déjà existé dans le passé, par exemple le don du Roi de Belgique à la Belgique de
sa possession en Afrique, le Congo. Mais la différence ici est que Thomas Cloma est un
avocat et non un chef d’Etat et qu’aucun Etat, même pas les Philippines424, n’a jamais reconnu
l’existence de son « Kalayaan » (La terre de la liberté) dont il s’était autoproclamé le
Président425. Cette « succession » peut donc être jugée douteuse d’un point de vue du droit
international, la rendant possiblement non valide. Si cette succession est non valide, les
prétentions des Philippines débuteraient en 1978 avec sa première déclaration de
revendication, ce qui est tardif, et enlèverait l’argument du res nullius car entre temps trois
pays ont pris position sur les îles.
421
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268.
Voir partie sur le statut des Spratlys dans le Droit International.
423
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., , p.533.
424
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.66.
425
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.202.
422
77
Néanmoins, si la thèse des Philippines est acceptée, et que Kalayaan est considéré comme un
archipel distinct et comme terra nullius, il faudrait que les Philippines puissent prouver une
occupation et une administration effective valable pour l’ensemble des Kalayaan d’après les
conditions du droit international de l’époque. Or, cette occupation s’est mise en place
doucement après des hésitations et elle a presque toujours été contestée soit par le Vietnam,
soit par la Chine, soit par Taiwan, soit par plusieurs en même temps. Thomas Cloma affirme,
en 1956, avoir découvert les îles en 1947. Il n’est présent sur les îles qu’en 1956. Ces actions
entreprises par Thomas Cloma ont été dénoncées par le Vietnam et la Chine426. Les troupes de
Taiwan auraient eu des escarmouches avec Thomas Cloma et des philippins, c’est d’ailleurs
une des raisons du retour des troupes de Taïwan sur Itu Aba. Ensuite l’armée des Philippines
aurait occupé ses premières îles en 1971 suite à un incident entre la marine taïwanaise et un
bateau de pêche philippins, mais le gouvernement niait revendiquer les îles, ce qui constituait
une position contradictoire427. La revendication officielle vient en 1978, et entre temps les
Philippines ont construit et renforcé leurs bases sur 7 ou 8 îles428. Cette période entre 1971 et
1978 est assez trouble sur les agissements exacts des Philippines avec des contradictions
importantes selon les auteurs. Après cette période les Philippines multiplièrent les actes
étatiques dans la zone avec l’occupation de nouvelles îles, un renforcement des structures
militaires, un rattachement à la province de Palawan, des autorisations d’exploration et
d’exploitation de pétrole dans la zone, … Ces actes sont en effets étatiques, mais ils sont
toujours contestés par les autres prétendants, et répondent vraisemblablement à l’unique
volonté de renforcer les arguments des Philippines. La notion de date critique revient encore
ici.
Au final les Philippines hésitent, se contredisent parfois entre leurs actes et leurs
paroles et sont contestées dans leur démarche par les autres protagonistes déjà présents. Il est
difficile d’affirmer dans ces conditions que les Philippines remplissent les conditions pour
obtenir un titre de souveraineté du fait d’une découverte. Ils n’apportent pas la preuve d’une
administration et d’une occupation effective des îles sur une période assez longue et dans une
situation de calme.
426
BELLER (R.), “Analyzing the relationship between…”, op. cit., p.308.
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66.
428
HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends…, op. cit., pp.266-267.
427
78
b. Les Spratlys sous juridiction alliée
En plus de cette position sur Kalayaan, les Philippines affirment que les Spratlys ont
été abandonnées par le Japon lors de sa défaite à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et
que ces terres sont sous mandat des alliés429. Les Spratlys sont donc ces îles qui ont été citées
dans l’avis de souveraineté français et occupées par les japonais pendant la Deuxième Guerre
Mondiale. Les Philippines considèrent qu’après le retrait des japonais, la France n’a pas
cherché à récupérer ces îles. Elle cite le silence de la France lors de la Conférence de San
Francisco comme preuve. Cette même conférence déclare dans son article 2, comme nous
l’avons déjà vu, que le Japon renonce à ses prétentions sur les Spratlys. Mais il n’attribue à
personne la souveraineté sur les îles430. Ce qui ferait que, de facto, ces îles seraient placées
sous le mandat des alliés. Donc d’après les Philippines, il faut l’accord des alliés pour occuper
une de ces îles. Ceci vise donc directement l’occupation par Taïwan d’Itu Aba, situé sous le
16ème parallèle, qui n’avait pas demandé l’autorisation aux alliés. Cet argument attaque donc
aussi tous les prétendants qui occupent une des 7 îles des Spratlys, ce qui est donc aussi le cas
du Vietnam et de la Chine. Toutefois, il existe des doutes importants sur la pertinence de cet
argument. Le mandat allié semble inexistant car lors de la Conférence de San Francisco la
question d’un tel mandat sur les Spratlys n’a tout simplement jamais été abordée431. De plus
les Etats-Unis, un des meneurs des alliés de la Deuxième Guerre Mondiale a toujours refusé
de soutenir les revendications des Philippines, même quand ces derniers le demandaient432.
Donc même si ce mandat existe, les Philippines n’auraient pas reçu l’autorisation de l’exercer,
or ils occupent une des 7 îles des Spratlys433. Cette occupation, d’après les arguments même
des Philippines, serait illégale.
Enfin, pour essayer de donner plus de poids à ses revendications les Philippines ont
aussi évoqué d’autres arguments. Ils ont évoqué la contigüité géographique434, un titre
historique435 ainsi que des raisons économiques et de sécurité nationale436. Mais ces deux
dernières arguments semblent dénués de toute argumentation juridique, et donc de poids dans
429
ROQUE (H.), “China’s claims …, op. cit., p.194.
CORDNER (L.), “The Spratly Islands…”, op. cit., p.66.
431
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268.
432
SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.328.
433
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.268.
434
Nous détaillerons cette notion dans la partie suivante car c’est l’argument principal de la Malaisie. Néanmoins
dans le cas des Philippines une fosse marine passe juste à l’Ouest de l’île de Palawan, affaiblissant cet argument.
435
Les Philippines n’apportent a priori aucun document pour étayer leur thèse.
436
ROQUE (H.), “China’s…”, op. cit., p.194.
430
79
le cadre d’un règlement de conflit. Ces arguments semblent plus être la raison de
l’intervention que des arguments réels.
Les Philippines ont déclaré que les Kalayaan étaient res nullius car elles pensaient que les
faiblesses dans les dossiers chinois et vietnamiens feraient qu’aucun des deux n’avait obtenu
un titre de souveraineté. Puis pour contourner le problème de l’avis de souveraineté de la
France et l’occupation japonaise ils ont déclaré, profitant de l’étendue de l’archipel, que les
Spratlys et Kalayaan étaient séparées. Ensuite, pour consolider leur position ils invoquent une
occupation et administration effectives de Kalayaan accompagnées d’autres arguments dont la
force juridique est douteuse. Finalement pour éviter d’avoir des rivaux dans la zone, les
Philippines estiment que les 7 îles des Spratlys, qu’ils ne revendiquent pas, doivent dépendre
de l’administration des alliés. C’est aussi une façon de tenter d’internationaliser le conflit au
détriment de la Chine qui refuse toute internationalisation. La revendication des Philippines
mobilise des arguments juridiques différents et a une certaine pertinence, mais elle semble
être construite après coup et de façon parfaite pour éviter tous les problèmes autour du conflit
des Spratlys.
2. La Malaisie
Les revendications de la Malaisie se sont faites entendre la première fois en 1979 par la
publication d’une carte. Puis elle occupa certaines des îles entre 1983 et 1986, puis de
nouveau en 1999437. Elle ne revendique que 12 îles des Spratlys. La base de la revendication
de la Malaisie est le fait que certaines îles sont situées sur son plateau continental et que de ce
fait elles font parties de son territoire438. C’est une interprétation de l’argument de la
contigüité géographique. Malgré le fait que certains disent que « nul n’a jamais soutenu que
la contigüité constitue un titre valable de souveraineté »439, il contient tout de même
d’analyser cette revendication. Cet argument a déjà été utilisé par le Maroc dans l’affaire du
Sahara Occidental, et par l’Argentine pour les îles Falkland440. Cet argument peut avoir une
valeur si l’île revendiquée se situe dans la mer territoriale de l’Etat, « faute d’un titre plus
437
Voir partie historique.
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly …”, op. cit., p.82.
439
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, Précis de la Faculté de droit de l’Université catholique de
Louvain, Larcier, 2000, p.494.
440
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.533.
438
80
sérieux »441. C’est ce qui ressort de la sentence arbitrale de Max Huber pour l’île de Palmas. Il
précise ensuite :
« Il est impossible de démontrer l’existence d’une règle de droit
international positif portant que les îles situées en dehors des eaux
territoriales appartiendraient à un Etat en raison du seul fait que son
territoire forme pour elle la terra firma (le plus proche continent ou la plus
proche île d’étendue considérable). »442.
Cette précision est importante dans ce cas car les îles revendiquées par la Malaisie sont endehors de sa mer territoriale. Mais la Malaise est consciente de cela et essaye de contourner ce
problème en basant son argument sur une interprétation inverse des articles 77 et 121 de la
Convention de Montego Bay. D’après le droit international c’est « la terre qui confie à l’Etat
riverain un droit sur les eaux qui baignent ses côtes »443, et non l’inverse. Or la Malaisie
invoque le fait que les îles seraient des prolongements naturels de son plateau continental,
acquis grâce à l’article 77 de la Convention, et donc la Malaisie aurait la souveraineté sur ces
îles. La Malaisie a en effet déclaré qu’elle considérait ces bouts de terre comme des « îles »
selon la définition de l’article 121444. Ce qui a son importance car la conclusion ne sera pas
forcément la même si les bouts de terre ne satisfaisaient pas à la définition d’île, de rocher ou
de haut-fond découvrant.
Mais de manière générale, si l’argument de la contigüité géographique était retenu il
amènerait à des « résultats arbitraires »445. C’est pour cela que dans le cas d’un règlement du
différend cet argument ne sera pris en compte « tout au plus (…) pour déterminer le degré
souhaitable d’effectivité de l’occupation »446. Or dans le cas de la Malaisie, les Spratlys
étaient déjà revendiquées par quatre pays et occupées en partie sans interruption depuis 1956.
L’argument de la contigüité géographique donné par la Malaisie ne peut donc que compléter
une effectivité d’occupation et d’administration, or la Malaisie ne les revendique qu’en 1979
et occupa sa première île en 1983, relativement tardivement, ce qui affaiblit sa position et ses
prétentions.
La Malaisie aurait aussi évoqué un droit historique sur les îles, afin, semble-t-il de
compléter les lacunes de la contigüité géographique. Mais même si cela était vérifié les
441
SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.249.
Ibid.
443
Affaire de pêcheries dans VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.531.
444
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.67.
445
GRANT (J.), BARKER (C.), “Encyclopaedic dictionary of International Law”, Oceana Publications, New
York, 2004, p.98.
446
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.533.
442
81
arguments en faveur de ce titre historique semblent inexistants447. Du moins la Malaisie aurait
la charge de prouver qu’elle avait acquis et consolidé son titre historique avant les autres
protagonistes, et cela semble difficile.
La revendication de la Malaisie basée sur la contigüité géographique ne peut donc être
acceptée comme un argument en soi, mais uniquement comme le complément d’un titre de
souveraineté pour lui donner une valeur supplémentaire.
3. Le Brunei et la continuité géographique
Les revendications du Brunei-Darussalam sont les moins développées et les dernières à
être exprimées. Il n’a publié qu’une seule carte en 1984, dès son indépendance, de ses eaux
territoriales et de sa ZEE qui incluaient une île de l’archipel, Louisa Reef. Il n’y a pas eu de
déclaration accompagnant la carte, mais l’élément de la contiguïté géographique semble celui
invoqué par le Brunei. C’est le même argument que celui que nous avons vu pour la Malaisie,
et donc les mêmes conclusions sont applicables. Néanmoins, Louisa Reef serait soit un hautfond découvrant, soit un élément submergé en permanence, ce qui fait qu’elle pourrait faire
partie du plateau continental du Brunei si elle était submergée en permanence448. Mais il faut
définir ce bout de terre avant.
La publication, en 1988, d’une deuxième carte pour son plateau continental qui serait de 320
miles ferait que le Brunei rentrerait en conflit avec d’autres pays, dont la Malaisie, et
l’éventuel propriétaire des îles Spratlys. Mais la possibilité pour le Brunei de revendiquer plus
de 200 miles marins de plateau continental semble remise en question car une fosse marine
passe entre 60 et 100 miles des côtes du Brunei449.
447
HONG THAO (N.), Le Vietnam…, op. cit., p.271.
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.203.
449
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.68.
448
82
III) Les possibilités de règlement pacifique de ce différend
Cette partie sera consacrée aux solutions possibles pour arriver à un règlement pacifique
de ce différend. Trouver un règlement pacifique aux différends est une obligation
internationale, rappelée par l’article 279 de la Convention de Montego Bay qui cite l’article 2,
paragraphe 3 de la Charte des Nations-Unies450. Ces méthodes sont listées dans l’article 33,
paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies de manière non exhaustive451. Aucune méthode
n’est imposée452, c’est pour cela que nous aborderons un maximum de possibilités qui sont
mises à disposition des protagonistes. De même, comme nous allons le voir, l’utilisation
d’une méthode n’exclut pas la pratique, en parallèle, d’autres méthodes453. Tout d’abord nous
regarderons les méthodes traditionnelles de règlement diplomatique et de règlement juridique
prévues par le droit international contemporain qui peuvent favoriser et amener un règlement
pacifique (A.). Nous regarderons quelles en ont été les applications dans le présent conflit.
Puis nous analyserons la Déclaration sur le Code de Conduite dans la mer de Chine
Méridionale signé le 4 novembre 2002 (B.). Cette déclaration est très importante car c’est le
premier pas commun de tous les protagonistes pour se donner des règles afin d’éviter un
conflit armé, il faut donc l’analyser dans une partie en soi. Finalement nous regarderons les
solutions qui ont été adoptées dans d’autres conflits et qui pourraient s’appliquer aux
particularités du conflit des Spratlys (C.). En effet d’après l’article 280 de la Convention de
Montego Bay et la Déclaration de Manille de 1982 sur le règlement pacifique des différends
les Etats parties à un conflit peuvent régler leur différend « en accord avec le principe du libre
choix des moyens »454.
450
Les Etats Parties règlent tout différend surgissant entre eux (…) par des moyens pacifiques conformément à
l'Article 2, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies.
451
Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la
sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de
médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux,
ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.
452
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.822.
453
Idem, p.824.
454
Cité dans idem, p.823.
