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Chroniques bleues
C’était l’Euro 2000 (2/6) : et Tchèque et mat
dimanche 7 février 2016, par Bruno Colombari
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Suite de notre rétro avec analyse détaillée et commentaire des matches dans les conditions du direct. Retour à
Bruges, le 16 juin 2000, pour un France-République tchèque déjà décisif, un vrai hutième de finale.
Le contexte
Battus (à la dernière minute) par les Pays-Bas, les Tchèques de Pavel Nedved n’ont plus droit à l’erreur contre la France : une
défaite les éliminerait à coup sûr et un nul ne serait pas une bonne opération. Ce sera donc à eux de prendre des risques, pas aux
Bleus qui se sont donnés un bon matelas de sécurité en battant nettement (3-0) le Danemark d’entrée. Roger Lemerre l’a bien
compris, puisqu’il sort Youri Djorkaeff de son onze de départ et renforce le milieu avec Patrick Vieira. Les Bleus joueront donc en
4-3-1-2, avec Vincent Candela dans le couloir gauche à la place de Bixente Lizarazu, forfait de dernière minute. Attention : depuis
quatre ans, les rares défaites des Bleus ont toujours eu lieu quand un des quatre défenseurs titulaires (Thuram-Blanc-DesaillyLizarazu) était absent. Zidane, Henry et Anelka sont chargés d’animer l’attaque et de faire parler la vitesse en contre.
En face, la sélection de Josef Chovanek impressionne, avec Karel Pobosrky, Jiri Nemec, Pavel Nedved, Tomas Roscicky, Vladimir
Smicer et le géant Jan Koller dont les deux mètres et le jeu de tête dévastateur inquiètent tout le monde. La République tchèque
2000 est un mélange d’impact physique et de finesse technique qui n’est pas sans rappeler le jeu des Bleus, justement. Ces derniers
ont une occasion en or de faire d’une pierre deux coups : prendre leur revanche sur une équipe qui les avaient privé d’une finale lors
du précédent Euro au terme d’un match soporifique (0-0, élimination aux tirs au but) et surtout se qualifier directement pour les
quarts avant d’affronter les Pays-Bas. C’est donc quasiment un huitième de finale qui se joue ce 16 juin sous le soleil radieux de
Bruges.
Le match
Dès la 2e minute, les Tchèques montrent leurs qualités techniques à une touche de balle et décalent Pavel Nedved seul plein axe.
Barthez, avancé pour fermer l’angle, détourne la frappe. Zidane est moins précis sur un coup franc frappé de loin largement audessus (4e) mais comme contre le Danemark, on voit qu’il n’y aura aucun round d’observation. Un centre de Nemec sur la tête de
Koller fait courir des frissons dans le dos des supporters français (6e), inquiets de voir les Rouges entrer si facilement dans la surface
de Barthez.
La fausse note de Petr Gabriel
Mais c’est pourtant de l’autre côté que viendra le premier but, le défenseur Gabriel tentant une passe en retrait complètement ratée
à quarante mètres des buts. Dans son dos, Henry est déjà parti. Il semble un instant pousser trop loin son ballon mais le glisse
intelligemment d’un pointu du droit devant Smicek (7e, 1-0). Un but qui rappelle l’action d’Anelka contre le Danemark qui avait
permis à Blanc d’ouvrir le score...
Voilà les Bleus parfaitement engagés dans un match qui s’annonçait compliqué. On se dit qu’ils seraient bien inspirés de profiter de
l’offrande pour prendre le large. Ils se le disent aussi, et ils poussent de plus en plus. Un corner de Petit trouve la tête d’Anelka à
peine trop décroisée (16e). Et deux minutes plus tard, une superbe combinaison Vieira-Zidane se termine par une offrande du
dernier à Henry en pleine surface, mais le tir croisé de l’attaquant passe à cinquante centimètres du poteau de Smicek (18e).
