Je suis ici parce que je peux

Transcription

Je suis ici parce que je peux
Le Soir Jeudi 26 janvier 2012
laculture
Bruce Springsteen va lancer le 18 mars à Atlanta une tournée mondiale qui
l’emmènera aux Etats-Unis et en Europe. Aucune date belge mais le Boss sera au
Pinkpop (NL) le 28 mai. Les dates parisiennes sont complètes. © AFP.
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Scènes / Création d’« Exils » dans le cadre de Villes en scène – Cities on stage
« Je suis ici parce que je peux »
L’ESSENTIEL
● Fabrice Murgia crée
au National le premier
spectacle du projet Villes en Scène.
● Il y évoque la notion
d’exil, dans une succession de tableaux visuellement superbes.
● Cette maîtrise de
l’image et du son sert
un propos jamais manichéen porté par de formidables comédiens.
« Villes en scène »
Un projet européen
Initié par le Théâtre national,
le projet Villes en scène/Cities
on stage, soutenu par la Commission européenne, rassemble six scènes européennes :
Théâtre National, Folkteatern
(Göteborg), Odéon-Théâtre
de l’Europe (Paris), Teatrul
National Radu Stanca (Sibiu),
Teatro Stabile di Napoli,
Teatro de La Abadía (Madrid).
Plus qu’un simple échange de
spectacles, celles-ci ont mis
sur pied un programme autour de la question du « vivre
ensemble dans les grandes villes ». Outre Fabrice Murgia,
les metteurs en scène Lars
Norén, Joël Pommerat, Gianina Carbunariu, Antônio
Araùjo, Emma Dante et Frank
Castorf présenteront jusqu’en
2016 une série de spectacles
en forme de regard sur une
Europe en mutation.
Chaque ville prévoit aussi
tout un programme d’activités avec des groupes de citoyens et de jeunes acteurs
des pays partenaires. J.-M.W.
« Exils » à Madrid ?
’est trop bizarre d’avoir
des idées pareilles si jeune. » Mardi soir, les adolescents présents à la première
d’Exils au Théâtre National,
étaient sous le choc.
Pour son quatrième spectacle,
Fabrice Murgia évoque le thème
de l’exil. Il livre une pièce courte
(un peu moins d’une heure) où le
son et les images en disent largement autant que les mots.
C’est pourtant par ceux-ci que
l’on commence avec une femme
en uniforme surgissant devant le
public qui papotait encore l’instant d’avant. D’un ton neutre,
elle énonce quelques vérités terribles écrites dans une langue à la
fois quotidienne et poétique qui
révèle les qualités d’écriture du
jeune metteur en scène : « On attendra la dernière seconde pour
réaliser que c’était court, surtout
ceux d’entre nous qui ont bien vé-
José Luis Gomez est directeur du Teatro de La Abadia, l’un
des six partenaires du projet européen. Il fut avant cela directeur du Théâtre national et directeur du Théâtre de la ville de
Madrid. Il s’est engagé avec enthousiasme dans le projet porté par le Théâtre National.
C
SEUL, AU MILIEU D’UNE NUIT D’AUTOROUTE, l’homme exilé crie sa rage, son désespoir, son incompréhension face à ce monde où chacun voit l’autre comme un étranger. © CICI OLSSON.
cu ou ceux d’entre nous qui n’ont
perdu que très peu d’amis. »
L’image prend aussitôt le relais
avec cet homme à la peau noire
qui, d’une cabine téléphonique,
plaisante avec sa mère restée au
pays. Mais la bonne humeur est
feinte et son récit n’est qu’un leurre pour ne pas la décevoir.
Cet homme est médecin. Mais
ici, il est clandestin. Quand on lui
demande pourquoi il veut vivre
ici, il répond simplement : « Parce que je peux ! »
À coup de phrases courtes, de
tableaux visuels incroyablement
parlants (le rai de lumière géant
qui enferme toute la vie de l’employée surmenée dans une photocopieuse), d’utilisation magistrale du son et de la musique, Fabrice Murgia nous plonge dans les
rêves, les angoisses et/ou le quotidien de ses quatre personnages.
Olivia Carrère, François Sauveur, El Hadji Abdou Rahmane
Ndiaye et Jeanne Dandoy portent le tout avec une justesse incroyable. On est bouleversé devant cet homme qui s’est fait faire une poupée de lui-même à taille humaine, ce face-à-face entre
l’exilé qui a la sensation de « s’effacer » et la jeune femme un peu
paumée qui ne sait quoi lui répondre, la fonctionnaire calme et plutôt gentille qui se contente d’appliquer la loi sans état d’âme…
Fabrice Murgia fait ainsi surgir une foule de questions sur notre rapport à l’autre, le repli sur
soi, l’incapacité de plus en plus
grande à nous situer là même où
nous sommes. Sans manichéisme ni grand discours, dans un formidable mélange de quotidien et
d’onirisme. ■
JEAN-MARIE WYNANTS
Jusqu’au 11 février au Théâtre National,
www.theatrenational.be.