83
A. Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement
juridique
En droit international il existe deux grandes catégories de méthodes pour favoriser un
règlement pacifique. Nous détaillerons en premier les méthodes de règlement diplomatique,
en les concrétisant, lorsqu’il en existe, avec les actions déjà menées pour les Spratlys (1.).
Puis, nous regarderons les possibilités d’un règlement juridique (2.). Ici aussi nous verrons les
propositions des uns et des autres, tout en précisant la réticence de la plupart des pays de la
région envers les juridictions internationales en particulier et le droit international public en
général qui sont accusés d’être d’origine occidentale et de ne pas être adaptés aux
particularismes des traditions asiatiques.
1. Les modes de règlements diplomatiques
Il existe trois grandes catégories de règlement diplomatique. Nous commencerons par
regarder la méthode des négociations directes bilatérales ou multilatérales (a.). Dans le cas des
Spratlys il existe des tentatives de négociations directes, mais une opposition existe entre les
protagonistes pour déterminer si ces négociations doivent être bilatérales ou multilatérales.
Puis nous détaillerons en quoi consistent la médiation et le bon office (b.). Ici le rôle de
l’Indonésie, de part les Workshops commencés en 1990, et de l’ASEAN seront abordés. Nous
regarderons aussi quel rôle futur ils peuvent jouer grâce à cette méthode. Enfin nous
expliquerons en quoi consistent l’enquête et la conciliation, et voir s’ils peuvent être appliqués
au cas des Spratlys (c.).
a. Négociations directes bilatérales ou multilatérales
Négocier est « le degré minimum de l’obligation de régler pacifiquement les
différends internationaux »455. La négociation est le minimum de ce qui est attendu des Etats
dans un différend456. Elle doit être menée de « bonne foi » et les Etats doivent mettre en
œuvre des « principes de droit équitables »457. La Convention de Montego Bay prévoit à son
455
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.828.
Idem, p.829.
457
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.710.
456
84
article 283, paragraphe 1 que « si un différend surgit entre des Etats parties », « les parties en
litige procèdent promptement à un échange de vues concernant le règlement du différend par
la négociation ou par d'autres moyens pacifiques. »458. Le Brunei a exprimé sa volonté
d’échanger son point de vue, et donc de négocier, en accord avec cet article de la Convention.
Les modalités de la négociation sont très diverses : elle peut être bilatérale ou multilatérale ;
l’objet est très large et il n’est pas forcément d’arriver à un règlement du litige, mais il peut
passer par des mesures pour augmenter la confiance et diffuser les tensions ; les Etats parties
au litige peuvent poursuivre des négociations bilatérales et des négociations multilatérales en
parallèle ; il peut être décidé de soumettre le litige à un autre type de règlement en cas d’échec
des négociations459.
Dans le cas des Spratlys 6 pays sont impliqués. La question se pose donc de savoir s’il
faut que la négociation soit bilatérale ou multilatérale. Puis nous verrons qu’il existe aussi un
désaccord entre les protagonistes pour savoir s’il faut amener des tiers dans la négociation et
dans quel cadre elle peut se faire. Enfin, nous verrons si des négociations ont déjà abouties à
des résultats, ou si pour l’instant elles sont inutiles pour les Spratlys.
La Chine a longtemps été opposée à des négociations multilatérales, craignant une coalition
des pays de l’ASEAN contre elle460. Elle préférait favoriser des négociations bilatérales car
pour elle il était beaucoup plus facile de faire parler sa puissance et de peser plus nettement
face à un seul Etat461. Le Brunei, par exemple, ne pèserait pas lourd tout seul face à la Chine.
Néanmoins, elle a changé sa position sur le sujet en 1995, acceptant pour la première fois des
négociations multilatérales uniquement avec les pays de l’ASEAN462. C’est d’ailleurs à partir
de ce moment là que des progrès ont pu se faire sentir et que les tensions ont pu baisser un
peu. La Malaisie, semble-t-il, aurait été aussi opposée pendant un temps à des négociations
multilatérales, mais la raison ne semble pas claire463. De même, le Vietnam refusait toute
discussion multilatérale tant qu’elle occupait encore le Cambodge, craignant que les
discussions ne tournent à une condamnation de ses actes plus que vers la recherche d’une
solution pour les Spratlys.
La Chine a accepté des négociations multilatérales à partir du moment où elle craignait
une internationalisation du conflit. La Chine refuse toute internationalisation car elle verrait sa
458
http://www.un.org/french/.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.831.
460
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., p.897.
461
BELLER (R.), “Analyzing the relationship…”, op. cit., p.320.
462
ER (L.), “Japan and the…”, op. cit., p.1006.
463
BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.346.
459
85
puissance diminuer464. En effet, un des acteurs que certains pays de l’ASEAN aimeraient voir
plus impliqués dans le conflit sont les Etats-Unis, une puissance très impliquée dans la région
et capable de contrebalancer la Chine465. Les USA auraient aussi proposé en 1995 « to assist
in any way that the claimants deem helpful »466. Aucune suite n’a été donnée semble-t-il à
cette proposition. Le Japon souhaiterait aussi jouer un rôle plus important car ce passage
maritime est vital pour l’économie japonaise. Mais un rôle éventuel du Japon n’est pas très
bien accueilli par la Chine et d’autres pays d’Asie qui ont encore un souvenir très marqué de
la Deuxième Guerre Mondiale467. Les pays de l’ASEAN, pour essayer de faire évoluer la
situation, voulaient soulever la question lors des réunions de l’ASEAN Régional Forum
(ARF), or beaucoup de pays étrangers à la région étaient présents lors de ce forum468.
L’ASEAN aurait aussi fait passer une note sur le sujet dans le document final du mouvement
des pays non-alignés en 1992, réaffirmant un mois après leur volonté de voir la marine des
Etats-Unis rester dans la région469. La Chine a préféré accepter des négociations multilatérales
que d’internationaliser le conflit470. La crainte de la Chine d’une alliance des pays de
l’ASEAN contre elle ne s’est jamais vraiment transformée en réalité, sauf lors de l’incident de
Mischief en 1995. Même si une alliance des pays de l’ASEAN est plus facilement possible,
pour l’instant ce sont leurs différences qui l’emportent sauf lors de rares crises471.
La tension a un peu baissé depuis 1995 et l’incident de Mischief Reef. La Chine accepte des
négociations multilatérales, elle accepte de dialoguer avec le Vietnam472, le Vietnam est
membre de l’ASEAN depuis 1995473 ce qui donne la possibilité à l’Association de se
coordonner plus facilement sur le sujet, l’ASEAN a accordé à la Chine le statut de
« partenaire de dialogue » dans l’ARF474, l’ASEAN et la Chine ont mis en place des sommets
ASEAN+1475, des accords et des déclarations communes ont étés signés, et des « Workshops
on Managing Potentiel conflicts in the South China Sea » durent depuis plus de quinze ans
464
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.11.
SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.334.
466
Idem, p.329.
467
ER (L.), “Japan and...”, op. cit., p.1003.
468
L’ARF est composé des pays membres de l’ASEAN, de l’Australie, du Canada, de la Chine, de l’Inde, de
l’UE, des USA, du Japon de la Nouvelle-Zélande, de la Mongolie, du Pakistan, de la Russie, de la Corée du Sud,
de la Corée du Nord et de la Papouasie Nouvelle-Guinée. http://www.aseansec.org/.
469
JIE (C.), “China’s Spratly policy…”, op. cit., pp.902-903.
470
Idem, p.896.
471
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and Southeast Asia”, Ocean
Development and International Law, Volume 31, Numéro 3, 2000, p239.
472
Ce fait est très important car la Chine avait développée une politique d’opposition systématique au Vietnam,
comme l’atteste les documents dans les annexes (faire référence aux annexes).
473
http://www.aseansec.org/.
474
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.118.
475
http://www.aseansec.org/.
465
86
avec la participation de la Chine. Néanmoins, tous ces progrès semblent être le minimum au
regard de l’obligation de négocier posée par le droit international, et la situation actuelle
semble plus constituer une discussion que des négociations476. C’est tout de même un progrès
et nous verrons plus tard que certains développements plus récents nous permettent d’être
éventuellement plus optimistes.
b. Médiation et bon office
La médiation et les bons offices sont des notions très similaires. Le bon office est le
rôle qu’un Etat tiers joue pour amener les Etats à se rencontrer et à négocier. Son rôle est fini
dès qu’il a atteint ce but. L’Etat chargé des bons offices a donc un rôle très limité concentré en
amont. En revanche, dans le cas de la négociation l’Etat tiers s’implique plus. Bien entendu il
commence avec les mêmes enjeux que le bon office, mais une fois que les négociations
commencent, le médiateur « propose des bases de négociation et intervient dans le
déroulement de la négociation pour favoriser un rapprochement des points de vue des
intéressés, sans chercher cependant à imposer une solution. »477. Le conflit des Spratlys se
prête à l’intervention d’un tiers Etat qui viendrait aider les protagonistes à trouver une
solution, les exemples les plus marquants sont ceux de l’Indonésie et de l’ASEAN.
-
Le rôle de l’Indonésie, celui d’un (possible) médiateur
L’Indonésie a des intérêts importants à ce que la situation aux Spratlys ne dégénère
pas en conflit de plus grande ampleur, et est apparu comme le leader pour la recherche d’une
solution pacifique au différend478. L’Indonésie est à l’origine des « Workshops on Managing
Potentiel conflicts in the South China Sea » qui ont débuté en 1990 et qui est un des premiers
et des plus importants lieux d’échanges pour les protagonistes. Ces Workshops ont largement
pu être possibles grâce à Ali Alatlas, l’ancien Ministre des Affaires Etrangères de l’Indonésie,
et Hasjim Djalal, son Ambassadeur pour le Droit de la Mer479 qui ont demandé une aide du
476
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.116.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.833.
478
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and Southeast Asia”, Ocean
Development and International Law, Volume 31, Numéro 3, 2000, p.240.
479
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building…”, op. cit., p.239.
477
87
Canada480. Ils se sont inspirés de l’expérience que l’ASEAN avait acquise pour s’occuper des
conflits en Indochine481. Ces Workshops sont organisés en six groupes de discussion et
consistent en des réunions annuelles à niveau informel, ce qui permet donc la participation de
Taïwan482. Leur but affiché est d’amener une coopération régionale « in marine resource
management, navigational safety, and environmental protection on the basis of shared
interests and mutual benefits »483. L’Indonésie s’est inspirée des modalités de coopération
présentes dans la Convention de Montego Bay qui oblige les Etats d’une mer semi-fermée à
coopérer dans certains domaines484. Ces domaines de coopération sont présentés à l’article
123 :
« Les Etats riverains d'une mer fermée ou semi-fermée devraient coopérer entre eux
dans l'exercice des droits et l'exécution des obligations qui sont les leurs en vertu
de la Convention. A cette fin, ils s'efforcent, directement ou par l'intermédiaire
d'une organisation régionale appropriée, de :
a) coordonner la gestion, la conservation, l'exploration et l'exploitation des ressources
biologiques de la mer;
b) coordonner l'exercice de leurs droits et l'exécution de leurs obligations concernant
la protection et la préservation du milieu marin;
c) coordonner leurs politiques de recherche scientifique et entreprendre, s'il y a lieu,
des programmes communs de recherche scientifique dans la zone considérée;
d) inviter, le cas échéant, d'autres Etats ou organisations internationales concernés à
coopérer avec eux à l'application du présent article. »
L’Indonésie a posé d’autres règles au début qui ont permis d’amener la confiance de tous :
commencer
au
niveau
informel,
éviter
d’institutionnaliser
d’internationaliser le problème et adopter une approche pas-à-pas
485
la
structure,
éviter
. La Chine, Taïwan et le
Vietnam sont présents dès le deuxième workshop en 1991, amenant donc tous les
protagonistes des Spratlys à une même table. Ces Workshops ont réussi à enregistrer certains
succès qui vont dans le sens d’une baisse des tensions. Tout d’abord, ils ont réussi à amener
tous les protagonistes du conflit des Spratlys à la même table, réussissant donc la mission de
bon office ; ils ont amené à la rédaction de principes communs qui sont la base d’une
coopération ; ils ont favorisé un certain nombre de déclarations ; ils ont amené la création de
plusieurs « Technical Working Groups » dans des domaines relatifs à l’environnement, à la
480
DJALAL (H.), “Indonesia and …”, op. cit., p.99.
Idem, p.98.
482
LIN (C.), “Taiwan’s South…”, op. cit., p.329.
483
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.6.
484
DJALAL (H.), “Indonesia…”, op. cit., p.98.
485
Idem, p.99.
481
88
navigation, aux sciences, à la communication et aux affaires légales ; et ils durent depuis 17
ans maintenant ce qui peut faciliter la communication entre les membres486. Après avoir
favorisé des contacts entre les protagonistes l’Indonésie espérait pouvoir aboutir à des accords
plus formels sur le problème de souveraineté sur les îles dans la mer de Chine méridionale,
dont les Spratlys487. Elle aurait fait des propositions pour que les protagonistes mettent de côté
la question de la souveraineté et qu’ils exploitent en commun les ressources de la région en
prenant exemple sur son traité pour le détroit de Timor avec l’Australie. Une preuve
supplémentaire du succès de ces Workshops est le soutien apporté des Etats-Unis488, ainsi que
la proposition du Japon d’aider à les financer s’ils ont lieu au Japon489. Néanmoins, cette
proposition fut rejetée catégoriquement par la Chine490.
Mais ces Workshops sont aussi critiqués et ont montré leurs limites. D’une part
l’Indonésie a été prise par des problèmes internes qui ont fait changer ses priorités491, et
ensuite la confiance a mis du temps à s’installer et la Chine ne semble pas mettre assez de
bonne volonté pour faire avancer les choses. De même, la question de la souveraineté est
encore trop sensible aujourd’hui et elle n’a pas été abordée pour l’instant492. Ceci fait dire à
certains auteurs que le processus n’avance pas assez vite. Ils souhaitent que les Etats
dépassent ces cadres généraux pour aller vers des régimes de coopération plus poussés493.
Nous verrons dans une partie suivante que ces régimes commencent peut être à apparaître
grâce à une pression qui se fait de plus en plus forte, mais aussi à des solutions de plus en plus
nombreuses.
-
L’ASEAN exerce ses bons offices
Au sein de l’ASEAN aussi l’Indonésie a un rôle important à jouer : elle aurait offert
ses bons offices lors de la Conférence de l’ASEAN de 1992 à Manille494. Mais c’est
486
Idem, pp.99-102.
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., p.6.
488
SONG(Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.326.
489
ER (L.), “Japan and...“, op. cit., pp.1007-1008.
490
CHUNG (C.), “The Spratlys and other…”, op. cit., p.23.
491
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building…”, op. cit., p.240.
