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Voyage et dépaysement :
Les récits de voyage à l’épreuve du libertinage
par
Isabelle Moreau
Pour La Mothe Le Vayer, grand lecteur de récits de voyage, il
n’est pas de lecture plus divertissante que celle de ces relations qui
« nous font connoitre les effets de la Nature, soit dans l’ancien, soit
dans le nouveau Monde, si surprenans, qu’il semble que les
Anciens ne l’eussent connue qu’à demi, & qu’elle ne se soit bien
manifestée à nous que depuis un siècle » (Œuvres t. 1, 697). Pour
autant, poursuit-il, « ce que les nouvelles découvertes, tant du côté
du Nord, que du Sud, & de l’une que de l’autre Inde » nous ont
appris, c’est que ces mêmes anciens « n’ont pas été si fabuleux
qu’on le leur a imputé » (Œuvres t. 1, 697), puisque les relations
modernes confirment tous les jours les histoires les plus
surprenantes héritées de la tradition. Cette tension affichée entre
l’ancien et le nouveau, entre le thésaurus des textes antiques et
l’apport des relations modernes, est constitutive de l’écriture des
récits de voyage. Elle est fondamentale dès lors que l’on tente de
saisir la nature exacte du dépaysement provoqué par le voyage, et
son impact sur la retranscription de l’expérience du voyageur.
L’écriture des relations de voyage1 relève en effet d’une
pratique du comparatisme, depuis l’étape initiale d’identification et
de nomination de ce qui est vu, jusqu’à son intégration éventuelle
1
Nous n’envisageons pas ici la complexité éditoriale de textes écrits
souvent à plusieurs mains. De très nombreux récits de voyages sont en
effet le résultat d’une participation collective, fondée sur le recours
ininterrompu (du Moyen-Âge au XVIIIe siècle) à un rédacteur érudit (ou
‘ghostwriter’) : c’est le cas du récit « inaugural » de Marco Polo, rédigé
par Rusticien, mais aussi de ceux du voyageur Nicolo de Conti et du
Pogge, d’André Thevet et de François de Belleforest (et du rédacteur
Mathurin Héret), de Duarte Lopes et de Filippo Pigafetta, de Jean
Thévenot et de son frère Bonaventure, de Jean-Baptiste Tavernier et de
Samuel Chappuzeau, de Jean Chardin (mais aussi du voyageur François
Leguat) et de François-Maximilien Misson, de Paul Lucas et de CharlesCésar Baudelot de Dairval, etc.
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ISABELLE MOREAU
dans une tradition de témoignages antiques et modernes.
L’expérience du voyageur se comprend d’abord comme une
confrontation entre l’ici et l’ailleurs, entre ce qui est de son pays et
ce qui dépayse et rappelle au voyageur qu’il n’est décidément pas
chez lui. Confronté à l’insolite, le voyageur est pris entre deux
réactions antithétiques, la « réduction analogique »2 où l’insolite
est assimilé, rapporté au connu, d’une part, et la mise en évidence
de son caractère irréductible, d’autre part, qui fait aussi toute sa
valeur et son intérêt. Comme le rappelle Grégoire Holtz, « la
tradition des recueils d’antiquités et de singularités », florissante à
la Renaissance, « a constitué pendant longtemps un modèle de
l’écriture topographique »3. La valeur du récit de voyage se mesure
ainsi à sa capacité à recueillir le maximum de « singularités » sur
le pays visité, si l’on entend par là tous les éléments dignes de
retenir l’attention du voyageur. La singularité, c’est autant un objet
ou une plante ramenés par le voyageur qu’une description présente
dans son récit portant, par exemple, sur des coutumes et des rites
surprenants. C’est dire si la nature de la singularité importe moins
que son pouvoir de dépaysement. Mais comme le rappelle Frank
Lestringant, les singularités rapportées par les voyageurs
2
Frank Lestringant, « Fortunes de la singularité à la Renaissance : le
genre de l’Isolario », in Écrire le monde à la Renaissance. Quinze études
sur Rabelais, Postel, Bodin et la littérature géographique. Caen-Orléans,
Éditions Paradigmes, 1993, p. 17-48, citation p. 25. La « réduction
analogique » est un réflexe du voyageur. Dans le même article, on
retiendra que la mise en série et l’effort de « scientifisation »
apparaissent déjà au XVIe siècle. Si, pour Thevet, les singularités sont
des « unités atomistiques irréductibles » (p. 22), son contemporain
Belon « ne considère plus celles-ci comme une forme déjà donnée qu’il
s’agirait simplement d’inventorier. Au contraire, par des rapprochements
et des comparaisons, les objets singuliers se défont de leur irréductible
individualité pour entrer en composition dans des séries qui permettent
de dégager des traits pertinents ». On observe ainsi déjà ce « saut de la
singularité à l’objet scientifique » (p. 25), même si la singularité garde
une bonne part de son pouvoir d’émerveillement.
