compte-rendu de la conférence

Transcription

compte-rendu de la conférence
Dossier
Ecologie industrielle et économie
circulaire, des concepts à la
réalité
Réalisé par Claire EA, référente Veille et Intelligence économique
Le 24/08/2015
SOMMAIRE
Introduction_______________________________________________________________ 3
Compte-rendu ____________________________________________________________ 3
1.
Présentation de SOFIES _______________________________________________ 3
2.
Eléments historiques sur l’efficacité des ressources __________________________ 3
3.
L’écologie industrielle _________________________________________________ 4
4.
L’économie circulaire __________________________________________________ 5
5.
Le bon concept, une question d’ancrage local ______________________________ 5
6.
Opportunités et enjeux de la mise en œuvre ________________________________ 6

Enjeux ___________________________________________________________ 6

Opportunités ______________________________________________________ 7
Conclusion _______________________________________________________________ 8
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 2 sur 8
INTRODUCTION
Cette conférence a été organisée par le CIRIDD, le Centre International de Ressources et
d’Innovation pour le Développement Durable, à la suite de son assemblée générale
annuelle. Elle s’est tenue le 25 juin 2015 au CNAM de Saint-Etienne.
La conférence était animée par le Dr. Guillaume Massard, Directeur scientifique de
l’entreprise SOFIES à Genève. La présentation de l’intervenant est disponible en ligne sur le
site internet du CIRIDD.
COMPTE-RENDU
1. Présentation de SOFIES
SOFIES est un bureau de conseil dans les domaines de l’économie circulaire et de l’écologie
industrielle. Basée à Genève, la société est également présente à Zurich, à Paris et au Sud
de l’Inde.
L’objectif de SOFIES est d’apporter à ses clients des solutions concrètes et innovantes pour
un usage optimal des ressources naturelles. Elle intervient à l’échelle du territoire, de
l’entreprise, mais aussi à l’échelle de la chaîne de valeur et des procédés.
2. Eléments historiques sur l’efficacité des ressources
A partir du début des années 1970 et la prise de conscience autour de la production des
déchets, qui a amené un certain nombre de stratégies « end of pipe » (traitement en bout de
tuyau), des solutions ont été développées pendant près de 20 ans.
Dès 1972, le Club de Rome, avec son rapport The Limits to Growth, avait posé la
problématique des ressources naturelles et de leur surexploitation, allant au-delà de la seule
question des déchets. Les années 1990 ont vu le développement d’un certain nombre de
concepts mettant les deux en lien, ce qui a donné naissance, au cours des années 1990, à
des notions telles que la « production propre », le « cradle to cradle » (du berceau au
berceau, sans passer par la tombe), l’écologie industrielle, le « zéro déchets ». Ces concepts
se sont déployés, plus ou moins bien, dans différentes régions du monde.
Dans les années 2000, une nouvelle étape a été franchie : avec l’envolée du prix de
certaines matières premières et l’irruption d’évolutions technologiques très rapides, on a
cherché une nouvelle manière de réfléchir à la gestion des déchets, en lien avec une
efficacité accrue des ressources. On assiste alors à une envolée des démarches politiques
et institutionnelles visant à mettre en place une transition à une échelle plus importante.
En France, on parle surtout d’économie circulaire, tandis qu’en Suisse, c’est le concept
d’écologie industrielle qui l’emporte. Mais dans l’un ou l’autre cas, on parle toujours
d’efficacité des ressources, d’éco-efficacité (définie par le World Business Council for
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 3 sur 8
Sustainable Development comme un lien entre bénéfices économiques et bénéfices
environnementaux). La plupart des stratégies que l’on voit émerger aujourd'hui sur les
territoires correspondent très bien à une liaison entre ces deux concepts.
3. L’écologie industrielle
Conceptualisée à la fin des années 1970 aux Etats-Unis, la notion n’a réellement émergé
que dans les années 1990. Elle vient directement de l’industrie, forgée par des cadres de
l’industrie américaine (de General Motors par exemple) qui ont commencé à réfléchir à leur
fonctionnement, aux aspects de cyclicité et de linéarité de leur système, pour faire évoluer
celui-ci.
