POIGNET - Nerf Radial
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POIGNET - Nerf Radial
Chirurgie de la main 23 (2004) S160–S164 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/ Article original Compression du nerf radial au poignet Entrapment of the superficial branch of the radial nerve D. Fontes Clinique générale du sport, 36, boulevard Saint-Marcel, 75005 Paris, France Reçu et accepté le 18 octobre 2004 Résumé La neuropathie (par compression de la branche superficielle du nerf radial) est une pathologie rarement diagnostiquée. Elle a été décrite en 1932 par Wartenberg qui a suggéré le nom de Cheiralgia paresthetica. Différents facteurs étiologiques de compression chronique de nerf ont été décrits. Le traitement conservateur donne des résultats habituellement bons et la chirurgie doit être réservée aux seuls échecs de ce traitement. La ténosynovite de Quervain est associée dans 50 % des cas, et il est important de diagnostiquer une association avec le syndrome de Wartenberg avant une ténosynovectomie afin d’éviter des complications postopératoires inattendues et d’éventuels problèmes médicolégaux. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Isolated neuropathy (by entrapment of the superficial branch of the radial nerve) is a rarely recognized pathology. It was described in 1932 by Wartenberg, who suggested the name cheiralgia paraesthetica. Many different etiologic factors for chronic nerve entrapment have been described. Conservative treatment achieves usually good results and surgery is reserved for failures of this treatment. De Quervain’s disease is associated in 50% of cases, and it is important to diagnose an association with a Wartenberg’s syndrome before operating on the tenosynovitis in order to avoid unexpected postoperative complications and medicolegal problems. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Branche superficielle du nerf radial ; Wartenberg ; Compression Keywords: Superficial branch of the radial nerve; Wartenberg; Compression La compression du nerf radial au poignet est une entité clinique rarement relatée mais probablement aussi sous diagnostiquée. Plus que d’un réel syndrome compressif, il semble s’agir plus d’une « irritation » de la branche antérieure sensitive du nerf radial dans la région du poignet. Sa première description revient à Matzdorff en 1926 [1] puis à Robert Wartenberg [2] en 1932 qui en rapporte quatre cas sous le nom de « cheiralgia paresthetica ». On la retrouve ensuite dans la littérature sous une terminologie variée et notamment de « névrite de Wartenberg » [3]. L’attention s’est à nouveau portée sur ce syndrome depuis la description Adresse e-mail : [email protected] (D. Fontes). 1297-3203/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2004.10.028 d’Eversmann [6], la traduction par Erlich [4] de l’article germanique original de Wartenberg, les séries de Dellon et Mackinnon [7] puis de Foucher [8,9]. Il est important de connaître cette pathologie douloureuse du versant radial du poignet et de la rechercher systématiquement car elle peut constituer un diagnostic différentiel ou d’accompagnement de la ténosynovite de De Quervain. 1. Rappel anatomique Après sa bifurcation au pli du coude, la branche antérieure du nerf radial descend verticalement à la face profonde du long supinateur (brachioradialis), dans la gaine de ce muscle. D. Fontes / Chirurgie de la main 23 (2004) S160–S164 Au tiers distal de l’avant-bras, cette branche nerveuse gagne la région antibrachiale postérieure en passant en dessous du tendon du brachioradialis. Elle perfore alors l’aponévrose antibrachiale en arrière de ce tendon pour se diviser, un peu au-dessus de l’articulation radiocarpienne en trois rameaux, externe, moyen et interne. Lors de son émergence aponévrotique, la branche nerveuse est à proximité des tendons du brachioradialis, de l’extensor carpi radialis longus, du court extenseur du pouce ainsi que du long abducteur (Fig. 1). C’est au niveau de ce carrefour tendineux que se situe la zone possible d’irritation voire de compression de la branche antérieure sensitive du nerf radial. 2. Physiopathologie du syndrome de Wartenberg Comme pour la plupart des syndromes canalaires, la névrite de Wartenberg peut survenir dans un contexte local de compression extrinsèque (syndrome secondaire) ou bien encore sans aucune cause évidente (syndrome idiopathique). Néanmoins, la frontière entre ces deux syndromes est bien souvent théorique. Ainsi, un facteur intercurrent parfois minime (comme un traumatisme) peut venir décompenser un syndrome sous-jacent peu symptomatique. Une augmentation de la pression dans le canal ou une étiologie vasculaire sont relatées dans certains syndromes de compression nerveuse [10], il ne semble pas en être de même pour ce syndrome du nerf radial qui ne chemine d’ailleurs pas dans un canal spécifique au poignet. La perte des capacités de glissement du nerf à l’émergence de l’aponévrose antibrachiale pourrait en être la cause princeps. On retrouve d’ailleurs un contexte de gestes répétitifs (ayant une composante de pronation et d’inclinaison radiale) associé