3
Voir Pierre Belon, Voyage en Égypte, préface, édition et dossier de
Grégoire Holtz, Paris, Klincksieck, 2004, citation extraite de la préface,
p. XXVII.
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
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LIBERTINAGE
s’inscrivent elles-mêmes dans une tradition de témoignages
antiques et modernes4. Cette tradition fait que la singularité est
toujours en même temps un attendu et l’actualisation d’une topique
préexistante, sans perdre pour autant son caractère merveilleux. Tel
lieu peut même être caractérisé par de nouvelles singularités qui
voisinent celles héritées des descriptions antérieures. Autrement
dit, la singularité, aussi dépaysante soit-elle, n’est pas séparable
d’une culture et d’une tradition textuelle. La comparaison entre
l’ici et l’ailleurs se redouble dans la comparaison entre les
différents témoignages concordant sur le même phénomène, et se
traduit textuellement par les pratiques de la citation ou du plagiat.
Or si la mise en parallèle s’apparente à une opération
d’acculturation, à l’inverse, la réfutation des relations antérieures,
antiques et modernes, tend à réintroduire cette part d’irréductible
dans l’expérience du voyageur. Il ne s’agit pas là seulement d’une
concurrence entre autorités. Mettre en avant l’expérience du
voyageur, insister sur le pouvoir décisif du témoignage oculaire,
c’est aussi insister sur l’originalité d’un point de vue qui
sélectionne, dans le foisonnement du réel, ce qui étonne et
dépayse. Comme l’écrit Pierre Belon, « les esprits et affections
humaines sont tellement différents, que si plusieurs mêmement
d’une compagnie cheminent ensemble par quelque pays étrange, à
grand peine en trouvera-t-on deux qui s’adonnent à observer une
même chose » (Belon XXXII). C’est dire si le dépaysement est
relatif, inséparable d’une expérience subjective (Rubiés XVIXVII).
Qu’en est-il de La Mothe Le Vayer ? Le libertin avoue avoir
« passé ses meilleures années hors de son païs » (Œuvres t. 2, 355).
On sait qu’il accompagna l’ambassadeur Guillaume Bautru au
moins en Espagne et en Angleterre, et qu’il fit le voyage d’Italie en
1635 (Pintard 136). Dans le dialogue « De la vie privée », le
4
Voir également Daniel Carey, in Asian Travel in the Renaissance, éd.
Daniel Carey, Blackwell Publishing, 2004, Introduction p. 2 : « In
untangling these strands, we should of course remember that the East
was by no means unknown and that conceptions of it were inevitably
filtered through a range of biblical and classical assumptions. »
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ISABELLE MOREAU
personnage d’Hesychius propose par ailleurs un court récit
autobiographique retraçant les étapes de sa conversion à la sagesse
(Dialogue 144-145). Seule la « transplantation » du voyage lui
aurait permis de sortir de l’ornière de ses penchants habituels5 :
« Et certainement, cette transplantation n’est pas moins utile aux
hommes qu’aux plantes, que nous voyons s’adoucir et meliorer de
beaucoup par ce moyen ; » (Dialogues 145). La notion de
transplantation est intéressante, qui reprend un des sens du terme
« dépayser », « corriger quelqu’un des defauts, de l’accent, des
mœurs du pays »6, pour mieux le modifier. Là où le dictionnaire de
Furetière illustrait cette acception par l’exemple du provincial
arrivé à la Cour, assimilant ainsi le dépaysement à l’acculturation,
Le Vayer y voit un moyen de dépayser nos habitudes pour mieux
les mettre à distance, soit l’opération inverse. Pour autant, et c’est
bien dommage, il ne nous reste aucun écrit, aucune relation de ces
années d’errance, sinon peut-être le goût du libertin pour les récits
de voyage, qu’il cite abondamment aux côtés des sources
anciennes. Or ce qui frappe d’emblée dans la prose du philosophe,
c’est l’extrême malléabilité des références aux relations de voyage.
