Vincent Ganivet ou l`Art du parpaing,God bless America, qu`ils

Transcription

Vincent Ganivet ou l`Art du parpaing,God bless America, qu`ils
Vincent Ganivet ou l’Art du
parpaing
Jeans, baskets, cheveux surpris au réveil, le jeune homme de
33 ans en tenue de chantier reçoit à l’heure du café dans son
immense atelier, rue du Bocage à L’île-Saint-Denis (93). Il
paraît qu’il est artiste. Et que l’air de rien, ses œuvres
sont en ce moment même au Palais de Tokyo à Paris dans le
cadre de Dynastie, une grande exposition sur la nouvelle
génération d’artistes contemporains. Quand l’Art rencontre la
maçonnerie.
(A droite, Vincent Ganivet devant son atelier épaulé par Momo
un collègue et ami qui travaille avec lui ses constructions en
équilibre)
Les fondations
« L’idée du Domino cascade ( une des premières performances de
l’artiste) est parti d’un délire sur un chantier. Pourquoi ne
pas faire s’écrouler des parpaings comme l’on
ferait
s’écrouler des dominos ou des cartes à jouer ?
Depuis, le parpaing m’a poursuivi ! »
C’est décidé, ce sera donc ces curieux Lego de plus de 10
kilos que l’artiste utilisera au service de son art. L’idée «
est de les disposer de travers, autrement que lorsque j’étais
payé pour le faire. » Car des chantiers, Vincent en a fait
pour financer ses études aux Beaux-Arts de Paris. « Après
avoir fait la seule prépa publique en France, j’ai fait de
l’image 2D et de la vidéo aux Beaux-Arts. A côté, je gagnais
ma vie en faisant de la maçonnerie. Du coup, les deux se sont
rejoints logiquement.
Il y a une dizaine d’années, un copain avait devant sa galerie
des parpaings là depuis toujours. J’ai fait un igloo avec qui
leur a plu. Ils l’ont laissé exposé dans la galerie. Un jour,
un visiteur avec qui j’ai sympathisé m’a proposé d’occuper un
atelier sur l’Ile-Saint-Denis. J’ai aussitôt accepté. »
Depuis 7 ans, l’atelier de Vincent prend peu à peu forme pour
offrir de l’espace aux divers artistes qui s’y côtoient et à
tout projet proposé.
Le chantier
Aujourd’hui, il est le témoin des constructions monumentales
de Vincent. « On travaille d’abord sur des maquettes puis, on
construit des gabarits, les formes en bois qui vont être les
clés de voûte des constructions. » A son actif ? Igloo, autres
roues et arches en équilibre, feux d’artifice picturaux,
fontaines, fuite d’eau…« Il y a un côté raide minimal, brut
dans ce que je fais. L’idée étant de recréer un équilibre
précaire que l’on sent fragile. J’aime ce rapport aux
spectateurs qu’impliquent mes œuvres : passer sous un arche en
parpaings tu le fais ou tu le fais pas !» Surtout qu’ils ne
sont pas collés entre eux, l’œuvre n’étant pas pérenne.
« Après l’expo, les parpaings retournent à leur vie de
parpaings. Ils s’en vont faire des pavillons en banlieue »
explique Vincent, heureux de présenter les vestiges de ses
œuvres devenus murs et cloisons de l’atelier. Des parpaings,
un objet pas très convoité, plutôt ingrat.
« Peu importe le matériau, c’est une histoire de gestes. Rien
n’oblige à travailler le bronze pour faire de belles
sculptures. C’est l’énergie qu’on met dedans qui importe. »
Ainsi de la fuite d’eau, première installation dans une
galerie: « Le public n’avait à se mettre sous la dent qu’un
seau et une coulée de gouttes d’eau en provenance du plafond.