492
CHUNG (C.), “The Spratlys and other…”, op. cit., p.23.
493
Mark Valencia a appelé à plusieurs reprises pour dépasser les acquis des Workshops et passer à des régimes
communs d’exploitation. VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, Far Eastern Economic Review, 30
Mars 1989, p.20, VALENCIA (M.), “A Spratly solution”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 31 Mars
1994, Hong Kong, p.30, VALENCIA (M.), “The Spratly Islands dispute”, Far Eastern Economic review,
Volume 166, 9 Janvier 2003, Hong-Kong, p.21.
494
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise…, op. cit., p.117.
487
89
l’ASEAN de par elle-même qui peut jouer un rôle important, d’autant plus que depuis 1995 le
Vietnam fait partie de ses membres495. Tout d’abord, elle a favorisé une communication, un
dialogue entre ses membres partis au conflit, puis elle l’a favorisé avec les pays non-membres
à travers de CBM, « Confidence Building Mesures ». Les années 1980 et le début des années
1990 ont été marquées par une forte tension, certains Etats communiquaient peu avec les
autres et la méfiance était très forte. Pour pouvoir arriver à une situation de confiance sur
laquelle il serait possible de bâtir un règlement du litige il fallait multiplier les petits pas
d’échange. Ce sont des CBM, « Confidence Building Mesures », qui viennent en partie
d’initiatives de l’ASEAN qui cherche à favoriser le dialogue et la confiance entre les partis.
Ces CBM sont la base de la résolution d’un conflit496 et ils veulent favoriser une situation de
statu quo qui serait la plus favorable à une situation de négociation, car les bases seraient
claires et inchangées pendant la négociation. Elles ont contribuées à faire baisser les tensions
dans les années récentes, même si les affrontements et les désaccords sont encore possibles497.
Il est possible de citer la Déclaration de Manille sur la Mer de Chine méridionale de juillet
1992 qui stipule que les membres veulent résoudre le différend « by peaceful means through
dialogue and negotiation (…) to exercise self-restreint in order not to complicate the
situation. »498. L’ASEAN a favorisé la rédaction de Code de Conduite bilatéraux entre les
Philippines et le Vietnam, et entre les Philippines et la Chine499. Ces deux Codes de Conduite
ont inspiré la Déclaration sur la Conduite des parties dans la mer de Chine méridionale de
2002, un accord très important pour le conflit et un des plus grands pas réalisé sous les
auspices de l’ASEAN500. Il est aussi possible de citer l’ARF qui serait « the most influential
security forum in the Asia-Pacific. »501. Même si ce forum n’est pas considéré comme canal
de discussion par la Chine car il est trop international, il permet de faciliter les CBM,
« Confidence Building Mesures », dans divers domaines502.
L’ASEAN a aussi des faiblesses qui peuvent limiter ses capacités d’influence503.
Même s’il y a une évolution depuis quelques années qui lui donne plus de pouvoir, un des
principes clés de l’ASEAN reste la non-intervention dans les affaires internes d’un pays, ce
495
BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.345.
BAVIERA (A.), “The South China Sea…”, op. cit., p.351.
497
TIGLAO (R.), “Seaside boom”, op. cit., p.14.
498
ARMSTRONG (D.), LLOYD (L.), REDMOND (J.), International Organisations in world politics, Palgrave,
Macmillan, 2004, Chine, p.219.
499
BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes…”, op. cit., p.346.
500
Cette Déclaration fera l’objet d’une étude plus approfondie dans une partie suivante.
501
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime…”, op. cit., p.190.
502
Ibid.
503
KARNS (M.), MINGST (K.), International Organizations, Lynne Rienner, Boulder, 2004, USA, p.189.
496
90
qui lui laisse peu de marge de manœuvre quand un pays explique que ses actions font partie
de ses affaires internes. De plus, l’ASEAN est dotée de faibles structures et les pays d’Asie du
Sud-est préfèrent se baser sur des rencontres informelles504, d’où les espoirs placés dans les
Workshops. L’ASEAN reste malgré tout une structure pertinente pour aider à trouver une
solution au conflit car elle dispose de beaucoup de différents forums qui peuvent accueillir
des discussions sur le sujet à tous les niveaux et pour n’importe quel point technique, de plus
quatre des six protagonistes font partie de ses membres mais elle garde une certaine
indépendance pour s’exprimer. Sa mission semble plus se rapprocher de celle du bon office,
avec l’Indonésie qui pourrait plus facilement jouer le rôle de médiateur, une formule
complémentaire.
c. Enquête et conciliation
L’enquête est une « recherche portant sur des faits présentés comme à l’origine d’un
litige, en vue de constater leur matérialité, leur nature, les circonstances qui les
accompagnent, et dans la fourniture d’un rapport aux parties »505. Il n’y a eu aucune enquête
dans le cas du conflit sur les Spratlys. Si une enquête est diligentée pour les Spratlys, les faits,
actions et documents divers à examiner seront nombreux et étalés sur une longue période. Ils
vont des premières cartes présentées par les chinois datant du IIème siècle avant Jésus-Christ
aux lois nationales produites par les parties ces dernières années. Cette enquête, dont les
modalités précises sont définies par les Etats parties, devra donc constater la matérialité, la
nature et les circonstances des faits. Mais la Commission ne devra tirer aucune conclusion
dans son rapport d’enquête506. Cette technique de règlement diplomatique pourrait éclairer la
situation juridique des arguments des uns et des autres, ce qui pourrait être utile dans ce
conflit étant donné le grand nombre de documents et d’actions qui sont interprétés de manière
différente par les protagonistes. Du fait de la limite de sa portée, une simple enquête risque
d’être désapprouvée par certains dont les actions et arguments auront été éventuellement
affaiblis, risquant de redémarrer le conflit, car un certain nombre de protagonistes semblent se
satisfaire du flou actuel507. Pour le différend des Spratlys il faudrait qu’une enquête soit
complétée avec d’autres mesures pour arriver à une solution, et pas juste établir les faits.
504
Idem, p.191.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.834.
506
Idem, p.835.
507
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.235.
505
91
L’organe chargé de mener la conciliation dispose d’un peu plus de pouvoir que celle qui mène
une enquête. Cet organe, fixé par les parties au litige, étudie les faits et doit faire des
propositions aux Etats parties afin qu’ils trouvent une solution508. Même si les Etats ne sont
pas obligés de suivre les propositions de la conciliation ce pouvoir supplémentaire fait que
pour les Spratlys une conciliation serait plus adaptée qu’une enquête. L’organe chargé de la
conciliation pourrait faire établir les faits et étudier toutes les questions du litige, puis rendre
des propositions concrètes aux parties. Ces propositions ne seraient donc pas obligatoires,
mais cela pourrait être un avantage pour la plupart des pays du conflit qui sont réticents
envers la justice internationale. D’autant plus que ce mode de règlement « étudie le litige dans
tous ses aspects », ce qui implique que l’organe chargé de la conciliation doit prendre en
compte la forme juridique et la forme politique du conflit, ce qui pourrait satisfaire les
différentes parties. De plus, elle inclut une procédure contradictoire509, ce qui laisse une
chance à tous les Etats car tous s’expriment sur un pied d’égalité. Cette conciliation, si elle a
lieu, doit inclure les 6 Etats parties au conflit pour qu’une, ou la, solution proposée puisse
amener la fin du conflit. C’est ensemble qu’ils se mettront d’accord sur les modalités exactes
de la conciliation, composition de l’organe, effet de la proposition, suite à donner en cas
d’échec de cette conciliation, … Cette méthode de la conciliation n’a pas été entreprise pour
les Spratlys mais elle pourrait être adaptée au conflit.
2. Les modes de règlements juridiques
Il existe aussi des méthodes de règlement juridique des différends. Ces méthodes
juridiques diffèrent des méthodes diplomatiques principalement du fait que la solution
s’impose aux Etats510. Les protagonistes montrent beaucoup de réticences à utiliser ces
méthodes. Mais il semblerait qu’il y ait des signes qui montrent une acceptation de ces
méthodes juridiques511. La Malaisie et l’Indonésie sont récemment allées devant la CIJ pour
leur différend sur les îles Spidan et Ligitan512. Il est important de détailler ces méthodes car
elles sont possibles et elles ont déjà été évoquées dans le passé pour les Spratlys. Ces
méthodes rentrent dans deux grandes catégories. En premier, nous analyserons en quoi
508
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.836.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.837.
510
Idem, p.862.
511
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.109.
512
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.144.
509
92
consiste l’arbitrage (a.) ; puis nous regarderons ensuite le règlement judiciaire avec les
tribunaux qui pourraient être compétents pour les Spratlys (b.).
a. L’arbitrage
L’arbitrage est une méthode qui est « plus respectueuse de la souveraineté de l’Etat
que le règlement juridictionnel »513. Il a pour objet « le règlement des litiges entre les Etats
par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. »514. Cette méthode de
règlement est plus souple qu’un règlement judiciaire car les parties peuvent choisir les arbitres
et ils soumettent un compromis à l’arbitre qui ne peut que trancher en fonction de ce qui lui a
été soumis dans ce compromis515. De manière générale « la volonté des Etats s’impose à
l’organe arbitral qu’ils mettent en place. »516. Néanmoins, cette méthode reste une méthode
juridique et l’organe arbitral a la compétence de sa compétence517 et il rend sa décision en
droit, et ce même si le conflit qui lui est soumis à une forte connotation politique518. Cet
organe arbitral peut prendre différentes formes, il peut être un arbitre unique, une commission
mixte ou un tribunal collégial519. L’arbitrage qu’il rend est en principe définitif, il a autorité
de chose jugée520. Mais la sentence ne s’applique que pour les Etats qui sont parties à
l’arbitrage521, ce qui fait que pour les Spratlys il faudrait que les 6 pays soient d’accord pour
se soumettre à un arbitrage pour que la question soit réglée. L’application de la sentence est
en principe obligatoire, mais si un Etat ne la respecte pas les moyens de recours sont limités,
de même si un Etat n’est pas content de la sentence les procédures d’appel sont difficiles à
mettre en place522. Dans le cas des Spratlys si un Etat plus puissant, la Chine par exemple,
décidait de ne pas appliquer la sentence un recours contre ce refus serait très difficile. Mais
ces cas de figures restent exceptionnels523 et dans le cas des Spratlys un arbitrage pourrait être
la voie médiane entre un règlement judiciaire qui n’a pas la faveur des protagonistes et les
moyens diplomatiques qui montrent leurs limites de par leur lenteur.
513
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.867.
Convention de la Haye du 29 Juillet 1899 cité dans VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit.,
p.720.
515
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., pp.723-726.
516
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.870.
517
Idem, p.877.
518
Idem, p.873.
519
Idem, pp.876-877.
520
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.728.
521
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.884.
522
Idem, p.885.
523
Ibid.
514
93
La France avait proposé à la Chine dès 1927 de soumettre ce différend à un mode de
règlement juridique sans en préciser la méthode exacte. Elle avait réitéré sa proposition en
1947, mais la Chine a décliné l’offre les deux fois. Certains voudraient en déduire que la
Chine avoue explicitement les faiblesses de ses arguments et de sa revendication. Les
Philippines auraient aussi proposé à la Chine de porter le différend devant la CIJ, mais la
Chine a refusé en 1999524. Je n’ai pas vu d’autres propositions émanant d’autres Etats.
b. Le règlement judiciaire
Le règlement judiciaire correspond à un règlement effectué par une juridiction
permanente. Les Etats disposent d’un certain nombre de juridictions qui seraient susceptibles
de recevoir le litige des Spratlys. La première de ces institutions qui pourrait entendre le
différend des Spratlys est la Cour Internationale de Justice (CIJ). Cette Cour est l’héritière de
la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI), qui, elle, dépendait de la Société des
Nations, et les deux ont déjà traité de nombreuses affaires de délimitation territoriales, entre
autres maritimes. Cinq des six protagonistes sont parties à la CIJ, Taïwan ne peut pas l’être.
Ils peuvent donc tous soumettre le différend à la CIJ, mais les autres Etats sont libres de
refuser la juridiction de la Cour s’ils n’ont pas signé la clause facultative de juridiction
obligatoire525. Aucun des cinq Etats n’a signé cette clause pour l’instant. La Cour étudiera
alors le litige qui lui est soumit en fonction de ce qui est précisé dans le compromis
juridictionnel526. La décision qu’elle rendra sera obligatoire pour les pays qui ont signé le
compromis, même si parfois les directives qu’elle donne laissent une marge d’appréciation
aux Etats527. La Cour a aussi la possibilité de statuer ex aequo et bono528. La procédure d’avis
consultatif n’est pas ouverte aux Etats, mais seulement aux organisations internationales sur
accord de l’Assemblée Générale de l’ONU529. Ce qui fait que l’ASEAN pourrait saisir la
Cour, mais cette probabilité semble faible pour l’instant même si elle permettrait de voir plus
clair dans le conflit sans engager les Etats.
Il est important de regarder le rôle que le Tribunal de la Mer pourrait avoir car les
Spratlys sont des îles et, comme nous l’avons vu, il existe de nombreux points qu’il faut
524
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.109.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.898.
526
Idem, p.896.
527
Idem, p.906.
528
Idem, p.905.
529
Idem, p.908.
525
94
éclairer pour régler le problème durablement. Comme nous l’avons vu, tous les protagonistes
ont signé la Convention de Montego Bay sans réserves et ils peuvent donc saisir la Cour s’ils
le souhaitent. Le Tribunal International du Droit de la Mer n’a pas compétence pour régler les
problèmes territoriaux comme nous l’avons déjà vu, mais il peut régler toutes les questions
relatives à l’interprétation ou l’application de la Convention530. Le Tribunal peut donc aider
les protagonistes à définir le statut de chaque bout de terre des Spratlys et confirmer des tracés
de lignes de base, il peut aussi aider dans les problèmes de délimitations territoriaux et
indiquer si les Spratlys sont un archipel ou non. La Convention prévoit aussi trois autres
moyens pour régler ces différends d’interprétation ou d’application : « la Cour internationale
de Justice, l'arbitrage conformément aux dispositions de l'annexe VII de la Convention, ou
l'arbitrage spécial dans le cadre de l'annexe VIII de la Convention »531. Néanmoins le Tribunal
sera plus compétant que la CIJ dans ces domaines532. Dans le cas des Spratlys, une
coopération entre la CIJ, qui pourrait régler le problème de souveraineté, et le Tribunal
international du droit de la mer, qui pourrait régler toutes les questions relatives à la mer,
pourrait aider à trouver une solution au litige des Spratlys et serait une vraie innovation en
droit international.
