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Chroniques bleues
La finale 2016 est-elle pire que celle de 2006 ?
jeudi 14 juillet 2016, par Bruno Colombari
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Dix ans après le coup de massue de Berlin, la défaite face au Portugal est-elle plus dure à
avaler ? Comparons les adversaires, le niveau des Bleus, le parcours des finaliste et le niveau de jeu des deux finales.
La joie immense de Fabio Grosso après son tir au but transformé à Berlin le 9 juillet 2006, le rush d’Eder au milieu des remplaçants
au coup de sifflet final à Saint-Denis, dix ans et un jour plus tard : quelle finale laisse le plus de regrets ? Notre souvenir personnel
n’hésite pas et dit 2006. Mais si on compare les niveaux respectifs des protagonistes, leurs parcours avant la finale, le scénario de
cette dernière et sa qualité technique, qu’en ressort-il finalement ? L’impression initiale est-elle confimée ?
Niveau des Bleus : 2006 pour la maîtrise, 2016 pour l’attaque
2006 : Barthez est relativement peu inquiété derrière une
défense très solide, pas aussi brillante qu’en 1998 mais plus étanche qu’en 2000. Elle n’a encaissé que deux buts avant la finale,
contre la Corée du Sud (tête mal négociée par Barthez) et l’Espagne sur pénalty. Le milieu est complémentaire avec Makelele à la
récupération, Vieira en relayeur box to box et un abattage énorme, Zidane en meneur libre. Les couloirs sont animés par Ribéry à
droite et Malouda à gauche, chargés aussi de travailler en repli à la perte du ballon. Thierry Henry est trop isolé en attaque, dans la
même situation que Guivarc’h en 1998 mais dont ce n’est pas le jeu. Très souvent hors-jeu, il se procure peu d’occasions.
2016 : Hugo Lloris fait un excellent tournoi, n’encaissant que deux pénalties et deux buts de près, aucun n’étant décisif. La défense
semble le point faible de l’équipe, pourtant elle tient son rôle au premier tour (un seul but encaissé) avant de prendre l’eau en
première mi-temps contre l’Irlande. Elle est à nouveau solide contre l’Allemagne en demi-finale avec Umtiti à la place de Rami. Le
milieu a commencé avec Kanté en complément de Matuidi et Pogba, et a fini avec Sissoko. C’est sans doute-là qu’il a manqué
quelque chose aux Bleus dans la conduite du jeu et l’adaptation aux circonstances en cours de match. L’attaque, enfin, aura été le
point fort de l’équipe, jusqu’en finale en tout cas. Portée par un Griezmann de haut niveau et un Payet qui aura brillé au premier
tour, elle a marqué douze des treize buts français.
Niveau de l’adversaire : la France favorite, l’Italie meilleure que le Portugal
2006 : l’Italie ne fait pas partie des favoris de la compétition, loin de là. Elle forme pourtant un groupe expérimenté et homogène
avec Pirlo et Gattuso dans l’axe devant Nesta et Cannavaro et un gardien de très haut niveau dans les buts, Gianluigi Buffon. Et,
comme en 1982 ou à l’Euro 2000, plus le tournoi avance, plus l’équipe gagne en confiance et devient compliquée à surprendre.
2016 : l’équipe de Fernando Santos n’est pas belle à voir jouer, c’est une évidence. Comptant essentiellement sur son gardien Rui
Patricio, son défenseur central Pepe et Cristiano Ronaldo devant, elle joue un football défensif et frileux. Sa place en finale ne la rend
pas populaire et elle semble largement à la portée d’une équipe de France qu’elle n’a pas battue depuis 41 ans.
Parcours de l’adversaire : l’Italie mieux que le Portugal
2006 : l’Italie a commencé le tournoi sans briller (victoires sur le Ghana et la république tchèque 2-0, nul contre les Etats-Unis 1-1),
passe de justesse en huitièmes contre l’Australie (Materazzi exclu, but de Totti à la 95e sur un pénalty généreux) puis est montée en
puissance en quarts contre l’Ukraine (3-0). En demi, elle crée la surprise en sortant l’Allemagne en toute fin des prolongations (2-0).
Le gardien Gianluigi Buffon, le défenseur central Fabio Cannavaro et le meneur de jeu reculé Andrea Pirlo sont les meilleurs joueurs
d’une équipe très difficile à manœuvrer (un seul but encaissé en six matches).
2016 : le Portugal est l’une des plus grandes déceptions du premier tour, dont il ne sort qu’au bénéfice de la formule à 24 équipes
en tant que troisième. Ses trois nuls contre l’Autriche (0-0), l’Islande (1-1) et la Hongrie (3-3) ne le place pas parmi les vainqueurs
potentiels. Il se débarrasse pourtant de la Croatie (1-0 après prolongations), de la Pologne (1-1 et tirs au but), et du Pays de Galles
(2-0) sans briller mais en gagnant en solidité à chaque match.
Parcours de la France : trois performances en 2006, une seule en 2016
2006 : les Bleus, pourtant placés dans le groupe le plus facile du tournoi, souffrent d’entrée contre la Suisse (0-0) et la Corée du Sud
(1-1) et mettent une mi-temps à prendre l’avantage sur le Togo (2-0). En huitièmes, ils sortent une belle équipe d’Espagne (3-1) et
lancent vraiment leur coupe du monde. Le sommet est atteint à Francfort le 1er juillet contre le Brésil, favori de la compétition, et
sorti par un immense Zidane (1-0). Le Portugal domine la demi-finale mais perd de justesse (1-0) face à des Bleus solides mais qui
peinent à imposer leur jeu.
