DP Dirk Rooftthooft

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DP Dirk Rooftthooft
Théâtre
Les Concerts Brodsky
LO D / Di r k R oo f th o of t e t K r is De f oo r t
Te x te Jo s ep h B r od s ky
Salle Gémier
Du 16 au 26 novembre 2011
Relâche 20, 21 et 24 novembre
Durée 1h30
Renseignements : 01 53 65 30 00 / internet : www.theatre-chaillot.fr
Tarifs : 32€ plein tarif, 24€ tarif réduit, 13€ et 11€ tarifs jeunes
Service de presse : Catherine Papeguay, 01 53 65 31 22
Théâtre National de Chaillot
Direction Didier Deschamps
1 Place du Trocadéro 75116 Paris
www.theatre-chaillot.fr
Les Concerts Brodsky
LO D / Di r k R oo f th o of t e t K r is De f oo r t
Te x te Jo s ep h B r od s ky
Composition, piano
Kris Defoort
Dramaturgie du texte, jeu
Dirk Roofthooft
Réalisation informatique musicale
Jean-Marc Sullon
Costumes
An D’Huys
Production LOD
Coproduction Grand Théâtre de Luxembourg / deSingel (Anvers) / Centre de Recherches
et de Formation Musicales de Wallonie (Liège)
Que se passe-t-il quand l’expresso au fond de votre tasse est à votre
sens l’unique point noir à l’horizon ? Les Belges Dirk Roofthooft et
Kris Defoort font leurs les mots du poète russe Joseph Brodsky dans un
spectacle intime et engagé.
Selon Joseph Brodsky, lauréat du prix Nobel de littérature en 1987, un
poème est un dialogue entre un écrivain et son lecteur, l’union de deux
solitudes. Dans le spectacle Les Concerts Brodsky, le comédien Dirk
Roofthooft offre au public la quintessence de l’œuvre du poète russe.
La musique de Kris Defoort parachève le travail, en révélant ce que les
mots ne peuvent exprimer. Ensemble, ils rendent ainsi hommage à la
poésie de Brodsky, à sa mélodie, ses assonances, et aux grands thèmes
métaphysiques qui caractérisent son œuvre : le sens de la vie, la mort,
le voyage dans le temps et l’espace avec ou sans amour, la relation
entre plénitude et néant, l’existence entre soi-même et personne. À
l’occasion des Concerts Brodsky, tous deux entendent transmettre ce
sentiment que Brodsky décrit lui-même comme la sensation de l’œil qui
contemple la beauté. Joseph Brodsky lisait ses poèmes de façon
mélodieuse, avec le timbre et l’intonation d’un prêtre orthodoxe. Même
sans en comprendre un traître mot, on saisissait que le sens passait
avant tout à travers les sonorités. Le poète est assujetti à la langue
qui se déploie dans ses vers. En prenant la plume, il ne sait jamais
comment son poème se terminera. De la même manière, Dirk Roofthooft et
Kris Defoort se laissent guider par la langue pour produire le son
suivant. Ils s’ébahissent eux-mêmes du résultat de leur numéro
d’improvisation, qui va bien au-delà de leurs attentes. À n’en pas
douter, un événement plein de surprises, grâce à ces deux
improvisateurs de talent qui, au même titre que nous, passeront une
soirée riche en découvertes.
INTERVIEW AVEC KRIS DEFOORT ET DIRK ROOFTHOOFT
Dans Les Concerts Brodsky, Dirk Roofthooft et Kris Defoort analysent la
couleur de la mélancolie.
« Dès que l’on croit savoir une chose, il faut immédiatement l’oublier
à nouveau »
Un homme de lettres et un magicien du son. Deux âmes tourmentées et
fragiles. Le comédien Dirk Roofthooft et le compositeur Kris Defoort,
tous deux de grands spécialistes de leur domaine respectif, sont en
permanence en quête de nouveaux défis. Après l’opéra House of the
Sleeping Beauties, les deux artistes sont à nouveau réunis autour,
cette fois, du lyrisme de Joseph Brodsky (1940-1996), poète russe exilé
aux Etats-Unis.
Kris Defoort : Le nom de Brodsky nous est venu à l’esprit avant même
que Guy Cassiers et moi-même ne produisions House of the Sleeping
Beauties. Après The Woman who Walked into Doors, nous souhaitions
collaborer de nouveau dans le cadre d’un opéra. Mais nous ne
connaissions pas encore le thème que nous allions aborder. A cette
époque, un nombre incalculable de livres, de scénarios et de livrets,
parmi lesquels l’œuvre de Brodsky, ont été passés en revue. Dirk en a
entendu parler. (Sourire) Guy et moi-même avons été invités par Dirk à
une soirée prestigieuse au Toneelhuiszolder durant laquelle il nous a
quelque peu exposé l’œuvre de Brodsky. Nous avons passé une soirée
magique mais nous n’avons pas été convaincus et nous avons finalement
opté pour House of the Sleeping Beauties de Yasunari Kawabata.
