DP Dirk Rooftthooft
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DP Dirk Rooftthooft
Théâtre Les Concerts Brodsky LO D / Di r k R oo f th o of t e t K r is De f oo r t Te x te Jo s ep h B r od s ky Salle Gémier Du 16 au 26 novembre 2011 Relâche 20, 21 et 24 novembre Durée 1h30 Renseignements : 01 53 65 30 00 / internet : www.theatre-chaillot.fr Tarifs : 32€ plein tarif, 24€ tarif réduit, 13€ et 11€ tarifs jeunes Service de presse : Catherine Papeguay, 01 53 65 31 22 Théâtre National de Chaillot Direction Didier Deschamps 1 Place du Trocadéro 75116 Paris www.theatre-chaillot.fr Les Concerts Brodsky LO D / Di r k R oo f th o of t e t K r is De f oo r t Te x te Jo s ep h B r od s ky Composition, piano Kris Defoort Dramaturgie du texte, jeu Dirk Roofthooft Réalisation informatique musicale Jean-Marc Sullon Costumes An D’Huys Production LOD Coproduction Grand Théâtre de Luxembourg / deSingel (Anvers) / Centre de Recherches et de Formation Musicales de Wallonie (Liège) Que se passe-t-il quand l’expresso au fond de votre tasse est à votre sens l’unique point noir à l’horizon ? Les Belges Dirk Roofthooft et Kris Defoort font leurs les mots du poète russe Joseph Brodsky dans un spectacle intime et engagé. Selon Joseph Brodsky, lauréat du prix Nobel de littérature en 1987, un poème est un dialogue entre un écrivain et son lecteur, l’union de deux solitudes. Dans le spectacle Les Concerts Brodsky, le comédien Dirk Roofthooft offre au public la quintessence de l’œuvre du poète russe. La musique de Kris Defoort parachève le travail, en révélant ce que les mots ne peuvent exprimer. Ensemble, ils rendent ainsi hommage à la poésie de Brodsky, à sa mélodie, ses assonances, et aux grands thèmes métaphysiques qui caractérisent son œuvre : le sens de la vie, la mort, le voyage dans le temps et l’espace avec ou sans amour, la relation entre plénitude et néant, l’existence entre soi-même et personne. À l’occasion des Concerts Brodsky, tous deux entendent transmettre ce sentiment que Brodsky décrit lui-même comme la sensation de l’œil qui contemple la beauté. Joseph Brodsky lisait ses poèmes de façon mélodieuse, avec le timbre et l’intonation d’un prêtre orthodoxe. Même sans en comprendre un traître mot, on saisissait que le sens passait avant tout à travers les sonorités. Le poète est assujetti à la langue qui se déploie dans ses vers. En prenant la plume, il ne sait jamais comment son poème se terminera. De la même manière, Dirk Roofthooft et Kris Defoort se laissent guider par la langue pour produire le son suivant. Ils s’ébahissent eux-mêmes du résultat de leur numéro d’improvisation, qui va bien au-delà de leurs attentes. À n’en pas douter, un événement plein de surprises, grâce à ces deux improvisateurs de talent qui, au même titre que nous, passeront une soirée riche en découvertes. INTERVIEW AVEC KRIS DEFOORT ET DIRK ROOFTHOOFT Dans Les Concerts Brodsky, Dirk Roofthooft et Kris Defoort analysent la couleur de la mélancolie. « Dès que l’on croit savoir une chose, il faut immédiatement l’oublier à nouveau » Un homme de lettres et un magicien du son. Deux âmes tourmentées et fragiles. Le comédien Dirk Roofthooft et le compositeur Kris Defoort, tous deux de grands spécialistes de leur domaine respectif, sont en permanence en quête de nouveaux défis. Après l’opéra House of the Sleeping Beauties, les deux artistes sont à nouveau réunis autour, cette fois, du lyrisme de Joseph Brodsky (1940-1996), poète russe exilé aux Etats-Unis. Kris Defoort : Le nom de Brodsky nous est venu à l’esprit avant même que Guy Cassiers et moi-même ne produisions House of the Sleeping Beauties. Après The Woman who Walked into Doors, nous souhaitions collaborer de nouveau dans le cadre d’un opéra. Mais nous ne connaissions pas encore le thème que nous allions