Une provocation, oui mais qui implique tout le monde : le
galériste qui doit aller vider le seau toutes les 2 heures et
le public car c’est une proposition visuellement raide :
tourner autour du seau (du pot?). Mais la démarche était de
faire d’une galère de chantier qui est un poncif, une espèce
de philosophie zen ! On pourrait appeler ça du minimalisme
monumental ! »
Travaux finis
Un art intellectualisé qui ne se veut tout de même pas trop
intello : « Mon travail plaît autant à une personne qui pose
des parpaings pour gagner sa vie qu’à d’autres qui ont une
culture beaux-arts. Moi-même, je ne vais pas souvent voir des
expos, l’art contemporain n’est pas toujours généreux et de ce
côté là, l’échange, est fondamental pour moi. Je donne un
truc à voir dont la motivation première n’est pas de se
triturer les méninges, même si après, chacun peut y mettre
autant d’interprétations qu’il veut. »
Un art contemporain tourné vers l’autre, en interaction avec
un public diversifié, c’est la vision de Vincent Ganivet,
personnalité aussi éclectique que son art. « Un jour tu manges
un kebab, le lendemain, c’est cacahouètes et champagne, c’est
le propre de l’artiste d’être une identité transgressive ! »
L’exposition au palais de Tokyo a donné une bonne impulsion à
l’artiste qui a déjà des galeristes sur le dos et des projets
pleins la tête.
Vincent Ganivet, dans le cadre de l’exposition Dynastie au
Palais de Tokyo jusqu’au 5 septembre.
www.vincentganivet.fr
http://www.dynasty-expo.com/d/fr/artistes/artistes.php?art=43
God bless America,
disaient...
qu'ils
La Terre promise pour un jeune juif dans les années 50, c’est
aussi et surtout les petits boulots, le taudis avec WC
communs, la chemise crasseuse et les filles de joie pas
beaucoup plus propres. Voilà pour le point de départ. On
approfondit avec Edgar Hilsenrath.
Fuck America commence comme son titre le suggère, pas dans la
finesse. Mais dans un échange épistolaire complètement absurde
entre le père du héros et le consul d’Amérique. Ce dernier
refusant à la famille juive allemande d’émigrer, en 1939, pour
la bonne raison que «des bâtards juifs comme vous, nous en
avons déjà suffisamment en Amérique». Le livre se poursuit
ensuite d’un «Fuck America» bien senti à la face de la statue
de la Liberté, et d’écriture d’un roman intitulé «Le
Branleur».
La critique du Nouveau Monde est cependant loin d’être aussi
primaire que le style voudrait (pourrait) le faire croire.
L’histoire tient en quelques mots, celle d’un jeune juif
rescapé de la Shoah, et dont la famille a immigré aux EtatsUnis au début des années 50. Et qui, écrivain en devenir,
cumule les jobs miteux et les putes qui ont bien voulu lui
faire un rabais (parce que les vraies femmes, celles qui sont
secrétaires de direction, ne regardent pas les rangs
grouillants d’étrangers).
Rien de larmoyant ni de pathétique au premier degré dedans,
néanmoins. Bien au contraire. Mais un enchaînement de
situations entre le caustique et le burlesque, et qui
permettent à Hilsenrath d’évoquer avec pudeur une double
histoire : celle de l’immigré dont le pays ne sait que faire
et qui se heurte – mais sans jamais les toucher – à des
Américains pure souche – heum heum – et celle du traumatisme
du génocide. D’ailleurs, ce qu’il y a de bien dans ce livre,
c’est que la fameuse écriture du Branleur qui occupe le héros,
Jacob Bronsky, et tout le roman – et dont nous ne saurons
jamais rien – est un moyen pour Hilsenrath d’accoucher de sa
propre histoire avant l’Amérique.
Le tout dans un style très cinématographique. Comme dans un
film de Jim Jarmusch, Hilserath nous balade de séquences en
séquences, mais avec un seul personnage : Jacob à la cafétéria
des immigrants, Jacob chez sa logeuse qui compte combien de
tranches de pain et de noix de beurre il peut voler sans que
son voisin ne s’en aperçoive, Jacob à l’agence pour l’emploi
ou dans l’un de ses jobs à la petite semaine, Jacob au
restaurant chic et qui en sort par la fenêtre… On entend
presque le clap entre deux scènes, on imagine le jeune
écrivain en Charlot voûté. Avec la trogne du Roberto Benigni
de chez Jarmusch encore, absurde, irritant, pathétique,
émouvant. L’impression visuelle est renforcée par de longs
dialogues sibyllins qui habillent la page de grattes-ciel
lithographiques, et de passages écrits en gras et en police
obèse. Et par des scènes restituées comme en direct, au
présent ou au passé composé, à la première personne, ponctuées
d’interpellations à soi-même par le personnage : «Bronsky, je
me suis dit…».