Le principal problème de ce mode de règlement est que la plupart des protagonistes
des Spratlys se méfient du droit international et ils savent tous que leurs dossiers ont des
faiblesses ce qui les rend très réticents à porter le différend devant la CIJ. En revanche, ils
pourraient utiliser le Tribunal de la Mer pour les aider à définir le statut de chaque île, rocher,
haut-fond découvrant et haut-fond submergé. Un autre problème de ces juridictions ouvertes
uniquement aux Etats est que Taïwan ne pourrait être présent en cas de résolution du litige
devant la CIJ, ou discussion avec le Tribunal de la Mer. La situation de Taïwan complique
encore plus le problème. Les méthodes diplomatiques sont les méthodes favorisées par les
protagonistes, mais ils n’avancent pas assez vite vers une solution du litige au goût de certains
auteurs. Dans ce cas, un arbitrage pourrait être une solution intermédiaire acceptable, tout en
tenant compte de la complexité de la situation de Taïwan et de sa relation avec la Chine. Mais
une solution définitive au conflit n’est pas la première préoccupation des Etats à l’heure
actuelle et ils préfèrent se concentrer sur une baisse des tensions et la mise en place de
régimes de coopération divers qui mettraient de côté la question de la souveraineté.
530
http://www.itlos.org/.
http://www.itlos.org/.
532
MARSIT (M.), “Cinquième anniversaire du Tribunal International du Droit de la Mer” in La Mer et son
Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris, 2003, p.435.
531
95
B. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine
méridionale du 4 Novembre 2002
Les Spratlys sont un point de conflit potentiel du fait des tensions importantes entres les 6
protagonistes. Ces tensions ont fait craindre un conflit jusqu’au début du XXIème siècle, et
encore aujourd’hui des risques existent. Mais comme nous venons de le voir des initiatives
sont prises dans le sens d’un apaisement, même si les résultats ne sont pas toujours ceux
escomptés des progrès sont là. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine
méridionale en est un des meilleurs exemples. C’est la première déclaration commune de tous
les protagonistes sur un Code de conduite dans la mer de Chine. Il faut donc analyser cette
Déclaration plus en profondeur pour voir son impact et sa portée réels. Nous regarderons donc
le cadre de cette déclaration en premier pour bien saisir son importance (1.). Puis nous
analyserons son contenu et la force juridique de cette Déclaration (2.).
1. Le cadre de cette déclaration
La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale a été signée le
4 Novembre 2002 par tous les membres de l’ASEAN et la Chine. Elle est le fruit de longues
négociations entre les différents Etats qui n’étaient pas tous favorables à un Code de conduite.
La Chine surtout s’opposait à ce qu’il existe un Code de Conduite formel sur un seul
document, elle soutenait que la Déclaration commune du Président chinois et des chefs d’Etat
et de gouvernement de l’ASEAN datant du 16 Décembre 1997 suffisait largement533. Mais en
1999 elle accepte de rentrer dans des négociations avec l’ASEAN pour trouver les principes
d’un Code de Conduite534. Les Philippines, le Vietnam et l’Indonésie étaient ceux qui
poussaient le plus pour un Code de Conduite535. Les négociations ont commencé en 2000 dans
une situation tendue due à des conflits sur le terrain536. La volonté d’arriver à un Code de
Conduite fut lancée en Juillet 1992 par les Ministres des Affaires Etrangères des pays de
l’ASEAN dans la Déclaration sur la mer de Chine méridionale, aussi appelée la Déclaration
de Manille537. Cette volonté arrive à un moment de fortes tensions dans le conflit que
533
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.132.
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.108.
535
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.131.
536
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.105.
537
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for …”, op. cit., p.133.
534
96
caractérisent les années 1980 et 1990, elle était nécessaire afin de limiter les risques potentiels
de conflits plus intenses. Néanmoins, la mise en route de la discussion et des négociations sur
le texte ont pris du temps, car comme nous l’avons vu, tous les protagonistes n’étaient pas
d’accord sur le contenu, la force ou l’utilité même de ce Code.
Cette Déclaration s’est inspirée de nombreux textes différents qui viennent tous de l’ASEAN,
ce qui illustre le rôle important que cette organisation peut jouer. Elle s’est inspirée en
premier du « Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia » (TAC) signé en 1976 par
les pays de l’ASEAN. La Déclaration de Manille l’a cité comme la base de tout Code de
Conduite538. Le TAC est ouvert à la ratification par d’autres pays que les pays membres de
l’ASEAN depuis le 25 Juillet 1998539. La Chine y a accédé le 8 Octobre 2003540. Le TAC
prévoit qu’un High Council soit créé pour régler des différends régionaux de manière
diplomatique, ce Council pourrait donc fonctionner pour le litige des Spratlys. Mais, de façon
générale le TAC pousse les parties à respecter le principe de règlement pacifique des
différends541. Certains auteurs affirment que le deuxième document qui aurait inspiré le Code
de Conduite est le « Southeast Asia Nuclear Weapon-Free Zone » de 1997542. Mais cette
affirmation peut être plus discutable car la Chine a accepté la Déclaration, mais si elle limitait
sa capacité nucléaire dans la zone il semble peu probable que la Chine aurait accepté. Le
troisième texte qui aurait influencé la rédaction du Code est la Convention de Montego
Bay543. Le Code a aussi été influencé par le « Joint Statement between the Republic of the
Philippines and the People’s Republic of China on the South China Sea and on Other Areas of
Cooperation » signé en août 1995. En Novembre de la même année les Philippines et le
Vietnam ont signé « The Joint Statement on the Fourth Annual Bilateral Consultations »544.
Ces deux déclarations correspondent à des Codes de Conduite entre les deux signataires pour
la Mer de Chine. Une partie de ces déclarations ont été reprises dans des réunions de
l’ASEAN ou de l’ARF545. Les cinq principes de la coexistence pacifique, la Déclaration de
Manille de 1992, la déclaration de l’ASEAN de 1967, la « Zone of Peace, Freedom and
Neutrality Declaration » de novembre 1971, la « Declaration of ASEAN Concord » du 24
février 1976, la « ASEAN Vision 2020 » de décembre 1997 et la « Declaration of ASEAN
538
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.134.
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116.
540
Annexe 7.
541
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116.
542
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for…”, op. cit., p.135.
543
Idem, p.136.
544
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., pp.113-114.
545
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct …”, op. cit., p.138.
97
Concord II » du 7 octobre 2003 auraient également inspiré le Code de Conduite546. Cette liste
n’est pas complète, mais elle fait le tour des principaux documents qui ont influencé le Code
de Conduite dans son contenu, dans sa force et dans son esprit.
Le but affiché de cette Déclaration est de poser les bases pour plus de coopération et une
résolution future du différend de manière pacifique en augmentant la confiance entre les
protagonistes grâce à des Confidence Building Mesures547. Sans être uniquement une
proclamation politique, cette Déclaration ne serait pas faite pour être un traité avec des
obligations légales pour les pays parties548. Mais il convient maintenant de regarder quels
moyens la Déclaration se donne pour remplir ces objectifs, et si elle a une force obligatoire
ou plus de l’ordre du symbolique.
2. Quelle est sa force juridique, son contenu
L’article 10 de cette Déclaration stipule que :
« The Parties concerned reaffirm that the adoption of a code of conduct in the
South China Sea would further promote peace and stability in the region and agree
to work, on the basis of consensus, towards the eventual attainment of this
objective. »
Cet article pose clairement la limite de cette Déclaration : c’est une Déclaration sur un
éventuel Code de Conduite et non un Code de Conduite en lui-même. Cet article illustre la
réticence de la Chine à vouloir accepter un Code de Conduite contraignant. En effet, cette
Déclaration pourrait être qualifiée d’acte concerté non conventionnel. Ces actes concertés non
conventionnels sont différents des traités car ils ne sont pas obligatoires549. Ce sont des
accords signés entre Etats qui ont des noms très divers et qui peuvent avoir des engagements
proches des traités550. Il est parfois dur de faire la différence entre un traité et un acte concerté
non conventionnel qui n’engage pas la responsabilité de l’Etat et qui est non susceptible de
recours551. La règle pour déterminer à quelle catégorie l’acte appartient est celui de la volonté
des Etats, cela a été précisé par la jurisprudence552. Le problème vient quand il n’est pas écrit
clairement quelle est la volonté des Etats parties. La CIJ précise dans ce cas qu’il « faut tenir
546
http://www.aseansec.org/.
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.113.
548
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.114.
549
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.389.
550
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.371.
551
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.389.
552
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.372.
547
98
compte avant tout des termes employés et des circonstances dans lesquelles (…) (l’accord) a
été élaboré »553. Dans la même affaire la Cour précise aussi qu’il « n’existe pas de règle de
droit
international
interdisant
qu’un
communiqué
conjoint
constitue
un
accord
international. »554. Pour cette Déclaration, même s’il n’est pas dit explicitement que cet acte
n’engage pas en droit les Etats parties, le sens de l’article 10 semble néanmoins assez clair
pour pouvoir en déduire la limite de la portée de la Déclaration sur la conduite des parties
dans la mer de Chine. Néanmoins, certaines parties de la Déclaration peuvent relever du droit
international coutumier ou pourraient être consacrées dans un autre traité et dans ce cas elles
s’imposeraient à l’Etat comme elles le faisaient avant. L’acte pourrait alors être qualifié
« d’acte mixte »555. De plus, la Déclaration même si elle est un acte concerté non
conventionnel peut engager politiquement, ce qui est très important, car elle peut alors exercer
une pression forte sur les Etats parties556. D’un point de vue politique cette Déclaration
semble très forte. Il faut le souligner, c’est la première Déclaration commune à tous les
protagonistes qui s’engagent pour prendre des mesures pour aller dans le sens de la
construction de relations de confiance, d’un statu quo, d’une coopération dans différents
domaines, d’une renonciation à la violence et puis finalement vers la résolution du
différend557.
Cette Déclaration pose un certain nombre de principes et donne des lignes directrices
aux Etats parties pour leur attitude dans la mer de Chine. Il n’a pas été facile de trouver un
consensus entre les différents protagonistes pour qu’ils soient tous d’accord sur les principes
compris dans la Déclaration558. Mais avant de développer ces points il convient de clarifier la
portée géographique de cette Déclaration. Elle vaut pour les conflits dans la Mer de Chine, et
est donc sans doute applicable aux Spratlys559. La Déclaration évoque un certain nombre de
principes que les Etats devront respecter. En premier celui du non-recours à la force pour
régler les différends territoriaux qui est écrit dans son article 4560. Cette obligation est une
obligation du droit international comme nous l’avons vu précédemment, la Déclaration ne fait
que la reprendre. Mais il n’est pas anodin de le préciser à la vue d’évènements que nous avons
553
Affaire du Plateau continental de la mer d’Egée du 19 Décembre 1987 cité dans VERHOEVEN (J.), Droit
International Public, op. cit., p.373.
554
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.388.
555
Ibid.
556
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, op. cit., p.373.
557
Annexe 6.
558
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code…”, op. cit., p.116.
559
Idem, p.115.
560
« The Parties concerned undertake to resolve their territorial and jurisdictional disputes by peaceful means,
without resorting to the threat or use of force. ».
99
évoqués précédemment qui ont eu lieu en mer de Chine. Cette notion est complétée par
l’obligation de négocier qui est aussi une obligation des Etats et qui est rappelée dans la
Déclaration à son article 4561. Enfin, dans le même domaine les parties cherchent à faciliter le
règlement pacifique du différend selon les articles 4, 5 et 7, ce qui est aussi une obligation en
Droit International562. Un deuxième principe qui est aussi une obligation internationale en
vertu de la Convention de Montego Bay est la libre circulation des navires et des aéronefs
dans certaines zones, dont la mer de Chine fait partie comme le stipule l’article 3563. Ce point
de libre circulation est considéré comme un enjeu national vital par les Etats-Unis564. Un
troisième principe abordé est celui de faire preuve de « self-restraint in the conduct of
activities that would complicate or escalate disputes and affect peace and stability », et ce
afin de favoriser un statu quo au niveau de l’occupation des îles pour aider à trouver une
solution et éviter d’attiser les tensions565. Ce principe de self-restreint a été présenté par le
Vietnam dès 1988, mais il n’a pas été très bien accueilli par la Chine dans un premier
temps566. Le statu quo est présenté par certains auteurs comme une des conditions les plus
importantes pour faciliter un règlement du conflit car il stabiliserait la situation et serait une
base stable pour négocier567. Il convient de préciser qu’une situation de statu quo ne porte pas
préjudice aux intérêts des Etats et aux revendications de souveraineté sur le long terme568. La
Déclaration base les avancées futures sur des valeurs d’égalité, un principe de droit
international, et de respect mutuel dans son article 2. Ce n’est pas anodin de rappeler ces
principes quand le différend comprend des pays qui ont une telle disparité de taille et
d’influence à tous les niveaux. Le dernier principe qui est présent dans cette Déclaration est
un principe qui vient de la tradition de l’ASEAN, c’est celui de la consultation569. Il est
évoqué dans les articles 4570 et 7571. Ensuite dans les lignes directrices la Déclaration propose
une liste non exhaustive de mesures possibles et non-exhaustive pour développer la confiance
entre les Etats. Cette liste à l’article 5 propose de développer le dialogue entre les officiels
militaires ; tente de pousser les Etats à assurer la sécurité de toutes les personnes dans les
561
« friendly consultations and negotiations by sovereign states directly concerned, in accordance with
universally recognized principles of international law ».
562
« facilitating peaceful resolution of disputes among them. ».
563
« The Parties reaffirm their respect for and commitment to the freedom of navigation in and overflight above
the South China Sea ».
564
SONG (Y.), “The U.S. policy…”, op. cit., p.319.
565
Article 5 de la Déclaration.
566
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.118.
567
Idem, p.113.
568
Idem, p.118.
569
Idem, p.120.
570
« friendly consultations ».
571
« consultations ».
100
zones qui sont en danger ; à signaler aux autres Etats, sur la base du volontariat, tout exercice
militaire commun dans la zone ; et plus généralement vise à créer des échanges d’information
générales utiles entre les Etats. Cette liste n’est donc pas exhaustive comme nous le fait
comprendre le « including ». De même en attendant une solution définitive au conflit la
Déclaration établit une liste de domaines où une coopération est possible à son article 6. Ces
coopérations sont des possibilités qui sont aussi listées dans la Convention de Montego Bay.
La liste soumise n’est pas exhaustive ni obligatoire comme le laissent entendre les mots :
« may include ». Elle inclut donc : la protection de l’environnement marin ; la recherche
scientifique maritime ; la sécurité de la navigation et de la communication en mer ; des
opérations de recherche et de sauvetage ; et la lutte contre le crime international qui
comprend, mais n’est pas limité au trafic de drogue, le trafic d’armes, et les actes de piraterie
et de vol en mer. La Déclaration laisse une grande liberté aux Etats parties car elle stipule que:
« The modalities, scope and locations, in respect of bilateral and
multilateral cooperation should be agreed upon by the Parties concerned
prior to their actual implementation. ».