aborder. A cette époque, un nombre incalculable de livres, de scénarios et de livrets, parmi lesquels l’œuvre de Brodsky, ont été passés en revue. Dirk en a entendu parler. (Sourire) Guy et moi-même avons été invités par Dirk à une soirée prestigieuse au Toneelhuiszolder durant laquelle il nous a quelque peu exposé l’œuvre de Brodsky. Nous avons passé une soirée magique mais nous n’avons pas été convaincus et nous avons finalement opté pour House of the Sleeping Beauties de Yasunari Kawabata. Il s’agit tout de même d’un beau coup de pub, Dirk. Pour quelle raison souhaitiez-vous aborder aussi ardemment l’œuvre de Joseph Brodsky ? Dirk Roofthooft : Durant le tournage d’un film de Bob et Bobette, dans lequel j’incarnais Lambique, (Le Diamant sombre, 2004, red), j’étais dans ma chambre d’hôtel à Rotterdam en train de zapper, de lire le journal, de faire quelques pas… C’est alors que je suis tombé sur un programme de fin de soirée de VPRO intitulé Dode Dichters Almanak (L’Almanach des poètes disparus ) dans lequel des poètes décédés lisaient leurs œuvres. Ce soir-là, l’émission était consacrée à Joseph Brodsky qui lisait Nature Morte, en langue russe. Soudainement, le monde s’est arrêté de tourner. J’ai cessé toute activité. Je me suis mis à regarder cet homme, à écouter sa voix sans éprouver le besoin de lire la traduction en bas de l’écran. A la manière dont il lisait, par sa concentration, le ton qu’il employait, j’entendais que ce qu’il lisait était extrêmement pressant. Il faisait passer un message très urgent. Face à cette urgence, tout ce que j’avais pu faire les jours précédents, le tournage, me semblait soudainement futile. A partir de cet instant, je me suis intéressé de plus près à Brodsky et j’ai commencé à lire toute son œuvre. LA SONORITE DES ALGUES Où se rencontrent la langue et la musicalité dans les poèmes de Brodsky? Roofthooft : La musique est son langage. Brodsky était persuadé que la sonorité des mots peut être plus importante que leur signification elle-même. Le plus éloquent, c’est la requête de Brodsky adressée à son traducteur: « Si le sens vous pose un problème, tentez de trouver une solution qui respecte la mélodie et le rythme, même si vous devez utiliser d’autres mots ». L’exemple le plus typique de cette argumentation est le terme wodorosli , qui signifie algue en russe. Brodsky l’utilise pour se décrire lui-même lorsqu’il se confie sur son exil en dehors de la Russie. Telle une algue accrochée à la coque d’un navire, il a été contraint de fuir vers sa terre d’accueil. En outre, le mot wodorosli se caractérise par une sonorité sublime. Je ne parle pas le russe mais ce terme éveille mon imagination, contrairement à son équivalent en néerlandais. Defoort : Selon moi, toute la force de l’œuvre de Brodsky, et de tout bon poème ou de l’art en général, réside dans le fait qu’à la première lecture, on n’est pas en mesure d’en saisir immédiatement toute la signification. Je trouve l’art très ennuyeux lorsqu’une œuvre dévoile directement tout son sens. Mais attention, les vers de Brodsky sont limpides, mélodieux et parfaitement compréhensibles. Ils se prêtent merveilleusement à la déclamation. Néanmoins, le sens du poème dépasse ce que l’on entend. Ces vers entrent ensuite dans une seconde dimension, explorent d’autres voies que le rationnel, ils frappent l’inconscient. Vous pouvez très bien emmener ces poèmes chez vous et en revoir la signification par après. Je crois cependant que chacun sera touché au plus profond de lui-même. Roofthooft : C’est précisément ce que j’ai ressenti dans cette chambre d’hôtel à Rotterdam: je ne comprenais pas le poème déclamé en russe par Brodsky, mais j’avais le sentiment d’en saisir chaque mot. Je savais ce dont il parlait. En tant qu’acteur et musicien, abordez-vous