TELECHARGER LE DOCUMENT Basse définition

Transcription

TELECHARGER LE DOCUMENT Basse définition
Le forum MEDays, un événement organisé sous le haut
patronage de SM le Roi Mohammed VI
BRAHIM FASSI FIHRI
Président de l’institut AMADEUS
EDITO
Au moment où j’écris ces lignes je suis profondément meurtri, choqué
et ému par le lâche attentat perpétré à Marrakech. La Place Jamaa
Al Fna, plus que n’importe quel autre lieu au Maroc, est l’expression
de la tolérance et de la fraternité. Qu’on soit marocain ou étranger ;
musulman, juif ou chrétien, nous sommes tous éblouis par la magie
de cette place de tous les possibles. Le Maroc a donc été frappé
en son cœur dans un contexte d’euphorie générale, liée à l’évolution
majeure que connait notre pays sur le plan politique. Les images des
corps démembrés du café Argana sont venues brutalement nous
rappeler qu’aucune transition politique ne pouvait malheureusement
être menée sans sacrifices ou effusion de sang. Les victimes de
l’attentat sont donc les martyres du changement et du progrès.
L’évolution démocratique de notre pays est irréversible. Les poches
de résistances qui s’opposent à ce nouveau projet de société se
sont exprimées de la manière la plus odieuse possible. Ces forces
invisibles, qu’elles soient issues de l’intérieur ou de l’extérieur du
Maroc, doivent être fortement combattues par tous les démocrates
et par tous les marocains épris de liberté. La lutte effrénée contre
l’obscurantisme, dans un cadre légal et démocratique, doit être le
dénominateur commun rassemblant toute notre société. Toutes les
forces vives de la Nation doivent s’unir autour de deux facteurs de
mobilisation : la poursuite de la libéralisation politique de notre pays
et la sauvegarde de notre patrimoine national qu’est la tolérance et le
respect de la diversité.
La vie reprendra ses droits. Marrakech et sa prestigieuse place sont
immortelles. Le processus de réformes en cours est également
immortel. Je suis de ceux qui sont convaincus que ce processus
ressortira renforcé de cette tentative de déstabilisation. Les plus
grandes démocraties ne sont pas à l’abri d’actions comparables.
L’argument de la « stabilité par la sécurité » est désormais caduc.
Il est important de réaffirmer aujourd’hui plus que jamais que la
« stabilité c’est la liberté » !
Les événements en cours dans le monde arabe traduisent une
volonté des populations de remettre en mouvement des Etats vitrifiés.
Au Maroc, les populations, appelaient à travers des revendications
hétéroclites à ré-impulser la dynamique née au début des années
2000. Celle-ci a connu un coup d’arrêt en 2007. Nous nous sommes
depuis installés dans un contexte politique de discours sur la réforme,
qui se traduit par un immobilisme progressif. SM le Roi Mohammed
VI en proposant dans son discours historique du 9 mars dernier,
la régionalisation avancée et surtout en annonçant une réforme
constitutionnelle globale a mis fin à cet immobilisme. Loin d’être une
réponse ponctuelle à des attentes légitimes, cette réponse s’inscrira
de façon crédible dans un avant et un après. Cette nouvelle forme
de gouvernance annoncée par le Roi a également eu le mérite de
donner plus de visibilité à l’action politique. Les marocains qui se
sont installés depuis le début du « Printemps Arabe » dans un double climat marqué d’anxiété et d’ivresse de
participer à un mouvement historique, ont aujourd’hui une réponse claire sur une nouvelle forme de gouvernance,
où ils seront partie prenante de la construction de leur avenir. Le Souverain, en prenant de court l’ensemble des
observateurs, y compris les partis politiques qui se sont installés dans une surenchère politicienne depuis le 20
février, a élaboré une réponse politique courageuse et historique, qui insuffle une relance décisive de ce « Maroc
en Mouvement ».
Le début de l’année 2011, connait en effet, une multitude de bouleversements, heureux ou malheureux, sans
précédents dans notre région. Le monde arabe est en mouvement ! Un élan de liberté porté par les jeunes
générations tunisienne et égyptienne a conduit à une accélération de l’Histoire, sans précédentes dans la région
depuis les indépendances. Il est aujourd’hui encore très tôt pour faire le bilan de ces révolutions qui ont poussé
vers la sortie deux dirigeants vieillissants, pourtant bien installés, mais en totale coupure et contradiction avec les
réalités de leur pays. Nous manquons certainement de recul pour émettre un jugement objectif sur les événements
en cours, mais en tant que politologues nous sommes amenées à faire des lectures les plus précises possibles
de l’instant « T ». Privés du luxe de l’analyse, puisque nous ne pouvons avoir la prétention d’anticiper et de nous
projeter sur des événements en permanentes accélérations, que nous étions d’ailleurs incapables de prévoir il y a
encore un mois, nous nous devons uniquement de relayer les faits.
Renforcée par les soulèvements au Yémen, en Lybie et en Syrie, l’idée que le « mur de la peur est tombé » est
aujourd’hui une vérité. La rue arabe, souvent caricaturée en Occident se bat aujourd’hui pour retrouver sa dignité.
Cet «éveil arabe» est la démonstration absolue que les modalités de gouvernance dans la région ne sont pas
incompatibles avec les valeurs universelles de démocratie et de libertés. Ces acquis doivent être préservés et
renforcés. Le conflit militaire en Lybie est engagé, la communauté internationale a un mandat pour agir et protéger
les populations libyennes. L’échec de la coalition en Libye sonnerait définitivement le glas du « Printemps des
peuples arabes ». En Syrie la situation dégénère de jour en jour, les hésitations des puissances internationales
ne sont guères rassurantes. Le risque de radicalisation est réel. La mort d’Oussama Ben Laden peut conduire la
nébuleuse d’Al Qaeda, renforcée par l’impact de l’attentat de Marrakech, à multiplier ses opérations.
Le Forum MEDays, qui dès sa création en 2008, n’a cessé de mettre en lumière les limites du partenariat en
Méditerranée, est en 2011 plus que jamais utile pour solidifier les acquis du « Printemps arabe ». La 4ème édition
du Forum international MEDays, qui se tiendra à Tanger du 16 au 19 novembre prochain, aura pour thème principal
« Le Sud dans la gouvernance mondiale ». Dans un contexte de reprise économique et de foisonnement des crises
et des bouleversements politiques, le constat de l’échec de la gouvernance internationale dans la régulation de
la mondialisation et la résolution des conflits est établi. Au Maroc, en plein évolution, ce Forum permettra de
regrouper pour la première fois, dans le cadre d’une conférence internationale informelle, les principaux acteurs
des changements dans la région avec les principaux décideurs internationaux.
En attendant de vous retrouver en novembre à Tanger, je vous propose de découvrir le Rapport 2011 de l’Institut
Amadeus, qui met en perspective les principales leçons tirées de la dernière édition du Forum phare de l’Institut
Amadeus avec les nouveaux enjeux partagés par l’ensemble des pays du Sud. Loin d’être un simple recueil des
actes du Forum MEDays 2010, ce rapport présente les principales lectures de l’Institut Amadeus sur ces questions
stratégiques.
MOT DU PRÉSIDENT
Devant ses risques importants, il est plus que jamais nécessaire que les Etats-Unis et l’Union européenne,
accompagnent les processus de transitions démocratiques en cours dans la région. L’UPM morte place Tahrir doit
être refondée non pas pour uniquement accompagner le processus de démocratisation mais pour favoriser le codéveloppement. Il est donc impératif de créer un nouveau « Pacte pour la démocratie et le développement » basé
sur un socle de valeurs partagées et sur un espace économique commun. Tourné vers l’opérationnel, ce processus
doit dépasser tous les handicaps identifiés du partenariat euro-méditerranéen depuis 1995.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
- Forum MEDays, Institut Amadeus : présentation succent / 9
- MEDays 2010 : Ils étaient présents en 2010 / 10
- Forum MEDays 2010 - Le Sud : Entre crises et émergence / 12
- La coopération méditerranéenne dans les crises / 20
01
CRISE ECONOMIQUE
Page 26
- CRISE ECONOMIQUE : UNE PETITE HISTOIRE DES DÉSÉQUILIBRES MONDIAUX / 28
- Intégration économique africaine : quelle architecture pour stimuler la croissance ? / 34
- FOCUS : AFRIQUE SUBSAHARIENNE : REPENSER LES INVESTISSEMENTS DIRECTS A L’ETRANGER (IDE) / 40
- Au Maghreb, les changements politiques modifieront-ils la donne pour l’intégration
économique ? / 45
02
ENERGIE ET CLIMAT
Page 52
- NÉGOCIATION INTERNATIONALE SUR LE CLIMAT : PASSER DU CLIVAGE NORD-SUD À L’ACTION CONJOINTE / 54
- DÉSASTRES NATURELS, COOPÉRATION INTERNATIONALE ET RECONSTRUCTION : ÉVITER LES ÉCUEILS DU
COURT-TERMISME / 59
- GOUVERNANCE DE L’EAU ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LE DÉFI VITAL POUR L’AFRIQUE / 61
- LES BUSINESS MEDAYS : DE LA RÉFLEXION À L’ACTION
RÉVOLUTIONS ÉNERGÉTIQUES DANS LES MARCHÉS ÉMERGENTS : LES NOUVEAUX ACCÉLÉRATEURS DE
CROISSANCE / 68
- LES DÉFIS DE L’ACCÈS DES ÉTATS À L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE CIVILE / 70
- LE FINANCEMENT DES GRANDS PROJETS ÉNERGÉTIQUES : COMMENT FAIRE DES PPP DE VÉRITABLES
LEVIERS DE CROISSANCE ET DE COMPÉTITIVITÉ ? / 79
- TRANSPORT ET EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE : QUELLE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE ÉNERGIES FOSSILES
ET ÉNERGIES RENOUVELABLES ? / 82
- MMOBILIER ET EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE : COMMENT ÉLARGIR LES MARCHÉS AU SUD ? / 86
03
COOPERATION ET DEVELOPPEMENT
Page 90
- L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DANS LA CRISE / 92
- DE LA CROISSANCE À LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT EST-ELLE EFFICACE ? / 95
- FOCUS : COOPÉRATION TRIANGULAIRE : QUELLE PLACE POUR DE NOUVELLES INITIATIVES DE
COOPÉRATION ? / 98
- FOCUS : SPORT ET DÉVELOPPEMENT / 102
- L’EDUCATION AFRICAINE DANS LA MONDIALISATION / 106
- FOCUS : L’OFFICE MÉDITERRANÉEN DE LA JEUNESSE / 110
- FOCUS : MIGRATIONS ET CIRCULARITÉ / 114
04
PREVENTION DES CONFLITS
Page 120
- L’IMMENSE DÉFI DE LA PRÉVENTION DE CONFLITS ET DE LA STABILISATION : QUELLE DYNAMIQUE
PEUT-ON CRÉER ENTRE LES EFFORTS DIPLOMATIQUES ET LA SOCIÉTÉ CIVILE ? / 122
- SUD SOUDAN : NAISSANCE à hauts risques / 128
- L’AFGHANISTAN : UN LABORATOIRE DU PEACEBUILDING / 133
- ISRAËL - PA LESTINE : 2011, L’ANNEE DE L’ETAT PALESTINIEN ? / 140
- La diplomatie palestinienne a-t-elle une chance d’obtenir les revendications historiques
dans l’enceinte multilatérale ? / 142
- Quel partenaire pour la paix en Israël ? / 144
- Dynamiques électorales en Israël. Quel partenaire pour la paix pour les Palestiniens ? / 146
- Camp David et les paramètres Clinton / 148
- Existe-t-il une solution politique pour Jérusalem ? / 151
- La valeur de l’initiative arabe de paix dans le processus de négociation / 155
05
GOUVERNANCE
Page 162
- Etablir les structures d’une bonne gouvernance : le paradigme d’une stabilité de long terme / 164
- La mise en place d’organes de lutte contre la corruption / 170
- Le rôle des médias et de l’internet dans la transition démocratique : (R)évolution 2.0 / 173
- Les forces armées dans les pays du Sud : quelle place, pour quelles missions ? / 177
- Pakistan : préoccupation stratégique majeure / 181
- FOCUS : AQMI : Al-Qaïda au Maghreb Islamique / 183
MEDays 2011
Le Sud dans la Gouvernance Mondiale / 189
Auteurs / 191
Cette année encore, les débats ont suscité confrontations d’idées et échanges
d’expériences.
Vue d’ensemble de la cérémonie d’ouverture des MEDays 2010
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
8
:: Le Forum MEDays
Les MEDays, forum d’envergure internationale abrité annuellement par la ville de Tanger, porte du Maroc sur l’Europe
et le Monde, est l’événement phare organisé par l’Institut Amadeus.
Porte-voix du Sud, il se veut avant tout un espace de dialogue, de concertation, de codécision et de cogestion entre
tous les décideurs du Nord et du Sud autour des différentes problématiques et thématiques prioritaires du Sud.
Le Forum MEDays s’impose aujourd’hui comme la rencontre stratégique des acteurs mondiaux des sphères
géostratégiques, politiques, économiques et sociales des pays du Sud et plus précisément des régions Maghreb,
Méditerranée, Afrique et Monde Arabe avec une ouverture en 2010 et confirmée en 2011 sur les régions Asie et
Amérique latine.
Une communauté de plus de 200 intervenants de haut niveau : chefs d’Etat et de gouvernement, décideurs politiques,
hommes d’affaires, chefs d’entreprises, représentants d’organisations internationales, experts et représentants de
la société civile se retrouvent chaque année et participent à plus d’une vingtaine de panels pour déboucher sur des
propositions pratiques et des solutions concrètes et viables, mis en forme dans un document d’engagement: La
Déclaration de Tanger.
Les MEDays assurent également un rôle pédagogique auprès du grand public marocain concerné par ces enjeux
majeurs puisque prés de 2000 participants sont présents dont 300 étudiants.
:: L’Institut Amadeus
L’institut Amadeus est un think tank marocain, indépendant, crée en 2008 et basé à Rabat. Il se positionne
comme un espace de réflexion et un créateur de débats par excellence. Son ambition première est d’apporter une
contribution au débat public marocain et maghrébin dans une perspective de se mouvoir en porte-voix des sujets
de préoccupations des pays du Sud.
Notre centre de recherche, à travers le challenge quotidien de s’imposer comme un véritable laboratoire d’idées et de
propositions sur les scènes nationale et internationale, se lance en 2011 dans une nouvelle phase de développement
tout en consolidant ses acquis. Notre défi est de conforter ce rôle de facilitateur de débats et d’échanges tout en
apportant une réelle valeur ajoutée intellectuelle aux discussions à travers un ensemble d’analyses produites par
nos experts permanents ainsi que ceux associés à l’international.
C’est ainsi qu’outre le forum MEDays son événement phare et as opérationnel dont il est l’initiateur et l’organisateur,
l’Institut Amadeus s’est distingué depuis sa création en 2008 au travers de l’organisation de divers talks shows et
tables rondes portant sur des axes thématiques prioritaires ainsi que ses activités de publication.
La dernière en date concerne le mémorandum remis à la Commission Consultative de Révision de la Constitution à
titre de contribution citoyenne à ce débat d’envergure nationale.
NOS ORIENTATIONS STRATÉGI Q UES
Axes Thématiques
- Classe moyenne et mobilité sociale
- Croissance économique et intégration régionale
- Co-développement : coopération Nord-Sud
- Développement durable et efficacité énergétique
- Résolution de conflit et sécurité
- Bonne gouvernance et citoyenneté
Axes Géographiques
- Maroc
- Maghreb
- Méditerranée
- Afrique
- Monde arabe
- Pays du Sud : les 3A
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
9
MEDays 2010 :
Ils étaient présents en 2010
Saeb ERAKAT,
SVEN AKALAJ,
Membre du comité exécutif de
l’Organisation de Libération de la
Palestine, chef du département
des négociations
Ministre des Affaires Etrangères
de Bosnie
Cheik Sidi DIARRA,
Secrétaire Général Adjoint de l’ONU,
Conseiller spécial du Secrétaire
général de l’ONU pour l’Afrique, Haut
représentant du secrétaire général
pour les pays les moins avancés, les
pays en développement sans littoral
et les petits états insulaires en
développement
Cheng TAO,
Miguel Angel MORATINOS
Vice-Président de l’Institut de
Politique étrangère du peuple chinois
Ancien Ministre des Affaires
Etrangères espagnol
Edmund PHELPS,
Professeur d’Economie Politique à
l’Université Columbia de New York,
Prix Nobel d’Economie 2006
Abdullah ABDULLAH,
RAJENDRA KUMAR PACHAURI,
Principal chef de l’opposition
afghane, ancien ministre des Affaires
Etrangères
Président du Groupe
Intergouvernemental d’experts sur
l’évolution du climat (GIEC)
Vuc JEREMIC
Ministre serbe des Affaires
Etrangères
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
10
MEDays 2010 :
Ils étaient présents en 2010
Angelino GARZON,
Marou AMADOU,
Vice-Président de la République de
Colombie
Ministre de la Justice, Garde
des Sceaux et Porte Parole du
gouvernement du Niger
Rodi KRATSA TSAGAROPOULOS
Vice Présidente du parlement
européen
Suleiman AL HERBISH,
Cécile MAISONNEUVE,
Directeur-général du fonds de l’OPEP
pour le Développement
Vice Présidente, International
Agenda et Prospective, Areva
ERIC BESSON
Ministre de l’Industrie et de l’Energie
de la République française
Keith ELLISON,
Philippe DE FONTAINE-VIVE
Vice-Président de la Banque
Européenne d’Investissement
Membre du Congrès des Etats-Unis,
Représentant du 5ème district
du Minnesota, membre de la
commission des Affaires étrangères
Grigol Vashaze
Ministre des Affaires Etrangères de
Géorgie
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
11
Forum MEDays 2010 - Le Sud : Entre crises et
émergence
Les Sud(s) à la croisée des chemins
Plus de vingt ans après la fin de la guerre froide, le
monde parachève aujourd’hui sa globalisation. Les
évolutions technologiques ont ouvert les portes de
l’information aux quatre coins de la planète. Tous les
Etats du globe ou presque font aujourd’hui partie de
l’organisation mondiale du commerce. Presque 5%
des droits de votes dans les institutions financières
multilatérales ont été transférés aux pays émergents.
L’ancien club des pays riches, le G8, s’est ouvert sur le
monde pour désormais inclure vingt membres, deux
tiers de la population et 85% de la richesse mondiale. Pour autant, la caravane du monde n’a jamais cessé
de s’allonger. Le PIB par habitant d’un Qatari est 250
fois plus élevé que celui d’un Congolais. Une Japonaise
peut espérer vivre 45 ans de plus qu’une Zambienne.
Un nouveau né suédois a 60 fois plus de chances de
survie à un an qu’un nouveau né angolais. Alors qu’une
moitié du monde a su mettre son génie humain au profit
d’un développement harmonieux et partagé, une autre
peine toujours à y parvenir. Cette moitié qu’on appelle
un peu rapidement ‘le Sud’, doit faire face à de graves
déficits tant dans l’avancement économique que dans
le développement humain de ses populations. Il est en
première ligne des défis énergétiques, climatiques et
environnementaux globaux qui menacent la planète ;
mais envers et contre tout, il manque désespérément
de moyens pour y faire face.
:: Le Sud en crise
Selon Cheick Sidi Diarra, Secrétaire Général Adjoint de
l’ONU et Haut Représentant pour les pays les moins
avancées, les pays en développement sans littoral et
les petits Etats insulaires, « des progrès significatifs
ont été accomplis dans une grande partie du monde
en développement. Les pays du Sud ont réalisé
des progrès économiques énormes, qui ont eu des
incidences positives sur les indicateurs sociaux de
développement humain, notamment sur la réduction de
la pauvreté, l’éducation, et la révolution agricole ».
Ces améliorations mesurables ne doivent pourtant pas
cacher les défis immenses qu’il reste à surmonter.
L’aspiration de chaque individu à une vie dans la dignité
peine à se matérialiser, avec des écarts de revenus
toujours criants entre Nord et Sud. Près de 39% de la
population d’Asie du Sud vit avec moins d’1,25 USD par
jour ; ce taux monte à 51% en Afrique subsaharienne.
A contrario, seul 0,3% de la population européenne se
trouve dans une situation de pauvreté équivalente.
Les Etats peinent à générer des activités économiques
vectrices d’une prospérité partagée ; le chômage d’une
jeunesse de plus en plus formée touche tous les pays
en développement, particulièrement en Afrique, alors
que se développe un phénomène de paupérisation des
travailleurs qui ne trouve pas d’issue. Selon un rapport
intermédiaire des Nations unies sur le développement,
64% des travailleurs d’Afrique sub-saharienne vivraient
dans la pauvreté1, à peine moins en Asie du Sud.
La crise est également alimentaire, conséquence
du renchérissement du prix des matières premières
agricoles. Des émeutes de la faim ont secoué une
quarantaine de pays entre 2007 et 2010. Face à la
spéculation sur les denrées agricoles, et une demande
mondiale croissant plus rapidement que les capacités
de production, les pays les plus fragiles sont incapables
de nourrir leurs populations. En 2009, le nombre de
personnes souffrant de malnutrition dans le monde a de
nouveau dépassé la barre du milliard d’êtres humains.
:: D’un Sud à l’autre
Plus que jamais, il semble erroné de vouloir parler du
Sud comme d’un ensemble homogène ; de deux grands
1- Statistiques incluant aussi l’emploi informel. Rapport 2010 sur les objectifs du Millénaire pour le développement. ONU.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
12
ensembles – Nord et Sud –, le monde s’est transformé
en un ensemble diffus et complexe, caractérisé par une
grande diversité d’acteurs, aux intérêts et aux stratégies
différentiées. Derrière les pays développés, un groupe
de pays dits intermédiaires a mieux réussi que les
autres son intégration dans l’économie mondiale : la
Chine, le Brésil, le Mexique, l’Inde et l’Indonésie, dont
la démographie englobe la moitié de l’humanité, ont su
tirer les bénéfices d’un marché mondial des biens, du
travail, et des capitaux. Malgré des tensions internes
et propres à chacun, ils sont parvenus à enclencher
une dynamique de création de richesses, et à en faire
profiter une part grandissante de leur population.
Derrière eux, un groupe de plus en plus hétérogène
de pays reste à la remorque du développement
économique et social. Son évolution en marge de la
communauté internationale le place dans une position
de spectateur d’un monde auquel il ne prend pas
part. D’aucuns arrivent à tirer leur épingle du jeu, en
jouant sur un équilibre subtil d’intégration économique,
d’effort redistributif, et de bonne gouvernance. D’autres
ont su tirer parti de leurs positions géographiques et
de leur compétitivité salariale pour dynamiser leurs
économies.
A la traine du monde, un dernier groupe de pays subit
complètement l’environnement mondial, sans parvenir
à y trouver sa place ; victime de guerres des monnaies
qui affaiblissent ses économies, victime collatérale
d’une crise financière dont il ignore tout des causes,
victime aussi d’un capitalisme débridé qui spécule sur
les denrées alimentaires dont il a tant besoin. Dans
ce schéma, le continent africain occupe une place à
part ; un seul pays africain fait partie du forum de la
gouvernance mondiale du G20 – pour 53 pays tout
de même – contre 2 à l’Amérique latine (18 pays), et
7 à l’Asie (51 pays). Aussi 48 des 79 pays membres
du groupe ACP, définis comme les plus pauvres du
monde, se trouvent sur le continent africain. L’Afrique
compte les ¾ des 49 pays pauvres les plus endettés
de la planète, identifiés en 1996 par le Fonds Monétaire
International et la Banque Mondiale. Les pays africains
concentrent l’essentiel des problèmes de pauvreté,
qu’elle soit humaine ou financière.
:: Développement endogène
Face à cette situation, la communauté internationale
s’est mobilisée en faveur du développement des
régions les plus défavorisées dès les années 1960.
Mais malgré des montants alloués à l’aide de plus en
plus élevés – de quelques milliards USD au milieu des
années 60 à plus de 123 milliards USD aujourd’hui –,
le processus de développement du Sud s’est révélé
être extrêmement frustrant.
Certes, la communauté internationale a connu
quelques succès, notamment dans la lutte contre la
pauvreté. En 2000, à travers un plan de développement
humain sur un horizon de 15 ans – les Objectifs du
Millénaire pour le Développement –, les Nations unies
ont fourni une grille de lecture multidimensionnelle
pour l’évaluer le recul de la pauvreté. Avec l’aide des
acteurs de la coopération, des succès majeurs ont été
enregistrés : progression de la scolarisation des enfants,
amélioration de la condition des femmes, baisse de la
pauvreté absolue, et recul de certaines maladies. La
communauté internationale s’est notamment révélée
très efficace dans l’organisation d‘opérations « coup de
poings », arrimées à des objectifs quantitatifs précis.
Ce fut le cas des campagnes de vaccination contre
la malaria, la tuberculose et bien d’autres maladies,
qui ont permis de diminuer drastiquement la mortalité
parmi les populations les plus défavorisées. Ces
politiques ponctuelles, circonscrites dans le temps
et dans l’espace, se sont révélées d’une redoutable
efficacité.
Mais pour ce qui est d’enclencher une dynamique
de développement vertueuse, l’aide internationale
a rencontré davantage de difficultés. Durant de
nombreuses années, l’idéologie du moindre Etat
s’est imposée aux pays en développement via les
conditionnalités des bailleurs de fonds internationaux.
En réduisant l’Etat à ses fonctions régaliennes pour
ouvrir tous les secteurs à la concurrence internationale
– y compris dans des domaines comme l’éducation,
l’agriculture ou la sécurité sociale –, ces programmes
ont mené, là où ils ont été appliqués, à des reculs du
développement humain sans précédents.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
13
Les Objectifs du Millénaire qui restent inachevés
sont ceux là même qui nécessitent de mettre en
œuvre des logiques plus complexes. La sécurité
alimentaire, la lutte contre l’illettrisme, l’accès à
l’eau potable ou la réduction de la pauvreté exigent
des actions conduites sur des générations entières
et une gouvernance nationale forte. Qui plus est un
Etat capable de développer sa capacité à écouter les
différents groupes sociaux pour trouver des solutions
à leurs contraintes. De l’expérience des ajustements
structurels, les pays en voie de développement ont
néanmoins retenu qu’ils ne devraient plus jamais
tomber dans la dépendance, qu’elle soit financière,
politique ou économique.
:: Les Etats en développement
dans un monde multipolaire
La conjoncture actuelle a replacé l’Etat au centre
des stratégies nationales pour générer la croissance
économique. Aujourd’hui massivement désendettés,
que ce soit grâce à leurs excédents commerciaux
ou en bénéficiant des programmes d’allègements
de dette, bon nombre de pays en développement
peuvent de nouveau opérer des choix sur la base de
budgets assainis. C’est le cas de nombreux pays
africains ; l’endettement du continent s’est en effet
considérablement réduit lors de la dernière décennie.
Entre 2001 et 2011, le niveau de dette extérieure de
l’Afrique subsaharienne a décru de 40 points pour
atteindre 25%.
Le commerce africain, encore presque totalement
dépendant des matières premières, est cependant
dynamisé par la croissance des pays émergents, à
peine touchés par la crise économique. Dès 2010, de
très nombreux pays africains avaient retrouvé leur
niveau de croissance d’avant la crise économique et
financière. Cette croissance s’est avérée être le seul
facteur efficace de réduction de la pauvreté et la
malnutrition dans le long terme.
De leur côté les pays émergents, ainsi que les pays
exportateurs d’hydrocarbures, se sont affranchis, du
cadre de la coopération multilatérale ou bilatérale.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
14
Ils aspirent à devenir des acteurs du jeu global, à
être consultés pour fixer les règles internationales et
donc à réformer les institutions de la gouvernance
mondiale – les institutions financières et le Conseil de
sécurité des Nations unies. Les Etats émergents sont
devenus de véritables puissances qui développent leur
politique de coopération selon une ligne de politique
étrangère indépendante, s’installent dans des logiques
d’influence régionale ou même internationale.
:: Autoritarisme, inégalités et
développement
Dans le processus de développement, la redéfinition
du périmètre de l’Etat ne saurait être dissociée
de la question de sa forme. Le Sud, qu’il soit en
développement, émergent ou intermédiaire, n’est pas
uniforme dans sa pratique du pouvoir politique. Une
partie se caractérise par un autoritarisme politique,
l’autre par l’acceptation de règles plus démocratiques.
Certains régimes autoritaires ont bien sûr été capables
de mener leurs économies sur la voie de l’intégration
dans l’économie mondiale; d’autres encore ont
maintenu une relative égalité entre leurs citoyens,
quitte à procéder par un nivellement par le bas. Aucun
n’a pourtant réussi à concilier son insertion dans
le commerce mondial et le maintien d’une certaine
homogénéité économique et sociale.
La Chine est sans doute l’exemple le plus représentatif
de ce groupe de pays émergents et autoritaires.
Les caciques du Parti communiste chinois ont su
enclencher un mouvement continu d’amélioration des
indicateurs de développement humain ; la pauvreté
s’y est considérablement réduite, plus que partout en
Asie. Si l’on considère le seuil de 1,25 USD par jour,
le pourcentage de pauvreté est tombé de 60% de la
population à 16% entre 1990 et 2010 (données Banque
mondiale). Toutefois, la moitié des chinois vivent encore
avec moins de 2,5 USD par jour et les inégalités se sont
fortement accrues au fur et à mesure que l’économie
chinoise s’insérait à l’économie mondiale. Auparavant
caractérisée par un certain égalitarisme, la société
chinoise a désormais intégré le groupe de pays qui
affichent un coefficient d’inégalités supérieur.
Graphique 1.
Les Etats africains se portent mieux que par le passé
grâce à un désendettement soutenu par les annulations de dette, des capacités budgétaires
retrouvées et une croissance élevée - toutefois très dépendante des exportations de matières
premières. Les excédents budgétaires font même leur apparition en 2005 et 2006, années dans
lesquelles les plus importantes annulations de dette ont été faites notamment grâce à l’initiative
PPTE (pays pauvres très endettés) soutenue par la Banque Africaine de Développement, le FMI,
la Banque Mondiale et les clubs de Paris et de Londres.
Durant la crise, les pays africains ont pu atténuer les principaux effets du ralentissement
économique en investissant les excédents budgétaires des années précédentes dans
l’économie. L’année 2011 s’annonce une année risquée pour les finances publiques en Afrique
notamment si les déséquilibres persistent et les prix des matières premières alimentaires
continuent à flamber. Les perspectives de redressement des déficits sont dépendants d’une
croissance stable et forte.
Graphique 2.
Les pays du Sud se sont dégagés massivement de leur dette
externe au cours de la dernière décennie
Au début de 2008, à l’orée de la crise financière, la plupart des pays en voie de développement
affichent des taux d’endettement externe historiquement faibles. Une des lignes d’action
économique des Etats en développement a été de ne plus subir les risques d’un financement
de leurs dépenses par des acteurs extérieurs.
Statistiques :
FMI
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
15
A l’inverse, les nombreux pays en voie de développement
qui ont su rentrer dans le jeu démocratique sont parvenus
à réduire très significativement leurs inégalités. Sur le
continent latino–américain, de loin le plus inégalitaire
de la planète, 14 pays sur 16 ont mieux réparti leurs
richesses depuis 2002 - dont 11 très fortement selon le dernier rapport de la CEPALC (Commission
économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes). A
l’échelle du continent, le taux de pauvreté a chuté de 20
points depuis 1990. Ce mouvement relativement récent,
intervient sur un passif des inégalités qui s’était creusé
tout au long de périodes de gouvernements autoritaires,
dans les années 1970 ou 1980.
L’Europe de l’Est fournit un autre exemple de ce rapport
entre autoritarisme et réduction des inégalités. Si
l’ouverture des économies au système capitaliste a
entraîné une régression de l’indice des inégalités, ce
dernier n’a jamais dépassé le seuil symbolique - 0,4
sur le coefficient GINI internationalement admis comme
mesure des inégalités- au-delà duquel on considère
que les inégalités deviennent un facteur de très fortes
tensions sociales. Dans le même temps, la même
transition économique a entraîné une augmentation
extrêmement forte des inégalités en Russie et dans ses
anciennes Républiques d’Asie de l’Ouest, qui n’ont pas
su développer des pratiques démocratiques égales à
celles des pays de l’Europe de l’Est.
Aucun analyste n’a jamais conclu formellement à un
lien de cause à effet entre autoritarisme et progrès
social. Un certain dirigisme économique peut même
être nécessaire pour impulser un changement de
société. Mais le cours de l’histoire tend à prouver qu’il
existe un lien structurel entre les deux phénomènes.
Dans une logique rawlsienne, une société qui laisse la
voix à son peuple sera naturellement portée à travailler
à la cohérence du corps social et à s’attaquer au sort de
ses plus démunis. Inversement, une société en proie au
progrès social verra naturellement naître les aspirations
d’un peuple à prendre en main son destin.
:: Un ordre international
qui favorise la paix et le
développement humain
2011 marque un tournant pour le Sud. Un tournant
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
16
d’abord pour l’Afrique, qui doit arriver à mieux partager
les richesses qu’elle crée et à en faire profiter une part
grandissante de sa population. Désendettée, riche de
sa population et de ses ressources naturelles, elle a
aujourd’hui tous les outils en main pour enclencher une
dynamique de développement vertueuse.
Toutes les nations développées se sont construites
autour d’un Etat fort, quelle que soit la doctrine
économique à laquelle elles ont par la suite souscrites.
Il n’en sera pas différemment pour l’Afrique. A elle
de trouver son modèle, en amorçant sa transition
démocratique et en renforçant les structures de sa
bonne gouvernance. Les bons élèves du continent
ont déjà ouvert la voie ; l’Afrique du Sud constitue un
exemple de continuité démocratique depuis les années
1990. Le Rwanda, malgré son isolement territorial,
a parfaitement réussi son intégration régionale et
affiche aujourd’hui des taux de croissance insolents.
En Afrique de l’Ouest, le Cap Vert, le Bénin et le Ghana
ont poursuivi leurs progrès démocratiques. Le Niger,
malgré son énorme retard, vient une nouvelle fois de
faire la preuve de sa maturité en écartant le spectre
de la dictature et s’oriente sur la voie d’un rattrapage
économique. Aux autres de leur emboiter le pas.
Tous les pays du Sud seront néanmoins concernés par
ces mutations. Bien que plus avancées, les économies
émergentes d’Asie et d’Amérique latine ont encore à
inventer les mécanismes de redistribution qui leurs
permettront de vaincre des inégalités croissantes,
inhérentes au développement rapide qu’elles ont
connues ces vingt dernières années.
L’ordre international devra se montrer capable
d’accompagner ce mouvement en incluant plus
étroitement ces nouveaux acteurs. Au cours de
l’année 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies
rassemblera la totalité des BRICs - Brésil, Inde, Russie
et Chine -, mais aussi l’Afrique du Sud, et le Nigeria,
tous candidats à en devenir des membres permanents
- exceptés la Chine et la Russie qui le sont déjà. Dans
cette configuration historique, le Conseil rassemblera
la moitié des pays membres du G20 et 60% de la
population mondiale.
L’occasion de progresser vers une gouvernance
mondiale qui puisse affronter efficacement les
déséquilibres mondiaux et les défis que posent la
résolution et la gestion des conflits à travers le monde,
particulièrement en Afrique. C’est ce Conseil qui a
déjà autorisé l’emploi de la force pour protéger les
populations civiles en Libye par la résolution 1973. Il
aura encore fort à faire pour venir à bout des tensions
sur les principaux théâtres de conflits dans le monde,
qu’ils soient en Afghanistan, au Soudan, en Côte
d’Ivoire, au Pakistan ou en Somalie.
Le forum MEDays s’est construit pour accompagner
et suivre ce double mouvement ; accompagner la
croissance en mitigeant les crises et réfléchir aux
relations entre les différents piliers du développement.
D’abord cantonné aux relations euro-méditerranéennes,
le forum s’est peu à peu élargi aux enjeux globaux
auxquels fait face l’Afrique. Tout en favorisant le partage
d’expérience entre tous les émergents.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
17
Les Suds – La nouvelle géographie du Monde émergent
CARTE 1.
Le Sud autoritaire
Carte établie selon un indice composite d’indication du degré de ‘démocratie’ des Etats. Les
indicateurs retenus sont le pluralisme du processus électoral, la capacité de fonctionnement
des gouvernements, le degré de participation politique, la culture politique, et les libertés
civiles. En jaune apparaissent les régimes dits « semi autoritaires » et en orange les régimes
autoritaires. Dans cette carte est pris en compte aussi le critère du degré de liberté estimé
par l’association Freedom house dont les données sont parfois précisées à une échelle moins
étendue que les territoires nationaux. Nous avons retenu de représenter exclusivement les
Etats dans l’homogénéité de leur territoire.
Statistiques :
Democracy index par the
Economist Intelligence
Unit, Freedom House
CARTE 2.
Le Sud des inégalités
L’indicateur d’inégalité retenu correspond au coefficient de GINI, mesure du degré d’inégalité
de la distribution des revenus dans une société donnée. Il se calcule par rapport à la fonction qui
associe à chaque part de la population ordonnée par revenu croissant, la part que représentent
ses revenus dans le PIB du pays.
Données :
OCDE
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
18
CARTE 3.
Le Sud du Développement Humain
L’indice composite de mesure du développement humain, crée par le Programme des Nations
Unies pour le Développement, se base sur trois critères majeurs : l’espérance de vie, le niveau
d’éducation et le niveau de vie. Les pays qui apparaissent sur cette carte sont ceux qui ont
encore de nombreux chantiers à engager pour améliorer leurs indicateurs de développement
humain. Seuil de développement humain retenu : >0,7
Données :
PNUD
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
19
La coopération méditerranéenne dans les
crises
Depuis sa création en 2008, l’institut Amadeus s’est
positionné comme un think tank du Sud, soucieux
de favoriser et accompagner l’émergence d’une
coopération euro-méditerranéenne efficace et
ambitieuse. En 2010 cependant, il y avait beaucoup
de raisons de désespérer de voir se concrétiser l’idéal
d’une Méditerranée partagée équitablement autour
de valeurs communes et de projets bénéfiques.
Du propre aveu de l’une des figures les plus
dynamiques de la diplomatie dans la région,
l’espagnol Miguel Angel Moratinos, la coopération
euro-méditerranéenne se trouvait fin 2010 dans
une impasse. Alors que se tenait le forum MEDays
à Tanger, le constat était flagrant: le sommet de
l’Union pour la Méditerranée était reporté sine die, les
perspectives de coopération étaient en berne entre
les pays du Maghreb, et l’établissement d’une zone
de libre échange en Méditerranée devenait de moins
en moins tenable à l’échéance initialement prévue
(2012).
Une des principales raisons à cela est l’enlisement
des sujets politiques conflictuels. L’Union européenne
n’a pas su jouer un rôle déterminant afin de régler
les nombreux conflits qui bloquent la coopération
méditerranéenne. L’échec des pourparlers israélopalestiniens est patent, à cela on peut ajouter le
manque d’avancée des négociations sur le Sahara,
ou encore la division de Chypre qui semble s’installer
dans les esprits.
En ce qui concerne le Maghreb, l’actualité de
2010 a recélé d’articles sur les activités d’AlQaïda au Maghreb Islamique, sources de tensions
diplomatiques dans le Sahel, ou encore des
déclarations politiques parfois extravagantes du
leader libyen Mouammar Kadhafi. 2011 s’apprêtait
donc, à l’égal des années précédentes, à être
l’année de la continuité dans un monde arabe hors
temps, gelé dans des rapports stratégiques rivaux,
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
20
cristallisés sur des lignes de conflits dont il est passé
maître dans l’art de les lire et d’en jouer. Tandis que
les pays européens dans leur ensemble percevaient
mal encore de quelle manière agir sur leur voisinage
sans ingérence mais avec l’idée d’un partenariat de
transformation.
:: Par deux fois refondé, le
processus de Barcelone reste
sans résultats certains
La coopération euro-méditerranéenne – aussi connue
sous le nom de processus de Barcelone - est lancée
en 1995 ; elle n’a pourtant jamais eu ni l’ampleur, ni
la symbolique de ce que l’Union européenne avait pu
faire avec l’Espagne ou le Portugal, puis avec les pays
de l’Est qui sont rentrés dans l’UE. Pour une raison
évidente, la finalité du processus est différente : ce
n’est pas l’intégration pleine et entière qui est offerte
mais tout au plus un partenariat. Après une période
durant laquelle un fonds de coopération était clairement
dédié à la Méditerranée, l’Europe propose aujourd’hui
une enveloppe d’aide d’une douzaine de milliards
d’Euros pour appuyer sa politique de voisinage. Cette
enveloppe se partage entre les pays méditerranéens,
les pays des Balkans, ceux de l’Est et du Caucase. Ces
fonds sont dédiés aux réformes structurelles dans les
pays récipiendaires et concernent aussi bien la justice
que l’éducation et l’appui à la démocratie. Les Etats
choisissent d’y postuler pour financer leurs réformes et
l’Europe décide de la recevabilité de la demande selon
les critères qu’elle a définis. Le Royaume du Maroc en
est d’ailleurs le premier bénéficiaire, puisqu’il capte
environ 400 millions d’euros par an et dispose d’un
partenariat renforcé : le statut avancé.
Peu à peu, le processus de Barcelone - lancé à
un moment historique où le processus de paix au
Moyen-Orient était encore fonctionnel - s’est donc
transformé en une politique de voisinage, moins
dédiée à la Méditerranée qu’à mener une politique
unifiée, destinée à « assurer la paix et la stabilité aux
incapables d’en évaluer l’impact dans les pays du Sud
méditerranéen. De plus, les priorités données à ce
partenariat sont bien éloignées de ce que les pays du
Sud aspiraient à obtenir réellement d’une coopération
avec l’Europe, c’est-à-dire, des investissements, des
technologies et des emplois. Les projets d’appui à la
société civile ou à la réforme politique ne constituaient
pas une priorité pour nombreux d’entre eux.
C’est à partir de ce diagnostic que le projet de
refonder le partenariat méditerranéen a été recentré
autour d’une initiative : l’Union pour la Méditerranée
(UpM). Ce nouveau projet, axé sur des coopérations
techniques et financières, s’articule autour d’une idée
clef : si la coopération marche à petits pas autour de
projets flexibles, alors une meilleure compréhension
s’installera entre les différents pays et aboutira sur le
long terme à établir un meilleur dialogue régional. En
étroite concertation, les pays des deux rives ont identifié
des projets utiles au développement et à la protection
du bassin méditerranéen. En somme il s’agissait de
compléter l’approche de la politique de voisinage par
des contenus de projet.
frontières de l’Europe. » La spécificité d’un partenariat
méditerranéen a été gommée, les besoins et les
caractéristiques particulières des pays méditerranéens
étaient moins pris en considération. Ces politiques de coopération, celle des fonds dédiés
comme celle unifiée sous l’instrument de politique
de voisinage, sont notablement restées sans effet
scientifiquement mesurable. Les pays européens sont
Malgré une volonté affichée d’aborder ces collaborations
de manière pragmatique, la politique internationale
est rapidement venue mettre à mal le projet, encore
trop dépendant des considérations diplomatiques. A
commencer par le conflit du Moyen Orient : la guerre de
Gaza, lancée par Israël en décembre 2008, a suspendu
les rencontres de haut niveau pendant six mois.
L’élection de Benyamin Netanyahou en juin 2009 et la
nomination d’Avigor Lieberman comme ministre des
Affaires étrangères, sont venus renforcer le blocage.
Enfin, la politique - la vraie -, le rapport des peuples
avec leurs gouvernements, se replace aujourd’hui au
centre de la scène méditerranéenne avec le « réveil
arabe ».
Les pays d’Europe et ceux de la Méditerranée ont
échoué par deux fois à produire des instruments
efficaces de coopération : une fois sur les fonds dédiés
aux réformes structurelles et politiques, une fois avec
une cadre pluri-étatique de gestion de projet.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
21
:: Refonder la coopération
euro-méditerranéenne : la crise
tunisienne comme détonateur
L’immolation de Mohammed Bouazizi, a déclenché les
évènements qui allaient bouleverser entièrement la scène
méditerranéenne et les lignes politiques. Dans l’ancien
monde - celui d’avant le « réveil arabe » - 2011 devait
être une année d’élection présidentielle en Egypte. On
pariait sur Gamal Moubarak et l’option de la succession
dynastique, ou sur Omar Souleiman le tout puissant
chef des services secrets. Quiconque se serait risqué à
pronostiquer une élection libre et transparente aurait été
taxé de naïveté. Certains analystes politiques regardaient
également vers la Tunisie, en se demandant qui pourrait
succéder à l’autocrate vieillissant Zine El Abidine Ben Ali,
dont on pressentait que la réélection en 2009 laissait un
parfum de fin de règne.
Ce qui a bouleversé l’Afrique du Nord et le monde
arabe, c’est que ces quelques analystes clairvoyants
n’étaient visiblement pas les seuls à se poser ces
questions ; le peuple tunisien, lui-même s’est révolté
face à l’absence de perspectives de changement. En
reversant l’ancien despote, il a pris de court, au passage,
toutes les chancelleries méditerranéennes. Personne
n’attendait l’étincelle tunisienne. En moins d’un mois,
un régime qui reposait sur les acquis de la performance
macroéconomique, sur l’ouverture au commerce, sur le
tourisme et sur l’investissement étranger, est tombé. Le
statut quo du monde arabe, le troc du développement
économique au détriment des libertés civiles, était
rendu caduc à partir du moment où les populations ne
ressentaient pas les effets du premier mais bel et bien
cruellement les effets de l’absence de liberté.
La détonation tunisienne est intervenue dans un contexte
moribond pour la coopération euro-méditerranéenne. Les
reports successifs du sommet de l’UPM, celui de juillet
puis le report de celui de novembre 2010, ont prouvé que le
projet de coopération à géométrie variable n’avait jamais
cessé d’être contingent des grandes fractures politiques
de la région. Les régimes tunisien et égyptien avaient
soutenu dès le départ le projet de l’UpM ; à l’époque,
cela était considéré comme un gage de pérennité. C’est
devenu un handicap pour la jeune institution.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
22
Remarquons toutefois que la Libye et la Syrie, qui ne
lui avaient jamais témoigné un grand intérêt, ont été
les plus promptes à réprimer leurs populations par la
violence. Au contraire, les régimes plus liés à l’économie
de l’UE ont été moins violents. En cela, les structures
de pouvoir des différents régimes arabes auront prouvé
leurs différences et leurs nuances, et montré l‘utilité
d’un dialogue méditerranéen.
Malgré ce constat, les pays occidentaux paieront
encore longtemps leur manque d’exigence en matière
d’élections libres et de démocratie. Plus spécifiquement
leur offre pour la région est désormais perçue et
décryptée comme un grand deal stratégique - gestion
migratoire au Sud contre investissement du Nord et
stabilité politique contre promesses de développement –
ce qui a particulièrement discrédité les gouvernements
européens aux yeux des populations arabes. En somme
ce jeu de calculs des intérêts de chacun avec l’espoir
que ce rapprochement servirait, peut-être, à long terme,
de profonds changements, ne peut plus se perpétuer
de la même manière. Les pays occidentaux, Union
européenne mais aussi Etats-Unis devront trouver
l’équilibre entre diplomatie publique et messages plus
feutrés. Il s’agira aussi d’éviter le piège de l’arrogance
occidentale tout en réaffirmant des valeurs universelles.
Côté américain, à cet égard, les mémos diplomatiques
révélés par le site wikileaks à partir de novembre 2010
ont constitué tout à la fois un des éléments qui a raffermi
les manifestants mais aussi une aide assez inattendue
pour la diplomatie américaine dans la région. En effet
même si celle-ci demeure très impopulaire, elle est
désormais peu suspecte d’avoir été aveugle ou naïve
devant les régimes politiques avec qui elle a entretenu
des liens assez proches. Parmi les peuples du monde
arabe, ces mémos diplomatiques ont révélé aussi que
la main de l’Occident n’est pas celle qui oppresse
les populations, que leurs parrains occidentaux ne
les soutiennent que parce qu’ils estiment qu’ils n’ont
de choix qu’entre autocrates et partis islamistes. Les
pays européens estimaient en effet que toute prise de
pouvoir par des partis islamistes n’engendrerait que
contestation politique violente, à l’exemple de l’arrêt du
processus électoral en Algérie début 1991.
La coopération politique entre Europe et Sud de la
Méditerranée se refondera au cours de l’année 2011
autour d’une stratégie occidentale, avec l’Europe
et les Etats-Unis, une stratégie plus exigeante en
matière de respect des droits de l’homme et des règles
démocratiques. Il est vital pour les pays européens
d’accompagner les pays en transition politique, certains
avaient d’ailleurs engagé des réformes économiques
qui leur ont permis de stimuler les investissements
internationaux, outils de la mise à niveau de leur
structure productive et d’une certaine modernisation
de leur économie. Afin de créer des emplois, les
pays en transition devront rapidement renouer avec
une gouvernance économique et la captation de flux
d’investissement qui se sont d’ailleurs réduits depuis la
crise financière de 2008.
:: La crise économique
et financière : l’impact
sur l’investissement en
Méditerranée
La prospérité des économies des pays du Sud
méditerranéen repose principalement sur leur intégration
dans l’économie mondiale et des financements qu’elles
peuvent espérer en tirer. L’investissement direct
étranger (IDE), le transfert de capitaux des nationaux
résidents à l’étranger vers leur pays d’origine et les
produits des exportations sont les trois grandes sources
de capitaux.
Peu de pays ont un système financier leur permettant
de développer projets et infrastructures d’envergure.
En outre, ils ne maitrisent pas encore certaines
technologies, comme la recherche et l’extraction du
pétrole en offshore, la valorisation de certaines matières
premières ou les déterminants de l’amélioration de
la productivité du capital humain (informatisation,
management).
Les IDE recoupent à la fois des transferts de capitaux,
mais aussi de technologie ou de savoir faire. Ils
permettent d’évaluer l’attractivité d’une région donnée
et reflètent la manière dont les investisseurs mondiaux
considèrent le potentiel de chaque Etat.
Compte tenu du contexte particulier qui résulte de la crise
2- « La Méditerranée entre croissance et révolution », Anima, mars 2011
financière puis économique de 2008, il est intéressant
d’observer l’évolution du niveau de l’investissement
étranger dans les pays du pourtour méditerranéen. Une
crise économique et financière conduit généralement
les entreprises à geler leurs projets de développement
à l’étranger. Le volume des IDE en Méditerranée a
certes baissé, mais il s’est maintenu à un bon niveau
par rapport aux quelques cinq années antérieures. La
confiance des investisseurs étrangers dans le potentiel
des pays méditerranéens se maintient, preuve qu’ils
anticipent que leur développement économique se
poursuivra.
Les chiffres recueillis par l’étude Invest in Med, et
la dernière publication produite par Anima-MIPO2,
donnent des perspectives intéressantes sur le
niveau des investissements étrangers dans la zone
méditerranéenne. Les pays méditerranéens ont opéré
pour la plupart une ouverture de nombreux secteurs à
l’investissement étranger dans les années 1990 et au
début des années 2000. L’étude Invest in Med révèle
notamment que le nombre de partenariats dans ces IDE
est en augmentation et que les secteurs qui bénéficient
le plus de cette dynamique sont l’énergie, la banque,
le BTP, les télécom et les matériaux. Les plus grands
investisseurs dans la zone restent les entreprises
européennes, mais de plus en plus de pays émergents
se positionnent en Méditerranée.
Parmi les tendances qui méritent d’être relevées, il y a le
fait que la Turquie devienne de plus en plus clairement
un pôle d’attraction sans équivalent dans la région.
La Conférence des Nations Unies pour le Commerce
et le Développement l’a classée au 15ème rang des
pays les plus attractifs au monde. Les investissements
qu’elle arrive à capter s’élèvent à des niveaux tout à fait
exceptionnels dans la zone. Ce dynamisme économique
est d’ailleurs couplé avec une stratégie et une influence
politique tout à fait nouvelle à l’international. En juin
2010, la Turquie lançait avec le Brésil une initiative
concurrente à l’approche dure des pays Occidentaux visà-vis du programme nucléaire iranien. Elle semble aussi
se détacher un peu de son alignement automatique sur
les pays de l’OTAN et vouloir s’inscrire de plus en plus
comme un maillon de la coopération en Méditerranée
entre pays arabes et pays européens ou occidentaux.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
23
GRAPHIQUE 1.
Volumes de l’investissement direct étranger dans les pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Données :
Anima-MIPO, FMI
(WEO 2010)
GRAPHIQUE 2.
La distribution des flux d’IDE dans les pays en développement
du Sud et de l’Est de la Méditerranée par zone d’émission
Données :
Anima-MIPO
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
24
Enfin, la faiblesse de l’investissement entre les pays
du Sud de la Méditerranée est une tendance lourde
dans la dynamique des investissements régionaux.
Cette situation est d’ailleurs porteuse d’une note de
pessimisme pour l’avenir, car les investissements
croisés sont aussi un gage de la bonne entente politique
entre les pays. Les pays sud-méditerranéens s’inscrivent
dans une logique de compétition pour capter des IDE
extra-régionaux. Ils auraient pourtant tout à gagner à
faciliter l’investissement entre voisins. Toutefois et pour
nuancer cette petite teinte de pessimisme, ANIMA,
constate que le nombre des partenariats noués entre
pays du Sud de la Méditerranée a doublé entre 2009 et
2010, tandis que ceux avec les pays du Golfe ont triplé.
Les montants des investissements restent faibles et
c’est la raison pour laquelle cette progression n’est pas
constatée dans les volumes.
:: L’identité méditerranéenne
dans l’incertitude
En fait, le constat de la coopération euro-méditerranéenne
est le celui d’un échec relatif des pays européens
et de l’Union européenne en général sur le plan de
la construction d’un cadre de dialogue efficace qui
permettent de résoudre les grands sujets en question
dans la région. La Méditerranée recèlement d’enjeux
stratégiques qui font d’elle une région vitale du monde
dans lequel le jeu des autres puissances peut complexifier
la donne. Quelque 30% du trafic maritime mondial
transite par la Méditerranée et environ un quart des fluxs
d’hydrocarbures. La mer borde les régions qui recèlent
le plus de ressources en gaz et en pétrole sur la planète.
Cependant l’Europe a une responsabilité particulière
dans la zone, elle borde le Nord de la Méditerranée ;
la trajectoire des pays du Sud est donc pour partie
dépendante de la politique qu’elle est capable de
formuler dans la zone. Sur des domaines précis tels
que les migrations, l’éducation et la formation, le
développement d‘infrastructures énergétiques ou
l’accès des produits agricoles aux marchés européens,
beaucoup de propositions pourraient être construites.
L’enjeu est également de capitaliser sur les réformes
politiques du Sud afin de concrétiser des partenariats
plus profonds avec certains régimes en pleine
transformation.
De nombreux pays de la Méditerranée avaient compris
l’intérêt et la nécessité des réformes économiques.
Et l’on constate à travers l’illustration du dynamisme
des IDE que le secteur privé contribue fortement au
développement des économies du Sud. Toutefois, ces
réformes ne peuvent pas être attribuées spécifiquement
au rôle de l’Union européenne en tant que puissance
politique dans la zone.
Les institutions financières internationales ont peut
être bien davantage contribué à l’assainissement
des situations financières et à la stabilité des pays
de la région. Certes, quelques uns des régimes de la
Méditerranée n’ont pas survécu à cette amorce de
changement et le temps de la réforme politique a été
mis sur le devant de la scène par un enchaînement
d’évènements. Mais cela signifie aussi que d’une année
de morosité en 2010, le partenariat euro-méditerranéen
entame une année de bouleversement qui aboutira
à sa refondation, pour construire des politiques
d’accompagnement encore plus ambitieuses, de la part
de l’Europe mais aussi des Etats-Unis et de nouveaux
partenaires dans la région.
Enfin la résolution du conflit israélo-palestinien reste
l’une des clefs de voute d’une future coopération
méditerranéenne. Miguel Angel Moratinos conclura
d’ailleurs son intervention à Tanger par un appel
appuyé à la reconnaissance d’un Etat palestinien pour
septembre 2011.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
25
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
01
CRISE ECONOMIQUE
CRISE
ECONOMIQUE
PAGES 26 >> 51
CRISE ECONOMIQUE :
UNE PETITE HISTOIRE DES DÉSÉQUILIBRES MONDIAUX
Le monde a bien changé depuis 1944 ; rentrant de
Bretton Woods où fut défini l’ordre économique de
l’après guerre, John Maynard Keynes se félicitait de
l’imposition de restrictions sur les mouvements de
capitaux, qu’il considérait comme le succès le plus
important arraché à la conférence.