Enfin le dernier point important qu’il convient de souligner dans cette Déclaration est qu’elle
pousse les Etats à trouver des moyens « for building trust and confidence »572. Des
discussions sur les CBM étaient déjà en cours dans d’autres forums tels que l’ARF573. Mais le
fait que la Déclaration insiste sur le besoin d’avoir des Confidence Building Mesures couplés
avec la force politique de cette Déclaration donne plus de poids à ce souhait, voir cette
obligation car le mot « committed » est utilisé.
Néanmoins, malgré sa force politique importante et la présence d’obligations de droit
international cette Déclaration n’est pas toujours respectée. Il y a eu des conflits sur le terrain,
la Chine a occupé d’autres îles, certains proposent des visites touristiques, d’autres installent
des observatoires à oiseaux, … De plus Taïwan ne peut être partie à cette Déclaration car
seuls les sujets de droit international peuvent être partis à un acte concerté non
conventionnel574, or Taïwan ne semble pas être un sujet de plein droit du droit international.
Cette Déclaration montre donc ses limites et illustre le fait qu’elle ne peut être qu’une étape.
Elle a favorisé la confiance et le dialogue, elle montre des principes importants que les Etats
devraient suivre en mer de Chine, mais surtout elle permet de regarder vers l’avenir et de faire
572
Article 2 de la Déclaration.
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.119.
574
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.118.
573
101
un pas de plus pour faire baisser les tensions, et arriver à une solution, si ce n’est définitive, au
moins provisoire, de la question de la souveraineté sur les îles Spratlys.
C. Les autres solutions envisageables
Les règlements diplomatiques et juridictionnels que nous venons de voir se veulent de
favoriser ou d’apporter une solution au problème de la souveraineté sur les Spratlys. Les
Workshops et la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine cherchent à
favoriser la confiance entre les protagonistes grâce à des Confidence Building Mesures.
L’existence de la confiance entre les acteurs est essentielle pour avancer des solutions575. Or
la confiance semble être de plus en plus présente, et il devient donc possible d’envisager
l’étape suivante pour un règlement pacifique. Il existe des solutions qui peuvent favoriser le
règlement de ce conflit sans impliquer de tiers, sans imposer une quelconque solution et qui
serait adapté aux Spratlys. Ces solutions sont multiples, mais nous n’étudierons que celles qui
semblent capables de s’adapter aux particularismes du conflit sur les Spratlys. Il est possible
de les diviser en deux grandes catégories. Soit ces régimes peuvent mettre complètement de
côté la question de la souveraineté. Elles arrêteraient l’expression des revendications sans
préjudice pour les revendications elles-mêmes. Nous verrons les différentes possibilités de
régimes suspensifs de la souveraineté dans une première partie (1.). Puis, nous analyserons
dans une deuxième partie les régimes qui traitent de la question de la souveraineté (2.). Soit
ils l’accordent à un protagoniste, soit à tous. Nous analyserons aussi les limites de la
transposition d’un régime aux Spratlys, et la nécessité de les adapter.
1. Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté
Nous verrons dans cette partie les exemples sur lesquels les protagonistes peuvent se baser
pour trouver un régime commun sans résoudre la question de la souveraineté. Ces régimes
mettent de côté l’allocation de la souveraineté pour qu’elle soit réglée plus tard ou lui donner
moins d’importance. Ces solutions sont importantes car elles peuvent déboucher sur une
confiance mutuelle plus importante et in fine aider à régler le litige territorial. Plusieurs
possibilités sont offertes. D’abord il est possible de créer une zone similaire à celle de
575
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.225.
102
l’Antarctique qui consacre la paix, la recherche scientifique et la protection de
l’environnement (a.). Puis, nous verrons que des développements récents peuvent nous faire
penser que les protagonistes cherchent à aller vers une exploitation commune des ressources,
mais sans toucher à la question de la souveraineté (b.). Enfin il a aussi été évoqué récemment,
lors d’un colloque international, la possibilité pour les Spratlys de devenir un parc
international (c.).
a. Création d’une zone semblable à celle de l’Antarctique
Mark Valencia aurait rédigé un « Traité pour la zone des Spratlys » en se basant sur le
modèle de l’Antarctique576. Ceci illustre le fait que le traité de l’Antarctique pourrait servir de
modèle pour les Spratlys. Ce traité est entré en vigueur le 1er décembre 1959 et est appelé le
Traité de Washington. Ce traité vient du fait qu’un certain nombre de pays se disputaient la
souveraineté sur ces bouts de terre et évoquaient différents arguments juridiques pour prouver
leur revendications. Ils ne revendiquaient pas non plus la totalité des terres, mais seulement
certaines parties577. Cette situation est donc similaire à celle des Spratlys car il y a plusieurs
protagonistes, avec différents arguments juridiques et des revendications de plus ou moins
grande taille. A première vue les cadres des litiges semblent similaires, le Traité de
Washington pourrait donc très bien être appliqué aux Spratlys. Dans le fond, ce traité établit
un certain nombre de principes originaux qui sont bien respectés par les parties. Il y a tout
d’abord la partie consacrée au « gel de la souveraineté578. Ce « gel » est présent dans l’article
4 du traité qui indique que pendant que le traité est en vigueur les actions entreprises par les
Etats ne peuvent « asserting, supporting, or denying a claim to territorial sovereignty in
Antarctica or create any rights of sovereignty in Antarctica »579. C’est donc un « gel » réel de
la question de la souveraineté pour l’Antarctique, c’est cet article qui ferait tenir le Traité et
qui aurait permis une collaboration des différentes parties sur le sujet. Cette disposition
pourrait aussi être appliquée aux Spratlys, et aurait des chances d’avoir le même effet sur les
protagonistes.
576
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.109.
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.534.
578
Ibid.
579
Article 4 du Traité de Washington cite dans JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute… ”, op. cit., p.223.
577
103
Un autre principe que le traité pose est celui de faire de l’Antarctique une « réserve naturelle
consacrée à la paix et à la science »580. Les Spratlys pourraient effectivement être
transformées en zone pour la science. C’est d’ailleurs un domaine dans lequel les parties ont
cherché à développer des CBM, et qui est cité comme un domaine dans lequel la coopération
entre les protagonistes est plus aisée d’après les Workshops et la Déclaration sur la conduite
des parties dans la mer de Chine. Le fait de qualifier la zone comme « consacrée à la paix »
semble être une bonne idée pour supprimer les tensions éventuelles, et transformer la zone des
Spratlys en zone à utilisation pacifique ferait baisser les tensions. Mais le traité stipule aussi
que la zone est une zone démilitarisée581. Cette proposition avait aussi été faite par le
président Philippin Fidel Ramos. Or, dans le cas des Spratlys les îles sont occupées
uniquement et exclusivement par des militaires. La démilitarisation de toutes les îles semble
être une tache difficile, voir impossible pour certains582. De même, l’Antarctique est une zone
libre d’armes nucléaires, or les Spratlys sont un passage important entre autres pour les
navires de guerre américains, et les Chinois possèdent eux aussi l’arme nucléaire. Malgré les
efforts de l’ASEAN pour bannir les armes nucléaires de la région, cette stipulation du Traité
de Washington semble très dure à mettre en place. Si les militaires restent dans la région la
situation sera toujours un minimum sous tension.
La Convention de Canberra de 1980 complète aussi le traité de Washington et il
organise la conservation de la faune et de la flore marine583. La zone des Spratlys est une zone
riche en faune et en flore marine. Transformer cette zone en une zone de protection de
l’environnement aurait donc un grand intérêt écologique, d’autant plus qu’il permettrait de
préserver les stocks de poissons qui sont en chutes dans cette zone du fait d’une
surexploitation. Cette bonne gestion des stocks a donc aussi un intérêt économique important
pour les Etats riverains qui dépendent en partie des ressources de la mer pour vivre. Le
Ministre de la Défense des Philippines avait proposé en 2000 de faire de la zone des Spratlys
une zone de pêche commune à tous les protagonistes584, comme si la zone était considérée
comme des eaux de pêche historiques de tous les protagonistes. Il faudrait arriver à concilier
ces deux propositions qui semblent en partie contradictoires, car dans le cas de la proposition
du Ministre de la Défense, la pression sur les ressources halieutiques de la zone serait
importante car les Etats riverains disposent de flottilles de pêche importantes et incompatibles
580
Protocol de Madrid de 1991 cité dans DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition,
op. cit., p.535.
581
Article 1.
582
LIN (C.), “Taiwan’s South China…”, op. cit., p.331.
583
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.534.
584
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.109.
104
avec une réserve naturelle. De plus, protéger l’environnement dans cette zone signifie aussi
protéger les îles et leurs récifs. Or, de plus en plus de ces structures fragiles sont détruites par
les constructions militaires585. Il faut donc agir rapidement si la protection de l’environnement
veut être la plus utile et efficace possible.
Le Traité de Washington prévoit aussi des contrôles pour vérifier que ses règles sont bien
respectées586. Ces contrôles sont effectués par les autres signataires du traité. Ce genre de
contrôle pourrait convenir aux protagonistes car ils pourraient tout contrôler eux-mêmes, sans
l’intervention de tiers et sans besoin d’une institutionnalisation trop importante. Le Traité de
Washington était d’ailleurs, à la base, très peu institutionnalisé, un particularisme qui plairait
sans doute aux Etats du Sud-est Asiatique et à la Chine.
Le Traité de Washington pourrait donc servir de modèle pour certains aspects d’une
future collaboration plus poussée entre les protagonistes, mais il ne pourra être copié
exactement, il faudra l’adapter aux particularismes tels que l’occupation militaire et
l’importance de la pêche.
b. Une exploitation des ressources sans régler la question de la souveraineté
Le 14 mars 2005 les compagnies nationales de pétrole chinoises, vietnamiennes, et des
Philippines ont signé un accord historique dans lequel ils se sont mis d’accord pour conduire
des recherches séismologiques dans une zone de 143 000 km² afin de déterminer les réserves
en pétrole de la zone en question qui est située sur les Spratlys587. Cet accord illustre un
changement d’attitude par rapport aux années 1990 et début 2000 quand les protagonistes
annonçaient des accords différents avec des compagnies étrangères dans des zones contestées
et qui, occasionnellement, se chevauchaient588. Mais elle montre aussi ses limites car elle
stipule que: « The three parties affirm that the signing of the Tripartite Agreement will not
undermine the basic positions held by their respective Governments on the South China Sea
issue »589. Ce qui montre que les protagonistes veulent profiter de la manne pétrolière sans
régler le conflit de souveraineté, qui constitue le fond de l’affaire. Mais ce genre d’accord
peut aider à faire baisser les tensions et donc favoriser ensuite un accord sur la souveraineté,
en attendant la question est en suspens. Mais cet accord entre des compagnies pétrolières,
585
Annexes 13 et 14.
Article 7 du Traité de Washington.
587
Annexe 8.
588
SONG (Y.), “The U.S. policy o…”, op. cit., pp.321-322.
589
Annexe 8.
586
105
malgré la présence des Etats n’est qu’un premier pas. En effet, les protagonistes pourraient se
mettre d’accord au niveau de l’Etat sur une exploitation commune des ressources. Il existe
pour cela beaucoup d’exemples d’exploitation commune dans la région, et des auteurs ont
proposé des solutions, notamment Mark Valencia avec sa proposition de Spratlys
Development Authority590. Nous allons regarder quels modèles ont été proposés pour les
Spratlys, et les critères pertinents pour déterminer les compétences dans la zone.
La Chine aurait proposé dès 1990, et l’aurait ensuite répété à plusieurs reprises, de faire des
prospections puis une exploitation en commun avec les autres prétendants591. L’accord signé
le 14 mars 2005 semble aller dans le sens d’une exploitation en commun, même si pour
l’instant elle n’est valable que pour trois ans et ce pour une exploration et non une
exploitation592. Taïwan aurait aussi proposé une exploitation en commun de toutes les
ressources de la zone. Son Président Lee aurait proposé aux autres Etats de participer à un
« système de sécurité collectif Asiatique » qui impliquerait une réduction de l’armement dans
la région, une cotisation à un pot commun de sécurité et une exploitation en commun des
ressources. Le tout serait géré par une Compagnie du Développement de la Mer de Chine du
Sud doté de 10 milliards de dollars US593. L’ambassadeur des Philippines au Japon aurait
aussi proposé qu’une compagnie privée internationale s’occupe de gérer l’exploitation des
ressources aux Spratlys594. Enfin, l’Indonésie aurait aussi proposé, au travers des Workshops,
que les protagonistes s’inspirent du Timor Gap Treaty qu’il a signé avec l’Australie en 1989
et qui régit l’exploitation commune du pétrole dans le détroit du Timor595. Ce dernier traité est
souvent vu comme un modèle possible pour les Spratlys. Il a une approche originale du
problème car il divise la zone qui est contestée en trois parties, une partie où la coopération
est totale et les bénéfices et coûts sont divisés en deux parts égales, mais aussi deux autres
parties où les bénéfices et coûts sont divisés en deux parts de 10 et 90%596. Cette approche
pourrait séduire les 6 protagonistes car ils ne revendiquent pas tous les mêmes zones, rendant
donc un partage géographique possible, même s’il sera compliqué. A ce propos Marc
Valencia aurait fait différentes propositions pour trouver la bonne zone en s’appuyant sur des
travaux de Victor Prescott597. Ce point illustre aussi la nécessité de partager les coûts, mais
590
VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, op. cit., p.20.
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes…, op. cit., p.140.
592
Annexe 8.
593
LIN (C.), “Taiwan’s South …”, op. cit., p.335.
594
Ibid.
595
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters…”, op. cit., pp.5-6.
596
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.219.
597
CUI (W.), “Multilateral management as a fair solution to the Spratly disputes”, Vanderbilit journal of
Transnational Law, Volume 36, Numéro 3, Mai 2003, p833.
591
106
aussi les bénéfices d’une telle exploitation. Ici aussi la répartition sera difficile, et elle devra
être effectuée de manière équitable. Ensuite le deuxième point intéressant pour les Spratlys est
le fait que l’Indonésie et l’Australie ont décidé de ne pas honorer les contrats qu’ils ont conclu
précédemment avec d’autres compagnies pétrolières pour exploiter la zone598. Cette règle
résoudrait effectivement le problème des droits qui ont été accordés sur les mêmes zones par
différents Etats à différentes compagnies. Parmi les points importants, il convient de
déterminer avec précision les ressources réelles de la zone, or, comme nous l’avons vu plus
haut, les estimations varient grandement599. Ce point illustre l’importance que l’Accord de
mars 2005 peut avoir dans la construction d’un régime d’exploitation commune.