le matériel de manière différente? Ressentez-vous une influence de l’un sur l’autre à cet égard ? Roofthooft : Vous savez, je suis un homme de lettres, les mots me passionnent au plus haut point, mais, en même temps, le mot reste extrêmement limité. Si je dis « table », je ne me représente qu’une table. Mais si Kris joue une mélodie sur son piano, il est très probable que je vois une table, alors que vous, vous verrez plutôt un coucher de soleil. Bien que je tente de m’éloigner de plus en plus du mot, je suis victime des contraintes de ma langue. Par conséquent, j’apprécie énormément le fait de me retrouver à côté de quelqu’un qui utilise ce même matériau et qui compose une œuvre moins littérale. La musique de Kris me donne souvent l’impression de voir les textes sous un autre angle. Une seule note de son piano balaie en un clin d’œil l’interprétation d’un texte à laquelle je croyais depuis cinq ans, je découvre soudainement ce poème sous un aspect différent, il se pare d’une nouvelle teinte. Defoort : L’approche est évidemment distincte: Dirk décompose les textes mot après mot alors que, pour ma part, je les aborde de manière plus intuitive et instinctive, presque atmosphérique. Je tente de créer un cadre correct sur le plan musical au sein duquel Dirk se sent libre. Ce cadre influence la façon dont il s’exprime, mais il produit également un effet inverse: lorsque je sens que Dirk ne trouve pas immédiatement le ton, j’adapte ma composition et mon jeu. C’est un échange de bons procédés. Lorsque vous êtes sur scène, il vous arrive d’improviser. N’est-il pas risqué de travailler sans filet ? Defoort : Dans cette perspective, je suis évidemment un authentique jazzman et j’ai la chance de pouvoir collaborer avec un homme de lettres aussi flexible que Dirk. Bien entendu, nous définissions un canevas musical. Mais si Dirk se sent l’envie de suivre une autre direction, ou si certaines intonations changent, je suis prêt à adapter ma composition. J’ai en outre l’impression que le texte de Brodsky requiert cette flexibilité. Je crois que si ses poèmes devaient être liés à une composition classique récurrente, l’urgence de ce qu’il déclame disparaîtrait. Nous jouons au moment présent, chaque soirée est différente, à l’instar du public et du contexte. Aucune représentation n’est identique. LE VERT FONCE Kris, vous avez aussi bien de l’expérience dans le domaine de la musique classique que dans celui du jazz et de la musique contemporaine. Quelle est celle qui vous est le plus utile dans le cadre du spectacle Les Concerts Brodsky ? Defoort : C’est difficile de répondre car je n’établis aucune distinction entre ces trois genres. Selon moi, tous les registres sont liés. Pour chaque projet, je pars de zéro et je me laisse emporter par les éléments de base, en l’occurrence le texte de Brodsky et le jeu d’acteur. Le résultat n’est pas une composition que l’on peut situer dans l’un ou l’autre registre. Le langage musical se développe de manière organique, et je me sers de toutes mes expériences et de mes diverses influences: jazz, baroque, renaissance, contemporain. La musique possède sa propre « couleur », une atmosphère intrinsèquement liée à l’œuvre de Brodsky. Quelle est cette couleur ? Defoort : Je dirais une sorte de vert foncé mélangé à du bordeaux. (Il s’adresse à Roofthooft) Et toi Dirk, tu lui mettrais quelle couleur ? Roofthooft : Du brun, des tons foncés délicats, des couleurs automnales, à la fois réfléchissantes et mélancoliques. Comme l’écrit également Brodsky : en prenant une certaine distance contemplative par rapport aux éléments, sans pour autant que cela ne devienne conceptuel ou froid car trop d’émotions sont impliquées. Defoort : En effet, cette dualité de la proximité et de la distance est frappante. Dans ses