On trouve bien sûr trace de cette rivalité grandissante au fil des
XVIe et XVIIe siècles entre l’expérience oculaire, le regard propre
au voyageur, et le palimpseste des autorités. Dans ses Remarques
géographiques (Œuvres t. 2, 567), La Mothe Le Vayer rapporte
ainsi le témoignage décisif d’Olearius dans sa Relation du voyage
de Moscovie, Tartarie et de Perse, sur les particularités physiques
de la mer Caspienne, un témoignage qui invalide toutes les tables
5
Le Vayer s’approprie de manière très personnelle la fonction
pédagogique attribuée d’ordinaire à la pratique des voyages. Voir sur ce
point Normand Doiron, L’Art de voyager. Le Déplacement à l’époque
classique, Paris/Sainte-Foy, Presses de l’Université de Laval/
Klincksieck, 1995.
6
Antoine Furetière, Dictionnaire universel (1690), réimp. Paris, SNL-Le
Robert, 1978, 3 vol. « DEPAÏSER. v. act. Faire sortir quelqu’un de son
pays natal. Les parens de ce jeune homme l’ont envoyé en Italie pour le
depaïser. DEPAÏSER, signifie aussi, Corriger quelqu’un des defauts, de
l’accent, des mœurs du pays. On n’est pas un an à la Cour, qu’on y est
bien depaïsé, qu’on y a pris un autre air de vivre & de parler. […] ».
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
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LIBERTINAGE
géographiques existantes, en plus d’apporter des informations
précieuses sur la toponymie des fleuves.
Il [Olearius] donne aussi fort à propos le
démenti à ce Petreius, qui dans son Histoire de
Moscovie faisoit l’eau de la même mer noire
comme de l’ancre [sic], avec une infinité d’Isles
pleines de villes & de villages ; assurant que tout
cela est faux, & que son eau est de la même couleur
que l’eau des autres mers. Si vous y ajoûtés
l’observation qu’il fait des deux fleuves, portant le
nom d’Araxes, dont l’un se trouve en Médie, &
l’autre dans la Perside, vous jugerés assez, combien
la lecture de tels voiages peut être utile à l’Histoire,
où l’on se trouve quelquefois bien embarassé, si
l’on ignore la distinction, qu’il faut faire de ces
noms semblables ou homonymes. (Œuvres t. 2,
567)
Le Vayer souligne par ailleurs les erreurs commises par les anciens
lorsqu’ils écrivaient sur des contrées dont ils n’étaient pas
suffisamment informés — des erreurs que les relations modernes
viennent heureusement corriger, grâce notamment au calcul des
longitudes.
Vous savés, qu’on avoit toûjours fait la ville
d’Alep plus Orientale que celle de Marseille de trois
heures, ou de quarante-cinq degrés. Cependant les
observations recentes obligent au retranchement
d’une heure, & à ne mettre que trente degrés de
distance entre ces deux lieux. L’erreur n’est pas
moins importante que d’environ trois cens lieuës
Provençales ; tant l’estimation du chemin qui se fait
par mer est sujette à de grands mécomptes. (Œuvres
t. 2, 567)
Autre exemple, dans La Physique du Prince, le témoignage de
Pierre Belon sert à réfuter l’opinion erronée d’un fleuve de Judée,
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ISABELLE MOREAU
« nommé Sabbatique, parce que coulant six jours de la semaine, il
tarissoit infailliblement le septiéme qui étoit le Samedi » (Œuvres
t. 1, 230). Le phénomène, rapporté par Pline, attesté par Flavius
Josèphe, qui veut que « Titus en ait été témoin oculaire » (Œuvres
t. 1, 230), n’a d’autre autorité que la tradition qui s’en fait l’écho.
Elle ne résiste pas au souci d’autopsie du voyageur moderne, venu
vérifier sur place la véracité du phénomène :
Cependant Belon, entre autres, après s’en être
soigneusement informé sur les lieux, assure qu’il
n’y a rien de plus faux que toute cette superstitieuse
narration, semblable à celle dont parle encore Pline,
d’une fontaine de Bacchus, qui tous les sept jours
jettoit du vin. (Œuvres t. 1, 230-231)
Dans ce dernier cas, il s’agit toujours de corriger une erreur de
géographie physique, mais la réfutation n’est pas dépourvue
d’intention polémique. À l’erreur de calcul ou au défaut
d’observation se substitue une croyance jugée fabuleuse, une
« superstitieuse narration » complaisamment transmise par la
tradition des mirabilia7. Pourtant, cette opposition apparente entre
le savoir erroné des anciens et le savoir expérimental des modernes
masque un continuum beaucoup plus intéressant. À la permanence
des fables, répond comme en miroir les tentatives répétées de ceux
qui, « pour ne pas recevoir indifferement avec trop de credulité
toute sorte de relations » (Œuvres t. 1, 231), ont tenté de désabuser
leurs contemporains d’histoires par trop fabuleuses. Ainsi des
mouvements de l’Euripe :
Qu’y a-t-il de plus crû, & de plus écrit que le
flux de sept fois par jour attribué à l’Euripe de
Chalcis entre l’Isle Eubée & le Peloponese. TiteLive neanmoins en desabuse les Romains ;
Antigonus Carystius les Grecs ; & Belon avec assez
7
La fontaine de Bacchus évoquée par Le Vayer rappelle d’ailleurs ce
fleuve de Bacchus rencontré par les voyageurs de l’Histoire véritable de
Lucien de Samosate dans la première île où ils font escale.