Il s’agit tout de même d’un beau coup de pub, Dirk. Pour quelle raison
souhaitiez-vous aborder aussi ardemment l’œuvre de Joseph Brodsky ?
Dirk Roofthooft : Durant le tournage d’un film de Bob et Bobette, dans
lequel j’incarnais Lambique, (Le Diamant sombre, 2004, red), j’étais
dans ma chambre d’hôtel à Rotterdam en train de zapper, de lire le
journal, de faire quelques pas… C’est alors que je suis tombé sur un
programme de fin de soirée de VPRO intitulé Dode Dichters Almanak
(L’Almanach des poètes disparus ) dans lequel des poètes décédés
lisaient leurs œuvres. Ce soir-là, l’émission était consacrée à Joseph
Brodsky qui lisait Nature Morte, en langue russe. Soudainement, le
monde s’est arrêté de tourner. J’ai cessé toute activité. Je me suis
mis à regarder cet homme, à écouter sa voix sans éprouver le besoin de
lire la traduction en bas de l’écran. A la manière dont il lisait, par
sa concentration, le ton qu’il employait, j’entendais que ce qu’il
lisait était extrêmement pressant. Il faisait passer un message très
urgent. Face à cette urgence, tout ce que j’avais pu faire les jours
précédents, le tournage, me semblait soudainement futile. A partir de
cet instant, je me suis intéressé de plus près à Brodsky et j’ai
commencé à lire toute son œuvre.
LA SONORITE DES ALGUES
Où se rencontrent la langue et la musicalité dans les poèmes de
Brodsky?
Roofthooft : La musique est son langage. Brodsky était persuadé que la
sonorité des mots peut être plus importante que leur signification
elle-même. Le plus éloquent, c’est la requête de Brodsky adressée à son
traducteur: « Si le sens vous pose un problème, tentez de trouver une
solution qui respecte la mélodie et le rythme, même si vous devez
utiliser d’autres mots ». L’exemple le plus typique de cette
argumentation est le terme wodorosli , qui signifie algue en russe.
Brodsky l’utilise pour se décrire lui-même lorsqu’il se confie sur son
exil en dehors de la Russie. Telle une algue accrochée à la coque d’un
navire, il a été contraint de fuir vers sa terre d’accueil. En outre,
le mot wodorosli se caractérise par une sonorité sublime. Je ne parle
pas le russe mais ce terme éveille mon imagination, contrairement à son
équivalent en néerlandais.
Defoort : Selon moi, toute la force de l’œuvre de Brodsky, et de tout
bon poème ou de l’art en général, réside dans le fait qu’à la première
lecture, on n’est pas en mesure d’en saisir immédiatement toute la
signification. Je trouve l’art très ennuyeux lorsqu’une œuvre dévoile
directement tout son sens. Mais attention, les vers de Brodsky sont
limpides, mélodieux et parfaitement compréhensibles. Ils se prêtent
merveilleusement à la déclamation. Néanmoins, le sens du poème dépasse
ce que l’on entend. Ces vers entrent ensuite dans une seconde
dimension, explorent d’autres voies que le rationnel, ils frappent
l’inconscient. Vous pouvez très bien emmener ces poèmes chez vous et en
revoir la signification par après. Je crois cependant que chacun sera
touché au plus profond de lui-même.
Roofthooft : C’est précisément ce que j’ai ressenti dans cette chambre
d’hôtel à Rotterdam: je ne comprenais pas le poème déclamé en russe par
Brodsky, mais j’avais le sentiment d’en saisir chaque mot. Je savais ce
dont il parlait.
En tant qu’acteur et musicien, abordez-vous le matériel de manière
différente? Ressentez-vous une influence de l’un sur l’autre à cet
égard ?
Roofthooft : Vous savez, je suis un homme de lettres, les mots me
passionnent au plus haut point, mais, en même temps, le mot reste
extrêmement limité. Si je dis « table », je ne me représente qu’une
table. Mais si Kris joue une mélodie sur son piano, il est très
probable que je vois une table, alors que vous, vous verrez plutôt un
coucher de soleil. Bien que je tente de m’éloigner de plus en plus du
mot, je suis victime des contraintes de ma langue. Par conséquent,
j’apprécie énormément le fait de me retrouver à côté de quelqu’un qui
utilise ce même matériau et qui compose une œuvre moins littérale. La
musique de Kris me donne souvent l’impression de voir les textes sous
un autre angle. Une seule note de son piano balaie en un clin d’œil
l’interprétation d’un texte à laquelle je croyais depuis cinq ans, je
découvre soudainement ce poème sous un aspect différent, il se pare
d’une nouvelle teinte.