poèmes, Brodsky se focalise en permanence sur les détails de la vie et, l’instant d’après, adopte une vision plus globale. Il incite à la réflexion métaphysique sur le sens de ces détails. J’ai à mon tour tenté d’utiliser cette méthode dans mes compositions. Roofthooft : Le poème The Hawk’s Cry in Autumn est à cet égard un excellent exemple: lorsqu’un faucon prend son envol et s’élève toujours plus haut dans le ciel, il perçoit les éléments de son entourage sous une perspective différente, ils revêtent une autre signification. Brodsky m’a permis de me rendre compte d’une chose que je connaissais déjà, intuitivement: l’art consiste à zoomer sur la vie et à revenir en arrière. L’artiste se concentre sur les détails qui sont passés inaperçus au premier regard. Néanmoins, dès que ces détails deviennent une fin en soi, il est temps de prendre du recul. C’est ce que Brodsky fait en permanence: il offre un regard, mais aucune perspective ne peut durer ou n’est contraignante. Dès que l’on croit savoir une chose, il faut immédiatement l’oublier à nouveau. LA FUITE DU TEMPS Avez-vous sélectionné les poèmes en fonction de leur contenu? Roofthooft : Tous les poèmes parlent de la fuite du temps et de soimême, que l’on ait ou non quelqu’un à ses côtés. Brodsky est mort dans la fleur de l’âge, il n’avait que 56 ans. On sent que cet homme a souffert d’être éloigné de la Russie, la nostalgie qu’il ressentait à l’égard de son pays natal transparaît dans tous ses poèmes. Après son exil, ses parents ont mis tout en œuvre pour le suivre mais leurs tentatives d’émigration n’ont jamais abouti et il n’a jamais revu sa famille. Brodsky confie à ce propos que ce qui lui manque par-dessus tout, c’est le fait que ses parents ne lui aient jamais appris à mourir. Il ne les a pas vu mourir et n’a pu assister à leurs funérailles. La façon de mourir est pourtant la dernière chose que l’on apprend de ses parents. Toute son œuvre est inspirée de ce combat. Est-ce un hasard si, à cet instant précis, vous vous sentez concerné par le fait de vieillir, la peur de mourir? Ou, sauf votre respect, votre âge y est-il pour quelque chose ? Roofthooft : Il est évident que nous vieillissons mais en toute honnêteté, je suis vieux depuis longtemps déjà. A l’âge de 18 ans, je pensais énormément à la mort, tous les jours pour être précis. J’ai toujours été tourmenté. En même temps, cette prise de conscience de la mort qui peut surgir à tout moment confère à la vie une sorte de vitesse, un certain rythme. Je me demande si je vivrais avec autant de passion et d’intensité si je me savais éternel. J’ai vécu tellement de choses au cours de mon existence et, en même temps, j’ai l’impression de n’avoir rien fait. Mais je ne suis pas pessimiste, j’adore la beauté et la vie. Telle est peut-être la raison pour laquelle je me préoccupe à ce point de la mort: j’ai énormément à perdre. ASSOCIATION D’AVENTURIERS J’ai le sentiment que vous êtes des aventuriers de l’univers artistique. Vous travaillez avec de nombreux partenaires, vous n’avez aucune attache et participez aux projets les plus divers. Est-ce là un choix délibéré ? Defoort : Tout à fait, je ne souhaite pas m’enfermer dans un quelconque carcan. Je ne veux pas faire partie d’un système. La plupart des compositeurs ressentent le besoin de s’inscrire dans une tendance et de s’y consacrer entièrement. Tous mes projets partent de zéro. Ce phénomène est dû à l’urgence, j’ai toujours ressenti le besoin de faire ce que je voulais avec les personnes que je choisis. En raison de ce choix, je me retrouve en permanence dans une situation instable. L’aventure peut être stressante. Je ne cesse jamais de chercher mais j’en ai besoin. Roofthooft : En ce qui me concerne, c’est plutôt l’inverse : directement après mes études, j’ai été nommé