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
LIBERTINAGE
d’autres modernes ceux de nôtre tems. (Œuvres t. 1,
231)
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Pierre Belon a certes l’autorité de celui qui a été vérifier sur place
l’existence du phénomène sujet à caution, dans l’argumentaire de Le
Vayer, il n’est que le dernier en date d’une lignée d’esprits critiques,
8
méfiants à l’égard de ce qui contrevient au cours ordinaire de la nature .
S’agit-il d’une méfiance de principe ? Rien n’est moins sûr, car il n’est
pas question de « nier absolument le mouvement periodique des eaux,
qui se fait admirer en tant de façons outre le flux & reflux de la Mer »
(Œuvres t. 1, 231). La revue des « singularités » du pays visité est un
attendu de la relation de voyage : l’affirmation de l’« autopsie » du
voyageur, contre les autorités des anciens, sera d’autant plus éclatante
que la « singularité » est connue et dûment répertoriée par les relations
antiques et modernes. On trouverait inversement des récits de voyage
venant justifier a posteriori des anecdotes qui paraissaient jusque là tout à
fait fabuleuses. L’Abbé Lancellot de Peruge a fait un traité de toutes les
« impertinences » qu’il a pu collecter dans les narrations anciennes. Il
n’empêche « qu’il s’est un peu précipité parfois dans sa Critique, pour
n’avoir pas été assez informé de ce que portent unanimement les
Relations de long cours, depuis qu’on a passé le Cap de Bonne
Esperance » (Œuvres t. 1, 306) :
Quelle apparence de vouloir tourner en ridicule
Herodote comme il fait, sur ce qu’il a dit qu’en
Egypte les femmes faisoient tout le negoce, dont les
hommes s’abstenoient : Et cependant Jean Leon
Africain, & Marmol depuis lui, nous font voir le
même usage en beaucoup d’autres lieux de
l’Afrique, […]. Le même Lancellot traite aussi mal
Diodore Sicilien, à cause que dans son cinquiéme
livre chapitre quatorziéme, il a écrit que les femmes
de Corfegue étant accouchées, sortent aussi-tôt de
chez elles, le mari se mettant au lit pour s’y reposer.
8
La Mothe Le Vayer cherche ici à produire une généalogie d’esprits
forts. Il n’est pas sûr que Belon se fût reconnu dans ce portrait. Selon
Grégoire Holtz, en effet, Belon est sans doute méfiant, mais aussi et
surtout très admiratif à l’égard des prodiges de la nature, et il est par
ailleurs très convaincu d’un ordonnancement divin du monde.
56
ISABELLE MOREAU
Si est-ce qu’il n’y a rien de plus ordinaire que cette
façon de faire dans prèsque toute l’Amerique, ou
bien ce qu’on nous rapporte du Canada, & d’assez
d’autres endroits, doit être tenu pour de pures
impostures. (Œuvres t. 1, 306)
L’autorité des textes antiques et l’autopsie du voyageur ne sont
plus dans une relation de rivalité, mais de complémentarité, les
récits de voyage assumant ici un rôle de confirmation
expérimentale de ce qui se donnait à lire jusque là comme une
fable9. Mieux vaut alors ne pas précipiter son jugement et éviter,
autant que faire se peut, « cette rude incrédulité de ceux, qui
n’étant jamais sortis de leurs païs, se moquent de tout ce qui s’écrit
des autres » (Œuvres t. 1, 566). Ce qui vaut pour les textes
antiques, vaut tout autant pour les modernes. Le Vayer rapporte
ailleurs la confusion d’un ami qui s’était moqué d’une histoire
d’huîtres cueillies dans les arbres, faute d’en connaître les
véritables causes (Œuvres t. 2, 569). Quand on lui eut expliqué que
les orangers et les citronniers poussaient naturellement sur les
rivages de l’île de Madagascar et que la mer les couvrant de son
flux laissait assez souvent à son retour des huîtres pendantes à
leurs branches, il fut contraint d’acquiescer à la vérité de
l’observation.