Nedved, Deschamps, pénalty
Tout heureux d’être encore dans le match, les Tchèques réagissent enfin. Poborsky fait le tour de Deschamps sur la ligne de but et
place un centre en retrait millimétré pour Nemec qui ne cadre pas (22e). Le capitaine des Bleus inquiète, il semble en retard sur
tous les ballons et pas serein. Barthez se plaint de la cuisse gauche. Thuram souffre dans son couloir droit. Le jeu de passe tchèque
est un régal de précision et on se dit qu’il n’y aura pas toujours un Bleu pour couper les trajectoires.
A la 34e, Manu Petit cafouille un ballon au milieu et le contre est lancé avec Smicer à la baguette. Le ballon arrive à Nedved à
l’entrée de la surface, poussé dans le dos par Deschamps dans l’arc de cercle à l’entrée de la surface. L’arbitre anglais Graham Poll
siffle d’abord une faute, puis après avoir consulté son assistant, accorde un pénalty. Poborsky le transforme en force plein axe (1-1,
35e) et relance complètement la partie.
Henry gratte un bon coup-franc à 28 mètres dans l’axe, Zidane cherche et trouve la tête de Petit au second poteau mais le ballon
longe la cage tchèque (37e). Dans la foulée, un tir rasant de Poborsky des 25 mètres frôle le poteau de Barthez battu (38e). Et sur
un long ballon de Nemec, c’est Koller qui rabat de la tête le ballon pour Poborky dont la volée ne trouve pas le cadre (44e). Sur un
ultime contre, Deschamps trouve Henry dont la frappe croisée du droit ne surprend pas Smicek (45e).
Barthez sauve une balle de break
Au retour des vestiaires, Fukal a remplacé le malheureux Gabriel et Petit laisse sa place à Youri Djorkaeff, le 4-3-1-2 se transformant
en 4-4-2 plus offensif. C’est Nedved qui se crée la première occasion et allume Barthez qui repousse sans broncher (48e). Le
sélectionneur tchèque fait alors entrer Lokvenc à la place de Bejbl pour mettre plus de poids (et de taille) en attaque. La partie
d’échecs bat son plein, aucune des deux équipes ne veut d’un nul et cherche le KO, quitte à se découvrir. Lemerre répond en
substituant Dugarry à un bien décevant Anelka (55e).
Tous ces changements cassent le rythme, jusqu’à un contre fulgurant mené par les Bleus sur un centre raté de Smicer intercepté
par Vieira dans sa surface. Vieira s’appuie sur Djorkaeff qui lui remet le ballon, Vieira sert Zidane qui d’une touche de l’intérieur du
droit lance Djorkaeff dans le rond central. Djorkaeff lance Henry en profondeur, ce dernier bénéficie d’un rebond à effet rétro pour
éliminer Repka et centrer du gauche au second poteau. Djorkaeff arrive lancé, frappe du droit de douze mètres et marque (60e,
2-1). L’action a duré treize secondes et six passes pour quatre joueurs seulement.
Koller, à coups de tête
Le jeu se durcit des deux côtés, Thuram et Deschamps sortent des tacles de derrière les fagots et Nedved déguste, tout comme
Djorkaeff. Avec un seul jaune pour Thuram, les Français s’en sortent plutôt bien et Barthez lance un regard noir à Koller qui laisse
traîner ses grands pieds. Juste après, sur un coup franc de Nedved, il place une tête lobée qui meurt derrière la transversale (68e).
Sa tentative suivante, toujours sur coup franc de Nedved, frappe la barre de Barthez alors qu’il a largement dominé Desailly de la
tête (70e). Puis une superbe ouverture de Zidane pour Henry manque de faire le break, mais l’attaquant d’Arsenal est signalé horsjeu (71e). Zizou régale au milieu et domine complètement l’entrejeu tchèque à bout de souffle.
Les Bleus font tourner et privent les Tchèques de ballon pendant plusieurs minutes. Ils sentent que la victoire est à portée de main
désormais, et qu’un troisième but plierait définitivement le match. Le public reprend en cœur le I will survive, l’ambiance est à la
fête. Et Blanc smashe de la tête un coup franc de Djorkaeff mais sa tentative n’est pas cadrée (79e). Ce sera la dernière occasion
française, mais qu’importe : les Bleus tiennent leur 2-1 sans savoir que ce sera leur score préféré à cet Euro (il y en aura trois
autres).