Pourtant, depuis la chute du système en 1971,
la libéralisation des échanges de capitaux et la
modernisation financière ont offert des possibilités
de développement économique sans précédent, en
permettant aux capitaux générés dans une partie du
monde d’aller s’investir dans une autre.
Néanmoins, en l’absence de mécanisme coordonné de
régulation des changes, cette liberté de mouvement
des flux a accentué les déséquilibres planétaires, qui
menacent désormais la croissance et le développement
harmonieux de la planète. Explications.
:: Source des déséquilibres
Les déséquilibres planétaires trouvent aujourd’hui
leur source dans l’abdication des Etats du monde à
s’accorder sur la fixation du « prix » le plus important:
celui de leur monnaie.
Au début des années 70, l’accentuation des
déséquilibres de balance courante a entrainé
l’effondrement du système de Bretton Woods.
L’indexation de l’ensemble des monnaies sur le dollar
américain, seule monnaie assise sur l’or, laissait la
place à un régime de change flottant, où le prix des
devises s’établissait par la rencontre de l’offre et de
la demande.
Selon les économistes de l’époque, le flottement des
changes devait naturellement mener à un équilibrage
des relations commerciales, tout en permettant aux
dépôts des pays excédentaires d’être investis à
travers le monde. Les pays déficitaires verraient leur
monnaie se déprécier, rendant leurs exportations plus
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
28
compétitives. Au contraire, l’attractivité des Etats
excédentaires renforcerait leur monnaie, menant au
renchérissement de leurs exportations. Inimaginable
dans le système de Bretton Woods !
Jusqu’au tournant des années 2000, ce système a
semblé plutôt bien fonctionner. Les déséquilibres
mondiaux ont rarement dépassé 3% du PIB mondial,
excepté pendant de brèves périodes. Les corrections
avaient souvent lieu suite à des variations marquées
et abruptes des flux de capitaux et des taux de
change.
Théoriquement attrayant, le système s’est peu ou prou
fissuré par l’introduction de 2 distorsions majeures ;
1 - En abandonnant son adossement à l’or
en 1971, l’expansion du dollar - la monnaie de réserve
internationale - n’a plus eu de limite. Depuis cette
époque, les Etats-Unis ont pu mener une expansion
monétaire sans précédent, financée par une demande
étrangère quasi illimitée pour leur devise.
leur développement commercial, permettant aux
Etats de gonfler artificiellement leur compétitivité.
L’intervention de la Chine sur sa monnaie, dont on
estime la devise sous-évaluée de près de 40%, joue
aujourd’hui un rôle majeur dans le creusement des
déséquilibres.
2 - Deuxième distorsion, la manipulation
de la valeur de certaines monnaies a favorisé le
creusement des déséquilibres macro-économiques.
L’arme monétaire est redevenue un outil
privilégié d’intervention étatique en faveur de
L’absence de cadre aux interactions financières
internationales a mené à un environnement dominé
par le chacun pour soi, dans lequel chaque Etat se
retrouve à poursuivre ses propres intérêts.
BALANCES COMMERCIALES – ILLUSTRATION DES
DÉSÉQUILIBRES MONDIAUX
Données : OCDE, données de 2009
:: Déséquilibres monétaires
Au lieu d’équilibrer les interactions économiques et
commerciales entre les Etats, la manipulation des
changes a causé leur amplification. Les Etats les plus
compétitifs dans la production de biens et de services
engrangent des surplus commerciaux qui les mettent
en position de force pour à leur tour soutenir leur
monnaie à la baisse. Typiquement, un Etat peut ainsi
intervenir sur le marché des changes pour influer le
cours de sa monnaie. En vendant sa propre monnaie
contre des devises étrangères (l’excès d’offre faisant
chuter le prix), un Etat peu limiter l’appréciation de
sa monnaie, et renforcer d’autant sa compétitivité à
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
29
l’exportation. Une autre méthode consiste à rendre
illégal le change de devises à un taux autre que le
taux officiel ; cette possibilité ne s’offre néanmoins
qu’aux gouvernements qui exercent un monopole sur
l’activité de change. La Chine est l’exemple type du
pays poursuivant cette politique.
Aux pays en développement, les excédents
commerciaux ont permis d’accumuler des réserves
de change phénoménales, destinées à se prémunir
contre d’éventuels chocs systémiques. Entre janvier
1999 et juillet 2008, les réserves officielles du monde
sont ainsi passées de 1615 milliards de dollars à 7534
milliards de dollars. En mai 2010, elles ont atteint un
nouveau pic de 8385 milliards de dollars. La Chine
s’en taille la part du lion, en accumulant plus de 2450
milliards de dollars de réserves, 30% du total mondial
et 50% de son propre PIB.
Les pays qui refusent l’interventionnisme monétaire,
à l’image de ceux de la zone Euro, du Japon, ou du
Brésil, voient leurs monnaies s’envoler. L’afflux de
capitaux étrangers sur le marché brésilien a fait
grimper le real à des niveaux historiques, obligeant le
pays à instaurer une taxe sur les entrées de capitaux
spéculatifs. L’euro et le yen restent également très
hauts face aux monnaies américaines et chinoises,
pénalisant fortement leurs économies déjà fragilisées
par la crise.
Et si elle paraît parfois plus abstraite, voire virtuelle, la
guerre monétaire est tout à fait susceptible de mener
à des conséquences sociales aussi dramatiques
qu’une guerre chaude. Une brusque réévaluation
du yuan pourrait être fatale à la compétitivité des
exportateurs chinois et créer un chômage généralisé
en Chine. Le dollar bas semble aujourd’hui porter à lui
seul le relatif dynamisme de l’économie américaine ;
et la crise économique a bien montré combien la
planète en dépendait.
:: Explosion des déficits - les
dangers de l’austérité
En l’absence de mécanisme d’équilibrage des taux
de changes, les pays développés – à commencer
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
30
par les Etats-Unis – ne sont pas parvenus à résorber
leurs déficits commerciaux. En clair, consommant
continuellement plus que ce qu’ils vendaient, ils se
sont retrouvés à compenser la différence par du crédit.
Pour les financer, ils ont eu recours à leurs meilleurs
clients, qui eux, accumulaient les excédents, et étaient
à la recherche de placements sûrs. La Chine est ainsi
devenue en quelques années le premier bailleur des
Etats Unis, détenant aujourd’hui le quart de la dette
américaine, soit 906,8 milliards de dollars. C’est cette
accumulation d’excédents qui, investis par les pays
asiatiques sous forme de bons du trésors américains
et diffusés dans la société américaine sous forme de
crédits à bas prix, ont été à l’origine de la crise de la
dette aux Etats-Unis.
En se propageant autour du globe, la crise a
contraint les économies développées à s’endetter
massivement pour sauvegarder leurs institutions
financières et soutenir leurs entreprises. Près de
25.000 milliards de dollars ont été réinjectés dans
l’économie mondiale afin d’éviter son effondrement.
Une somme qui représente 200 années d’aide
mondiale au développement (123,25 milliards USD
actuellement), ou six fois la taille de l’économie
allemande. La consolidation fiscale parait désormais
un préalable essentiel à la croissance. Les experts
ont mis en avant l’importance de renouer avec des
situations budgétaires plus soutenables, sans mettre
en danger les perspectives de croissance. Passée la
phase de relance, l’endettement excessif dans les
pays développés mène aujourd’hui à une course à la
réduction des déficits publics. Plusieurs Etats, dont la
Grèce et l’Irlande, ont frôlé l’insolvabilité, incapables
de se refinancer sur les marchés internationaux. Leur
cas a fait prendre conscience au reste des économies
développées de l’urgence à renverser la tendance au
creusement de l’endettement public.
Pour s’ajuster à ces mutations, le monde en
développement doit progressivement adapter son
économie en la réorientant vers une consommation
domestique, plutôt que destinée à l’exportation. La
Chine notamment, a déjà progressé dans cette voie,
en augmentant par son interventionnisme, son soutien
à la consommation : prime à l’achat, subventions,
et allocations ciblées ont vocation à augmenter le
pouvoir d’achat de la population chinoise. Entre 2004
et 2009, le taux d’épargne des ménages chinois a
ainsi chuté de 26% à 12%. Selon une récente enquête
du Crédit Suisse, la part de la consommation globale
dans le PIB chinois pourrait passer de quelques 5,2%
en 2009 à 23,1% en 2020, soit plus que les EtatsUnis dont la consommation globale représente 22,9%
du PIB.
Pour autant, tous les pays ne sont pas encore en position
de force et ont besoin de temps pour procéder à ces
ajustements structurels. Selon les mots de l’ancien
Président Lula, « les pays de l’OCDE doivent veiller à
ne pas étouffer leur consommation domestique. Faute
de quoi, le monde en développement pourrait en faire
les frais, avec pour risque d’entrainer dans sa chute
l’ensemble de l’économie mondiale ».
L’ENDETTEMENT DES ETATS – PÉRIL EN LA DEMEURE
Données : OCDE
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
31
:: Spéculation agricole
Enfin, l’excédent de ressources généré par les
déséquilibres mondiaux a conduit à une explosion des
comportements spéculatifs. Principale inquiétude : la
volatilité des prix des matières premières, notamment
agricoles, menace la sécurité alimentaire mondiale.
On compte aujourd’hui 925 millions de personnes qui
souffrent de la faim dans le monde, dont 239 millions
en Afrique subsaharienne, soit 30% de la population
du continent.
En 2007-2008, le renchérissement des matières
premières agricoles avait mené à des émeutes
de la faim dans le monde en développement. Une
vingtaine de pays à travers le monde avaient connu
des soulèvements populaires violents de populations
n’ayant plus accès à des ressources alimentaires à un
prix abordable. Plus récemment, la hausse du prix des
denrées alimentaires a alimenté le mécontentement
populaire au Maghreb, contribuant au soulèvement
d’une partie de la population contre des Etats
incapables d’y faire face. Si rien n’est fait, ce genre
de mouvements pourrait se généraliser.
L’augmentation des prix s’explique par la formation
d’une bulle spéculative, liée à l’entrée sur le marché
de puissants investisseurs institutionnels comme les
fonds spéculatifs, les fonds de pension et les banques
d’investissement, mus par les nouvelles perspectives
d’investissement plutôt que les fondamentaux du
marché agricole. Depuis la déréglementation américaine
du début des années 2000 des marchés à terme sur les
grains, on a assisté à une explosion – plus 1900% entre
2003 et 2008 – des opérations spéculatives dans ce
secteur.
L’alerte est donnée puisque selon l’indice FAO 2011 des
prix des produits alimentaires, les principaux produits
agricoles ont retrouvé leur niveau historique de 2008,
et ne semblent pas près de s’arrêter de croître. La
question de la spéculation sur les matières agricoles
figure d’ailleurs en troisième position sur l’agenda de
la présidence française du G20, après… la réforme du
système monétaire international. Des mesures urgentes
doivent être prises pour limiter les marges de manœuvre
des opérateurs non agricoles sur ces marchés.
LA SPÉCULATION AGRICOLE EN CHIFFRES
Données :
Standard & Poor’s, AIG
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
32
:: Perspectives
L’économie mondiale est devenue un environnement
extrêmement complexe ; les actions des acteurs
économiques se caractérisent par l’incertitude quant
à leurs conséquences. Ils sont en mesure de prendre
des décisions qui affectent profondément la marche
de l’économie, sans réellement en comprendre le
fonctionnement.
La crise a joué un rôle de révélateur en montrant
que les marchés ne sont pas parfaits et mènent
inévitablement à des excès. Le rôle des Etats
est de fournir un cadre institutionnel pour gérer
ces imperfections. Sans la crise, nous ne serions
probablement jamais arrivés à ce constat.
Les déséquilibres monétaires sont à la source de toutes
les instabilités du système macroéconomique mondial;
derrière cela, c’est la manipulation de la valeur des
monnaies qui est en cause. Les Etats – y compris
la Chine - auraient tout intérêt à laisser flotter leurs
devises, puisque la fluctuation joue un rôle essentiel
d’ajustement dans les échanges mondiaux. Mais ils
devraient introduire des mécanismes pour prévenir les
mouvements excessifs. Malheureusement, c’est une
question qui n’a pas été abordée par les instances de la
gouvernance multilatérale, y compris au récent G20 de
Séoul tenu en novembre 2010.
Le Prix Nobel d’Economie Edmund
Phelps est intervenu en duplex
aux MEDays pour analyser
les conséquences de la crise
économique et financière sur les
économies émergentes.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
33
Intégration économique africaine :
quelle architecture pour stimuler la croissance ?
Voilà maintenant trente ans que décideurs politiques et
acteurs du développement de par le monde en appellent
à une plus grande intégration économique de l’Afrique.
On attribue tous les maux à son morcellement, qui
épuise économiquement le continent, et l’empêche de
sortir de son enlisement. Dès le traité d’Abuja en 1991,
les chefs d’Etat de l’Organisation de l’Unité Africaine se
prenaient à rêver d’un marché commun continental à
l’horizon 2025.
A l’échelle de la planète, les exemples de zones
régionales qui ont su accroitre leur prospérité en
rapprochant leurs économies ne manquent pas. Sans
sombrer dans l’afro-pessimisme, le continent fait
néanmoins face à une accumulation de défis singuliers
qu’on ne retrouve nulle part ailleurs : instabilité
politique, faible diversification économique et manque
d’infrastructures. On ne peut dès lors que se demander
si cette course au regroupement du continent au sein
d’une vaste zone de libre échange apportera réellement
le développement et la prospérité attendus.
L’expérience africaine nous pousse à plaider pour une
régionalisation avec des objectifs d’intégration plus
modestes, axée sur la coopération autour de projets
visant à la facilitation du commerce et de la sécurité
régionale.
:: Les stades de l’intégration
INTÉGRATIONS SOUS-RÉGIONALES EN AFRIQUE
**Kenya : a rejoint la CEN-SAD en 2008
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
34
LES COMMUNAUTés economiques régionales africaines
La réalité est que l’Afrique reste un mille-feuille
indéchiffrable de coopérations politiques, sécuritaires
et économiques qui se recoupent non seulement
dans leurs compétences, mais aussi dans leurs
membres. La Banque Mondiale recense pas moins
de seize ensembles de coopérations économiques
sur le continent ; un vrai casse-tête. En moyenne,
chaque pays africain fait ainsi partie de quatre zones
de coopération. Plus encore que leur nombre, c’est
l’ambition affichée par ces projets qui frappe. La plupart
prévoient autant des éléments d’intégration politique
avancée au sein d’organes supranationaux qu’une
imbrication économique extrêmement ambitieuse. Tous
incluent sous une forme ou sous une autre un projet
de marché commun, la libre circulation des biens, des
personnes et des capitaux.
Les huit Communautés économiques régionales
reconnues par l’Union Africaine – sorte d’avant-garde de
l’intégration économique africaine -, en sont néanmoins
à des stades très divers de leur intégration. Deux unions
monétaires, vestiges restaurés de l’époque coloniale,
coexistent depuis soixante ans sur le continent – l’Union
Economique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et
la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique
Centrale (CEMAC). En plus d’une monnaie commune,
elles se caractérisent par des efforts de coordination
des fondamentaux macro-économiques, et la mise en
place de tarifs douaniers communs à la zone. Sur la
façade Est, la Communauté Est Africaine (EAC) vient
de parachever son marché commun en 2010. Un vaste
projet de zone de libre-échange se dessine, rassemblant
dans une union douanière les 27 pays de la moitié
orientale du continent (COMESA – EAC – SADC). Dans
les faits pourtant, la majorité de ces coopérations restent
largement inachevées, faute de volonté politique et de
moyens financiers.
:: Examen différencié
Depuis 1991, l’intégration semble être comprise comme
un appel à la suppression à marche forcée des barrières
commerciales. Les affaires économiques fédéralisent
bien plus facilement les Etats que tout autre type de
coopération – l’Europe en est la meilleure preuve.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
35
D’aucuns ont tendance à vouloir reproduire en
Afrique le modèle d’intégration européen. Dans une
région prône aux conflits et à l’instabilité politique,
l’intégration économique africaine permettrait, selon
la théorie du « liberal peace », d’ancrer le continent
dans la paix et favoriserait la bonne gouvernance ;
des conditions essentielles au développement de
l’activité économique.
Pour autant, comparer l’Afrique du XXIe siècle à
l’Europe des années 60 relèverait d’une erreur. Berceau
industriel, première puissance agricole mondiale,
et dotée d’infrastructures routières, portuaires, et
ferroviaires de premier plan, l’Europe avait tout pour
tirer parti d’une intégration économique. A bien des
égards, le continent africain fait face à des défis
qui lui sont propres ; pour des raisons historiques et
culturelles, il ne saurait être un terrain de reproduction
des expériences d’intégration européenne ou nordaméricaine.
La construction d’une gouvernance régionale forte –
ne serait-ce qu’économique – relève du tour de force.
L’existence d’un Etat fort est un préalable indispensable à
toute forme d’intégration, même à minima. Les conditions
géographiques et démographiques de l’Afrique,
composée d’Etats étendus et faiblement peuplés, aux
tracés frontaliers difficilement contrôlables, rend difficile
l’application de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble
du territoire. Viennent s’y ajouter l’inefficacité
administrative et une vacuité règlementaire. L’exemple
douanier est flagrant : plus que le niveau des barrières
tarifaires - en moyenne à 19%, contre 4,3% pour les
échanges Nord-Nord – c’est l’inefficacité et la lenteur
des autorités douanières qui remettent en cause la
fiabilité du commerce transfrontalier, et renchérissent
les coûts de transport. Dans le Sud de l’Afrique, des
délais de 24 heures pour le passage d’une frontière
sont considérés comme la norme.
En deuxième lieu, une des clefs de la faiblesse
africaine tient au manque de diversification de son
économie, autant en termes de produits que de
débouchés. La plupart des économies africaines
dépendant d’un faible nombre de produits pour leurs
exports. Les produits fossiles et miniers représentent
70% des exportations africaines. La concentration
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
36
atteint 80% si l’on y ajoute les denrées agricoles.
Avec des marchés similaires et peu diversifiés, les
gains à espérer d’une intégration des marchés sont
par nature faibles.
Enfin, le mauvais état – voir l’absence – d’infrastructures
empêche les acteurs économiques de tirer profit
de l’intégration. Selon le département Afrique de la
Banque Mondiale, seul 29,7% du réseau routier africain
est bitumé au jour d’aujourd’hui. Les infrastructures
ferroviaires sont pour la plupart vétustes et peu
fiables, rendant leur exploitation impossible pour le
transport de marchandises. Ces facteurs contribuent
à des coûts de transports exorbitants par rapport au
reste du monde. Alors que le transport d’une voiture
du Japon à Abidjan coûte en moyenne 1 500 USD,
le transport de ce même véhicule d’Addis Abeba à
Abidjan revient à 5 000 USD.
:: Difficultés
L’intégration économique est une nécessité ; Loin s’en
faut de remettre en cause ce constat. Le développement
des échanges régionaux, dits Sud-Sud, pourrait être l’un
des moteurs majeurs du développement de l’Afrique.
Les échanges entre pays en voie de développement
offrent de nombreuses possibilités de spécialisation
et de gains d’efficience. De récents travaux de
l’OCDE montrent que les avantages escomptés d’une
libéralisation des échanges Sud-Sud pourraient de fait
être au moins aussi importants que ceux que les PVD
pourraient espérer d’un meilleur accès aux marchés
des pays riches.
Mais la libéralisation des échanges ne saurait constituer
une panacée.
1- Les règles d’origine des Zones de
Libre-échange (ZLE) favorisent les Etats les plus
dynamiques et dotés des meilleures infrastructures
de transports. L’économie africaine se structure déjà
autour de « pays moteur », qui tirent le développement
de zones régionales. Aux côtés de l’Afrique du Sud
(SADC), le Kenya (EAC) et dans une moindre mesure
le Nigéria (CEDEAO) forment un groupe de pays
particulièrement dynamiques. Combiné aux effets de
l’agrégation économique – qui veut que les nouvelles
activités s’établissent autour de celles déjà existantes
– il existe un risque non négligeable de siphonage des
économies régionales.
En l’absence de mécanisme de redistribution des
bénéfices économiques, l’intégration pourrait se
faire au détriment des régions enclavées, ou déjà
économiquement faibles. Avec quinze pays enclavés
– sans accès direct ou indirect à l’océan -, l’Afrique
est particulièrement vulnérable aux risques de fuite
des richesses vers les littoraux.
2 - L’intégration économique aurait aussi
pour conséquence une diminution des recettes
douanières, qui affecterait en premier lieu les pays
les plus fragiles. L’intégration pourrait constituer une
double peine pour ces pays, qui verraient s’ajouter
au détournement d’une partie de leur commerce,
la perte de recettes douanières. Effet d’autant plus
dévastateur lorsque l’on considère que les revenus
douaniers représentent une partie substantielle des
recettes fiscales pour beaucoup d’Etats africains.
A défaut de recettes fiscales, l’intégration économique
risquerait de priver les Etats des deux leviers qui leur
permettraient d’asseoir les bases d’un développement
industriel : l’usage de protections ciblées pour préserver
des industries naissances, et les ressources financières
pour mener une politique industrielle volontariste.
:: Intégration par projets
Dès lors, l’intégration économique régionale devrait
privilégier une approche plus limitée dans ses
ambitions, focalisée sur l’opérationnel. Cette stratégie
privilégierait une approche par projets, articulés
autour des objectifs de facilitation du commerce et
du développement d’un régime de sécurité commun,
visant à renforcer la bonne gouvernance.
Seraient ciblés des secteurs à haute valeur ajoutée,
créateur d’emplois, et contribuant à la diversification
et au renforcement des capacités productives de
l’économie africaine. Adopter une approche régionale
par projet permettrait de surmonter les logiques
nationales des programmes de développement
africains, qui ne tiennent que trop rarement compte
des synergies potentielles avec les pays de la région.
A l’intégration économique virtuelle ferait place une
intégration de fait par un partage des ressources, des
compétences, et des infrastructures. Le processus
aurait ensuite naturellement vocation à se renforcer
par une plus forte intégration économique.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
37
4 projets de co-développement pour une
intégration africaine
Axés autour du partage des ressources naturelles et de l’amélioration de l’environnement
économique, quatre projets pourraient faire figure de moteur de la coopération régionale
africaine. En l’absence de politiques régionales volontaristes et coordonnées, les efforts
d’intégration et d’élimination graduelle des barrières douanières resteront vains.
Développement d’une politique africaine de sécurité alimentaire : trouver les
moyens d’assurer une sécurité alimentaire à l’échelle du continent doit plus que jamais
être l’enjeu majeur de la coopération africaine. Selon la FAO, plus de 269 millions de
personnes souffraient encore de sous-alimentation fin 2010 en Afrique subsaharienne et
340 millions n’ont pas accès à l’eau potable.
Malgré un accroissement rapide de sa population, d’une dégradation de la qualité des
terres arables et des pressions foncières croissantes, l’Afrique dispose des terres agricoles
pour nourrir sa population, pourvu qu’elles bénéficient d’une irrigation suffisante et
soient exploitées de manière appropriée. La production agricole doit augmenter, mais
avec des méthodes économiquement viables et socialement acceptables.
L’enjeu sera de partager les technologies d’une exploitation durable des terres, dans
des conditions qui permettent aux générations futures d’en tirer les mêmes bénéfices.
Premier chantier opérationnel, la gestion de l’eau doit être au centre des efforts de
coopération. Maîtrise des ressources, gestions des crues, assainissement, transport, et
surtout stockage sont des thèmes prioritaires. Selon l’ICA (The Infrastructure Consortium
for Africa), « l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) est la région qui a la plus
faible capacité de stockage – avec environ 43 m³ par personne et par an. A titre de
comparaison, l’Amérique du Nord a une capacité de stockage de 6 150 m³ par personne
et par an ».
Création de corridors commerciaux : les réseaux de transport et de communication
sont un facteur essentiel dans la facilitation des échanges régionaux. Pour autant, les
efforts d’intégration sous-régionaux restent dramatiquement faibles, à l’image de la
Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC).
Au sein de la zone CEMAC, seules 2 capitales (Yaoundé et Libreville) sont reliées par une
route bitumée, et 12% du réseau routier seulement sont considérés comme en bon état.
Trois pays sur six n’ont d’autres infrastructures terrestres de transport que les routes.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
38
Mettre en place des corridors de transports transfrontaliers, alliant transport routier,
ferroviaire et/ou maritime, avec des formalités de douane simplifiées, constituerait une
réelle avancée. Avec quinze Etats enclavés, l’Afrique est un territoire prioritaire pour ces
initiatives de cohésion territoriale.
Leadership mondial dans la production d’énergies renouvelables : l’Afrique représente
le plus grand gisement d’énergies renouvelables, dotée de ressources solaires, thermiques
et hydriques quasiment inépuisables. Dans le même temps, près de 4 africains sur 5 n’ont
pas accès à l’électricité, dont le coût est un des principaux freins au développement de
l’activité manufacturière et commerciale.
L’éparpillement des infrastructures de production et leur manque d’entretien mènent à un
coût de production de l’énergie extrêmement
élevé en Afrique. Ajoutons qu’un grand nombre
des ressources ne se trouve pas forcément à
proximité des centres de demande. Ainsi, 61%
du potentiel hydroélectrique de l’Afrique se
concentre sur deux pays, la RDC et l’Ethiopie.
L’exploitation commune des ressources
énergétiques et le développement des
infrastructures dédiées au transport et au
stockage de l’énergie, permettrait de réduire de manière substantielle la précarité électrique
du continent. Elle permettrait également de développer des capacités d’exportation, dans
un domaine où l’Afrique a tout pour se forger un avantage compétitif.
Développement d’un tourisme africain : l’investissement dans le tourisme, tirant
parti de l’énorme potentiel transfrontalier du continent africain, représente une aubaine
pour dynamiser les économies locales. Les bénéfices liés au tourisme ne sont plus à
démontrer ; création d’emplois, production de revenus, apport en devises, et amélioration
de la balance commerciale. Le développement du tourisme tend également à dynamiser
le développement des infrastructures, et facilite l’expansion des investissements dans les
pays africains.
Au niveau mondial, le tourisme représente 12% du PIB et 200 millions d’emplois, dont les
pays du Nord s’accaparent encore la part du lion. Ce chiffre pourrait encore exploser, avec
l’émergence de nouveaux pays (Chine, Brésil…), et l’arrivée à la retraite de la génération
du baby boom.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
39
FOCUS
AFRIQUE SUBSAHARIENNE :
REPENSER LES INVESTISSEMENTS DIRECTS A L’ETRANGER (IDE)
Les IDE ont grandement bénéficié de la libéralisation
des flux de capitaux de ces dernières décennies. Ils
constituent aujourd’hui l’une des formes principales
de transferts de capitaux à destination des pays en
développement.
On leur prête toutes les vertus. Trente années de
crises de dette à travers le globe ont fait prendre
conscience aux pays en voie de développement
(PVD) que les entreprises multinationales pouvaient
représenter un moyen de financement moins risqué
que l’endettement sur les marchés internationaux ;
elles seraient notamment plus stables et plus
prévisibles que les flux de dette et d’investissement de
portefeuille. De plus, elles créeraient intrinsèquement
une valeur et de l’emploi dans le pays récipiendaire.
Pour autant, les récents troubles financiers ont remis
en lumière les nombreux inconvénients de la mobilité
des capitaux, et font peser des doutes sur la capacité
des IDE à permettre un développement stable
et durable. L’Afrique notamment, a subi de plein
fouet les efforts de consolidation des entreprises
multinationales. L’occasion d’engager une réflexion
plus large et d’avancer des pistes pour que les
investissements étrangers contribuent pleinement au
progrès économique et social du continent. :: Tendances : la part globale
du Sud augmente en dépit une
conjoncture de crise inquiétante
La libéralisation des flux de capitaux depuis les
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
40
années 1980 a permis un essor sans précédent des
pays en développement. Ces derniers ont réussi à
capter une partie du surplus d’épargne du monde
occidental pour financer leur croissance. De quelques
23 milliards de dollars en 1990, les investissements
directs à destination du monde émergent ont été
multipliés par vingt, pour atteindre 519 milliards de
dollars en 2007.
Historiquement, les pays développés (définis ici comme
membres de l’OCDE) s’en sont toujours taillés la part
du lion, captant à eux seuls entre 70% et 90% de ces
investissements directs transnationaux. La tendance
est néanmoins en train de s’inverser, puisque les IDE
à destination des pays en développement n’ont cessé
de croître depuis le tournant des années 2000, pour
s’établir aujourd’hui à 38% du niveau global.
Sur la partie des IDE à destination monde en
développement, l’essentiel des flux reste capté
par l’Asie du Sud-Est (58%), devançant de très loin
l’Amérique latine (20%), la région Moyen Orient Afrique du Nord (env. 14%), et l’Afrique subsaharienne
(env. 8%).
La crise économique pourrait toutefois jeter le trouble
sur ce tableau. Alors qu’elles font face à des chutes de
revenus colossales sur leurs marchés traditionnels (les
bénéfices des entreprises du CAC 40 par exemple, ont
chuté de 50% entre 2007 en 2009), les multinationales
se sont vues contraintes de renforcer leurs liquidités, et
de se désinvestir de leurs projets les plus risqués. Il s’en
est suivi une accélération du rapatriement des profits,
voire des désinvestissements, qui pourraient augmenter
le stress financier dans les pays en développement.
:: Afrique subsaharienne :
marginale dans la captation
des flux et soumise à de forts
rapatriements de profits
La part du montant global de l’IDE absorbée par
l’Afrique (3 %) est la plus basse du monde. Mais en
termes absolus, la valeur pour l’Afrique de ces flux
financiers est importante et augmente rapidement.
Selon des estimations de la Conférence des Nations
unies sur le commerce et le développement (Cnuced),
les entrées d’investissements étrangers directs en
Afrique subsaharienne ont fait un bond, passant
de 11-13 milliards de dollars en 2003-2004 à 30
milliards en 2007.
La crise a montré que les pays subsahariens ont été les
moins performants pour stabiliser les investissements
directs étrangers sur leur territoire. D’après les
dernières données de la Banque mondiale, ils ont été
les plus affectés par la réduction des investissements
étrangers et par la course au rapatriement des profits.
Avec environ un an de retard sur les économies
développées, la contraction des IDE a touché
l’Afrique en 2009, en recul de près de 7% par rapport
à leur niveau de 2007.
Plus problématique encore sur les vertus stabilisatrices
des IDE, sur les cinq dernières années, les
rapatriements de profits ont largement excédé les flux
entrants, agissant comme un drain net de ressources
financières. Ce phénomène n’a fait que s’amplifier avec
la crise financière. A peu près équilibrés jusqu’en 2004,
les rapatriements ont littéralement explosés depuis
2007, et excèdent maintenant les investissements de
quelques 43% - soit 12 milliards de dollars.
Victimes collatérales de la crise, les pays d’Afrique
subsaharienne ont subi de plein fouet l’onde de choc dit « effet croissance » - en provenance des économies
avancées. La croissance a chuté d’un niveau moyen de
6% par an sur la période 2003-2007 à 2% en 2009.
L’accélération des rapatriements de profits a forcé
les Etats déjà financièrement fragiles à financer ces
nouveaux déficits, et a mis leurs monnaies sous pression.
:: Eléments distinctifs : l’effet
de concentration dans les
industries extractives
Ce qui fait la spécificité des IDE en Afrique
subsaharienne, c’est d’abord leur concentration dans
les industries extractives. Entre 1970 et 2005, les 22
pays exportateurs de matières premières canalisaient
en moyenne des IDE deux fois supérieurs aux autres
pays. Selon une estimation souvent citée, 50% des
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
41
IDE en Afrique iraient dans le secteur primaire, contre
3,5% en Asie et 5,7% en Amérique latine.
Certes, cette concentration s’explique en partie par
l’extraordinaire richesse minérale du continent africain.
Ses réserves pétrolières sont les plus importantes au
monde après celles du Golfe persique. Le continent
noir est le principal gisement mondial de bauxite, de
charbon, d’uranium, de cuivre et de nickel. L’Afrique
du Nord, le Nigéria et le Gabon ont longtemps été des
producteurs importants de pétrole, rejoints aujourd’hui
par l’Angola, le Tchad, la Guinée Equatoriale et le
Soudan. Mais en termes de développement, cette
concentration entraîne deux problèmes majeurs pour
l’Afrique :
D’une part, malgré la contribution importante des
activités extractives aux recettes des Etats, elles ne
génèrent que très peu d’emplois et n’entraînent pas
par elles-mêmes de diversification de l’économie vers
des activités à plus forte valeur ajoutée. Par exemple,
en Libye, l’extraction pétrolière constitue 70% du PIB
et 90% des recettes publiques, mais ne représente
que 5% des emplois formels. Au Botswana, l’industrie
minière – et plus particulièrement l’exportation de
diamants – constitue un tiers du PIB, mais ne crée
quasiment pas d’emplois.
Ajoutons à cela que les investissements étrangers
dans l’extraction de matières fossiles et minérales
sont extrêmement volatils; d’une part à cause de leur
forte intensité en capital, d’autre part en raison de
leur dépendance du cours des matières premières.
L’Afrique en a récemment fait l’expérience ; le
ralentissement de l’économie mondiale qui a fait
plonger le prix des matières premières sur les
marchés mondiaux entre 2008 et 2010 explique en
grande partie le repli de la croissance africaine de
6% à 2% sur la même période.
:: Politiques publiques :
optimiser les investissements
étrangers
Les IDE peuvent clairement jouer un rôle constructif
pour attirer capitaux, compétences et savoir-faire.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
42
Pour autant, la capacité d’un Etat à attirer des
entreprises étrangères sur son territoire ne favorise
pas automatiquement le développement de cet Etat.
Si l’explosion des investissements en Afrique depuis
le milieu des années 1990 ne s’est pas accompagnée
d’une accélération de son développement, c’est que
la contribution des IDE au développement d’un pays
dépend également des conditions macroéconomiques
et de l’environnement structurel.
Concevoir de bonnes politiques en faveur des IDE, c’est
d’abord éviter de confondre les moyens de l’intégration
avec sa finalité. Un cadre favorable au développement
doit prendre en compte les différents canaux à travers
lesquels les IDE peuvent impacter, positivement
ou négativement, la performance de l’économie
domestique, y compris à travers leur impact sur la
balance des paiements, sur les marchés financiers
locaux, et sur la structure du marché. Il doit fournir les
moyens de gérer la cyclicité des investisseurs et leurs
tendances moutonnières ; et avant tout s’inscrire dans
une stratégie globale d’accumulation du capital et de
développement de savoir-faire, qui sont les véritables
moteurs de la croissance économique.
Pour l’Afrique, cela doit se traduire par une meilleure
canalisation des IDE afin de favoriser la diversification
de l’économie, et par l’intégration de l’investissement
étranger dans une stratégie nationale plus large.
Au sein du secteur primaire, les efforts doivent
être concentrés sur la diversification autour des
activités extractives, y compris par la transformation
des matières fossiles ou minières ; les activités de
raffinage liées à l’extraction pétrolière permettent
l’exportation de produits à plus haute valeur ajoutée,
mais également le développement de compétences
et de savoir-faire de pointe. Les IDE doivent aussi
venir appuyer une diversification vers des activités
manufacturières ou de services, qui offrent un
meilleur potentiel en termes de gains de productivité
et une meilleure intégration entre secteurs d’activités
au niveau national ; c’est la voie qu’ont notamment
suivi dans les années 1970 de nombreux pays d’Asie
de l’Est et du Sud-est (Corée du Sud et Taïwan dans
un premier temps, suivis de près par l’Indonésie, la
Malaisie, les Philippines, et la Thaïlande), qui tirèrent
leur extraordinaire ascension économique de leur
capacité à capturer des IDE vers des industries
manufacturières locales.
Ensuite, les Etats doivent se doter d’outils qui
maximisent les retours sur investissements, et qui
améliorent les retombées positives sur l’ensemble
de l’économie. Schématiquement, les politiques
publiques africaines ont privilégié jusqu’à aujourd’hui
le volume sur la qualité de l’investissement, en se
contentant d’ouvrir largement leurs économies et
en offrant garanties et avantages aux investisseurs
potentiels ; avec l’idée principale que les IDE récoltés,
en dynamisant l’économie, entraineraient d’euxmêmes un développement économique et social.
Plutôt que de cibler uniquement les volumes, les
décideurs africains feraient bien de garder en
tête ce qui a fait la spécificité des pays asiatiques
qui leur servent de modèle. Certes, ces derniers
ont utilisé une large palette d’incitations pour
attirer les investisseurs : subventions, exemptions
fiscales, garanties contre l’expropriation, limitation de
l’interventionnisme, ouverture à la concurrence ou
zones franches. Mais c’est avant tout l’intégration
des investissements dans une plus large stratégie
nationale qui a rendu possible l’extraordinaire essor
industriel des pays asiatiques. Leurs décideurs ont eu
recours à des politiques volontaristes, faites de rétroingénierie des biens importés, de règles d’origine
strictes, de protections ciblées des industries
naissantes et de contrôles des changes. Liées à des
objectifs précis en termes de rapatriement de profits
et de balance des paiements, ces politiques ont permis
des progrès technologiques considérables et la
diversification de l’économie par le réinvestissement
piloté du capital accumulé.
:: Conclusion
Afin que les IDE puissent contribuer pleinement au
progrès économique et social, les pays africains
doivent développer un ensemble de régulations qui,
au-delà de favoriser seulement les investissements
proprement dits, leur permettent d’avoir un réel impact
sur le développement humain, les infrastructures, et
la dynamisation d’un tissu entrepreneurial local ; bref,
réunir les conditions pour que les investissements
génèrent des retombées économiques positives et
contribuent à la diversification économique. C’est ce
qu’ils n’ont pas encore réussi à ce jour.
Jusqu’au tournant des années 2000, les économies
émergentes se trouvaient en concurrence sur un
marché mondialisé du capital ; pour se maintenir
face aux marchés asiatiques, l’Afrique n’était pas en
mesure de dicter ses conditions aux investisseurs. La
donne pourrait être en train de changer.
L’accroissement de la demande mondiale pour les
ressources fossiles et minérales fait à nouveau de
l’Afrique un lieu d’investissement privilégié. Depuis
2005, les IDE y ont presque doublés. Si l’intérêt s’est
porté d’abord sur les énergies fossiles, il va maintenant
largement au delà. La tension sur les marchés de
denrées alimentaires a relancé des investissements
importants dans les terres arables africaines,
notablement sous-exploitées. Les investissements
se concentrent désormais aussi sur les secteurs en
plein essor que sont les télécommunications, les
infrastructures et l’immobilier. L’Afrique est de plus en
plus perçue comme un marché de consommateurs,
et plus seulement un fournisseur des ressources.
Dans cette nouvelle configuration, l’Afrique retrouve
une marge de négociation qu’elle avait perdue
au profit de l’Asie. Elle a de nouveau toutes les
cartes en main pour mener à bien une politique
d’investissement volontariste. A elle cette fois-ci, de
savoir en profiter.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
43
Destination géographique des IDE dans le monde
en développement
Données :
World Bank, Global
Development Finance 2011
Flux nets d’IDE et croissance en Afrique
subsaharienne
Données :
World Bank, Global
Development Finance 2011
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
44
Au Maghreb, les changements politiques
modifieront-ils la donne pour l’intégration
économique ?
Face à des défis communs, et dans un
environnement de compétition mondiale pour attirer
l’investissement, l’intégration maghrébine apparait,
depuis la naissance de l’Union du Maghreb Arabe
(UMA) le 17 février 1989, comme une opportunité de
s’adapter aux mutations internationales en cours. Les
maux qui frappent les cinq pays du Maghreb arabe
sont manifestes : pauvreté, chômage, économies
très dépendantes des chocs extérieurs ou trop peu
diversifiées. L’exemple de l’Union européenne, qui
a progressivement su étendre sa prospérité à une
trentaine d’Etats, a constitué un modèle puissant
pour les pays du Maghreb, mais également une
source de motivation pour s’unir face à cet imposant
voisin.
Le péril qu’encoure un Maghreb désuni, est celui
d’une marginalisation politique et économique dans
la mondialisation, de disparaître des radars des
investisseurs, à cause de marchés trop fragmentés
et trop peu rentables. Au fil des années, le projet de
l’UMA s’est transformé. L’idéal d’union politique - qui
trouve ses sources dans l’idée d’un destin commun
aux peuples du Maghreb - a peu à peu laissé place
à un réalisme économique, visant à tirer au mieux
parti des complémentarités régionales pour impulser
le développement économique de la région. Depuis
2006, un travail de coopération interministérielle
a débuté pour activer et accélérer les initiatives
de l’Union du Maghreb Arabe; infrastructures,
ressources humaines, économie et finances et
sécurité alimentaire y font figure de priorités. Mais la
question de l’intégration maghrébine n’en demeure
pas moins soumise aux soubresauts nationaux et
internationaux, et peine à s’imposer comme une
exigence à toute la région. Elle a particulièrement
souffert à partir de 1994, date à laquelle la tension
entre l’Algérie et le Maroc, est portée à son point
culminant.
Autour du secrétaire général de l’Union du Maghreb
Arabe (UMA), de dirigeants d’entreprise, chefs de
patronats, officiels et experts, les coûts de la nonintégration et le potentiel d’une véritable dynamique
économique maghrébine ont été discutés aux
MEDays 2010.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
45
:: Le bilan de l’UMA en 2010 :
une union sans sommet de
chefs d’Etat malgré des enjeux
économiques et sociaux
pressants
L’UMA bien que réactivée n’a toujours pas tenu de
sommet des chefs d’Etat depuis 1994. L’impulsion
au plus haut n’existe donc pas et cela se ressent
dans l’application des décisions des commissions
ministérielles. En comparaison les pays du Golfe,
qui ne sont pourtant pas réputés pour leur entente
cordiale, n’ont jamais manqué aux rendez vous du
«Gulf Council for Cooperation».
Une étude financée par la Banque Africaine de
Développement estimait en 2008 qu’il y aurait une
plus value de 2% de croissance par an pour les
pays de l’UMA si il avait une union fonctionnelle.
M. Abdelhamid Triki, à l‘époque secrétaire d’Etat
tunisien à la coopération internationale estime que
cette situation imparfaite depuis de nombreuses
années représente 200 000 emplois non créés rien
qu’en Tunisie ; le revenu par tête pourrait même y
être de 50% supérieur à ce qu’il est actuellement
si l’on additionne ces points de croissance perdus
sur une période de dix années. Le coût social de la
non intégration est donc énorme, surtout dans cette
période de crise qui a entraîné la chute de 20% des
exportations tunisiennes.
La crainte dominante est que dans un contexte de
regroupements régionaux de plus en plus structurés
à travers le monde, l’Afrique du Nord cesse d’attirer
les investisseurs internationaux. Les pays du Sud de
la Méditerranée doivent créer plus de 40 millions
d’emplois dans les dix ans rien que pour maintenir
leurs taux de chômage actuels. Enfin, il y a 200Mrds
USD d’actifs détenus par des Maghrébins à l’étranger
et une fuite des capitaux estimée à hauteur de 8 Mrds
USD par an, signe que les plus riches maghrébins ont
peu confiance dans leurs propres pays ou n’y sentent
par une véritable rémunération et protection des
investissements.
Les bouleversements économiques actuels - et
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
46
notamment la récession - obligent à avancer à plus
grands pas vers un Maghreb compétitif et attractif
où les pays disposent de règles communes idoines
pour l’investissement, étranger ou national, ou pour
le commerce. Le fonctionnement actuel de l’UMA,
qui avance à pas comptés, mériterait sans doute
une réflexion institutionnelle afin de donner à son
secrétariat une autonomie décisionnelle et une
visibilité susceptibles de dynamiser le processus
régional.
:: Les différences sur le Sahara
et la démocratisation sont-ils
des freins structurels?
A l’origine des blocages de l’intégration maghrébine,
il y a sans doute deux séries de questions politiques.
Tout d’abord, il y a la question des trajectoires
différentes des systèmes politiques. La tentative de
démocratisation en Algérie en 1991, qui a conduit
à une sanglante guerre civile entre islamistes et
l’armée, a particulièrement impacté le rapport des
systèmes politiques de la région à la démocratie
représentative. Au demeurant, il est ardu de trouver
une surface commune entre la monarchie marocaine,
la république algérienne, le régime tunisien, la
Jamahiriya libyenne ou la république islamique de
Mauritanie dans une région où la prééminence de
l’échelon politique sur le secteur économique est
très forte.
Qui plus est, une divergence extrêmement
conflictuelle sur les frontières du Sahara entre le
Maroc et l’Algérie attise les nationalismes et a pour
conséquence assez directe la fermeture des frontières
entre les deux pays. Situation, il faut le souligner,
rarissime au niveau international puisque semblables
fermetures de frontières ne sont recensées qu’entre
les deux Corée, à Chypre, et entre l’Arménie et la
Turquie, et, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Le Sahara reste, vingt ans après le cessez-le-feu et
le déploiement de la force internationale MINURSO,
le seul territoire au monde dont le statut n’est pas
encore défini par la communauté internationale.
Certains le pensent tout haut, il ne peut y avoir de
Maghreb véritablement uni sans ce règlement sur
des frontières internationalement reconnues et une
libéralisation politique de la région. Somme toute,
la coopération et l’intégration maghrébines restent
otages de ces questions.
Les questions de développement, et la valorisation
même une démocratisation plus accentuée de la
région.
Les divergences politiques rappellent que le mode
d’impulsion actuel de l’UMA, celui du consensus
diplomatique, entre les têtes politiques des cinq pays
du Maghreb arabe est un frein. Dans l’état actuel
des divergences des systèmes politiques, ce mode
de fonctionnement pose une condition quasiment
impossible à remplir. Les sociétés civiles sont,
elles, réputées bien plus favorables à l’intégration
maghrébine que les dirigeants qui ne se rencontrent
plus.
:: Les forces vives de
l’intégration: les entrepreneurs
et la société civile
Les patrons de confédération et les entrepreneurs
comme M. Boualem M’rakach, présent dans les
débats et président de la Confédération Algérienne
du Patronat, ont créé des fora régionaux dynamiques
(comme l’Union Maghrébine des Employeurs) qui
poussent vers la création de politiques maghrébines.
La récente Banque Maghrébine de Commerce
et d’Investissement, créée en mars 2010, est un
aboutissement de cette demande d’accompagnement
des projets d’investissement et de développement
répétée par les chefs d’entreprises. D’ores et déjà
dotée d’un capital de 500 millions d’euros, elle
devrait entrer en fonctionnement courant 2011.
des complémentarités économiques sont donc
bien, par défaut, l’angle sous lequel des progrès
de l’intégration maghrébine sont possibles. Et
d’aucuns soupçonnent que les différents politiques
donnent de formidables prétextes aux dirigeants
régionaux pour ne pas avancer sur l’intégration.
Les pouvoirs nationaux s’épient et, parfois, les
soupçons sont instrumentalisés afin de préserver
des rentes économiques, qui servent des personnes
bien placées dans l’appareil d’Etat. A un certain
point donc, les dissensions politiques et les intérêts
économiques forment un bloc cohérent. De même, les
rapprochements sur la base d’intérêts économiques
communs pourraient sans doute permettre un
rapprochement des régimes politiques et peut-être
L’union des banques maghrébines, quant à elle, a
formulé de nombreuses propositions allant même
jusqu’à celle de la création d’une monnaie maghrébine
commune. Dans le domaine bancaire et financier, les
accords entre les banques centrales ont permis une
relative liberté de mouvement des capitaux pour les
différentes filiales d’une même banque. D’autres
secteurs stratégiques font montre d’une meilleure
collaboration à l’exemple de la stratégie commune de
liaison avec le réseau européen et de l’interconnexion
électrique, dans lesquels les intérêts réciproques ont
abouti à un réel travail en commun. Aujourd’hui,
même les compagnies internationales considèrent
le Maghreb comme un seul et même marché, et
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
47
calibrent leur offre d’une manière similaire au vue
des similitudes sociétales, culturelles et mêmes
sociales entre les différents pays.
Enfin, un rappel anecdotique mais qui illustre bien
à quel point peuples et élites ont des perceptions
différentes, le soutien populaire massif des Marocains
à l’équipe d’Algérie lors de la récente coupe d’Afrique
des Nations ou de la coupe du monde 2010, montre
à quel point les peuples du Maghreb se sentent
proches culturellement.
:: 2011 : Perspectives
d’un Maghreb uni dans un
environnement régional en
plein bouleversement politique
Entre la fin 2010 et le début 2011, une secousse
politique violente pour le monde arabe et l’Afrique
du Nord a éclaté. Le régime du président Zine El
Abidine Ben Ali est tombé et la Tunisie a initié ce
qui sera par la suite appelé le « réveil arabe ». En
2011, la Libye présentera très probablement un
nouveau visage, le président Bouteflika a levé l’état
d’urgence en Algérie et le Roi du Maroc a lancé une
réforme de la Constitution. Les cinq pays de l’UMA
ont connu des manifestations et des contestations
en faveur d’une profonde démocratisation. L’ironie
de la situation est peut-être qu’au fond, l’absence
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
48
d’intégration maghrébine a favorisé la chute des
régimes autoritaires et a sanctionné leur incapacité à
permettre la liberté de mouvement aux populations,
la création d’emplois et la circulation des biens
et marchandises. Cependant, ce « réveil arabe »
constitue sans doute une opportunité de donner une
nouvelle impulsion à l’union maghrébine. Le manque
d’intégration régionale conduit à des aberrations
telles qu’elles ne sauraient perdurer dans un cadre
démocratique. Telles que les sempiternelles querelles
de tracé des mappemondes dans les manuels
scolaires.
Si les pays maghrébins se dirigent vers des systèmes
politiques bien plus homogènes, on constatera
bientôt que les structures et les choix économiques
diffèrent très fortement. Ainsi la situation particulière
de l’Algérie, dont l’économie fortement publique
(85% du PIB) et très peu exportatrice -mis à part les
hydrocarbures- laisse à penser que de nombreuses
entreprises ne sont pas réellement prêtes à affronter
la concurrence avec leurs voisines maghrébines,
bien plus habituées à la compétition sur leurs
marchés nationaux. Une intégration et une liberté
de circulation des biens et services pourra donc
signifier une destruction d’emplois ce qui soumettra
ce processus à de vives critiques. Les intérêts de long
terme de l’intégration sont évidents pour les experts
économiques ; cependant il s’agit que les sociétés
civiles et les dirigeants en soient convaincus.
Marchés émergents : Comment approfondir ces
gisements de croissance ? En Partenariat avec le New York Forum
- Ahmed Réda CHAMI : Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles Technologies du Royaume du Maroc
- Amadou Niang : Ministre du Commerce de la République du Sénégal
- Jean-Hervé Lorenzi : Conseiller du directoire de La Compagnie Financière de Rothschild, Président du Cercle
des Economistes de France
MODÉRATION : SYLVAIN ATTAL, PRÉSENTATEUR, FRANCE 24
Depuis New york :
- Edmund Phelps : Prix Nobel d’Economie 2006, co-fondateur du centre de recherche sur le capitalisme et la
société de Columbia University
- Roman Frydman : Professeur d’économie politique à New York University, co-fondateur du centre de recherche
sur le capitalisme et la société de Columbia University
- Xu Ya : Présidente du China Center
- Philippe Camus : Co-directeur du groupe Lagardère, président du conseil de surveillance d’Alcatel Lucent
Modération : Richard Attias, Fondateur et président du New York Forum; président
du directoire du centre de recherche sur le capitalisme et la société de Columbia
University.
Différence d’impact de la crise économique sur les
pays émergents : Quelles leçons en tirer ?
-Karim El Aynaoui : Responsable de la Direction des Etudes et des Relations Internationales, Bank Al Maghrib
(Banque Centrale du Maroc)
- Dr. Okkorie A. Uchendu : Directeur de la politique monétaire de la Banque Centrale du Nigeria
- Alex Trepelkov : Directeur, Bureau du Financement pour le Développement, Département des Affaires
Economiques et Sociales, Organisation des Nations unies
- Preya Sharma : Directrice des marchés émergents, Trésor du Royaume Uni
- Michel Juvet : Membre du Directoire, Banque Bordier
- Alexandre Kateb : Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, économiste,
essayiste et directeur du cabinet Compétence Finance
- Fatine Layt : Présidente d’Oddo Corporate Finance
Modération : Torek Farhadi, responsable des programmes Afrique du Nord et
Moyen Orient à INTRACEN
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
49
Intégration économique régionale : Les pays
maghrébins ont-ils perdu le mode d’emploi ? - Habib ben Yahia : Secrétaire Général de l’Union du Maghreb Arabe
- Boualem M’rakech : Président de la Confédération Algérienne du Patronat
- Ahmed Driss : Directeur du Centre d’Etudes méditerranéennes et internationales de Tunis
- Mohammed Haitani : Directeur de la coordination bancaire à AttijariWafa Bank
- Hasni Abidi : Directeur du Centre d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Méditerranéen (CERMAM) Professeur invité à l’Université Paris I, La Sorbonne
- Jawad Kerdoudi : Président de l’Institut Marocain des Relations Internationales
Modération : Philippe Perdrix, rédacteur en chef adjoint, Jeune Afrique hebdo
Infrastructures et nouvelles technologies :
Comment accélérer les transferts de connaissance
et favoriser les investissements ?
- Suk Joon Kim : Président du Science and Technology Policy Institute (STEPI)
- Michel Faivre-Duboz : Directeur Général de Renault Maroc
- Louis Bedoucha : Directeur de Programme, MIGA-Banque Mondiale (Multilateral Investment Guarantee Agency)
- Hamidou OKABA : Directeur Général de l’Economie et de la Législation Fiscale, Ministère de l’Economie, du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme de la République du Gabon
- Amadou Niang : Ministre du Commerce de la République du Sénégal
- Edwin Tsvangirai : Président de la Fondation Susan Nyaradzo Tsvangirai
- Jean-Luc Bernard : Représentant au Maroc, UNIDO (Organisation des Nations unies pour le Développement
Industriel)
Modération : Li Xing, rédactrice en chef de l’édition américaine du China Daily
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
50
RECOMMANDATIONS :
Afrique
- Privilégier une intégration régionale africaine moins ambitieuse mais plus concrète,
autour de chantiers qui permettront d’asseoir le développement économique et
humain du continent : une politique régionale de sécurité alimentaire, un leadership
dans la production d’énergies renouvelables ou création de corridors commerciaux.
- Améliorer l’environnement économique et la sécurité règlementaire pour favoriser
les investissements étrangers sur le continent.
MAGHREB
- Améliorer les rapports de confiance entre Etats au sein de l’union du Maghreb
Arabe par des mesures de coopération sectorielle innovante et ambitieuse (éducation
supérieure, énergie, coopération industrielle, finances et agriculture sont parmi les
secteurs d’avenir en manque de politiques régionales).
- Dynamiser la gestion des programmes communs par la transformation du secrétariat
général de l’UMA en un organe doté de plus d’autonomie et de moyens.
OCDE
- Appeler le FMI à mettre en place des mécanismes d’accompagnement des politiques
d’austérité mises en place dans les pays de l’OCDE.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
51
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
02
ENERGIE ET CLIMAT
ENERGIE ET
CLIMAT
PAGES 52 >> 89
NÉGOCIATION INTERNATIONALE SUR LE CLIMAT :
PASSER DU CLIVAGE NORD-SUD À L’ACTION CONJOINTE
La question de la négociation autour sur l’accord
sur le changement climatique est symptomatique
de la difficulté du système multilatéral à conduire
une négociation dans laquelle chaque Etat essaie
de préserver son droit au développement et l’avenir
de ses générations futures. Deux questions clefs
pour les pays du Sud ont été soulevées durant les
débats du forum MEDays 2010 qui a réuni experts,
négociateurs mais aussi des financeurs de projets :
la question du droit au développement et celle
d’un nouveau modèle économique déconnecté des
dégâts environnementaux.
:: Face à un changement
climatique inéluctable
En premier lieu, certaines évidences sont bonnes
à rappeler : les vérités scientifiques recueillies et
synthétisées par le Groupe d’expert Intergouvernemental
sur l’Evolution du Climat (GIEC) démontrent à travers
leur rapport 2007 - à l’issue duquel un prix Nobel a été
remis - une irréversibilité du changement climatique
et une augmentation des risques liés au réchauffement
de la planète. Un document qui en 2010 a fait l’objet
de nombreuses tentatives de discréditation. C’est la
raison pour laquelle le forum MEDays 2010 a donné
une nouvelle occasion au président de cette institution,
le Dr. Pachauri, de rappeler les enseignements de
ces travaux : en 2080 le réchauffement climatique
pourrait atteindre 2,5 degrés Celsius à 5 degrés selon
divers scenarii, couplé d’un réel risque d’emballement
incontrôlable. Selon les termes du rapport de 2007,
il est avéré à 90% que la cause de ce changement
est l’activité humaine. Pourtant, la communauté
internationale peine encore à trouver un accord global
qui pourrait constituer la charpente de ses efforts pour
limiter le réchauffement à 2°C comme elle s’était
engagée à le faire dès le sommet de Copenhague en
2009. Autre certitude scientifique : les pays à revenus
intermédiaires ainsi que les pays les moins avancés
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
54
sont bel et bien les plus exposés aux conséquences de
ce réchauffement du climat.