Je n’aborderai pas ici plus avant la question de la véracité des
observations rapportées par le voyageur. C’est un véritable
carrefour épistémologique et une source inépuisable de débats à
l’époque. La Mothe Le Vayer, pour sa part, fait de la suspension
sceptique la seule position tenable entre « la trop grande facilité à
tout croire » et « cette présomtueuse & témeraire façon de nier tout
ce qui ne tombe pas d’abord sous nôtre sens » (Œuvres t. 2, 569).
Cette attitude d’ouverture n’est pas sans conséquence sur la
manière d’appréhender les récits de voyage. Bien souvent, la
véracité de la relation importe moins que sa portée polémique ou
9
Cette relation de complémentarité est l’idéal (problématique) de
nombreux voyageurs de la Renaissance qui, par le voyage, cherchent
surtout une reconnaissance. Nous remercions Grégoire Holtz de ses
remarques suggestives.
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
57
LIBERTINAGE
critique en contexte. Je prendrai un exemple qui me semble
révélateur. Les acéphales figurent en bonne place dans le bestiaire
monstrueux hérité de la tradition antique. Pline en introduit sur une
montagne d’Asie du côté de l’Occident, Saint Augustin se vante
d’en avoir vu en Éthiopie et « les Relations de l’Amerique font,
qu’Aldrovandus place auprès du Lac Parime, dans le Roiaume de
Guiane, cette sorte de monstres d’hommes, qui ne voient que par
des yeux que la Nature leur a percés au milieu de la poitrine »
(Œuvres t. 1, 729). Pour La Mothe Le Vayer, néanmoins, « ils
n’ont été décapités que par la vuë de ceux, qui les ont apperçûs de
loin, ne se laissant jamais approcher, à ce que portent toutes leurs
Histoires » (Œuvres t. 1, 729). C’est à un défaut d’observation ou à
une erreur d’appréciation qu’il faut rapporter l’existence de tels
monstres qui n’ont jamais existé que dans l’imagination de ceux
qui ont cru les apercevoir. André Thevet expliquait de la même
façon la formation de toutes les fables où il est question d’hommes
velus, d’hommes sans tête, de cynocéphales ou de cyclopes (Céard,
286-87). Dans l’opuscule « Des monstres », pourtant, Le Vayer
n’hésite pas à nuancer son jugement :
Je veux bien dire à l’égard [des acéphales], qui
sont apparemment les plus incroiables de tous,
qu’outre beaucoup de Rélations anciennes &
modernes qui parlent affirmativement de leur Etre
[…], un des hommes de ce tems qui a le plus couru
le monde, m’a protesté qu’il en avoit vû, & m’en a
fait des déscriptions telles, que si je ne les crois pas,
pour le moins les tiens-je douteuses. (Œuvres t. 1,
490)
L’élargissement des possibles se charge en contexte d’une
indéniable portée subversive. Le cas des acéphales, au même titre
que celui des cyclopes, vient en effet illustrer une théorie des
peuplements par différentes races d’homme, sur la base de
filiations naturelles10. L’idée d’une diversité naturelle parmi les
10
Nous nous permettons de renvoyer ici à notre article : Isabelle Moreau
et Grégoire Holtz, « De l’indien au philosophe : (les seuils de) captation
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ISABELLE MOREAU
espèces anthropomorphes ne peut totalement laisser indemne la
spécificité humaine. Dans la vingt-quatrième Homilie academique,
« De la diversité », l’intention polémique est encore plus évidente
si l’on considère que le problème sous-jacent intéresse la plus
haute théologie : comment rendre compte de l’infinie diversité qui
existe de fait entre les âmes, alors qu’elles sont censées être égales
dans leur création ? Si l’on voit parfois des hommes « si disgraciés
de nature », dit Le Vayer, « que sans la Foi on douteroit presque
qu’ils eussent une ame divine & immortelle qui les informât »
(Œuvres t. 1, 667), que dire ou que faire alors des « acéphales »,
dont Pline et après lui Sigismond d’Herberstein et Boyer Petit-Puy
nous ont parlés ?11 Certes cela semble fort étrange, note
moqueusement Le Vayer, mais « il faut, que nôtre raisonnement,
qui n’a pas l’étendue du pouvoir de la Nature, cede aux preuves
qui ne peuvent être contestées, si on ne revoque en doute toutes les
relations, c’est-à-dire, tout ce qui se découvre de nouveau &
d’extraordinaire dans le Monde » (Œuvres t. 1, 667-668). Luimême, ajoute-t-il, a rencontré un voyageur qui lui a juré avoir vu
de ces hommes décapités par la nature. Alors, faut-il y croire ?