Le concept d’écologie industrielle demande à être expliqué, et peut s’avérer difficile à
comprendre et à communiquer. Alors que le terme d’écologie est aujourd'hui fréquemment
utilisé en politique et dans des milieux militants, on parle ici réellement de l’étude scientifique
des écosystèmes : il s’agit de voir ce que l’on connaît des écosystèmes et comment on peut
le répliquer dans nos systèmes économiques et industriels actuels. L’adjectif « industriel »
traduit l’anglais industrial, qui a une signification différente de celle du mot français : en
anglais en effet, ce terme recouvre l’ensemble des activités économiques, tandis qu’en
français, il désigne avant tout le secteur secondaire, qui vise à la production et à la
transformation de matière. Or l’écologie industrielle s’adresse à l’ensemble des activités
économiques, y compris le secteur agricole et celui des services.
L’écologie industrielle vise, sur la base des connaissances des écosystèmes naturels, et de
méthodologies d’étude de ces écosystèmes, à appliquer ces principes à des systèmes
industriels autour des extracteurs/producteurs de matériaux, des entreprises qui les
transforment, des utilisateurs ou des consommateurs, des acteurs de la fin de vie
(décomposeurs des écosystèmes naturels).
Dans un ouvrage de 1998 intitulé Vers une écologie industrielle. Comment mettre en
pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle, le professeur Suren
Erkman mentionne quatre « stratégies de maturation » :
-
-
-
-
On doit boucler nos flux de matière, éviter les boucles ouvertes, chercher à maîtriser
le devenir. A donné le terme de symbiose industrielle, création de synergies et de
collaboration entre entreprises d’un territoire.
Il s’agit aussi d’étanchéifier, limiter les pertes sur le cycle de vie. En effet, s’il est
difficile d’être intégralement cyclique, parce qu’on a toujours des phénomènes de
dissipation, de dégradation de la matière, étanchéifier le système permet de le rendre
plus compatible avec les écosystèmes naturels.
Intensifier : faire plus avec moins, dématérialiser, trouver de nouveaux modèles
d’affaires permettant de proposer les mêmes services avec moins de ressources
(économie de fonctionnalité).
Décarboniser : alors que l’on est aujourd'hui dans une situation de « boulimie de
carbone et de combustibles fossiles », il s’agit de rentrer dans une phase de « diète
industrielle » afin de moins modifier les écosystèmes qui nous entourent.
Dans l’écologie industrielle, un certain nombre de méthodologies permettent de comprendre
et de faire des choix, d’aider à la mise en œuvre de ces quatre stratégies : le diagnostic, la
quantification (analyse de flux de matière d’une activité), l’analyse de cycle de vie (impact sur
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 4 sur 8
l’environnement du flux de matière), les procédures d’amélioration et d’optimisation (mise en
œuvre du diagnostic : éco-design, écoconception, symbioses industrielles…), les procédés
de mise en œuvre (développement économique durable, urbanisme durable, structuration
dans le processus d’évolution du territoire autour d’une meilleure efficacité des ressources).
On se rapproche ici de l’économie circulaire.
4. L’économie circulaire
Il existe plusieurs définitions de cette notion : la loi chinoise sur l’économie circulaire parle de
réutilisation, de recyclage mené durant le processus de production, distribution et
consommation ; pour l’Ademe, il s’agit d’augmenter l’efficacité des ressources et de diminuer
l’impact sur l’environnement ; la Fondation Ellen MacArthur, quant à elle, présente
l’économie circulaire comme une économie « réparatrice ».
Ces définitions sont finalement relativement similaires, toutes mettant en avant le même mot
d’ordre : l’efficacité des ressources, le découplage de la croissance économique et de la
consommation des ressources.
5. Le bon concept, une question d’ancrage local
Le bon concept est celui qui fonctionne localement (pays, continent…). Il y en a plusieurs,
parmi lesquels on peut citer deux exemples :
-
-
Les Stratégies d’économie verte développées par le Programme des Nations Unies
pour l’Environnement. On retrouve dans leur définition les mêmes points que dans
les autres. Ces stratégies s’adressent à des pays en voie de développement, qui
impliquent une plus grande part au développement économique et à l’emploi (emplois
verts), mais aussi de nombreux processus liés à la croissance de l’efficacité des
ressources.