au port d’un bracelet Fig. 1. Anatomie neuro-tendineuse de la région styloïdienne radiale. S161 montre ou d’un équivalent [5,11–13] accentuant l’effet de pince dynamique exercé par la contraction simultanée du brachioradialis et de l’extensor carpi radialis longus plaquant la branche sensitive vers la profondeur. Quelques causes rares de syndromes secondaires de compression du nerf radial au poignet ont été rapportées dans la littérature : • après une injection locale de cortisone ayant entraîné une atrophie linéaire du tissu sous-cutané [14] ; • en regard d’une anomalie anatomique du tendon brachioradialis comportant deux languettes venant comprimer l’émergence aponévrotique du nerf radial [15]. Une étude anatomique a mis en évidence cette particularité dans 3,3 % de 150 dissections alors que son incidence semblait plus souvent relatée dans une série de 143 névrites de Wartenberg (sept cas) incitant les auteurs de cette étude à la recherche systématique de cette anomalie lors d’un geste de libération chirurgicale [16] ; • une spicule osseuse séquellaire d’une fracture distale du radius a été incriminée dans la survenue de ce syndrome [17] qui s’est résolu avec l’ablation de l’épine irritative ; • le cathétérisme de la veine céphalique au poignet a pu, lui aussi être incriminé dans la survenue de cette symptomatologie mais plus souvent par traumatisme direct des branches nerveuses superficielles [18]. 3. Le diagnostic positif La douleur de la région sus-styloïdienne radiale est le signe d’appel de ce syndrome, elle est souvent spontanée ou majorée par les prises en force du poignet ou de la colonne du pouce. L’interrogatoire [7] cherchera à mettre en évidence une anamnèse pertinente : micro-traumatismes compressifs, activités professionnelles ou sportives nécessitant de fréquentes pronations et hyperextensions du poignet, diabète. La symptomatologie douloureuse peut être associée à des troubles dysesthésiques de la peau dorsoradiale de la main, mais pas de façon systématique. Elle se situe typiquement deux travers de doigts au-dessus de la styloïde radiale (Fig. 2) mais comporte habituellement des irradiations, la zone électivement douloureuse à la percussion peut néanmoins être plus proximale au niveau du passage du nerf radial sous le tendon du brachioradialis. La mise en évidence d’un point spécifiquement douloureux à l’émergence antibrachiale du nerf radial doit être systématiquement recherchée par la percussion. Sa positivité avec le déclenchement de sensations électriques (pseudo-signe de Tinel) en constitue le meilleur argument positif. La mesure de la discrimination sensitive de deux points peut-être perturbée dans le territoire sensitif électif radial. La manœuvre de Finkelstein, théoriquement pathognomonique de la ténosynovite de de Quervain, peut apparaître faussement positive mais essentiellement par mise en tension des rameaux nerveux par l’inclinaison ulnaire. Cette inclinaison passive, associée à la flexion-pronation du S162 D. Fontes / Chirurgie de la main 23 (2004) S160–S164 Fig. 2. Localisation des douleurs selon les différents diagnostics. poignet peut-être sensibilisée par la contraction isométrique contrariée de l’abductor pollicis longus accentuant la fixation de la branche nerveuse. En dépit de cette pathologie neurologique, les explorations électrophysiologiques ne sont que rarement concluantes [19]. Seule une étude spécifique de la conduction nerveuse des branches distales dorsoradiales de la main, comparée à la conduction controlatérale et à celle des rameaux sensitifs ulnaires peut mettre en évidence une anomalie significative [20,21]. Quant aux explorations radiographiques (échographie, IRM), elles sont négatives dans les formes idiopathiques du syndrome de Wartenberg. Fig. 3. Le syndrome du croisement ou de l’intersection. mune de surcharge de contraintes mécaniques ; la sclérose sous dermique (Fig. 4) observée après infiltrations [9] et la compression exercée par le port souvent prolongé d’orthèses du poignet y participent sans doute tout autant. Leurs indications ainsi que leurs conditions techniques de réalisation mériteraient sans doute d’être reprécisées à la population médicale prenant en charge le traitement initial des ténosynovites du poignet et qui n’est que rarement spécia- 4. Le diagnostic différentiel Il n’est pas toujours aisé de différencier cliniquement les différents syndromes douloureux de la région dorsoradiale du poignet ce d’autant que ces pathologies sont fréquemment intriquées. La recherche précise de la douleur par la palpation est le principal temps du diagnostic différentiel (Fig. 2) qui se fait essentiellement vis-à-vis de pathologies procédant d’une même étiologie mécanique de surcharge : • soit un syndrome du croisement (douleurs plus proximales, « crépitation neigeuse », échographie ou IRM concluantes) (Fig. 3) ; • soit une ténosynovite de de Quervain (douleurs plus distales, manœuvre de Finkelstein positive, échographie ou IRM contributives). Dans cette pathologie, la recherche d’une irritation associée du nerf radial doit être systématique car son absence de prise en charge