La dernière fois qu’on m’a dit : «Si tu aimes Bukowski et
Fante père, tu aimeras le fils», raté, j’avais trouvé que le
fils se débattait entre ces deux images sans parvenir à
trouver sa propre plume. Pour Hilsenrath, difficile d’y couper
: c’est écrit sur la quatrième de couverture. Sauf qu’ici,
c’est vrai. Non seulement il y a du Henry Chinaski dans Jacob
Bronsky, et du Bukowski dans Hilsenrath. Mais surtout, il s’en
éloigne. Certes, cela fait beaucoup de «i». Pour le reste, il
suffit d’ouvrir le livre.
Fuck America, Edgar Hilsenrath, aux éditions Attila
"Circulez, y'a rien à voir"
Juillet 2006, une énième guerre éclate au Liban.
Comme de nombreux Libanais, les cinéastes, Joana Hadjithomas
et Khalil Joreige se retrouvent coincés en France, n’ayant du
pays des nouvelles que par le flux d’images des journaux TV.
Deux ans plus tard, caméra au poing et la légende Deneuve sur
les terres libanaises, ils signent un opus quelque part entre
le document et la fiction. Si le film adopte l’esthétique du
reportage, on reste loin du regard sans âme des images
télévisées. Là, c’est un regard dense, douloureux, âpre,
amoureux.
« Je veux voir » est l’histoire de la rencontre entre un pays,
une icône de cinéma, une étrangère et un autochtone assommé
par la guerre, le représentant d’une génération.
Il est aussi le récit d’un voyage initiatique, celui de
Catherine Deneuve et celui de son guide comédien, Rabih. C’est
par Deneuve qu’on s’étonne, par Rabih Mroué qu’on s’émeut.
Les questions sans équivoque de la comédienne font écho à
l’incertitude grandissante de Rabih. Car, plus la voiture
s’éloigne de la ville, plus les réponses de ce dernier se font
floues, celles d’un
« touriste dans son propre pays », plus les silences se
prolongent. Il n’y a en effet rien à dire. Le paysage mutilé
parle de lui-même.
Des ruines décharnées, des squelettes de bâtiments, des débris
à perte de vue. Lors de la recherche de la maison familiale,
l’image de Rabih, forme minuscule, hésitante, sombre, noyée
dans une mer de ruines frappe. Rabih, c’est à ce moment un peu
le Moine au bord de la mer de Caspar David Friedrich.
Une coulée de prés, un vert presque irlandais, on en
oublierait le chaos que recèle la région. Des champs de blé
vert qui tendent vers le flou, on pense au travail des
Impressionnistes. On devine le regard encore endormi de
Catherine mais aussi celui tâtonnant des Libanais contemplant
leur pays après la tempête, les repères, les référents, les
souvenirs ayant été balayés d’un souffle. Il n’en reste plus
que les couleurs, l’essence, la sensation.
Et lorsque des pelleteuses jettent mécaniquement à la mer par
tonnes les débris des villes décédées, on sait le voyage fini.
Les yeux fixent le zénith. Ils ne peuvent ou refusent de voir.
Un tunnel pour nous ramener de cet éprouvant périple, un
tunnel noir de lumières vives, qui défilent, transition
poétique entre les Enfers et le Purgatoire.
Catherine retourne à ses mondanités, arborant un sourire
rayonnant en voyant celui qui « sait ». Les images d’un
Beyrouth nocturne défilent, les lumières de la ville exécutent
pour nous une dernière
danse, la paix est là.
Circulez, il n’y a plus rien à voir.
Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Avec
Catherine Deneuve et Rabih Mroué. 1H15. 2008. Disponible en
DVD.