:: Un sujet politique international
Au-delà de la prise de conscience générale, il est
indéniable que la problématique climatique est
désormais au cœur de l’agenda politique international,
devenant un réel sujet politique planétaire comme
l’a attesté l’exceptionnelle couverture médiatique
des sommets de Copenhague ou de Cancun durant
lesquels la présence de nombreux chefs d’Etat aux
négociations fut remarquable. Les hommes politiques
ont clairement pris le pas sur les techniciens dans
les négociations, l’enjeu étant de transformer les
modèles économiques et sociaux de chaque nation
dans le but de satisfaire l’intérêt global. Cependant,
cette traduction politique signifie aussi que la charge
historique des relations internationales et les rapports
de force ont fait glisser les négociations climatiques
sur un terrain qui n’est plus le terrain scientifique et
technique mais beaucoup plus un terrain politique
voire géopolitique.
:: La responsabilité historique
des pays développés
La question de la responsabilité est sans doute celle
qui revêt le plus cette charge politique. Les faits
démontrent que le réchauffement dû à l’homme
est la conséquence de rejets de gaz à effet de
serre (GES) qui ont eu lieu lors des décennies
précédentes, pendant la révolution industrielle des
pays développés. A ce titre, les pays du Nord portent
l’indéniable responsabilité de la haute concentration
actuelle des GES dans l’atmosphère. c’est la raison
pour laquelle les pays en développement réclament
aux pays industrialisés un engagement financier et
des transferts de technologies.
De l’autre côté, les pays du Nord insistent sur le
fait que les pays du Sud représentent actuellement
55% des émissions de gaz à effet de serre et que
toute négociation climatique n’aurait de sens que
si certains d’entre eux, les pays émergents en tête
(Chine, Mexique ou Inde) prennent des engagements
de limitation des rejets. Mais ces derniers rejettent
toute clause obligatoire de cette nature car la
situation actuelle est n’est pas de leur responsabilité.
S’entrechoquent ainsi deux approches : la dynamique
actuelle des rejets pour le Nord, le droit au
développement pour le Sud.
Emissions totales de
gaz à effet de serre
par pays ou continent
en millions de Tonnes
équivalent carbone
en 2007 Chiffres
UNFCC)
Emission totales de
gaz à effet de serre
par habitant de pays
ou continent en
grammes équivalent
carbone par mètre
cube et par
personne (Chiffres
2007)
Selon que l’on considère les émissions de gaz à effet de serre rapportées à la population ou rapportées aux
quantités globales qu’un pays rejette dans l’atmosphère, on pointe du doigt une catégorie de pays ou une
autre. S’accorder sur un référentiel commun est prioritaire car dans les négociations internationales, chacun
utilise l’une ou l’autre des statistiques pour faire valoir son point de vue.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
55
:: Le droit au développement
contre le « néo colonialisme
environnemental »
Nul dirigeant du monde en développement ne saurait
renoncer au droit à une croissance économique
et à un développement plein. Loin d’éluder leurs
responsabilités dans les émissions de GES ; il
s’agit là en fait de parler de responsabilité « globale
mais différenciée » pour reprendre la terminologie
empruntée aux négociateurs. Les critiques des
pays du Sud se posent en effet plus sur les cadres
conceptuels et le contenu des programmes proposés.
Ces pays sont effectivement particulièrement
sensibles aux points de négociation qui touchent
leur souveraineté territoriale ou leur développement
économique. Certains pays tropicaux africains,
contestent par exemple le cadre des accords imaginés
pour la protection des massifs forestiers tropicaux.
Ceux-ci rejettent l’option de transformer leurs
massifs forestiers en rente et échanger la sauvegarde
des forêts contre un chèque sous prétexte que ces
massifs sont de gigantesques puits de captation
du carbone qui ont une incidence mondiale sur le
climat. Dans la symbolique des rapports Nord-Sud,
cette approche est perçue comme une perte de
souveraineté territoriale par les pays forestiers. Elle
est assimilée à un néocolonialisme infantilisant le
pays dans la dépendance d’une rente qui pourrait
d’ailleurs se tarir un jour. Ce que revendiquent les pays
du Sud, ce sont les moyens de se développer et ils ont
besoin pour cela de connecter leurs populations aux
ressources énergétiques.
:: L’énergie est au cœur
d’un nouveau modèle de
développement
L’énergie constitue la base de tout développement
économique. Au Sud presque deux milliards
d’êtres humains n’ont pas accès à l’électricité ce
qui laisse envisager un développement énorme
de la production d’énergie à venir et cela dans un
contexte de raréfaction des ressources fossiles. Les
réserves d’hydrocarbures disponibles prouvées ne
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
56
permettront vraisemblablement pas la consommation
industrielle au-delà du XXIe siècle y compris selon
les prévisions les plus optimistes. Le rythme de la
demande mondiale en énergie va en effet augmenter
continuellement sous l’effet de la demande des pays
en développement. A titre d’exemple, la demande
chinoise a crû de 12% en 2010. Le monde entre ainsi
dans un cycle économique dans lequel les prix de
l’énergie fossile iront en augmentant ; les pays n’ayant
pas construit un modèle énergétique déconnectés
de cet effet prix paieront de ce fait une facture
extrêmement lourde. Il est ainsi facile de comprendre
que dans un contexte de raréfaction des ressources,
les régions du monde qui bénéficieront de la livraison
d’énergies fossiles sont celles qui auront le plus de
poids géopolitique et financier. C’est essentiellement
pour cette raison que les pays en développement
ne peuvent attendre que le système multilatéral
aboutisse à un accord global sur le financement
avant de lancer leur propre agenda d’adaptation et
d’atténuation des effets du changement climatique.
Il leur faut entamer leur révolution énergétique
maintenant car l’énergie ainsi que la maitrise de sa
production et de ses sources seront une fois encore
au cœur d’un nouveau modèle de développement
comme ce fut le cas lors des précédentes révolutions
industrielles. Actuellement, seuls les pays émergents,
les pays producteurs d’hydrocarbures et les pays
développés ont les financements et les technologies
pour maitriser ce nouveau tournant; par conséquent
ils ont le luxe du temps dans la négociation.
:: L’enveloppe du financement
destiné aux pays du Sud est
otage du bras de fer entre pays
industrialisés et émergents
C’est dans ce contexte que les négociateurs
discutent d’un transfert financier important des pays
développés vers les pays en développement pour
financer la conversion des modèles de développement
au Sud et y atténuer les principaux effets prévisibles
du changement climatique. En parallèle à cette
négociation, les pays développés ont entamé des
discussions sur l’atténuation des rejets de GES
lors du G8 de Pittsburg en 2009 pendant lequel ils
avaient appelé à un redéploiement des subventions
aux énergies fossiles dans les pays industrialisés vers
un fonds de développement international des énergies
:: Préparer les transferts de
technologie
Dans ce contexte, les pays en développement ne
doivent pas s’attacher aux promesses d’enveloppe
financière mais plutôt sur la définition nationale voire
régionale de projets de développement énergétique
durable doublée d’un ciblage des transferts
de savoirs et de technologies nécessaires à la
production d’énergie, l’extension des réseaux et à leur
indépendance énergétique. Cependant ces transferts
de technologie ne doivent pas rester un concept, un
jargon de négociateur international. Il faut que les pays
du Sud les préparent, les négocient via les coopérations
bilatérales, trilatérales, les regroupements régionaux
ou encore grâce à la coopération entre pays du Sud.
De par leur caractère complexe, il faut leur préparer
le terrain grâce à des investissement renforcés en
recherche, développement et ressources humaines
qualifiées.. Le transfert technologique ne se veut pas
une gratuité mais bel et bien un moyen d’utiliser les
technologies et les adapter à la stratégie nationale
dans un pays donné.
:: Créer des capacités
d’analyse et de gouvernance
pour la conduite des stratégies
nationales
renouvelables. L’enveloppe pourrait représenter environ
100 Mrd USD/an mais l’ensemble de ces financements
ne se concrétiseront pas avant que le nouveau
protocole de lutte contre le changement climatique
ne voie le jour ; ce qui signifie que le désaccord entre
pays développés et pays émergents sur la question
des réductions obligatoires bloque les financements.
En outre, les pays en développement se posent la
question de la crédibilité des engagements financiers
émanant de la sphère multilatérale. Faut il rappeler
que la dernière fois que les pays développés s’étaient
engagés collectivement à donner une aide aux pays
en développement, les engagements n’avaient jamais
été tenu –notamment celui pris en 1981 de consacrer
0,7% du budget en aide au développement ?
Par conséquent le véritable enjeu pour les dirigeants du
Sud est bien celui de s’approprier le savoir et les outils
scientifiques pour élaborer des stratégies nationales
qui permettront de maitriser l’arbitrage entre enjeu
de développement et enjeu écologique. L’accès à
l’information scientifique ou experte pour anticiper
et prévoir les conséquences environnementales du
développement est la clef de voûte de la progression
vers un développement déconnecté des dégâts
environnementaux. Les transferts de technologie
sont donc par conséquent des cycles complexes et
longs alliant volet scientifique et volet de ressources
humaines. La question du changement climatique
devient alors une question majeure du développement
économique, de la coopération, de l’aide internationale
et de l’amélioration des capacités étatiques et de la
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
57
gouvernance dans les pays en développement. Elle ne
peut s’envisager comme un chèque octroyé aux pays
du Sud en contrepartie de la responsabilité des pays
du Nord dans le réchauffement climatique actuel.
Comment développer une
« approche projet » pour
devancer les résultats de la
négociation internationale et
le point d’achèvement de la
parité réseau ?
Pour s’assurer un transfert des connaissances et un
appui financier, l’approche par projet s’impose en
fait comme la solution la plus séduisante quoique
que requérant une évaluation globale des capacités
d’un pays à absorber une technologie, en somme
un diagnostic des obstacles sociaux, sociétaux ou
économiques. Pour s’assurer que l’approche projet
soit développée en cohérence avec une stratégie
nationale ou régionale, il faut au préalable que celle-ci
Etienne Massard Makaga,
conseiller présidentiel et
négociateur du Gabon
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
58
Jamil Ahmad,
secrétaire général du
Programme des Nations Unies
pour l’Environnement, ancien
négociateur du Pakistan
soit formulée à un niveau gouvernemental puis que le
projet en lui-même réponde aux objectifs prioritaires
de cette stratégie. De l’accès à l’énergie dépendent de
nombreux autres facteurs de développement humain
et économique comme la mobilité, la communication,
l’information ou la capacité à travailler ou étudier la
nuit. Reste que les ateliers consacrés à la rentabilité
de ces projets démontrent que pour l’heure ceuxci ont une rentabilité moindre que la production
d’énergie fossile. Il faut donc trouver des sources
de financement qui acceptent d’investir dans cette
période transitoire -estimée jusqu’entre 2015 et
2020- durant laquelle les énergies renouvelables
n’ont pas encore trouvé un prix de production inférieur
au prix des énergies carbonées.
Dans ce contexte, l’Institut Amadeus a consacré
cinq ateliers professionnels, les business MEDays,
au développement des énergies renouvelables
et à l’efficacité énergétique dans les pays en
développement. (à lire à partir de la page 68)
Bruno Rebelle,
directeur du cabinet
Synergence et ancien n°2
de Greenpeace international
Slavano Briceno,
directeur de la stratégie
des Nations Unies pour la
réduction des risques
DÉSASTRES NATURELS, COOPÉRATION INTERNATIONALE ET RECONSTRUCTION :
ÉVITER LES ÉCUEILS DU COURT-TERMISME
Tremblements de terre à Haïti ou au Chili, inondations
au Pakistan et en Chine, l’année 2010 a été marquée
par de nombreux et meurtriers phénomènes naturels.
Ces phénomènes naturels ne sont pas l’exclusive des
pays du Sud mais les rapports des climatologues ont
clairement démontré que la plus grande intensité
des phénomènes climatiques violents tels que les
cyclones, les ouragans ou les inondations sera une
des conséquences majeures du réchauffement
climatique. Les pays en développement sont
doublement exposés à ces phénomènes violents :
d’une part les scenarii du changement climatique ont
démontré que les phénomènes climatiques extrêmes
seront plus fréquents sur leurs territoires, d’autre
part la mortalité et les dégâts occasionnés par les
phénomènes naturels violents sont plus élevés dans
les pays en développement. L’accord de Copenhague
en 2009 a pour la première fois inclut un paragraphe
sur une aide vers les pays en développement pour
qu’ils anticipent les conséquences du réchauffement
du climat et réduisent la vulnérabilité des populations.
Cette aide en amont peut être d’une grande efficacité
pour réduire la mortalité dû aux phénomènes naturels,
il y a néanmoins des conditions pour maximiser son
efficacité.
Les phénomènes naturels sont en fait des révélateurs
des capacités d’anticipation des pays qui les subissent.
Entre le séisme qui a secoué le Chili en février 2010
et celui qui a ravagé Haïti en janvier 2010, il n’y avait
pas d’écart de magnitude ou d’intensité, pourtant
dans un cas les victimes se comptent par centaines,
dans l’autre par centaines de milliers. A en croire les
mots du président haïtien René Préval, « en Haïti,
c’est la misère qui a tué » et il est vrai que le pays a
été fragilisé par un ensemble de facteurs qui l’avaient
rendu particulièrement vulnérable à une catastrophe
naturelle. Pourtant ce n’est pas seulement la misère
c’est la mauvaise gouvernance et l’absence de vision
stratégique du développement qui a tué. La baisse
du revenu agricole et l’absence de services ruraux
avaient provoqué un exode rural et la concentration
de la population dans la capitale Port au Prince dans
des conditions d’habitat précaires. Au Pakistan, la
précarité et la vulnérabilité des populations étaient
dues à l’immense flot de réfugiés intérieurs, quatre
millions de personnes déplacées qui fuient les zones
de guerre.
:: Les autorités publiques
doivent créer de la cohérence
dans l’action publique pour
protéger les populations
Ces drames ne s’expliquent pas seulement par le
niveau économique plus faible des pays en voie de
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
59
développement mais par la capacité des autorités à
anticiper, prévoir, informer et édicter des normes qui
sont en mesure de protéger les populations dont elles
sont les mandataires. Il existe bel et bien des pays qui
ont su parfaitement prendre les mesures et adopter
les politiques adéquates. Cuba, le Bangladesh ou la
Chine qui ont considérablement réduit la vulnérabilité
de leur population par des politiques publiques claires
et suivies d’effet. Il n’y a donc pas à proprement parler
de catastrophes naturelles, la catastrophe commence
lorsque le bâtiment est mal construit, ou au mauvais
endroit, c’est donc une catastrophe humaine.
Pour une approche positive du problème, il faut en fait
comprendre les raisons pour lesquels la plupart du temps
les autorités n’ont pas pris les mesures adéquates à la
protection des populations. Le problème qui est posé est
celui de la transversalité du travail et de la difficulté à
faire travailler de nombreux ministères, administrations
déconcentrées ou institutions locales en commun et ce
dans une optique de long terme. Pour édicter des règles
d’occupation du foncier qui empêchent des installations
dans des terrains vulnérables, il faut que la législation
sur le foncier soit votée, que le système de cadastre
fonctionne, que les autorités locales aient un moyen
de contrôle et que les populations soient prévenues
et sensibilisées sur les risques et sur les moyens de
protection. Cette démarche transversale d’organisation
et de responsabilisation des autorités publiques ne
peut être impulsée que par le sommet de l’Etat pour
une cohérence totale entre la stratégie de réduction des
risques et l’application par les différents services.
:: L’aide internationale
en question : sert elle la
reconstruction ?
Lorsque la catastrophe survient et qu’elle est
dévastatrice, le pays a recours à l’aide internationale
sous différentes formes, via les Etats mais aussi via les
Organisations Non Gouvernementales soutenues par les
dons privés. A contrario du temps long de l’organisation
des pouvoirs publics, le temps du don correspond au
temps court de la couverture médiatique et de
l’émotion. Dans un premier temps, l’aide humanitaire
d’urgence est nécessaire et efficace mais il faut qu’elle
se limite à cette première phase et recherche à mettre
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
60
les autorités locales en situation d’assumer la gestion
post-catastrophe le plus rapidement possible. Cela
constitue également une révolution dans les mentalités
des organisations de terrain qui ne doivent pas se
substituer aux institutions locales ou nationales.
Enfin, l’aide à la reconstruction donné par les Etats ne
s’inscrit pas assez dans le long terme et se concentre
sur une aide projet qui souvent cherche à rentabiliser
médiatiquement le financement apporté. Le pays
donateur souhaite avoir une visibilité de son aide,
financer la construction d’un hôpital ou d’une école
pour communiquer sur cet apport alors que le besoin
peut se situer dans des frais de fonctionnement ou de
personnel peu visible et moins rentable médiatiquement.
Le deuxième écueil auquel peut se confronter l’aide
internationale est son inefficacité lorsqu’elle est
dédiée à une reconstruction sans stratégie nationale
de réduction des risques qui a une assise dans les
institutions du pays et qui est partagée et appliquée par
ces institutions.
GOUVERNANCE DE L’EAU ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE :
LE DÉFI VITAL POUR L’AFRIQUE
Alors qu’il existe un commerce international des
denrées alimentaires, connecté à l’économie monde
et que les céréales ont leur cotation à Londres ou à
Chicago, la problématique majeure du développement,
notamment en Afrique, reste la question agricole.
Le constat parait simple voir simpliste mais il n’en
demeure pas moins qu’avec seulement moins 5% des
prêts consacrés entre 1990 et 2004, le développement
agricole a été le secteur délaissé par les crédits
d’aide au développement ; alors même que 70% de
la population africaine en tire ses revenus. Investir dans
l’agriculture c’est donc faire d’une pierre deux coups :
nourrir les populations et augmenter les revenus des
populations rurales. Cette croissance agricole permet
également d’atteindre un objectif primordial: la
sécurité alimentaire. Celle-ci ne se conçoit pas comme
une production alimentaire autarcique mais comme
l’accès des populations à une nourriture diversifiée
à un prix abordable, sans nécessairement que les
aliments soient produits localement. Cet objectif de
sécurité alimentaire est cependant soumis à une
équation infernale, celle posée par l’inaccessibilité aux
ressources, une démographie en forte expansion et
enfin des effets probables du réchauffement climatique.
Dans un premier temps il faut bien distinguer le poids
de chacune de ces contraintes, en effet, même si le
changement climatique est un élément nouveau et qu’il
impliquera une modification sensible de la pluviométrie
dans de nombreuses régions du monde, il n’est pas
le principal défi pour l’Afrique. Les deux contraintes
les plus pressantes qui sont posées à l’objectif de
sécurité alimentaire sur le continent sont bel et bien la
démographie et l’accès aux ressources, et parmi ces
ressources: l’eau.
:: Pour une nouvelle approche
du développement agricole en
Afrique
Dans un passé récent les politiques agricoles du
continent, obligées en cela par les bailleurs de fonds
internationaux et les programmes d’ajustement,
avaient centré la production agricole sur la notion
d’insertion dans le commerce mondial et d’avantage
comparatif. La production agricole africaine a attiré
l’aide et l’investissement pour se spécialiser sur
certains produits particulièrement compétitifs à
l’export sur les marchés mondiaux. Dans ce modèle,
les ressources générées par l’exportation devaient
servir au développement du pays et aux budgets
étatiques. Toutefois ce modèle a créé une dépendance
structurelle à des productions non vivrières et une
occupation des meilleures terres agricoles par des
monocultures d’exportation.
En fait, les exportations agricoles africaines ont stagné
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
61
autour de 18 Mrds de USD/an depuis 2000 tandis qu’à
la faveur des spéculations, sur les céréales notamment,
la facture des importations n’a cessé de croître. En
2010, l’augmentation de la facture des importations
pour les pays qui connaissent un déficit de production
vivrière est en moyenne de 20% ; les prix sur le marché
international du blé ont grimpé de 78% de juillet 2010
à février 2011, de 92% pour le maïs ou encore de 95
% pour le sorgho. Seul le riz garde un niveau stable
toutefois 50% supérieur à son niveau moyen d’avant
fin 2007. En d’autres termes le modèle de l’agriculture
d’exportation a créé de la dépendance alimentaire
dans de nombreux pays d’Afrique, une dépendance qui
coûte chère dans sa bataille contre la faim. Depuis 2004
les chefs d’Etat de l’Union Africaine se sont engagés
à dépenser 10% de leur budget dans l’agriculture et
à tout faire pour que la production agricole croisse
de 6% par an. En 2010, le constat est cruel puisque
seuls 6 pays ont atteint le premier objectif et 11 pays
le deuxième. L’engagement des chefs d’Etat Africains à
faire de la sécurité alimentaire une priorité butent sur
des nombreux obstacles alors que l’urgence est bien là.
PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES ALIMENTAIRES 2006-2011
Source statistiques :
FMI et FAO
Nombre de personnes en sous alimentation dans le monde (Mio)
Source statistiques :
FMI et FAO
:: La bombe démographique
provoquera une explosion de la
malnutrition
Environ un milliard de personnes sont considérées en
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
62
état de sous alimentation chronique dans le monde.
Même si ce chiffre a baissé proportionnellement
à la population mondiale, il reste d’une singulière
importance et ne se résorbera pas rapidement ;
bien au contraire il pourrait même exploser si les
enjeux ne sont pas saisis, en Afrique notamment.
Tandis que l’Afrique du Nord a accompli sa transition
démographique avec un taux de fécondité qui
atteint en moyenne 2,3 enfants par femme, l’Afrique
subsaharienne est la région qui connaitra la plus forte
croissance démographique durant les prochaines
décennies ; sa population doublera pour atteindre 2
milliards d’habitants en 2050 selon les estimations,
alors même que plus de 269 millions d’Africains
sont déjà considérés comme sous alimentés en
2010 soit un quart de la population totale. A l’échelle
de la planète on constate par ailleurs que ce sont
les mêmes populations qui souffrent de ne pas
disposer d’énergie, d’eau et de nourriture en quantité
suffisante. C’est donc une véritable révolution agricole
adossée à une nouvelle politique de développement
qui est nécessaire sur le continent pour atteindre une
productivité bien plus forte des terres et enrayer la
progression de la malnutrition. Le cœur du défi est
donc de développer et drainer des investissements
mais aussi de créer avec l’aide de partenaires
internationaux un modèle alimentaire plus productif
qui s’adapte aux particularités climatiques et
géographiques locales.
:: Augmenter la productivité
des terres agricoles :
l’approche traditionnelle et les
nouvelles techniques agricoles
Les situations entre les différentes sous régions
d’Afrique ne sont pas strictement comparables
du point de vue de la production agricole et de la
malnutrition. Toutefois quelques constats généraux
peuvent être dressés : les terres cultivables en
Afrique sont nombreuses mais pas assez productives;
leur productivité chute d’ailleurs d’année en année,
ce phénomène étant dû à l’érosion des sols ou à
l’avancée de la désertification. Les paysans africains
n’ont la plupart du temps pas d’accès aux intrants
essentiels que sont l’eau et les engrais. L’Afrique
est en effet le continent qui compte le moins de
terres irriguées -7% au total, 4% pour l’Afrique
subsaharienne – et qui utilise le moins d’engrais
minéraux -10kg/ha/an contre 130 en Asie ou 90
au niveau mondial1. Le potentiel de développement
1- Chiffres FAO année 2008
de la productivité agricole est donc énorme lorsque
l’on sait que la productivité d’une terre irriguée est
trois fois supérieure à celle d’une terre sèche et
que la dégradation des sols n’est pour l’instant pas
compensée par un apport en minéraux et fertilisants ;
essentiellement car le prix des engrais agricoles reste
inaccessible. Toutefois les engrais et l’irrigation ne
sont pas les seules pistes de solution pour augmenter
la productivité, d’autres solutions existent, moins
couteuses et plus respectueuses des écosystèmes
en place. Ces solutions agro-écologiques combinent
notamment les différents végétaux pour permettre
aux terres de fixer la couche fertile et de bénéficier
d’une symbiose.
:: La gestion de l’eau au cœur
du progrès agricole
En Afrique trop souvent des périodes de sécheresse
succèdent à des périodes dinondations qui sont tout
aussi destructrices car elles enlèvent aux terrains leur
couche superficielle de sédiments fertiles. L’eau ou son
absence sont donc trop souvent subies. L’extension
volontariste de l’irrigation maitrisée et le stockage
pluriannuel de l’eau doivent être mis en place si
le continent veut pouvoir sortir de sa dépendance
alimentaire. L’investissement dans l’eau agricole et
le stockage sont les principales clefs pour pallier les
périodes de sécheresse et de mauvaises récoltes à
l’image de ce qu’on prouvé les pays d’Afrique du Nord
notamment par leur politique d’irrigation et de barrages
qui a résolu des contraintes pluviométriques plus
dures encore. Le potentiel hydraulique de l’Afrique,
notamment sa pluviométrie, lui permet en de nombreux
endroits de développer l’irrigation en utilisant les
bassins versant des fleuves ; à l’échelle du continent
cinq pays seulement concentrent 70% des terres
irriguées l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Egypte, le Soudan
et Madagascar. Ailleurs notamment en Afrique de l’Est,
fréquemment sujette aux famines, on ne connait
qu’une à deux périodes de pluie par saison, et ce sont
de nouvelles techniques de captation des eaux de pluie
et des méthodes pour un stockage pluriannuel qui sont
nécessaires. Pour atteindre cet objectif le continent a
besoin d’un appui en recherche et développement pour
affiner les techniques appropriées.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
63
CARTE 01
Développement de l’irrigation dans le monde – exprimée en %age
des terres irriguées par zone.
Données :
FAO et de l’université
de Frankfurt am Main
(2006)
CARTE 02
La sous alimentation dans le monde
Source statistique :
FAO 2009
Il y a une flagrante correspondance entre les pays dépourvus de cultures irriguées
et les pays qui connaissent le pourcentage le plus fort de personnes en situation de
malnutrition. Excepté le cas spécifique de l’Inde, qui a une très grande population, à
nourrir, les pays qui ont développés l’irrigation sont ceux qui dont le pourcentage de
personnes mal nourries est le plus faible.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
64
:: Une gouvernance de l’eau
efficiente
Bien que tout le potentiel africain de stock
renouvelable n’ait pas été exploité (hormis pour les
cas très spécifiques de l’Algérie ou de la Libye qui
pompent les nappes non renouvelables à cause
du manque d’eau), l’eau deviendra une ressource
rare et il convient de l’utiliser avec une efficacité
maximale dans ses applications agricoles. En effet
l’agriculture utilise 80% à 90% des ressources en
eau dans un pays et il est donc important d’organiser
les pouvoirs publics afin que les priorités soient bien
identifiées, que les projets soient bien calibrés et que
les impacts soient connus et anticipés. La politique
de multiplication des barrages, notamment les petits
barrages dits collinaires, est parmi celle qui a donné
d’excellents résultats dans les pays d’Afrique du Nord
mais les connaissances accumulées sur leur impact
sur les éco systèmes permettront dorénavant d’éviter
les principales nuisances ou de bouleverser les
cultures maraichères en aval.
La gouvernance de l’eau en Afrique devra se tourner
en priorité vers les questions agricoles et rurales
et imaginer des politiques plus systématiques de
gestion de l’eau agricole sans en éviter le gaspillage.
L’eau va devenir au niveau mondial une ressource
à l’aune de laquelle on mesurera les capacités d’un
pays à développer certains types d’industrie car les
objets de la vie quotidienne sont produits à partir
d’énormes quantités d’eau. Le concept d’eau virtuelle
nous permet de l’illustrer ; il faut par exemple plus de
150 litre d’eau pour produire un simple café expresso.
posé en Afrique et que des solutions de recherche
et d’innovation puissent être trouvées en partenariat
avec les pays africains sur chaque écosystème
spécifique. Sans cela il est peu probable que l’objectif
d’éradiquer la faim dans le monde tel que défini par
les Objectifs du Millénaire ne se concrétise un jour.
La révolution agricole asiatique dans les années 1960
et 1970 avait reposé sur la volonté des fondations Ford
et Rockefeller de travailler ensemble sur de la recherche
et développement de variété à haut rendement, puis
sur un modèle très consommateur d’eau et d’engrais
dont les limites apparaissent aujourd’hui.
L’Afrique compte relativement moins de plaines
alluviales et terres très fertiles et c’est également le
continent le plus sec après l’Océanie. Il faudra que
les réponses soient adaptées à ces problématiques
mais qu’elles évitent sur le long terme les écueils
dans lesquels sont tombés les modèles asiatiques ou
indien : la surconsommation d’eau et la dépendance
aux engrais. A court terme pourtant l’accès à ces
deux intrants sera décisif ainsi que les connections
par les infrastructures pour acheminer les denrées
vers les marchés locaux. En 2009, le nombre de sous
alimentés dans les pays en développement avait
augmenté pour la première fois depuis une décennie
à cause de l’effet de la montée des prix des matières
premières alimentaires pendant l’année 2008, or en
2011 est similaire à tous égards.
Enfin les régions africaines qui continuent à souffrir
le plus de la faim sont celles qui subissent le plus
les conflits donc l’incapacité chronique à organiser
les pouvoirs publics et les politiques de long terme,
soient l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale.
:: Pour une mobilisation
internationale pour la sécurité
alimentaire africaine
Il est fondamental que la communauté internationale
prenne la dimension du problème agricole qui est
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
65
Défis climatiques, révolution énergétique et
développement durable : quelles réponses à des
enjeux globaux ?
- Rajendra Kumar Pachauri : Président du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’Evolution du
Climat (GIEC)
- Philippe de Fontaine Vive Curtaz : Vice-président de la Banque Européenne d’Investissement
- Vuk Jeremic : Ministre des Affaires Etrangères de la République de Serbie
- Cheng Tao : Vice-président du l’Institut de la Politique Etrangère du Peuple Chinois
- Jamil Ahmad : Secrétaire général adjoint du Programme des Nations Unies pour l’Environnement
- Etienne Massard K. Makaga : Conseiller du Président de la République du Gabon pour les affaires
environnementales et climatiques
MODÉRATION : Sylvain ATTAL, présentateur, France 24
Sécurité alimentaire et gouvernance de l’eau : quelle
feuille de route pour répondre à des défis communs ?
- General Abdou Kaza : Ministre de l’Eau, de l’Environnement et de la lutte contre la Désertification de la
République du Niger
- Moise Kotaye : Ministre de la promotion des Petites et moyennes entreprises, du secteur informel et du
guichet unique de la République centrafricaine
- Loïc Fauchon : Président du Conseil Mondial de l’Eau
- Paolo Lombardi : Directeur du bureau des programmes méditerranéens, World Wide Fund of Nature (WWF)
- Abdallah Rattal : Directeur-adjoint du Département de l’Environnement au Secrétariat d’Etat chargé de
l’Eau et de l’Environnement du Royaume du Maroc
Modération : Belkacem Boutayeb, consultant
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
66
Catastrophes naturelles : l’aide internationale suffit
elle à la reconstruction ?
- Marie-Denise Jean : Représentante permanente de la République d’haïti à l’UNESCO
- Abdelkrim Bensiali : Directeur de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient à la Fédération Internationale des
Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge (CICR)
- Slavano Briceño : Directeur du Secrétariat des Nations Unis pour la Stratégie de Réduction des Désastres
Naturels
- Pierre Duquesne : Ambassadeur Itinérant de la République française, Représentant pour les questions
économiques, de développement et de reconstruction
- Bilal Khan : Coordinateur du programme de l’Organisation Internationale des Migrations pour
l’enregistrement des personnes déplacées au Sud Waziristan
MODÉRATION : Aurélien Lécina, Directeur pôle affaires publiques de l’Ecole de
Gouvernance Economique de Rabat
De Copenhague à Cancun : comment regrouper les
initiatives nationales pour éviter un nouveau rendez
vous manqué ?
- Jamil Ahmad : Secrétaire général adjoint du Programme des Nations Unies pour l’Environnement
- Etienne Massard K. Makaga : Conseiller du Président de la République du Gabon pour les affaires
environementales et climatiques
- Cheng Tao : Vice-président du l’Institut de la Politique Etrangère du Peuple Chinois
- Bruno Rebelle : Directeur-général du cabinet Synergence, ancien Directeur du développement à
Greenpeace international
- Mohammed Saïd Karrouk : Chercheur émérite, climatologue, membre du GIEC
- Philippe Lorec : Coordinateur du Plan solaire méditerranéen pour le Gouvernement de la République
française
Modération : Nadia Salah, Directrice des rédactions du groupe Eco media
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
67
LES BUSINESS MEDAYS : DE LA RÉFLEXION À L’ACTION
RÉVOLUTIONS ÉNERGÉTIQUES DANS LES MARCHÉS ÉMERGENTS :
LES NOUVEAUX ACCÉLÉRATEURS DE CROISSANCE
Pour la 3ème année consécutive, le Forum MEDays
offre un forum parallèle dédié aux entreprises,
les « Business MEDays » : des séances plénières,
ateliers et rencontres informelles, dédiés aux
professionnels. Un espace unique pour créer
des opportunités concrètes d’affaires dans les
différentes régions concernées par le Forum. Les
Business MEDays permettent aux entreprises
désireuses de se développer au Maroc, autour du
Bassin méditerranéen et sur le continent africain
de rencontrer, à travers des séances de travail
formelles et des sessions de rencontres informelles,
de futurs partenaires (institutionnels, industriels
et financiers) ou clients venus des pays concernés
par les problématiques traitées. Ce forum est avant
tout destiné à créer et consolider des partenariats
mais également à appeler à la réalisation des
recommandations sectorielles concrètes issues des
nombreuses interventions qu’a connu l’édition 2010.
:: L’action gouvernementale
nécessaire face aux défis
stratégiques
La crise économique mondiale de 2008-2009 a plongé
dans l’incertitude les marchés énergétiques mondiaux.
Les cours des matières premières énergétiques sont
perturbés à court terme par l’instabilité politique et
sécuritaire d’une région ou d’un pays comme nous le
voyons actuellement avec les révolutions arabes et leur
influence sur la cotation du pétrole, mais aussi à plus long
terme. Il y a aura bel et bien une tendance haussière dûe
à la raréfaction des matières premières. Cela contraint
les gouvernements à trouver les réponses au double défi
du changement climatique et de la sécurité énergétique
qui façonneront le paysage énergétique des décennies
à venir. Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE),
le prix moyen de pétrole brut devrait atteindre 113 USD
par baril d’ici 2035 alors que durant l’année 2010 il s’est
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
68
établi en moyenne autour de 75-80 USD et connait des
plafonds à 110 USD début 2011.
L’année 2009, d’une part avec le G20 de Pittsburgh
et d’autre part avec l’accord de Copenhague, a été
marquée par des avancées importantes dans la
définition des politiques énergétiques, notamment
avec la négociation d’accords internationaux sur le
changement climatique et sur la réforme des subventions
souvent inefficaces des combustibles fossiles. Ajouté
à cela que le développement et l’utilisation des
technologies à faible émission de C02 ont été stimulés
grâce à l’accroissement des subventions et autres
incitations financières adoptées par les gouvernements.
Cependant les perspectives énergétiques mondiales
à l’horizon 2035 dépendent incontestablement de
l’action gouvernementale et de son influence sur la
technologie, sur le prix des services énergétiques et sur
le comportement des consommateurs finaux.
Selon l’AIE dans l’hypothèse de mise en place de
politiques nouvelles de la part des gouvernements, la
demande mondiale d’énergie primaire augmentera de
36% entre 2008 et 2035, soit un taux de croissance
moyen de 1,2% par an contre 2% par an actuellement.
Alors que dans l’hypothèse où serait suivie une
trajectoire énergétique cohérente avec une limitation de
la température à 2°c et de la concentration de gaz à effet
de serre, la demande devra être contenue à 0,7% par an.
Ces chiffres signifient que pour anticiper une future
crise énergétique, lutter contre le changement climatique,
sécuriser les approvisionnements, éradiquer la précarité
énergétique et promouvoir un nouveau modèle économique
durable, les énergies renouvelables sont un complément
indispensable aux énergies fossiles.
:: Investissement massif dans
les énergies alternatives
Le Maroc, à l’instar de nombreux pays en développement
et de surcroît dépendant de ses importations en énergie
à hauteur de 95 %, est en train de miser et d’investir
massivement sur le développement et l’utilisation des
énergies renouvelables pour produire sa propre électricité,
puis dans un futur proche celle de ses voisins européens
et africains. Sa position géographique, à proximité d’un
marché développé et son absence de ressources fossiles
le poussent à créer ce nouveau modèle. En effet, le pays
prévoit d’augmenter sa production de 2000 MW solaire,
2000 MW éolien et de 2000 MW hydraulique à l’horizon
2020. Ainsi, les énergies renouvelables représenteront,
en 2020, 42% de l’énergie produite si les objectifs sont
atteints.
Il parait évident qu’un mix énergétique, incluant l’emploi
des énergies renouvelables (hydraulique, solaire,
éolien, biomasse…), de l’énergie nucléaire et des
énergies fossiles est le meilleur modèle pour réduire
significativement le rejet de gaz à effet de serre et assurer
la sécurité énergétique. Par ailleurs, pour se désengager
de la dépendance à l’énergie fossile, les économies
d’énergie ou ce que l’on nomme l’efficacité énergétique
est le deuxième volet d’une action sur le rendement de
l’investissement dans l’énergie, avec un rapport coût/
efficacité compétitif. Une politique d’amélioration de
l’efficacité énergétique réduisant les émissions de gaz
à effet de serre et la facture énergétique. Le Maroc
s’est par exemple fixé l’objectif d’améliorer de 12%
l’efficacité énergétique d’ici 2020, et de 15% d’ici 2030.
Pour aboutir à de semblables objectifs, il faut agir sur les
secteurs qui consomment le plus d’énergie : le bâtiment,
pour les pays en développement est le secteur le plus
gourmand en énergie, puis vient le transport, un secteur
en forte croissance dans les pays émergents. Dans les
pays développés, il est le plus consommateur d’énergie,
preuve qu’il doit faire l’attention d’une politique préventive
de chasse aux gaspillages.
La thématique 2010 des Business MEDays1 est ainsi
venue poser en plusieurs débats une réflexion sur les
contenus pratiques d’une politique qui développe les
sources alternatives aux énergies fossiles et qui dans
le même temps augmente l’efficacité de l’énergie
produite. Ceci pour stimuler une seconde réflexion sur
les capacités pratiques pour les pays en développement
à convertir cette révolution énergétique en un nouveau
modèle économique. Les pays en développement aurontils les capacités d’accéder aux énergies renouvelables ?
Peuvent ils trouver des solutions peu couteuses pour
développer l’efficacité énergétique ? Telles sont les
questions qui se posent.
A cette fin, les ateliers ont abordé les thèmes du
développement de l’énergie solaire, des enjeux de
la construction d’une filière nucléaire, de l’efficacité
énergétique dans le bâtiment ainsi que l’efficacité
énergétique dans les transports, mais aussi la question
pratique du financement des projets énergétiques par les
partenariats publics-privés.
1- « Révolutions énergétiques dans les marchés émergents : « Les nouveaux accélérateurs de croissance, les questions incontournables persistent les
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
69
pays en développement auront-ils les moyens d’accèder aux énergies renouvelables ? »
POINT SUR LES INCONVÉNIENTS DES SUBVENTIONS AUX ÉNERGIES FOSSILES
D’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE), la suppression de ces subventions permettrait de
réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 6
% par an, tout en contribuant à une augmentation de 0.1%
du PIB mondial. L’Agence Internationale de l’Energie estime
également que cette disparition des subventions permettrait de
réduire de 5 % la consommation d’énergie primaire de la planète
en 2020 par rapport au scénario actuel. Elle renforcerait aussi
la sécurité énergétique et réduirait la pollution atmosphérique.
Selon le rapport du PNUE, les subventions aux énergies, loin de
favoriser les populations les plus pauvres, financent en fait une
énergie moins chère pour les pays riches.
Le Fonds Monétaire International a rappelé dans sa revue
Finances et Développement parue en juin 2010, qu’au niveau
mondial, la hausse du cours du pétrole de 29 dollars le baril
en moyenne en 2003 à un plus haut de 145 dollars en juillet
2008, a renchéri les subventions aux produits pétroliers de
54 milliards de dollars en 2003 pour un record annuel de
518 milliards à la mi-2008, dont les deux tiers dans les pays
exportateurs (Arabie Saoudite, Russie, Indonésie, Ukraine). Les
subventions nuisent donc aux finances publiques des pays qui
subventionnent les produits énergétiques d’autant plus qu’elles
sont assises sur les cours et par là même dépendantes des
fluctuations du marché.
Le deuxième effet négatif est probablement la surconsommation
d’énergie, en effet, les pays qui subventionnent l’accès à l’énergie
permettent à leur population de consommer plus d’énergie que
ce que leurs moyens financiers ne leur auraient permis. Les
subventions déconnectent le prix payé par le consommateur du
prix de marché et freine l’adaptation des comportements des
consommateurs vers une meilleure utilisation de la ressource.
L’Afrique est parmi les continents où la prise de conscience et la
mise en place de programmes destinés à améliorer l’efficacité
énergétique sont les plus faibles. Pourtant, selon la Banque
Mondiale, il est possible de générer 19 milliards de dollars par an
grâce à la mise en place d’une politique ambitieuse d’économie
d’énergie.
Le troisième inconvénient est l’impact sur l’émergence des
énergies nouvelles. Les prix finaux des énergies fossiles ne
représentent pas les prix réels à cause des subventions, il est par
conséquent difficile de développer des stratégies ambitieuses
d’énergies nouvelles surtout dans les pays producteurs de
pétrole et d’autres énergies fossiles. Les pays africains les plus
ambitieux dans ce domaine sont ceux qui dépendent le plus
des combustibles fossiles. Ainsi, le Maroc qui importe plus de
95 % de son énergie a mis en place une politique volontariste
dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité
énergétique ; cependant il continue de subventionner son énergie,
le gaz butane notamment, via une caisse de compensation.
LES DÉFIS DE L’ACCÈS DES ÉTATS À L’ÉNERGIE
NUCLÉAIRE CIVILE :
:: Comment répondre aux
enjeux de sûreté, sécurité et
non-prolifération ?
Nous assistons depuis le début des années 2000 à
un retour des grands programmes nucléaires, ce qui
laisse entrevoir une envolée du secteur similaire à celle
des années 1970 et 1980. Ce renouveau des projets
nucléaires s’explique à la fois par la croissance de la
demande énergétique mondiale et par les avantages
compétitifs éprouvés de cette source de production en
termes de coût, de sécurité d’approvisionnement et
d’indépendance, ou encore d’émission de gaz à effet
de serre. Les pays émergents étant les moteurs de
cette croissance.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
70
D’après l’AIEA (Agence Internationale de l’énergie
atomique), le nombre de réacteurs en cours de
construction serait de 53 dont 20 en Chine, 6 en Russie
et 5 en Inde à la fin 2010. D’autres pays émergents
portent aujourd’hui un grand intérêt au nucléaire :
Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Égypte, Maroc,
Turquie, Vietnam.
Malgré ce regain d’intérêt et les grands programmes
annoncés, le nucléaire connaît une croissance limitée
dans le mix-énergétique mondial. Cela s’explique par
le grand nombre de barrières techniques et sociétales
qu’il faut au préalable franchir pour construire une
centrale nucléaire.
En amont de tout projet nucléaire, le secteur doit faire
face à plusieurs contraintes parmi lesquelles l’enjeu
majeur du respect de normes élevées de sûreté, de
sécurité et de non-prolifération. Comment développer
l’énergie nucléaire dans les pays émergents en y
apportant des garanties efficaces ?
- La barrière financière : située en amont
de tout projet nucléaire, cet obstacle est un des principaux
auxquels le nucléaire fait face en termes de développement
international. Les investissements initiaux pour la construction
Quelque soit le pays, les conditions suivantes sont
nécessaires pour permettre le développement de
l’énergie nucléaire : le respect de la sécurité et de
sûreté nucléaire, le financement, l’existence d’une
sûreté nucléaire dans les pays d’accueil, avoir les
compétences pour passer commande, assurer la
construction, le fonctionnement et la maintenance.
:: Le nucléaire doit faire face
à de nombreux défis parmi
lesquels la nécessité d’assurer
la sûreté et la sécurité nucléaire
Avec 13,8% de la production électrique totale en
2007, le nucléaire constituerait 10,7% du bouquet
énergétique mondial en 2030 d’après les données de
l’AIE (World Energy Outlook 2009).
L’alternative nucléaire doit faire face à de nombreux
défis en particulier dans les pays du Sud parmi lesquels
nous pouvons situer quatre types de barrières :
- Les barrières techniques : complexité
de la technologie, incertitudes des têtes de série,
dimensionnement des centrales pour le réseau des
pays émergents, enjeux de sécurité et de sûreté,
- Les barrières sociétales en raison des
réticences de l’opinion publique, les bailleurs de fonds
internationaux rechignent à financer cette source
d’énergie dans les pays en développement. Dans les
pays développés, certains comme l’Allemagne et la
Belgique, ont décidé de l’abandonner.
- Les barrières concurrentielles :
le développement de l’électricité nucléaire est concurrencée
par le développement des énergies renouvelables et du charbon
abondant et peu coûteux. A l’horizon 2030 l’AIE pronostique
que la part des productions d’energies renouvelables en
Europe atteindra 26% en 2030 et plus de 22% dans le monde,
et que celle du charbon passera de 41,5% en 2007 à 44,5%
en 2030 au niveau mondial.
d’une centrale sont très lourds et sur une échéance non
négligeable (5 à 7 ans de construction hors phase d’autorisation
contre moins de 2 ans pour une centrale au gaz naturel et 3 à 4
ans au charbon). Se rajoutent à ces facteurs des risques perçus
comme élevés en phases de construction et d’exploitation :
retards et dépassements de coûts, défaillance de matériels et
arrêts non programmés, temps de retour sur investissement
ou de remboursement long, risques de marché et risques
réglementaires. Le coût du capital dépendant de l’évaluation
des risques par les investisseurs, les marchés financiers
exigent un rendement pouvant compenser cette longue durée
d’investissement, par le biais d’un taux d’actualisation élevé, et
les risques liés au secteur à travers la prime de risque.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
71
:: La filière évolue vers des
standards de construction et
de traçabilité renforcés.
Le spectre d’un accident nucléaire, au retentissement
mondial, tel que celui vécu en 1986 à Tchernobyl
alimente la crainte des investisseurs et des Etats à
s’engager dans de tels programmes car ils auraient
alors à affronter une fronde de la société civile.
Ainsi, les principes de sûreté, de sécurité et de non
prolifération sont déterminants dans le cadrage des
projets nucléaires. Ces risques perçus ont par ailleurs
été alimentés par l’éventualité d’attaques terroristes
aériennes telles que furent menées les attaques
du 11 septembre 2001. Ces enjeux ont amené la
filière à rehausser constamment les scenarii de
risques et à concevoir de nouvelles générations de
centrale hermétiques et durables dans le temps dont
la construction résisterait à la fois à un problème
interne et à une agression externe.
Une des clefs du renforcement de la sécurité est
également la gestion du flux de matières fissiles
et notamment éviter que le combustible nucléaire
ne soit détourné ou transporté dans de mauvaises
conditions de sécurité. Préalablement au lancement
des projets d’équipement nucléaire la mise en
place d’une autorité réglementaire indépendante
chargée d’assurer un contrôle strict sur les matières
nucléaires, de faire l’inventaire et le suivi des sources
radioactives et de veiller à l’application des mesures
de sécurité et de sûreté. Le renouveau du nucléaire
ne signifie pas un risque accru de prolifération car les
exploitants sont dans une démarche pragmatique de
transparence et soumettent leurs règles d’exploitation
au contrôle international et national.
:: Le rôle de la coopération
internationale comme garante
du développement de la filière.
Le nucléaire est un domaine où la coopération est une
donnée essentielle du développement de la filière au
regard des enjeux de sécurité qui ne concernent pas
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
72
seulement le pays dans lequel se construit la centrale
mais également les pays voisins et plus largement
la communauté internationale. Il existe depuis les
années 50 une coopération, de type multilatéral où
autorités nationales et internationales interagissent
avec l’agence intergouvernementale AIEA –agence
intergouvernemental de l’énergie atomique- mais aussi
avec d’autres organisations non gouvernementales
telle que WANO (Word Association of Nuclear Operators).
Plus récemment, de nouveaux types de coopération
fondée sur la volonté de promouvoir l’accessibilité de
la filière nucléaire se mettent en place. Ce sont des
coopérations de type bilatéral à l’exemple de celle entre
la France et le Maroc.
L’AIEA, qui inspecte les sites nucléaires et rédige
des rapports d’évaluation et l’association WANO, qui
réunit tous les opérateurs du nucléaire, mutualisent
les connaissances et les données, et travaillent en
étroite collaboration pour accueillir les nouveaux
prétendants au nucléaire civil en leur permettant
d’acquérir une culture de la sûreté nucléaire.
La formation technique et scientifique des ressources
humaines est essentielle pour préparer la nouvelle
génération de pays nucléaires. Pour se faire, des
échanges universitaires et des institutions de
formation de pointe comme l’Académie européenne
du nucléaire basée à Munich en Allemagne ont été
mis en place et constituent le passage obligé des
futurs cadres du secteur.
:: Financement et rentabilité
des projets nucléaires.
Pour accéder à l’énergie nucléaire, la question du
financement se pose incontestablement et constitue
une des barrières principales comme cela a été
précédemment exposé. Cependant, le rapport de
ces coûts à la durée de vie d’une centrale nucléaire
est très modeste. Aujourd’hui, le coût unitaire d’une
centrale nucléaire nouvelle génération d’un site
d’une capacité comprise entre 800 à 1600 MW serait
de l’ordre de 2 à 4 milliards d’euros pour une durée
de vie moyenne estimée à 40 ans.
Selon le Ministère français de l’Industrie, en
prenant en compte le coût d’investissement, le
prix de l’uranium, les coûts d’exploitation et de
maintenance, et aussi les provisions nécessaires aux
dépenses futures de démantèlement et de stockage
des déchets radioactifs, le prix de revient du kWh
nucléaire est inférieur à 4 centimes d’euro. Ce coût
est comparable à celui d’un kWh produit à partir du
gaz, lorsque celui-ci est à son prix le plus bas, et
bien inférieur à ceux des autres modes de production
d’énergie.
Le grand avantage de la filière est que le prix du
Kwh nucléaire dépend peu des conditions des
marchés des matières premières compte tenu de
la stabilité des cours de l’uranium et des faibles
quantités nécessaires pour produire de l’énergie.
Par conséquent, lorsqu’une centrale est amortie,
après 15 à 25 ans d’utilisation, le prix de revient du
kWh nucléaire chute extrêmement bas, environ à 1
centime d’euro le Kwh.
Néanmoins l’investissement initial est très élevé
et cela oblige les constructeurs et les exploitants
nucléaires à trouver des solutions ingénieuses pour
le couvrir. Le financement des projets nucléaires dans
les pays émergents peut émaner d’un consortium
d’entreprises exploitantes et consommatrices à
l’exemple de la Finlande (financement par l’exploitant
TVO plus un regroupement de 16 industriels du bois,
du papier et de la métallurgie, grands consommateurs
d’électricité).
Autre alternative : un système de « Loan guarantees »,
une garantie de prêt endossée par le gouvernement,
est une solution envisageable pour minimiser le taux
d’intérêt de l’emprunt. Cette option est possible pour
les Etats capables d’apporter des soldes de garanties
financières mais il serait même envisager de trouver
les mécanismes pour étendre la possibilité de cette
garantie à l’échelle internationale pour faciliter
l’accès des pays en développement à la technologie.
En effet, la Banque mondiale pourrait davantage
s’intéresser aux financements des projets nucléaires
si le développement de la filière renforce sa crédibilité
en tant que source alternative d’énergie.
Quant au modèle idéal de management financier de
ces projets, chaque pays a un intérêt à s’adapter à sa
propre situation selon ses partenaires privilégiés et ses
propres capacités. Un modèle de management mixte
entre les acteurs privés et publics est la meilleure
solution pour conduire ces projets complexes, aux
enjeux de développement si aigus. La présence de
la puissance publique au capital de l’exploitant ou de
la centrale est de nature à constituer une garantie
supplémentaire pour que les exigences de sécurité
soient respectées et que le dialogue sur les besoins
de réglementation de la filière puisse être fructueux.
POINT SUR LES INCONVÉNIENTS DES SUBVENTIONS AUX ÉNERGIES FOSSILES
La France et le Maroc ont signé en juillet 2010 un accord pour
«le développement des utilisations pacifiques de l’énergie
nucléaire», première étape en vue d’éventuels contrats
commerciaux. Le royaume marocain compte construire sa
première centrale nucléaire entre 2022 et 2024. Cet accord
général permettra d’accompagner le Maroc sur le chemin de la
préparation à son entrée dans le champ de l’énergie nucléaire.
L’accord prévoit une coopération en matière technologique et
dans les domaines de la formation et de la sûreté.
Cet accord fut précédé par un protocole d’accord signé en 2007
entre AREVA et l’OCP (Office chérifien des phosphates) afin de
développer la coopération et la recherche sur l’extraction de
l’uranium contenu dans l’acide phosphorique, fabriqué à partir
des minerais de phosphates marocains.
L’uranium se trouve en très faible quantité dans les phosphates.
La teneur varie de 50 à 200 ppm (parties par million), avec une
teneur moyenne de 100 ppm soit cent tonnes d’uranium pour
un million de tonnes de minerai de phosphate.
L’uranium est extrait de l’acide phosphorique, dans le
traitement des phosphates par voie humide.
Alors qu’en 2007, pas moins de 13,4% de l’uranium utilisé
dans le monde provenait du traitement des phosphates,
le Maroc pourrait être dans les années à venir un grand
producteur d’uranium. Selon l’AIEA, les ressources d’uranium
en sous-produit des seuls gisements de phosphates du Maroc
avoisineraient les 6 millions de tonnes, soit deux fois plus que
les ressources mondiales connues des gisements d’uranium. La
filière nucléaire au Maroc constitue donc l’immense avantage
de garantir une indépendance énergétique totale, tant sur la
production que sur la matière première.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
73
POINT : PRINCIPAUX TYPES DE RISQUES ASSOCIÉS AU FINANCEMENT D’UNE
CENTRALE NUCLÉAIRE (SOURCE : OCDE)
TYPE DE RISQUE
DESCRIPTION DES RISQUES
PRINCIPAUX
DESCRIPTION DES RISQUES
PRINCIPAUX
Retards imprévus dans la délivrance des permis
de construire ou des licences d’exploitation par
les services locaux ; des licences d’exploitation et
autres autorisations pendant la durée de vie utile
de la centrale.
Exploitants et pouvoirs publics. Nécessité de
mettre en place un système réglementaire
efficace et prévisible ; les risques seront
plus faibles lorsque le système aura été
entièrement démontré.
Modification des taux d’intérêt et de la fiscalité
; impossibilité de refinancement des emprunts
à des conditions favorables ; risques de
change ; coûts et disponibilité d’une assurance
responsabilité civile nucléaire et autres types
d’assurances ; retards dans l’exploitation.
Exploitants. Réduction des risques par le
biais d’instruments financiers ; nécessité
de mise en place, par les pouvoirs publics,
d’un cadre juridique pour l’assurance
responsabilité civile nucléaire.
CATASTROPHES
NATURELLES, FORCE
MAJEURE
Séismes et autres risques majeurs (selon
la région considérée) pouvant entraîner des
dommages aux installations et des arrêts forcés
; risques pour la sécurité et menaces terroristes
pouvant majorer les coûts.
Exploitants. Contraintes de conception et
exigences de la procédure d’autorisation
pour la sismicité, etc. ; assurances ; éviter
les régions politiquement instables, etc.
RISQUES ASSOCIÉS À
L’APPROVISIONNEMENT
EN COMBUSTIBLE
Retards de livraison des assemblages
combustibles pouvant entraîner une moindre
production d’électricité, voire l’arrêt de la centrale
; problèmes de qualité du combustible entraînant
des difficultés de manipulation ; augmentation
importante et inattendue des coûts associés.
Exploitants. Contrats du cycle du combustible
à long terme; mettre les fournisseurs en
concurrence; il peut se révéler nécessaire
que les autorités publiques passent
des accords nucléaires avec les pays
fournisseurs.