successivement dans les troupes Toneelgroep, De Appel, NTG et De Nieuwe Scène. Je les ai toutes quittées. J’ai compris très tôt que je ne pourrais jamais travailler pour une seule troupe. Dans ces différents groupes, j’ai rencontré trop de gens qui n’étaient pas passionnés. Si l’on s’accroche à une même branche en permanence, elle finit par rompre. Je ressens à chaque fois le besoin de trouver de nouvelles personnes pour repartir de zéro. J’ai encore le sentiment d’avoir 23 ans et que ma vie ne fait que commencer. BIOGRAPHIES KRIS DEFOORT Kris Defoort (1959) a étudié la flûte à bec et la musique ancienne au Koninklijk Vlaams Conservatorium d’Anvers (Barthold Kuijken, Koen Dieltiens, Jos Van Immerseel, Balderick Deerenberg) et a suivi une formation de piano jazz, composition et improvisation au Conservatoire royal de Liège (Dennis Luxion, Frederic Rzewsky, Garrett List, Philippe Boesmans). De 1987 à 1990, Kris Defoort réside à New York, berceau du jazz. Il y suit des masterclasses auprès de Fred Hersh, David Berger et Paul Bley; son activité principale est alors le piano jazz. Il a joué avec le Lionel Hampton Big Band (avec en « guest » Dizzy Gillespie), avec Jack de Johnette, Adam Nussbaum, Reggie Workman, Mike Formanek, Barry Altschul, Vince Herring, Judy Niemack, Tito Puento, Lee Konitz et Hannibal Peterson, pour n’en citer que quelques-uns. À son retour en Belgique en 1991, Kris Defoort poursuit sa trajectoire musicale: compositeur, pianiste improvisateur, leader du sextet KD's Basement Party, du trio KD's Decade, d’Octurn, de Dreamtime, Sound Plaza (avec Mark Turner, Jim Black et Nicolas Thys) et récemment le Trio Kris Defoort (avec Nicolas Thys et Lander Gyselinck). Grâce entre autres au soutien du centre culturel De Werf à Bruges et LOD (Gand), plusieurs de ces projets se verront édités en cd. Kris Defoort a également collaboré avec divers interprètes ou groups de la scène jazz contemporaine (Jim Black, mark Turner, AKA Moon, Vegetable Beauty, Garrett List, Paul Rodgers, Han Bennick etc.). Depuis 1998, Kris Defoort est compositeur en résidence auprès de la compagnie de théâtre musical contemporain LOD à Gand. Avec Fatou Traoré, il a créé le spectacle dansé Passages (2001), présenté sur la scène de plusieurs festivals de renom en Europe (Festival d’Avignon, Salzbourg, Charleroi-Danse...). Fin 2001, Kris Defoort, répondant à une commande émanant de LOD, de Ro Theater (et coproducteurs deSingel et La Monnaie), compose l’opéra The Woman Who Walked into Doors Doors, basé sur le livre éponyme de Roddy Doyle. Cet opéra, dans une mise en scène de Guy Cassiers, fera le tour d’Europe (Duisbourg, Triennale de la Ruhr, Paris, Strasbourg, Bruxelles, Dublin, Zurich, Amsterdam, Rotterdam, Anvers…), recevant les louanges appuyées de la presse et du public. En 2002, Kris Defoort écrit Conversations with the Past, une œuvre pour cuivres, piano, harpe, contrebasse et percussion pour de Filharmonie (Anvers). La même année paraît Sound Plaza, un CD jazz en collaboration avec le saxophoniste Mark Turner, le bassiste Nicolas Thys et le percussionniste Jim Black. Fin 2003 suivent le String Quartet n°1 (production LOD) et ConVerSations/ConSerVations , un projet basé sur la musique de la Renaissance. Avec la soprano Claron McFadden, Dreamtime et le quatuor Danel, il approfondit sa recherche de synthèse entre ancien et moderne, entre classique et jazz. Depuis 2005 Kris Defoort a travaillé à plusieurs projets. Artiste en résidence du Palais des Beaux-Arts (BOZAR) pendant la saison 2006-07, il déploie toutes ses facettes: pianiste improvisateur jazz et compositeur. À cette occasion, Jan Michiels créé son cycle pour piano Dedicatio (neuf lettres en musique). À la demande du Concours Reine Elisabeth, il écrit l’œuvre pour piano seul imposé lors de