MapJazzy : Du jazz au poprock, le duo « s’aime » sa
musique au fil des bars
Au hasard d’un soir, dans un café, MapJazzy m’est tombée
dessus…
Un regard, un échange. Puis un secret susurré par cette
chanteuse à la voix suave et son joueur de clarinette basse,
dont on ne sait plus bien s’il joue l’instrument ou si
l’instrument se joue de lui; une nuit à y repenser… Pas
question que ça reste un coup d’un soir. Je tente l’initiative
risquée du premier appel. MapJazzy répond, le début d’une
relation ? Possible… Pour se connaître, j’ai jeté ça et là des
mots sur lesquels j’ai laissé MapJazzy ricocher.
MapJazzy…
Raul: C’est un hommage à l’histoire de la musique du XXème
siècle avec une relecture jazz. On emprunte au jazz sa
liberté, son instabilité, le fait qu’avec lui, tout puisse
changer d’un jour à l’autre. Map pour les initiales de MerleAnne Prins-Jorge, notre chanteuse à la voix extraordinaire.
C’est aussi une référence à la mappemonde, pour mieux
traverser les frontières.
Merle-Anne: Avec MapJazzy, on essaie de lutter contre la mort
de la vie nocturne à Paris. D’apporter un peu de douceur à
cette capitale qui se fait moins bruyante qu’avant. L’idée,
c’est de pouvoir venir jouer partout, dans le maximum de lieux
publics ou chez des particuliers pour faire découvrir le jazz
aux amateurs autant qu’aux non-initiés. Si en buvant un coup,
un air fredonné attire leur attention, nous sommes les grands
gagnants de la soirée. La transmission est quelque chose de
très important. Pour nous, elle fait partie de la musique.
Références…
Merle-Anne : On emprunte à tous les répertoires connus que
l’on aime : aussi bien des classiques du jazz comme Ella
Fitzgerald, Janis Joplin, Louis Armstrong, Sarah Vaughan, que
de la pop ou des musiques du monde : les Beatles, U2, Police,
Joao Gilberto, Henri Salvador. On tourne avec une trentaine de
morceaux mais on continue d’élargir notre palette. Il y a
tellement de belles chansons.
Raul : Il y a aussi Bobby Mac Ferrin ! Tuck and Patti, un duo
couple que nous aimons beaucoup et Eric Dolphy, grand
saxophoniste clarinettiste. Pour le silence : Miles Davis,
pour cette envie de jouer notre musique dans les bars : Akosh,
enfin, Musica Nuda, un groupe italien pour l’hommage aux
grands standards de la musique. Mais en règle générale, on
aime la soul, le jazz, le funk, le groove. On est très black
music !
Je pense vraiment que le rôle du chanteur, c’est d’être un
guide, emmener à la découverte ou la redécouverte de plusieurs
sons. Nous travaillons actuellement sur un album plus pop-rock
: Big Biz (comprendre « Big bisous », un mot doux coutumier du
duo musical)
(Pour l’énergie, pas de doute! Allez voir l’extrait vidéo de
Taratata, chanson extraite de l’album en cours)
Voyages…
Raul (rêveur) : Ce projet a débuté par un voyage : celui d’un
italien venu tout droit de Catanzaro en Calabre à Paris pour
passer son bac et étudier le Jazz.
Puis, un autre voyage, plus récent, celui de Merle-Anne en
Italie qui a donné lieu au projet Mapjazzy.
Merle-Anne : Tout est histoire de voyages depuis mes origines…
La traversée d’un homme venu d’Afrique (Angola) qui a fait la
rencontre d’une femme en France. Ils conçoivent un enfant à
Rome qui naîtra à Paris. (Merle-Anne)
Le voyage est aussi le but de ce projet : chercher à
transporter les musiques. On est basé à Paris mais le disque
sortira d’abord en Italie, car nos premiers concerts se sont
déroulés là-bas.
Un voyage encore dans le monde du silence parce qu’il est
aussi musique.