2016 : deux victoires initiales contre la Roumanie (2-1) et l’Albanie (2-0) cachent mal les difficultés des Bleus au premier tour,
confirmées dans un match stérile contre la Suisse (0-0). Le huitième contre l’Irlande commence de façon catastrophique et ne se
décante qu’à l’heure de jeu (2-1). Soulagés, les Bleus balaient les Islandais en quart (5-2) avec un réalisme froid en attaque et
quelques largesses en défense. Puis ils réalisent un exploit en sortant une Allemagne dominatrice mais diminuée en demi (2-0).
Scénario du match : des sorties qui font la différence
2006 : c’est une finale verrouillée marquée par un KO d’entrée de Cannavaro sur Henry qui restera groggy un bon moment. On
pense que le pénalty très généreux accordé à la France pour une charge de Materazzi sur Malouda dans la surface va débloquer le
match, mais si Zidane le transforme (de justesse), l’égalisation rapide des Italiens (tête de Materazzi sur un corner de Pirlo) remet
les pendules à l’heure. La Squadra domine, se crée une deuxième occasion franche (tête de Toni sur la barre de Barthez) mais le jeu
est fermé.
Les dix premières minutes de la seconde période sont les plus animées, avec deux occasions franches pour les Bleus (percée de
Henry dans la surface contrée, faute de Zambrotta sur Malouda dans la surface), mais ceux-ci perdent Vieira (claquage à la cuisse).
Les Italiens réagissent, marquent un but refusé pour hors-jeu et Pirlo menace Barthez sur coup-franc.
La stratégie italienne est claire : tenir le plus longtemps possible malgré la fatigue évidente. En prolongation, les Français poussent
et se créent deux grosses occasions, par Ribéry (tir à ras du poteau) et Zidane (tête détournée par Buffon). L’expulsion de Zidane
(110e) donne un gros coup au moral des Bleus qui s’inclinent aux tirs au but.
2016 : un début de match rythmé par des occasions françaises de Griezmann (7e, 10e) puis figé par la sortie en plusieurs temps de
Cristiano Ronaldo (entre la 8e et la 25e minute). Dès lors, les Portugais se réorganisent avec l’entrée de Quaresma et verrouillent
l’entrejeu, les Bleus jouant trop lentement pour surprendre leur adversaire.
Affaiblis par la sortie de leur capitaine mais très solidaires, les Portugais gèrent la deuxième période sans se montrer dangereux
avant la 80e minute et une double occasion sortie par Lloris.Après deux grosses occasions en dix minutes de Griezmann puis de
Giroud, Gignac croit avoir marqué le but décisif à la 92e mais son tir est repoussé par le poteau. C’est Eder qui battra Lloris d’une
frappe à 20 mètres à onze minutes de la fin de la prolongation.
Qualité technique du match : des finales très fermées
2006 : la partie est cadenassée par deux très bonnes défenses qui prennent le dessus sur des attaquants trop isolés (Totti et Toni
côté italien, Henry côté français). Au milieu, les hommes forts sont Andrea Pirlo et Patrick Vieira, alors que Zidane est serré de près
par Gattuso et ne fait pas de différence. Les Bleus sont nerveux en début de match et ratent des gestes techniques faciles (Malouda
et Abidal) et gèrent plutôt mal les coups de pied arrêtés italiens. Côté gardiens, Buffon gagne son duel à distance avec Fabien
Barthez en réalisant deux arrêts décisifs sur un tir de Henry (63e) et une tête de Zidane (103e). Les Italiens seront aussi meilleurs
sur les tirs au but avec cinq tentatives réussies, alors que les Français échouent par Trezeguet (barre) et que Zidane avait été très
chanceux sur sa panenka.
2016 : c’est une finale d’un faible niveau technique avec une possession à l’avantage des Bleus mais très peu d’occasions franches
pendant le temps réglementaire, la sortie sur blessure de Ronaldo ayant cassé le rythme imprimé par les Français dans le premier
quart d’heure. Rui Patricio étant dans un grand jour, au contraire de Griezmann, Giroud et Payet, rien n’est marqué avant la
prolongation. Le milieu de terrain français, dirigé par Paul Pogba, ne parvient pas à accélérer le jeu face à une équipe portugaise
très compacte, malgré les percussions de Moussa Sissoko. Et la défense centrale, plutôt solide jusque là, cède sur le but d’Eder.
Conclusion : 2006 terrible, 2016 dommage
Si l’écart entre les deux finalistes est plus grand en 2016 qu’en 2006, le Portugal ne soutenant pas la comparaison avec l’Italie d’il y
a dix ans, la finale de Berlin laisse beaucoup plus de regrets que celle de Saint-Denis. D’abord parce que l’équipe de France a mené
en 2006 (douze minutes sur deux heures, certes) et que son but précoce aurait dû lui donner un avantage décisif. Ensuite parce
qu’elle a nettement dominé l’Italie après la pause, et qu’elle a payé au prix fort les sorties de Vieira (55e) et Zidane (110e), alors
que le Portugal s’est réorganisé après avoir perdu Ronaldo en première mi-temps. Enfin parce que Zidane et Barthez, qui ont quitté
les Bleus ce soir-là, méritaient une autre sortie, alors que la génération Pogba a du temps devant elle.
Et vous ?
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— Chroniques bleues (@chroniquebleue) 14 juillet 2016

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