Une place dans le quart
Dans les dernières minutes du match, les Tchèques ne cherchent plus à construire, ils balancent de longues balles hautes en
direction de Lovkenc et Koller sur lesquelles la défense française veille, comme sur une nouvelle tentative du géant (86e). Zidane
dévisse une ultime frappe (88e), tout comme Lokvenc (91e) et on en reste là. Après trois heures de jeu, les Bleus sont en quart de
finale et viennent de sortir une bien belle équipe tchèque au cours d’un match constamment tourné vers l’attaque.
La séquence souvenir
La deuxième période a repris depuis deux minutes et rien de notable ne s’est passé quand les Tchèques vont construire une attaque
plein axe. Sur un dégagement du gardien Smicek, Koller remet de la poitrine dans le rond central. Le ballon arrive à Poborsky qui
trouve Smicer de quarante mètres. Smicer dévie de la tête pour Nedved lancé dans le dos de Blanc. A l’entrée de la surface, le futur
Ballon d’or 2003 arme une frappe puissante. Sur sa ligne des 5,50 mètres, Barthez ferme l’angle et smashe le ballon des avant-bras.
Il vient de sauver une balle de 1-2 qui aurait mis les Bleus en bien mauvaise posture.
Le Bleu du match
Patrick Vieira. Il n’était pas titulaire au moment où commence l’Euro, mais sa rentrée contre le Danemark a été si intéressante que
Lemerre l’a aligné dès le début du match contre les Tchèques. Il ne sortira plus de l’équipe jusqu’à la finale et deviendra le principal
taulier des Bleus jusqu’en 2006. D’entrée, il ratisse tous les ballons au milieu et c’est tant mieux, car Deschamps et Petit sont à la
peine. Il trouve Henry sur une superbe ouverture longue distance (25e) mais l’attaquant s’emmêle les pinceaux après avoir été
idéalement lancé par Vieira sur une ouverture longue distance (25e). Et cinq minutes plus tard, il est à la réception d’un centre de
Zidane et frappe en force, Smicek détourne au premier poteau (30e). En deuxième période, il est toujours là, bouchant les trous de
ses grands compas, reculant pour prendre Koller de la tête sur les balles longues, soignant les relances comme sur le but de
Djorkaeff où c’est lui qui oriente le jeu. Bref, indispensable.
L’adversaire à surveiller
Jan Koller. 2,02 m sous la toise, un quintal sur la balance, pointure 52 fillette, une tête d’égorgeur de vieilles. Koller est le lointain
descendant de l’Allemand Horst Hrubesch et son front cabossé, mais sa technique balle au pied est bien supérieure. International
sur le tard, il a déjà 27 ans et joue tout près de là, à Anderlecht. C’est un redoutable buteur (il finira sa carrière avec 238 buts au
compteur, dont 55 en sélection, record national) et son jeu en pivot fait des ravages dans les défenses adverses. Avant le match
contre la France, il en est déjà à dix buts... en dix sélections.
Dans une attaque tchèque tourbillonnante qui joue surtout dans les pieds (Smicer, Nedved, Poborsky), il est plutôt discret en
première mi-temps, surveillé de près par la charnière Blanc-Desailly. Puis, alors que le jeu tchèque s’allonge et passe plus par les
airs, il pèse sur la défense et se crée deux énormes occasions de la tête à la 68e et à la 70e minute où il trouve la barre. Sa
troisième tentative (86e) sera captée par Barthez, mais il aura joué aussi un rôle précieux en pivot, comme sur l’occasion de Nedved
en début de deuxième mi-temps.
la petite phrase
Dans le JT du 16 juin à 20h sur France 2, Youri Djorkaeff : « J’essaie de faire gagner l’équipe, je marque des buts. Quand je rentre
dans la surface je sens un souffle, les gens devant la télé doivent dire « marque, marque ! », je ne me pose pas la question. »
Le match en intégralité