Amour…( le duo est aussi couple dans la vie)
Merle-Anne : Ma grande tante Juliette disait: « Tu n’as pas
connu l’amour tant que tu n’as pas connu un Italien! » (Rires)
Raul : Nous, c’est l’histoire d’amour d’un être avec son
double (…)
Merle-Anne (l’interrompant) : « Il est bavard! Intarissable
sur ce sujet! » me glisse-t-elle en aparté.
Disons que Nous, c’est depuis toujours. J’aime à dire que
c’est un France-Italie sans coup de boule à la fin !
Raul : On s’est mis ensemble il y a 15 ans durant notre
formation musicale au CIM de Paris (école de jazz et de
musiques actuelles) puis, pendant 10 ans chacun a vécu sa
propre histoire. On s’est finalement retrouvé autour d’envies
musicales. J’avais écrit des chansons que je pensais chanter
moi-même, mais j’ai vu en Merle-Anne la parfaite interprète.
Un amour qui a donné naissance à un disque, mais aussi à un
bébé!
Merle-Anne: Justement, dans le titre Dans mes rêves qui est
une de nos compositions, je parle de cet amour partagé entre
la musique et la maternité : « J’ai laissé ma fille dormir
seule à la maison pour vivre mes rêves…. ». Il y a un côté
utopiste à vouloir faire l’artiste…
De toute façon, on est très love, très spirituels…
Raul : Très soul quoi (…)
Merle-Anne: Un autre mot vite! (rires)
Alors ce sera : Paris…
Merle-Anne: Ah ! C’est là que tout a commencé ! Là où l’on
habite, où l’on démarre nos projets, notre histoire. C’est la
plus belle ville du monde. Mais pour y être bien, il faut
voyager. Paris ne tolère pas la médiocrité. Il y a ici une
intellectualisation de tout qui stimule mais qui est peut-être
un peu trop présente… Les échanges dans les bars, tout ce
bouillonnement, c’est à ça que nous sommes attachés.
Raul : C’est une vraie ville métisse. Merle-Anne me donne ce
petit côté parisien, cet amour du bouillonnement. N’étant pas
natif de la capitale, je n’en suis pas encore blasé ce qui me
permet de lui redonner à mon tour régulièrement le goût de
Paris. C’est un échange.
Merle-Anne : C’est vrai que je ressens une déprime générale :
ici mais aussi partout ailleurs, les gens sont las, exténués.
Ce monde est trop violent. Ce nouveau temps que l’on impose
est trop violent : il faut aller toujours plus vite, devenir
star à 20 ans avant que cela ne soit trop tard. Le fameux
« time is money » a fait des ravages. La musique, c’est avant
tout de l’air qu’on déplace et qui vient faire vibrer les
petits duvets des oreilles. Une sensation qui fait du bien. Un
côté doux, enveloppant, le côté féminin de Paris.
Improvisation…
Merle-Anne: Là maintenant tout de suite?!
Raul: Oh oui!!!!
Bobby McFerrin- Don’t worry, Be Happy- par MapJazzy. Version a
cappella sur fond sonore d’ambiance de bar!
MapJazzy- Don’t Worry, Be Happy –
MapJazzy c’est aussi une actualité:
– Le projet Mapjazzy:
Enregistrement du disque Voice Link prévu fin juillet. Plus
d’info sur le myspace : http://www.myspace.com/mapjazzy
(Attention la qualité son est bien meilleure en vrai que dans
les vidéos !!)
– Le projet Big Biz :
L’album est déjà enregistré. Il sortira d’abord en Italie mais
seulement après la sortie et la digestion de Voice Link.
Photos: (c) Manon El Hadouchi
La tête en friche loin des
têtes d’affiches
Au départ, un livre aux ingrédients pourtant pas bien
« folichons »: vieille mamie attachante et benêt au cœur
tendre, le tout agrémenté de gras pigeons armés de sobriquets,
de livres et dico en passe d’être apprivoisés. Pourtant, La
tête en Friche de Marie-Sabine Roger est un de ces bouquins
qui réussit à donner naissance à un plat doux et relevé.