Mark Valencia a fait sa première proposition pour un « Spratlys Management
Authority » en 1989. Il a ensuite écrit un livre, Sharing the resources of the South China Sea,
avec John Van Dyke et Noel Ludwig dans lequel ils proposent plusieurs modèles pour une
allocation des Spratlys dans le cas d’une exploitation commune600. Son modèle d’exploitation
n’est d’ailleurs valable pas uniquement pour le pétrole, mais aussi pour toutes les ressources
de la zone. Ils basent leurs allocations de zones sur différents critères : l’étendue de la
revendication, la longueur de la côte et la position des îles occupées. A partir de là, ils font
plusieurs simulations. Mais cette méthode est critiquée car elle pousse les protagonistes à
occuper le plus d’îles possibles et elle prendrait en compte la revendication des neufs lignes
de la Chine601. Ces débats montrent l’importance de la délimitation de la zone concernée par
l’exploitation commune, surtout dans le cas des Spratlys le sujet est sensible aux vues des
revendications chinoises. D’ailleurs, l’Accord de mars 2005 précise bien une zone précise
déterminée par des « specific geographic coordinates »602.
Ces propositions et ces idées illustrent la complexité pour trouver un accord final sur
une autorité. Il y a un certain nombre de critères à définir : la zone concernée, l’étendue des
compétences, l’aspect de l’Autorité chargée de réguler le tout, ses pouvoirs, son financement,
la répartition des bénéfices, le contrôle, ... Mais la base de tout accord reste la même ; il faut
que la question de la souveraineté soit mise en suspend pour la période et la zone concernée.
De même il faut une vraie volonté de coopération entre les Etats pour arriver à un accord.
Cette volonté ne peut être possible uniquement si les Etats savent qu’ils ont plus à gagner qu’à
598
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute…”, op. cit., p.219.
Idem, p.217.
600
CUI (W.), “Multilateral management … ” , op. cit., p.818.
601
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …, op. cit., p.110.
602
Annexe 8.
599
107
perdre603. Les points plus techniques qui peuvent faire varier l’accord sur des points
importants doivent être débattus par les Etats concernés lorsqu’ils chercheront à établir
l’autorité en question.
Certains auteurs estiment que l’attrait du pétrole fera qu’une solution sera trouvée rapidement
pour l’exploiter en commun, mais qu’un risque de conflit restera important car la question de
la souveraineté sera toujours sous-jacente604. C’est effectivement le problème d’une
exploitation commune des ressources, surtout dans le cas des Spratlys où tous les Etats
accordent beaucoup d’importance à la souveraineté sur ces îles605, et ils n’hésiteront pas à
utiliser la force comme nous l’avons vu. En revanche, si un tel accord est une première étape
vers un règlement définitif du problème cette lacune est évitée.
c. Création d’un parc international pour les îles Spratlys sur le modèle des
parcs naturel en Afrique du Sud, Mozambique et Zimbabwe
Lors de la Conférence « Parks for Peace » organisée en Afrique du Sud les 16, 17 et
18 septembre 1997, G.H. Blake a soumis la proposition que les Spratlys pouvaient devenir un
parc international. En effet, les Spratlys ont une vie marine riche, tant au niveau de la faune
que de la flore ; ce qui explique l’importance pour la pêche de cette région et les tours
touristiques de plongée que la Malaisie voulait développer. Cette proposition est une
proposition originale mais elle pourrait en effet contribuer à résoudre le problème des
Spratlys. Ce domaine des parcs transnationaux marins n’est pas encore très développé. Mais,
il existe beaucoup de possibilités pour en créer et cela multiplierait les exemples pour les
Spratlys. En effet, sur 420 frontières maritimes à être délimitées, seules 150 avaient été
formalisées en 1997. A cette même date il y avait 15 accords créant des zones maritimes
conjointes, la première datant de 1958 entre le Bahreïn et l’Arabie Saoudite606. Les
protagonistes aux Spratlys disposent donc de peu d’exemples concrets pour développer ce
régime original, mais s’ils arrivent à créer cette zone cela serait un signal politique assez fort
pour la paix et l’environnement.
603
CUI (W.), “Multilateral management … ”, op. cit., p.815.
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise …, op. cit., pp.121-122.
605
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …, op. cit., p.110.
606
BLAKE (G.), “The geopolitics of transboundary cooperation : an overview”, Parks for Peace International
Conference on Transboundary Protected Areas as a Vehicle for International Co-operation, Somerset West,
South Africa, 16-18 Septembre 1997, p.79.
604
108
Même s’il existe peu d’exemple il est possible de déduire qu’il y a deux possibilités
concernant la souveraineté. Soit elle est mise de côté et le parc est sans souveraineté, soit la
souveraineté est partagée en zones et le parc serait alors un parc transfrontalier comme il en
existe des centaines607. Dans les deux cas il faudrait institutionnaliser un minimum le parc
pour arriver à une protection efficace avec entre autres des patrouilles. De même il faudra
détruire les structures militaires installées sur les récifs pour laisser la nature reprendre ses
droits. Mais ici, comme dans l’exemple de l’Antarctique, une démilitarisation sera difficile.
2. Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté
Comme nous venons de le voir pour les parcs il peut être tentant de résoudre le problème
de la souveraineté et de proposer un régime commun pour les Spratlys. Il existe deux
possibilités pour les Spratlys. Soit la création d’un condominium qui amènerait un partage
égal de la souveraineté et un partage équitable des charges et des bénéfices en fonction de
différents critères (a.). Mais il a aussi été proposé, surtout par la Chine, que la souveraineté
sur les Spratlys leur soit accordée exclusivement et qu’ils acceptent de partager les ressources
avec les autres prétendants (b.).
a. Création d’une zone à souveraineté partagée avec possibilité d’exploiter
les ressources en commun (condominium)
Comme nous venons de le voir, une des lacunes possible d’une exploitation des
ressources en commun est de mettre la question de la souveraineté de côté, ce qui entraîne un
risque potentiel de conflit. De plus, nous avons vu que tous les Etats sont très attachés à la
souveraineté sur les Spratlys, surtout la Chine et le Vietnam. Une solution qui concilierait ces
deux approches serait la création d’un condominium pour les Spratlys. Un condominium
correspond à un territoire où « un ou plusieurs Etats s’accaparent la totalité des fonctions
étatiques ». Les Etats en question « s’engagent à exercer les compétences étatiques de façon
collégiale »608. Ce territoire reste un « territoire étranger » et la situation ne peut être qualifiée
607
Il existe des parcs transfrontaliers entre la France et l’Italie, entre l’Afrique du Sud, le Mozambique et le
Zimbabwe, …
608
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p..487.
109
de « co-souveraineté ». Néanmoins, une Chambre de la CIJ a précisé dans un arrêt du 11
septembre 1992 que le mot condominium :
« en tant que terme technique utilisé en droit international, désigne en
général (un) système organisé, mis en place (par un accord entre les Etats
concernés) en vue de l’exercice en commun de pouvoirs gouvernementaux
souverains sur un territoire ; situation qu’il serait peut être plus juste
d‘appeler co-imperium. »609.
Cette définition confirme donc bien qu’un condominium est une étape supérieure dans la
coopération qu’une exploitation commune des richesses qui laisse de côté la question de la
souveraineté. Cette idée de condominium aurait aussi été avancée lors du deuxième Workshop
en 1991610. Mais elle semble avoir reçu beaucoup moins d’échos que la notion d’exploitation
en commun. Cela est peut être dû à l’importance qu’accordent les Etats à une souveraineté sur
ces îles, et une souveraineté partagée ne serait peut être pas une vraie souveraineté pour eux,
et ce d’autant plus si elle est partagée entre des pays qui ont des relations parfois tendues.
Comme dans le cas de l’exploitation en commun, les modalités précises concernant la zone,
les compétences des uns et des autres, la contribution et le gain des différentes parties et bien
d’autres aspects sont sujettes au débat entre les futurs Etats parties. Pour les Spratlys une telle
zone pourrait être possible, et elle aurait l’avantage de régler le problème de la souveraineté
de manière définitive. Néanmoins, pour qu’elle soit acceptée un jour il faudra que les
nationalismes et les tensions entre les protagonistes baissent. Ceci est un travail de longue
haleine.
b. Le modèle des Spitzberg poussé par la Chine
La Chine propose que la souveraineté sur les îles Spratlys lui soit accordée, puis elle
accepterait ensuite une exploitation en commun des ressources611. Cette solution se
rapprocherait de la solution trouvée pour l’archipel des Spitzberg au nord de la Norvège. Le
Traité concernant les Spitzberg fut signé en 1920, il accordait la souveraineté sur les îles à la
Norvège, mais il a aussi créé un régime équitable d’exploitation en commun des ressources de
l’archipel par les autres pays qui revendiquaient les îles612. Ces autres Etats, au nombre de 40,
609
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, op. cit., p.488.
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.110.
611
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: …”, op. cit., p.10.
612
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: …”, op. cit., p.220.
610
110
gardent leurs droits économiques passés basés sur la notion de terra nullius. Le traité contient
aussi des précisions sur l’utilisation des taxes qui sont levées par la Norvège, toutes doivent
être utilisées sur les îles613. Ce qui est intéressant pour le conflit des Spratlys est le fait que les
Etats qui n’ont pas la souveraineté peuvent exploiter presque librement les îles, et le nombre
de protagonistes n’est pas un problème car le Traité des Spitzberg fonctionne pour 40 Etats,
un tel modèle pourrait alors aussi fonctionner pour 5 protagonistes dans le cas des Spratlys.
Cette proposition est défendue par beaucoup d’auteurs chinois qui manient la politique de la
carotte et du bâton pour essayer de convaincre leurs lecteurs, et les autres protagonistes, que la
Chine est faible et généreuse quand elle propose une telle solution et qu’ils feraient mieux
d’accepter rapidement tant qu’ils ont encore un « avantage » sur la Chine614. L’article de
Charles Liu précise tout d’abord que les protagonistes ont tout intérêt à accepter rapidement
cette offre « généreuse » qui ne durera pas pour toujours. De plus, il sous-entend que la Chine
utilisera la force s’il le faut plus tard615. L’auteur affirme ensuite que les autres prétendants
auront, sans doute, moins de difficultés que la Chine pour ne plus revendiquer la souveraineté
sur les îles616. Cette affirmation semble grossièrement erronée. L’auteur continue dans son
exposé en faisant une liste des avantages que pourront tirer les autres Etas de cette solution :
un meilleur accès aux technologies étrangères, une meilleure relation avec la Chine, un
meilleur accès au marché chinois et plus de poids face aux grandes puissances de ce
monde617. Puis, quand l’auteur fait la liste des gains pour la Chine, il dit que la Chine
bénéficiera de bonnes relations avec son voisinage qui pourra le défendre sur certains sujets
sensibles tels que la situation des droits de l’homme en Chine618. Il dit aussi que la Chine a
une armée limitée et ne sera donc pas obligée de disperser ses forces car la paix sera établie, et
enfin il parle du besoin de la Chine en nouvelles technologies et de la nécessaire coopération
avec des compagnies étrangères pour exploiter le pétrole619. Les avantages que l’auteur cite
illustrent tous des faiblesses de la Chine : elle a besoin de ses voisins, son armée est trop petite
et elle n’est pas développée. Il cherche peut être à donner l’impression d’une Chine plus petite
qu’elle n’est, plus à la taille des autres pays de la région. Or, objectivement, ce n’est pas le
cas.
613
Idem, p.221.
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly Islands dispute”,
Loyola of Los Angeles International and comparative law journal, Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996 est
un bon exemple de cette attitude.
615
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development…”, op. cit., p.884.
616
Idem, p.885.
617
Idem, pp.887-889.
618
Idem, pp.890-891.
619
Idem, p.891.
614
111
Cette solution proposée par la Chine semble hautement improbable tant elle vexerait et
ébranlerait les nationalismes des autres pays. Rien que pour le Vietnam cette solution semble
impossible. Ils ont toujours clamé haut et fort que l’archipel des Spratlys est un territoire
vietnamien, et accepter la souveraineté chinoise pour exploiter les richesses des lieux serait
inacceptable pour eux. Ce refus de la souveraineté chinoise va de même pour les autres pays
qui revendiquent les Spratlys. La proposition chinoise tend à sous-estimer l’importance autre
qu’économique de ces îles pour les autres pays. Mark Valencia exprime ceci très clairement:
« The disputes are not primarily about oil but rather about the strategic
significance of the islands and the sovereignty claims thereto… It should
also be remembered that the claimants are countries, not oil companies.
Countries must and do think long-term and multi-dimensional, particularly
when territory is involved. »620.
Nous venons de voir les différentes possibilités de régimes internationaux dont
disposent les protagonistes. Ces régimes peuvent aider à développer une confiance, déjà
préexistante, entre les acteurs. Il est aussi possible que certains de ces régimes règlent
définitivement le différend. Mais, beaucoup d’auteurs sont d’accord pour dire que tant que la
question de la souveraineté sur les îles n’a pas été réglée le conflit perdurera621. De plus, il
existe un scepticisme sur la volonté des acteurs de mettre rapidement en place un de ces
régimes622. Finalement, la place de Taïwan dans tous ces modèles reste un problème
permanent et dur à résoudre tant que les relations entre la Chine et Taïwan resteront telles
qu’elles le sont actuellement623. Certains auteurs cherchent à mettre en avant la politique
« d’une Chine », qui est acceptée par la plupart des pays du monde, dont les grandes
puissances et les pays impliqués dans le conflit, pour indiquer qu’il n’existe pas de problèmes
avec Taïwan, il suffit de l’ignorer dans une résolution du litige624. Cette solution ne me
semble pas aller de soi, et la question de la place de Taïwan dans un règlement de ce genre
mérite plus d’attention.
620
Mark Valencie cite dans HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code …”, op. cit., p.110.
Idem, p.108.
622
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: …”, op. cit., p.239.
623
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: …”, op. cit., p.213.
624
CUI (W.), “Multilateral management … ”, op. cit., p.813.
621
112
Conclusion
Le conflit territorial sur la souveraineté des Spratlys est un différend assez ancien. Il
fait donc appel à des notions qui ont évolué avec le temps, ce qui oblige à une précision
historique certaine. Il est compliqué par le nombre d’acteurs, six au total, et par le statut
juridique ambiguë de l’un d’entre eux : Taïwan. Tous les protagonistes évoquent des
arguments juridiques et politiques très différents pour soutenir leurs revendications. Cette
multiplication des arguments rend le différend très intéressant, mais complique aussi son
règlement final car il n’est pas aisé de déterminer quels arguments sont supérieurs. Ce
d’autant plus que tous les dossiers ont des faiblesses à différents moments.