thérapeutique pourrait contribuer à un mauvais résultat d’un traitement incomplet. Pour Foucher [8,9,22], l’association lésionnelle serait particulièrement fréquente (50 %) et sous diagnostiquée. Cette fréquence élevée d’association n’est probablement pas uniquement le fait d’une étiologie com- Fig. 4. Sclérose cutanée après infiltration de cortico-stéroïdes, névrite de Wartenberg secondaire (Photo D. Le Viet). D. Fontes / Chirurgie de la main 23 (2004) S160–S164 lisée en chirurgie de la main. En outre, le syndrome de Wartenberg est bien souvent diagnostiqué a posteriori, devant la persistance de douleurs après la cure chirurgicale d’un de Quervain mais il est alors difficile de ne pas incriminer alors la sclérose post-opératoire des tissus sous dermiques. En effet, la branche superficielle du nerf radial traverse la zone de dissection tendineuse soit sans division (36 %), soit en se divisant en deux (50 %) ou trois branches (14 %) ; il n’est donc pas rare que la fixation cicatricielle post-opératoire contribue au syndrome de Wartenberg par perte du glissement normal du nerf radial voire à un névrome cicatriciel ; • plus rarement se posera le diagnostic différentiel ou intriqué d’un conflit styloradial, d’une ténosynovite d’insertion du brachioradialis (« styloïdite »), d’une atteinte plus proximale du nerf radial (l’EMG est alors généralement contributif) ou d’une arthropathie styloscaphoïdienne d’un SNAC wrist ou d’un SLAC wrist. 5. Les modalités thérapeutiques Dès lors que le diagnostic de névrite de Wartenberg est évoqué, le traitement doit être essentiellement étiologique avec la suppression de la surcharge mécanique causale, d’une éventuelle compression locale (bracelet de montre, poignets de force ...) et la mise au repos du poignet et de la colonne du pouce dans une attelle confortable en légère extension du poignet et reposition de la première colonne. Il faudra veiller à éviter toute constriction au contact du nerf radial et prolonger ce traitement conservateur au moins trois mois. En l’absence de ténosynovite associée, l’infiltration de corticostéroïdes n’est pas indiquée, pouvant même occasionner une réaction inverse [9]. La physiothérapie peut s’avérer intéressante notamment dans les cas avérés de sclérose sous dermique ou de séquelles traumatiques. En l’absence d’efficacité du traitement médical bien mené, une indication opératoire peut-être portée. Une incision transversale (plus esthétique qu’un abord longitudinal) est centrée sur l’émergence du nerf radial, environ deux travers de doigts au-dessus de la styloïde radiale. Sous grossissement optique, le nerf radial est contrôlé ainsi que ses branches de division et l’aponévrose antibrachiale est ouverte largement, une collerette est excisée autour de la branche nerveuse qui est « libérée » jusqu’à la face profonde du tendon brachioradialis. Dans les formes secondaires [15,16], un geste spécifique pourra être pratiqué (ouverture d’une languette surnuméraire de long supinateur, ablation d’une esquille osseuse, plastie cutanée ...). Dans les formes associées à une ténosynovite de de Quervain, l’ouverture du premier compartiment doit être associée au geste de neurolyse précité. Un abord longitudinal peut alors être préféré mais avec une rançon cicatricielle disgracieuse dont il faudra prévenir le patient. Un abord horizontal même un peu élargi est sans doute préférable, on le situe alors à mi-distance entre la styloïde radiale et l’émergence nerveuse, le contrôle des S163 rameaux sensitifs étant le préalable à tout geste de section aponévrotique. Aucune immobilisation n’est préconisée, afin d’éviter une sclérose cicatricielle parfois la source de douleurs séquellaires. Si la plupart des névrites de Wartenberg se résolvent grâce au traitement médical (71 % selon Guy Foucher) [8,9], le traitement chirurgical pratiqué par des chirurgiens de la main rompus aux techniques de neurolyses extra-fasciculaires est également bon [3,9,23] en dehors des névrites d’origine professionnelle [7]. L’évolution est suivie par la progression du signe de Tinel et peut nécessiter plusieurs mois. Il est de mise de proposer systématiquement un traitement conservateur avant toute indication opératoire ; néanmoins quand les douleurs sont importantes ainsi que les signes neurologiques et que les symptômes durent depuis plus de six mois, l’indication chirurgicale sera sans doute proposée plus tôt. Ce syndrome est considéré comme une forme rare de compression nerveuse. En fait, son diagnostic est bien souvent sous estimé, passant alors au second plan d’une ténosynovite de de Quervain ou d’un syndrome du croisement [24,25]. Son traitement approprié ainsi qu’un suivi évolutif régulier devraient permettre d’éviter certaines déconvenues chirurgicales voire médico-légales. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] Matzdorff P. Zwei seltene falle von peripherer sensibler lahmung. Klin Wochenschr 1926;5:1187. Wartenberg R. Cheiralgia paresthetica (isolierte neuritis des ramus superficialis nervi radialis). Z Ger Neurol Psychiat 1932;141:145–55. Braidwood AS. 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