Miraculeusement le mélange prend vie, senteur, goût, odeur et
sens. Parce que les phrases sont brutes, osent le nu. Le
lecteur assiste à un étrange accouplement où les mots de tous
les jours n’ont pas peur de se dresser fièrement à côté de
mots nouveaux, un rien prétentieux parfois, mais pourtant si
délicats…Tout ça
sous la plume aguerrie de Marine-Sabine
Roger, qui, ancienne enseignante, connaît bien son sujet.
Le sujet justement : une rencontre entre Germain, un « gars de
la terre » en manque d’amour et Margueritte une vieille dame
passionnée de livres et avide de transmission. Mais aussi le
langage des mots, la confrontation d’un Savoir que l’on croit
inaccessible et d’une naïveté parfois mangée par ce premier.
Bien des fois, je me suis sentie Germain, bien des fois, je me
sens encore Germain, perdue dans un tourbillon de mots,
d’images et de références loin de mon quotidien…
Pour
cela,
je
suis
allée
voir
l’adaptation
cinématographique…Le film quoi, le film tiré du bouquin.
Petite hésitation déjà en voyant le Germain de Jean Becker:
Depardieu ?! Pff…
Curiosité oblige, je franchis malgré tout la porte de la salle
et me voilà partie…Moins loin que je l’aurai aimé.
Entrée
en
matière
trop
brutale,
performances
d’acteurs
douteuses, poésie enfuie, flashs back mielleux….Quand l’image
s’emmêle, c’est une friche qui n’est plus. Un film trop
propret. Un simplet trop intello pour croire à une soudaine
découverte de la magie des livres, une mamie sans brin de
folie : ridée mais trop lisse, sympatoche mais trop moraliste,
touchante mais finalement un peu chiante…Une Marguerite à
laquelle on a enlevé son deuxième
toute la différence.
« t » qui faisait pourtant
Autre histoire que celle de Sabine que j’avais laissé
m’apprivoiser, cette adaptation ne laisse pas plus de traces
qu’un bon Louis la Brocante une soirée de pluie.
Il y a de ces livres qui devraient le rester. Des livres à ne
pas rater.
Extraits:
« Margueritte dit que se cultiver, c’est tenter de grimper en
haut d’une montagne. (…) Un beau matin, on prend son sac à
dos, on commence sa marche. (…) On croyait que le monde
s’arrêtait à la colline en face, mais non ! (…) une fois qu’on
est tout en haut, on est content (…) seulement au bout d’un
moment, on se gaffe d’un truc tout con : c’est qu’on est seul,
sans plus personne à qui causer. (…) C’est sans doute à ça
qu’elle pense Margueritte quand elle dit (…) que la culture
isole. »
« C’est pas parce qu’on est inculte qu’on n’est
cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier. »
pas
La tête en friche, Marie-Sabine Roger, Ed du Rouergue, 2008
La tête en friche, un film de Jean Becker, sortie dans les
salles en juin 2010
Houellebecq, where art thou?
Depuis que
le rejeton Cinéma a vu le jour, l’adaptation
littéraire est une des figures imposées du parfait petit
cinéaste.
Les plus grands s’y sont frottés, parfois avec bonheur (Barry
Lyndon, Lolita) mais – n’est pas Kubrick qui veut, très
souvent, avec perte et fracas. L’exercice n’est pas aisé.
Certains critiques et spectateurs crieront à la trahison de
l’esprit de l’œuvre et du texte, d’autres à une illustration
insipide et sans saveur, qui n’apporte rien de bien neuf.
En 2006, le réalisateur Oskar Roehler, auteur des turbulents
« Suck my dick » et « Der alte Affe Angst », se risque à
l’adaptation du best-seller casse-gueule de Michel
Houellebecq, les Particules élémentaires. Son passé de
trouble-fête aidant, on aurait pu s’attendre à une œuvre
insidieuse et aux relents de soufre.
Hélas, force est pour nous de constater que M. Roehler est
tombé dans les deux travers précédemment cités. De la sève
vénéneuse et dense de l’univers houellebecquien, point de
gouttes.
Bruno (Moritz Bleibtreu) et Michael (Christian Ulmen) sont
demi-frères, rejetons d’une mère folâtre, une Pamela Anderson
peace and love, surfant sur la vague des plaisirs beatniks.