RISQUES ASSOCIÉS À
LA RÉGLEMENTATION
ET À LA PROCÉDURE
D’AUTORISATION
RISQUES FINANCIERS
RISQUES ASSOCIÉS À
LA GESTION DES
DÉCHETS ET AU
DÉMANTÈLEMENT
Impossibilité de mise en place d’une capacité
nationale dans les délais prévus, d’où une
incapacité à évacuer les combustibles usés et
les déchets ; coûts supérieurs aux prévisions à
cause des incertitudes politiques et des retards ;
exigences accrues pour les provisions liées aux
coûts de démantèlement.
Exploitants et/ou pouvoirs publics. Besoin
d’une politique claire et cohérente de la
part des pouvoirs publics et de mesures
adéquates pour la mettre en œuvre.
RECOMMANDATIONS :
• Accentuer les coopérations bilatérales en matière de formation technique avec en ligne de mire la mise en place d’un langage et d’une une culture de sûreté commune, à l’exemple du partenariat signé entre la France et le Maroc.
• Mettre en place une autorité nationale réglementaire indépendante chargée de veiller à l’application des mesures de sûreté et de sécurité et d’assurer un contrôle étroit sur la matière nucléaire et les sources radioactives.
• Encourager les institutions financières internationales à financer l’énergie nucléaire pour accompagner son développement.
• Promouvoir à l’échelle nationale une complémentarité entre l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables.
• Engager un débat public démocratique nécessaire pour une meilleure acceptabilité du nucléaire civil par les populations.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
74
:: Le développement de
l’énergie solaire dans la région
MENA : Quelles technologies
pour quelle rentabilité ?
La région MENA bénéficie de l’une des meilleures
ressources solaires du monde grâce à un taux
d’ensoleillement considérable pouvant offrir un
rendement de 20 à 30% supérieur à celui des centrales
solaires du sud de l’Europe.
Plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années
pour tirer profit de ce gisement solaire qui est l’un
des plus compétitifs au monde. Le projet Desertec,
lancé en juillet 2009, est l’une des initiatives les plus
connues internationalement, essentiellement pour son
dessein gigantesque. Il a pour objectif de garantir 15%
de la demande d’électricité en Europe d’ici à 2050 à
travers la production d’énergie solaire dans la région
MENA et le raccordement au réseau européen.
Le Plan Solaire Méditerranéen inscrit dans l’Union pour
la Méditerranée a pour objectif quant à lui d’atteindre
une capacité de production de 20 GW d’énergies
renouvelables dans le bassin méditerranéen à
l’horizon 2020 et d’exporter jusqu’à 5 GW du Sud
vers l’Europe afin de garantir la rentabilité des projets
de centrales. Le pari est de réussir une collaboration
exemplaire entre les pays méditerranéens fondés sur
les intérêts communs et sur le potentiel des énergies
renouvelables et du solaire en particulier, à constituer
une réponse à la demande énergétique et à la
problématique du changement climatique.
De ces initiatives régionales qui ont favorisé la réflexion
et l’émergence de nombreux projets nationaux de
développement des énergies renouvelables, on peut
citer le Plan Solaire Marocain calibré à 2 Giga Watt
ou encore le Plan Solaire Tunisien dont les autorités
avaient lancé le processus législatif.
Il y a cependant de nombreuses interrogations qui
restent en suspens pour mener à bien ces projets,
notamment la question du coût, du financement
et de la rentabilité de tels projets. Si les pays en
développement investissent dans ces technologies
il ne faut pas qu’ils se retrouvent avec des parcs
surdimensionnés dont la charge de financement
grèvera leur budget d’investissement. La technologie
solaire en particulier possède la limite particulière de
ne pouvoir être fonctionnelle qu’une moitié de journée,
le jour, pour une raison aisément compréhensible.
Quelles solutions apportent les technologies solaires
aux problèmes de coût et d’intermittence ? Quelle
technologie est la plus compétitive ?
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
75
:: Les différentes solutions
technologiques
Pour produire de l’énergie solaire, plusieurs solutions
technologiques existent et comportent chacune des
exigences techniques, des coûts et des opportunités
différentes.
L’énergie solaire photovoltaïque est une énergie
électrique produite à partir du rayonnement solaire.
L’énergie solaire est directement convertie en
énergie électrique via l’utilisation de matériaux semiconducteurs. On distingue principalement deux types
d’utilisation, celui où l’installation photovoltaïque est
connectée à un réseau de distribution d’électricité et
celui où elle est autonome.
Les installations photovoltaïques peuvent être
connectées à des réseaux de distributions.
La possibilité de stockage de l’électricité solaire
pour un usage la nuit constitue le principal maillon
faible du photovoltaïque. Les méthodes actuelles
de stockage, notamment les batteries, représentent
pour l’instant une solution trop coûteuse. L’électricité
produite à partir d’un système photovoltaïque doit
donc être consommée de manière intermittente, à
l’instant même de sa production.
Le coût de production de cette énergie est
cependant extrêmement élevé en comparaison
avec le prix moyen de l’énergie. Cependant grâce
au progrès scientifique et à la production en série,
les producteurs de panneaux solaires espèrent faire
baisser les prix de manière très importante dans les
COÛT D’INVESTISSEMENT
(M€ * MW)
prochaines années.
L’autre grande technologie de production énergétique
grâce à l’énergie solaire est le thermodynamique dont
le principe est la concentration des rayons du soleil à
l’aide de miroirs afin de chauffer un fluide caloporteur
qui permet de produire de l’électricité grâce à une
turbine mise en mouvement par ce fluide. Ce sont les
solutions dites « CSP » pour concentrated solar power.
Combiné à une autre source d’énergie qui prend le
relais la nuit tombée, le CSP permet de produire de
l’énergie en continu et reste actuellement une des
solutions les plus compétitives pour cette raison.
Le premier pays à se doter de la centrale thermosolaire à cycle combiné en Afrique du Nord a été
le Maroc avec la centrale de Aïn Beni-Mathar (472
mégawatts dont 20% en solaire) qui a été inaugurée
en mai 2010 et couvre 8,5 % de la production
électrique nationale. Des centrales du même modèle
sont en projet en Algérie et en Tunisie.
Enfin dernière application de la technologie solaire,
le chauffe-eau solaire est un dispositif de captation
de l’énergie solaire destiné à fournir partiellement ou
totalement de l’eau chaude sanitaire.
Il est difficile de comparer les différentes solutions
puisque chaque technologie a sa propre vie. Elles
sont applicables ou non dans un pays en fonction de
divers paramètres : environnement, ensoleillement,
chaleur, localisation, rentabilité attendue du capital,
taille de l’installation, coût total des systèmes
installés ou coût du crédit.
Charges d’exploitation/
investissement
Facteur de capacité
CSP
4-6
1-2%
33 %
PV
3
1-2 %
25 %
EOLIEN
1,3
1,5 - 2 %
33 %
CHARBON
1,4
1-2%
70 %
Source : Rapport (IGF France Plan
Solaire Méditerranéen)
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
76
:: Une énergie pas encore
rentable dans une vision
statique mais déjà proche
de la parité réseau
Alors que le prix de l’électricité d’origine solaire est
deux à trois fois supérieur au prix de l’électricité
d’origine fossile, de plus en plus de pays, dont ceux
en développement se lancent dans des projets de
production d’énergie solaire.
L’une des principales raisons de cet engouement pour
le solaire est d’ordre économique et stratégique. En
effet, la dépendance énergétique, la croissance de la
consommation additionnée à la flambée des prix des
hydrocarbures fossiles, font que des pays comme le
Maroc se trouvent dans une situation intenable d’un
point de vue économique et stratégique. Anticiper
cette situation constitue un élément de réponse qui
justifie le besoin de continuer à alimenter l’économie
de l’énergie dont elle a besoin. D’un point de vue
stratégique, cette option peut s’apparenter à la
sécurisation des approvisionnements en énergie tant
recherchée pour l’ensemble de ces pays.
D’autre part, la rentabilité ne s’analyse pas uniquement
d’un point de vue statique mais de façon dynamique.
Lorsqu’on parle de rentabilité dite économique, on
y intègre toutes les externalités et la capitalisation
d’expérience qui est un investissement qui amène
la rentabilité future. Ainsi, pour évaluer tous les
avantages financiers du secteur de l’énergie solaire,
il est nécessaire de se positionner bien en amont. La
rentabilité économique des projets sera atteinte lorsque
le coût de l’énergie solaire diminuera pour croiser le coût
de l’énergie de marché, soit la « parité réseau ». Toutefois
dans le cas spécifique de l’énergie solaire cette parité
réseau pourrait ne pas être atteinte avant 2020 selon
plusieurs experts ou 2015 selon les plus optimistes.
:: Les techniques de
financement des projets
solaires : pour une approche
dynamique et multiple
L’investissement de départ, appelé CapEx dans la
terminologie anglosaxonne, reste une étape assez
couteuse dans les projets solaires. Le financement et
la technique de financement utilisée sont des éléments
clef pour assurer la soutenabilité voire la rentabilité
à terme des projets solaires pour les compagnies
exploitantes.
L’enjeu des financements de projet est de réduire au
mieux les taux d’intérêt afin de pouvoir rendre ces projets
abordables dans l’amortissement annuel des coûts.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
77
Dans la région Méditerranée, les facteurs qui
pourraient assurer la soutenabilité des projets de
production d’énergie solaire sont :
- Les financements multilatéraux et bilatéraux
concessionnels par les institutions internationales et
les banques d’investissements.
- Les mécanismes carbone comme
ressource financière supplémentaire, soit un système
de compensation internationale entre le coût du
projet solaire et le coût de la centrale fossile, système
actuellement existant à un niveau jugé faible par les
pays en voie de développement
- Une interconnexion électrique avec un marché de
consommation mature et disposant d’un système
réglementaire qui favorise l’électricité produite à partir
d’énergie renouvelable –comme c’est le cas de l’Union
européenne. Cela donne la possibilité d’exporter une
partie de la production électrique de la centrale solaire
à des prix plus élevés pour stabiliser financièrement le
coût d’amortissement de la centrale.
- Attirer les fonds d’investissements privés
notamment les fonds d’investissement européens
dotés de charte d’investissement dans les énergies
renouvelables. Cependant pour attirer les fonds
d’investissements privés il faudra valoriser la
rentabilité du projet.
POINT SUR LE SOLAIRE THERMIQUE (CHAUFFE EAU SOLAIRE) AU MAROC
Alors que le Maroc dispose de nombreuses journées
d’ensoleillement par an, le taux d’équipement en chauffe eau
solaire est moindre par rapport à l’ensemble des autres pays
méditerranéens.
Néanmoins, les installations ont progressé :
aujourd’hui 250 000 m2 de capteurs solaires thermiques sont
installés contre quelque 30 000 m2 en 1999, grâce notamment
au lancement en 2000 du programme de développement
du marché marocain des chauffe-eau solaires (Promasol)
mené par le CDER (Centre de Développement des Energies
Renouvelables).
Pour une installation de base, il faudrait 2 m2 permettant de
chauffer 150 litres, soit donc 8 000 DH (environ 750€). Pour
une famille marocaine moyenne, le besoin en eau chaude est
de l’ordre de 300 litres par jour, soit 4 m2 de capteurs solaires
thermiques pour un coût de 16 000 DH (environ 1500€). Quant
à la durée d’amortissement de l’installation, elle est variable de
deux à trois années si elle est utilisée à la place d’un chauffe-
eau électrique, 5 à 6 années dans le cas où l’installation est
utilisée en remplacement du fioul.
La raison principale pour expliquer le faible équipement du
Maroc en chauffe eau solaire, est sans doute la concurrence du
gaz butane subventionné qui permet d’acheter le gaz à un prix
qui est inférieur au prix de marché ce qui produit une distorsion
de concurrence entre le gaz et le solaire thermique. Cette
politique de subventionnement du gaz est essentiellement une
politique sociale de résorption de la précarité énergétique qui a
provoqué une préférence généralisée pour une énergie fossile.
Le Maroc pourrait avoir à revoir rapidement sa stratégie de prix
subventionnés d’autant plus que la caisse de compensation qui
maintient le prix du butane en deçà du prix de marché pèse
lourdement sur les finances publiques. Développer une filière
rentable et des emplois liés au développement du solaire
thermique parait être une stratégie alternative mais recèle le
danger d’abandonner une politique sociale.
RECOMMANDATIONS :
• Mobiliser les partenariats financiers des fonds d’investissements privés (acteurs privés)
• Favoriser la participation des industriels à la soutenabilité des projets solaires par la réduction des coûts initiaux des infrastructures (Capex)
• Développer des financements concessionnels à l’ensemble de l’industrie solaire via des institutions parapubliques pour diminuer les coûts d’amortissement des projets
• Inclure les coûts globaux y compris toutes les externalités et la capitalisation d’expérience dans le montant total d’une installation productive d’énergie solaire
• Stimuler les discussions intra-européennes pour la mise en place de l’exportation des électrons verts
Inciter la démarche personnelle d’investissement de la part de l’usager par la suppression des subventions et la mise en place des crédits d’impôts pour le cas de l’équipement individuel
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
78
LE FINANCEMENT DES GRANDS PROJETS ÉNERGÉTIQUES :
COMMENT FAIRE DES PPP DE VÉRITABLES LEVIERS DE
CROISSANCE ET DE COMPÉTITIVITÉ ?
Les partenariats public-privé (PPP) jouent un rôle
de plus en plus important dans le développement
de grands projets énergétiques. Ces montages
financiers innovants présentent de nombreux
avantages pour les pouvoirs publics. Ils faciliteraient
et accéléreraient la réalisation de grands projets,
permettraient de partager les risques financiers et de
limiter les coûts d’investissement et de maintenance
supportés par l’État, tout en favorisant une meilleure
gouvernance à travers la mise en concurrence et les
objectifs de performance.
réguliers dûs à la pénurie d’énergie. Les entreprises
s’efforcent de faire face à cette situation en installant
leur propre groupe électrogène, ce qui coûte trois à
quatre fois plus cher que l’électricité obtenue à partir
du réseau électrique.
Alors que la précarité énergétique affecte le taux de
croissance économique des pays en développement
en général, il semble que les PPP peuvent jouer un rôle
non négligeable dans les projets énergétiques.
La complexité des contrats de PPP soulève cependant
de nombreuses questions. Quel cadre juridique et
institutionnel doit-on élaborer pour favoriser un
développement des PPP ? Quels choix contractuels
adéquats pour minimiser les risques inhérents à
l’exécution d’un PPP ? Ou encore comment faire
des PPP un outil de développement d’entreprises
nationales compétitives à l’international ?
:: Le manque d’infrastructures
à l’origine de la précarité
énergétique
Selon l’étude diagnostique la plus récente sur
l’infrastructure en Afrique (AICD) menée par la
Banque mondiale au nom du Consortium pour les
infrastructures en Afrique, la faiblesse du niveau
d’équipement en infrastructures entrave la croissance
économique de l’Afrique de 2 % par an et réduit la
productivité des entreprises de quelque 40 %.
A titre d’exemple, les besoins annuels en investissements
dans le seul secteur de l’infrastructure énergétique en
Afrique s’élève à environ 40 milliards de dollars par an.
Seul un Africain sur quatre a accès à l’électricité
et malgré l’électrification dans certaines villes, de
nombreux pays africains connaissent des délestages
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
79
:: Association des compétences
privées et publiques
Monter un projet en PPP consiste à associer les
compétences du secteur privé et du secteur public
afin de fournir un service qui est d’une importance
cruciale pour la stratégie de développement des
Etats. L’utilisation du modèle de financement en PPP
permet aux Etats de profiter d’un important effet de
levier sur la part de leur budget qui est allouée au
financement des infrastructures. L’Etat déconnecte
d’une part son budget de fonctionnement des coûts
opérationnels des projets et recentre son effort
financier sur l’investissement en capital. D’autre part
son désengagement de la gestion opérationnelle
de la production est aux yeux des institutions
multilatérales une démarche qui minimise les
risques de mauvais emploi des ressources et cela
peut ouvrir la possibilité de recevoir des prêts à
taux concessionnels qui allégeront le financement.
Pour créer des PPP, l’Etat doit cependant faciliter
une réglementation qui permette de distinguer les
rôles entre l’opérateur public national et les autres
compagnies pour clarifier et faciliter la relation
contractuelle entre les deux entités.
Jusqu’ici sur le continent africain, seuls l’Afrique
du Sud et le Maroc ont une loi sur la libéralisation
de la production d’électricité à partir des énergies
renouvelables. Ce qui signifie clairement que les
opérateurs privés peuvent produire à partir des
énergies renouvelables. L’intervention de l’Etat
est double. Il intervient en amont du projet pour
financer la construction ou partie de la construction
de la centrale et appuie de sa garantie financière la
recherche de prêts concessionnels pour alléger le
coût de l’investissement initial et son amortissement
(appelé CAPEX). Mais l’intervention se fait également
en aval au travers de l’opérateur d’électricité national,
sur le prix plancher de rachat du KWh qui est défini
de manière à rassurer les opérateurs financiers
sur la rentabilité du marché, ce qui constitue une
incitation sur la qualité du compte opérationnel de
l’opérateur (soit l’OPEX).
Les incitations étatiques sur le marché énergétique
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
80
doivent donc être bien pensées pour garantir un
équilibre entre les intérêts financiers et la politique
de développement de l’Etat d’une part et ceux des
compagnies afin que les opérateurs privés aient un
appétit pour répondre à des appels d’offres lancés
pour les grands projets énergétiques. L’intervention
de l’Etat n’est pas donc pas uniquement financière
puisqu’elle permet d’assurer une pérennité des
projets énergétiques par une vision politique
industrielle et sociale plus globale. Contrairement
aux pays européens, les tarifs pré-financés du
kWh n’existent pas au Maroc dans le domaine de
l’énergie renouvelable ce qui demande une capacité
d’imagination considérable afin de trouver des modes
de financement par l’achat pour réaliser ces projets.
Pour l’heure, le modèle marocain a su attirer des
financements concessionnels via les banques
multilatérales ou les agences de coopération (BAD,
KfW, BEI, banque mondiale) pour le développement
des infrastructures d’énergies renouvelables et
obtenir un kWh le moins cher possible. Pour garantir
la construction et le développement d’une capacité
de production importante d’énergie renouvelable, il
faudra cependant sécuriser un marché qui permette
de financer à terme les coûts opérationnels du projet
et l’amortissement de l’investissement.
:: Renforcement des capacités
institutionnelles de suivi
L’une des problématiques essentielles en matière
de PPP est d’avoir un interlocuteur institutionnel
ayant un savoir-faire et des capacités suffisantes
à la maîtrise de ce type de montage, c’est-à-dire
des ressources humaines capables de négocier
avec des opérateurs privés et d’avoir la technicité
financière suffisante pour conduire une stratégie de
rentabilisation du projet.
A cet effet, des programmes en matière de
renforcement de capacités institutionnelles de la
part des bailleurs de fond existent, tel est le cas de
la Banque africaine de développement ou encore
de la Banque européenne d’investissement (BEI),
qui a lancé, un programme pluriannuel d’assistance
aux PPP pour les pays méditerranéens afin de
promouvoir le recours de ces partenariats dans la
zone méditerranéenne. D’ici à 2030, ce sont plus
de 300 Mds€ d’investissements qui devront être
réalisés dans les infrastructures d’utilité collective
et on estime que les projets concernant l’énergie en
représentent la moitié.
Les partenaires méditerranéens devront ainsi
développer leur capacité à mobiliser le secteur privé et
renforcer leur attractivité aux investissements directs
étrangers. Une assistance technique sera ensuite
apportée pour accompagner quelques projets pilotes. En synthèse, il convient de rappeler que les PPP sont
certainement un des moyens les plus intéressants
pour optimiser les investissements étatiques dans les
pays en développement et dynamiser la concurrence
et l’innovation sur les marchés de la production
énergétique mais que les contraintes sur le montage
de projets en PPP sont d’ordres multiples : financières,
politiques et techniques.
Au nombre des préalables à la réussite d’un
programme de PPP figure l’existence d’un cadre
stratégique précis, d’un système juridique qui
garantit l’effectivité et le caractère exécutoire des
contrats, d’un plan d’investissement à long terme, et
d’un cadre opérationnel au sein du gouvernement en
vue d’assurer la gestion efficace du processus, toutes
choses qui nécessitent un engagement politique
ferme, de la transparence, et la stabilité à long terme.
RECOMMANDATIONS :
• Adopter un cadre juridique légal disposé à faciliter et à développer les PPP dans les projets énergétiques.
• Renforcer des capacités institutionnelles et la formation des ressources humaines nécessaire pour
la mise en œuvre des PPP
• Intégrer dans les comptes publics, la notion de ce type de partenariat
• Avoir un recours accru à des fonds d’investissement dédiés
• Favoriser la création de référentiels contractuels afin de créer des habitudes de procédure
• Attirer les fonds souverains vers les types de montage PPP
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
81
TRANSPORT ET EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE :
QUELLE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE ÉNERGIES FOSSILES ET
ÉNERGIES RENOUVELABLES?
Dans le contexte du réchauffement climatique,
l’efficacité énergétique doit se traduire par un
transport moins consommateur de carburant fossile.
L’objectif étant de réduire l’impact des véhicules
sur l’environnement et réduire ainsi les émissions
de CO2. S’ajoute à cette donne, un accroissement
futur de la demande énergétique du secteur des
transports, sous l’effet de la croissance économique
et démographique, particulièrement importante
dans les pays du sud qui augure vraisemblablement
d’une explosion de la motorisation individuelle. Une
question se pose alors : comment concilier l’objectif
de freiner la demande d’énergie fossile sans sacrifier
les bénéfices apportés par le transport en termes de
développement économique et social ?
Comment insérer la donne environnementale dans
le secteur des transports ? En d’autres termes,
comment faire en sorte d’améliorer l’efficacité
énergétique dans le secteur du transport ?
Dans les pays du sud, le secteur des transports
n’est pas le plus gourmand énergétiquement mais
il pourrait bien prendre une place de plus en plus
grande comme cela a été observé au cours des
décennies de forte croissance des pays développés.
A titre de comparaison, le taux d’équipement des
ménages en véhicules automobiles au Maroc est
de l’ordre de 65 voitures pour 1000 habitants, alors
qu’il est de 450 pour 1000 en Europe. Néanmoins,
le Maroc a connu une croissance à deux chiffres
ces dernières années en matière d’équipement de
véhicules pour les particuliers.
Au niveau national marocain, le transport représente
15 % du budget de l’Etat, 10 % d’emploi de la
population active et 35 % de la consommation
énergétique nationale.
Le transport est ainsi un secteur clé pour l’économie
nationale et les emplois qu’il génère, cependant, une
politique globale dans le transport est nécessaire
pour alléger la facture énergétique de l’Etat.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
82
:: Faire des économies
d’énergie dans le transport :
une véritable politique
multidimensionnelle est
requise.
L’amélioration du secteur des transports dans les
pays en développement en termes d’économie
d’énergie et du développement économique et social
peut se faire sous trois volets :
- Par la gestion de la mobilité : restriction
sur la vitesse maximale, amélioration du transport de
marchandises et des services de transport ferroviaire
ou maritime, amélioration du plan d’urbanisation,
sensibilisation des conducteurs à la lutte contre le
gaspillage par une conduite moins consommatrice.
-Par l’optimisation de la consommation
énergétique des véhicules : promotion de véhicules
éco-énergétiques par des dispositifs de primes
et de subventions, introduction d’un dispositif de
certification pour les véhicules neufs ; limitations des
émissions à 140 g/ CO2/km pour la moyenne des
véhicules neufs commercialisés ; Taxe écologique,
taxe sur le fioul ou taxe routière liée aux émissions,
prime à la casse des véhicules trop anciens,
incitation à l’achat de nouvelles voitures moins
consommatrices.
- Par la modification de la répartition entre
les modes de transport : campagnes d’information
et de sensibilisation ; extension des transports
publics ; amélioration de l’infrastructure de transport
grâce à des investissements dans l’infrastructure
ferroviaire ; renforcement du système de transports
publics par l’acquisition de bus éco-énergétiques,
création d’un système de bus scolaires et de couloirs
d’autobus ; soutien au transport à deux roues et
aux déplacements piétonniers; modifications de
l’aménagement territorial et régional et de quartiers
résidentiels afin d’éviter le trafic, prix des transports
collectifs attractifs (bus, tramway, train).
Au Maroc, il n’y a pas encore de stratégie politique
de transport vert mais un ensemble de mesures sont
en passe d’être prises pour améliorer les transports
et freiner l’augmentation de la consommation de
carburant fossile.
30% du prix du véhicule pour les transporteurs
routiers de marchandises et les taxis désireux
d’acquérir un véhicule neuf. Depuis le début de
l’année, la vignette automobile est désormais plus
chère que pour les véhicules les plus puissants et
la loi de finance 2011 prévoie une disposition qui
promeut l’utilisation de voitures hybrides.
:: Diffuser les meilleures
technologies existantes :
leviers d’action dans le cas du
Maroc
Le développement d’une filière verte dans le
secteur des transports par une approche intégrée de
Le rail reste un bon outil d’aménagement territorial en
termes de gestion du transport car son infrastructure
est moins spacieuse que les autoroutes et il est
moins gourmand en énergie grâce à l’évolution
technique et sa nature de transport collectif. En train,
la consommation moyenne d’un voyageur est de
0,009 litre d’essence au kilomètre alors qu’en voiture
elle est multipliée par 1,5 et par 5 en ce qui concerne
les camions.
Les générations les plus récentes de locomotive
utilisent de l’énergie électrique et affichent un
coût opérationnel plus attractif, ce qui favorise
naturellement l’investissement dans ces nouveaux
matériels. Dans le cas du Maroc, on le vérifie avec
un réseau dans lequel 75% des 2200 km du réseau
ferroviaire sont électrifiés. Cette électrification permet
une meilleure efficacité énergétique par rapport aux
locomotives fonctionnant au fioul mais son impact
environnemental en termes de rejet de gaz à effet de
serre dépend alors de la nature de la source d’énergie
utilisée pour la production électrique nationale. A
moyen terme, atteindre l’optimum entre objectifs
d’efficacité et objectifs environnementaux est un
des buts de la compagnie nationale qui projette la
construction d’un parc éolien pour produire jusqu’à
75% de ses besoins en électricité.
Concernant les véhicules automobiles, le Maroc a
adopté la norme d’émission euro 4 fixant les limites
maximales de rejets polluants pour les véhicules
neufs mais également, une prime au changement de
véhicule sous forme de subventions à hauteur de
formation universitaire, de laboratoire de recherches,
d’appui aux industries est indispensable pour
optimiser le paysage énergétique. Il faut également
relayer ces connaissances vers les décideurs et
notamment les aménageurs publics et les usagers
des transports.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
83
:: Nouvelles motorisations,
nouveaux carburants :
comment penser leur
utilisation dans le cas de
l’Afrique du Nord ?
A l’heure actuelle, les pays d’Afrique du Nord sont
parmi les pays les plus dépendants au monde des
énergies fossiles dans leur bilan de consommation
primaire d’énergie (en moyenne 95%) et cela
nécessite une vraie réflexion sur le secteur du
transport, d’autant plus que l’équipement en véhicule
individuel explose et que la facture des pays sans
ressources pétrolières suivra la même courbe.
Le deuxième axe structurel sur lequel les pays en
développement pourront fonder l’espoir d’accession
au transport et à la mobilité pour chacun est le
développement de technologies de motorisation
complètement nouvelles, déconnectées des énergies
fossiles. La diminution de la consommation du
transport routier en améliorant les performances des
véhicules ne pourront se faire sans le développement
de nouvelles motorisations et notamment de
nouveaux types de carburants.
De nombreux pays en développement ont entamé
une recherche sur l’émergence de nouveaux
carburants comme l’éthanol ou l’huile de palme,
de véritables filières ont même été créées avec
des résultats cependant inégaux. Il n’y a pas de
recette universelle à appliquer mais il convient de
réfléchir sur les technologies les moins coûteuses
pour un pays donné. Pour inciter les industriels,
les consommateurs et même le gouvernement ;
l’apport de solutions technologiques doit être un
engagement avec des retours sur investissement.
C’est la seule garantie pour faire le choix de solutions
technologiques plus efficaces.
Il est certainement nécessaire de lancer des
programmes de recherche dans le développement
des véhicules électriques, notamment pour tester
ceux utilisant des carburants alternatifs, ou
encore pour développer les technologies du long
terme comme la pile à combustible (hydrogène).
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
84
Cependant le retard manifeste sur la Recherche et
Développement des pays africains doit les inciter à
un renforcement de capacités dans les universités
et développer des filières vertes par un partenariat
Nord-Sud ou Sud-Sud avec des pays émergents
qui sur la scène internationale promeuvent d’ores
et déjà des technologies particulières comme les
biocarburants ou des pays en développement qui
sont en capacité de les produire.
Une étude géographique et stratégique des
principales localisations de la production des
énergies alternatives est sans doute nécessaire
pour prospecter la possibilité de s’approvisionner
et diversifier les sources d’approvisionnement
en carburant. A ce titre, certains pays africains
subsahariens développent d’ores et déjà des filières
de biocarburants qui peuvent à terme se consolider
si des acheteurs régionaux ont un intérêt à l’achat
de ce carburant et si le coût d’acheminement est
compétitif. Toutefois il est peu probable dans le cas
particulier des pays d’Afrique du Nord que d’autres
sources de carburant soient à court terme plus
compétitives que le pétrole.
Des options possibles mises en place dans les pays
du Nord, pourraient l’être dans les pays émergents et
en développement :
• Une défiscalisation des véhicules propres;
• Une taxation écologique sur les véhicules les plus
polluants ;
• Une certification et une normalisation technique
adaptées aux véhicules propres
• La priorité donnée au transport collectif dans les
grandes améliorations avec une circulation en site
propre et des dessertes périurbaines
Ces mesures seraient bien plus efficaces que des
aides directes à l’industrie et contribueraient en
outre au développement technologique de l’industrie
des pays du sud. Il s’agit également de penser le
cadre dans lequel des relocalisations de laboratoires
de Recherche et Développement peuvent se faire
sur les pays en développement ou promouvoir une
circularité des profils de chercheurs à haut potentiel
dans ce domaine.
POINT SUR LA VOITURE HYBRIDE AU MAROC
La voiture hybride a une motorisation associant un moteur
thermique à essence et un moteur électrique. L’un et l’autre
fonctionnent en alternance ou ensemble selon les besoins.
Elle a l’avantage de réduire la consommation et les émissions
polluantes de 15 à 50% selon le type de trajet. Depuis 2011,
le Maroc promeut l’importation de ce type de véhicule en
réduisant les droits de douanes à 2,5%. Cependant, n’étant pas
subventionné par l’Etat, la voiture dite hybride reste chère pour
l’acheteur final, le prix de vente restant 20 à 30% plus cher
qu’un modèle normal.
RECOMMANDATIONS :
• Instaurer une stratégie nationale d’efficacité énergétique dans le secteur des transports
• Repenser le transport dans un plan d’aménagement urbain qui inclut la donne environnementale : encourager les transports publics, mettre en place des voies de circulation pour les bus, installer des parcs de stationnement en périphérie ainsi que favoriser les déplacements piétons et cyclables.
• Investir dans la Recherche et Développement et développer des partenariats Nord-Sud.
• Avoir une vision globale qui intègre les externalités de coûts des énergies renouvelables dans les transports
• Promouvoir une politique volontariste d’investissement pour des transports à faible rejet de Co2.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
85
IMMOBILIER ET EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE :
COMMENT ÉLARGIR LES MARCHÉS AU SUD ?
Grand consommateur d’énergie, le secteur
de l’immobilier représente environ 40% de la
consommation totale d’énergie dans la plupart
des pays ; une part en moyenne encore plus
importante dans les pays en développement.
Alors que le secteur intègre progressivement la
nécessité de répondre aux enjeux d’efficacité
énergétique et de développement durable, des
projets pilotes émergent dans de nombreux pays
avec comme objectif le développement à terme de
bâtiments à consommation d’énergie quasiment
nulle voire producteur d’énergie. Plusieurs normes
et certifications évaluant les performances des
immeubles en matière d’efficacité énergétique et
d’impact environnemental ont vu le jour de par le
monde. Les pays du Sud ont tout intérêt à soutenir
le développement de ces nouveaux marchés car
l’efficacité énergétique dans les bâtiments est
tout à la fois une politique sociale et une politique
stratégique d’économie de l’énergie. Quels sont les
points clés des réglementations à mettre en place
? Comment peut-on envisager la mise en place de
normes et de certifications ?
Outre des gains économiques pour les habitants,
l’amélioration d’un habitat vers plus d’efficience
énergétique va de pair avec l’amélioration de la
qualité de vie, un air intérieur plus sain grâce à la
mise en œuvre d’une ventilation performante et
la réduction de l’utilisation des combustibles de
chauffe, un intérieur isolé du chaud et du froid et
une eau chaude sanitaire plus accessible. Il est
nécessaire de promouvoir de façon dynamique
les constructions basse énergie et de développer
dans les pays en développement des référentiels
de performance énergétique des bâtiments neufs
ou existants. Cela implique l’information et la
sensibilisation des professionnels de la construction
et les collectivités locales.
:: Vers un coût global du
bâtiment et une réforme de
l’aménagement urbain
Lorsque l’on parle d’établir des normes en matière
d’efficacité énergétique, il faut prendre en compte
non seulement la structure du bâtiment mais
également les externalités inhérentes au bâtiment
à savoir le choix des équipements et du transport.
Ainsi, la consommation d’énergie doit être envisagée
de manière globale : on doit intégrer la façon dont
les habitants doivent se déplacer donc la géographie
environnante, la proximité des services publics ou
des aires commerciales.
En d’autres termes, avant la construction, il y a
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
86
une prise en compte de l’ensemble des facteurs
de développement durable qui pourront affecter
l’exploitation de l’immeuble. Il s’agit principalement
du matériel utilisé, de la qualité d’ambiance et
d’air intérieur, du confort et de la productivité des
utilisateurs, de la consommation d’eau et d’énergie
et de l’émission de CO2 minimale.
:: Inciter les propriétaires
à l’investissement dans le
bâtiment efficace
La question du coût global ou même de la
consommation énergétique unitaire d’un bâtiment
doit être un des fondamentaux des prix du
marché immobilier de même que la surface ou
l’environnement du bâtiment. Pour créer une
transparence de l’information sur la qualité
énergétique d’un bien, il faut pouvoir mettre en place
une étiquette énergie dans le secteur résidentiel. La
performance en matière de chauffage /climatisation
et d’eau chaude sanitaire doit à ce titre constituer un
moyen de valoriser son bien sur le marché immobilier
pour les propriétaires.
:: Informer et sensibiliser
les usagers notamment les
classes sociales les plus
défavorisées
Les principales améliorations dans l’efficacité d’un
bâtiment ne sont parfois pas même effectuées
par les usagers des bâtiments alors qu’elles ont
un coût relativement modeste et qu’elles sont vite
rentabilisées. Ce paradoxe s’explique par le manque
d’information et de communication sur les bénéfices
et les avantages à s’équiper. Alors que l’éclairage
engloutit près d’un tiers de l’énergie consommée
dans les bâtiments, l’utilisation et le développement
d’un éclairage moderne et intelligent peut réaliser
un potentiel d’économie et répondre à une demande
croissante. Une ampoule économique consomme
cinq fois moins d’électricité qu’une ampoule normale.
Un remplacement des ampoules peut facilement
générer des économies de 100 euros (environ 1100
MAD) par an pour un ménage moyen ce qui, dans
les pays en développement plus qu’ailleurs est d’une
grande importance pour les classes moyennes ou
paupérisées.
Par ailleurs, l’efficacité énergétique d’un bâtiment
ne peut se faire sans une certaine sensibilité des
usagers face aux comportements à adopter. Il est
nécessaire de fournir aux occupants d’un logement
des informations simples leur permettant de
comprendre comment agir sur les installations pour
adapter le fonctionnement à leurs besoins, comment
maîtriser confort et consommation d’énergie et
comment maintenir les installations.
:: Relever les normes du
bâti neuf et dynamiser la
certification
Alors que 36% de la consommation énergétique
globale du Maroc sont destinés au secteur du
bâtiment, le coût supplémentaire moyen d’une
éco-construction n’excède pas 3% par rapport à
une construction classique. Le surcoût initial sera
récupéré en quelques années, grâce aux économies
d’énergie réalisées. Mais pour mettre en place une filière apte à répondre
à une demande d’écoconstruction, l’Etat peut être
amené à formuler une incitation sous la forme
d’une contrainte réglementaire afin de relever la
norme de construction qui doit s’appliquer à chaque
bâtiment neuf ou en réhabilitation. Cette contrainte
réglementaire peut s’appuyer sur un relèvement
des critères minimum d’isolation mais aussi sur un
système de certification du type HQE (Haute qualité
environnementale), Breeam (BRE Environmental
Assessment Method), Leed (Leadership in Energy
& Environmental Design) pour créer un marché
« très haute efficacité énergétique ». La certification
représente un coût important et non négligeable pour
le maître d’ouvrage mais elle permet de mettre en
place des bonnes pratiques dans la construction des
bâtiments et assurer le suivi d’un bâtiment sur le long
terme de façon à réduire efficacement l’utilisation
d’énergie. Le recours à la certification ne sera
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
87
possible de manière plus fréquente que si un travail
de sensibilisation sur toute la filière est mené, depuis
les ouvriers de chantier jusqu’au maitres d’ouvrage
et aux architectes pour valoriser les méthodes
de construction qui sont efficaces du point de vue
énergétique.
:: Des bâtiments à énergie
positive
Les bâtiments intelligents sont non seulement
énergétiquement nuls, c’est-à-dire non seulement ils
ne consomment peu ou pas d’énergie mais peuvent
également être à énergie positive, c’est-à-dire
producteur d’énergie.
Le «bâtiment à énergie positive», est un des grands
thèmes de recherche actuel, en phase avec les
exigences de performance énergétique des ouvrages
et de réduction des émissions de gaz à effet de
serre de plus en plus drastiques. L’enveloppe du
bâtiment va ainsi compléter progressivement sa
fonction initiale de protection contre l’extérieur
avec une nouvelle fonction de production d’énergie,
via une utilisation raisonnée de l’environnement
local (architecture bioclimatique, éclairage naturel,
optimisation des apports solaires, amélioration de
l’isolation…) et l’intégration d’innovations techniques
récentes ou à venir comme les panneaux solaires, les
panneaux photovoltaïques, le micro éolien, les guides
de lumière.
Au Maroc plusieurs projets pilotes sont en
construction en utilisant la technologie de biomasse
et la parabole à concentration solaire à des fins
d’expérimentation. Par ailleurs, des bâtiments à
usage collectif comme les hammams pourraient être
développés pour produire de l’électricité et de l’eau
chaude sanitaire pour tout un quartier ; pour l’instant
aucun projet pilote n’a été lancé mais l’hypothèse
reste séduisante.
:: Promouvoir la formation
Toute évolution de la réglementation doit être
soutenue par les professionnels de la construction
afin de mettre en application des réformes
pertinentes. Les professionnels du bâtiment doivent
être sensibilisés à l’éco construction, à l’éco gestion
pour que la réglementation ait une incidence effective
sur les pratiques.
Des formations dites HQE et en construction durable
pour les architectes, les ingénieurs, les ouvriers et les
promoteurs se mettent en place dans de nombreux
pays méditerranéens. Il convient cependant de les
soutenir soit par l’entremise de fonds de coopération
dédiés soit par des investissements gouvernementaux
dans les programmes de formation.
Par ailleurs, de nombreux métiers pourraient évoluer
et se créer dans le domaine de la consultance pour les
projets immobiliers, notamment dans le domaine de
la mise en conformité et l’appui technique à l’exemple
de la tâche de energy manager pour laquelle un réel
marché existe au regard du potentiel d’économie
d’énergie au sein de chaque hôtel, industrie, bâtiment
public. L’emploi d’un salarié dans ce domaine est
récupéré avec la première réalisation d’économie
d’énergie, de même cette tâche est souvent effectuée
par des consultants indépendants. Dans un pays en
développement comme le Maroc, on estime que 5000
à 10000 emplois pourraient être créés.
POINT SUR EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE MAROC
L’Agence de développement durable et de l’efficacité
énergétique (ADEREE) dispose d’un budget de 30 millions de
dollars pour constituer un plan d’action en vue de vulgariser
l’efficience énergétique dans le bâtiment.
Le code de l’efficacité énergétique dans le bâtiment est prêt,
toutefois les décrets d’application sont en attente de signature.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
88
Ce programme a pour objectif l’amélioration de l’efficacité
énergétique des bâtiments au Maroc à travers l’élaboration
et la mise en place d’une réglementation énergétique pour
les bâtiments résidentiels et tertiaires, et le développement
de normes et de guides techniques pour les professionnels du
bâtiment. Il prévoit aussi la mise en place d’une stratégie de
mobilisation des opérateurs publics et privés concernés, et la
promotion des investissements en efficacité énergétique dans
le secteur immobilier à travers la réalisation d’un portefeuille de
projets de démonstration.
Le Code de l’efficacité énergétique est un outil qui implique tous
les secteurs socio-économiques et financiers du Maroc..
Le ministère de l’Habitat a déjà co-dirigé une étude avec
l’ADEREE relative à la conception d’un Guide des bonnes
pratiques de l’efficacité énergétique dans l’aménagement
urbain et l’habitat, qui sera mis à disposition de tous les
professionnels du BTP.
Il faut cependant réalisé que la traduction de la norme à la
pratique est longue et ces normes ne pourront être réellement
appliquées que lorsque le cahier des charges du donneur
d’ordre, qui est l’Etat pour les logements sociaux, correspondra
aux normes édictées.
La loi-cadre sur l’efficacité énergétique prévoit une
réglementation visant à imposer une étude d’impact
énergétique sur les grands projets d’aménagement et un audit
énergétique obligatoire à partir d’un seuil de consommation.
Cette réglementation aura un surcoût de l’ordre de 2 à 7%, dans
le secteur résidentiel, et permettra de réaliser une réduction des
besoins de chauffage et de climatisation de 39 à 64% selon
la zone climatique. Par contre, le retour sur investissement
pour le consommateur final se fera au bout de 6 ans pour les
appartements économiques, de 5 ans pour les appartements de
standing et 10 ans pour les villas économiques.
RECOMMANDATIONS :
• Etablir une norme réglementaire en matière de qualité de la construction
• Créer des abattements fiscaux pour l’investissement dans les éco quartiers
• Développer des référentiels de l’éco-construction et éco-gestion selon la catégorie du bâtiment dans le neuf et l’existant
• Généraliser la notation énergétique des bâtiments et la rendre obligatoire
• Promouvoir des formations diplômantes et universitaires à destination des professionnels du bâtiment dans la construction durable
• Intégrer dans la notion d’efficacité énergétique toutes les externalités inhérentes au bâtiment (transports, aménagement du territoire) dans les plans d’aménagement urbain
• Création d’un guide d’usage des bâtiments à destination des habitants et sensibilisation dans les classes d’écoliers
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
89
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
90
03
COOPÉRATION ET DÉVELOPPEMENT
COOPÉRATION ET
DÉVELOPPEMENT
PAGES 90 >> 119
L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DANS LA CRISE
L’entrée en récession de l’ensemble de l’économie
mondiale a fait craindre une fragilisation accrue
des pays les moins avancées (PMA). Fortement
dépendants de l’aide internationale, ils figurent
au premier rang des victimes potentielles d’un
ralentissement de l’économie dans le monde
occidental.
Rien ne justifie pour autant un scénario pessimiste.
L’aide apportée au développement par les pays
riches s’est même renforcée dans la crise. Mieux, les
perspectives de croissance affichées par le continent
n’ont jamais été meilleures ; tout indique qu’on ne
devrait pas craindre d’effondrement africain.
:: L’aide au développement
dans la crise
Avec 123.25 milliards d’USD en 2009, les montants
affectés à l’aide au développement n’ont jamais
atteint des niveaux aussi élevés. Alors qu’on
craignait une forte baisse de l’aide bilatérale avec
la contraction des budgets nationaux au sortir de la
crise, le montant alloué à l’aide au développement
a de nouveau terminé en hausse d’un peu plus de
1% entre 2008 et 2009. Un signe encourageant, qui
montre combien la communauté internationale reste
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
92
mobilisée derrière la cause du développement.
Ces bonnes nouvelles sont d’autant plus inattendues
qu’elles interviennent alors que le processus
d’allégement de dette est arrivé à son terme pour
un certain nombre de pays bénéficiaires. L’Irak et
le Nigéria notamment, ont bénéficié d’importantes
remises de dettes entre 2005 et 2006. Dès lors,
une diminution du volume d’aide n’aurait pas été
surprenante.
Pour autant, les principaux bailleurs ont poursuivi
leurs efforts budgétaires en faveur du développement.
L’aide octroyée par les Etats-Unis, premier bailleur
mondial, a augmenté de 6,1% (en USD constants)
entre 2008 et 2009. Le budget d’aide de l’Union
Européenne a également progressé de 4.5% sur
la même période. Même le Royaume-Uni, pourtant
engagé dans un programme d’économie budgétaire
sans précédent – plus de 81 milliards de livres (130
milliards d’USD) – a maintenu son aide internationale
en hausse dans son dernier budget.
Désormais, les bailleurs traditionnels sont
également relayés dans leur action par de
nouveaux acteurs dans le paysage de l’aide
internationale. Les pays émergents, forts de leurs
performances économiques, assument un rôle
croissant dans l’aide au développement globale.
A l’image de l’Arabie Saoudite, de la Chine, de l’Inde
et du Brésil, une quinzaine de pays ont développé ces
quinze dernières années des programmes de soutien
aux pays les moins avancés. L’aide nette fournie par
ces nouveaux acteurs aurait atteint entre 12 et 14
milliards de dollars en 2009 selon l’OCDE, soit 9% de
l’aide au développement globale.
AIDE FOURNIE PAR LES PAYS LES PAYS NON MEMBRES DU
DIRECTOIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION
(DCD-DAC) – OCDE (EN MILLIONS USD)
Données :
OCDE, « Beyond the DAC ; The welcome role of
other providers of development co-operation »,
données de 2008
AUTRES : Chypre, Estonie, Islande, Lettonie,
Liechtenstein, Lituanie, Malte, Slovaquie, Slovénie,
Hongrie, Roumanie, République Tchèque, Pologne
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
93
:: L’aide publique au
développement conserve un
rôle essentiel
En Afrique, la crise a porté un coup d’arrêt brutal à
la croissance, qui est tombée d’environ 6% sur la
période 2006-2008 à 2,5% en 2009. Les PMA ont
été frappés de plein fouet par l’« effet croissance »,
conséquence de leur forte dépendance commerciale
et la chute de la consommation dans les pays
développés. Cet effet s’est accompagné d’un
tarissement de l’ensemble des financements privés
à destination des pays en voie de développement,
d’une diminution des recettes fiscales intérieures,
et de l’effondrement des envois de fonds des
émigrés.
Les effets du ralentissement de l’économie mondiale
ont affecté en premier lieu les populations les plus
vulnérables, faisant basculer près de 150 millions
personnes dans une extrême précarité. Malgré des
projections de croissance à nouveau soutenues et
une reprise des investissements étrangers vers le
continent africain en 2010, l’aide confirme son rôle
essentiel dans sa dimension contra-cyclique, faisant
office d’amortisseur des fluctuations conjoncturelles.
L’aide constitue également un soutien indéniable aux
programmes les plus importants dans la lutte contre la
pauvreté. Les investissements étrangers qui affluent à
nouveau sur le continent se concentrent essentiellement
dans les industries extractives, qu’elles soient fossiles
ou minières. Les infrastructures développées servent
essentiellement à désenclaver les zones d’extraction,
et bénéficient peu à la population ou au développement
d’un commerce régional.
L’aide au développement vient au contraire appuyer
des programmes structurants au développement de
l’environnement socio-économique des populations
locales. Elle constitue une part essentielle des
investissements dans les capacités de production
agricole, dans les infrastructures, et dans les
structures sociales. Elle apporte également un soutien
indispensable aux initiatives de promotion de la
bonne gouvernance, de lutte contre la corruption, et
1- OCDE, DAC
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
94
contribue de manière immédiate au maintien d’un
environnement politique stable. Contrairement aux
investissements étrangers, elle procède d’une logique
de long terme en s’inscrivant dans la durée. Plus que
jamais, l’aide reste essentielle pour conserver l’espoir
de réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2015.
:: Demi-teinte
Les pays en développement sont prompts à reprocher
aux pays développés de ne pas s’être tenus à leurs
engagements. Il est vrai que voilà plus de quarante
ans que les pays riches se sont engagés à consacrer
0.7% de leur PIB à l’aide au développement. S’il est
vrai que l’effort de maintien de l’aide au plus fort de
la crise financière montre bien l’attachement des
pays développés en faveur du développement, ils sont
encore bien trop loin de leurs engagements.
Autre source d’inquiétude : les plus grosses pressions
budgétaires devraient commencer à s’exercer
à compter de l’année 2011 sur les économies
développées, condamnées à résorber leurs déficits ou à
suffoquer dans le surendettement. Le choc économique
de 1991 avait déjà mené à une baisse circonstancielle
de l’aide publique au développement (APD) pendant
une décennie ; une période qui a vu la stagnation, voire
la dégradation des conditions de vie dans de nombreux
pays, principalement en Afrique. Le volume d’aide
s’était contracté de 16% entre 1993 et 1997. On ne
peut à ce stade exclure que ce schéma se reproduise.
Pour autant, l’émergence de nouveaux acteurs dans le
paysage de la coopération est en passe de renforcer les
efforts fournis par les pays développés.
Par ailleurs, l’aide publique au développement reste
encore très inégalement répartie. L’Afrique s’en est
adjugée 47.6 milliards USD, à peine un tiers, alors
qu’elle concentre le gros des besoins ; 34 parmi les 50
pays les moins avancés (PMA) se trouvent aujourd’hui
sur le continent africain. Au niveau global, 20% de l’aide
bilatérale globale revient à seulement 5 pays receveurs
– l’Afghanistan, l’Ethiopie, le Vietnam, les territoires
Palestiniens, et la Tanzanie. En Afrique, ce déséquilibre
est encore plus prononcé, avec 5 pays (sur 49) –
Ethiopie, Tanzanie, Côte d’Ivoire, RDC, et Soudan – qui
accaparent quelques 27% du total de l’APD distribuée1.
DE LA CROISSANCE À LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ :
L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT EST-ELLE EFFICACE ?
La raréfaction des ressources financières à allouer
au développement a relancé le débat sur l’efficacité
de l’aide. Certes, on ne peut nier que les 40 dernières
années ont vu des progrès substantiels réalisés
dans les conditions de vie des populations les plus
défavorisées. Depuis 1980, le nombre de personnes
vivant avec moins d’un USD par jour est passé d’1,5
milliards à 876 millions. Seuls trois pays ont un
indicateur de développement plus faible aujourd’hui
qu’en 1970. Les gens vivent globalement plus
longtemps, en meilleure santé, sont mieux éduqués,
et bénéficient d’un meilleur accès aux services et aux
biens de consommation.
Peut-on en conclure que l’aide est efficace et
que les efforts fournis par les bailleurs bilatéraux
et les organisations internationales mènent les
PMA sur la voie d’un rattrapage économique ?
L’échange d’expériences croisées aux MEDays entre
coopérations brésiliennes, allemandes et tunisiennes
a montré qu’à bien des égards, le paysage est en
trompe l’œil. :: Aide et croissance
A partir des années 1980, l’aide au développement
s’est focalisée sur les mécanismes de la croissance.
Libérer l’économie afin de stimuler la croissance
économique semblait alors être la voie la plus rapide
vers la création de richesses et la résorption des
inégalités.
Les régressions statistiques montrent que « la
corrélation entre la croissance du PIB par capita et les
indicateurs de développement non-monétaires est
quasiment nulle ». En d’autres termes, si la croissance
mène à un enrichissement de la société dans son
ensemble, elle ne contribue pas nécessairement à
une amélioration du développement humain. Quelques exemples permettent d’illustrer ce
phénomène paradoxal. L’espérance de vie a progressé
par exemple plus rapidement en Tunisie – pays qui
a connu une croissance modérée de 3% ces 40
dernières années – qu’en Chine, pays qui a pourtant
connu la plus forte croissance mondiale sur la même
période. Autres exemples frappants : l’Iran, le Togo
et le Venezuela ont connu depuis 1970 et malgré la
contraction de leur PIB, une augmentation de leur
espérance de vie de 14 ans et une progression de la
scolarisation globale de 31%.
Cette analyse est renforcée par une étude du
PNUD qui met en évidence l’inefficacité de l’aide
au développement dans sa capacité à améliorer
les performances économiques de l’Etat aidé. Dans
son rapport 2010 sur le développement humain,
le programme des Nations unies a montré que les
pays dont les performances étaient les plus faibles
par rapport à leur trajectoire de développement
escomptée (qualifiés de sous-performeurs) se
caractérisaient notamment par une aide au
développement reçue plus importante. On ne peut
donc établir de lien de causalité entre aide reçue et
trajectoire de développement.
:: Aide et pauvreté
Conscients des limites de sa politique d’aide, la
communauté internationale a réorienté ses efforts
au début des années 90 vers l’éradication de la
pauvreté. Conçue au sens large, la pauvreté inclut
des indicateurs monétaires (extrême pauvreté définie
comme le nombre d’individus vivants avec moins
d’un USD par jour), ainsi que des indicateurs de bienêtre, comme l’accès à une alimentation suffisante et
à l’éducation.
Force encore est de constater que les progrès sont
inégaux. En termes de revenus, la situation s’est
même dégradée sur le continent africain notamment:
46% de la population vit aujourd’hui avec moins d’un
dollar US par jour, contre 44% au début des années
90. A l’échelle de la planète, 400 000 personnes
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
95
ont échappé à l’extrême pauvreté depuis la mise
en œuvre des Objectifs du Millénaire. Pour autant,
la quasi-totalité se concentre dans un seul pays : la
Chine. Pire, si l’on place le seuil à 2 USD par jour,
la pauvreté a augmenté, et concerne aujourd’hui 2,7
milliards d’individus. Plus inquiétant encore, la part
de la population mondiale vivant sous le seuil de
pauvreté relative (défini à moins de 2 USD par jour),
a elle, explosée.
Les chiffres de la malnutrition ne sont guère plus
engageants. Selon la FAO, le nombre de personnes
sous-alimentées dans le monde serait en hausse
continue depuis 15 ans, passant de quelques 800
millions de personnes à plus d’un milliard aujourd’hui.
En Afrique subsaharienne, 239 millions de personnes
seraient sous-alimentées, et 578 millions en Asie/
Pacifique.
L’éducation a connu quelques progrès substantiels et
encourageants. En 10 ans, le taux de scolarisation
dans le cycle primaire est passé de 84% à 90%
dans le monde. S’il ne progresse pas suffisamment
rapidement pour garantir que l’ensemble des enfants
de la planète termineront un cycle primaire d’ici à
2015, l’amélioration reste néanmoins encourageante.
Les disparités régionales demeurent énormes, mais
des progrès très significatifs ont été enregistrés,
notamment en Afrique. De 58% en 1998, le taux
de scolarisation primaire est passé à 76% en 2009.
Dans le reste du monde, le taux d’enrôlement dans
l’enseignement primaire gravite entre 90% et 95%.
SUIVI DE L’OMD 2 : ENFANTS ACHEVANT UN CYCLE COMPLET
D’ÉTUDES PRIMAIRES (PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE)
Données :
MDG Report 2010,
Nations unies
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
Alors que l’Asie du Sud et l’Afrique du Nord sont en passe d’atteindre
l’objectif n°2 des OMD pour 2015, des efforts importants restent à
réaliser en Asie de l’Ouest et en Afrique subsaharienne.
96
:: Conclusion
Malgré les progrès accomplis, beaucoup reste à
faire pour espérer éradiquer la pauvreté dans le
monde d’ici à 2015. L’observation empirique ne
permet pas de mettre en évidence de modèle d’aide
idéal. Des efforts pour favoriser durablement la
création de richesses sont bien sûr souhaitables.
Mais la croissance à elle seule ne saurait apporter
d’amélioration aux conditions de vie des populations
sans politiques publiques redistributives volontaristes.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
97
FOCUS
COOPÉRATION TRIANGULAIRE :
QUELLE PLACE POUR DE NOUVELLES INITIATIVES DE
COOPÉRATION ?
Malgré les quelques 150 milliards USD d’aide
consacrée au développement, près de la moitié de
l’humanité vit aujourd’hui encore dans des conditions
de pauvreté extrême. Depuis les années 90 et la
Déclaration de Paris, les acteurs du développement
réfléchissent à de nouveaux mécanismes pour
augmenter l’efficacité de leur l’aide. La coopération
triangulaire (ou trilatérale) s’est imposée dans le
débat comme l’un d’entre eux. Au Sud, un grand nombre de pays s’est engagé
dans l’aide trilatérale. En Afrique, l’Egypte, le Maroc,
l’Afrique du Sud ou la Tunisie partagent leurs
connaissances au biais de coopérations triangulaires.