l’édition 2007: Dedicatio 6; Treasure of Emotions (to Keith Garrett). Le 8 mai 2009, le Théâtre Royal de la Monnaie donne la création mondiale à Bruxelles de son deuxième opéra, House of the Sleeping Beauties , dans une mise en scène de Guy Cassiers. En 2010, c’est Les Concerts Brodsky , un spectacle basé sur des textes de Joseph Brodsky, dans lequel il occupe la scène avec l’acteur Dirk Roofthooft. Kris Defoort reste également actif comme pianiste improvisateur dans différentes formations et il est professeur de composition, arrangements et improvisation libre au Koninklijk Conservatorium de Bruxelles. DIRK ROOFTHOOFT Dirk Roofthooft est né en 1959 à Anvers, où il suit des cours d’art dramatique. Dès ces études terminées, en 1981, il travaille avec des metteurs en scène, chorégraphes et musiciens réputés comme Jan Fabre, Jan Lauwers/Needcompany, Luk Perceval, Ivo van Hove, Theu Boermans, Jan Ritsema, Josse De Pauw, Peter Vermeersch, Wim Vandekeybus, Ron Vawter (The Wooster Group), Rene Pollesch (Volksbühne, Berlin), Lotte van den Berg, Zita Swoon, the London Symphonietta, Schönberg Ensemble, Collegium Vocale, la légende de jazz Henry Threadgill (pour l’ouverture des Salsburger Festspiele en 98) et le metteur en scène d’opéra Peter Sellars. Il se produit sur les planches des théâtres du monde entier et joue en néerlandais, en français, en espagnol, en allemand et en anglais. Au fil des ans, Dirk Roofthooft remporte de nombreux prix, en Belgique et à l'étranger, tant pour ses rôles au théâtre qu’à l’écran. Avec Guy Cassiers, il crée Kaspar et Tristan (1980) , Het liegen in ontbinding (1993) et Rouge décanté (2004). Roofthooft a joué le rôle principal dans le Mefisto for ever de Guy Cassiers, pour lequel il s’est vu décerner le Louis d’Or – un prix annuel décerné par les théâtres des Pays-Bas pour le meilleur rôle de premier plan. En 2009 Dirk Roofthooft a pris sur lui le rôle du vieil Eguchi dans House of the Sleeping Beauties , un opéra d’après le roman de Yasunari Kawabata, conçu par Guy Cassiers et par le compositeur Kris Defoort. Dirk Roofthooft a été invité cinq fois en sept ans au Festival d’Avignon. Il y a joué non seulement Rouge décanté et Mefisto for ever de Guy Cassiers mais aussi trois monologues de Jan Fabre : Le Roi du plagiat , L’Empereur de la perte et Le Serviteur de la beauté. Roofthooft a également joué dans Je suis sang, autre création de Jan Fabre. Dirk Roofthooft joue aussi dans Ruhe (Silence), une mise en scène de Josse De Pauw. En tant qu’acteur de cinéma et de télévision, Dirk Roofthooft est connu par son rôle de Pietje de Leugenaar dans Terug naar Oosterdonk , une série télévisée de Frank Van Passel. Ou encore par Le Chagrin des Belges, une série télévisée de Claude Goretta d’après le roman de Hugo Claus. Au cinéma, il a joué dans des films de Dominique Deruddere (Hombres Complicados, Suite 16 et Hochzeitfeier ), de Patrice Toye (Rosie) et dans Pleure pas, Germaine d’Alain de Halleux. Il apparaît aussi dans Olivetti 82, un film de Rudi Van Den Bossche, Sombermans Actie de Casper Verbrugge, Anyway the wind blows de Tom Barman (dEUS) et dans De zaak Alzheimer et Loft d’Erik Van Looy. Dirk Roofthooft a joué dans De Storm de Ben Sombogaert. Dirk Roofthooft travaille régulièrement avec des artistes comme Thierry de Cordier, avec qui il a créé, entre autres, un spectacle en ouverture de l’exposition Over The Edges de Jan Hoet à Gand (2000). Il a également assumé l’apport auditif de la poésie à Watou, une exposition internationale d’art contemporain, de poésie et d’architecture hors des lieux muséaux. Pour l’événement brugeois Poésie à double temps - une petite révolution susurrante il s’est révélé comme artiste plastique. A travers des séquences vidéo et de prises de son, il a livré une interprétation