Nos deux anti-héros, élevés séparément, sont diamétralement
opposés. L’un, scientifique brillant, est un handicapé des
sentiments et du sexe. L’autre, professeur de lettres, est
l’archétype de l’obsédé sexuel maladroit. Sans surprise, ils
sont seuls. Ils rencontreront pourtant l’amour. Michael se
laisse séduire par son amie d’enfance, Annabelle. Bruno
découvre sa femme idéale, Christiane, partageant ses fantasmes
les plus hard.
Si le film reste relativement fidèle à l’intrigue du roman, il
n’en assume pas l’esprit cynique et désenchanté.
La photographie arbore des couleurs criardes. Du côté bande
originale, rien de bien innovant, on est dans le cliché,
allant pêcher dans des classiques des années 60, utilisés déjà
cent fois dans d’autres productions allemandes.
La mise en scène est plate, creuse, même, à l’image du regard
inexorablement vide de Christian Ulmen, qui offre là une bien
piètre performance.
Mais au bout de ce tunnel sans fin d’ennui et d’agacement, une
lueur: l’interprétation inspirée de Moritz Bleibtreu,
récompensée avec raison d’un Ours d’argent.
Parmi les desserts toujours très attendus de l’adaptation
littéraire, « les Particules élémentaires » ressemble à un
soufflé raté, au goût insipide, dégoulinant d’une mélasse
mélodramatique, un comble pour une traduction du
désenchantement houellebecquien.
Au début du film, Michael se pose la question si son étude sur
la reproduction artificielle
est digne d’être poursuivie.
Après coup, on se demande si ce n’est pas là une
retranscription du journal de bord de tournage de Roehler
s’interrogeant sur la pertinence de sa « reproduction
artificielle » du roman de Houellebecq.
De toute évidence, la réponse est non. Capitaine Roehler,
c’est un naufrage. Comme vous dites si bien, « Bonjour
l’angoisse! ».
Les particules élémentaires d’Oskar Roehler. Avec Moritz
Bleibtreu, Christian Uhlmen, Franka Potente et Martina Gedeck.
1h53. 2006. Disponible en DVD.
La guerre des clans aura bien
lieu
Coralie, la vingtaine passée, Vicky pour les intimes anonymes
du téléphone rose, vit dans un bled paumé en compagnie de son
« père » et d’un ex-prisonnier enamouré. Pour voisins, 3
compères, caïds de la campagne, wesh wesh made in
Tabernacland, dont les principales occupations se résument à
jouer au ping-pong, à traquer du Frenchy égaré, à rouler des
muscles pour devenir les maîtres absolus… d’un hameau. Deux
prostituées russes complètent le tableau.
Ici, on pousse les indésirables de leur vélo à coups de
voiture puis on achève les ennemis à bout portant. La mort
plane et ce ne sont pourtant pas les coups de revolver qui
l’annoncent. La mort s’est déjà installée dans les traits, les
pas, les mouvements lourds de ces corps bruts mais lâches.
La nature, si souvent sujet de contemplation, se révèle
oppressante.
Le ciel immense d’un blanc saturé menace à chaque instant de
tomber sur la tête de ces hommes. Les nuages sont fixes. La
vie semble s’être arrêtée.
« Rien ne bouge ».
Dans cette nature écrasante, tout en lignes arides, les
personnages évoluent comme des ombres, des personnages de
papier noir, ce qui n’est pas sans rappeler Michel Ocelot. Des
pantins, en somme.
Il y a à cet égard une scène éloquente. Le petit chef en
devenir se trouve dans un champ à côté d’une voiture. Batte à
la main, une forme noire en mouvement massacre la voiture avec
rage. On est frappés par cette explosion et pourtant, à
l’image de ce bâton levé, un air de marionnette, on ne peut
s’empêcher de penser à Guignol et à ses coups de bâton
saccadés.
Car il y a bien quelque chose d’étrangement burlesque dans ce
film.
On pense à Mrs Murdock et le rein de la délivrance. On aurait
presque honte d’en sourire largement.