En Asie, on retrouve des pays tels que l’Inde, la
Malaisie, les Philippines, ou Singapour. En Amérique
Latine, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie ou
le Mexique, sont des partenaires actifs au sein de
coopérations trilatérales.
:: De quoi parlons-nous ?
Dans la plupart des cas, les pays tiers interviennent
auprès de pays de la même région. Mais il existe des
exemples de coopérations transcontinentales, comme
l’assistance fournie par le Brésil aux pays lusophones
d’Afrique et d’Asie – Angola, Mozambique, ou Timor
Oriental.
Les coopérations trilatérales sont nées de l’idée
qu’un nouveau groupe de pays dits ‘intermédiaires’
– en voie de développement rapide -, pourrait avec
succès transférer ses recettes de développement
vers des pays moins avancés (PMA), en s’appuyant
pour cela sur des financements venus du Nord.
Chaque partenaire trouverait son compte dans ce
nouveau schéma de coopération.
Les pays intermédiaires, ayant fait face à des défis
similaires à ceux auxquels sont confrontés les PMA,
sont mieux à même de fournir une assistance adaptée
aux besoins des pays récipiendaires. Transférer leurs
connaissances leur permet également de formaliser
et de rationaliser leurs modes opératoires, et
éventuellement d’en profiter pour les améliorer.
Les pays en développement bénéficient par là d’une
assistance technique plus opérationnelle, à moindre
coût, et via des partenaires qui leur sont souvent
politiquement, économiquement, linguistiquement
ou historiquement plus proches.
Les pays avancés enfin, maximisent l’efficacité de
leur aide financière, en s’appuyant sur l’expertise
technique des pays intermédiaires.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
98
Plus généralement, ces initiatives présentent non
seulement l’avantage d’impliquer tous les acteurs
de la communauté internationale dans les enjeux
du développement, mais également de renforcer la
coopération régionale, notamment au Sud.
:: La place de la coopération
triangulaire
Un nombre croissant de pays reconnait aujourd’hui
l’importance de la coopération triangulaire comme
instrument de la coopération internationale.
Pourtant, les coopérations trilatérales occupent pour
l’heure une place relativement modeste dans le
paysage de l’aide au développement. En l’absence
d’un cadre organisationnel bien déterminé, le
paysage de l’aide trilatérale reste assez fragmenté,
et se décompose en un grand nombre de petits
projets. En volume, on l’évalue à seulement 3% de
l’ensemble de l’aide allouée au développement.
:: Les conditions de la
coopération triangulaire
par un mais deux géants économiques ; celle-ci
risque alors d’affaiblir l’indépendance, l’autonomie,
voire les capacités des structures étatiques.
L’expérience montre que les initiatives de triangulation
se sont bâties sur des coopérations bilatérales
fructueuses. Elles fonctionnent d’autant mieux s’il y a
entre le Nord et le Sud et entre les pays du Sud outre
des liens préexistants, des enjeux communs à tous
les acteurs qui permettent de débloquer d’autres
barrières, notamment politiques.
La coopération triangulaire présente également
des coûts de mise en œuvre bien plus élevés que
l’aide bilatérale ; la coordination de trois partenaires
est nécessairement plus coûteuse et complexe que
lorsque seulement deux pays sont impliqués.
La coopération se concentre sur des compétences
développées par des pays dits intermédiaires qui
méritent d’être transférées à des partenaires moins
avancés. Le Brésil partage ainsi son expérience
dans la lutte contre le virus du VIH/SIDA en Amérique
Latine ; Cuba ses techniques de formation médicale
et d’exploitation agricole avec ses voisins des
Caraïbes. L’aide doit s’inscrire dans des programmes
menés par les Etats, et articulés dans des projets de
développement nationaux.
Les partenaires les moins avancés insistent sur
l’importance d’être traités avec respect et comme
de vrais partenaires de coopération. Ils se sentent
souvent plus à l’aise dans leurs rapports avec
d’autres pays du Sud, jugeant leurs relations avec
eux plus équilibrées et moins paternalistes qu’avec
les donateurs du Nord. Autre argument souvent mis
en avant par les PMA : la capacité de leurs partenaires
du Sud à mieux comprendre leurs cultures et leurs
défis de développement.
:: Risques et limites
L’arbre ne doit pourtant pas cacher la forêt. Alors
que les pays les moins avancés exaltent les vertus
d’une coopération Sud-Sud annoncée comme plus
respectueuse, les donateurs du Sud font, pour la
majeure partie, exactement ce que les donateurs
traditionnels sont appelés à éviter : ils fournissent
une aide essentiellement bilatérale, et se concentrent
sur une aide liée, et par projet.
L’aide trilatérale fait également naître un risque de
déséquilibre, lorsqu’un Etat « faible » n’est plus aidé
Enfin, le manque d’orientation stratégique pourrait se
révéler être un obstacle à la montée en puissance
de cette nouvelle forme de coopération. En l’absence
de recensement des bonnes pratiques et des
compétences transposées, les initiatives ne pourront
rester que fragmentées et limitées en volume.
ECLAIRAGE : LA ‘LIAISON’ DE
L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT
L’aide liée correspond à une pratique
ancienne de la part des pays donateurs,
qui conditionnent leur aide financière à
la manière dont celle-ci sera utilisée par
les pays bénéficiaires. Sous sa forme la
plus courante, la liaison oblige l’aide à être
dépensée en biens et services du pays
donateur.
Dénoncée depuis longtemps par les pays
en développement, l’aide liée mènerait à
un renchérissement de l’approvisionnement
de 20% à 30% selon l’OCDE (2006) ; et
donc à un affaiblissement de l’efficacité de
l’aide ! Elle reste perçue comme une forme
d’impérialisme commercial des pays avancés,
qui sous couvert d’altruisme envers le tiers
monde chercheraient avant tout à renforcer
leurs économies nationales.
Le volume de l’aide liée se situerait
aujourd’hui entre 40% et 50% du total de
l’aide au publique au développement.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
99
:: Perspectives
Le débat international sur l’aide au développement
se concentre à raison sur la lutte contre la pauvreté
dans les pays les moins avancés. Mais nous devons
prendre conscience qu’il existe un développement
au-delà du seuil d’1 ou 2 USD par jour. A ce titre, les
initiatives trilatérales sont prometteuses puisqu’elles
permettent de resserrer les liens non seulement
entre pays dits développés et en développement,
mais également entre pays développés et
« intermédiaires ».
:: Un premier pas vers un
partenariat mondial pour le
développement
On ne pourra néanmoins faire l’économie d’une
enceinte qui devra aider à canaliser les initiatives, en
mettant donateurs du Nord, pays-tiers, et pays les
moins avancés en relation de manière efficace. Dans
la Méditerranée, le Secrétariat de l’UPM ambitionne
de jouer ce rôle. Au niveau international, le Forum de
Coopération pour le Développement (DCF), crée au
sein des Nations Unies en 2005, pourrait également
avoir une place dans ce dispositif. Il sera aussi
crucial de recenser les bonnes pratiques, et de se
mettre d’accord sur un calendrier pour les diffuser
parmi les acteurs du développement.
FONCTIONNEMENT DE LA COOPÉRATION TRIANGULAIRE
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
100
PAYSAGE DE LA COOPÉRATION TRIANGULAIRE
Données :
OCDE DAC, autres
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
101
FOCUS
SPORT ET DÉVELOPPEMENT
Depuis une dizaine d’années maintenant, les pays
du monde en développement se bousculent pour
organiser les plus grandes manifestations sportives
mondiales ; Coupe du Monde et Jeux Olympiques
attirent de plus en plus d’intérêt au Sud. Après
la Chine en 2008 et l’Afrique du Sud en 2010, le
Brésil accueillera successivement deux évènements
sportifs majeurs en 2014 et 2016. Au-delà d’une
volonté d’exister, ce nouveau phénomène pose une
vraie question : le sport est-il en mesure de jouer un
rôle dans le développement économique ?
L’existence de bureaux dédiés à la question au
sein des plus grandes organisations internationales
montre qu’il s’agit là d’un vrai débat ; Le Secrétariat
Général des Nations unies, l’UNESCO, ou l’UNICEF,
disposent tous de services dédiés à la promotion du
développement de l’activité sportive.
En Octobre 2002, une équipe inter agences des
Nations unies avait conclu à l’impact décisif – et à
faible coût – que la pratique du sport pouvait avoir
vers la réalisation des Objectifs du Millénaire. Un
sentiment partagé par l’Assemblée Générale des
Nations unies, qui adoptait en 2003 une résolution
en faveur du sport comme instrument de promotion
de l’éducation, de la santé, du développement et de
la paix ; et en proclamant 2005 Année internationale
du Sport et de l’éducation physique.
Au cœur du vaste débat qui remet en cause
l’efficacité des conceptions classiques de l’aide au
développement et de l’actualité qui a placé le Brésil,
la Chine et le Maroc au cœur de l’agenda sportif
international, le temps était venu aux MEDays de
s’interroger sur le véritable rôle du sport dans le
développement économique et humain du Sud.
:: Rôle incertain
L’engouement autour de l’organisation de ‘mégaévènements’ sportifs a fait couler beaucoup d’encre
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
102
autour de l’idée selon laquelle le sport constituerait
un véritable vecteur de développement économique.
Même en période d’incertitude économique, les Etats
se bousculent pour organiser ces manifestations.
Une douzaine de dossiers étaient sur la table pour
l’organisation des coupes du monde de 2018 et 2022,
et une vingtaine de pays – dont l’Inde, l’Azerbaïdjan,
le Maroc, la Hongrie ou la Pologne – se disent déjà
intéressés par l’organisation des Jeux olympiques de
2020.
Il est indéniable que l’organisation de telles
manifestations agit comme catalyseur à
l’investissement et à la modernisation urbaine. Pas
moins de 60 milliards de dollars ont été consacrés
à l’organisation des jeux de Beijing en 2008. Pour
adapter la ville aux exigences de la manifestation
– qui ne dure tout de même que 14 jours -, la ville
a développé son réseau routier et autoroutier pour
désenclaver l’agglomération, construit un boulevard
périphérique, trois nouvelles lignes de métro et
doublé la capacité de son aéroport international.
Dans le même temps, l’Afrique du Sud a investi près
de 4 milliards de dollars en prévision du dernier
Mondial, répartis entre la construction de stades et
la modernisation des infrastructures de transport. Le
gouvernement sud-africain n’a pas caché sa volonté
d’utiliser l’état de grâce né de l’organisation de la
coupe du monde pour initier un vaste programme de
« révolution des transports », qui a vu l’accélération du
développement des projets en cours et la rénovation
du parc existant.
On ne peut également négliger la dimension
intangible de l’héritage issu de ces manifestations;
Que ce soit en termes de cohésion nationale, de
production d’idées, de diffusion de valeurs, de
notoriété du pays organisateur ou d’acquisition de
savoir faire organisationnel… les aspects sont pluri
formes. L’héritage culturel est souvent considéré
comme central ; le sport est un vecteur des
valeurs universelles de tolérance, de fraternité, et
d’ouverture. Dans un pays aussi divisé que l’Afrique
du Sud, le sport a pu contribuer à restructurer les
différentes composantes de sa population autour
d’une équipe et d’un hymne national, transgressant
– du moins temporairement – différences sociales,
couleur de peau, ou origine ethnique. En Chine, 400
millions de jeunes écoliers et collégiens auraient été
exposés aux valeurs de l’olympisme lors des derniers
Jeux Olympiques, et 550 écoles auraient participé à
des échanges sportifs et académiques avec d’autres
institutions à travers le monde.
locaux, n’est que de courte durée, et porte sur des
emplois faiblement qualifiés. Accueillir ce genre
d’évènements mène généralement à une hausse
des prix, qui affecte en premier lieu les populations
les plus défavorisées. De plus, il reste à montrer que
les investissements réalisés ne créent pas d’effet
d’éviction, en siphonnant des fonds destinés à
d’autres secteurs.
Les bénéfices liés à l’organisation de ce genre
de manifestations sportives restent pour autant
difficilement quantifiables. Par essence, l’ensemble
des indicateurs de progrès économiques et sociaux
sont ‘pollués’ par les déterminants endogènes
du développement du pays ; Quels progrès
sont directement imputables à l’organisation de
l’évènement ? Quelle part des investissements aurait
été entreprise de toute façon ? Selon le bureau de
l’UNESCO pour la Jeunesse, le Sport et l’Education
Physique, l’impact développemental de ce genre de
manifestations reste à démontrer.
sportives, mènent à une telle surestimation des
bénéfices par rapport aux coûts. La Grèce, à la
traine de la remorque européenne, misait gros sur
‘ses’ Jeux Olympiques en 2004 pour redynamiser
son économie en pleine déliquescence. Près de
15 milliards de dollars ont été dépensés dans
l’organisation des Jeux, dix fois plus que ce qui était
initialement prévu. Du faste des Jeux, l’Etat grec
ne garde qu’une facture de dépenses d’entretien
chiffrée à 500 millions d’euros annuels, et 21 des 22
sites olympiques sont aujourd’hui à l’abandon, faute
de repreneurs. Le même sort pend aujourd’hui au
nez des dirigeants Sud-africains, et les critiques se
font de plus en plus vives sur le projet londonien, la
capitale anglaise abritant les Jeux Olympiques d’été
en 2012.
La plupart des bénéfices ne perdurent pas dans la
durée. L’effet sur l’emploi, qui revient souvent dans
les argumentaires des responsables politiques
De tous les évènements mondiaux, rares sont
ceux qui, comme l’organisation de manifestations
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
103
Les comités de sélection pour l’organisation de ces
grandes manifestations sportives – que sont le Comité
International Olympique ou la FIFA – ont un rôle clef à
jouer pour favoriser la dimension développementale
des évènements qu’ils attribuent. Ils doivent plus
que jamais être attentifs à la durabilité des dossiers
qui leurs sont soumis, et à leur insertion dans une
stratégie de développement nationale. Malgré leur
volonté affichée de faire du sport un vecteur de
développement depuis deux décennies, cet objectif
ne reste pour l’instant guère plus qu’un vœu pieux.
quantité de ramifications dérivées. Au Royaume-Uni
par exemple, on estime que la valeur ajoutée des
activités sportives représente 1,7% du PIB, le chiffre
d’affaire du secteur étant comparable à celui des
secteurs automobiles et alimentaires2.
Le sport a aussi un réel impact sur le développement
humain. En termes d’éducation et toujours selon
l’ONU, la pratique de l’éducation physique à l’école
La récente attribution des Coupes du Monde 2018 et
2022 à la Russie et au Qatar est à ce titre éloquente.
Financés par les mannes gazière et pétrolière des
deux pays, les Mondiaux semblent avoir été attribués
davantage sur des considérations financières que
développementales. Face à un calendrier trop serré,
la Russie risque fort de connaître un sort similaire aux
grecs ou aux sud-africains. La désignation qatarie
est encore plus surprenante ; de l’aveu même du
gouvernement, l’organisation de la grande messe
footballistique ne devrait pas contribuer de manière
décisive au développement des infrastructures de ce
micro-Etat sans réelle culture du sport. Les stades
seront même démontés à la fin de la compétition,
pour être donnés à des pays en développement.
Reste à savoir ce que pourront entreprendre les
subsahariens avec des stades ultra modernes de
60 000 places, alors que leur population vit encore
largement sous le seuil de pauvreté.
:: Approche locale
Avoir un impact sur le quotidien des gens est
probablement la manière la plus immédiate,
opérationnelle et utile de faire du sport un véritable
vecteur de développement social. Les bénéfices du
sport à travers la société sont multidimensionnels,
autant humains qu’économiques.
Le sport est reconnu comme un catalyseur de
l’activité économique locale. Que ce soit dans
la fabrication de matériel sportif, l’organisation
de manifestations, les services liés au sport et
les médias, il est générateur d’emplois à travers
est un facteur d’amélioration de la concentration,
de l’assiduité, et des résultats scolaires dans leur
ensemble. Mais la pratique du sport joue également
un rôle dans l’épanouissement individuel et
d’intégration sociale.
Dès lors, tout doit être fait pour améliorer la pratique
de l’activité sportive ; en commençant par l’école. La
charte de l’UNESCO de 1978 sur l’éducation physique
à l’école avait fait du sport « un droit fondamental pour
tous ». Pourtant, la faible place laissée au sport dans
les projets d’éducation au Sud reflète les doutes sur
2- Selon un rapport 2003 des Nations Unies : « Le Sport au service du Développement et de la Paix : Vers la réalisation des objectifs du Millénaire
pour le Développement ».
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
104
ses bénéfices éducatifs. Véritable paradoxe pour les
pays du Sud, la jeunesse constitue près de 50% de la
population. A tort, elle est souvent perçue davantage
comme un frein au développement que comme son
principal atout. Le sport pourrait être utilisé comme un
biais pour réorienter et organiser la jeunesse, faisant
d’elle un acteur actif du développement humain
et économique du Sud. L’école, par sa dimension
universelle, pourrait à ce titre servir de relais au sport
pour sa diffusion à travers la société.
D’autres initiatives doivent permettre la diffusion
de la pratique sportive à travers la société civile
constituée, en la rendant accessible au plus grand
nombre. Le Maroc – plutôt précurseur en la matière –
s’est ainsi engagé dans la création de « Clubs sociosportifs de proximité intégrés » (CSPI), implantés
dans des quartiers populaires souvent dénués
Moncef Belkhayat,
d’infrastructures dédiées à la pratique du sport. Le
Royaume ambitionne de lancer 1 000 centres d’ici
à 2016, qui devraient bénéficier à près d’un million
de jeunes marocains. Conçus comme des lieux
hybrides, ils sont autant pensés pour la pratique de
l’activité sportive que comme des lieux de rencontre,
d’échange et d’apprentissage. A côté des terrains
de football et de basketball, on trouve ainsi un
espace bibliothèque, un accès gratuit à internet,
et une cafétéria. Les clubs incluent également
des garderies pour enfants, et des espaces de
jeux éducatifs ; preuve qu’ils ne se destinent plus
seulement aux jeunes hommes. Parmi les succès de
l’initiative, la fréquentation des établissements par
25% de femmes, qui pratiquent le sport de manière
quotidienne pour la première fois de leur vie. Sport
rime plus que jamais avec développement !
Poul Hansen,
Ministre de la Jeunesse et
des Sports du Royaume du
Maroc
François Alla Yao,
Directeur des Sports,
Secrétariat Général de la
CONFEJES
Chef de Bureau, Bureau du
Conseiller Spécial du Secrétaire
Général des Nations Unies pour le
Sport, le Développement et la Paix
Kabando wa Kabando,
Vice-Ministre de la Jeunesse
et des Sports du Kenya
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
105
L’EDUCATION AFRICAINE DANS LA MONDIALISATION
La mondialisation a accéléré la mutation du monde
et révolutionné les circuits de création de valeur.
Entre 7% et 8% des activités de production ont été
transférées dans un laps de temps très court des
pays de l’OCDE vers le bloc émergent.
Contrairement aux pays du bloc asiatique - qui ont
réussi à capter l’essentiel des activités de production -,
les pays africains n’ont pas été capables de trouver
leur place dans cette nouvelle répartition des rôles.
Leur salut pourrait venir d’un engagement volontaire
en faveur de la diversification de leurs économies
vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée ; cette
diversification ne pourra s’opérer qu’à travers un
ajustement de leurs systèmes éducatifs, piliers d’une
économie de la connaissance à inventer.
Le fossé n’a jamais semblé aussi grand entre
formations et opportunités d’emplois. Le chômage
dans la région Afrique du Nord/Moyen Orient reste
le plus élevé du monde (12,2%), talonné de près
par l’Afrique subsaharienne (9,8%). Les jeunes sont
les principales victimes du chômage ; les 15 – 24
ans représenteraient 63% des chômeurs en Afrique
subsaharienne, alors qu’ils ne constituent que 33%
de la population active. Même son de cloche en
Afrique du Nord, où le chômage des jeunes atteint
25% en moyenne. Même les jeunes diplômés peinent
à s’insérer sur le marché du travail.
Pour arriver à prendre le virage de l’économie de la
connaissance, l’Afrique doit rapidement comprendre
et s’adapter aux mutations entrainées par l’évolution
du monde.
:: Education et développement
Inutile de revenir sur une évidence. Le droit à
l’éducation est fondamental et reconnu comme tel.
Il est garanti par la majeure partie des textes relatifs
aux droits fondamentaux et humains ; A commencer
par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
qui affirme dans son article XXVI le « droit de toute
personne à l’éducation ». Dans leur agenda pour le
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
106
développement, défini sous la forme des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD) en l’an
2000, les Nations unies ont également fait d’un
enseignement primaire universel une priorité pour le
développement (OMD 2).
Penser l’éducation pose d’abord la question de son
rôle dans une société de plus en plus globalisée.
C’est d’abord l’outil indispensable d’un avancement
personnel et individuel. L’éducation est une expérience
transformative et épanouissante, et un moyen d’accès
à une large palette d’avantages économiques, sociaux,
politiques et culturels.
Mais c’est aussi un outil au service de l’avancement
de la société, contribuant à l’harmonie sociale et
à son développement économique. Quel que soit
l’indicateur de développement retenu, toutes les
études montrent un lien avec l’éducation ; Que ce soit
l’espérance de vie ou la croissance économique, tous
s’améliorent avec la qualité et le niveau de formation
des individus.
S’ils veulent réussir leur intégration dans l’économie
mondiale, les pays africains devront trouver leur
place dans une économie de la connaissance. La
démocratisation des études supérieures dans le
monde – le nombre d’étudiants aura doublé en à
peine quinze ans –, montre bien l’ampleur des
changements qui sont à l’œuvre ; de 100 millions
en l’an 2000, le nombre d’étudiants croitra à 200
millions en 2015. Mettre les politiques éducatives
en adéquation avec les besoins d’une économie
de la connaissance sera l’un des défis majeurs du
continent africain.
Quelle stratégie pour s’adapter aux mutations en
cours ? Bien sur, il y a une question de moyens. Le
sous-financement de l’éducation en Afrique est une
source chronique d’insuffisance sur le continent,
malgré des budgets en hausse et des dons annuels
en milliards de dollars de la part des acteurs du
développement. Mais le problème va bien au-delà.
:: Passer du « au cas où » au
« juste à temps »
Les changements technologiques et de productivité
ont mené à une transformation radicale des modes
de travail. La mécanisation, la révolution numérique
et l’avènement des technologies de l’information ont
décuplé la productivité individuelle ces 150 dernières
années. Ces changements ont mis fin au modèle de
l’emploi à vie, qui voyait un individu occuper un même
poste pendant toute sa carrière. Les statistiques
montrent qu’un individu occupera désormais entre
sept et douze emplois au cours de sa vie.
Cette mutation doit profondément transformer la
manière dont nous concevons l’éducation. De manière
réaliste, on ne peut plus attendre d’un système
éducatif qu’il prépare un individu pour évoluer
dans le monde professionnel de manière continue
pendant 40 ans. L’évolution permanente des savoirs
et des savoir-faire force le système de formation à
s’adapter ; les décideurs politiques doivent modeler
les systèmes éducatifs pour qu’ils collent au plus près
aux transformations de l’environnement économique.
l’avenir, va clairement dans la bonne direction. Les
pays d’Afrique devraient s’en inspirer.
Les entreprises, en tant que force d’impulsion de
l’économie et pourvoyeur d’emplois, ont un rôle
déterminant à jouer dans ce process. Elles doivent
être bien davantage associées au sein des formations
professionnelles. Certains pays ont déjà pris l’initiative
en la matière, en proposant des programmes crées et
financés par l’Etat, mais gérés de manière autonome
par des professionnels.
L’accent doit aussi être mis sur une meilleure synergie
entre formation initiale et formation continue. Les
Etats doivent se donner les moyens de coller aux
mutations rapides de l’environnement. La formation
continue est encore – à tort – trop perçue comme
une forme de déclassement, réservée aux chômeurs
en quête de reconversion. Bien au contraire, elle doit
devenir une force.
L’ancien modèle d’éducation « au cas où », qui voyait
sortir des universités des masses de diplômés, sans
poser la question du contenu de leur formation, a
plus que jamais perdu son sens. A la place, nous
devons trouver les moyens d’une éducation « juste à
temps ». Les formations doivent désormais répondre
à un besoin – quasi immédiat – du marché de
l’emploi.
Sans en revenir à un modèle d’économie planifiée,
l’anticipation des besoins reste déterminante
dans un environnement par nature mouvant. Les
formations proposées doivent s’inscrire dans des
plans de développement nationaux ; en identifiant
les domaines de développement prioritaires, les
décideurs politiques permettront aux institutions
éducatives d’amener sur le marché du travail
des gens disposant des qualifications adéquates.
L’initiative de l’Union Européenne, qui tente, par son
‘Union de l’Innovation’, d’estimer les besoins des
membres de l’UE en termes de compétences dans
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
107
:: Globalisation éducative
Parallèlement, le phénomène de globalisation à
l’échelle de la planète, s’est accompagné d’une
globalisation de la formation et des opportunités
professionnelles.
Près de 420 000 étudiants chinois suivraient tout
ou partie de leur études supérieures à l’étranger. Les
Etats-Unis, principal pays d’accueil des étudiants
en mobilité, comptent environ 600 000 étudiants
étrangers sur leurs campus, soit 20% des effectifs
mondiaux3. Les étudiants africains sont loin d’être
en reste et comptent parmi les plus mobiles de la
planète ; 200 000 jeunes s’inscriraient chaque
années dans des établissements supérieurs hors du
continent, soit 10% des étudiants africains.
La globalisation des marchés de l’emploi doit
nécessairement s’accompagner d’une « globalisation
des individus », au moins au niveau régional. Des
initiatives éducatives doivent accompagner ce
mouvement.
Avec l’appui européen, l’Office Méditerranéen de la
Jeunesse (voir page 110) est une première initiative
à aller dans ce sens. Au bénéfice des pays de la rive
sud du pourtour méditerranéen, il a pour vocation à
faciliter les échanges universitaires dans la région.
Les Etats d’Afrique ont une chance ; pour partie, leur
système éducatif supérieur est encore à construire.
Plus encore que les pays du Nord, ils ont aujourd’hui
la possibilité de le modeler en tenant compte de ces
nouveaux développements.
Si rien n’est gagné, rien n’est non plus perdu. Signe
encourageant, le Sud compte de plus en plus de
centres d’excellence, et les échanges de savoirs
commencent à fonctionner dans les deux sens.
MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS SUB-SAHARIENS DANS LE MONDE
Données :
UNESCO, « Recueil de données
mondiales sur l’éducation 2009 »
3- UNESCO, Bulletin d’information, Secteur de l’Education, Juin-Juillet 2009
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
108
DIPLOMATION DES ÉTUDIANTS EN AFRIQUE subsaharienne
Les 3 meilleurs et les 3 pires élèves du continent
Diplôme de niveau 5A : Les programmes de niveau
5A sont principalement théoriques, préparant à la
recherche (histoire, philosophie, mathématiques, etc.)
ou délivrant les qualifications suffisantes nécessaires
à des professions impliquant des compétences de
haut niveau (par exemple médecine, dentisterie,
architecture). (Définition UNESCO)
Données :
UNESCO, « Recueil de données
mondiales sur l’éducation 2009 »
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
109
FOCUS
L’OFFICE MÉDITERRANÉEN DE LA JEUNESSE
Formé en 2010 par l’association de seize pays du
bassin méditerranéen, l’Office Méditerranéen de
la Jeunesse (OMJ) s’inspire dans son principe des
grands programmes d’échanges universitaires
existants ; l’OMJ a d’abord pour but de faciliter la
libre circulation des étudiants entre pays riverains de
la Méditerranée.
Mais le programme ambitionne d’aller au-delà
du simple échange universitaire. L’Office se veut
également être un tremplin opérationnel vers
l’emploi, puisqu’il offrira un accompagnement
professionnalisant et un accès à une plateforme de
stages et d’emplois. Il permettra ainsi à des étudiants
venus du Sud non seulement d’étudier, mais aussi
d’acquérir une première expérience professionnelle
dans un pays du Nord. En favorisant la circularité des
compétences, le projet a vocation à contribuer à la
mobilisation des talents en faveur du développement
de la rive Sud du pourtour méditerranéen.
Pourront bénéficier du programme les étudiants
au niveau Master et Doctorat (soit bac+4 et bac +6
respectivement). Le projet ciblera des filières d’intérêt
méditerranéen, en tenant compte des besoins des
marchés du travail des pays membres. Un premier
groupe assez large de filières dans des domaines
jugés prioritaires pour l’avenir de la région a été
défini. Il regroupe des formations en sciences de
l’environnement, dans les nouvelles technologies, le
génie civil et le tourisme.
membres et de l’Union Européenne, un grand nombre
d’entreprises privées implantées dans les pays
membres de l’Office contribueront financièrement au
projet. Et c’est bien là la véritable innovation !
Une fois n’est pas coutume, les entreprises du Sud
sont impliquées tant dans la conception que dans la
mise en œuvre du projet. Au stade de la conception,
elles interviennent dans la définition des secteurs de
formation prioritaires ; en d’autres termes, à elles
d’indiquer de quels talents elles auront besoin pour
assurer leur compétitivité dans l’avenir. Miné par un
chômage endémique, le Sud de la Méditerranée fait
un premier pas décisif pour combler le fossé entre
jeunes diplômés et offres d’emplois.
Dans la mise en œuvre, les entreprises interviennent
à la fois en offrant des bourses de mobilité aux
étudiants sélectionnés, mais également en proposant
des stages, voire des emplois, aux jeunes talents
partis acquérir une expérience à l’étranger.
Pour surmonter les obstacles habituels à ce type
d’initiative, les pays membres se sont mis d’accord
pour faciliter les conditions d’accès, de séjour, et de
travail des étudiants en mobilité, tout en accordant
des bourses d’études aux étudiants.
En offrant un parcours balisé aux jeunes, ces
derniers voient enfin un réel intérêt à revenir au
terme de leur expérience à l’étranger pour mettre
leurs compétences au service du développement
de leur pays d’origine. Le faible taux de retour des
jeunes partis à l’étranger constituait jusqu’à présent
le principal frein à la mise en place de programmes
d’échanges méditerranéens ; on estime qu’entre
un tiers et 50% des maghrébins partis étudier
à l’étranger renonceraient à revenir chez eux.
Grâce à l’OMJ, cette barrière est en passe d’être
surmontée. L’investissement devient rentable pour
les entreprises du Sud qui restent friandes de jeunes
talents bilingues, formés à l’étranger, et bénéficient
enfin de profils en adéquation avec leurs besoins.
:: Rôle du secteur privé
:: Bon voisinage
Pour assurer son fonctionnement, l’Office s’appuiera
sur un financement tripartite : aux côtés des Etats
L’initiative est un nouveau pas en avant dans la
politique de voisinage de l’Union Européenne.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
110
Consciente de l’intérêt stratégique de la Méditerranée,
aussi bien pour sa sécurité que son approvisionnement
énergétique, l’UE a intérêt à voir la prospérité
s’installer à ses portes. Depuis quelques années,
elle multiplie les efforts pour favoriser le décollage
économique de ses voisins, à l’instar de sa nouvelle
politique de voisinage qui offre depuis 2004 une
relation politique et une intégration économique plus
poussées.
Favoriser la circulation de jeunes compétences entre
Nord et Sud correspond à une double volonté :
Afin de pérenniser leur développement économique, les Etats européens auront des besoins sans cesse croissants de
compétences techniques et scientifiques. Offrir aux meilleurs étudiants du bassin méditerranéen la possibilité d’enrichir les filières universitaires d’excellence du Nord, et d’y acquérir une première expérience professionnelle, correspond à cet impératif.
L’initiative marque aussi un renoncement à
l’approche clivante du « tout sécuritaire », qui vise à faire face à l’afflux de migrants aux portes de l’Union Européenne en verrouillant les frontières. Privilégiant une approche inclusive, l’Office Méditerranéen de la Jeunesse est un symbole de l’engagement européen à combattre les causes des phénomènes migratoires en contribuant à la prospérité de sa rive Sud.
:: (Trop) Petit-bras
Officiellement lancé simultanément dans les 16 pays
membres, le projet est actuellement rentré dans sa
seconde phase ; celle-ci touche à la sélection des
formations qui recevront le label « OMJ », et qui
pourront donc accueillir et envoyer des étudiants
dans d’autres formations labellisées. Une troisième
étape verra la sélection des candidats boursiers par
établissement, avant la rentrée universitaire de la
première promotion dès Septembre-Octobre 2011.
Entre 350 et 700 étudiants devraient bénéficier de ce
système d’échange dans un premier temps.
On regrettera néanmoins le manque d’ambition affichée
du programme. L’accès aux études supérieures reste
encore très inégal entre les rives Nord et Sud de la
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
111
Méditerranée. Le nombre de diplômés du supérieur
se maintien en dessous de 10% d’une classe d’âge
en âge d’être diplômée dans les pays du Sud de la
Méditerranée ; là où les pays européens atteignent en
moyenne 35%, voire plus de 50% pour bon nombre
d’entre eux - 52% au Danemark, ou 56% en Finlande.
Pour espérer donner une impulsion aux pays de la rive
Sud, le programme d’échange euro-méditerranéen
devra se donner les moyens de ses ambitions, en
démocratisant les échanges universitaires.
Trois axes méritent d’être creusés : son périmètre
géographique, sa dimension quantitative, et sa
dynamique interne.
A son crédit, l’OMJ a le mérite d’inclure des pays
riverains de la Méditerranée jusque là laissés en
marge de l’intégration européenne. En rejoignant
le projet d’échange méditerranéen, quatre pays de
l’ex-Yougoslavie (la Croatie, l’Albanie, la BosnieHerzégovine, et le Monténégro) font un pas de plus
vers l’intégration et la normalisation de leurs relations
avec le reste de l’Europe. Mais sur sa rive Nord,
l’OMJ laisse inexplicablement derrière lui une bonne
partie du continent ; à commencer par l’Allemagne
et l’Angleterre, qui figurent pourtant en bonne place
parmi les destinations favorites des étudiants du
Sud. Plus de 5 000 étudiants marocains choisissent
chaque année l’Allemagne pour poursuivre tout ou
partie de leurs études supérieures, tout comme 1/6
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
112
des étudiants tunisiens étudiant à l’étranger. Les
jeunes égyptiens, historiquement plus anglophones,
préfèrent le Royaume-Uni à l’Europe continentale
pour leurs études à l’étranger. En se restreignant
géographiquement aux pays ayant littéralement
un pied dans la Méditerranée, l’OMJ se prive de la
possibilité de créer une véritable intégration régionale.
L’Union pour la Méditerranée (UPM), dont l’éducation
et la recherche font pourtant partie des piliers, aurait
constitué le cadre de travail idéal à cette initiative
consensuelle, en engageant solidairement le continent
européen en faveur du développement humain en
Méditerranée.
Dans ses objectifs quantitatifs, le programme fait
également preuve d’un manque d’ambition flagrant.
Entre 300 et 700 étudiants devraient bénéficier d’une
bourse OMJ au lancement du programme ; une peau
de chagrin, compte tenu du nombre d’étudiants
désireux de poursuivre leurs études supérieures en
Europe. D’autant que l’Office se garde bien de faire des
projections chiffrées sur son éventuel élargissement
à venir. A titre de comparaison, 3 244 étudiants se
sont vus attribuer une bourse lors du lancement du
programme Erasmus en 1987. Le programme a ensuite
cru de manière exponentielle, pour bénéficier à 20 000
étudiants dans sa 3e année, et 50 000 dès 1992. Bien
sur, la complexité des échanges euro-méditerranéens
est sans commune mesure avec ceux mis en place
entre les pays européens à la fin des années 80 ; une
période de rodage est peut être nécessaire – voire
même souhaitable – pour s’assurer que le programme
apporte bien les bénéfices attendus à toutes les
parties prenantes. Mais il est indispensable qu’il soit
étendu progressivement à davantage de bénéficiaires.
Enfin, on ne manquera pas de souligner
l’unidimensionnalité du programme tel qu’il est
conçu aujourd’hui. Dans les faits, l’échange euroméditerranéen semble être conçu comme un échange
du Sud vers le Nord. Ce mouvement légitime correspond
à une aspiration des étudiants du Sud à venir étudier
au Nord. Mais pour qu’une véritable dynamique de codéveloppement partagé émerge entre les deux rives de la
Méditerranée, les échanges devront se faire à part égale
dans les deux sens. Beaucoup reste à faire en la matière.
Au jour d’aujourd’hui, si les pays du Maghreb accueillent
bien des étudiants étrangers sur leur territoire, ceuxci viennent avant tout de l’Afrique Sub-saharienne
francophone. Sur les 7 029 étudiants étrangers ayant
étudié au Maroc en 2007, 853 venaient de Mauritanie,
516 du Sénégal, 429 de Guinée, 357 du Mali et 354 de
Côte d’Ivoire. Les étudiants européens eux, restaient
bien rares sur les campus marocains.
le 4 avril 2011 une déclaration écrite demandant
à la Commission de plancher sur la création « de
programmes «Erasmus» et «Leonardo da Vinci» euroméditerranéens ». Si la base géographique retenue celle de l’Union pour la Méditerranée – semble plus
pertinente, son arrivée semble pourtant inopportune à
quelques mois du lancement de l’OMJ.
Tout est à construire dans ce programme de
mobilisation des compétences ; d’autant que depuis le
printemps arabe, les initiatives se multiplient au niveau
européen. Jamais à court d’idées, les eurodéputés
du Parlement de Strasbourg - sous l’impulsion des
eurodéputés Françoise Castex, Franziska Brantner,
Vincent Peillon, Cristian Preda et Ivo Vajgl - ont déposé
A ce stade, l’Office Méditerranéen de la Jeunesse
reste un projet quasiment unique au monde. Il faudra
une volonté politique forte et un accompagnement du
programme et de ses bénéficiaires afin d’éviter que les
échanges ne mènent à un exode des cerveaux, et qu’ils
bénéficient bien au développement des compétences
dans les pays du Sud.
L’OMJ EN CHIFFRES
Date de création : 30 avril 2010
Début du programme : rentrée 2011
Nombre d’étudiants : entre 300 et
700 par année universitaire
Pays membres : 16
L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, Chypre, la Croatie, l’Egypte,
l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Liban, le Maroc,
Malte, le Monténégro, la Slovénie, la Tunisie et la Turquie
PAYS MEMBRES DE L’OFFICE MÉDITERRANÉEN DE LA JEUNESSE
Données :
OMJ, Commission
Européenne
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
113
FOCUS
MIGRATIONS ET CIRCULARITÉ
Que ce soit sur l’ile de Lampedusa ou à la frontière
gréco-turque, l’actualité a remis en lumière les
crispations européennes face à la menace d’une
vague migratoire sur le Vieux Continent. L’immigration
vers l’Europe a pourtant toujours contribué à son
enrichissement et à son développement. Dans les
années 60 et 70, face à la pénurie de travailleurs, les
pays européens ont eu recours à une main d’œuvre
étrangère. Près de 4 millions de personnes ont ainsi
rejoint la France entre 1945 et 1975. Aujourd’hui
encore, l’immigration reste indispensable à une
Europe en manque de compétences et en proie à une
démographie moribonde.
Depuis les années 90, la dynamique des mouvements
migratoires serait néanmoins en train d’évoluer.
La Commission Globale des Nations unies sur les
Migrations Internationales notait en 2005 que de
phénomènes de migration permanents, la tendance
serait désormais à des migrations courtes, à caractère
temporaire. Correctement accompagnée, cette
immigration devenue circulaire, pourrait apporter
des réponses aux nombreux défis entourant les
phénomènes migratoires contemporains.
Dans son rapport annuel de 2005, l’OIM soulignait
les bénéfices développementaux que les migrations
circulaires pouvaient apporter aux pays en
développement. L’Organisation encourageait d’ailleurs
les pays hôte à ouvrir davantage leurs frontières
à des migrations saisonnières ou temporaires, et
de favoriser les possibilités de travail répété dans
un même secteur. Une position corroborée par la
Banque Mondiale, pour qui les migrations circulaires
présentent des opportunités importantes pour la
promotion de liens commerciaux et d’investissements
Nord-Sud, de même que de lutte contre la fuite des
cerveaux.
Certains Etats, à l’exemple de la France et de
l’Espagne, ont choisi d’accompagner ce mouvement
en accordant des visas temporaires à des migrants
dont les compétences professionnelles peuvent être
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
114
utiles à leurs économies. Retour sur la migration
circulaire, nouvelle approche d’un développement
partagé.
:: Renouveau
On les croyait enterrés. Depuis l’échec des
programmes Bracero aux Etats Unis ou Gastarbeiter
en Allemagne, les Etats du Nord avaient semble-t-il
renoncé à approcher les phénomènes migratoires par
la circularité. Entre 1942 et 1964, le programme de
migration saisonnier américain bénéficia à quelques
4,5 millions de travailleurs manuels mexicains. Au
lieu de canaliser les migrations, l’afflux de travailleurs
légaux créa un appel d’air à l’immigration illégale.
En poussant à la baisse les salaires des emplois
non qualifiés américains, le programme entraina
une crispation identitaire de l’opinion américaine et
éroda rapidement le soutien du public à l’immigration
mexicaine, fut-elle saisonnière.
La donne serait pourtant en train de changer ; avec
l’idée que les phénomènes migratoires circulaires
pourraient constituer un véritable coup de pouce au
développement des régions défavorisées.
La globalisation de l’économie mondiale a entrainé de
profonds changements dans les comportements des
migrants. Les nouvelles technologies de l’information
et de la communication ont permis aux migrants de
renforcer les liens qui les unissent à leur communauté
d’origine.
C’est particulièrement vrai à l’échelle du bassin
méditerranéen, dont les Etats riverains ont mis en
place des politiques visant à faciliter et encadrer les
phénomènes migratoires circulaires. En offrant une
alternative à l’immigration illégale, l’Europe s’initie
à un nouveau partenariat de développement par
la migration. La clef du succès : un arrangement
tripartite mutuellement bénéfique entre migrant,
pays d’origine, et pays de destination.
:: Triple entente
A l’échelle du bassin méditerranéen, les pays du
Maghreb ont été les premiers à réaliser le potentiel
qu’ils pouvaient tirer à encadrer et favoriser les
phénomènes migratoires circulaires en renforçant leur
coopération avec leurs voisins du Nord. D’une part, ils
voient revenir leurs nationaux qui ont bénéficié d’une
expérience formatrice à l’étranger. Selon la Banque
Mondiale, les migrations circulaires sont un outil
efficace de lutte contre la fuite des cerveaux.
Plus encore, les membres de la diaspora contribuent
à l’investissement dans le pays par les ressources
financières qu’ils renvoient chez eux. En 20 ans, les
transferts financiers de la diaspora sont devenus une
ressource économique déterminante pour les pays en
développement. A l’échelle de la planète, leur montant
atteignait 105 milliards de USD au début des années
2000. Aujourd’hui, ils excèderaient près de 300
milliards USD, près du triple de l’aide au développement
versée annuellement. Pour un pays comme le Maroc,
les transferts des Marocains résidants à l’étranger
(MRE) représentent 7% du PIB (6,4 milliards USD)
et 40% des recettes de devises. En Tunisie, les
transferts de fonds se chiffrent à 2 milliards USD, soit
5% du PIB. Des chiffres qui ont incités les décideurs
politiques maghrébins à s’intéresser de très près aux
phénomènes migratoires et à leur diaspora à l’étranger.
Certes, les migrants circulaires ne représentent encore
qu’une infime partie de ces transferts. Mais devant les
résistances du Nord face à l’immigration permanente,
leur part présente aujourd’hui le plus fort potentiel de
progression.
Les migrants sont également gagnants dans le schéma
de migration circulaire. Dans le cadre légal de leur
séjour, ils bénéficient souvent en plus d’une couverture
sociale et médicale, d’une aide à la réinstallation ou
au retour dans leur pays d’origine. La légalité de leur
statut leur permet de s’intégrer au sein de leur pays
d’accueil ; voire de s’impliquer dans le développement
des deux communautés. Pour eux, la possibilité de
migration circulaire est souvent vécue comme une
chance, quitter son pays définitivement étant rarement
un choix facile.
La flexibilité offerte par la migration circulaire permet
enfin aux pays d’accueil de disposer de compétences
complémentaires permettant de pallier à d’éventuelles
difficultés de recrutement ponctuelles ; Particulièrement
demandeurs, les secteurs de l’agriculture et du tourisme
ont des besoins de manœuvre saisonnière bon marché
pour faire face à leurs pics d’activité. Politiquement, les
formes de migrations circulaires sont mieux acceptées
par des opinions publiques européennes, largement
récalcitrantes aux phénomènes migratoires permanents.
Pour l’Europe, la migration circulaire est aussi vécue
comme un moyen de soulager la pression sur les
marchés de l’emploi saturés des pays émergents.
Données :
Banque Mondiale, Migration and
Remittances Factbook 2011
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
115
:: Cadre législatif
:: Les limites
Pour s’adapter à cette nouvelle réalité, les Etats du
Sud de l’Europe ont adopté une approche plus flexible
pour gérer les flux migratoires vers le continent, en
introduisant des permis de travail adaptés. L’enjeu
est de trouver la meilleure façon de gérer les flux
circulaires dans un cadre légal, au bénéfice de toutes
les parties prenantes.
Attrayante en apparence, la migration circulaire ne
constitue pas pour autant une panacée. Le caractère
temporaire de la migration n’est pas incitatif
à l’investissement dans le capital humain ; les
employeurs ont peu d’intérêt à former un employé
migrant qu’ils ne reverront jamais. De ce fait, la
mobilité verticale des migrants s’en trouve limitée ;
même dans le cadre de migrations annuelles, ils ne
peuvent espérer occuper des emplois plus qualifiés
d’une année sur l’autre. Les Etats eux même ont
tendance à se désintéresser du sort individuel des
migrants, qui n’ont aucune chance de devenir des
membres à part entière de la communauté nationale.
Pour le migrant aussi, la dimension temporaire de la
migration ne constitue pas spécialement un avantage
en termes d’intégration. Selon Elizabeth Collett du
Migration Policy Institute, la formule reste difficile à
vendre : « Comment faire accepter le message aux
migrants : Nous voulons que vous vous appreniez
notre langue et que vous investissiez dans notre
pays, mais que vous rentriez chez vous au bout de
deux ans. Je ne suis pas sûre que cet investissement
vaille le retour ». Trouver sa place dans une société
que l’on sait être voué à quitter à moyen terme n’est
pas aisé. Le migrant sera tenté de se replier vers sa
communauté d’origine, alors que les gouvernements
souhaiteraient les voir s’intégrer à la communauté
nationale.
La France délivre ainsi des permis de travail
« saisonniers » pour les ouvriers agricoles. En 2008,
7 026 titres ont été accordés à des travailleurs
étrangers, dont la moitié en provenance du Maroc.
Des accords de gestion concertée des flux migratoires
permettent à des salariés spécialisés d’obtenir des
cartes de séjour temporaires, dès lors qu’ils exercent
des professions identifiées comme « en tension »
en France. Quatorze pays sont concernés par ces
accords, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, le
Congo, le Gabon, l’Ile Maurice, la Russie, le Sénégal,
la Tunisie, le Cameroun, le Liban, la Macédoine, le
Monténégro et la Serbie.
L’Espagne de son côté, a signé des conventions
bilatérales avec divers Etats d’Amérique-Latine, mais
également le Maroc. L’accord cadre signé en Janvier
2009 permet à 25 000 marocains – dont 16 500
femmes – de travailler aux récoles de fraises dans
les champs du Sud de l’Espagne. La tendance est à la
féminisation de ces migrations ; sans s’en réclamer,
les autorités accordent les permis de travail avec une
préférence aux femmes mariées, rurales et plutôt
pauvres. Les travailleuses féminines – et qui plus
est les mères –, retourneraient plus volontiers chez
elles à l’issue de leur contrat. L’expérience Hispanomarocaine fait aujourd’hui figure de modèle, selon
l’aveu même des ONG qui encadrent les migrantes
côté marocain. Selon des données recueillies par
les fondations CIREM et Orient Occident, 70% des
femmes interrogées mettent en avant le changement
économique et financier issu de leur expérience ; le
travail saisonnier permet à certaines migrantes de
vivre toute l’année de leurs économies, de s’investir
dans l’aménagement de leur foyer, voire de démarrer
une activité économique autonome.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
116
L’expérience de migration circulaire dans les pays
du Golfe nous apprend que l’import de travailleurs
qui n’ont pas de possibilité d’accès à la citoyenneté
mène à une double société, au sein de laquelle
nationaux et non-nationaux partagent au final très
peu de choses. Un exemple à méditer, au regard des
crispations identitaires qui parcourent aujourd’hui les
sociétés européennes.
:: Conclusion
Faute de mieux, la migration circulaire est devenue
aujourd’hui le symbole d’une migration non pas
réussie mais du moins maîtrisée. Cette nouvelle
approche apparait comme un outil de gestion et de
régulation des flux migratoires, et de lutte contre
l’immigration clandestine.
Le modèle circulaire n’apporte pourtant une réponse
par bien trop imparfaite aux centaines de milliers de
migrants qui risquent chaque année leur vie pour
traverser la Méditerranée. On estime à 500 000 le
nombre de clandestins qui parviennent à franchir tous
les ans les portes de l’Europe. Pour une grande partie
d’entre eux, en provenance des zones de conflits
d’Afrique sub-saharienne ou d’Asie de l’Ouest, la
migration circulaire n’apporte aucune réponse.
Ces politiques d’ouverture peuvent néanmoins avoir
un effet bénéfique dans le voisinage immédiat de
l’Europe. Les pays du Maghreb, aux portes de l’Union,
aspirent plus que jamais au développement et à la
prospérité. A l’Europe de se montrer généreuse
et accueillante. A elle de savoir enclencher une
dynamique vertueuse, par l’échange de compétences,
et de technologies. En n’oubliant jamais qu’elle
conserve une grande partie de la misère du monde
à ses portes.
RECOMMANDATIONS :
• Renforcer la mutualisation et la coopération entre bailleurs multilatéraux et bilatéraux, et mettre en place des mécanismes d’évaluation systématiques et accessibles au public des projets financés.
• Renforcer les accords d’échanges et de mobilité internationale pour la formation professionnelle.
• Mise en place d’un cadre organisationnel pour favoriser la coopération triangulaire Nord-Sud-Sud.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
117
Développement économique, Objectifs du Millénaire
et Financements innovants : quelle approche inclusive
pour assembler le foisonnement d’initiatives autour
d’un Nouveau Cycle de Développement intégré ?
- Suleiman Al-Herbisch : Directeur-général du fonds de l’OPEP pour le Développement
- Cheick Sidi Diarra : Secrétaire-général adjoint des Nations unies, Conseiller spécial pour l’Afrique du
Secrétaire général, Haut Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral
et les petits Etats insulaires en développement
- Peter David : Ministre des Affaires Etrangères de Grenade
- Fahmi Said Ibrahim : Ministre des Affaires Etrangères de l’Union des Comores
MODÉRATION : Folly Bah Thibault, présentatrice, Al Jazeera English
Panel A2 : Aide au développement : la coopération
triangulaire Nord-Sud-Sud peut elle stimuler et
réguler le développement ?
- Adolf Kloke-Lesch : Directeur de la stratégie et des nouveaux partenariats, GTZ
- Moctar Ouane : Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération de la République de Mali
- Vince Henderson : Représentant permanent de la Dominique à l’Organisation des Nations Unies
- Alexander Trepelkov : Directeur du Bureau du Financement pour le Développement, Département des
Affaires Economiques et Sociales, Organisations des Nations Unies.
- Aurimar Jacobino de Barros Nunes : Premier Secrétaire, Coordinateur de la cooperation bilaterale et
trilatérale, Agencia Brasileira do Cooperação
- Abdelhamid Triki : Secrétaire d’Etat à la coopération internationale de la République de Tunisie
MODÉRATION : Erik Nyindu, Directeur de l’information, VOXafrica TV
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
118
Panel B2 : Pékin 2008, Afrique du Sud 2010, Brésil 2014,
Maroc 2015, Rio 2016 : le sport est-il un nouveau
vecteur de développement ?
- Golda El Khoury : Directrice de la section pour la Jeunesse, le Sport et l’Education physique, UNESCO
- Poul Hansen : Chef de Bureau, Bureau du Conseiller Spécial du Secrétaire Général des Nations unies pour
le Sport, le Développement et la Paix
- Moncef Belkhayat : Ministre de la Jeunesse et des Sports du Royaume du Maroc
- Kabando wa Kabando : Vice-ministre de la Jeunesse et des Sports de la République du Kenya
- François Alla Yao : Directeur des Programmes Education Physique et Sportive, Secrétariat général de la
Conférence des Ministres de la Jeunesse et des Sports ( CONFEJES )
MODÉRATION : Nora Fakim, correspondante, press TV
Panel C2 : Emploi, éducation et formation : le capital
humain comme moteur pour le développement
économique des pays du Sud ?
- Sheikha Rasha Al Sabah : Ancienne Sous-secrétaire d’Etat à l’Education du Koweït, Conseillère auprès du
Premier ministre du Koweït
- Jamal Rhmani : Ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle du Royaume du Maroc
- Aberrahim Sabir : Coordinateur de la Campagne Stand Up pour les Objectifs du Millénaire, Organisation
des Nations unies
- Eric Besson : Ministre de l’industrie et de l’énergie de la République française
- Najat Rochdi : Directrice-adjointe des Bureaux du Programme des Nations Unies pour le Développement à
Genève
- Torek Fahradi : Directeur des programmes Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’International Trade Center
- Joseph Mifsud : Directeur de l’Université EMUNI
-Thami Ghorfi : Directeur l’ESCA
MODÉRATION : SMRITI Vidyarthi, présentatrice, NTV Kenya
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
119
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
120
04
PRéVENTION DES CONFLITS
Prévention
des conflits
PAGES 120 >> 161
L’IMMENSE DÉFI DE LA PRÉVENTION DE CONFLITS ET
DE LA STABILISATION :
QUELLE DYNAMIQUE PEUT-ON CRÉER ENTRE LES
EFFORTS DIPLOMATIQUES ET LA SOCIÉTÉ CIVILE ?
Le concept de prévention des conflits consiste
en l’utilisation des procédés de négociation et de
médiation afin d’empêcher que les altercations
et les conflits localisés propres à toute société ne
se muent en conflits armés. Ce procédé cherche
aussi à atténuer et à absorber toutes les causes qui
provoquent l’engrenage, l’escalade et l’éclatement
d’une crise. Souvent, la prévention des conflits est
intimement liée aux efforts visant à promouvoir
le dialogue et la négociation entre les parties
belligérantes. De ce fait, les négociateurs pour la
paix commencent par aborder les causes directes
et profondes du conflit tout en limitant les moyens
qui permettraient de le faire durer. Depuis vingt ans,
de la crise somalienne à celle de la Côte d’Ivoire,
la Communauté internationale ne cesse d’améliorer
les outils et les mécanismes qui lui permettent de
juguler, prévenir et endiguer les conflits naissants.
La prévention des conflits commence par
l’information, la maîtrise des canaux qui la
transporte et surtout la transforme mais aussi par la
capacité à identifier les germes qui portent en eux la
cristallisation du pire, « cette sorte de phase gazeuse,
en attendant qu’elle devienne solide » (Joseph
Maîla). En outre, la nature des conflits n’est pas
linéaire, comme le suggère leur déroulement dans
le temps, mais circulaire avec un risque chronique
de rechute qui s’accroit avec le temps passé dans
l’expectative et l’analyse, d’où cette opposition entre
le temps de la connaissance et celui de l’action.
Les conflits et leur prévention posent également
un sérieux problème d’observation et d’analyse : le
sujet, le déroulement temporel et surtout les faits ou
plus communément appelés « les éléments ». Des
éléments quantitatifs (altercations, dégradations,
troubles de l’ordre publics ou établis, assassinats…),
des éléments institutionnels (une suspension
de la Constitution, des élections tronquées ou
détournées…) mais aussi des éléments déclaratifs
(communiqués, gesticulations verbales, discours
menaçants ou de haine…) que le cas du Rwanda
illustre tragiquement bien. Quand les institutions
vacillent ou ne fonctionnent plus, un vide est
rapidement créé faisant appel à des individus,
formations ou encore organisations pour le remplir,
d’où la notion de « Spill-over », sorte d’appel
d’air pour les puissances régionales afin qu’elles
interviennent.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
122
La notion de visibilité des conflits est aussi un
élément capital en vue de les prévenir, cependant
dans un monde de plus en plus informé, des conflits
se retrouvent totalement oubliés, gelés et éloignés
des écrans radars de la communauté internationale,
non pas liés à une violence visible mais plutôt à
une violence potentielle tout aussi susceptible de
se durcir (le conflit autour du Haut Karabakh entre
l’Azerbaïdjan et l’Arménie est, à ce sujet, significatif).