Le droit international est donc essentiel pour mieux comprendre les arguments des uns et des
autres et pouvoir juger leur valeur juridique. Le droit international de la mer tel qu’il est
présent dans la Convention Internationale du Droit de la Mer signée à Montego Bay en
Décembre 1982 est très utile pour aider à déterminer le cadre d’un éventuel règlement et la
portée réelle des droits que peuvent engendrer les Spratlys. Une collaboration entre le
Tribunal du Droit de la Mer, chargé d’interpréter la Convention de Montego Bay, et la Cour
Internationale de Justice, qui peut s’occuper de différends territoriaux, pourrait être très utile
dans la détermination d’une solution finale.
En effet, il est indispensable, et obligatoire en droit, de trouver une solution pacifique à ce
différend situé dans une zone stratégique. Les tensions ont été les plus élevées dans les années
1980 et 1990, mais, fort heureusement, depuis quelques années, les protagonistes semblent
montrer une réelle envie de trouver un règlement pacifique, au moins provisoire, à la question
des Spratlys. Pour arriver à un règlement pacifique final il faudra passer par plusieurs étapes,
ce qui rend le processus long ; trop long pour certains… Tout d’abord, il est nécessaire
d’installer la confiance entre les acteurs qui sont souvent très méfiants les uns envers les
autres. Puis le droit international, comme le droit de la mer, prévoient des mesures de
coopération qui facilitent l’arrivée à une solution finale. Les protagonistes peuvent s’inspirer
de différents modèles, qui traitent de la question de la souveraineté différemment, pour arriver
à une solution définitive ou provisoire, mais à chaque fois dans un cadre pacifique.
113
Des développements récents laissent entrevoir la possibilité d’arriver à une situation de
coopération dans un régime multilatéral sans recours à la violence. Mais les tensions et la
méfiance sont encore très présents, et il tient de rester réaliste : une solution est possible, mais
elle sera longue et compliquée à trouver. Il faut espérer que les protagonistes seront utiliser
toutes les possibilités que leur offrent le droit de la mer et le droit international public avec le
règlement pacifique des différends.
114
Bibliographie
Ouvrages :
-
ARMSTRONG (D.), LLOYD (L.), REDMOND (J.), International Organisations in
world politics, Palgrave, Macmillan, 2004, Chine, p.264
-
BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 2, Hatier, Paris, 1996, p.485
-
BERSTEIN (S.), MILZA (P.), Histoire du XXe siècle, Tome 3, Hatier, Paris, 2001, p.379
-
CHAIGNEAU (P.), dir., Enjeux diplomatiques et stratégiques, Economica, Centre d’étude
diplomatiques et stratégiques, 2005, p.365
-
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), La souveraineté sur les archipels Paracels et
Spratleys, L’Harmattan, 1996, Paris, p.134
-
DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit International Public 7ième édition, L.G.D.J., 2002,
p.1510
-
DIPLA (H.), Le régime juridique des îles dans le Droit International de la Mer, Presses
Universitaires de France, Paris, 1984, p.236
-
FAURE (J.), PROST (Y.), Relations Internationales, Ellipses, 2004, p.526
-
FERRIER (J-P.), L’année diplomatique 2000, Gualino éditeur, 2000, p.42, p.217-218,
p.226
-
FREMY (D.), FREMY (M.), Quid 2004, Robert Laffont, 2003, p.2190
-
GRANT (J.), BARKER (C.), “Encyclopaedic dictionary of International Law”, Oceana
Publications, New York, 2004, p.641
-
HONG THAO (N.), Le Vietnam et ses différends maritimes dans la mer de Bien Dong
(Mer de Chine méridionale), Pedone, Paris, 2004, p.314
-
KARNS (M.), MINGST (K.), International Organizations, Lynne Rienner, Boulder,
2004, USA, p.520
-
LACOSTE (Y.), dir., Dictionnaire de Géopolitique, Flammarion, Paris, 1993, p.207
-
SALMON (J.), dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles,
2001, p.1198
-
VAÏSSE (M.), dir., Dictionnaire des relations internationales au 20e siècle, Armand
Colin, Paris, 2005, p.28-29
115
-
VAÏSSE (M.), Les relations internationales depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2002,
p.239
-
VERHOEVEN (J.), Droit International Public, Précis de la Faculté de droit de
l’Université catholique de Louvain, Larcier, 2000, p.829
-
WACKERMANN (G.), Les frontières dans un monde en mouvement, Ellipses, 2003, p.
-
Britannica Concise Encyclopedia
-
Columbia University Press Encyclopedia
Articles :
-
ABBOTT (J.), “China and the South Sea dialogues”, Contemporary Southeast Asia,
Volume 22, Décembre 2000, Singapore, pp.617-619
-
BAVIERA (A.), “The South China Sea disputes after the 2002 declaration: beyond
confidence-building”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, pp.344-355
-
BELLER (R.), “Analyzing the relationship between International law and International
politics in China’s and Vietnam’s territorial dispute over the Spratly Islands”, Texas
International Law journal, Volume 29, Numéro 1, hiver-printemps 1994, pp.293-320
-
BERNSTEIN (R.), MUNRO (R.), “China: the coming conflict with America”, Foreign
affairs, Mars-Avril 1997, pp.18-25
-
BLAKE (G.), “The geopolitics of transboundary cooperation : an overview”, Parks for
Peace International Conference on Transboundary Protected Areas as a Vehicle for
International Co-operation, Somerset West, South Africa, 16-18 Septembre 1997, pp.7581
-
CALDER (K.), “Asia’s empty tank”, Foreign affairs, Mars-Avril 1996, pp.55-63
-
CHANDA (N.), CHEUNG (T.), “Reef knots”, Far Eastern Economic Review, 30 Août
1990, p.11
-
CHANDA (N.), “Treacherous shoals”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992,
pp.14-16
-
CHARNEY (J.), “Central East Asian maritime boundaries and the law of the sea”,
American Journal of International law, Volume 89, Octobre 1995, pp.724-749
-
CHARNEY (J.), “Rocks that cannot sustain human habitation”, American journal of
International law, Volume 93, Octobre 1999, pp.863-878
116
-
CHARNEY (J.), PRESCOTT (J.), “Resolving cross-strait relations between China and
Taiwan”, American journal of International law, Volume 94, Juillet 2000, pp.453-477
-
CHEN (K.), “China and Vietnam said to reach agreement on disputed islands”, Wall
Street Journal, 23 Décembre 1993, New York, p.8
-
CHRISTENSEN (T.), “Chinese realpolitik”, Foreign affairs, Septembre-Octobre 1996,
pp.37-45
-
CHUA (R.), “Chinese, Filipinos stage a stare-down at sea in disputed Pacific reef area”,
Wall Street journal, 17 Mai 1995, New York, p.14
-
CHUNG (C.), “The Spratlys and other South China Sea disputes”, The journal of social,
political, and economic studies, Volume 24, Printemps 1999, Washington, pp.17-36
-
CORDNER (L.), “The Spratly Islands dispute and the Law of the sea”, Ocean
development and International Law, Volume 25, Numéro 1, Janvier-Mars 1994, pp.61-74
-
CUI (W.), “Multilateral management as a fair solution to the Spratly disputes”,
Vanderbilit journal of Transnational Law, Volume 36, Numéro 3, Mai 2003, pp.799-861
-
DJALAL (H.), “Indonesia and the South China Sea Initiative”, Ocean Development and
International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.97-103
-
DOBSON (W.), FRAVEL (T.), “Red herring hegemon: China in the South China Sea”,
Current History, Septembre 1997, pp.258-263
-
DUBNER (B.), “On the interplay of International Law of the sea and the prevention of
maritime pollution”, Georgetown International environmental Law review, Volume 11,
Automne 1998, pp.137-161
-
ENGARDIO (P.), PRASSO (S.), SHARI (M.), BALFOUR (F.), “The hot spots Clinton
skipped over”, Business Week, 29 Avril 1996, New York, p.56
-
ER (L.), “Japan and the Spratlys dispute”, Asian survey, Volume 36, Numéro 10,
Octobre 1996, pp.995-1010
-
FORTES (M.), “The Spratlys as a zone of peace: the transboundary biosphere reserve
concept at work”, Juin 2002, http://www.csiwisepractices.org/
-
Réponse à FORTES (M.); BUDOWSKI (G.), KELMAN (I.), PRESCOTT (V.), “The
Spratly Islands: an opportunity for environmental diplomacy?”, Juin 2002,
http://www.csiwisepractices.org/
-
FURTADO (X.), “International Law and the dispute over the Spratly Islands”,
Contemporary Southeast Asia, Volume 21, Décembre 1999, Singapore, pp.386-404
-
GJETNES (M.), “The Spratlys: Are they rocks or islands?”, Ocean Development and
International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.191-204
117
-
GUAN (A.), “ASEAN, Chin and the South China Sea dispute”, Security dialogue,
Volume 30, Numéro 4, Décembre 1999, pp.425-429
-
GUILLAUME (G.), « Les hauts-fonds découvrants en Droit International » in La Mer et
son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris,
2003, pp.287-302
-
HAAS (D.), “Out of others’ shadows : ASEAN moves toward greater regional
cooperation in the face of the EC and NAFTA”, The American University journal of
International Law and policy, Volume 9, Printemps 1994, pp.809-867
-
HAMZAH (B.), “China’s strategy”, Far Eastern Economic Review, 13 Août 1992, p.22
-
HONG THAO (N.), “Vietnam and the Code of Conduct for the South China Sea”, Ocean
Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.105-130
-
HUANG (E.), “Taiwan’s status in a changing world: United Nations representation and
membership for Taiwan”, Golden Gate University School of Law, Volume 9, Printemps
2003, pp.55-98
-
JIE (C.), “China’s Spratly policy with special reference to the Philippines and Malaysia”,
Asian survey, Volume 34, Numéro 10, Octobre 1994, pp.893-903
-
JOYNER (C.), “The Spratly Islands dispute: rethinking the interplay of law, diplomacy,
and geo-politics in the South China Sea”, The international journal of marine and coastal
law, Volume 13, Numéro 2, Mai 1998, pp.193-236
-
KEYUAN (Z.), “Historic Rights in International Law and in China’s practice”, Ocean
Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.149-168
-
KIRAS (J.), “The South China Sea: Issues of a maritime dispute”, Peacekeeping and
International relations, Volume 24, Juillet 1995, p.3
-
KITTICHAISAREE (K.), “A Code of Conduct for Human and Regional Security around
the South China Sea”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro
2, Avril-Juin 2001, pp.131-147
-
KLARE (M.), “The next great arms race”, Foreign affairs, Eté 1993, pp.136-144
-
KODAMA (Y.), “Annual review of significant developments: 1995”, The International
lawyer, Volume 30, Eté 1996, pp.367-386
-
KRISTOF (N.), “The rise of China, this times it is real”, Foreign affairs, NovembreDécembre 1993, pp.59-67
-
LABROUSSE (H.), “Les ambitions maritimes de la Chine”, Défense nationale, Février
1994, pp.135-141
118
-
LABROUSSE (H.), “Quelle solution pour les îles Spratley?”, Défense nationale,
Décembre 1994, pp.129-136
-
LAGONI (R.), “Interim measures pending maritime delimitation agreements”, American
Journal of International Law, Volume 78, Avril 1984, pp.345-368
-
LIN (C.), “Taiwan’s South China Sea policy”, Asian survey, Volume 37, Numéro 4, Avril
1997, pp.323-339
-
LIU (C.), “Chinese sovereignty and joint development: a pragmatic solution to the Spratly
Islands dispute”, Loyola of Los Angeles International and comparative law journal,
Volume 18, Numéro 4, Septembre 1996, pp.865-892
-
MAHBUBANI (K.), “The pacific way”, Foreign affairs, Janvier-Février 1995, pp.100106
-
MAHBUBANI (K.), “An Asia-Pacific consensus”, Foreign affairs, Septembre-Octobre
1997, pp.149-155
-
MARSIT (M.), “Cinquième anniversaire du Tribunal International du Droit de la Mer”
in La Mer et son Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec,
Pedone, Paris, 2003, pp.421-436
-
MARTIN (P.), “Regional efforts at preventive measures: four cases studies on the
development of conflict-prevention capabilities”, New-York University Journal of
International Law and politics, Volume 30, Printemps-été 1998, pp.881-937
-
McCORQUODALE (R.), PANGALANGAN (R.), “Pushing back the limitations of
territorial boundaries”, European Journal of International Law, Volume 12, Novembre
2001, pp.867-880
-
McDORMAN (T.), “The Canada-France maritime boundary case: drawing a line around
St. Pierre and Miquelon”, American Journal of International Law, Volume 84, Janvier
1990, pp.157-189
-
MEDEIROS (E.), FRAVEL (M.), “China’s new diplomacy”, Foreign affairs, NovembreDécembre 2003, pp.22-30
-
MENEFEE (S.), “Republics of the reef: Nation-building on the continental shelf and in
the world’s oceans”, California Western International Law journal, Volume 25, Automne
1994, pp.81-111
-
MIO (L.), “The Timor Gap treaty as a model for joint development in the Spratly
Islands”, American University International Law review, Volume 13, 1998, pp.727-764
119
-
NGUYEN (M.), “Settlement of disputes under the 1982 United Nations Convention on the
Law of the Sea, the case of the South China Sea dispute”, UN-Nippon Foundation, New
York, Décembre 2005, p.74
-
NOYES (J.), “International law of the sea”, The International lawyer, Volume 31, Eté
1997, pp.703-715
-
ODGAARD (L.), “Deterrence and co-operation in the South China Sea”, Contemporary
Southeast Asia, Volume 23, Août 2001, Singapore, pp.292-306
-
ONG (D.), “Joint development of common offshore oil and gas deposits: ‘Mere’ State
practice or Customary International Law”, American Journal of International Law,
Octobre 1999, pp.771-804
-
OUDE ELFERINK (A.), “The islands in the South China Sea: How does their presence
limit the extent of the high seas and the area and the Maritime Zones of the mainland
coast?”, Ocean Development and International Law, Volume 32, Numéro 2, Avril-Juin
2001, pp.169-190
-
PELLET (A.), “Les reserves aux Conventions sur le Droit de la Mer”, in La Mer et son
Droit, Mélanges offerts à Laurent Lucchini et Jean-Pierre Quéneudec, Pedone, Paris,
2003, pp.501-520
-
PIERRE (A.), “Vietnam’s contradictions”, Foreign affairs, Novembre-Décembre 2000,
pp.69-78
-
RICHARDSON (M.), “ASEAN-China maritime security cooperation”, Institute of
Southeast Asian Studies, Singapore, 2005, pp.199-207
-
ROQUE (H.), “China’s claim to the Spratlys Islands under International Law”, Journal
of energy and natural resources law, Volume 15, Numéro 3, Août 1997, pp.189-211
-
ROSS (R.), “Beijing as a conservative power”, Foreign affairs, Mars-Avril 1997, pp.3339
-
SALEEM (O.), “The Spratly Islands dispute: China defines the new Millennium”,
American University International Law review, Volume 15, 2000, pp.527-582
-
SCHERER (S.), “La stratégie expansionniste chinoise en mer de Chine du Sud”, Défense
nationale, Volume 53, Janvier 1997, pp.105-122
-
SENESE (P.), “Chinese acquisition of the Spratly Archipelago and its implications for the
future”, Conflict management and peace science, Volume 22, 2005, pp.79-94
-
SHAW (Y.), “Taiwan: a view from Taipei”, Foreign affairs, Eté 1985, pp.1050-1058
-
SHEPARD (A.), “Oil on troubled waters: Indonesian sponsorship of the South China Sea
workshops”, Studies in conflict and terrorism, Volume 18, Numéro 1, pp.1-15
120
-
SONG (Y.), “The U.S. policy on the Spratly Islands and the South China Sea”, The
Indonesian Quarterly, Volume 25, Numéro 3, Juillet 1997, pp.318-334
-
STEPHENS (D.), “The impact of the 1982 Law of the Sea Convention on the conduct of
peacetime naval/military operations”, California Western International Law journal,
Volume 29, Printemps 1999, pp.283-311
-
STUDEMAN (M.), Calculating China’s advances in the South China Sea: identifying the
triggers of “expansionism”, Volume 51, Printemps 1998, Washington, pp.68-90
-
TIGLAO (R.), “Troubled waters”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 30 Juin
1994, Hong Kong, pp.20-22
-
TIGLAO (R.), “Seaside boom”, Far Eastern Economic review, Volume 162, 8 Juillet
1999, Hong Kong, p.14
-
TOMLINSON (M.), “Recent development in the International Law of the Sea”, The
International lawyer, Volume 32, pp.599-609
-
TØNNESON (S.), “Introduction”, Ocean Development and International Law, Volume
32, Numéro 2, Avril-Juin 2001, pp.93-95
-
VALENCIA (M.), “All-for-everyone solution”, Far Eastern Economic Review, 30 Mars
1989, p.20
-
VALENCIA (M.), “A Spratly solution”, Far Eastern Economic Review, Volume 157, 31
Mars 1994, Hong Kong, p.30
-
VALENCIA (M.), “Regional maritime regime building: prospects in Northeast and
Southeast Asia”, Ocean Development and International Law, Volume 31, Numéro 3,
2000, pp.238-240
-
VALENCIA (M.), “The Spratly Islands dispute”, Far Eastern Economic review, Volume
166, 9 Janvier 2003, Hong-Kong, p.21
-
WILLIAMS (M.), “Don’t neglect the Spratlys”, Far Eastern Economic review, Volume