L’essentiel n’est évidemment pas là. Il ne s’agit pas d’admirer les
forces inconnues de la nature et, à travers elle, la toute puissance
de Dieu. Inséré dans un développement illustrant l’extrême
diversité qui existe de fait entre les hommes, le cas des acéphales
soulève de manière burlesque la question de l’individuation de
d’une parole étrangère », in « Parler librement ». La liberté de parole au
tournant du XVIe et du XVIIe siècle, Études réunies et présentées par
Isabelle Moreau et Grégoire Holtz, Lyon, Presses de ENS Éditions
(collection Feuillets), 2005, p. 63-102.
11
La Mothe Le Vayer, Œuvres, t. 1, p. 667-668 : « Pline & son
transcripteur Solin en ont parlé, ce dernier dans ses chapitres trenté-un, &
cinquante deux. Sigismond d’Herberstein met de ces acephales, sur le
témoignage des Moscovites, au delà du fleuve Tachin. Et depuis peu
Boyer Petit-Puy nous a décrit dans son Amerique Occidentale des
hommes sauvages qui habitent au-delà des sauts de la riviere Suriname,
& qui n’ont absolument point de tête. Leurs voisins les nomment
Ciparis, parce que le mot Cipari signifie en leur langue une Raie, & que
ces gens-là ont comme ce poisson les yeux & la bouche sur l’estomac, ne
leur paroissant nulle chose au dessus qui pût être prise pour une tête. »
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
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LIBERTINAGE
l’homme. Les acéphales, en l’occurrence, ont de quoi donner des
sueurs froides aux théologiens, déjà bien en peine de se prononcer
sur les monstres à deux têtes12.
Ce dernier exemple est évidemment extrême, mais il est
révélateur de la malléabilité des relations de voyage. Le Vayer les
intègre dans l’arsenal sceptique, aux côtés des écrits des anciens,
pour mieux illustrer l’infinie variété de la nature, tant physique
qu’humaine. À la subjectivité de l’expérience du voyageur,
sélectionnant dans le foisonnement du réel la singularité digne
d’être collectée, répond comme en miroir la subjectivité du
philosophe sceptique qui ne choisit que ce qui l’intéresse dans ses
lectures et se préoccupe fort peu de leur véracité. De toutes les
singularités collectées par les voyageurs, celles concernant les
mœurs, les coutumes et les lois étranges occupent à l’évidence une
place de choix. La mise en série des exemples tirés des relations
nourrit une attitude de relativisme où la véracité du récit viatique
importe moins que sa capacité à dépayser, ou pour reprendre les
termes de Le Vayer, à « divertir » l’esprit, en l’invitant à quitter les
sentiers battus de la pensée commune (Œuvres t. 1, 697).
Autrement dit, la pratique du comparatisme est mise au service
d’une philosophie du décentrement. Le résultat obtenu est pourtant
l’inverse du dépaysement que prétendait procurer le voyageur dans
sa relation. Chez le voyageur, la singularité a d’autant plus de
valeur qu’elle témoigne d’un écart maximal entre le pays visité et
le pays d’origine. Autrement dit, sa valeur tient à sa puissance de
12
La Mothe Le Vayer, Œuvres, t. 1, p. 668 : « Cependant cette
multiplication de tête donne bien de la peine aux Theologiens, pour fixer
des regles certaines de l’individuation de tels monstres, pour user du
terme de leur Ecole. » Le Vayer choisit ici le registre du burlesque. Dans
l’opuscule De l’Ame, le problème fait l’objet d’un traitement plus
sérieux, mais non moins équivoque. À la même question — « Mais d’où
peut venir, que nos ames étant toutes d’une même trempe, & toutes
immortelles comme procedant selon nous d’un souffle de la Divinité,
elles sont néanmoins si sujettes à tant de diverses bizarreries » (Œuvres,
t. 1, 615) — Le Vayer répond en rappelant d’abord la solution de l’École,
avant d’insister sur les quelques voix discordantes qui ont, dans l’Église,
soutenu la corporéité de l’âme.