En l’absence d’une gestion proactive, résultante
également d’une exposition médiatique continue,
de tels conflits resurgissent invariablement dans le
processus politique international à une phase tardive
de leur aggravation, rendant ainsi toute intervention
ardue puisque réactive.
:: La prévention des conflits,
un concept nouveau au niveau
international
Depuis la chute du mur de Berlin, la scène
internationale a profondément changé. Cette
transformation s’est principalement illustrée par la
diminution progressive des conflits internes ou de
basse intensité, dans lesquels de nouveaux acteurs
sur l’échiquier mondial – à l’instar des organisations
internationales et régionales, des ONG, agences
humanitaires, ou même les médias jouent un rôle
de plus en plus important dans la gestion ou encore
la prévention des situations conflictuelles. Suite à
l’effondrement du bloc soviétique, le monde est ainsi
entré de plein pied dans une période nouvelle dans
l’équilibre international. Désormais, les interventions
internationales pour le maintien de la paix peuvent
être validées sans être réflexivement suspectes de
favoriser un camp ou l’autre. De ce nouvel ordre
international ont émergé un changement de doctrine
dans la conduite de la guerre et le concept de
prévention des conflits.
Face à des risques majeurs de déstabilisation
sécuritaire, la notion de prévention des conflits a
recueilli un large consensus de la part de la plupart
des instances gouvernementales, surtout au niveau du
principe, incontestablement moral et humanitaire, qui
s’en dégage. Il faut également souligner qu’il existe
une motivation financière pour les grandes puissances,
qui insistent sur le faible coût de la prévention
comparé au coût des opérations de maintien de la
paix, ou même aux opérations de reconstruction postconflictuelles. Les Etats donateurs des Nations Unies,
parmi lesquels les grandes puissances, rechignent
trop souvent à assumer leur engagement pris au titre
du financement des missions de paix (selon l’ONU,
3.72 Milliards de USD étaient toujours non-acquittés
par les pays contributeurs concernant les opérations
de maintien de la paix fin 2010).
Cela démontre la prédisposition de la communauté
internationale à agir, tout d’abord sur le plan politique
mais aussi sur le plan financier, afin que le potentiel
conflictuel ne se cristallise pas en conflit ouvert. Des
déclarations comme celle de Bamako ou celle plus
récente de Saint Boniface, respectivement émises
par l’Organisation internationale de la francophonie
en 2000 et 2006, et qui consacrent comme objectifs
prioritaires l’aide à l’instauration et au développement
de la démocratie, la prévention des conflits et le
soutien à l’Etat de droit et aux droits de l’Homme,
jumelés à celles de l’ONU, démontrent l’implication
grandissante des organisations internationales et des
grands Etats dans la prévention des conflits. Ceci
s’illustre selon la prise en considération de la rapidité
et de la souplesse de réaction aux signaux d’alerte
précoces concernant des questions sensibles avant
que celles-ci ne débouchent sur une naissance ou
une résurgence de conflits. Le fait que les autorités
ne parviennent plus à verser les salaires des
fonctionnaires, que l’État ne puisse plus assumer
ses obligations de service public, ou encore que des
militaires commencent à se mêler de la vie politique
constituent par exemple de tels précurseurs critiques.
:: Une appropriation régionale
et sous-régionale de la
nécessité de la prévention des
conflits
La plupart des conflits sont désormais internes.
Confinés au cadre national, leurs répercussions sont
néanmoins régionales voire à terme internationales.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
123
C’est pour cette raison que les politiques de
prévention, de construction ou consolidation de la
paix et de réhabilitation peuvent être imaginées
et conçues à l’échelle régionale dans un cadre
interétatique. Face à un conflit de nature nationale, il
faut agir dans un contexte plus grand en actionnant
les pays ou les organisations capables de constituer
une influence à l’intérieur du pays.
La gestion régionale ou sous régionale de la
prévention des conflits en Afrique est une idée bien
établie essentiellement dans le cadre de missions
diplomatiques, de médiation ou de mesures
d’isolement le cas échéant. On peut tout naturellement
signaler l’engagement de la Communauté économique
des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en Côte
d’Ivoire en 2003 avant la mise en place de la mission
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
124
ONUCI, la réussite de sa médiation au Togo en 2005,
mais aussi les nombreuses entrées en lice de la
Communauté de développement d’Afrique australe
(SADC) et de l’Autorité intergouvernementale pour
le développement (IGAD), notamment sur les conflits
malgaches et soudanais. Parallèlement, un système
africain de sécurité collective se constitue depuis la
création de l’Union Africaine avec le Conseil de Paix
et de Sécurité (CPS) de cette même organisation
qui n’est cependant pas comparable avec celui de
l’ONU, ce dernier restant la seule source de légitimité
internationale pour des opérations armées. Le soutien
des grandes puissances internationales demeure
en fait indispensable au vu du manque de moyens
matériels, humains et financiers des pays participants
aux opérations africaines.
La coopération et l’intégration régionale peuvent
former un ancrage à la culture de la paix, en particulier
lorsqu’elles s’articulent autour de ressources et de
besoins communs. Mais les positions et mesures
venant des grandes puissances étrangères sont
nécessaires pour soutenir la coopération à l’échelle
régionale et sous-régionale dans des domaines
sécuritaires et militaires. Ce soutien doit aussi se
faire avec une action et un engagement constants et
la défense des droits de l’homme et des réfugiés ou
favoriser les réformes concernant le secteur de la
sécurité. La société civile, y compris sa composante
économique et financière, a un rôle essentiel à jouer
dans le paradigme construction/consolidation de la
paix.
:: Consolidation de la paix,
équité et réconciliation :
l’importance de la question
mémorielle
Des leçons importantes concernant la fragilité relative
de la paix ont été tirées de précédents conflits, tant
le risque de résurgence ou d’apparition de nouveaux
conflits est grand. Il s’agit, à cet égard, de veiller à
ce que les processus de paix diffusent leurs effets
dans la population et répondent aux exigences
de justice pour ceux dont les droits ont été spoliés
afin de prévenir le risque d’éclatement de nouvelles
violences. C’est d’un travail sur le consensus national
dont il s’agit, qui mette en action une mécanique de
l’oubli jumelée à une autre du souvenir car « il faut
suffisamment se souvenir pour ne pas recommencer,
et il faut suffisamment oublier pour continuer à
vivre », comme le rappelle Joseph Maïla, directeur
de la prospective au Ministère français des affaires
étrangères et européennes. Lorsque les causes et les
conséquences profondes des conflits n’ont pas été
traitées de façon adéquate, c’est-à-dire de façon à
se prémunir de leur récurrence, un risque important
d’explosion pèse sur la construction de la paix. Il est
d’une importance majeure que les acteurs régionaux
et internationaux comprennent qu’il est tout aussi vital
de gagner la paix que de gagner la guerre et pour cela
il convient de constater que la paix doit appartenir aux
civils, à ceux qui ne se sont pas battus.
fiables afin d’arriver à appliquer une démobilisation,
une réhabilitation et un désarmement complets
des groupes combattants et solder le conflit. Ces
politiques de coopération entre le niveau régional et
international peuvent aussi fluidifier les négociations,
le renforcement des capacités régionales de maintien
de la paix, l’instauration de réseaux régionaux pour
:: Le cloisonnement des
négociations nuit à l’issue des
pourparlers de paix
Les négociations de paix mettent en contact les
individus qui ont provoqué ou entretenu un conflit
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
125
et ce, de manière formelle et officielle, alors que la
participation de la société civile dans les processus
leur fait prendre un tour décisif vers la stabilisation, ce
qui a été par exemple constaté en Afrique de l’Ouest.
Dans les années 1990, les délégués et participants des
processus de paix étaient les factions belligérantes
et les partis politiques, avec des observateurs
internationaux et des représentants d’organisations
intergouvernementales comme la CEDEAO, l’Union
Africaine et l’Organisation des Nations Unies.
celui du privé de la région du fleuve Mano (Libéria,
Sierra Leone et Guinée), parvient à endiguer la reprise
des hostilités entre les trois pays en persuadant les
gouvernements de reprendre les pourparlers. Ces
évolutions ont ainsi automatiquement donné lieu à
l’émergence de réseaux féminins plus étendus et de
campagnes de mobilisation des femmes pour la paix,
à l’image du Liberian Women’s Mass Action for Peace,
acteur clef de l’établissement de la paix au Libéria
en 2003.
La conséquence de l’enfermement des pourparlers
fut que les conflits armés se sont poursuivis au
Libéria et en Sierra Leone, les négociations de paix
ne pouvaient pas à elles seules restaurer la stabilité
dans les pays. L’incapacité des partis adverses à
conclure des accords durables, à l’instar des échecs
de l’Accord de paix d’Abidjan de 1996 et du Plan
de paix de Conakry de 1997 pour la Sierra Leone,
a favorisé un fort engagement de la société civile
dans les négociations qui ont suivi. Les acteurs
de la société civile affirmaient qu’il fallait prendre
en considération le point de vue des populations
ordinaires dans les discussions de paix. Les
capacités, talents et aptitudes des organisations
de la société civile permirent l’établissement de
conditions favorables à des négociations, d’installer
la confiance entre les parties, d’orienter la conduite et
le contenu des négociations et d’influencer la viabilité
des accords de paix. Ils veillent aussi à ce que les
adversaires puissent s’accorder sur des termes de
négociations et à ce que les traités et accords conclus
reflètent les attentes et besoins des populations. Ces
organisations ont mené, lors des négociations sur
la paix, des actions de diplomatie; elles ont incité
au compromis et surtout créé, dans bien des cas,
un climat de confiance. A la signature des accords
de paix, les associations relevant de la société civile
se sont attaqués aux questions de la compréhension
collective de ces accords en expliquant les termes
aux citoyens et en les informant sur les stratégies à
venir des dirigeants responsables.
:: Pour une stratégie
internationale de soutien à la
société civile en période de
reconstruction politique
En l’an 2000, le WIPNET, le Réseau des femmes du
fleuve Mano pour la paix, une association issue de
l’initiative conjointe de femmes occupant des postes
importants autant dans le secteur public que dans
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
126
Ainsi, le rôle que joue, avec le soutien international,
la société civile dans le cadre de la consolidation
de la paix est d’une nature capitale. Il est primordial
de soutenir les organisations civiles durant et
après les conflits afin de faciliter leur participation
à la médiation, aux négociations et aux tentatives
d’institutionnalisation du processus de paix. La
construction et la consolidation de la paix demandent
des connaissances de terrain en ce qui concerne
l’économie, la situation sociale et sanitaire. Les
acteurs de la société civile sont au fait de ces
problématiques et peuvent, de par leur expérience,
actionner des stratégies de continuation.
Dans le cadre de la reconstruction post-conflit, il
est essentiel que les organisations de la société
civile soient renforcées et capables d’assumer de
larges pans de la vie publique voire des charges
politiques, et de donner un nouveau dynamisme local
aux politiques de développement. Ces dernières, qui
jouent un rôle public plus important en période de
conflit, comme médiateurs ou comme un élément
d’apaisement, peuvent croire qu’en période de paix,
on essaie de les confiner dans un rôle plus marginal.
Cela s’explique d’ailleurs par le redéploiement des
aides qui leurs étaient acheminés vers les nouvelles
administrations officielles. Le renforcement de
la position de ces éléments au sein de grandes
organisations mixtes, comme celles qui s’occupent
des droits de l’homme, des secours, ou encore de
la reconstruction urbaine, est un aspect important
du renforcement des capacités. Les processus de
construction et de consolidation de la paix devraient
faire intervenir les acteurs de la société civile sur
tous les niveaux et même en tant que responsables
politiques où ils peuvent avoir un véritable magistère
de la parole. La promotion du principe de partage
des pouvoirs et la mise en place de procédés
politiques tangibles et démocratiques ouvrent sur
des possibilités de progressions bien réelles dans
l’objectif de la réconciliation.
Dans cette optique, le tissage des liens entre société
civile et organisations régionales ou internationales
est essentiel. A ce titre, de nombreuses initiatives
ont été lancées au niveau de l’Union Africaine pour
institutionnaliser le dialogue entre société civile
et représentants des instances supranationales,
notamment ceux du Conseil de paix et de sécurité.
Cependant, les récentes législations dans
de nombreux pays africains qui exigent des
organisations non gouvernementales que leur
financement soit pour moitié assuré par des fonds
nationaux, portent le risque de la reprise en main de
la société civile par les pouvoirs politiques, ce qui
constitue une mauvaise nouvelle pour l’avenir des
organisations de la société civile africaine.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
127
SUD SOUDAN :
NAISSANCE à hauts risques
Avec la présence de M. Salahuddine Ghazi Atabani,
conseiller politique du président soudanais, et de
M. Lam Akol, Secrétaire général du SPLM-DC,
deux hauts représentants soudanais, le forum
MEDays 2010 a pu donner écho aux interrogations,
incertitudes et espoirs qui entourent le processus
de construction de la paix au Soudan. Depuis mi
2010 et au moins jusqu’en juillet 2011, le Soudan
fera l’objet d’une attention toute particulière de la
part de la communauté internationale, car il engage
sa capacité à accompagner un processus de paix.
La réflexion entamée depuis des décennies sur un
agenda pour la paix amène le monde à un tournant
dans l’ordre international. Plus la communauté
internationale est amenée à agir, plus de nouveaux
concepts opératoires naissent et ces nouveaux
concepts deviennent de plus en plus pressants
envers les pouvoirs en place afin d’assurer la
sécurité des populations de manière effective.
peuples à disposer d’eux mêmes et le principe
de l’intangibilité des frontières coloniales, pose
ainsi une équation compliquée aux chefs d’Etat
africains, qui tous à un titre ou un autre, connaissent
la fragilité de l’équilibre communautaire et des
frontières ethniques. Le résultat du référendum
en a cependant décidé autrement ; le Sud Soudan
sera le 54ème Etat africain, ce qui constitue un
évènement sur le continent ; en effet le dernier Etat
créé, l’Erythrée en 1991, était jusqu’ici considéré
comme un cas à part puisqu’il avait fait l’objet, déjà
en 1948, d’une résolution du Conseil de sécurité de
l’ONU. L’indépendance du Sud Soudan crée donc
un véritable précédent juridique sur le continent.
Pourtant elle est issue, d’un processus politique, les
accords de paix prévoyaient qu’au terme de cinq
années les Sud Soudanais se prononceraient sur le
fédéralisme ou sur l’indépendance ; elle tire donc sa
légitimité de ce vote.
Au Soudan, nous sommes en présence d’un
processus politique né en 2005, encadré par
l’InterGovernemental Authority for Development
(IGAD), et validé par l’ONU. Ce processus a abouti
le 5 janvier 2011 à un référendum prévu dans les
accords de paix qui a acté la séparation du Nord et
du Sud du pays par 99% des votants. Durant l’année
2010 la communauté internationale et les Etats
Africains ont surveillé de très près ce processus,
toutefois il est à noter que sur le cas du Sud Soudan,
des Etats africains, et parmi eux des membres du
conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine,
s’étaient prononcés pour le report du référendum
contrairement à la majorité des membres du Conseil
de sécurité des Nations-Unies. L’inquiétude a fait
jour en Afrique au fur et à mesure que se rapprochait
l’échéance du vote soudanais, car plusieurs Etats
africains voyaient d’un mauvais œil l’indépendance
déclarée du Sud Soudan, porteuse de conséquences
sur le tracé de frontières africaines déjà fragiles.
:: Au Soudan: un dialogue
chaotique mais ininterrompu
L’opposition entre le principe de la liberté des
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
128
Avant 2005, l’armée sud-soudanaise et le
gouvernement du Nord se livraient une guerre
épisodique. Cette guerre est l’un des plus longs conflits
modernes après le conflit irlandais et le conflit israéloarabe, d’où sa nature circulaire dans laquelle on
pouvait observer tantôt des phases «chaudes», tantôt
des «refroidissements». L’échéance du référendum
laissait craindre alors aux observateurs extérieurs
que le conflit ne puisse reprendre au moment du vote.
Durant les débats du forum, M. Salahuddine Ghazi
Atabani, a néanmoins rappelé que le gouvernement
de Khartoum s’est bel et bien engagé à respecter
le résultat du référendum. Le conseiller présidentiel
revient également sur les causes du conflit : des
frontières héritées de la décolonisation, une différence
de développement entre un Nord plus développé et
un Sud enclavé, mais aussi, et surtout, la faillite de
l’élite politique de Khartoum à proposer un projet de
fédéralisme au Sud. Malgré quelques réticences sur la
question du calendrier référendaire -y compris parmi
initial. Alors qu’il était prévu depuis cinq années, les
élites politiques et les chefs d’Etat voisins ont semblé
s’alarmer au dernier moment de ce référendum
pas assez discuté entre Nord et Sud. Préalablement
au vote de janvier 2011, les autorités n’avaient pas
préparé de discussion sur le tracé des frontières,
pourtant longues de quelques 2100 kms, alors que
cette incertitude peut constituer le motif d’action
armée qui aurait pu entreprendre d’en déterminer le
tracé par la force. Toutefois, même si l’accord entre
les deux parties fut total sur les individus habilités
à voter, la question des frontières, des ressources
ainsi que celle du statut des ressortissants sud
soudanais qui vivent au Nord, n’ont pas été traitées
sur le fond dans l’hypothèse d’une séparation. Il reste
donc tout un travail à mener pour que le processus
d’indépendance du Sud aboutisse, et fait en sorte
que le dialogue continue entre les deux pays. La
période postérieure au référendum, soit les six mois
d’ici à juillet 2011, doit permettre de générer des
consensus sur toutes ces questions, sur fond d’un
affaiblissement politique du pouvoir de Khartoum et
d’une mobilisation toujours existante des milices du
Sud.
:: Le Sud Soudan face aux
défis de la construction
institutionnelle et économique
les Sud Soudanais-, les deux parties concernées ont
pourtant bien maintenu leurs engagements.
L’impréparation du processus référendaire, à l’issue
duquel les Sud-Soudanais (mais aussi les ressortissants
du Sud-Soudan dans huit pays étrangers) se sont
prononcés à 99% pour leur indépendance, avait en
effet fait craindre le pire.
A la mi-novembre, le processus d’inscription des
votants était tout juste entamé, la promulgation de
la loi sur le referendum accusait 17 mois de retard
et la commission électorale fut constituée seulement
en mai 2010. Les délais de préparation ont été
sérieusement raccourcis par rapport au calendrier
Etendu sur un territoire de 589 745 km2 contenant
une population évaluée entre 8 et 10 millions
d’habitants, le Sud-Soudan fournit au pays entier
plus de 85% de sa production pétrolière de 470.000
barils par jour, selon les estimations, soit 90% des
exportations, et ce malgré les problèmes politiques
qui le secouent. Toutefois, la valorisation et
l’exportation de cette ressource échappent largement
au gouvernement autonome de Juba, au Sud, car
c’est le Nord qui abrite les raffineries et les terminaux
portuaires pour l’exportation. Sans industrie,
l’économie du Sud est essentiellement une économie
de subsistance dépendante des capacités techniques
du Nord Soudan. Quel chemin vers le développement
choisiront les nouvelles autorités sud-Soudanaises ?
Et surtout vers quels partenaires se tournerontelles ? L’enjeu des hydrocarbures a probablement
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
129
surdéterminé les questions liées au processus de paix,
et les puissances mondiales, à l’instar de la Chine et
des Etats-Unis, qui ont soutenu les sud-Soudanais,
pourraient très bien exiger d’être remerciés en
contrats d’exploitation. La société civile, qui n’est pas
toujours très structurée au Sud-Soudan, ainsi que les
organisations internationales devront veiller à ce que
l’économie puisse répartir les richesses et profiter à
tous. Le pouvoir qui va se mettre en place devra éviter
les écueils de l’économie de rente et faire vivre un
consensus et une entente entre les différentes tribus
du sud-Soudan avec de réels investissements dans le
développement, l’éducation ou l’emploi.
Un engagement diplomatique fort est tout autant
nécessaire après le référendum car certaines
interrogations importantes ne sont toujours pas
résolues, à l’instar du tracé frontalier disputé de la
région d’Abyei et les droits liés à la citoyenneté. Un
bon nombre des inquiétudes des populations sont
toujours présentes : les tensions risquent d’augmenter
le long de la frontière entre le Nord et le Sud entre les
communautés pastorales migrantes à la recherche
d’eau et de pâturages, et les communautés locales.
La question des minorités est elle aussi toujours
sur la table, les Murles, les Kachipos, les Anyuaks,
les Jies, les Longarims, les Didingas et les Boyas
représentent les principales minorités exposées
aux attaques des Dinkas, ethnie dominante. Elles
auront besoin d’être assurées que leurs droits seront
maintenus et leur sécurité garantie par les autorités
des deux pays. La communauté internationale et le
futur gouvernement du sud-Soudan seront aussi dans
l’obligation d’investir dans la mise en place de forces
de police et de sécurité, jusqu’à présent peu formées
et mal équipées, ainsi que dans un système judiciaire
à même de satisfaire les besoins des plus vulnérables
et de garantir au gouvernement l’application de la
volonté étatique. Ces aspects sont d’autant plus
importants pour la sécurité nationale et la sécurité
internationale que le sud-Soudan se situe sur cette
diagonale de la déstabilisation sécuritaire entre les
vastes espaces désertiques que sont le Sahara et
le Sahel d’un côté et la Somalie et le Golfe Persique
de l’autre. C’est bel et bien sur cet axe difficile à
contrôler que les trafics susceptibles de déstabiliser
le plus les Etats Africains s’opèrent, drogues, armes,
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
130
trafics d’êtres humains ou de matières premières.
:: L’enjeu du développement et
le rôle de la société civile
La genèse du conflit soudanais est née de l’échec
de faire vivre une véritable solidarité nationale ainsi
qu’une équitable répartition des richesses au sein
d’un système fédéral. C’est avant tout la dynamique de
l’Etat central et sa capacité à intégrer par un modèle
politique et économique qui est en jeu. Car la stabilité
d’un Etat dépend de la capacité à rendre attractif
économiquement la détention de sa citoyenneté qui
engloberait aussi une identification culturelle et une
compréhension entre les différentes communautés.
Au Soudan ce processus de construction nationale
et étatique n’a pas pu s’enraciner au Sud, à cause,
il faut le souligner, du profond désintérêt voire un
mépris des populations du Nord envers celles du Sud.
La définition nationale de l’identité soudanaise et la
structure de l’élite restèrent extrêmement exclusives
et restrictives.
Ces processus de construction et de stabilisation d’une
identité nationale prennent des décennies et dans le
cas du sud-Soudan, l’enjeu à venir est la concrétisation
d’une indépendance politique en un véritable Etat qui
sait inclure toutes les communautés de son territoire.
Après que la communauté internationale ait fait
pression pour conserver intact le processus de paix, les
organisations de la société civile, qui travaillent, elles,
sans recours à la contrainte, doivent prendre le relais.
Elles pourront élaborer un accompagnement dans la
durée, qui bouclera la dernière étape d’une pacification
de la région. Pour entrer dans une nouvelle logique,
trois axes d’action devront être particulièrement
étudiés et travaillés : la démobilisation des soldats,
le désarmement et la réhabilitation ou insertion des
miliciens dans la société civile.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
131
Ces politiques seront à penser dans le cadre de la
création des forces de sécurité de l’Etat sud-soudanais,
afin d’inclure les miliciens dans ses forces, mais
également de désarmer ceux qui ne les intégreront pas.
Enfin la stabilité politique pourrait bénéficier du
renforcement de l’intégration régionale entre les
économies voisines. Consolider les liens économiques
entre les pays de la même sous-région, canaliser
les flux migratoires pour stabiliser les équilibres
communautaires, et stimuler les échanges commerciaux
pourraient sur le long terme renforcer la paix par des
perspectives de liberté et de développement plus
fortes. Dans le contexte actuel, la construction d’une
gouvernance réformée, consensuelle et respectueuse
des intérêts régionaux est une priorité pour le Sud
Soudan, la communauté africaine dans son ensemble
mais aussi pour la communauté internationale.
:: La géopolitique du
Sud Soudan.
La géopolitique et les intérêts économiques du
nouveau pays l’attirent vers son voisin du Nord, dont
il vient de se séparer, mais son passé politique récent
l’en détournera à coup sûr durant ses premières
années d’existence. Sur le moyen et long terme
les deux parties de ce qui constituait le Soudan
entretiendront probablement des liens économiques
très forts. La composante confessionnelle et ethnique
du nouvel Etat le poussera à intégrer, lui aussi, le
groupement sous régional IGAD (Ouganda, Ethiopie,
Kenya, Soudan, Somalie Djibouti) et notamment établir
une coopération renforcée avec trois autres des Etats
qui composent ce groupement, le Kenya, l’Ouganda
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
132
et l’Ethiopie, dont une partie de la population sont des
mêmes ethnies et de la même religion. Au sein de
l’Union africaine, très proche d’ailleurs puisque son
siège est en Ethiopie, le sud-Soudan aura vocation à
être un trait d’union entre les pays arabes africains
et les pays d’Afrique noire ; deux groupes qui se sont
affrontés, de manière feutrée mais assez significative,
lors de la question de son indépendance.
Le nouvel Etat du Sud Soudan, sera privé d’accès
direct à la mer, élément capital pour l’exportation de
matières premières et le développement du pays.
Il sera également environné de conflits non résolus
et particulièrement déstabilisateurs. Les conflits
du Darfour et du Nord Kivu sont dans des phases
d’accalmie, mais au Nord, la guerre civile en Libye
fait rage, et de l’Est à l’Ouest, une transversale
s’est constituée sur laquelle on peut situer de
nombreux groupes terroristes islamistes. Que ce
soient les groupes AQMI ou AQPA ou encore les
Chabab somaliens, tous cherchent à exploiter une
zone immense pour y établir refuges et réseaux
d’approvisionnement en armes. Le Nord du Soudan,
lui, réduira son voisinage à cinq pays dont deux font
partie de la Ligue arabe (en vert sur la carte), la Libye
et l’Egypte.
Enfin le groupement sous régional auquel le sudSoudan adhérera le plus probablement est l’IGAD,
Autorité Intergouvernementale pour le Développement
sous l’égide duquel s’est construit le processus de
paix au Soudan. C’est également le seul groupement
sous régional dans lequel collaborent des pays arabes
et des pays d’Afrique noire.
L’AFGHANISTAN :
UN LABORATOIRE DU PEACEBUILDING
En matière de gestion de crises, l’Afghanistan est
à bien des égards un cas distinct de la plupart des
conflits contemporains. L’intervention de l’OTAN en
2001 est la première intervention unilatéralement
décidée, dirigée en premier lieu contre une
infrastructure terroriste (Al-Qaïda) et contre le
régime qui l’abritait sur son territoire (le régime
des Talibans). Pour la première fois également, le
déploiement de l’OTAN a été effectué en application
de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui garantit
l’entrée en guerre des alliés pour protéger l’un des
signataires agressés. Cette intervention n’a pas été
mandaté directement par le Conseil de Sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, mais celui-ci avait
néanmoins réaffirmé dès le 12 septembre 2001 « un
droit à l’autodéfense, individuelle ou collective »1.
Un large consensus international avait consenti
à cette opération, qui reposait sur des bases
légales notamment sur l’obligation de combattre le
terrorisme, de lui couper ses sources de financement
et de lui dénier tout refuge territorial, énoncées dans
les résolutions 1269 (1999) et 1373 (2001).
guérilla armée des Talibans alimentée dès 2005 en
techniques de combat et en hommes par un autre
foyer de conflit : l’Irak. L’intervention de la coalition
a remporté un succès rapide sur le terrain les
premiers mois mais n’a pas su consolider la paix.
Cette intervention pose par extension le problème
de la façon dont la communauté internationale peut
créer une dynamique pérenne de « peacebuilding »,
un processus de construction et de solidification
institutionnelle pour préparer le départ de l’opération
de maintien de la paix. Suite à la victoire remportée
par l’OTAN sur le terrain, l’organisation des NationsUnies a décidé de gérer la paix par la procédure
classique inscrite au chapitre VII de la charte qui
commande les opérations de maintien de la paix.
L’International Security Afghan Force (ISAF)2 a été
:: La fin du consensus politique
afghan sur fond de problème
sécuritaire
Dès octobre 2001, la progression des troupes de
l’OTAN s’est appuyée sur la création d’une coalition
afghane, regroupant une partie des belligérants de la
guerre civile (1991-2001) et notamment les troupes
de l’Alliance du Nord, composées essentiellement de
combattants de l’ethnie tadjike, minoritaire dans le
pays. Les accords de Bonn du 5 décembre 2001 ont
validé la présidence d’Hamid Karzaï, issu de l’ethnie
pachtoune majoritaire, un président réélu en 2009 au
terme d’un scrutin contesté. En effet, neuf années
après les accords de Bonn, le front uni des chefs de
guerre et des multiples ethnies afghanes s’est fissuré
sur fond d’une dégradation de la situation sécuritaire.
Depuis 2006, le pays connait une renaissance de la
1- Résolution 1368
2- Résolution 1368 du 20/12/2001
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
133
créée dès décembre 2001 sous la forme d’un mandat
onusien. Mais dès 2003, à l’initiative des Etats-Unis
et du Royaume Uni, le Conseil de Sécurité accepte le
principe de la placer sous le commandement unifié
de l’OTAN pour en garantir l’efficacité et la réactivité.
Le forum MEDays 2010 a réuni un panel d’experts et
d’élus afghans, mais aussi américains et pakistanais,
afin de cerner les raisons de l’échec relatif de la
communauté internationale à consolider un Etat
afghan indépendant, soutenu par sa population.
:: Des institutions et des
pratiques démocratiques en
mal de réforme
Parmi les panélistes, le Dr. Abdullah Abdullah leader
politique de l’Alliance du Nord, a participé aux
gouvernements de coalition en tant que chef de la
diplomatie. Il est désormais l’opposant au président
Karzaï qui a le plus grand poids politique. Lors de
l’élection présidentielle de 2009, il est arrivé en
seconde position avec près d’un tiers des votes avant
de se retirer de l’élection la jugeant inéquitable et
soupçonnant le président sortant d’en avoir trafiqué
les résultats; Hamid Karzaï a donc été réélu par
défaut. Le scrutin ne sera pas reconduit et la réaction
de la communauté internationale n’est pas allée audelà d’un rappel des principes démocratiques, sans
qu’elle ne désavoue politiquement Hamid Karzaï.
L’analyse de l’opposition afghane est que le cadre
de gouvernance appliqué a consacré la déconnexion
entre gouvernement et population à cause de la
centralisation excessive et le défaut d’équilibre entre
les différents pouvoirs. Sabrina Sagheb, députée
afghane et panéliste du MEDays 2010 explique que
le renversement du régime taliban par la coalition
a certes permis aux femmes d’avoir de nouveau un
rôle public dans la société afghane, mais qu’elle ne
se représentera pas aux législatives prévues depuis
octobre 2010 -mais non tenues jusqu’ici- car elle
estime que le Parlement est une façade démocratique
sans réel pouvoir, situation qu’elle ne souhaite plus
cautionner. Le Président dirige par des décrets, qu’il
met en application quand bien même le Parlement
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
134
s’y oppose. Cette nouvelle représentativité des
femmes et de la société civile est donc suspectée de
n’être limitée qu’à un pouvoir de consultation sans
pour autant permettre une responsabilité politique
du Parlement. L’opposition afghane est donc d’avis
qu’une réforme constitutionnelle est nécessaire et
qu’elle devra consacrer une responsabilité effective
du gouvernement devant le Parlement national.
La corruption favorisée par la faible rémunération des
autorités administratives sur le terrain est devenue
endémique; on estime qu’elle représente 250 Millions
USD par an pour l’un des pays les plus pauvres de la
planète. Cette situation a pour conséquence directe
la fragilisation des représentants du gouvernement
central dans les régions et favorise la stratégie des
Talibans qui s’en prennent directement aux personnes
physiques représentantes de l’autorité publique
pour décourager les efforts de reprise en main et
paralyser les moyens d’action du gouvernement. Les
populations, écœurées par le manque d’efficacité
et d’avancée des projets de développement, se
tournent de plus en plus vers la force des Talibans.
« La désapprobation morale du régime, son absence
sur le terrain et la crainte qu’inspirent les forces
rebelles, forment la conjonction d’éléments qui
favorise la protection des Talibans par la population
et le renouveau de la guérilla », déclare notamment
Keith Ellison, membre de la commission des Affaires
étrangères de la chambre des Représentants des
Etats-Unis. Avant de compléter par l’idée d’un sursaut
de la politique de développement qui pourrait suivre
le sursaut militaire qui a été décidé en 2008 par le
Président Obama.
:: Donner la priorité au
développement économique
L’aspect central d’une vraie politique qui peut
diminuer le poids des Talibans est la préoccupation
pour le développement économique. Sept afghans
sur dix n’ont toujours pas d’accès à l’électricité et
cette situation limite la capacité du gouvernement à
les soutenir et communiquer avec eux, ainsi que la
perception qu’ont les afghans de la progression de
leur cadre de vie. Sans électricité, les moyens de
communication radio ou téléphonique n’existent pas,
les hôpitaux ne peuvent fonctionner, les techniques
agricoles modernes ne peuvent se propager. Ce
délaissement favorise en fait le développement de
la culture du pavot, ainsi que la famine. Enfin sans
éclairage les progrès du système éducatif ou de
l’enseignement demeurent limités.
répondre aux besoins de base ; plus de 2000 cas de
choléra ont été déclarés dans la capitale sur l’année
2009. En la matière, si la coalition de l’OTAN maintient
que son objectif est de consolider le gouvernement
afghan, elle devra faire en sorte que de son côté de la
ligne de front les populations aient des conditions de
vie significativement meilleures.
L’absence d’une véritable stratégie économique
de développement et d’un support international
pour la reconstruction a d’emblée condamné le
gouvernement afghan à fonctionner avec des moyens
réduits, et pour tout dire inefficace, afin de lutter
contre la paupérisation de la population. Entre 2001
et 2010 on estime que la population de Kaboul a
quadruplé sans que les services publics ne puissent
:: Perpétuer un soutien régional
et international
La stabilité en Afghanistan intéresse le Pakistan
pour des raisons internes ; car durant la décennie de
guerre civile afghane ce dernier a vu affluer un flot de
deux millions de réfugiés afghans. Le pays pourrait
par conséquent souffrir à nouveau si la stratégie de
sortie de crise de l’ONU ne garantit pas la stabilité
de son voisin. Le Pakistan conserve une relation
compliquée avec l’Afghanistan, car ses forces de
sécurité sont soupçonnées d’avoir entretenu des
relations de collaboration avec le régime taliban dans
le passé -sans même parler des soupçons que ses
liens se soient perpétués aujourd’hui. Politiquement
les islamistes sont partie prenante de la vie politique
et sécuritaire du Pakistan, et la guerre de la coalition
internationale contre eux s’est déplacée dans les
« zones tribales » du Nord-Ouest du pays, au Waziristân
notamment. Toute l’évolution politique en Afghanistan
a un impact au Pakistan. En sus faut il considérer que
les montagnes afghanes constituent, aux yeux des
militaires pakistanais, une profondeur stratégique
dans le face à face avec l’Inde. La vallée de l’Indus,
foyer économique du Pakistan, est extrêmement
vulnérable à une éventuelle invasion terrestre. Dans
les scenarii d’un éventuel conflit conventionnel avec
l’Inde, les stratèges pakistanais considèrent comme
dangereux qu’un régime inamical puisse s’installer en
Afghanistan. Cette perméabilité entre les problèmes de
l’Afghanistan et ceux du Pakistan posent un problème
stratégique majeur à la communauté internationale,
qui a tenté de le solder avec une déclaration conjointe
de Kaboul en décembre 2002 dans laquelle les
deux pays s’engagent à une non-ingérence dans les
affaires de l’autre et à une relation de bon voisinage.
En l’absence d’un système de gouvernance fort et
crédible, et si le retrait des troupes de l’OTAN est
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
135
achevé en 2014, (tel que prévu par l’organisation),
le scénario de la reconquête de l’Afghanistan par
les forces talibanes deviendra possible, ouvrant la
possibilité qu’un sanctuaire terroriste renaisse. Le
Pakistan ou certains des membres de son appareil
d’Etat a déjà fait ce calcul.
Les objectifs de l’opération internationale en
Afghanistan seront dès lors compromis à long
terme. Ces paramètres rendent nécessaires le
rétablissement d’un Etat légitime et le déblocage
d’un soutien économique international. A l’aune des
discussions sur les questions de reconstruction et
d’aide internationale, on pourra conclure encore une
fois que sans gouvernance crédible et efficace, cette
aide sera aussi ruineuse qu’inutile.
Intensité des violences en Afghanistan par région
Sources :
icasualties.org, nato.int/ISAF
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
136
Les panels de discussion du MEDays 2010 consacrés à la prévention des
conflits, au Soudan et à l’Afghanistan :
Résolution des crises, prévention des conflits et
sécurité globale :
comment renforcer les institutions régionales ?
- Grigol Vashadze : Ministre des Affaires étrangères de la République de Géorgie
- Göran Lennmarker : Président du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), ancien député
européen, ancien président de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération
en Europe
- Moctar Ouane : Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de la République de Mali
- Bakary Fofana : Ministre des Affaires étrangères de la République de Guinée
- Mohamed Mahmoud Ould Mohamedou : Professeur associé à l’Institut des études internationales de
Genève, ancien ministre des Affaires étrangères de la République islamique de Mauritanie
MODÉRATION : Raghida Dergham, journaliste et correspondante diplomatique,
Al Hayat
Comment renforcer la prévention des conflits et le
maintien de la paix en Afrique ?
Ghazi Salahuddine Atabani : Conseiller politique du Président de la république du Soudan
Lam Akol : Secrétaire général du Sudanese People Liberation Movement for a Democratic Change, ancien
Ministre des Affaires étrangères de la république du Soudan
Joseph Maïla : Directeur de la prospective au Ministère des Affaires étrangères et européennes de la
République française
Ahmedou Ould-Abdallah : Ancien représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour
l’Afrique de l’Ouest
Mauro Garofalo : Représentant du bureau des relations internationales de la communauté de Sant’Egidio
Modération : Erik Nyindu, directeur de l’information, VOXafrica TV
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
137
Peacebuilding: L’Afghanistan est-il un laboratoire à
ciel ouvert ?
- Abdullah Abdullah : Leader de l’opposition afghane, Ancien ministre des Affaires étrangères de la
République islamique d’Afghanistan,
- Zalmai Haquani : Professeur à l’université de Caen Basse-Normandie, ancien ambassadeur d’Afghanistan
en France et au Maroc
- Sabrina Sagheb : Membre du Parlement de la République islamique d’Afghanistan
- Khurshid Mahmood Kasuri : Ancien Ministre des Affaires étrangères de la République islamique du Pakistan
- Keith Ellison : Membre du Congrès des Etats-Unis, représentant du 5ème district du Minnesota, membre
de la commission des Affaires étrangères
- Torek Farhadi : Ancien conseiller économique à la présidence de la République islamique d’Afghanistan
MODÉRATION : Abderrahim Foukara, Chef de bureau à Washington, Al Jazeera
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
138
RECOMMANDATIONS :
Institutions multilatérales :
- Conforter et approfondir les mécanismes de gestion des conflits et de prévention des
crises par des stratégies d’appui à la société civile.
- Dans la gestion post conflit, systématiser les mécanismes de justice transitionnelle
en accord avec la société civile.
Région Afrique du Nord et Moyen Orient :
- Organiser une conférence régionale sur le contrôle de la violence armée en Afrique
du Nord et Moyen Orient, notamment pour étudier l’impact de la violence armée sur
le développement.
- Une conférence entre les pays Africains, l’IGAD, la Ligue Arabe, les pays
occidentaux, l’Inde et la Chine pour un appui international à la construction de l’Etat
Sud-soudanais, notamment des forces de sécurité. Il faut initier un dialogue régional
et international entre les partenaires des deux Soudan pour assurer la pérennité de la
paix et de la stabilité.
OTAN et Afghanistan :
- En prévision du retrait progressif des forces de l’OTAN, la communauté
internationale doit bâtir une stratégie pour le développement en Afghanistan pour
compléter le pilier d’appui à la sécurité. L’Etat afghan doit s’impliquer d’avantage
dans une véritable politique de développement sur laquelle les efforts de la
communauté internationale pourront trouver un support.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
139
ISRAËL - PALESTINE :
2011, L’ANNEE DE L’ETAT PALESTINIEN ?
MEDays 2010 a été l’occasion pour Saeb Erakat
de présenter la nouvelle stratégie diplomatique
palestinienne pour contraindre Israël à conclure un
accord de paix définitif sur la base des revendications
historiques des Palestiniens. Pour la première
fois, les Palestiniens se détachent de la condition
préalable du règlement définitif pour demander leur
reconnaissance en tant qu’Etat. L’Institut Amadeus
a inclus dans sa déclaration de Tanger un appel aux
chefs d’Etat à reconnaitre l’Etat palestinien dans
les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme
capitale.
Le processus de paix au Moyen Orient n’a pas connu
d’avancée réelle en 2010 malgré la pression des
membres du Quartette -et des Etats-Unis en particulierpour l’ouverture de négociations. La nouvelle stratégie
palestinienne est une conséquence directe de cet état
de fait. Pourtant, l’administration Obama avait fait le
choix stratégique d’ouvrir le dossier des négociations
israélo-palestiniennes dès son investiture, ce qui
permettait de déployer une action diplomatique de
longue durée jusqu’à échéance de son mandat. Après
une année 2010 infructueuse, 2011 est une année
charnière à double titre pour Obama, c’est d’abord
celle du mi-mandat ; et, mauvaise nouvelle pour le
président américain, les élections de mid-term, en
novembre 2010, l’ont privé d’une majorité Démocrate
à la Chambre des Représentants. En deuxième lieu,
2011, c’est l’année où le président avait donné
rendez vous à la communauté internationale pour la
création de l’Etat palestinien. En fait les marges de
manœuvre en politique intérieure se sont réduites
pour Barack Obama alors que l’année est cruciale
pour le Moyen-Orient, les alliés du Premier ministre
israélien, essentiellement des élus néo conservateurs,
verrouillent désormais d’autant mieux les débats
parlementaires à Washington. Au moment même où
les Palestiniens réclament la reconnaissance d’un
Etat, les élus américains, depuis le Congrès, cherchent
à contrer toute velléité de pression sur Israël et tente
de freiner la nouvelle stratégie palestinienne, afin
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
140
d’éviter qu’un calendrier ne soit imposé à l’Etat hébreu.
Enfin, 2012 sera une année d’élection présidentielle,
celle où le président Obama entre en campagne pour
un deuxième mandat, et cela signifiera un recentrage
sur les questions intérieures, peu propice à ce que
la diplomatie américaine s’avance au Moyen-Orient.
Dans le processus de paix, les Etats-Unis restent tout
à la fois un médiateur incontournable mais plus que
jamais contraint politiquement par un Etat israélien
qui est une partie consubstantielle de sa vie politique.
Et tant qu’ils ne pourront apporter la preuve du
contraire, leur relation avec le monde arabe restera
ambigüe.
:: La reconnaissance d’un Etat
palestinien : un pilier central
de l’agenda 2011 au Moyen
Orient
L’agenda 2011 au Moyen Orient, si cela est
possible de prévoir un agenda qui est de plus en
plus défini par de nouveaux acteurs1, portera donc
en grande partie sur la campagne palestinienne
pour la reconnaissance internationale. En effet
les Palestiniens ont tiré comme conclusion de
l’incapacité du gouvernement américain à stopper
la colonisation israélienne qu’il était temps de se
faire reconnaitre par la communauté internationale
comme Etat membre de plein droit de l’Organisation
des Nations-Unies, et ainsi, proclamer de nouveau
leurs frontières. La stratégie palestinienne, énoncée
par Saeb Erakat, le négociateur en chef, se décline en
plusieurs temps respectant le timing et les procédures
de la charte de l’Organisation des Nations Unies. Le
Secrétaire général des Nations Unies la soumettra au
vote du conseil de sécurité, où elle devra remporter 9
votes sur 15 sont nécessaires. Si elle est approuvée
l’Assemblée Générale peut l’entériner en réunissant
une majorité de deux tiers de ces membres- soit 129
sur 194. Reste l’éventualité d’un blocage notamment
par une puissance disposant du droit de veto au
Conseil, et de fait, il y a une probabilité très forte
que l’administration américaine estime qu’il faille
empêcher ce vote en utilisant son veto. Hypothèse
probable, car il y a fort à parier que le lobby politique
pro-israélien observera de près le vote, et soumettra
à des pressions politiques l’administration Obama.
Face à ce risque, l’Autorité palestinienne, qui compte
bien ne plus dépendre d’aucun veto, exhume une
résolution, nommé « l’Union pour le maintien de la
Paix » -ou résolution numéro 377- qui prévoit que
si l’un des membres permanents du Conseil de
sécurité oppose son veto, alors que le quorum de
9 voix est atteint, l’Assemblée Générale pourrait se
saisir du dossier. La résolution 377, d’ailleurs créée
par les Etats-Unis pour contourner à l’époque un
veto chinois sur la question de la Corée, donne la
possibilité d’étendre les compétences de l’Assemblée
en matière de paix et sécurité au cas où le vote
d’un membre permanent du Conseil de sécurité
bloque une décision nécessaire pour préserver la
paix. L’Assemblée générale, peut d’ailleurs se réunir
en séance exceptionnelle pour cela et adopter des
résolutions à l’encontre du Conseil de sécurité.
Si elle échoue dans l’une ou l’autre de ces alternatives,
l’Autorité Palestinienne avance deux options : obtenir
de l’Organisation des Nations Unies des mandats
internationaux sur les territoires occupés, et en cas
d’échec de cette option, prononcer sa dissolution tout
en cherchant le rattachement de la Palestine à la
4ème convention de Genève. Cette convention régit le
cas de personnes civiles en temps de guerre, et dès
lors qu’elle s’appliquera, la charge morale et politique
de l’occupation militaire pèsera de facto sur Israël.
Cette ultime option constitue probablement une
dissuasion afin d’empêcher la diplomatie israélienne
d’engager de front une campagne pour faire échouer
le vote à l’Assemblée générale.
Mahmoud Abbas, le président palestinien a
donc entamé une partie de poker en diplomatie
internationale et souhaite clairement en faire appel
à l’instance onusienne pour démontrer le soutien
aux revendications palestiniennes d’une majorité
des Etats membres. C’est un recours désespéré via
les quelques armes diplomatiques dont il dispose
afin de confronter les Etats-Unis à un choix : la
perte de leadership dans la région ou le soutien à
la revendication palestinienne. Si Mahmoud Abbas
obtient un Etat il sera le héros arabe qui a vaincu par
des moyens pacifiques, s’il échoue il sera présenté
comme la victime de la duplicité américaine.
1- Comme en atteste la flottille d’aide humanitaire qui est parvenu à porter un regard médiatique plus
fort sur le blocus de Ghazza
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
141
La diplomatie palestinienne a-t-elle une
chance d’obtenir les revendications historiques dans l’enceinte multilatérale ?
:: Un Congrès Américain
réticent et un probable veto
américain
L’évolution du calendrier palestinien a d’ores et déjà
mis l’administration américaine en porte à faux avec le
Congrès mais aussi avec son camp politique, puisque
moins d’un mois après l’annonce de la stratégie
palestinienne, la Chambre des Représentants sortante
votait la résolution 1765, le 15 décembre 2010. Cette
résolution, qui n’a pas valeur contraignante, non
seulement « appelle les leaders Palestiniens à cesser
de rechercher la reconnaissance internationale de
leur Etat mais appelle également le gouvernement
des Etats-Unis et ceux des pays étrangers à ne pas
reconnaitre l’Etat Palestinien avant un accord final
entre Palestiniens et Israéliens ». Le négociateur en
chef palestinien Saeb Erakat, déclarera en réaction à
ce vote que « il est de la souveraineté de chaque Etat
de reconnaitre ou ne pas reconnaitre un autre Etat et
que le congrès des Etats-Unis n’a pas à légiférer sur
ce sujet. ».
Au vue du récent veto américain, le 20 février dernier,
à une proposition de résolution de l’ONU condamnant
la poursuite de la colonisation israélienne, pourtant
votée par 14 membres du Conseil de sécurité et
soutenue par 130 Etats, la reconnaissance de l’Etat
palestinien pourrait bien recueillir un assentiment
majoritaire au conseil de sécurité et à l’Assemblée
Générale. Comment ne pas remarquer qu’à l’occasion
de ce vote, les quorums nécessaires aux Palestiniens
ont été atteint à la fois au Conseil de sécurité et à
l’Assemblée ?
:: Les Etats unis en porte à faux
entre leur rôle de médiateur et
une mise en minorité devant
les institutions de l’ONU
Pour l’instant, la diplomatie américaine et
l’administration Obama de manière générale, ne
souhaite pas se prononcer sur la reconnaissance
de l’Etat palestinien et indique qu’elle le fera « en
temps et en heure ». Nonobstant la complexité du
déclenchement de la procédure de « l’union pour le
maintien de la paix », la diplomatie palestinienne a
pourtant de bonnes chances d’aboutir par cette voie
à ce que l’Assemblée générale vote en sa faveur. Les
Etats-Unis eux-mêmes en ont conscience, même si
ils accepteront difficilement d’être contournés par
l’Assemblée Générale. Aussi puissant qu’ils peuvent
l’être, ils n’ont pourtant pas toutes les cartes en
main pour contrer cette initiative. Le président
Obama le reconnaissait lui-même à mi-voix lors de
son discours à l’Assemblée Générale l’an dernier:
« je sais que nombreux parmi vous sont ceux qui
se sentent proches des Palestiniens2…». Certes la
diplomatie des Etats-Unis dispose de son veto au
Conseil de sécurité pour empêcher toute résolution
reconnaissant la Palestine, mais l’utiliser signifiera
prendre la responsabilité d’affronter directement
et publiquement le vote de l’Assemblée générale et
en particulier l’opinion arabe. Au moment même où
l’issue du conflit est incertaine en Afghanistan, où
l’Etat irakien apparait encore fragile, au moment où
les troupes américaines déployées dans les pays
musulmans sont nombreuses, les Etats-Unis peuvent
ils courir ce risque ? Au-delà, c’est le symbole d’un
leadership mondial qui pourrait vaciller, pris dans la
politique du « deux poids, deux mesures », stigmatisé
2- Discours de Barack Obama, 24 septembre 2010 devant l’Assemblée Générale des Nations-Unies
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
142
d’un soupçon permanent d’ambigüité, la politique des
Etats-Unis pour étendre la démocratie ou les Droits
de l’Homme sera entachée d’un soupçon indélébile.
:: La reprise des négociations
est nécessaire
La reconnaissance internationale de l’Etat palestinien
menace tout autant Israël d’un isolement international
et privera l’Etat hébreu d’un levier majeur dans ses
négociations avec les Palestiniens. Jusqu’ici, le cadre
de contrainte des Israéliens reposait sur une clé
majeure : la reconnaissance étatique. Preuve en est
l’engagement maintes fois répété des Palestiniens
à ne pas chercher la reconnaissance internationale
avant la signature de l’accord de paix. Pour autant,
pour Israël, cette reconnaissance ne sera pas sa
« Nakba », la grande catastrophe, à l’égal de ce que
fût la reconnaissance par l’ONU de l’Etat hébreu
pour les Arabes en 1948. Car le rapport de force
sur le terrain est bel et bien en faveur d’Israël et ses
dirigeants ont su démontrer par le passé qu’affronter
la communauté internationale ne les effrayait pas. La
reconnaissance de l’Etat palestinien pourrait donc
ne rien changer à la conception de la paix pour les
Israéliens et rien aux réalités du terrain telles que
vécues par les Palestiniens.
3- Source rapport de la CNUCED, TD/B/56/3, 7 août 2009
4- Idem
La stratégie diplomatique palestinienne doit donc
s’accompagner d’une reprise des négociations pour
un accord définitif respectant les intérêts stratégiques
de l’Etat d’Israël. En fait, comme le dit lui-même le
président palestinien, la reprise des négociations
est nécessaire mais à partir de janvier 2011, il
souhaite découpler l’objectif de la reconnaissance
internationale et l’avancée des négociations de paix.
Les Palestiniens, depuis 1992, ont eu à négocier avec
cinq gouvernements israéliens différents ce qui a
signifié parfois reprendre les négociations du point
de départ. Fin 2010, l’Autorité palestinienne contrôle
moins de territoires en Cisjordanie qu’en 1996, le PIB
par habitant des Palestiniens a décru3 de 1400 à 1330
USD entre 1995 et 2009, la nation est politiquement
divisée, le chômage n’a pas diminué depuis 1995
(30% pour tous les territoires et 50% pour la bande
de Gaza4). L’arrêt de la colonisation israélienne, seul
engagement concret d’Israël indiquée dans la Feuille
de Route élaborée par le Quartette, n’a jamais vraiment
été complet alors que les violences de la deuxième
Intifada ont cessé et qu’une réforme budgétaire
et institutionnelle de l’Autorité palestinienne a été
menée. Pour ne pas perdre le soutien de sa population
assez sceptique sur la volonté israélienne de négocier,
l’Autorité Palestinienne est par conséquent contrainte
d’élaborer cette stratégie internationale pour obtenir
la reconnaissance de ses droits.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
143
Quel partenaire pour la paix en Israël ?
:: Une gauche affaiblie
Suite à l’échec des négociations de camp David
en 2000, les partis politiques favorables à une
paix négociée qui prenne en considération les
revendications palestiniennes, sont politiquement très
affaiblis en Israël. Ce camp de la paix, qu’on assimile
souvent à la gauche, est en miettes. D’une assise
électorale de 35%5 en 1992, le parti travailliste s’est
réduit à une portion congrue de 10% en 2009. Tandis
que le Meretz, la gauche non travailliste, a plongé
de 10% à 3%6 sur la même période. Parallèlement,
les partis « religieux » ou les partis communautaires,
représentant notamment les nouveaux arrivants
russophones, ont augmenté leurs scores électoraux.
Ces partis appellent parfois ouvertement à renvoyer
les Arabes israéliens dans les territoires occupés.
:: Le parti travailliste au
gouvernement Netanyahou
Daniel Ben Simon, ancien président du groupe
travailliste à la Knesset, avance cependant une
thèse lors de MEDays 2010 : alors que la gauche
israélienne est défaite politiquement, l’acceptation de
la paix et de la solution à deux Etats n’a jamais été
aussi forte dans la société israélienne. En résumé les
idéaux de la gauche se sont infusés dans la société
israélienne au fur à mesure de son affaiblissement en
tant que force politique, elle se serait en quelque sorte
dissoute dans l’âme de la majorité de la population.
Les Israéliens se prononcent majoritairement pour
la solution à deux Etats dans les enquêtes d’opinion
malgré le fait que Ehud Barak en 2000 puis Ehud
Graphique 1.
L’érosion de la gauche israélienne.
Les partis de la gauche israélienne, favorables à de plus larges concessions pour aboutir
à la création de l’Etat palestinien, ont connu un effritement très important de leurs scores
aux élections nationales depuis plus de 20 ans. En 1992, sous la conduite d’un parti
travailliste dirigé par Yithzak Rabin, ils avaient réussi à obtenir une majorité historique
pour la paix. Par la suite la perte de leur influence a été proportionnelle à l’enlisement du
processus de paix.
5- Chiffres officiels israéliens, Knesset
6- Idem INSTITUT AMADEUS 2011
RAPPORT
144
Graphique 2.
La montée du poids des partis religieux au sein de la droite.
Après son revers historique en 1999, à l’issue du premier gouvernement Netanyahou, le
Likoud, parti historiquement le plus important de la droite israélienne a connu une nette
victoire avec Ariel Sharon en 2003. Depuis il compose de plus en plus avec les partis
religieux ou communautaires notamment Shas et Israel Beitenou, les plus importants
d’entre eux. Les positions du Likoud se sont dès lors durcies notamment vis-à-vis de la
colonisation car il en va de sa survie politique en tant que parti à vocation majoritaire.
Olmert en 2008 aient largement clamé qu’ils n’avaient
jamais eu un partenaire pour la paix ni en Yasser
Arafat, ni en Mahmoud Abbas.