Le programme ProgRess en Allemagne, qui entre aujourd'hui dans sa 2e phase.
L’Allemagne a développé sa propre vision de l’efficacité des ressources, et parle
également de gestion en cercle fermé, de durabilité tout en assurant une croissance
de qualité : nous sommes dans les mêmes genres de concepts. Plateforme nationale
d’assistance au monde industriel et économique pour assurer sa transition : conseil
en valorisation de matières, éco-design, développement technologique pour les
procédés industriels, assistance dans le développement de modèles économiques
viables… Concepts relativement similaires.
SOFIES a réalisé une étude autour de l’ancrage de l’économie circulaire, pour comprendre
qui en sont les acteurs. Il ressort de cette étude que depuis les débuts de la Fondation Ellen
MacArthur, de nombreux acteurs ont développé, repris cette stratégie, l’ont développée à
leur manière, en allant jusqu’à l’échelle internationale : on retrouve le Club de Rome, qui voit
aujourd'hui dans économie circulaire un concept à valoriser.
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 5 sur 8
Appropriation par les milieux institutionnels en France et dans le monde
Source : SOFIES SA
Ce concept est adapté à ce qui se passe sur le territoire français en particulier, mais on verra
que les actions qui en découlent peuvent être comparées à des actions mises en œuvre
sous d’autres noms de concepts.
On se trouve depuis une trentaine d’années dans un processus continu : les activités initiées
depuis parfois 20 à 25 ans autour de la production propre perdurent aujourd'hui dans les
démarches d’économie circulaire. Derrière se trouve un savoir énorme, comprenant
notamment des bases de données à l’échelle européenne, qu’il faut utiliser quel que soit le
concept auquel on a recours et le nom que l’on choisit de donner à la démarche.
6. Opportunités et enjeux de la mise en œuvre

Enjeux
L’intervenant a demandé à l’assistance de définir en un ou deux mots l’enjeu de la démarche
mise en œuvre sur un territoire. Parmi les réponses données, on peut citer : survie,
économie, durabilité, responsabilité…
Le Dr. Massard est ensuite revenu sur certains de ces enjeux.
La notion de durabilité, prise ici comme la question du temps, est importante. La patience,
la continuité, l’assiduité, sont des enjeux majeurs de la mise en œuvre de l’efficacité des
ressources.
Le deuxième enjeu est celui de la compréhension : il s’agit de comprendre et de faire
comprendre, de montrer, de communiquer sur les flux de matière. On peut prendre pour
exemple le travail de SOFIES réalisé pour le canton de Genève, dans le but de quantifier les
flux d’ENR dans les quartiers urbains et les zones industrielles. SOFIES a développé un
modèle de visualisation permettant aux décideurs de comprendre ces flux et les différentes
contraintes qui les régissent, afin qu’ils puissent choisir la marche à suivre pour faire évoluer
les flux dans un sens ou un autre.
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 6 sur 8
Un troisième enjeu réside dans l’importance de la comparaison : il faut pouvoir choisir le
meilleur scénario en fonction des risques de chacun.
En effet, l’économie circulaire parfaite n’existe pas, de même que le « zéro déchet » : il faut
compter avec un important phénomène de dissipation, qui implique certains risques
(possibilités de bioaccumulation, d’accumulation de matières dangereuses dans certains
produits…). L’écosystème complètement fermé n’étant pas viable, il faut faire avec la notion
d’inefficacité, même s’il reste que l’on peut faire mieux que ce que l’on fait aujourd'hui.
Il faut également prendre en compte l’effet rebond : chaque fois qu’on met en place un
nouveau fonctionnement, des nouvelles étapes, on génère de la consommation de
ressources supplémentaire. Très difficile à prévoir, l’effet rebond est aujourd'hui un facteur
majeur d’innovation technologique, et donc de développement économique : de nouvelles
technologies génèrent de nouveaux impacts, qui pour être compris et maîtrisés nécessitent
la création de nouvelles technologies… On est donc dans un cycle de développement
économique qui s’autoalimente.