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ISABELLE MOREAU
dépaysement. En l’occurrence, la mention des mœurs et des
coutumes des peuples étrangers n’est jamais neutre dans les
relations de voyage. Les voyageurs et les missionnaires font état de
pratiques et de valeurs différentes, mais c’est pour mieux en
dénoncer la brutalité et l’absurdité, ou démontrer la nécessité d’une
évangélisation et d’une implantation coloniale (Gliozzi). Si, par
extraordinaire, le jugement de valeur reste mesuré, la collecte des
singularités ne remet jamais en cause la légitimité des valeurs du
voyageur, lesquelles sont toujours placées en position de repère. Le
dépaysement se mesure précisément à l’aune de cet étalon de
référence. Inversement, lorsque Le Vayer se réfère, par exemple, à
la Syrie sainte du Père Besson (Œuvres t. 1, 525-527) ou à la
Relation du Père Ragueneau, jésuite, sur la Nouvelle France
(Œuvres t. 2, 735), c’est pour ne retenir que les développements
illustrant l’infinie diversité des coutumes, des mœurs et des lois.
Les cas rapportés démontrent certes le fait qu’on ne peut trouver,
par exemple, de nation plus « antipode » à la nôtre que celle de
Syrie13. Dépouillés de leur habillage idéologique originel, ils
finissent par faire vaciller l’univers de référence commun au
lecteur et au voyageur. Le travail de relativisation du philosophe
13
Voir La Mothe Le Vayer, Œuvres, t. 1, p. 525 : « Charmons en
quelque façon nôtre chagrin par de petites observations Sceptiques, que
me peut fournir la lecture assés recente d’une Relation de Syrie. Elle
porte que tout au rebours de ce que nous pratiquons en France, où nous
cedons le haut du pavé aux personnes les plus qualifiées, le plus bas de la
rue est donné en Syrie à ceux qu’on respecte, comme étant le lieu
d’honneur, aussi bien que le côté gauche. Il n’y a guères que les enfans
qui mangent ici par les ruës : les Vieillards le font là, & l’on y voit les
hommes de la plus haute considération qui n’en font nulle difficulté.
[…] » ; p. 526 : « Enfin le Pere qui nous a donné cette Rélation, fait voir
par une infinité d’autres antithèses une si grande opposition entre cette
partie du Monde & la nôtre, qu’il ne feint point de nommer à cet égard
les Syriens nos Antipodes. Il rémarque comme leurs façons de parler sont
tellement dissemblables aux nôtres, que leur Grammaire donne l’adjectif
feminin à quantité de substantifs masculins ; qu’ils font le Soleil feminin
& la Lune masculine, avec un nombre merveilleux d’autres termes aussi
déraisonnables selon nous, & qu’ils affectent de mettre le verbe singulier
avec des noms qui sont au pluriel, ce que les Langues de nôtre Europe ne
souffriroient jamais. »
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LIBERTINAGE
sceptique ne permet pas, en effet, à un ensemble de valeurs
particulières de s’ériger en norme, qu’il s’agisse du Christianisme
ou plus généralement des mœurs et des coutumes européennes.
Révéler l’arbitraire de la coutume, sous des valeurs et des rites qui
semblaient jusque là parfaitement naturels, c’est encore le meilleur
moyen d’en réactiver l’artificialité sinon l’étrangeté. Au fil de ses
écrits sceptiques, La Mothe Le Vayer réussit ce tour de force de
nous dépayser dans notre propre pays.
Soulignons pour conclure l’originalité de cette posture. La
Mothe Le Vayer n’est évidemment pas le premier à exprimer un tel
vertige du décentrement. Il est expérimenté très tôt par certains
auteurs de récits de voyage et rendu parfois explicite dans leurs
descriptions portant sur les coutumes, les mœurs et les lois. S’il est
très rare qu’ils utilisent le pouvoir dépaysant des singularités de
manière subversive, à la manière libertine, il est en revanche
indéniable qu’un tel corpus concourt « au processus complexe de
décentrement de l’homme et de démolition de ses a priori
dogmatiques »14 et ce, en dépit de l’idéologie coloniale et
missionnaire dont il est pétri. Cette même idéologie, d’ailleurs,
n’est pas uniforme et contribue certainement à la malléabilité de
récits utilisés très tôt de manière polémique par les puissances
coloniales rivales. C’est vrai des voyageurs, dont les récits reflètent
14
Voir Grégoire Holtz, « Les récits de voyage aux portes du libertinage ?
Construction du témoignage et topiques libertines dans le premier XVIIe
siècle », Études de Lettres : « Voyage et libertinage (XVIIe-XVIIIe
siècle), éd. F. Tinguely et A. Paschoud, n° 3, 2006, p. 25-39 : p. 37. Voir
aussi Joan-Pau Rubiés, Travel and Ethnology in the Renaissance. South
India through European Eyes, 1250-1625, Cambridge University Press,
2000, chap. 10 : « From Humanism to scepticism : the independent
traveller in the seventeenth century », p. 349 sq., notamment p. 373-374
à propos de Pietro della Valle ; p. 377 sur François Bernier : « In this
sense della Valle stands very far from the scepticism of later travellers
like François Bernier, whose pitiless assault on Hinduism in his Lettre a
Monsieur Chapelain of 1667, because it was a secular analysis, was
dangerously capable of simply being turned back against Christianity. »
Bernier est très proche d’un libertin comme La Mothe Le Vayer par sa
culture comme par ses relations.