Aujourd’hui sans poids politique, le parti travailliste
s’est scindé en deux mouvements, sa droite, quatre
ministres conduits par Ehoud Barak a intégré la
coalition au pouvoir. Sa gauche, huit députés qui ont
gardé le nom « travaillistes » a rejoint l’opposition. Le
parti travailliste implose du fait de sa participation
depuis 2009 à un gouvernement Netanyahou qui n’a
pas fait la moindre avancée sur le dossier de la paix
avec les Palestiniens. La raison fondamentale qui avait
guidé le parti à entrer dans une coalition avec la droite
conservatrice, dont Netanyahou est la figure de prou,
n’a pas résisté aux faits. En 2009, les travaillistes
avaient pensé que seule la droite conservatrice de
Netanyahou était capable de rassembler et de faire
accepter cette nécessité de la paix à son électorat ;
donc qu’elle était la mieux placée pour rassembler à
cette idée « toutes les tribus d’Israël », c’est-à-dire les
religieux également. Devant le statu quo et à la vue de
cette année 2010 perdue pour la paix, les travaillistes
ne cautionnent plus.
:: Kadima : un parti du centre
qui se pose en recours pour la
paix
Depuis les législatives de 1999, la politique israélienne
ne se résume cependant plus seulement aux deux
grands camps politiques qui l’ont longtemps structurée.
La droite autour du Likoud, ou la gauche autour du parti
travailliste, ont en fait perdu du terrain face aux partis
centristes. En 1999, l’apparition de ce nouvel espace
politique est visible dans les chiffres agrégés (cf.
graphique 3) mais il est éclaté en différents partis.
Lorsque Ariel Sharon lance Kadima en 2005, il capte
cette réserve de voix et structure un gouvernement
autour de son parti, une alliance se maintiendra au
pouvoir jusqu’en 2009 et qui est aujourd’hui encore la
première force politique du pays.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
145
Dynamiques électorales en Israël. Quel partenaire pour la paix pour les Palestiniens ?
Graphique 3.
Un espace politique qui s’agrandit au centre.
Depuis notamment l’élection de 1999, dans laquelle Ehud Barak menait les travaillistes,
de nombreux électeurs se sont tournés vers les partis centristes. C’est l’espace sur lequel
s’est positionné Kadima lors de sa création. Ariel Sharon, alors Premier ministre élu à la
tête du Likoud, avait créé le parti de toute pièce car son retrait unilatéral de Gaza lui avait
perdre l’ascendant sur le Likoud.
Graphique 4.
La Knesset actuelle
Après son revers historique en 1999, à l’issue du premier gouvernement Netanyahou, le
Likoud, parti historiquement le plus important de la droite israélienne a connu une nette
victoire avec Ariel Sharon en 2003. Depuis il compose de plus en plus avec les partis
religieux ou communautaires notamment Shas et Israel Beitenou, les plus importants
d’entre eux. Les positions du Likoud se sont dès lors durcies notamment vis-à-vis de la
colonisation car il en va de sa survie politique en tant que parti à vocation majoritaire.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
146
Aux élections de 2009, Kadima se maintient comme
la première force parlementaire mais ne parvient
pas à établir un gouvernement autour de l’objectif
stratégique de faire aboutir le processus de paix. Seul
Benjamin Netanyahou a été en position de forger une
coalition gouvernementale ; la droite conservatrice
et les partis religieux sont majoritaires dans le pays.
Après la sortie de la coalition gouvernementale de huit
députés travaillistes, le gouvernement de Benyamin
Netanyahou ne tient que par le bon vouloir de ces
partis religieux et ultra conservateurs.
Politiquement il est impossible de prévoir quelle
coalition pourra s’engager clairement dans une
négociation pour un accord définitif avec les
Palestiniens. Cependant en l’état actuel des choses,
il est certain que la seule possibilité d’arriver à un
accord de paix sous cette mandature est une alliance
de Benjamin Netanyahou avec Kadima, le seul parti
qui peut lui offrir une majorité pour la paix. La leader
de Kadima, Tzipi Livni, a déclaré être prête à entrer au
gouvernement si celui-ci voulait réellement signer un
accord de paix avec les représentants palestiniens.
Elle a notamment clarifié ses positions sur le processus
de paix lors du forum MEDays 2009 : une solution
à deux Etats, la reprise des négociations depuis le
point le plus avancé et repousser le fait religieux de
la solution politique du conflit, notamment pour le cas
spécifique de Jérusalem (voir p.151). Toutefois il est
peu probable que Benyamin Netanyahou s’engage
dans une alliance avec les partis soutenant la paix.
Un tel mouvement politique saperait probablement la
base électorale de son mouvement politique.
:: Comment impliquer les
sociétés civiles pour réaffirmer
un processus de paix ?
L’échec du processus de paix d’Oslo, c’est aussi,
et bien au dessus des considérations tactiques et
politiques, l’échec à établir une relation de confiance
entre les peuples Palestiniens et Israéliens, et au-delà
entre les Israéliens et les Arabes. Dans les rapports
quotidiens, il s’établit des murs d’incompréhension
voire de haine entre les différentes communautés.
Cette peur renforce les aspirations communautaires
et le vote de droite en Israël. Elle bouche les
perspectives politiques de paix et renforce la
frustration de la population palestinienne face à un
processus de paix qui n’avance pas depuis quinze
ans. Cette situation affaiblit la position des leaders
qui sont favorables à la paix négociée et qui en
connaissent le prix, notamment l’actuel président de
l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ou encore la
gauche israélienne qui a déjà implosé. Pourtant dans
de nombreuses études d’opinion, les deux populations
se sont exprimées pour une solution à deux Etats (à
plus de 70% en moyenne). C’est un paradoxe que
de voir les populations favorables à un règlement de
paix et les leaders bloqués dans les jeux politiques.
Le débat doit dorénavant s’ouvrir entre politiques et
sociétés civiles au-delà des temps électoraux. Il s’agit
de parler des concessions qui peuvent être portées
pour concrétiser cette solution et car c’est bien là le
cœur du problème.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
147
Camp David et les paramètres Clinton
Pendant la dernière administration démocrate
américaine, celle de Bill Clinton, les négociations
avaient échoué à Camp David puis Taba, quelques
semaines seulement avant la fin du mandat du
président américain. Ultime texte vestige de cette
période d’espoir, les « paramètres Clinton » situaient
le cadre d’un accord entre Israéliens et Palestiniens.
Les négociateurs d’alors s’accordaient à dire qu’il
n’aura manqué que quelques semaines pour arriver
Sujet de
négociations /
initiatives et
propositions
Territoires
Sécurité
à un accord final à partir de ces paramètres. En 2003,
l’initiative de Genève, qui a réuni des personnalités
politiques pour une négociation informelle sous les
auspices du ministère des Affaires étrangères suisse,
avait conclu un accord sur les bases posées par le
président Clinton. Du côté palestinien, le négociateur
principal est Yasser Abd Rabbo, membre du bureau
exécutif de l’OLP et côté israélien Yossi Beilin, ancien
ministre de la justice et président du parti Meretz.
Paramètres Clinton 2000
Entre 96 et 98% de la Cisjordanie ;
100% de la bande de Gaza. Echange de terres
pour compenser les concessions en Cisjordanie
100% de la bande de Gaza, 98% de la
Cisjordanie. Compensation 1 pour 1 des terres
aux frontières de Gaza et de la Cisjordanie.
- Un Etat palestinien sans armée mais une protection
des Etats-Unis en cas d’agression extérieure. Des
forces de police palestinienne armées.
- Retrait de l’armée israélienne et prise de
contrôle en 30 mois. 3 phases : une première
étape en 9 mois, deuxième en 20 mois.
- Une collaboration de sécurité avec Israël.
- Un Etat palestinien démilitarisé mais doté de
forces de sécurité renforcées et de services
de renseignement.
- Pas de troupes israéliennes à la frontière Est
de la Palestine (celle d’avec la Jordanie) mais
éventuellement une force multinationale.
- Jérusalem Est (Al Qods) capitale de l’Etat palestinien,
Jérusalem Ouest (Yerushalim) capitale d’Israël.
- Principe général d’un respect de la ligne du 4 juin
1967.
Jérusalem
Lieux Saints
Initiative de Genève 2003
- Vieille ville : les quartiers arabes et chrétiens sous
souveraineté palestinienne. Le quartier juif sous
souveraineté israélienne.
- Principe d’une souveraineté palestinienne.
- Gestion des lieux par les autorités religieuses.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
148
- Maintien pendant 36 mois d’un bataillon
israélien de 800 hommes dans la vallée du
Jourdain. Deux stations israéliennes d’alerte
rapide en territoire palestinien.
- Jérusalem Est (Al Qods) capitale de l’Etat
palestinien, Jérusalem Ouest (Yerushalim)
capitale d’Israël.
- Concession en dehors de la ligne de 1967 :
colonies de Ma’al Adummin, Pisgat Ze’ev, Gilo
deviennent israéliennes.
- Vieille ville : souveraineté palestinienne sur
le Haaram a sharif et sur 3 des 4 quartiers
de la vieille ville (arménien, chrétien et
musulman) mais pas sur le quartier juif.
- Souveraineté territoriale palestinienne,
gestion déléguée aux autorités religieuses,
présence multinationale dont l’OCI pour le
contrôle et la gestion des lieux.
:: L’enfermement du processus
de paix sur les huis clos
politiques
En effet le fossé entre ce que les négociateurs peuvent
avancer pendant les discussions et les aspirations
des populations est extrêmement grand. En janvier
2010, lorsque la chaîne qatarie Al-Jazira et le journal
quotidien britannique the Guardian révélaient sur
la foi de documents écrits ce que les négociateurs
Palestiniens pourraient avoir concédé, notamment sur
la question du partage de Jérusalem, les réactions
politiques et populaires ont été vives en Palestine
mais aussi dans le monde arabe. Les populations
palestiniennes n’accepteront pas facilement que
des revendications historiques soient mises dans la
balance pour trouver un accord de paix global. Pourtant
dans ces fuites révélées par le Guardian et Al-Jazeera,
il n’y avait rien de nouveau pour les connaisseurs du
processus. Les positions palestiniennes exprimées
sont les mêmes que celles qui ont été synthétisées
dans les « paramètres Clinton » de 2000. Cela
signifie en fait que les rounds de négociations se
sont cantonnés aux têtes politiques, sans démarche
d’explication envers les populations. Du côté israélien,
certains ne voient pas l’intérêt de concéder quelque
chose à des Palestiniens affaiblis par un blocus à
Gaza et un contrôle militaire en Cisjordanie. Et pour
l’Autorité Palestinienne le débat inter palestinien se
cristallise autour de la dénonciation de sa faiblesse
dans la négociation. L’OLP et le Fatah, dès lors qu’ils
ont renoncé au pouvoir de nuisance de l’action armée
et n’ont rien obtenu dans les négociations, sont
suspects de trop grande complaisance et d’erreur
stratégique.
:: Rendre intelligible les
logiques politiques sur le
terrain
Pour les populations qui supportent les conséquences
de l’occupation, les symboles et les faits sont de
première importance. Ce sont ces populations qui
vivent au quotidien les évolutions in situ du processus
dans leurs déplacements, sur le prix des produits,
sur leurs emplois ou sur leur sécurité. La population
palestinienne notamment a une idée extrêmement
précise de ce qu’elle a à gagner du processus de paix.
Son adhésion à l’idée de la paix aux côtés d’Israël
est en fait acquise mais les questions demeurent
l’échéance, la manière d’y aboutir et les conditions.
Les actions militaires d’Israël entre 2002 et 2009
avaient pour but de briser chez les populations
palestiniennes l’idée qu’elles puissent arriver à
gagner leurs droits par la violence, en somme faire
passer un message politique par une action militaire.
Cette politique aurait du sens si Israël tirait les leçons
sur le terrain politique des évolutions en termes de
sécurité. En Cisjordanie par exemple, la situation
sécuritaire est désormais moins menaçante et en
conséquence, le gouvernement israélien devrait
le signifier par un retrait de l’armée sur les lignes
qu’elles occupaient avant le 29 septembre 2002
(jour du déclenchement de la deuxième Intifada).
Israël doit faire un geste qui signifie sa volonté
de dialogue d’autant plus qu’il est le pays en
position dominante. Etablir une confiance avec des
populations palestiniennes chauffées à blanc par les
humiliations quotidiennes et la paupérisation ne sera
pas simple, d’autant plus que les réponses militaires
disproportionnées en termes de perte humaines
civiles, comme à Gaza en décembre 2008 radicalisent
les Palestiniens et l’ensemble des populations arabes.
:: Stabiliser les leaderships
et les doter d’une légitimité
politique forte pour arriver à la
paix
Chaque camp soupçonne qu’une paix signée avec
un exécutif qui est susceptible d’être désavoué par
un vote ou par un changement politique radical
n’aurait aucune valeur. Cela a été l’expérience des
Palestiniens quand ils ont négocié avec Yitzhak Rabin,
plus tard assassiné, ou le sentiment des Israéliens
lorsque le Fatah et le Hamas se sont violemment
disputés le contrôle de la bande de Gaza. Le véritable
enjeu de construction de la paix réside donc avant
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
149
tout dans les sociétés civiles mais aussi dans
l’émergence de leaders qui expriment légitimement
la volonté des populations. C’est à dire des leaders
démocratiquement élus qui soient dotés de la
légitimité de l’action. Côté israélien, le débat public
sur les territoires et les démantèlements nécessaires
des colonies doit être guidé, accompagné par les
leaders politiques, mais aussi par leurs soutiens
internationaux, au premier chef desquels les EtatsUnis d’Amérique. Le président Obama devrait par
exemple faire à l’attention du monde juif un discours
qui soit un signal aussi fort que le discours qu’il a fait
au monde arabe et musulman au Caire en juin 2009.
La démission de Saeb Erakat de son poste de
négociateur en chef, le 12 février 2011, après les
révélations des « Palestine paper » doit faire prendre
conscience que le camp de la paix dont le Dr. Erakat
est un des représentants historiques, a pris de
nombreux risques côté palestinien. Les élections de
Cisjordanie sont annoncées pour septembre 2011,
ce qui permettra aux Palestiniens eux-mêmes de
trancher si les leaders palestiniens avaient mandat
pour proposer ces concessions. Si ces concessions
sont désavouées, Israël devra faire face à des leaders
palestiniens aux marges de manœuvre plus réduites
en plus d’un environnement régional probablement un
peu plus démocratisé. En 2011, le nombre d’élections
en pays arabes sera sans précédent dans l’histoire et
la démocratisation des leaderships arabes pourraient
leur donner une épaisseur et un poids d’une toute
autre nature sur la scène internationale.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
150
Existe-t-il une solution politique pour
Jérusalem ?
Jérusalem est le grand tabou des négociations de
paix. Jamais une solution de partage n’a été rendue
publique par des négociateurs officiels israéliens ou
palestiniens. Le partage de la ville n’est guère évoqué
que par les gouvernements occidentaux qui déclarent
que la ville sainte doit être la capitale des deux Etats,
celui de Palestine et celui d’Israël. La ligne verte, qui
est la frontière de l’Etat hébreu internationalement
reconnue (soit la ligne de front du 4 juin 1967), n’inclut
aucune partie de la vieille ville dans le territoire
israélien. Toutefois la vieille ville fait partie des paquets
de négociation.
:: La vieille ville, un tabou pour
les négociateurs
L’imaginaire collectif juif qui a survécu à travers
les siècles lors de la dispersion des communautés
de part le monde a toujours conservé l’image de la
ville sainte comme le lieu où la communauté juive
pourrait se retrouver. La conquête de Jérusalem en
1967 par les soldats de l’Etat hébreu a provoqué un
bouleversement dans le projet sioniste. Lorsqu’ils
ont pénétré pour la première fois dans la ville, les
soldats de Tsahal ont eu le sentiment d’accomplir
un morceau de l’histoire millénaire du peuple juif.
Dès lors, le jeune Etat israélien au contact de la
ville, a replacé le narratif religieux au cœur du projet
politique sioniste. C’est la raison pour laquelle les
responsables politiques israéliens considèrent que
renoncer au contrôle de Jérusalem est un sacrifice
extrêmement douloureux, autant électoralement que
symboliquement. Ils savent que les partis religieux,
qui ont depuis les années 1970 un poids politique
grandissant, s’y opposeront coûte que coûte. Ces
« religieux » aspirent notamment à conserver le « mur
des lamentations » mur Ouest de l’esplanade des
mosquées, derrière lequel ils pensent que gisent les
restes du temple de Salomon ; celui que les Romains
détruisirent avant de disperser les Juifs à travers le
monde pour les punir de leur résistance.
Du côté palestinien également, aucune concession
n’est possible sur un partage de la vieille ville et
plus particulièrement des lieux saints, le « Haram a
Sharif », où se dresse l’esplanade des Mosquées.
L’imaginaire arabe recèle lui aussi des narratifs de
sacrifice des Arabes afin de conquérir au reconquérir
la ville, de la défendre face aux Croisés chrétiens.
Aux yeux du monde arabe tout entier, concéder une
quelconque souveraineté sur tout ou partie de cette
espace serait un sacrilège. De nombreux dirigeants
des pays arabes ont clairement fait comprendre aux
dirigeants palestiniens que cette négociation là leur
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
151
était interdite. Toutefois il est su que pour aboutir à
un accord de paix, l’Autorité palestinienne a envisagé
des concessions à Israël sur la souveraineté d’une
partie de la vieille ville, sur le quartier juif notamment,
à proximité du mur des lamentations. Pour autant il
semble qu’elle n’ait jamais concédé de souveraineté
ni sur les lieux saints musulmans ni sur le « mur des
lamentations ». La question du partage de la vieille
ville, et le statut du « Haram a sharif » est une de
celles qui a fait échouer les négociations en vue d’un
règlement définitif du conflit à Camp David et à Taba
en 2000.
:: En l’absence d’accord, une
gestion unilatérale de la ville
est à l’œuvre
L’absence d’accord de paix définitif a des
conséquences catastrophiques pour les populations
et le patrimoine arabe de la ville de Jérusalem - « Al
Qods » dans la dénomination arabe. Ces populations
subissent quotidiennement un véritable isolement et
de nombreuses humiliations et vexations. Depuis les
quartiers arabes de Jérusalem-Est, les travailleurs
luttent quotidiennement pour franchir les nombreux
« check-points » de sécurité ou les murs de séparation
pour aller se rendre sur leur lieu de travail. Plus de
72% des enfants vivant à Jérusalem-Est ont des
conditions de vie indécentes, en dessous du seuil
de pauvreté. Le système éducatif à Jérusalem-Est
affiche lui une carence de 1000 salles de classe. Cet
abandon cultive la colère, voire la haine, des jeunes
arabes envers le système de l’occupation israélienne.
Plus préoccupant encore, l’administration israélienne
de la ville ne consulte ni les populations ni les
représentants arabes dans les projets d’aménagement.
La croissance de la ville entraine de nombreuses
questions d’aménagement à résoudre, les transports,
les adductions d’eau ou d’électricité.
Mais les intérêts et les quartiers à majorité arabe sont
marginalisés dans l’action municipale. Cette politique
peut désormais tracer des frontières mentales,
économiques mais aussi géographiques et préjuger
des accords de paix. Non seulement les barrages
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
152
de sécurité ont coupé le lien entre Jérusalem et la
Cisjordanie en allongeant et décourageant les trajets
des palestiniens vers Al Qods, mais la politique
d’aménagement municipal sépare clairement
les quartiers juifs, voire les colonies israéliennes
environnantes, et les quartiers musulmans.
L’occupation israélienne de toute la ville et la
croissance des colonies israéliennes à Jérusalem-Est,
font craindre que l’Etat hébreu ne veuille imposer des
frontières au-delà de la ligne de démarcation du 4 juin
1967. Cette colonisation pourtant internationalement
condamnée trouve un prolongement dans l’action
municipale. Le nouveau tramway relie par exemple
Jérusalem Ouest aux colonies israéliennes de
Jérusalem Est (notamment Gilo au sud-ouest et Neve
Yaakov et Pisgat Zeev au Nord Est) sans desservir de
nombreux quartiers palestiniens au prétexte de la
géographie vallonnée de l’agglomération. Ces deux
enclaves, Gilo et Neve Yaakov/Pisgat Zeev, sont une
menace à la paix car elles dessinent la carte d’un
Grand Jérusalem juif, inacceptable en l’état pour les
populations palestiniennes. Par ailleurs, les centres
culturels arabes de la vieille ville sont fermés ou
détruits par les autorités israéliennes sans que les
positions de l’Autorité palestinienne, les sentiments
des populations arabes ou les déclarations de la
communauté internationale ne soient pris en compte.
La ghettoïsation physique est prolongée par une
communautarisation des mentalités. Dans la vieille
ville les différentes communautés se côtoyaient
pacifiquement auparavant, aucun mur réel ne peut
d’ailleurs y être érigé mais il y a désormais une
quantité de murs invisibles. Chaque groupe se replie
sur sa communauté et ne communique plus qu’avec
les siens. Cette dynamique favorise l’installation
des populations les moins ouvertes à la mixité. Les
citoyens israéliens les moins religieux cessent par
exemple de vivre à Jérusalem et lui préfèrent TelAviv, plus moderne et plus libérale. La conséquence
directe est que les juifs orthodoxes, pratiquants et
conservateurs, représentent numériquement une plus
grande fraction des habitants israéliens de la ville, ce
qui favorise le repli communautaire.
:: La « Jerusalem old city
initiative » : une solution
d’administration paritaire de la
ville
La vieille ville représente bel et bien le problème le plus
épineux pour les négociateurs. Théoriquement sous
souveraineté palestinienne, elle sera probablement
un sujet de négociation difficile à cause de sa haute
charge symbolique, émotionnelle, culturelle et
religieuse. Néanmoins des solutions qui ont le mérite
de ne pas préjuger des accords et de retisser un lien
social et politique entre les différentes populations de
la ville existent. Un projet de l’Université de Windsor
(Canada) et du Middle East Institute, le « Jerusalem
old city initiative », propose un schéma qui permettrait
d’empêcher ou ralentir un morcellement de la ville
préjudiciable à la négociation et à la vie quotidienne
des populations.
L’ambassadeur Arthur Hughes, ancien secrétaire
d’Etat adjoint pour les affaires du Moyen orient
au département d’Etat américain a présenté ce
projet durant le forum MEDays 2010. Il s’agit de la
création d’un régime spécial pour la vieille ville, qui
pourrait être supervisé par l’Etat israélien et l’Autorité
palestinienne. Les sites religieux continueront à
être dirigés par les autorités religieuses selon les
modalités en vigueur actuellement. Ce régime spécial
concernerait un service de police international
constitué de membres israéliens et palestiniens
mais aussi un conseil de gouvernance supervisant
l’administration publique de la vieille ville. Ce conseil
de gouvernance aurait une composition paritaire
et représenterait l’autorité sur la vieille ville et son
aménagement. Cette solution présente l’avantage
d’être applicable sans attendre le résultat sur le
statut final de ce territoire et de pouvoir réintroduire
une participation politique des populations arabes à
la gestion municipale. De plus, il est impossible ou
absurde d’introduire au sein même de la vieille ville,
les délimitations concrètes de souveraineté. Des
postes frontières aux portes d’entrée, où à l’intérieur
même de la vieille ville consacreraient une absurdité,
que ne manqueraient pas d’ailleurs de constater les
nombreux touristes qui font vivre les habitants de
la ville. De telles solutions créatives permettraient
dans les faits de renforcer la ville comme un point de
contact et d’ouverture entre les deux Etats.
:: Perspective pour la
négociation, comment
désacraliser la ville dans la
négociation ?
Malgré tout, il ne peut avoir de solution pour
Jérusalem séparée des autres négociations difficiles.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
153
La négociation sur les limites des souverainetés
sur la vieille ville dépend aussi de la façon dont
le compromis est abordé sur les autres dossiers
sensibles. Si l’on veut aboutir à une paix durable, il
faudra traiter les problèmes les plus durs dans un
seul et même paquet de négociations ; cela signifiera
trouver une solution pour Jérusalem mais aussi
pour les réserves hydriques et l’environnement, les
réfugiés et les frontières. Il n’est pas concevable de
continuer à séparer les sujets. C’est en substance,
l’avertissement que formule Yossi Beilin le coprésident et co-négociateur de l’Initiative de Genève,
une initiative qui avait aboutit à un accord informel
entre Palestiniens et Israéliens en 2003. Cet accord,
qui n’avait jamais été pris en considération par le
gouvernement israélien d’Ariel Sharon comme une
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
154
base de négociation solide présentait sans aucun
doute l’avantage de renouer avec une pratique
de négociations qui favorise la créativité, afin de
désacraliser la ville dans les discussions et sortir de
l’enfermement mental du conflit.
La “Jerusalem old city initiative” est l’exemple
d’initiative sur laquelle la communauté internationale
peut s’appuyer pour donner corps à des outils
nouveaux qui instaureront ce rapport de confiance
nécessaire. Cependant ces hypothèses de travail
doivent prendre corps et permettre un support des
pays arabes et de la communauté internationale
sous peine de choir dans des tiroirs dont elles ne
ressortiront plus.
La valeur de l’initiative arabe de paix dans le
processus de négociation
L’initiative arabe de paix formulée au sommet de
la Ligue Arabe en 2002 à Beyrouth à l’initiative de
l’Arabie Saoudite offre une paix régionale à l’Etat
d’Israël de la part de l’ensemble des Etats Arabes.
Cette paix globale signifie la normalisation complète
des relations économiques et politiques en échange
du retrait de l’armée israélienne de tous les territoires
arabes occupés, donc aux frontières du 4 juin 1967.
Elle demande également en contrepartie une solution
juste au problème des réfugiés palestiniens, et la
reconnaissance d’un Etat palestinien avec JérusalemEst comme capitale. Cette initiative a suscité que ce soit
en Israël ou internationalement un intérêt bien moindre
comparée à la nature exceptionnelle de son contenu
laissait supposer. Par exemple, Marc Otte, représentant
spécial de l’Union européenne pour le processus de
paix, rappela, lors des débats, que l’initiative arabe de
paix est un instrument extrêmement intéressant mais
que l’Union européenne ne peut seule la soutenir ou la
présenter comme tel.
:: Une initiative stratégique
historique
L’initiative de paix arabe représente en fait la dot
des Etats arabes dans la corbeille de l’Autorité
Palestinienne afin que celle-ci puisse aboutir à une
paix favorable à ses intérêts. En effet, elle soutient
explicitement les « revendications historiques » des
Palestiniens, ce qui renforce leur position, eux qui
sont dépourvus de poids militaire et stratégique.
Dès lors que la négociation de paix entre Israël et les
Palestiniens réussit, la paix pourrait être régionale,
incluant l’ensemble des pays arabes de la région,
qui représentent un véritable enjeu énergétique, une
puissance militaire et un débouché économique.
D’un autre côté, l’initiative arabe de paix correspond
exactement aux revendications historiques d’Israël
exprimées depuis 1948 : avoir un Etat reconnu
régionalement et vivant en paix avec ses voisins.
D’où vient alors que cette initiative n’ait appelé que
de rares commentaires officiels israéliens ou qu’il ait
fallu attendre le discours du Caire (en juin 2009) pour
trouver mention par un président américain de cette
initiative qualifiée alors d’importante ? Pourquoi cette
proposition n’a pas réussi à mettre fin au conflit du
Moyen-Orient ?
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
155
:: La négociation séparée, une
constante de long terme de la
diplomatie israélienne
En fait, il y a de multiples raisons à cela, la première
d’entre elles étant la dynamique de la négociation.
Les leaders arabes ont certes dépassé le tabou
politique de la normalisation avec l’Etat hébreu pour
faire cette offre de paix, mais ils n’étaient pas sans
savoir qu’Israël aurait une réticence à s’engager
dans un cadre de négociation régional. L’initiative
arabe de paix a surtout démontré que l’Etat Hébreu
ne souhaitait pas la paix immédiate comme option
stratégique. Cette preuve, a été faite par son absence
de réponse officielle durant de nombreuses années à
une proposition inclusive et explicite. Historiquement,
Israël a toujours privilégié les accords de paix
bilatéraux à une négociation régionale ; le cas de
figure de la conférence de Madrid en 1991 dans
laquelle Israël s’était employé à séparer la négociation
syrienne de la négociation jordanienne, et enfin éviter
la négociation palestinienne, l’avait clairement révélé.
L’initiative arabe renforce bien trop le pouvoir de
négociation des pays arabes et des Palestiniens en
particulier. Pour aborder le cœur de la négociation sur
les territoires, les réfugiés et Jérusalem, il convient
bien mieux à l’Etat hébreu de négocier avec des
Palestiniens affaiblis plutôt qu’avec l’ensemble des
pays arabes.
:: Le doute israélien sur la
nature ou l’intérêt de cette paix
régionale
Concernant les bénéfices immédiats pour lui, Israël
pose deux grandes interrogations sur l’initiative arabe
de paix. Tout d’abord sur sa valeur en tant que paix
régionale; ses pays voisins parmi les plus puissants
militairement ont déjà signé un accord de paix. Il en
a été ainsi de l’Egypte en 1979 ou de la Jordanie en
1994 ; il ne reste donc plus que la Syrie et le Liban
parmi les pays frontaliers officiellement en état de
belligérance; en somme des conflits « gelés » dans
lesquels les coups sont portés essentiellement à
travers ou contre le Hezbollah. En deuxième lieu,
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
156
les pays avec lesquels Israël a abouti à un accord
de paix se sont toujours contentés d’une paix froide,
sans que les relations commerciales ou culturelles
ne fleurissent réellement, ou que les peuples
n’éprouvent une grande sympathie l’un pour l’autre;
une paix qui correspond à l’aspiration des populations
sans toutefois les rapprocher. Ces deux observations
sont mises en avant dans les réflexions et discussions
en Israël pour peindre la paix régionale comme une
douce utopie. Qui plus est, la principale ligne de
défense d’Israël pour ne pas entrer en négociation
sur cette initiative arabe est ce sentiment diffus que
les peuples arabes pourraient fort bien désavouer la
proposition de leurs gouvernements. La Ligue arabe a
donc été invitée à donner des gages de cette volonté
de paix à Israël, à présenter cette initiative d’une
manière qui lui donne un tour hautement symbolique
et un effet de scène plus solennel. Ainsi cette initiative
deviendrait visible, soumise au jugement des opinions
publiques. L’exemple historique souvent mentionné
est celui du président égyptien Anouar El Sadate, qui
en 1979, avait théâtralement mis en scène l’annonce
de la paix par un voyage en Israël, ponctué par une
allocution à la Knesset afin d’interpeller directement
les autorités et le peuple israélien. Des millions
d’Egyptiens avaient alors accueilli leur président au
retour de son voyage par des cris d’acclamation,
notamment « Aachab Yourid el Salaam » (le peuple
veut la paix).
:: Le texte est il négociable ?
Au-delà des considérations sur l’essence ou la
nature de la paix proposée, le problème essentiel
que porte l’initiative de paix arabe pour Israël, ce
n’est pas tant la question des territoires que celle
des réfugiés palestiniens. Un des rares commentaires
officiels israéliens qui se rapporte au potentiel de
l’initiative arabe de paix comme base de négociation
et de paix régionales est celui d’Ehud Olmert. Alors
que l’initiative avait été réitérée au sommet de la
ligue arabe à Riyad en 2007, le premier ministre
israélien soulignait le refus d’Israël de permettre le
retour des réfugiés palestiniens selon les termes la
résolution 194, mentionnée par l’initiative comme
base d’une solution juste. Cette résolution, qui date
du 11 décembre 1948, est notamment formulée
ainsi en son article 11 : « le Conseil de sécurité des
Nations-Unies décide qu’il y a lieu de permettre aux
réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers
le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs
voisins, et que des indemnités doivent être payées
à titre de compensation pour les biens de ceux qui
décident de ne pas rentrer dans leurs foyers». Ce
droit au retour, si Israël l’accepte tel quel, changerait
clairement l’équilibre démographique entre Juifs et
Arabes au sein de la population israélienne. Ce serait
la fin du projet d’Etat à majorité juive sur le territoire
d’Israël. Ce droit au retour est par conséquent le
facteur de blocage, il complexifie la donne à la fois
pour Israël mais aussi paradoxalement pour l’Autorité
palestinienne, et il pose des problèmes d’une extrême
complexité dans le cadre d’une paix régionale dont
les négociateurs auront du mal à s’affranchir.
:: Les réfugiés inséparables de
la paix régionale
De part le monde vivent sept millions de Palestiniens
réfugiés de la guerre de 1948, soit 70% de la
population totale palestinienne. La plupart d’entre
eux vivent dans les pays de la région, en Jordanie,
ou encore en Syrie ou au Liban. Les gouvernements
syrien et libanais n’octroient pas la nationalité de leur
pays à ces Palestiniens car ils estiment que leur droit
au retour est imprescriptible. La question des réfugiés
est donc par nature régionale et les concessions que
les Palestiniens sont prêts à faire sur cette question
dépendra aussi de l’échelle à laquelle se portent les
négociations. Pour l’Autorité palestinienne, dirigée
d’ailleurs par un réfugié, Mahmoud Abbas, il s’agit
d’obtenir justice pour une population qui contribuera
à la construction de l’Etat national même si il est
par ailleurs pratiquement impossible de tous les
accueillir sur le territoire du futur Etat palestinien.
Les populations palestiniennes vivant au Liban
ou en Syrie sont majoritairement pauvres et ne
constitueraient qu’un problème de développement
de plus pour l’Autorité palestinienne, sans même
parler de certaines de ces communautés qui se sont
radicalisées, et qui sont plutôt favorables à une ligne
violente envers Israël. S’il n’y a pas compensation
pour ces réfugiés, la sécurité d’Israël, de la Palestine
mais aussi des pays voisins pourraient être mise à
mal par la colère de ces Palestiniens de l’extérieur
majoritairement cantonnés dans des camps, en
marge de la société de leur pays hôte sans droit à
travailler, ni à voter.
L’initiative arabe de paix est sans doute une des bases
fondamentales pour régler le problème des réfugiés à
sa véritable échelle, l’échelle régionale. Pour qu’Israël
accepte de s’engager sur la base de l’initiative arabe
de paix, la Ligue arabe devra également élucider
si le contenu de l’initiative est négociable ou non
notamment sur le nombre de réfugiés qui pourraient
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
157
Réfugiés Palestiniens dans la région
Sources : UNRWA
rentrer en Israël et sur le niveau d’indemnisation des
autres. En d’autres termes, l’Autorité palestinienne
et la Ligue arabe auraient un intérêt certain à définir
un prolongement de cette initiative qui aborde
précisément les contours de la négociation sur les
réfugiés. Le droit au retour est sans doute, côté
israélien, une des lignes rouges de la négociation
d’autant plus qu’il impacte directement la question
de la négociation sur Jérusalem. En effet, en 1948,
de nombreux habitants de Jérusalem Ouest et des
villages environnants ont été spolié de leurs biens et
si ils obtiennent le droit d’y retourner, ils modifieront
alors sensiblement la démographie et la géographie
de la ville.
La question des réfugiés, de par sa nature, est sans
doute une des questions les plus complexes, avec
celle de Jérusalem, les négociateurs devront trouver
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
158
des solutions extrêmement novatrices et ingénieuses
pour pouvoir la résoudre. Ces solutions n’ont pour
l’heure pas été proprement esquissées. Les chiffres
officieux qui circulent entre négociateurs laissent
à penser que Israël accepterait le retour de 10 000
d’entre les réfugiés tandis que les Palestiniens
estiment que un million de réfugiés pourraient
rentrer en territoire israélien sur une période de dix
années. La question des réfugiés s’associe de facto
à la question de la majorité démographique, de la
nationalité et du droit de vote dans l’Etat israélien. La
montée des partis communautaires et de la droite et
du centre droit (dans lequel nous classons Kadima)
est la conséquence de la prise de conscience des
forces de la démographie dans la société israélienne.
Le repli identitaire, sur la religion ou la race, de la
société israélienne s’explique aussi par la crainte de
perdre le projet d’un Etat israélien à majorité juive.
Les intervenants sur les thématiques Moyen-Orient par panels de
discussion :
Quelles nouvelles initiatives pour relancer le
processus de paix ?
- Marc Otte : Représentant spécial de l’Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient
- Keith Ellison : Membre du Congrès des Etats-Unis, représentant du 5ème district du Minnesota, membre de
la commission des Affaires étrangères
- André Azoulay : Président de la fondation Anna Lindt, conseiller de sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc
- Saeb Erakat : Négociateur en chef de l’Autorité palestinienne
- Daniel Ben Simon : Député de la Knesset, président du groupe travailliste
MODÉRATION : Octavia Nasr, Fondatrice de Bridges Media Consulting, rédactrice
de OctaviaNasr.com, ancienne présentatrice à CNN
Jérusalem : existe-t-il une solution politique ?
- Arthur Hughes : Conseiller pour le « Jerusalem Old City Initiative » de l’Université de Windsor, (Canada)
chercheur associé au Middle East Institute, ancien secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires du Proche-Orient du
département d’Etat (USA)
- Ahmad Tibi : Député de la Knesset, secrétaire général du parti Ta’al
- William Shomali : Evêque du patriarcat de Jérusalem
- Daniel Ben Simon : Député de la Knesset, président du groupe travailliste
- Yossi Beilin : Co-président de l’initiative de Genève, président de « Beilink international relations », ancien
ministre de la Justice d’Israël et ancien président du parti Meretz
MODÉRATION : Charles Enderlin, journaliste, chef du bureau de France 2 à
Jérusalem, auteur de nombreux ouvrages sur le processus de paix dont « le rêve
brisé », « le grand aveuglement » et « les années perdues »
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
159
Panel E1: Rapport de confiance et dialogue politique :
l’Initiative Arabe de Paix peut-elle être décisive ?
- Said Hindam : Chef de la planification des politiques et de la gestion de crise au ministère des Affaires
étrangères de la République arabe d’Égypte
- Robert Danin : ENI Enrico Mattei chercheur senior pour le moyen orient au « Council on Foreign Relations »,
Ancien chef de cabinet, bureau du représentant du Quartette à Jérusalem
- Janos Hovari : Secrétaire d’Etat adjoint, ministère des Affaires étrangères de la République de Hongrie
- Bruce Maddy-Weitzman : Marcia Israel chercheur senior à l’Université de Tel Aviv
- Gideon Levy : Journaliste chroniqueur, membre de la direction du quotidien israélien Haaretz
- Hasni Abidi : Directeur du centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM),
professeur invité à l’Université Paris I, La Sorbonne
MODÉRATION : Aziza Nait Sibaha, journaliste, France 24
RECOMMANDATIONS :
Communauté internationale :
- Une large reconnaissance internationale de l’État palestinien dans les frontières de
1967.
- Mettre dans les agendas politique un débat sur l’Initiative arabe de paix, au Congrès
des Etats Unis et au Parlement européen ou au Parlement israélien notamment.
Animer une synergie des initiatives diplomatiques entre les membres du Quartette, la Ligue Arabe et
l’Union Européenne.
Ligue Arabe :
- Les États arabes doivent activer un pilotage diplomatique de l’Initiative Arabe de Paix
pour une proposition arabe sur les réfugiés.
Union européenne :
- L’Union européenne doit formuler une proposition européenne pour la paix qui pourra
être un appui aux recommandations du Quartette.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
160
- Une proposition européenne pour la paix se doit d’approfondir ce que l’Union
européenne peut fournir comme incitations, bilatérales ou régionales, pour des
mesures de confiance, ou pour régler certaines des questions difficiles, comme
celle des réfugiés.
Israël et Autorité palestinienne :
- Un retrait unilatéral israélien sur les lignes antérieures au 30 septembre 2002.
Ce retrait sera évidemment coordonné avec les forces de sécurité de l’Autorité
palestinienne.
- Faciliter une gestion administrative paritaire de la vieille ville de Jérusalem entre
Palestiniens et Israéliens.
- Faciliter des mesures de confiance afin de créer la perspective d’une coexistence
côte à côte de deux peuples et de deux Etats.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
161
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
05
GOUVERNANCE
GOUVERNANCE
PAGES 162 >> 187
Etablir les structures d’une bonne
gouvernance : le paradigme d’une stabilité de
long terme
Pour la première fois dans sa jeune histoire, le forum
MEDays a abordé la question de la gouvernance,
des réformes institutionnelles et de la mise en place
d’un cadre démocratique. Pour cela, trois questions
ont spécifiquement donné lieu à des débats : la
prévention de la corruption, le rôle des medias dans
la construction démocratique et la réforme des
forces armées.
« On ne peut indéfiniment brimer le peuple et
le maintenir sans liberté d’expression ou de
mouvement. Un jour, il souhaitera reprendre sa
liberté, par la force s’il le faut. » Cet avertissement
posé par M. Marou Amadou, président du Conseil
consultatif national du Niger, lors du Forum MEDays
2010 aura connu une illustration inattendue avec
« le printemps arabe » que vivent le Maghreb et le
Machrek depuis le début de l’année 2011.
Parmi les facteurs sous-jacents à l’origine
de ces révolutions, on peut citer entre autres
dysfonctionnements : un manque de participation
citoyenne, un accaparement des richesses aux plus
hauts niveaux de l’Etat, des élections truquées pour
maintenir le régime au pouvoir, une surveillance
policière méthodique et une répression violente
qui aboutissent à une indignation générale et à un
désenchantement. Or, ces pratiques sont de moins en
moins tolérées à l’heure de la télévision par satellite,
d’Internet et des réseaux sociaux qui permettent
aisément la comparaison avec d’autres pays, le
contournement de la censure de la presse ou l’échange
d’idées de manière relativement anonyme. Face à la
soudaineté et l’intensité des mouvements sociaux,
la réaction de certains Etats d’Afrique du Nord et du
Moyen-Orient a été de contrôler ou couper Internet
et d’autres moyens de communication, espérant que
cela empêcherait l’organisation de la contestation. La
suspension du média usuellement qualifié de virtuel
a révélé qu’il était au contraire bien ancré dans le
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
164
réel. Face au silence de l’écran d’ordinateur, les gens
sont tout naturellement descendus dans la rue pour
échanger, exprimer leurs ressentiments vis-à-vis de
leur régime et bien sûr s’organiser.
Autre point commun de ces systèmes désavoués, le
rôle des forces de sécurité dans la montée au pouvoir, la
construction des régimes autoritaires ou de leur chute.
Egypte, Tunisie, Lybie ou encore Guinée, tous ces Etats
ont connu des forces de sécurité qui prennent une
place de plus en plus prépondérante dans le système
étatique, parfois par un coup d’Etat sans que par la
suite l’armée rende le pouvoir politique à une nouvelle
autorité civile dans un délai raisonnable ou sous une
forme constitutionnelle. A contrario, certains exemples
de pays qui ont accompli leur démocratisation
ont montré que l’armée peut avoir un rôle dans la
bonne application de la Constitution et faire revenir le
système dans un cadre démocratique. Ainsi au Chili,
la réforme des forces armées a aidé le régime civil
à accomplir totalement la transition démocratique,
en faisant pression sur le général Pinochet afin qu’il
renonce définitivement à son statut de sénateur à
vie qu’il détenait encore dix ans après le début de la
transition. Au Niger, l’armée a mené des coups d’Etat
chaque fois que les gouvernants se sont écartés de
la lettre de la Constitution et n’ont pas respecté l’Etat
de droit. Ces interventions ont été acceptées par la
population car le but est d’éviter la mise en place d’un
régime dictatorial. Le dernier coup d’Etat, en février
2010, visait à évincer le président Mamadou Tandja
qui souhaitait modifier la Constitution pour renouveler
son mandat au-delà de la limite initialement prévue.
Il a abouti à une transition organisée et des élections
présidentielles tenues sans incident en mars 2011.
:: La complexe mise en place
d’une vie institutionnelle
partisane et démocratique
La révolte et/ou le coup d’Etat peuvent donc trouver
des justifications dans des aspirations populaires
ou des écrits qui régissent les modalités de la vie
politique d’un pays. La stabilité d’un régime, sa
capacité à durer, dépend ultimement de la mise
en place d’une gouvernance étatique et politique
attentive aux règles édictées ou aux revendications
de liberté. Cette forme de gestion de la vie publique
est généralement dite « bonne gouvernance » ; un
concept que l’on peut définir comme un instrument
de développement opéré par une rationalisation de
l’action étatique. Cela se traduit par une nécessaire
augmentation des standards nationaux en matière de
libéralisation politique, de respect de la règle de droit,
des droits de l’homme, de la lutte contre la corruption
ou encore de la transparence dans l’action publique.
Cette démarche participe à la stabilisation du régime
par le rehaussement de la confiance de la population
et des investisseurs dans un Etat.
Une bonne répartition des pouvoirs entre l’exécutif
et le législatif et surtout l’alternance politique
participent aussi à cette logique. La possibilité d’un
changement pacifique de majorité et la responsabilité
des dirigeants devant leurs électeurs obligent les
partis politiques à prendre en compte l’intérêt de
leur population et de ses composantes sociales
dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques
publiques. Ce mécanisme ne peut être efficace que
s’il se déroule dans le cadre d’élections transparentes
et cela présuppose par conséquent une lutte efficace
contre les votes frauduleux et achetés.
De même, le pluralisme politique ne constitue pas
un handicap dans l’exercice du pouvoir mais peut
être au contraire un instrument de médiation sociale
important. La diversité politique a un impact majeur
sur l’investissement des citoyens dans le système
politique et leur acceptation du dit système et de
ses règles lorsqu’ils ont le sentiment que leurs
idées et intérêts sont défendus par l’une ou l’autre
offre politique en présence. Cette revendication est
la plus mise en avant par les mouvements civiques,
car la bonne gouvernance requiert une concordance
entre le résultat des urnes et la couleur politique
des dirigeants au pouvoir. Parfois la lutte électorale
peut accentuer les clivages sociaux et prolonger la
lutte par d’autres moyens. La non-reconnaissance
du résultat des urnes par les candidats peut en
revanche déstabiliser totalement un pays. Les récents
développements guinéens et ivoiriens mettent en
évidence ces risques de troubles sociaux qui ont pour
conséquence le ralentissement voire une paralysie de
l’économie ainsi que la discorde nationale. Malgré ces
pratiques néfastes des jeux politiques et électoraux,
multipartisme, vote transparent et équilibre des
pouvoirs représentent les piliers de ce que les
institutions internationales nomment la gouvernance
démocratique.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
165
:: Des instruments
internationaux largement
ratifiés mais inégalement
appliqués
des manifestants de la place Tahrir pour la transition
du régime, outre l’élaboration d’une nouvelle
Constitution, tournaient essentiellement autour de
revendications sociales et politiques que l’on peut
rattacher aux deux pactes de 1966.
Les engagements à établir une gouvernance
démocratique ont été ratifiés par la plupart des
Etats par le biais des instruments internationaux
de protection des droits le l’homme. Il s’agit
notamment du pacte international des droits civils
et politiques (PIDCP) et du Pacte international des
droits économiques sociaux et culturels (PIDESC),
plus connus sous l’appellation de ‘’pactes de 1966’’.
Même s’ils sont largement ratifiés -167 pays ont
ratifiés le PIDCP et 160 le PIDESC- leur respect n’est
toutefois pas uniforme selon les régions du monde. A
titre d’exemple, tous les pays de la région maghrébine
et moyen-orientale, à l’exception de l’Arabie Saoudite,
les ont signés et ratifiés.
Néanmoins, l’effectivité de ces instruments est pour
le moins relative, car elle doit se traduire dans des
pratiques institutionnelles et politiques nationales.
Certains pays utilisent l’argument du relativisme
culturel ou religieux pour nier le caractère inextricable
du respect des droits de l’homme et de la bonne
gouvernance. Ce faisant, ils refusent d’adhérer à
ces instruments et dénient de facto ces droits civils
et politiques à leurs citoyens. Dans d’autres pays,
les dirigeants vont arguer du fait que leur population
n’est pas prête pour l’établissement d’une démocratie
pleine et entière, du fait de son niveau d’éducation
moindre ou du niveau de vie inférieur. Quant aux pays
occidentaux, traditionnels promoteurs des notions
de démocratie et de droits de l’homme, nombre de
dirigeants pensaient que les populations arabes, par
exemple, ne seraient pas capables de renverser leur
système politique pour exiger l’extension et le respect
de leus droits civils et politiques. La croyance selon
laquelle les revendications politiques ne pourraient se
dissocier du facteur religieux était bien assise. L’hiver
2011 et les révoltes arabes auront été l’occasion de
démontrer que pour les pays musulmans, la religion
n’est pas fatalement centrale dans leur pensée
politique et leur approche de la vie publique. Ainsi,
lors de la révolution égyptienne, les revendications
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
166
L’autonomie et la liberté de la presse sont deux
points demandés par les manifestants et garantis par
l’article 19 du PIDCP, relatif à la liberté d’expression.
Cet article énonce que « ce droit comprend la
liberté de rechercher, de recevoir et de répandre
des idées de toute espèce […], sous forme orale,
écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre
moyen de son choix ». La liberté en matière de
presse est une composante majeure de la bonne
gouvernance car elle participe à la transparence
de l’action gouvernementale, à l’information et à la
mise en perspective des différents points de vue. La
possibilité pour les journalistes de révéler à l’opinion
publique des dysfonctionnements ou de proposer des
pistes d’amélioration des politiques publiques ne doit
pas être perçue comme une entrave au processus
démocratique. En janvier 2011, un député européen
rappelait à un Premier ministre d’un Etat de l’Union
européenne que l’information a le devoir de déranger
la sphère politique, en ce sens qu’elle fait partie de
la structure de la démocratie et qu’elle participe à sa
consolidation. Durant les MEDays, Marc Ellenbogen,
Président de Prague society, rappelait également
le rôle de chien de garde de la démocratie occupé
par la presse dans la préservation des valeurs
démocratiques. Pour autant, si cette liberté confère
aux journalistes des droits, elle impose également
des devoirs comme le professionnalisme, l’intégrité
ou l’éthique de l’information.
Libertés d’association et libertés syndicales,
également exigées récemment dans de nombreux
pays arabes, sont essentielles dans la mise
en place d’une bonne gouvernance, car elles
favoriseront l’apparition d’un pluralisme politique
et un renforcement du rôle des partenaires sociaux
dans les progrès sociaux, conditions nécessaires
à la multiplication des réformes institutionnelles.
Le premier alinéa de l’article 22 du PIDCP, relatif à
la liberté d’association, pose ainsi « le droit pour
toute personne de s’associer librement », avec pour
conséquence logique la possibilité de création de
partis politiques, et l’étend au « droit de constituer
des syndicats ». Quant à l’article 8 du PIDESC, relatif
à la liberté syndicale, il engage les Etats à garantir le
libre exercice des activités des syndicats. Ces deux
dispositions permettent néanmoins de limiter ces
droits pour des raisons d’intérêt national, d’ordre
public ou de protection des droits et libertés d’autrui.
Il faudra constater que ces trois catégories de motifs
font malheureusement l’objet d’une utilisation abusive
de la part d’Etats non-démocratiques et ne servent
que de prétexte à l’interdiction de la manifestation
organisée par des courants de l’opinion publique.
Si à court et moyen terme, ces restrictions ont des
conséquences limitées, elles peuvent à long terme,
déboucher sur une révolte populaire, qui ralentira le
pays dans son progrès social et fera vaciller l’ordre
politique.
Au-delà des droits sociaux et politiques, l’amélioration
du niveau de vie est également l’une des composantes
des traités internationaux de 1966, en ce sens qu’elle
participe au développement économique, et donc au
progrès social. L’article 7 du PIDESC oblige les Etats
à reconnaitre aux travailleurs des « conditions de
travail justes et favorables, qui assurent notamment
[…] la rémunération qui procure, au minimum […] un
salaire équitable ». Force est de constater que la mise
en place d’une rémunération minimale qui garantit un
salaire permettant de satisfaire les besoins primaires
est l’une des revendications des manifestations
égyptiennes. Remarquons également que c’est la
confiscation d’un outil de travail, le stand de vente
mobile de Mohamed Bouazizi, qui a débouché sur
son immolation, évènement fondateur de la révolution
tunisienne. Les politiques économiques visant à mettre
en œuvre une justice sociale sont des éléments de
pacification sociétale et ne doivent pas être négligées.
:: L’importance du respect des
droits de l’Homme
Le point faible de la notion de droits de l’Homme est
le suivant : qu’ils les respectent ou pas, les Etats vont
trop aisément brandir cet étendard afin de se donner
une respectabilité sur le plan international. A titre
d’exemple concret, il suffit de citer le rapport remis
par la Libye à la Commission africaine des droits
de l’Homme et des peuples quelques jours avant la
révolution de février 2011 : « La grande Jamahiriya
attache une importance particulière au droit du
citoyen à s’exprimer librement » ou encore « La loi
pénale libyenne comporte suffisamment de garanties
concernant la protection du droit de la personne
à l’intégrité physique et morale ». Pourtant, sans
parler spécifiquement de ce pays, torture, mauvais
traitements ou détentions secrètes sont encore trop
répandus à travers le monde.
A titre d’exemple, le rapport sur la torture 2010 de
l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture
estimait que plus de la moitié des Etats-membres de
l’ONU ont recours à ce procédé. La lutte contre le
terrorisme est une justification souvent avancée car
la définition même du terrorisme est floue (il en existe
plus d’une centaine en droit international). De plus, ce
prétexte est utilisé comme blanc-seing pour réprimer
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
167
l’opposition politique. Sans aller jusqu’à cet extrême,
les mauvais traitements de la part des forces de l’ordre
restent encore fréquents dans de trop nombreux pays.
Intimidations, violences ou interrogatoires musclés
sont des moyens légitimes pour des agents souvent
sous-payés et mal formés.
Pourtant, il serait faux de penser que la peur du
gendarme éradique la critique. Certes, elle la masque
mais d’un autre côté, elle ne fait qu’augmenter un
ressentiment à l’égard des gouvernants qui sera
démultiplié en cas de mouvement social d’ampleur.
Toutefois, ce musèlement du débat politique a pu
favoriser le soutien populaire à des mouvements
terroristes qui ont choisi la voie de la confrontation totale
avec les régimes. Ainsi, bien que son soubassement
idéologique soit éloigné de l’instauration du règne
des droits humains ou politiques, Al Qaida, en tant
que projet politique, est née de l’alliance entre des
hauts dignitaires du Jihad Islamique Egyptien et
du saoudien Oussama Ben Laden. Deux pays où
alternance politique, liberté d’expression et respect
des droits de l’homme n’étaient pas établis, loin s’en
faut. L’argument soulevé par les régimes autoritaires
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
168
selon lequel la répression est légitime lorsqu’elle est
menée contre des opposants politiques, soutiens du
terrorisme ou éventuellement des terroristes potentiels,
a perdu en crédit. Les gouvernements occidentaux,
qui pendant de nombreuses années ont acquiescé à
l’argument, semblent bel et bien remettre en question
cette rhétorique. La justification de l’état d’exception
en raison de la menace terroriste pourrait être remise
en question très rapidement dans les chancelleries
occidentales. Cette prise de conscience ne pourra
s’étendre à travers le monde que par le passage des
droits civils et politiques vers les droits économiques
et sociaux.
:: La bonne gouvernance :
prisme d’un cadre économique
et politique vertueux
Les économistes et les analystes politiques
considèrent qu’il y a un lien direct entre la gouvernance
démocratique et la capacité d’un pays à conserver ses
richesses et à drainer les investissements. Le montant
des prêts bancaires non-performants ou celui des actifs
des nationaux placés à l’étranger –autrement appelés
fuite des capitaux- renseignent par exemple utilement
sur l’état d’un système bancaire, de sa dépendance à
l’égard du pouvoir politique ou sur la perception par
les populations aisées et éduquées des opportunités
économiques dans leur pays. Ces critères permettent
aussi de classer les systèmes et les pays entre Etat
fort et attractif et Etat faible et autoritaire. Car pour les
populations, avoir un gouvernement dont l’action est
plus transparente a un impact direct sur la perception
qu’elles en ont et sur leurs capacités à conduire un
projet d’investissement pour augmenter leur niveau
de vie. Elles seront généralement plus enclines à
s’acquitter de l’impôt ou à innover et investir. La
bonne gouvernance, l’édiction de règles communes
qui permettent aux populations de se projeter dans
le temps, a donc un effet vertueux qui peut permettre
un élargissement de la base fiscale. Acquitter
l’impôt est généralement considéré comme le geste
le plus symbolique de la soumission volontaire
de la population à l’ordre politique. D’autre part,
l’élargissement de la base fiscale est un enjeu majeur
pour l’Etat afin de garantir son budget, de même que
la justice fiscale entre contributeurs et citoyens. De ce
budget consolidé dépendra alors sa capacité à investir
et à créer des services publics; ce qui favorisera le
lancement de politiques plus ambitieuses.
Par ailleurs, dans le contexte particulier de la
mondialisation économique les autorités publiques
sont amenées à prendre des décisions stratégiques
rapidement pour capter les investisseurs ; elles sont
donc jugées sur un critère d’efficacité. Elles sont
également jugées sur leur attractivité économique
et les conditions favorables à l’investissement.