Enfin, il faut s’interroger sur la question du financement de ces démarches. En effet,
beaucoup de financements s’arrêtent à l’étude d’opportunités. Mais l’énergie ne doit pas
s’arrêter là. La restructuration des projets autour de l’économie circulaire est ralentie par ce
manque de moyens, ou de la croyance que l’entreprise, une fois qu’on lui a montré
l’opportunité, va se l’approprier et le faire toute seule. Or ce n’est pas le cas, à moins d’un
retour sur investissement très court.
Si l’on développe une nouvelle technologie, il est possible d’obtenir une aide pour mettre le
produit sur le marché. Mais lorsqu’on arrive à la phase de dissémination et d’expansion,
beaucoup moins d’aides sont disponibles. Or il en va de même pour l’économie circulaire : il
y a un manque flagrant dans les investissements disponibles au moment où on voudrait aller
vers de la croissance, développer un marché pour de nouvelles technologiques. Ce ne sont
pas nécessairement les moyens financiers qui manquent, mais il est difficile pour les
entreprises du secteur bancaire de comprendre exactement comment elles doivent évaluer
un projet, et d’intégrer des démarches d’économie circulaire ou d’écologie industrielle
comme un facteur de croissance.

Opportunités
L’économie circulaire peut permettre de développer de nouveaux modèles d’affaires, en
particulier autour des symbioses industrielles (mutualisation de services pour les entreprises,
les infrastructures de production de chaleur, la gestion des déchets…).
M. Massard a cité en exemple un territoire sur lequel travaillent une quinzaine de recycleurs,
ayant chacun leur propre infrastructure de collecte et d’export des déchets, avec un impact
foncier, sonore, visuel important. Il s’agissait de développer un modèles d’affaires qui
permette de se regrouper, d’avoir les mêmes outils industriels, de garder leurs parts de
marché tout en mutualisant les moyens de production et d’export : il a fallu travailler avec
chaque acteur pour que chacun y trouve son avantage. Un nouveau modèle d’affaires
permettait d’obtenir des gains économiques importants tout en réduisant les impacts
environnementaux, pour autant que les acteurs acceptent cette restructuration : c’est là
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 7 sur 8
qu’entrent en jeu la communication et les stratégies participatives qui permettent d’impliquer
les différents acteurs.
La deuxième opportunité réside dans la notion d’urbanisme durable : il s’agit de ramener les
solutions d’écologie industrielle et d’économie circulaire à l’urbanisme, d’intégrer toutes ces
contraintes et opportunités autour des réseaux, des énergies, des nouvelles activités, dans
la planification du territoire.
M. Massard a pris pour exemple les matériaux de construction : de nombreux travaux sont
en cours pour réduire l’utilisation de matériaux, éviter les transports, éviter certains
matériaux… Mais il est nécessaire, pour étendre la démarche, de résoudre une équation
plus économique que technique : à l’heure actuelle, dans certaines régions, les coûts liés au
recyclage de matériaux de construction sont plus élevés que l’extraction de matériaux neufs.
CONCLUSION
Le Dr. Massard a conclu son intervention en présentant quelques métiers d’avenir, qui
permettront d’accélérer la transition vers une économie circulaire et l’efficacité des
ressources : quantificateurs d’impact, ingénieurs des réseaux trophiques industriels,
optimiseurs de fonctionnalité…
Une question a été posée par un membre de l’assistance, concernant le coût des
ressources : la baisse du coût du pétrole n’est-elle pas un frein au développement de
l’écologie industrielle ? Pour M. Massard, il est indéniable que le prix des ressources a un
impact très fort sur ces stratégies et la volonté d’investissement des entreprises. C’est ainsi
que l’émergence des gaz de schiste a créé une nouvelle tendance autour du marché des
combustibles fossiles, qui ralentit un certain nombre de démarches. Mais cela ne fait pas tout
non plus, et d’autres enjeux s’y ajoutent : l’image, des enjeux locaux autour de nouveaux
moyens de production… L’ancrage de l’entreprise lui fera prendre des décisions importantes.
Photo en première page : SOFIES
25/06/2015
Ecologie industrielle et économie circulaire
Page 8 sur 8