« C’est un très beau projet parce qu’il s’agit d’un partenariat entre un petit nombre de structures, avec des gens qui ont des idées
claires et où les échanges peuvent se concrétiser de façon rapide.
Aujourd’hui, les biens matériels traversent plus facilement les
frontières que les biens culturels. Nous voulons faire bouger cela
et confronter nos publics à d’autres réalités. »
La création de Fabrice Murgia l’a enthousiasmé. « Je vais faire
tout ce que je peux, même en dehors du cadre du programme Villes en Scènes/Cities on stage, pour présenter Exils à Madrid.
C’est un travail bouleversant qui évoque d’une façon extrêmement juste (au sens de justesse mais aussi de justice), la question
de l’immigration. Il le fait d’une façon que je n’ai jamais vue. Souvent, il y a trop de paroles, de discours autour de cela.
De plus, on sent qu’il sait de quoi il parle. Il s’est énormément documenté sur le sujet mais au-delà de cela, il a ce thème dans son
sang et ça transparaît dans le spectacle. C’est une grande chose
de la part de Jean-Louis Colinet d’avoir parié sur ce jeune artiste.
C’est ainsi que le théâtre peut aller de l’avant. » J.-M.W.
Musique / Les Français seront à l’AB vendredi
AaRON débranché
CINÉMA James Farentino est mort
Ce « second couteau » avait tourné dans plusieurs dizaines de
films, notamment Nimitz, retour
vers l’enfer, et de séries comme Dynastie, Melrose Place ou The Bold
Ones : The Lawyers. Il est décédé
mardi à l’âge de 73 ans. (b)
PATRIMOINE Les sites de la Grande
Guerre candidats Une douzaine
de départements français de l’ancienne ligne de front de 19141918 veulent faire inscrire les paysages et sites de mémoire de la
Grande Guerre au patrimoine
mondial de l’Unesco dans le cadre des commémorations du centenaire du début du conflit. « Les
hommes ont disparu, les paysages
et les sites s’imposent désormais
comme les témoins principaux de
ce cataclysme universel », écriventils dans la présentation de leur
projet qui est élaboré en étroite
collaboration avec la Belgique. La
décision finale est attendue à l’horizon 2014-2015. (afp)
Gaultier
ressuscite Amy
Pour clôturer la
semaine de la
haute couture,
Jean-Paul Gaultier a rendu
hommage à
Amy Winehouse. Sur les
wapdoowap
d’un quatuor
soul, il a fait défiler des filles en
chignon crêpé
bicolore, eyeliner, soutif noir
et blouson de
cuir.
Emouvant et
sexy, oui, c’est
possible. J.H.
© AGENCE BELGAAFP
e vendredi, à l’Ancienne
Belgique, sold out depuis
C
des plombes, les Français d’AaRON se frotteront aux douces
joies d’un concert majoritairement acoustique.
Après s’être produits à Dour
et aux Francofolies de Spa,
avoir rempli Forest National et
les plus grandes salles françaises, Simon Buret et Olivier Coursier se la joueront cosy à l’AB.
L’an dernier, les deux mecs popularisés par Lili et le cinéma SIMON Buret et Olivier Coursier dans
de Philippe Lioret avaient déci- le plus simple appareil. © D.R.
dé de remanier leurs deux premiers albums et de les dévoiler terme est particulièrement posous un nouvel éclairage, dans pulaire depuis les années 90.
un plus simple appareil. La sé- Quand, inspiré par des représenrie de concerts Unplugged & tations dépouillées de Pete
Waves, évidemment marquée Townshend (Who) pour Amnespar un changement d’instru- ty International quinze ans plus
mentation, a même débouché tôt et un soudain regain d’intésur un disque live, Waves from rêt pour le folk, MTV se met à
the road, dans les bacs depuis filmer Bob Dylan, Neil Young,
Bruce Springsteen mais aussi et
décembre.
Unplugged. Débranché. Le surtout les Nirvana et autres Ali-
ce in Chains (le grunge saturé et
brutal s’y prêtait étrangement
bien) lors de petits concerts intimistes et acoustiques depuis
passés à la postérité.
Moments privilégiés et souvent magiques dans le gigantisme d’une industrie qui déjà se
désincarnait.
L’Unplugged, c’est un peu un
strip-tease, une mise à nu de l’artiste dans le fond comme de ses
chansons. Car si l’électricité permet souvent de masquer les lacunes techniques et mélodiques, le dépouillement met davantage à l’épreuve les compositions. Il est aussi dans les meilleurs des cas, l’occasion d’apprivoiser le temps qui passe pour
acquérir l’éternité. L’Unplugged va bien, ne t’en fais pas… ■
JULIEN BROQUET
www.aaronwebsite.com
Waves from the road (PIAS).
A l’Ancienne Belgique le 27/1 (complet).
18585890
www.lesoir.be
25/01/12 21:07 - LE_SOIR
1NL
du 26/01/12 - p. 31

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