Toutefois, la confiance des investisseurs étrangers
dans l’économie d’un pays est également fonction
de la stabilité politique qu’ils y anticipent. Attirer
un investissement qui génère les financements de
projets et favorise la création d’emplois sur le territoire
devient alors une question de structure politique et de
calcul de risque sur le long terme. S’il veut capter des
investissements dans les secteurs les moins rentables
économiquement mais au service de sa stratégie
nationale de développement, l’Etat doit prendre
conscience qu’il sera jugé sur sa capacité à faire vivre
des pratiques politiques et institutionnelles pacifiées.
Un Etat stable, avec des élections démocratiques,
un réel débat public et une liberté d’expression aura
donc plus de chance de bénéficier d’une croissance
pérenne. Il récoltera également d’autres fruits que
sont la hausse du niveau de vie, du niveau d’études
et donc une augmentation de la protection des droits
économiques et sociaux.
Le dernier pilier de la bonne gouvernance politique
et économique est l’instauration d’une institution
judiciaire efficace, neutre, indépendante des
influences de l’argent ou des influences partisanes.
La justice est non seulement au service de l’arbitrage
légal mais aussi au service de l’arbitrage économique.
Elle assure une fonction essentielle qui est celle de
définir dans chaque cas de conflit ce que l’autorité
publique a légiféré et décidé. Elle interprète les lois
et fait l’arbitrage selon le curseur précédemment
posé par le pouvoir législatif. Le renforcement et la
crédibilité du pouvoir judiciaire constitue la condition
sine qua non pour enclencher une dynamique positive
pour les citoyens afin que le droit soit connu et
appliqué. Pour les entreprises, elle permet de régler
leurs litiges commerciaux et de protéger leurs actifs.
Les possibilités de recours effectif et le double degré
de juridiction doivent garantir la cohérence de la
chose jugée avec la loi, en droit interne et au regard
de la Constitution, mais aussi et enfin l’effectivité des
engagements internationaux, tels que les pactes de
1966, dans les systèmes juridiques nationaux.
La démocratie n’a donc pas simplement trait au niveau
économique et social d’un pays, c’est avant tout un
apprentissage permanent et un perfectionnement qui
permet de créer les cadres d’un système organisé
pour traduire les besoins des citoyens dans des
politiques de terrain.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
169
La mise en place d’organes de lutte contre la
corruption
Le rapport 2010 de Transparency international
sur la perception de la corruption montre que les
trois quarts des Etats sont perçus comme étant
corrompus. Mais si ce phénomène est un problème
identifié par les gouvernants, la réponse politique est
souvent limitée. Pourtant, si la mise en chantier de
la lutte contre la corruption n’est pas évidente, elle
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
170
constitue néanmoins une composante essentielle de
la quête de la bonne gouvernance car la corruption
constitue une privation de l’accès au service public.
Pour son édition 2010, le Forum MEDays a donc
choisi d’aborder les problématiques de lutte contre
la corruption en réunissant le ministre de la justice
de la République du Congo, des responsables
d’agences de lutte anti-corruption et des experts
de haut niveau afin de comparer leurs expériences.
Ces échanges ont mis en avant certaines similitudes
dans les choix à adopter afin d’éviter que le combat
ne soit biaisé entre les circuits de corruption et les
institutions de lutte contre la corruption.
Tout d’abord, les instruments internationaux
fournissent une base de départ dans les moyens à
mettre en œuvre, mais cela n’est pas suffisant. La
Convention des Nations-Unies contre la corruption,
ratifiée par 150 Etats, donne des bases pour identifier
les incriminations, mettre en place des stratégies de
lutte ou encore associer la société civile. D’autres
conventions régionales existent comme en Europe
ou en Afrique. Ces instruments montrent une
incitation internationale à enclencher une dynamique
vertueuse. Pour autant, sa mise en place sur le
plan interne nécessite une volonté politique de long
terme. Changer les mentalités, que ce soit au sein de
l’administration ou dans les rapports commerciaux,
n’est pas une logique de court terme mais oblige à
une lutte quotidienne. Les acquis en la matière ne sont
pas immuables et peuvent disparaitre. A Madagascar,
l’instabilité politique qui touche le pays depuis deux
ans a eu pour conséquence le retrait des bailleurs
de fonds dans le financement de la lutte contre la
corruption, et une augmentation du phénomène.
Au Kenya, l’agence de répression, si elle a connu
de multiples succès ces dernières années, met en
garde contre le désintérêt de la classe politique et des
citoyens pour cette question. C’est donc une approche
de l’action publique qu’il convient de changer.
:: Le choix entre institutions de
prévention et de répression
Quant aux autorités spécialisées à proprement parler,
elles ont pour vocation la « détection et la répression »
de la corruption. Il peut s’agir de forces de police ou
de corps de magistrats spécialisés qui ne font que
cela et utilisent les moyens de police traditionnels
d’enquête et d’investigation. Toutefois, leur succès
n’est pas garanti. Notamment si la corruption dans le
pays est trop endémique, et qu’elle touche jusqu’à la
justice et les forces de l’ordre. L’absence de soutien
politique est également cruciale dans l’efficacité de
la lutte.
La mise en place de législations contre les
malversations dans la passation des marchés
publics, d’achats d’agents publics ou d’autres
infractions financières est une nécessité. Ceci fait,
les gouvernants se doivent d’élaborer une stratégie
nationale de lutte et de prévention de la corruption,
afin de faire le diagnostic sur l’étendue du phénomène
et de choisir les organes adéquats à mettre en place.
La convention des Nations-Unies en distingue deux
types.
:: Des institutions
indépendantes aux moyens
d’action multiples
D’un côté, les organes de prévention sont chargés
de mettre en œuvre les pratiques de prévention,
d’évaluation des instruments juridiques et des
mesures administratives ainsi que la diffusion des
connaissances sur son domaine d’activité. A l’instar
des sociétés les plus démocratiques, cela peut se
traduire par l’obligation de déclarations de patrimoine
pour les élus nationaux, les ministres et les agents en
charge des marchés publics. Obligation qui peut être
étendue à leurs conjoints. Le but étant de dissuader
les tentations de malversations. Autre type d’action : la
confrontation périodique des législations à la pratique,
et surtout la communication des résultats au grand
public. En effet, l’accès à l’information par la société
civile est essentiel car la mise en avant des corps
corrompus permet de faire pression sur eux. L’organe
peut également transmettre aux autorités judiciaires
toute suspicion émanant de leurs travaux ou tout cas
qui serait porté à sa connaissance.
Parmi les points communs entre ces deux types
d’institutions : le caractère essentiel de l’indépendance
de leurs membres. Leur nomination doit s’effectuer
dans la transparence. Il est également nécessaire
que les membres soient issus de l’ensemble de la
société civile. Quant aux ressources matérielles et
financières, la Convention préconise de les fournir
en fonction des demandes. Toutefois, il n’est pas rare
que les directeurs d’agences aient des difficultés à
faire passer ce message auprès de leurs gouvernants
que ce soit au moment de la création ou en cours
d’exercice. Au Maroc, la jeune Instance de prévention
se voit opposer les restrictions budgétaires pour geler
l’embauche de personnels1. Le cas s’était également
présenté en Serbie. Toutefois, la directrice de l’agence
serbe a pu débloquer ce point en donnant une
conférence de presse sur le sujet.
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Maroc
4,7
N.C.
3,7
3,3
3,2
3,2
3,2
3,5
3,5
3,3
3,4
Serbie
1,3
N.C.
N.C.
2,3
2,7
2,8
3
3,4
3,4
3,5
3,5
Madagascar
N.C.
N.C.
1,7
2,6
3,1
2,8
3,1
3,2
3,4
3
2,6
République
du Congo
N.C.
N.C.
N.C.
2,2
2,3
2,3
2,2
2,1
1,9
1,9
2,1
Kenya
N.C.
2
1,9
1,9
2,1
2,1
2,2
2,1
2,1
2,2
2,1
Source : Transparency international
1- Texte rédigé avant l’audience royale du 1er avril 2011 accordée par S.M. Mohamed VI et M. Abdesselam Aboudrar, président de l’instance centrale
de prévention de la corruption (ICPC), au cours de laquelle le Souverain a demandé au gouvernement d’étendre lesRAPPORT
prérogatives
de l’instance
et de
INSTITUT
AMADEUS 2011
171
renforcer ses modes d’actions.
Cette communication ne renforce pas seulement
l’indépendance mais fait également gagner en
efficacité. Présenter les attributions au grand public
et expliciter leur logique permettra de savoir quelles
sont les infractions et crimes pouvant être signalés. La
présentation des moyens de saisines est également
primordiale si l’on veut que la société civile participe
à la lutte. Toutefois, la peur de représailles peut
décourager certains témoins ; il est donc nécessaire
de communiquer sur la possibilité ou non de protéger
leur anonymat. Sur ce point, de nombreux pays
ont adopté le business keeper monitoring system ;
interface qui permet de dénoncer anonymement des
faits de corruption, via une déclaration en ligne. Elle
permet également d’utiliser une boite électronique
cryptée rendant anonymes les échanges avec les
organes. C’est un bon début pour inciter les gens à
participer à ce combat, mais ce n’est pas suffisant
pour le gagner.
Dans les pays où la corruption est banalisée, la
sensibilisation de la société civile aux méfaits de la
corruption sur l’économie nationale est une priorité.
Pour les adultes, il est souvent trop tard car leur
perception du phénomène est déjà faite. C’est du côté
des futurs citoyens que les chances de succès sont
les plus importantes. Les cours d’éducation civique
dès le plus jeune âge permettront progressivement
de changer les mentalités en y inculquant la culture
de l’honnêteté. L’implication des médias pour faire
connaître les affaires participe également à cette
logique, en montrant que la corruption n’est pas
une norme sociale et que la dénonciation de ces
agissements peut déboucher sur des procédures
judiciaires.
La lutte contre la corruption est un combat de longue
haleine qui ne pourra aboutir qu’avec le concours
inébranlable de la classe politique. La baisse de
l’implication politique a des effets néfastes sur la
pérennité de la lutte. Une communication régulière
de la part des agences de lutte ou de prévention
sur les avancées effectuées contribue à éviter cette
tendance, en rappelant les gouvernants à l’ordre à
chaque tentative de retour en arrière.
:: L’émergence d’une
coopération internationale
La coopération internationale favorise également
la pression pour une lutte anti-corruption efficace,
comme le montre l’exemple du Groupe d’Etats contre
la corruption, initié par le Conseil de l’Europe. Ce
programme impulse une dynamique en procédant à
une étude d’évaluation des législations de tous les
membres à l’issue de laquelle des recommandations
sont émises. Dix-huit mois plus tard, une étude de
conformité est menée pour savoir si les Etats parties
ont procédé ou non aux ajustements nécessaires.
Cette dernière étude pouvant déboucher sur une
procédure dans les cas où les mesures auraient été
jugées insatisfaisantes. Quant à la Convention des
Nations Unies contre la corruption2, elle dispose d’un
mécanisme d’examen quinquennal d’application.
Durant cette période, chaque Etat contrôlé devra
procéder à une auto-évaluation qui sera ensuite
examinée par deux autres Etats parties. Pour les
associations de lutte contre la corruption, cette autoévaluation risque de faire apparaître des divergences
entre le bilan dressé par le pays et ses examinateurs,
et donc d’entretenir le brouillard sur l’étendue réelle
du phénomène. Toutefois, on peut considérer que
l’examen constitue l’ébauche d’une généralisation
par les Etats d’un état des lieux en matière de lutte
anti-corruption. Il recense les lois en vigueur et leur
efficacité, les difficultés rencontrées, l’identification
des besoins d’assistance technique, la promotion
de la coopération internationale ou encore l’échange
d’expériences. Peut-on espérer y voir les premiers
pas vers une bonne gouvernance mondialisée ?
2- A titre informatif, le Royaume du Maroc accueillera en octobre 2011, la conférence annuelle et l’Assemblée générale de l’association internationale
des autorités
de lutte
contre2011
la corruption, ainsi que la conférence des Etats parties à la Convention des Nations unies contre la corruption.
RAPPORT
INSTITUT
AMADEUS
172
Le rôle des médias et de l’internet dans la
transition démocratique :
(R)évolution 2.0
Les révoltes politiques qui ont secoué l’Afrique du
Nord et le Moyen-Orient depuis le mois de janvier
auront rappelé le rôle essentiel des médias dans les
processus de démocratisation. Les gouvernants n’ont
pas pu lutter efficacement contre le changement de
également révolutionné la manière dont les
journalistes pouvaient travailler et faire parvenir des
informations d’un pays dans lequel ils n’avaient que
peu d’accès.
:: L’entrée progressive des
grands médias internationaux
dans les foyers du Sud
Majoritairement autoritaires à la fin des années 1980,
la situation des pays en développement sur le plan de
la liberté de la presse était très claire. D’un côté, nous
avions des médias faisant office de relais officiels
des gouvernements et de l’autre, ceux à la volonté de
ligne éditoriale indépendante soumis à l’intimidation
et à la censure dans la divulgation de l’information.
Dans les pays du Sud, l’argument du développement
économique était le principal prétexte à une
restriction des libertés politiques empêchant le débat
public et l’émergence d’une réelle presse d’opinion.
Les années 1990 apportent un changement majeur
avec l’entrée de la télévision par satellite dans les
foyers. Ce mouvement a coïncidé avec l’apparition de
grands médias internationaux, désormais diffusés à
l’échelle de continents entiers, qui ont fait perdre à la
totalité des régimes politiques la capacité à maîtriser
leur image à l’international. La décennie suivante, la
multiplication des chaînes d’information régionales a
augmenté cette ouverture au monde.
paradigme opéré par l’imprégnation des nouveaux
médias dans les populations et le développement
de réseaux internationaux d’information. Le forum
MEDays avait pressenti le rôle grandissant des
medias comme vecteur de transformation politique
au Sud et consacré un débat lors de l’édition
2010. Cette intuition avait notamment fait suite
aux émeutes de 2009, en Iran qui pour la première
fois avaient démontré une capacité d’organisation
des manifestations via Internet. Le réseau avait
L’autre front de ce changement est l’essor d’Internet
qui, au fil des années 2000, a démocratisé l’accès
à une presse internationale indépendante et de ce
fait moins complaisante à l’égard des régimes peu
regardants sur la situation des droits de l’homme dans
leurs pays. Ces évolutions ont favorisé la découverte
d’espaces de débat et d’information bénéficiant d’une
plus grande liberté de ton. Les Etats ayant perdu
la maîtrise de l’information face à des faisceaux
satellitaires qui font fi des frontières, le village
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
173
global s’est progressivement révélé, entremêlant
informations nationales et internationales. Dès lors,
les citoyens ont pu comparer leur classe politique
avec celles d’autres pays, voisins ou non. Quant aux
journalistes, la possibilité de reprendre des affaires
dévoilées par des médias étrangers a pu leur donner
le sentiment d’avoir acquis plus de liberté.
:: L’émergence d’un canal
citoyen de démocratisation et
d’information
Toutefois, les gouvernants ont tenté de limiter cette
ouverture de l’accès à l’information en bloquant
certains sites Internet, en retirant les accréditations
de certains journalistes jugés trop désobligeants,
en exerçant des pressions sur les annonceurs ou
encore en bloquant l’accès à certaines chaînes sur
leur territoire national. Parfois, cette censure a pu
être paradoxale. Certains Etats interdisent la diffusion
papier d’un journal en cas d’article estimé offensant,
alors qu’il est possible de le retrouver sur Internet, ce
qui laisse apparaître des fissures dans ces systèmes à
l’information cadenassée.
L’écart manifeste de générations entre les gouvernants
et des populations de plus en plus jeunes est également
à prendre en compte dans le rôle des médias dans
les pays du Sud. Ainsi, en Afrique du Nord, les moins
de vingt-cinq ans représentent plus de la moitié de la
population, ce qui faisant d’eux autant de nouveaux
citoyens qui ont grandi avec ces médias qui leur
paraissent naturels. Dans d’autres cas, il a été le
vecteur de l’organisation de la contestation sociale.
Le sentiment d’impunité dans l’utilisation d’Internet
explique en grande partie cette parole décomplexée.
La multiplication des sources d’information fait que les
citoyens ont désormais accès à une plus large palette
de points de vue, amenant à l’avènement d’une société
plus critique sur ses médias. La parole officielle n’est
plus sacrée mais peut être contredite par des citoyens
reprenant des médias non-autorisés.
L’appropriation par la société civile et les associations
des outils audiovisuels et informatiques débouche
également sur une surveillance du respect des droits
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
174
de l’homme dans l’action des agents publics. Pour les
ONG, Internet constitue un moyen peu onéreux de faire
connaître leurs combats et de lancer des campagnes
médiatiques. En Israël, l’association B’Tselem a fourni
des caméras aux populations des territoires occupés
pour filmer les opérations militaires israéliennes
puis les diffuser sur Internet, voire les fournir aux
chaînes de télévision en cas d’abus. Au Maroc, des
vidéos montrant des gendarmes touchant des pots de
vin sur un barrage routier ont abouti à des mesures
disciplinaires. En Egypte, une vidéo semblable diffusée
sur Internet a semble-t-il été l’une des étincelles
de la révolte, notamment après que son auteur ait
été retrouvé par la police et molesté. Au Kenya, lors
des violents troubles suivant les élections de 2008,
des citoyens ont créé un site Internet recensant les
violences qui se déroulaient dans le pays, permettant
aux habitants d’éviter de s’y exposer.
:: Un acquis synonyme de
responsabilisation
Au-delà des associations, le citoyen a su trouver sa
place dans l’agora en devenant un acteur direct dans
la manière de relater des faits. Lors des manifestations
iraniennes de 2009 ou de la révolution égyptienne,
les médias internationaux ont repris les messages
postés sur les réseaux sociaux par des manifestants
au plus près de la répression par des forces de l’ordre.
Toutefois, si la parole donnée à des témoins directs peut
permettre l’information, le fait qu’ils ne soient pas des
professionnels peut amener à des déformations sur la
réalité des évènements, voire à des supercheries. Ceci
doit amener les médias à davantage recouper leurs
sources, à ne pas se laisser piéger par la sempiternelle
course au scoop et les obliger à être toujours plus
professionnels dans le traitement de l’actualité. Car
désormais, la quête d’un droit à l’information neutre
est vue par les populations du Sud comme un véritable
acquis social, une incarnation de l’homo democraticus.
Quant aux gouvernements, ils doivent s’habituer à ce
que médias et citoyens les rappellent à l’ordre lorsque
les lignes rouges sont franchies, ou qu’ils manquent
d’efficacité. Sur le plan de la gouvernance, cela ne
pourra que renforcer leur crédibilité au niveau national
comme à l’international.
Gouvernance, droits humains et réformes
institutionnelles : des modèles ou un paradigme ?
- Angelino Garzon : Vice président de la République de Colombie
- Sven Alkalaj : Ministre des Affaires étrangères de la République de Bosnie Herzégovine - Gianni di Michelis : Président de l’Institut pour les relations entre l’Italie et les pays d’Afrique, d’Amérique
latine, de l’extrême et du Moyen-Orient, ancien ministre des Affaires étrangères de la République italienne,
ancien Député européen
- Ahmed Herzenni : Président du Conseil consultatif des droits de l’Homme du Royaume du Maroc
- Marc Ellenbogen : Membre du Conseil national d’orientation du parti Démocrate des Etats-Unis d’Amérique
- Marou Amadou : Président du Conseil consultatif national de la République du Niger
- Aimé Emmanuel Yoka : Ministre d’Etat, Coordinateur du pôle de la souveraineté, Garde des sceaux, Ministre
de la Justice et des droits humains de la République du Congo
Modération : David Foster, présentateur, Al Jazeera networks
Expériences croisées du lutte anti-corruption et
de la pratique de la bonne gouvernance : Comment
installer un arsenal législatif performant tout en
garantissant le respect de la règle de droit ?
- Zorana Marković : Directrice de l’agence anti-corruption de la République de Serbie
- Rabha Zeidguy : Secrétaire générale de l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption du Royaume du Maroc
- Sarah Leah Whitson : Directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de Human Rights Watch
- JEAN-ERIC RAKOTOARISOA : Vice-président de l’Université d’Antananarivo, Professeur au Département droit,
Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie
- Abdeslam Maghraoui : Professeur de Sciences Politiques à la Duke University
- Aimé Emmanuel Yoka : Ministre d’Etat, Coordinateur du pôle de la souveraineté, Garde des Sceaux, Ministre
de la Justice et des Droits Humains de la République du Congo
Modération : Nicholas Kulish, journaliste, New York Times
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
175
Media et internet : Quel rôle dans la transition
démocratique et la construction de la citoyenneté
dans les pays du Sud ?
- Charles Enderlin : Journaliste, Chef du bureau de France 2 à Jérusalem, auteur de « Un enfant est mort
- Xing Li : Journaliste au « China daily » et rédactrice en chef de l’édition américaine
- Thione Niang : Président des relations internationales des jeunes Démocrates américains
- Octavia Nasr : Fondatrice de Bridges Media Consulting, rédactrice en chef de octavianasr.com, ancienne
présentatrice à CNN.
- Sanaa el Aji : Directrice de la communication et des relations extérieures à Hautes Etudes de Management
(HEM), ancienne journaliste pour l’hebdomadaire marocain Nichane
- George Sibotshiwe : Directeur du think tank sud-africain “African center for democracy”
Modération : Ignacio Cembrero, correspondant pour le Maghreb, El Pais
RECOMMANDATIONS :
Euro-méditerranée
- Donner une plus grande dimension au respect des droits de l’homme et à la protection
des medias dans la coopération euro-méditerranéenne.
- Favoriser la transition politique tunisienne en proposant un statut avancé entre
l’Union européenne et la Tunisie.
Pays du Sud
- Développer les protections juridictionnelles effectives des citoyens en matière de
droits de l’homme à l’échelon national comme à l’échelon sous-régional et régional, à
l’exemple de la Cour européenne des droits de l’homme.
- Mettre en place des agences de lutte anti-corruption avec des pouvoirs et des
moyens financiers effectifs.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
176
Les forces armées dans les pays du Sud :
quelle place, pour quelles missions ?
Mauritanie en 2008, Guinée en 2009, Niger en 2010 ;
l’actualité politique de nombreux pays d’Afrique de
l’Ouest a été ponctuée par la prise de pouvoir des
forces armées. Même si la tendance semble être à une
confiscation temporaire du processus démocratique,
jusqu’à une période récente, il n’était pas rare de
voir les juntes garder le pouvoir pendant plusieurs
décennies ; ce qui a eu des conséquences néfastes pour
les populations civiles et sur la constitution de réelles
sociétés démocratiques. En effet, il n’est pas rare dans
les pays en développement que les forces armées aient
une forte influence sur le jeu politique. Cela s’explique
par le fait qu’elles constituent les institutions les plus
structurées du pays, disposant en sus du monopole de
la violence légitime, dans des pays où rapports de forces
politiques et alternances démocratiques ne s’expriment
pas parfaitement dans un cadre pacifique et apaisé.
Les missions qu’elles exercent, à savoir la défense de
l’intégrité du territoire et, le cas échéant, le maintien
de l’ordre public, les placent en situation de force par
rapport au pouvoir politique, particulièrement en Afrique
où les frontières coloniales ont établi des ambigüités
et des tensions militaires entre les Etats. Cette position
particulière des forces armées les amène parfois à se
considérer comme les gardiennes de la Constitution, et
à intervenir pour retrouver un fonctionnement régulier
des institutions.
Ce rôle de régulateur est par ailleurs tacitement
accepté par la communauté internationale qui pousse
néanmoins à l’élection d’un pouvoir civil dans les
meilleurs délais. Pour autant, les forces armées
n’ont pas pour vocation à interférer avec l’autorité
civile et encore moins à gouverner. La question de
leur réforme est donc nécessaire pour deux raisons.
Institutionnellement, la réflexion sur leur place dans
la société et la consolidation de leur contrôle par
les forces civiles et politiques est incontournable.
Internationalement, la mutation des menaces oblige
à une redéfinition dans l’organisation périodique des
missions des forces armées.
:: Les gouvernements
militaires : des gouvernants
désastreux
L’histoire moderne laisse apparaître que, dans
certains pays, les forces de l’ordre s’arrogent un
droit d’intrusion dans le jeu politique en cas de
crise institutionnelle majeure. Les nouvelles juntes
justifient souvent leurs prises de pouvoir en invoquant
une demande expresse de la population et/ou l’échec
de la classe politique à maintenir un consensus
viable et l’ordre public. Pour certaines, l’intervention
militaire se justifie par la violation de la Constitution
par les autorités politiques, et propose un retour
au fonctionnement régulier des institutions. Sur ce
point, l’exemple nigérien du 18 février 2010 est un
cas de transition démocratique, car il a donné lieu
à l’élection du président Issoufou à peine plus d’un
an après la destitution du précédent président par
l’armée, au motif que ce dernier voulait se présenter
anticonstitutionnellement à un troisième mandat. En
l’espèce, la junte n’avait pas pour objectif initial de
garder le pouvoir mais au contraire de le rendre au plus
vite à de nouvelles autorités civiles démocratiquement
élues. Cette éthique s’est notamment manifestée
dans le fait que les dignitaires du pouvoir de transition
ne se sont pas donnés la possibilité de présenter leur
candidature à la magistrature suprême.
Pour autant, si les récents exemples africains
semblent donner de la consistance à cette théorie
du ‘’coup d’Etat juste’’, la probité n’a pas toujours
été la norme, loin s’en faut. Les exemples de
gouvernements militaires ayant pour caractéristique
une irresponsabilité totale des gouvernants envers le
peuple ou les autres institutions sont nombreux. Ainsi,
au Pakistan, les militaires ayant renversé Zulfikar
Ali Bhutto en 1977 ont commencé par retarder
les échéances électorales avant d’abandonner
progressivement aux islamistes radicaux les missions
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
177
régaliennes sociales et éducatives sur des pans
entiers du territoire. Ce faisant, ils ont favorisé la
perte de confiance des citoyens dans l’Etat de droit de
même que l’implantation d’idéaux fondamentalistes
dans la société, via des écoles coraniques. Celles-ci
ont créé des générations de nouveaux sympathisants
des mouvances terroristes qui défient aujourd’hui
l’autorité étatique. Autre exemple, le Chili, où le bilan
de la junte (1973-1990) en matière de violation des
droits de l’homme a été catastrophique3. Tortures,
disparitions d’opposants et autres violations de droits
civils et politiques ont empêché l’émergence d’une
opposition politique structurée pendant près de deux
décennies et ont créé une profonde fracture dans la
société. Qui plus est, les choix économiques opérés
par la junte ont radicalement différé par rapport à
la période démocratique, sans que les populations
n’aient pu exprimer par scrutin ni consentement ni
rejet. C’est en cela que l’irresponsabilité politique
est érigée en principe dans les gouvernements
militaires et diffuse une culture sociétale autoritaire et
intolérante à la critique et au contrôle démocratique.
Sud, au Chili ou encore au Maroc- qui ne sont pas
des organes juridictionnels à proprement parler mais
des commissions permettant la manifestation du droit
à la vérité pour les victimes, leurs proches et plus
largement l’ensemble de la société. Généralement,
elles indemnisent aussi les victimes directes ou
indirectes. Au-delà du signal fort que cela envoie sur
le retour de l’Etat de droit et la fin de l’impunité, c’est
surtout une thérapie psychologique pour des sociétés
traumatisées. La coopération de l’armée dans ce
processus est essentielle car cela montre le retour
de la subordination du militaire au civil et la mise en
place d’un contrôle démocratique sur l’institution.
N’ayant donc pas vocation à gouverner, les forces
armées doivent placer leurs actions sous les
directives et le contrôle des autorités civiles et
judiciaires. Et lorsque ce contrôle s’exerce dans le
cadre d’une transition vers un pouvoir civil, il s’avère
particulièrement complexe à mettre en œuvre car il
s’agit de réformer à la fois les forces armées et la
culture de gouvernement.
Dans les cas où les abus du régime militaire ont
compromis l’unité nationale et provoqué des fractures
politiques ou psychologiques, il est nécessaire de
repenser l’institution dans son fonctionnement et
dans sa place au sein de la société. La consolidation
du socle démocratique passe par un examen sans
complaisance des actes qui ont pu être commis
sous la junte. Elle peut passer par les juridictions
pénales internationales (Cour pénale internationale)
ou internationalisées (Chambres extraordinaires au
sein des tribunaux cambodgiens) ce qui contribue à
décrisper les rapports sociaux internes. Parfois, ce
processus est organisé au plan national et peut se
traduire par la mise en place d’instances de vérité et
de réconciliation -comme ce fut le cas en Afrique du
Chikadibia Obiakor,
Ancien secrétaire général adjoint des Nations
Unies, conseiller militaire du Secrétaire
général pour les opérations de paix
3- Suite aux rapports Retting, puis Valech, le nombre de victimes directes du régime recensées est de 1102 disparus, 2095 morts et 27255
178
personnes de tortures et d’emprisonnement
politique.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
Ainsi, le pouvoir exécutif reprendra-t-il la maîtrise de
son action et pourra lui attribuer de nouvelles missions
comme la participation aux opérations internationales
de maintien de la paix ou de coopération et d’assistance,
voire des missions ponctuelles de protection civile. Le
pouvoir législatif concourt également à ce processus
en contribuant à l’élaboration de la politique de
sécurité nationale, en votant son budget et en
contrôlant les activités des forces armées. De plus,
le contrôle parlementaire de l’activité des forces
armées et la réflexion sur leur devenir contribue
à instaurer un dialogue de confiance entre les
représentants du peuple et l’Etat-major, raffermissant
ainsi le lien avec la société civile. Organisations de
défense des droits de l’homme, médias et médiateurs
institutionnels doivent également devenir des acteurs
de la surveillance de l’action des forces armées, car
cela montre l’appropriation de la société civile et la
possibilité de révéler des dysfonctionnements dans
l’exercice quotidien de leurs missions (violation
des droits de l’homme, corruption…). Cela passe
notamment par une facilitation, dans la limite des
impératifs de sécurité nationale, de l’accès du public
aux informations relatives aux forces armées. Toutes
ces démarches responsabilisent l’armée dans ses
actions. Plus encore, elles répondent à deux défis
majeurs : rapprocher l’armée de sa population et
s’adapter pour répondre à de nouvelles menaces.
:: Le changement de
l’environnement international
et l’apparition de nouvelles
menaces
Au niveau diplomatique, le renforcement du rôle et
du poids des instances régionales et internationales
en matière de crise politique majeure a entrainé une
baisse du nombre de conflits armés. Pénalement, le
renforcement des juridictions pénales internationales,
permanentes ou ad hoc, envoie un message fort aux
régimes en place : en cas de violations graves et/ou
systématiques des droits de l’Homme de la part des
forces armées, la communauté internationale mettra
en place des tribunaux pour juger les responsables
des exactions. Cette systématisation progressive n’est
pas parfaite car les juridictions mises en place doivent
souvent surmonter des contraintes budgétaires.
Toutefois, ces dernières années, de nombreux chefs
militaires et politiques ont vu leur impunité prendre fin
(Charles Taylor, Slobodan Milosevic).
La mutation des principales menaces explique
également les nécessaires restructurations des
missions des armées. Le renforcement et la
multiplication de réseaux criminels internationaux
qui exploitent les faiblesses organisationnelles
de certains pays en développement en est une
illustration. De même, le terrorisme transnational
recentre ses actions vers les Etats du Sud qui leurs
servent à la fois de sanctuaire et de zone d’action
(ex : Sahel). On observe également un développement
des interactions entre activités terroristes et
criminelles. Ces mutations obligent les forces armées
à développer leurs capacités de renseignement et à
se doter de moyens de réaction rapide pour faire face
à de nouvelles menaces qui contribuent à déstabiliser
leurs systèmes institutionnels. Le faible nombre de
personnes utilisées dans la commission d’actes de
terrorisme au regard des conséquences matérielles et
psychologiques oblige les forces de sécurité à repenser
leur organisation et leur déploiement afin de lutter
plus efficacement contre eux. Cela passe notamment
par la formation d’unités réactives aux effectifs plus
réduits et spécialisées dans des opérations de lutte
contre le terrorisme- telles l’infiltration de réseaux ou
la gestion de prises d’otages.
Le développement de la coopération régionale
en matière de renseignement et de moyens
technologiques entre les forces armées participe à
cette logique car les criminels se jouent de frontières
souvent poreuses. Pour autant, si cette collaboration
présente des avantages budgétaires, elle peut
achopper sur des désaccords politiques préexistants
qui peuvent nuire à leur efficacité à moyen terme.
Ainsi au Sahel, un comité d’Etat-major conjoint a
été créé par l’Algérie avec la Mauritanie, le Mali et
le Niger pour lutter contre l’instabilité sahélienne.
Mais pour le moment, le Maroc, la Tunisie, le Tchad
et la Libye n’ont pas été associés à cette initiative.
Ce manque de coordination contribue à favoriser
la circulation des bandes armées. La mise en
œuvre effective d’une coopération Sud-Sud passe
également par la participation des Etats du Sud aux
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
179
opérations de maintien de la paix qui s’y déroulent,
comme c’est actuellement le cas sur le continent
africain, notamment en RDC ou au Darfour (voy.
Rapport MEDays 2009, sur la gestion des conflits et la
gestion des crises sur le continent africain). Tous ces
changements d’environnement et de menace obligent
les Etats du Sud à revoir leurs rapports avec leurs
forces armées. Mouvements terroristes et réseaux
criminels internationaux ont tout intérêt à agir dans
des Etats affaiblis. La réponse sécuritaire étatique est
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
180
donc cruciale, car au-delà de faire baisser le risque
criminel, elle contribue à raffermir la confiance des
populations vis-à-vis de leurs gouvernants. Pour
ce faire, il est nécessaire de consolider le dialogue
institutionnel, de respecter la règle de droit et
de développer la coopération internationale. Ce
comportement contribuera à la pérennisation de
la construction d’une société démocratique, plus
pacifiée, inspirée par la recherche de la bonne
gouvernance.
Pakistan :
préoccupation stratégique majeure
Entre 2002 et 2010, les Etats-Unis d’Amérique ont
accordé près de 18 milliards USD d’aide au Pakistan
(douze dédiés au militaire, six au le civil) dans le cadre
de leur alliance stratégique avec ce pays (voir supra.
focus Afghanistan). Malgré une coopération vieille de
plus de huit ans, notamment contre les islamistes
radicaux refugiés dans les hauts reliefs situés entre le
Pakistan et l’Afghanistan, le pays reste le plus touché
par le terrorisme avec 9620 victimes civiles entre
janvier 2003 et février 2011. La lutte contre la drogue
n’a pu ni tarir le trafic ni même dévier ses routes de
transit ; l’UNODC estime toujours qu’environ 40% des
opiacés produits en Afghanistan transiterait ou aurait
pour destination le Pakistan. Au classement sur la
perception de la corruption, le pays est passé de la
77ème à la 143ème place. Sur le plan politique, les
zones tribales et une partie croissante du territoire
restent hors du contrôle de l’Etat. Quant au contentieux
avec l’Inde sur le Cachemire, il demeure un point de
tension planétaire puisqu’il implique trois puissances
nucléaires régionales (Inde, Chine et le Pakistan).
Outre les tensions internationales qui en dérivent, ce
conflit est l’origine, sinon le prétexte utilisé par deux
gouvernements militaires pour prendre le pouvoir ;
celui de Zia ul-Haq (1978-1988), puis celui de
Pervez Musharraf (1999-2008). La tension extrême
qu’implique la situation géostratégique du pays a
donné à son armée un poids sans commune mesure
dans le système étatique.
Actuellement et depuis toujours, l’aide américaine
se concentre essentiellement sur le secteur militaire,
notamment pour les armements lourds et les
formations de haut officiers. Pour les Etats-Unis,
l’essentiel est d’obtenir de l’armée pakistanaise
un engagement total dans les zones de refuge des
islamistes radicaux et des terroristes rattachés à Al
Qaïda. Pourtant, la majeure partie des attentats sont
commis au cœur des villes pakistanaises. Ce sont
donc la police et les services de renseignements qui
combattent le terrorisme au quotidien. Or, matériels,
personnels qualifiés et techniques d’enquête leur
font défaut. Remonter les filières du trafic d’opium,
manne financière des réseaux terroristes, s’avère dès
lors nettement plus difficile. En conséquence, l’aide
technique devrait se concentrer sur la formation
des officiers de police, en première ligne dans les
enquêtes de contre-terrorisme et de la répression des
trafics.
Cette coopération souhaitable passe également par le
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
181
renforcement de la formation et de l’équipement des
services de médecine légale, afin de pouvoir mener
à bien les enquêtes sur des crimes de terrorisme. En
2009, selon un rapport de l’Institute for Social Policy
and Understanding, le nombre de laboratoires médicolégaux était d’un par province, ce qui est clairement
insuffisant pour répondre aux demandes des services
de police du pays. Autre point noir, les personnes
détentrices d’informations sur les auteurs d’attentats
ne les divulguent pas à la police car elles subissent
des représailles qui peuvent aller jusqu’à l’assassinat.
Quand elles le font, il n’est pas rare qu’elles renoncent
à aller jusqu’au procès. Les suspects sont donc la
plupart du temps relâchés. La mise en place d’un
programme de protection des témoins effectif est
un outil essentiel pour mettre fin à l’impunité dont
jouissent les terroristes. Ce mécanisme permettrait
de faire émerger le respect de la règle de droit et
redonnerait confiance dans le système judiciaire.
Sur le plan procédural, les réseaux terroristes
pakistanais profitent de la lenteur de la mise en
œuvre des notices rouges d’Interpol et font des
sauts de puces entre les Etats, pour se réfugier en
Afghanistan, où ils corrompraient les autorités pour
obtenir la nationalité afghane. Or, le régime de Kaboul
refuse d’extrader ses nationaux. Néanmoins, si
aucun traité d’extradition entre les deux pays n’a été
signé, un rapprochement sur le sujet entre les deux
gouvernements semble s’opérer depuis début 2010.
La lutte contre le trafic de drogue est l’un des
principaux fronts dans la lutte contre le terrorisme.
Selon un rapport de l’UNODC de 2009, sur la période
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
182
2006-2007, l’argent de l’opium a permis de financer
mouvements terroristes et seigneurs de guerre dans
une fourchette de 200 à 400 millions USD. Du fait
de leur intérêt commun à affronter un Etat faible,
les réseaux s’échangent des protections et se taxent
mutuellement, formant ainsi une alliance tacite. Cette
faiblesse s’explique par une corruption étendue au
sein de la police et des liens parfois étroits d’agents
de renseignement avec les mouvements islamistes.
Cette situation a créé un déficit de confiance qui a
freiné la coopération internationale dans l’échange
de renseignements et la coopération judiciaire
contribuant ainsi à consolider l’assise des terroristes
et des trafiquants de drogues.
Enfin, le conflit du Cachemire qui envenime les
relations indo-pakistanaises depuis plus de soixante
ans a amené les responsables militaires pakistanais
à soutenir des mouvements extrémistes, comme
Laskhar-e-Taiba ou Jaish-e-Muhammed, dans leur
conflit contre l’Inde. Cette contribution à la cause
nationale leur a permis d’acquérir une certaine
sympathie auprès de la population. Ensuite, ces
organisations se sont mises à commettre des
attentats sur le territoire pakistanais et en Inde.
Depuis la bataille de la Mosquée Rouge en 2007,
les services de sécurité, qui leur étaient favorables,
ont changé leur positionnement et se sont mis à
les combattre. Toutefois, des attentats majeurs se
produiront inévitablement, particulièrement en Inde.
Régler la question du Cachemire privera une partie des
mouvements terroristes d’une rhétorique de combat
national et d’un terreau favorable à l’entrainement à
la lutte armée.
FOCUS
AQMI :
Al-Qaïda au Maghreb Islamique
Héritière du groupe salafiste pour la prédication et
le combat (GSPC) algérien , la nébuleuse Al-Qaïda
au Maghreb Islamique (Aqmi), prête allégeance à
Oussama Ben Laden en 2006. L’année suivante,
elle commet une série d’attentats meurtriers contre
l’Etat algérien qui entraine une répression forçant le
mouvement à se relocaliser plus au Sud du pays, où le
milieu naturel facilite la dissimulation. Actuellement,
elle regroupe entre 400 et 600 membres déployés
sur tout le Sahel avec une grande concentration sur
la parallèle Mauritanie- Mali- Sud de l’Algérie- Niger.
Ses objectifs sont la déstabilisation de la région,
notamment en exploitant les dissensions entre
les Touaregs et les gouvernements locaux, la lutte
contre les intérêts économiques et diplomatiques
occidentaux, plus particulièrement français, et
l’extension de leur déploiement vers d’autres pays
de la zone.
Pour autant, si l’argument religieux sert au
mouvement de légitimation, les modi operandi
utilisés depuis quelques années rappellent plutôt
ceux utilisés par les organisations criminelles.
Certes, les attentats contre les bâtiments officiels, les
représentations diplomatiques et les affrontements
contre les forces de sécurités sont encore réguliers.
Toutefois, l’extorsion de fond, la contrebande et les
trafics illicites internationaux représentent une source
importante et croissante de financement. Sur ce
point, les experts notent une conjonction de moyens
avec le crime organisé due à une communauté
d’intérêts à court terme. Cette criminalisation se
traduit également par la multiplication d’enlèvements
contre rançon de ressortissants occidentaux -depuis
deux ans, vingt-trois ont été enlevés, dont quatorze
libérés, quatre morts et cinq toujours en captivité
en avril 2011. Abu Zaïd, dirigeant d’Aqmi souvent
présenté comme un contrebandier opportuniste, est
le principal artisan de cette stratégie.
La difficulté à combattre ce mouvement tient au
fait qu’il s’agit de lutter contre un nombre réduit
d’individus, généralement bien intégrés socialement,
qui opèrent sur une zone désertique immense en se
jouant des frontières. Cet état des lieux leur donne
un avantage tactique évident car leur intégration
facilite l’obtention de renseignements et une plus
grande complicité des populations locales. De même,
ils ont pour adversaires des forces armées disposant
de dotations budgétaires et d’équipement limités.
Les pays occidentaux, également visés, ne peuvent
intervenir lourdement car un tel comportement
Dates clés AQMI
11 Septembre 2006 : Rencontre entre Abdelmalek Droukdel (n°1 du GSPC) et Ayman al-Zawahiri (n°2 d’Al-Qaïda).
24 janvier 2007 : Confirmation de la fusion des deux entités. Aqmi est née.
Avril-Décembre 2007 : Multiplication d’attentats meurtriers contre des bâtiments officiels en Algérie.
24 décembre 2007 : Assassinat de quatre touristes Français à Nouakchott.
14 décembre 2008 : Multiplication d’enlèvements de ressortissants étrangers dans le Sahel.
9 août 2010 : Communiqué d’Abou Anas al-Chanqiti menaçant les intérêts français en France comme à l’étranger
27 Octobre 2010 : Communiqué d’Oussama Ben Laden condamnant le comportement de l’Etat français vis-à-vis
des musulmans et justifiant l’enlèvement des otages d’Areva et de Satom du 16 septembre 2010.
8 janvier 2011 : Mort de deux ressortissants français au Mali lors de leur tentative de libération par les forces armées
françaises.
Début 2011: Le mouvement profiterait du chaos libyen pour renforcer sa capacité militaire en armement lourd et en
véhicules militaires.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
183
risquerait d’être contre-productif et perçu par les
populations locales ou leurs gouvernements comme
du néo-colonialisme.
:: Une coopération régionale
imparfaite
La coopération régionale en matière d’échange de
renseignements, initiée par l’Algérie, constitue un
progrès dans l’efficacité du combat contre Aqmi mais
elle reste imparfaite. Tous les pays concernés par le
phénomène n’y sont pas associés tels le Maroc, la
Tunisie, le Tchad et la Libye. Ensuite, aucun résultat
n’a été communiqué depuis son institution. Son
effectivité reste donc à confirmer. Enfin, les actes
commis par le mouvement ont plutôt tendance à
s’accroitre.
Quant à la coopération militaire internationale, elle ne
peut être mise en œuvre qu’avec le concours ou à
la demande des Etats concernés. Plusieurs initiatives
ont été lancées, comme le partenariat transsahélien
contre le terrorisme initié par le gouvernement
américain avec neuf Etats de la zone (Sénégal,
Mauritanie, Maroc, Algérie, Mali, Tunisie, Niger, Tchad,
Nigeria). Sur un plan plus opérationnel, des forces
spéciales occidentales sont également déployées.
Elles interviennent ponctuellement et forment les
troupes locales (Mauritanie, Mali, Niger). Autre front
majeur du combat contre Aqmi, la lutte contre le
trafic des substances illicites et la contrebande qui
participe à la déstabilisation des Etats. Les revenus
issus permettent d’établir des liens privilégiés avec
de hauts responsables locaux qui peuvent déboucher
sur des achats d’armes. Cette proximité avec certains
de ces officiels contribue également à renforcer la
sanctuarisation d’Aqmi dans la zone, et donc la
perpétuation de trafics lucratifs.
:: L’insuffisance d’une
approche exclusivement
sécuritaire
Pour autant, la coopération militaire ne constitue
qu’une réponse partielle aux problèmes institutionnels
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
184
et sociétaux. La faiblesse de l’autorité de la plupart
des Etats de la région facilite la pérennisation d’Aqmi
au Sahel et son extension à d’autres pays à ce jour
épargnés, comme le Sénégal, le Maroc ou le Nigéria.
L’aide économique et technique au développement
ainsi que la contribution à l’établissement de
gouvernements démocratiques permettront de
renforcer les systèmes politiques sahéliens. Elles
concourront également à favoriser les conditions d’un
développement économique viable. Car pauvreté,
faible scolarisation et absence de perspectives
économiques chez les jeunes citadins créent
marginalisation et désœuvrement ; deux sentiments
exploités par Aqmi dans le processus de recrutement
qui se propose d’offrir une alternative pieuse et
légitime à l’apathie qu’ils subissent. Toutefois, si ces
états de fait existent, au vu du nombre de terroristes,
il convient de ne pas généraliser.
Enfin, la lutte contre Aqmi passe par une
communication régulière afin de contrer les discours
des idéologues de l’organisation. Car si les Etats
luttent tant bien que mal sur les terrains policiers
et militaires, le champ médiatique est trop souvent
délaissé, laissant un vide comblé par l’organisation.
Il peut même arriver que les gouvernants nient
la réalité de la menace. Ainsi, en Mauritanie, le
président Ould Abdel Aziz a nié l’implantation d’Aqmi
sur son territoire avant de se faire démentir par un
communiqué d’Oussama Ben Laden d’octobre 2010 ;
démenti confirmé par des tentatives d’attentats
déjouées à Nouakchott en février 2011.
:: Une organisation de plus
en plus forte face à des Etats
fragiles
D’une organisation terroriste islamiste traditionnelle,
la franchise Aqmi a mué en organisation criminelle
transnationale de plus grande envergure.
L’accroissement des richesses et un réarmement
favorisent le renforcement des effectifs d’Aqmi,
notamment du côté des anciens rebelles touaregs.
Il faut s’attendre à ce que dans les mois à venir,
Aqmi intensifie ses actions contre les forces
gouvernementales ce qui entrainera des risques
de déstabilisation d’Etats déjà faibles. Ainsi, la
dissolution des forces de sécurité tunisiennes suite
à la Révolution de Jasmin fait de ce pays une cible
de choix pour la commission d’attentats. Quant à la
Libye, l’anarchie ambiante qui y règne actuellement
constitue un excellent paravent pour le renforcement
d’Aqmi dans le pays.
Sur un plan plus opérationnel, alors que par le passé
le mouvement agissait usuellement dans des zones
peu peuplées, les enlèvements les plus récents
montrent qu’il n’hésite plus à frapper en milieu urbain
ce qui nécessite une grande assurance ainsi qu’un
renforcement des capacités opérationnelles. De
même, on observe un plus grand ’’professionnalisme’’
de la part des terroristes dans leurs actions. Lors
de l’enlèvement des deux ressortissants français
à Niamey le 7 janvier 2011, leurs ravisseurs ont
utilisé des procédures militaires pour couvrir leur
fuite. De même, leur stock d’armement lourd se
renforce. Le mouvement disposerait depuis 2010 de
plusieurs mitrailleuses anti-aériennes. D’après RFI, le
chaos libyen lui a également permis de se procurer
plusieurs véhicules militaires, des missiles et des
lance-roquettes. Il n’est donc pas à exclure que les
prochains enlèvements incarnent l’émergence d’une
véritable force paramilitaire.
La hausse significative des demandes de rançons
pour les otages occidentaux contribuera, si elles sont
versées, à augmenter la trésorerie du mouvement.
Toutefois, certains gouvernements occidentaux,
notamment la France, commencent à refuser de
négocier la libération d’otages. Ainsi, bien qu’ayant
été un échec, l’intervention militaire française de
janvier dernier lancée pour libérer deux de ses
ressortissants enlevés et neutraliser leurs ravisseurs,
constitue un message clair envoyé à de potentiels
ravisseurs. Désormais, tout enlèvement donnera
lieu à une intervention des forces spéciales. Quant
aux opérateurs privés occidentaux, majoritairement
spécialisés dans la prospection et l’exploitation
de ressources naturelles, ils n’ont d’autres choix
que d’augmenter le niveau de sécurisation de
leurs collaborateurs. Un choix plus judicieux des
personnels de sécurité s’avère nécessaire car le
risque de transmission d’informations sécuritaires
à Aqmi facilitant la réussite de rapts ou d’attaques
existe. Si les coûts induits par ces mesures semblent
élevés, ils resteront toujours moins chers que le
montant demandé pour la rançon. Pour exemple, les
90 millions d’Euros demandés pour la libération des
otages d’Areva et de Satom.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
185
Le contrôle des forces armées : Vers une évolution
des missions des forces de l’ordre ?
- Marou Amadou : Président du Conseil Consultatif National de la République du Niger
- Zafar Ali Hilaly : Analyste en affaires étrangères et politique de défense, ancien diplomate et haut
fonctionnaire de la République islamique du Pakistan
- Juan Emilio Cheyre : Directeur du Centre d’études Internationales de la Pontifica Universidad catòlica de
Chile, ancien chef d’Etat Major des armées chiliennes
- Mohamed Benhamou : Président de la Fédération Africaine des Etudes Stratégiques
- Chikadibia Isaac Obiakor : Lieutenant-Général, ancien Sous-Secrétaire Général des Nations Unies et
Conseiller militaire pour les opérations de maintien de la Paix
- Marc Ellenbogen : Membre du Conseil national d’orientation du parti Démocrate Américain
Modération : Erik Nyindu, directeur de l’information, VOXafrica TV
Terrorisme et crime organisé : Quelle nouvelle
architecture internationale en terme de sécurité
globale ?
- Luis Cuesta Civis : Secrétaire général de la Politique de la Défense du Royaume d’Espagne
- Marou Amadou : Président du Conseil Consultatif National de la République du Niger
- MOHAMMAD-MAHMOUD OULD MOHAMEDOU : Professeur associé à l’Institut des Etudes Internationales de
Genève, Ancien Ministre des Affaires Etrangères de la République Islamique de Mauritanie
- Jean-Louis Bruguière : Ancien juge anti-terroriste
- Raphael Perl : Directeur de la section anti-terrorisme de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération
en Europe
- Jean-Baptiste Carpentier : Directeur pour la France du programme TRACFIN
- Hubertus Hoffmann : Président et fondateur du World Security Network Foundation
- Geoff Porter : Consultant en sécurité internationale
- Zafar Ali Hilaly : Analyste en affaires étrangères et politique de défense, ancien diplomate et haut
fonctionnaire
Modération : Souad Mekhennet, Journaliste, New York Times
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
186
RECOMMANDATIONS :
Pays du Sud
- Mettre en place un contrôle parlementaire effectif des forces armées : discussion du
budget, des achats d’armement etc.
- Favoriser la participation des armées à des manœuvres régionales communes.
- Favoriser l’interopérabilité et la création de groupes de réaction rapide aux menaces
terroristes.
- Favoriser une culture des forces armées compatibles avec l’Etat de droit, le respect
de la personne humaine et de ses droits.
- Favoriser la ratification d’instrument de défense collectif afin de diminuer les tensions
régionales et la probabilité de conflit.
Zone sahélienne
- Augmenter la coopération interétatique régionale dans la région sahélienne,
notamment dans le domaine du renseignement.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
187
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
188
PAGES 186 >> 188
Le Sud dans la Gouvernance Mondiale
Du 16 au 19 novembre prochains, personnalités politiques,
experts internationaux, décideurs économiques sur
les scènes mondiale et marocaine seront à nouveau
présents à Tanger pour la 4e édition du Forum.
En 2010, le Forum MEDays s’était largement décentré
de la Méditerranée dans lequel il puise ses racines et
ses habitudes de travail pour une raison majeure :
la non-exclusivité ou plus précisément le caractère
général des problématiques et des enjeux de la
région afro-méditerranéenne partagés avec d’autres
sphères régionales.
C’est cette dimension globale du Forum MEDays
instaurée en 2010 et définitivement installée en 2011,
qui permettra de pérenniser les MEDays comme la
rencontre stratégique des acteurs mondiaux des
sphères géostratégiques, politiques, économiques
des pays du Sud.
Placée sous la thématique « Le Sud dans la
gouvernance mondiale », le Forum MEDays permettra
de faire un bilan du G20 de Cannes, prévu quelques
semaines auparavant et de renforcer la contribution
du Sud à l’approfondissement des réformes pour une
« croissance forte, durable et équilibrée ».
Au cœur du Monde Arabo-musulman en pleine
révolutions ou évolutions, le Forum MEDays 2011
permettra de revenir sur les transitions en cours
dans la région. Ce Forum qui se veut opérationnel
permettra aussi de proposer des solutions pratiques
et opératoires, pour la mise en place d’une politique
de coopération inclusive et concertée permettant
l’échange d’expertises des différents acteurs du Sud
sur des questions prioritaires. Ces débats déboucheront
sur des recommandations pratiques, mais également
sur la définition, en concertation avec les pays du Nord
et les membres du G20, d’un protocole de collaboration
interrégionale, permettant l’éclosion et la gestion de
projets à géométries variables.
:: Les Thématiques des
MEDays 2011
Défis climatiques et développement
durable : les pays émergents ont-ils
toutes les cléfs dans les négociations ?
Intégration, coopération Sud-Sud et
développement : Quels Sud pour quel
émergence ?
Printemps Arabe : Nouveau paradigme,
nouvelle donne ?
Consolidation de la démocratie, de l’Etat
de droit dans les pays du Sud : Quels
rôles pour les grandes puissances et les
institutions internationales pour garantir
la pérennité du socle des libertés ?
Emergence de nouveaux risques, sécurité
internationale et crises régionales : Vers
un nouveau désordre mondial ?
Le Sud dans la gouvernance économique
mondiale : Quels engagements dans
la future architecture financière et
monétaire mondiale ?
:: La thématique Business
Medays
L’Innovation dans la gouvernance économique
mondiale : Comment approfondir ce gisement
de croissance durable ?
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
189
:: Un format Interactif, innovateur et riche en activités :
5 séances plénières
1 séance spéciale
18 panels
Forum Entreprises « Business MEDays » (avec 1 séance plénière et 5 panels)
Réunions et rencontres bilatérales
3 MEDays Debates
L’Initiative de Tanger
Cérémonie d’ouverture et de clôture avec dîner de gala
Prix MEDays
Cocktails dinatoires Networking
Petits-déjeuners de travail
Déjeuners -débat
Points presse et conférences de presse
Le forum MEDays, plateforme de discussion par excellence
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
190
Auteurs
Sous la Direction Générale de :
Brahim Fassi Fihri, Président
Younes Slaoui, Conseiller du Président (Business MEDays)
Responsables de la Rédaction :
Talal Salahdine, Responsable Stratégie et Communication
Olivier Deau, Coordinateur Centre d’Analyses et de Publication
Equipe de rédaction et de recherche :
Olivier Deau, Coordinateur Centre d’Analyses et de Publication
Fréderic Baranger, Coordinateur de Recherches – Pole Economie et Développement
Amine Amara, Coordinateur de Recherches – Pole Gouvernance et Gestion des crises
Germain Letoullec, Chargé d’études – Pole Gouvernance et gestion des crises
Mathilde Daras, Chargée d’études – Pole Environnement et Développement durable
Réalisation et Production :
Nada Chkif, Secrétaire Générale
Khadija Ennahdi Idrissi, Chargée de mission auprès de la Secrétaire Générale
Nos sincères remerciements à messieurs
Charles Enderlin, Chef du Bureau de France 2 à Jérusalem et Mahmoud Ould
Mohamedou, ancien Ministre des Affaires étrangères de Mauritanie et Professeur universitaire associé au Centre de Politique et de Sécurité de Genève, pour leurs précieuses orientations.
RAPPORT INSTITUT AMADEUS 2011
191

Documents pareils