Le temps, aussi, est menaçant. Il passe à compte-gouttes et ce
ne sont pas les tic-tac des horloges qui sonnent son
inexorable lenteur mais le bruit des balles de ping-pong qu’on
renvoie inlassablement au voisin en se relayant, jusqu’à se
résoudre à se donner la mort, comme Alain, dans la solitude
des champs de maïs.
Dans ce panorama cauchemardesque subsistent pourtant quelques
points de lumière, témoins les prostituées russes et la forêt.
Une forêt aux allures de conte de fées, irréelle, dangereuse,
hors du temps. Ce sera pourtant là que l’héroïne ira trouver
refuge, se balançant sur une barrière, comme l’enfant qu’elle
n’est plus. Coralie est désorientée, et nous aussi. On est
incertains, parfois mal à l’aise mais fascinés. On s’aveugle
d’une heure et demie de N/B intense et lorsque l’on sort du
film, on se surprend, les yeux au ciel, à en vérifier le bleu
et à fixer d’un regard songeur les couleurs de l’été, comme
dotés de nouveaux yeux.
Elle veut le chaos de Denis Côté. Avec Ève Duranceau, Nicolas
Canuel, Normand Lévesque, Olivier Aubin, Laurent Lucas et
Réjean Lefrançois. 1h45. 2008. Disponible en DVD.
Wristcutters : suicide & love
story
Aussi incroyable qu’il puisse
paraître, les suicidés aussi ont
droit à l’amour dans le monde de
Goran Dukic. En même temps, ils
le méritent bien, vu que s’il
n’y avait l’amour, certains se recouperaient bien les veines.
La première scène pose le décor et le ton : un mec se lève de
son lit, et range son appart’ de fond en comble. Puis se coupe
les veines. Et la dernière vision du monde (le nôtre) qu’il a,
c’est une touffe de poussière qui a échappé à son grand
ménage.
Imaginez vouloir en finir avec la vie parce qu’elle est trop
difficile à supporter sans votre blonde, et vous retrouver
dans un monde sinon pire en tout cas le même, où il faut
bosser, manger, boire et même payer des PV, sans la blonde en
question… et avec d’autres suicidés aussi suicidaires que dans
le monde d’avant.
« Heureusement », Zia (le suicidé du début et personnage
principal) entend dire que sa copine – son ex – l’a rejoint
dans ce monde. Alors il part, il emmène son ami de beuverie,
dans un trip sur les traces de cette fille qu’il croit l’amour
de sa…vie.
Et sur le bord de la route, par hasard, il rencontre celle qui
lui donnera envie…de vivre.
Un film pas tout à fait rose ou optimiste de prime abord, mais
pas totalement cynique non plus.
Il n’est pas question de morale, du droit au suicide ou pas,
de la vie ou de la mort.
Il est question de personnes, de mal être et du sens de
l’existence, et de ce qui nous fait nous lever et agir.
Ce film est une ballade en voiture avec un mec qui croit être
amoureux, une nana qui s’est suicidée par accident, d’autres
personnages « hauts en couleur » comme dirait l’autre, et un
trou noir dans le moteur qui emporte les lunettes de soleil,
les fleurs et les choses importantes.
Un film où les personnages ne peuvent pas sourire et où il n’y
a pas d’étoile la nuit.
Un film où la BO est composée de chansons de suicidés.
C’est ainsi que le voulait Goran Dukic.
Et sûrement est-ce cette vision qui a plu à Etgar Keret,
l’auteur de Kneller’s Happy Campers (histoire dont est tirée
le film), lui qui avait reçu plusieurs proposition
d’adaptation.
Une belle vision je trouve, et si les personnages ne sourient
pas, les spectateurs, eux, si et plus d’une fois. Et une belle
façon de traiter le sujet : par l’absurde.
Qu’y a-t-il de plus absurde que d’avoir envie de vivre par
accident, quand on s’est tué par volonté ?
Wristcutters de Goran Dukic, avec Patrick Fugit, Shannyn
Sossamon et Shia Whigham. États-Unis, 2006, 91 min.
Probablement dispo en DVD.