très personnelle des poèmes. Les poèmes et leur rythmique lui ont inspiré des images corporelles et intimes. Dirk Roofthooft a aussi quelques mises en scène de théâtre à son palmarès : Emiel , l’adaptation qu’il a faite du Bel Indifférent de Cocteau ; Enoch Arden , une œuvre pour piano et voix, basée sur le poème envoûtant d’Alfred Tennyson datant de 1864; Kwartet de Heiner Müller et la pièce déjà citée Tristan, interprétée par Guy Cassiers. Il a également signé l’écriture de trois pièces : Emiel, Beschrijving van een toestand et Alles Liebe, mis en scène par Luk Perceval. Dirk Roofthooft s’est aussi chargé de la direction et de l’interprétation de productions musicales. Le concert de blues, Brick Blues , avec la légende de blues Roland Van Campenhout, portait sur la nostalgie de ce qui nous a quittés ou de ce que nous avons quitté nousmêmes, en pensant que l’herbe était plus verte ailleurs. Walcott songs est une production basée sur les poèmes de Derek Walcott, qu’il a montée avec la légende de jazz Henry Threadgill. Elle a ouvert le Festival de Salzburg et a été présentée au fameux Blue Note Jazz Festival de Paris. À l’automne de 2010, Dirk Roofthooft monte, de pair avec Kris Defoort, compositeur et musicien de jazz, Les Concerts Brodsky, basés sur des textes de Joseph Brodsky. En janvier 2011, il joue au Théâtre National de Chaillot trois solos mis en scène par Jan Fabre : L’Empereur de la perte, Le Roi du plagiat et Le Serviteur de la beauté. JOSEPH BRODSKY Joseph Brodsky s’intéressait beaucoup à la philosophie, à la religion et à la mythologie classique. Il était par ailleurs un fervent amateur de poésie anglaise et américaine, comme il en ressort de l’un de ses premiers poèmes Elégie à John Donne. Lev Sjestov était le philosophe dont il se sentait le plus proche. Et le poète qu’il admirait le plus était W.H. Auden. Dans ses premières œuvres, Brodsky cherchait notamment à se rapprocher de la poésie intemporelle et apolitique de sa compatriote Anna Achmatova qui, contrairement à son autre grand modèle qu’était Osip Mandelstam, a eu l’opportunité d’exprimer toute son admiration pour Brodsky. Tout comme chez Achmatova, on relève chez Brodsky, à ses débuts, une rigueur d’expression, dans des images qui semblent devenir de plus en plus classiques ou archétypiques avec le temps. Il savait somptueusement évoquer l’ambiance des villes qui l’enchantaient telles que Rome et Venise, mais ses images étaient parfois extrêmement fantaisistes et inattendues, tout en restant cependant très subtiles : comme dans son magistral poème ‘Berceuse de Cap Cod’, dans lequel il relie deux mondes, la Russie qu'il a été contraint de quitter et l’immense domaine des Etats-Unis, par des images à la fois de la ville et de la nature, dont l’océan infini et faisant office de trait d’union joue toujours un rôle clé. Le thème de l'exil est au cœur de la poésie de Brodsky, outre l’isolement de l’homme en général. Un autre thème qui revient sans cesse dans son œuvre est la relation entre le poète et la société. Brodsky insiste à chaque fois sur la puissance de la littérature qui, selon lui, est en mesure d’influencer favorablement le public et de constituer dans une grande mesure la culture et la langue dont elle fait partie. Il était d’avis que la tradition littéraire occidentale était en partie responsable du triomphe des grandes catastrophes du vingtième siècle, comme le nazisme, le communisme et les deux guerres mondiales. Brodsky utilisait parfois un style soutenu, mais aussi de temps en temps un style ordinaire ou direct et il possédait une grande force méditative. Brodsky pensait même que ses textes devaient à proprement parler être davantage déclamés que lus mentalement et ses propres conférences faisaient souvent forte impression sur le public.