165, 26 Septembre 2002, Hong-Kong, pp.26
-
YALOWITZ (G.), “Spratly spats are serious”, US News and World report, 28 Mars
1988, p.36
-
YERGIN (D.), “Fueling Asia’s recovery”, Foreign affairs, Mars-Avril 1998, pp.34-42
-
ZHONGCHUN (W.), YAQIANG (L.), “China-ASEAN maritime security cooperation
situation and proposals”, Institute of Southeast Asian studies, 2005, pp.187-207
121
Documents :
-
Carte détaillée de l’archipel des Spratlys
-
Carte officielle chinoise qui représente les revendications de la République Populaire de
Chine, « carte des neuf lignes »
-
Carte qui montre les réserves en pétrole et gaz naturel dans la mer de Chine méridionale
-
Carte avec les revendications superposées, Courrier International, Hors série, Mars-AvrilMai 2005
-
Carte avec la géographie marine de la mer de Chine
Documents légaux :
Traités Internationaux :
-
Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, Montego Bay, 10 Décembre1982
-
Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, Bali, 24 Février 1976; Protocol I,
Manille, 15 Décembre 1987; Protocol II, Manille, 25 Juillet 1998; Rules of procedure of
the High Council of Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, Hanoi, 23 Juillet
2001; Instrument of extension (to China) of the treaty of amity and cooperation in
Southeast Asia, Bali, 8 Octobre 2003; Instrument of accession to the Treaty of Amity and
Cooperation in Southeast Asia, Bali, 8 Octobre 2003
Lois nationales :
-
Parution du Journal Officiel de la République Française, 26 Juillet 1933, p.7837
-
Loi maritime du Brunei-Darussalam, 1982
-
Loi maritime chinoise, 25 Février 1992
-
Loi maritime chinoise, 26 Juin 1998
-
Loi chinoise sur la pêche, 12 Janvier 2002
Déclarations officielles :
-
Declaration on the conduct of parties in the South China Sea, Cambodge, 4 Novembre
2002; Terms of reference of the ASEAN-China joint working group on the
implementation of the Declaration on the conduct of parties in the South China Sea, Kula
Lumpur, Malaisie, 7 Décembre 2004
122
-
Joint declaration of the Heads of State/Government of the Association of Southeast Asian
Nations and the People’s Republic of China on strategic partnership for peace and
prosperity, Bali, 8 Octobre 2003; Plan of action to implement the joint Declaration on
ASEAN-China strategic partnership for peace and prosperity, 2004
-
Joint statement on East Asia cooperation, Manille, 28 Novembre 1999
-
Joint statement on the signature of a tripartite agreement for joint Marine Seismic
Undertaking in the agreement are in the South China Sea, Manille, 14 Mars 2005
-
Joint Statement of the Meeting of Heads of State/Government of the Member States of
ASEAN and the President of the People's Republic of China, Kuala Lumpur, Malaisie, 16
Décembre 1997
-
Joint Statement of ASEAN-China Commemorative Summit, Nanning, 30 Octobre 2006
-
Memorandum of Understanding between the Governments of the Member Countries of
the Association of Southeast Asian Nations and the Government of the People’s Republic
of China on Transport Cooperation, Vientiane, 27 November 2004
Documents des Nations Unies :
-
Declaration of H. E. Mr. Rodolfo C. Severino, Secretary-General of the Association of
Southeast Asian Nations, Fourth high-level meeting between the United Nations and
regional organizations on cooperation for peace building, Nations Unies, New-York, 6-7
Février 2001
-
Rapport du Secrétaire Général sur le droit de la Mer, Assemblée Générale de
l’Organisation des Nations Unies, 1 Novembre 1996
-
Projet de résolution de l’AG (AG/610) de l’ONU, 9 Décembre 1996
-
Compte rendu analytique de la 2630ième séance, 31 Mai 2000
-
Communiqué de presse, AG/853, 24 Novembre 1998
-
Communiqué de presse, AG/610, 9 Décembre 1996
-
Communiqué de presse, AG/729, 26 Novembre 1997
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam
auprès de l’Organisation des Nations Unies, 9 Octobre 1979
-
Lettre adressé au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam auprès
de l’Organisation des Nations Unies, 24 Mars 1980
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent du Viet Nam
auprès de l’Organisation des Nations Unies, 4 Février 1982
123
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès
de l’Organisation des Nations Unies, 20 Avril 1987
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la Chine
auprès de l’Organisation des Nations Unies, 15 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 16 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès
de l’Organisation des Nations Unies, 25 Février 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 25 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente de la Chine auprès de l’Organisations des Nations Unies, 28 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 30 Mars 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unis, 5 Avril 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 14 Avril 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par la Chargée d’Affaires par intérim de la
mission permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 2 Mai
1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Représentant permanent de la Chine auprès
de l’Organisation des Nations Unies, 13 Mai 1988
-
Lettre adressée au Secrétaire Général par le Chargé d’affaires par intérim de la mission
permanente du Viet Nam auprès de l’Organisation des Nations Unies, 17 Mai 1988
Documents nationaux officiels :
-
The Hoang Sa and Truong Sa archipelagos Vietnamese territories, Livre blanc du
Ministre des Affaires Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, 1981
-
Les archipels des Hoang Sa et Truong Sa et le Droit International, Ministère des Affaires
Etrangères de la République Socialiste du Vietnam, Hanoi, Avril 1988
124
Déclarations à la presse :
-
ASEAN China Foreign Ministers’ informal meeting joint press release, Quingdao, Chine,
21 Juin 2004
-
ASEAN-China senior officials meeting on the implementation of the Declaration on the
code of conduct of parties in the South China Sea, Press release, Kuala Lumpur, Malaisie,
7 Décembre 2004
Discours :
-
ASEAN-China relations: harmony and development, H.E. Ong Keng Yong, SecrétaireGénéral de l’ASEAN, Lors d’un Congrès pour marquer le quinzième anniversaire du
dialogue de la Chine avec l’ASEAN, Singapore 8 Décembre 2006
Sites consultés :
-
http://www.un.org/french/
-
http://lessites.service-public.fr/cgi-bin/annusite/annusite.fcgi/etr1?lang=fr
-
http://www.legifrance.gouv.fr/
-
http://www.lexisnexis.com/
-
http://proquest.com/
-
http://www.aseansec.org/
-
http://www.cnooc.com.cn/
-
http://www.icj-cij.org/
-
http://www.spratlys.org/
-
http://www.itlos.org/
-
http://www.fmprc.gov.cn/
-
http://www.mofa.gov.vn/
-
http://www.kln.goc.my/
-
http://www.dfa.gov.ph/
-
http://www.mofa.gov.tw/
-
http://www.mfa.gov.bn/
-
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
-
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/
-
http://www.french.xinhuanet.com/
125
-
http://www.test-organisation.org/
-
http://www.edc.ca/french/docs/gphilippines_f.pdf/
-
http://mcsinfo.u-strasbg.fr/
-
http://asiep.free.fr/
-
http://www.diplomatie.gouv.fr/
-
http://www.monde-diplomatique.fr/
-
http://www.lefigaro.fr/international/
-
http://www.lemonde.fr/
-
http://www.ajefrance.com/
-
http://www.lexpansion.com/
-
http://www.senat.fr/rap/
-
http://www.wto.org/
-
http://www.quid.fr/
-
http://www.nansha.org.cn/
126
Table des matières
Liste des sigles et abréviations ................................................................................................... 4
Sommaire ................................................................................................................................... 5
Introduction ................................................................................................................................ 6
I) Le conflit territorial des Spratlys .......................................................................................... 11
A. Les îles Spratlys............................................................................................................... 11
1. La situation géographique ............................................................................................ 11
2. Les intérêts stratégiques de ces îles.............................................................................. 14
a. Les intérêts économiques ......................................................................................... 14
b. Les intérêts géopolitiques......................................................................................... 16
3. Les acteurs qui ont plus ou moins d’intérêts en jeu ..................................................... 18
a. Les six protagonistes ................................................................................................ 18
b. Les acteurs secondaires ............................................................................................ 25
B. Rapide historique ............................................................................................................. 27
1. L’époque antérieure à 1933, la base des revendications historiques............................ 27
2. De 1933 à 1956, la marque de la France et du Japon................................................... 30
3. De 1956 à 2002, la période d’accélération du conflit .................................................. 31
4. Les notions de date critique et de cristallisation du différend appliquées aux Spratlys
.......................................................................................................................................... 35
C. Le statut des îles Spratlys dans le Droit International Public .......................................... 37
1. Iles habitables, ou rochers ? ......................................................................................... 37
a. Qu’est-ce qu’une « île » ?......................................................................................... 38
b. « Iles » ou « rochers » .............................................................................................. 39
c. La question de l’archipel .......................................................................................... 43
2. Les avantages obtenus avec ces formations qui entraînent des problèmes de
délimitation de frontières. ................................................................................................ 46
a. Les avantages selon la définition.............................................................................. 46
b. Le problème de la délimitation des frontières maritimes ......................................... 48
II) Les différentes revendications............................................................................................. 53
A. Les revendications les plus anciennes ............................................................................. 53
1. Le Vietnam, héritier de la France, héritière du Royaume d’Annam ............................ 53
a. Un éventuel titre embryonnaire obtenu et consolidé avant 1884 ............................. 54
b. La période coloniale française.................................................................................. 56
c. Le flou de l’après-guerre, de 1945 à 1975................................................................ 59
d. Le Vietnam réunifié. ................................................................................................ 62
2. La Chine revendique des Droits et une occupation depuis « des temps immémoriaux »
.......................................................................................................................................... 63
a. La République Populaire de Chine........................................................................... 64
La découverte et le titre originaire chinois....................................................... 64
La période de vide du XVIIIème au milieu du XXème ................................... 67
Le réveil progressif chinois .............................................................................. 70
b. La République Démocratique de Chine (Taiwan).................................................... 73
Les actions menées par Taiwan après la Deuxième Guerre Mondiale............. 73
Les effets d’une éventuelle indépendance taïwanaise...................................... 75
B. Les revendications plus récentes ..................................................................................... 76
1. Les Philippines invoquent un res nullius ..................................................................... 76
a. Les Kalayaan sont « terra nullius » .......................................................................... 76
b. Les Spratlys sous juridiction alliée........................................................................... 79
2. La Malaisie ................................................................................................................... 80
149
3. Le Brunei et la continuité géographique ...................................................................... 82
III) Les possibilités de règlement pacifique de ce différend .................................................... 83
A. Les propositions de règlement diplomatique ou de règlement juridique ........................ 84
1. Les modes de règlements diplomatiques...................................................................... 84
a. Négociations directes bilatérales ou multilatérales .................................................. 84
b. Médiation et bon office ............................................................................................ 87
Le rôle de l’Indonésie, celui d’un (possible) médiateur................................... 87
L’ASEAN exerce ses bons offices ................................................................... 89
c. Enquête et conciliation ............................................................................................. 91
2. Les modes de règlements juridiques ............................................................................ 92
a. L’arbitrage ................................................................................................................ 93
b. Le règlement judiciaire............................................................................................. 94
B. La Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale du 4
Novembre 2002 .................................................................................................................... 96
1. Le cadre de cette déclaration ........................................................................................ 96
2. Quelle est sa force juridique, son contenu.................................................................... 98
C. Les autres solutions envisageables ................................................................................ 102
1. Les régimes qui mettent en suspend la question de la souveraineté .......................... 102
a. Création d’une zone semblable à celle de l’Antarctique ........................................ 103
b. Une exploitation des ressources sans régler la question de la souveraineté........... 105
c. Création d’un parc international pour les îles Spratlys sur le modèle des parcs
naturel en Afrique du Sud, Mozambique et Zimbabwe ............................................. 108
2. Des régimes qui règlent aussi la question de la souveraineté..................................... 109
a. Création d’une zone à souveraineté partagée avec possibilité d’exploiter les
ressources en commun (condominium)...................................................................... 109
b. Le modèle des Spitzberg poussé par la Chine........................................................ 110
Conclusion.............................................................................................................................. 113
Annexes .................................................................................................................................. 127
Table des matières .................................................................................................................. 149
150

Documents pareils