62
ISABELLE MOREAU
inévitablement les relations de clientélisme, les contraintes de
service (royal ou aristocratique) et plus largement l’appartenance
politique et/ou confessionnelle15. C’est encore vrai des lecteurs. En
l’occurrence, La Mothe Le Vayer n’a pas l’exclusivité de la
manipulation des sources. On se reportera par exemple aux lectures
et aux traductions (protestantes uniquement) de la Très brève
illustration de la destruction des Indes de Las Casas, détournée de
son objectif évangélisateur et anti-colon à des fins anti-ibériques et
anti-catholique. Toutefois, ces reprises polémiques, si elles jouent
sur les rivalités politiques et les dissensions religieuses au sein de
la chrétienté, ne remettent pas fondamentalement en cause les
valeurs du vieux continent, encore moins sa légitimité à les
imposer aux peuplades des contrées nouvellement conquises.
Lorsque La Mothe Le Vayer critique, par exemple, les exactions
des colons espagnols en Amérique dans un écrit politique publié
anonymement en 1636, et dédicacé à Richelieu16, il s’inscrit
15
Voir Daniel Carey, in Asian Travel in the Renaissance, op. cit.,
Introduction p. 3 : « The essays call attention to the fact that early
modern cultural encounter has too often been understood within the
terms of a limited paradigm: namely, the instance of individual
Europeans travellers who found themselves in unfamiliar environments
and attempted to make sense of what they experienced. This model has
its merits, and derives, to some extent, from the powerful, originating
example of Marco Polo. But it ignores the institutional constraints that
defined cultural exchange and the terms in which such encounters took
place. […] Court and company politics intruded on these commissions,
circumscribing what might be written and published. Thus it was not a
straightforward case of ‘representing otherness’ on the basis of
individual experience but of an intricate set of demands, requiring
different rhetorical modes and positionings. »
16
La Mothe Le Vayer, Œuvres, « De la contrariete d’humeurs, qui se
trouve entre certaines nations, et singulierement entre la françoise et
l’espagnole », t. 2, p. 98 : « Pour toucher d’abord ce qui est le plus
éloigné, les inhumanités prodigieuses par eux [les espagnols] exercées
aux Indes Occidentales, ont été une fort mauvaise préparation
Evangelique ; le massacre de huit cens mil hommes tués dans une seule
Isle de Saint Dominique, n’étoit pas un trop bon moien pour apprivoiser
à la Foi ceux du Continent […] De vouloir après cela se parer du zèle de
la Réligion, c’est en vérité se moquer de Dieu & des hommes, […]. »
LES RÉCITS DE VOYAGE À L’ÉPREUVE DU
63
LIBERTINAGE
apparemment dans la continuité de la « légende noire » de
l’Espagne de la fin du XVIe siècle. La critique de la colonisation
espagnole est en effet virulente en France, surtout après 1579 (date
de la traduction de Las Casas par le protestant Miggrode) et obéit à
des mobiles essentiellement politiques. En réalité, son utilisation
des sources viatiques le rapprocherait plutôt de Montaigne et du
traitement réservé à l’Histoire générale des Indes de Lopez de
Gomara dans certains chapitres des Essais17. Le Vayer va même
au-delà des effets de relativisme propres à l’énonciation sceptique,
en ce qu’il s’autorise de cette critique politique pour mettre en
cause, de manière bien plus radicale, les prétentions civilisatrices
du christianisme. Son utilisation des récits de voyage préfigure en
ce sens celle des philosophes des Lumières, toujours avides d’y
puiser des arguments en faveur du relativisme culturel et religieux.
University College London
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17
Montaigne, Les Essais, III, 6, « Des coches », p. 913 : « A une
autrefois, ils mirent brusler pour un coup, en mesme feu, quatre cens
soixante hommes tous vifs, les quatre cens du commun peuple, les
soixante des principaux seigneurs d’une province, prisonniers de guerre
simplement. Nous tenons d’eux-mesmes ces narrations, car ils ne les
advouent pas seulement, ils s’en ventent et les preschent. Seroit-ce pour
tesmoignage de leur justice ou zele envers la religion ? »
64
ISABELLE MOREAU
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