Defoort : L’approche est évidemment distincte: Dirk décompose les
textes mot après mot alors que, pour ma part, je les aborde de manière
plus intuitive et instinctive, presque atmosphérique. Je tente de créer
un cadre correct sur le plan musical au sein duquel Dirk se sent libre.
Ce cadre influence la façon dont il s’exprime, mais il produit
également un effet inverse: lorsque je sens que Dirk ne trouve pas
immédiatement le ton, j’adapte ma composition et mon jeu. C’est un
échange de bons procédés.
Lorsque vous êtes sur scène, il vous arrive d’improviser. N’est-il pas
risqué de travailler sans filet ?
Defoort : Dans cette perspective, je suis évidemment un authentique
jazzman et j’ai la chance de pouvoir collaborer avec un homme de
lettres aussi flexible que Dirk. Bien entendu, nous définissions un
canevas musical. Mais si Dirk se sent l’envie de suivre une autre
direction, ou si certaines intonations changent, je suis prêt à adapter
ma composition. J’ai en outre l’impression que le texte de Brodsky
requiert cette flexibilité. Je crois que si ses poèmes devaient être
liés à une composition classique récurrente, l’urgence de ce qu’il
déclame disparaîtrait. Nous jouons au moment présent, chaque soirée est
différente, à l’instar du public et du contexte. Aucune représentation
n’est identique.
LE VERT FONCE
Kris, vous avez aussi bien de l’expérience dans le domaine de la
musique classique que dans celui du jazz et de la musique
contemporaine. Quelle est celle qui vous est le plus utile dans le
cadre du spectacle Les Concerts Brodsky ?
Defoort : C’est difficile de répondre car je n’établis aucune
distinction entre ces trois genres. Selon moi, tous les registres sont
liés. Pour chaque projet, je pars de zéro et je me laisse emporter par
les éléments de base, en l’occurrence le texte de Brodsky et le jeu
d’acteur. Le résultat n’est pas une composition que l’on peut situer
dans l’un ou l’autre registre. Le langage musical se développe de
manière organique, et je me sers de toutes mes expériences et de mes
diverses influences: jazz, baroque, renaissance, contemporain. La
musique possède sa propre « couleur », une atmosphère intrinsèquement
liée à l’œuvre de Brodsky.
Quelle est cette couleur ?
Defoort : Je dirais une sorte de vert foncé mélangé à du bordeaux. (Il
s’adresse à Roofthooft) Et toi Dirk, tu lui mettrais quelle couleur ?
Roofthooft : Du brun, des tons foncés délicats, des couleurs
automnales, à la fois réfléchissantes et mélancoliques. Comme l’écrit
également Brodsky : en prenant une certaine distance contemplative par
rapport aux éléments, sans pour autant que cela ne devienne conceptuel
ou froid car trop d’émotions sont impliquées.
Defoort : En effet, cette dualité de la proximité et de la distance est
frappante. Dans ses poèmes, Brodsky se focalise en permanence sur les
détails de la vie et, l’instant d’après, adopte une vision plus
globale. Il incite à la réflexion métaphysique sur le sens de ces
détails. J’ai à mon tour tenté d’utiliser cette méthode dans mes
compositions.
Roofthooft : Le poème The Hawk’s Cry in Autumn est à cet égard un
excellent exemple: lorsqu’un faucon prend son envol et s’élève toujours
plus haut dans le ciel, il perçoit les éléments de son entourage sous
une perspective différente, ils revêtent une autre signification.
Brodsky m’a permis de me rendre compte d’une chose que je connaissais
déjà, intuitivement: l’art consiste à zoomer sur la vie et à revenir en
arrière. L’artiste se concentre sur les détails qui sont passés
inaperçus au premier regard. Néanmoins, dès que ces détails deviennent
une fin en soi, il est temps de prendre du recul. C’est ce que Brodsky
fait en permanence: il offre un regard, mais aucune perspective ne peut
durer ou n’est contraignante. Dès que l’on croit savoir une chose, il
faut immédiatement l’oublier à nouveau.
LA FUITE DU TEMPS
Avez-vous
sélectionné
les
poèmes
en
fonction
de
leur
contenu?
Roofthooft : Tous les poèmes parlent de la fuite du temps et de soimême, que l’on ait ou non quelqu’un à ses côtés. Brodsky est mort dans
la fleur de l’âge, il n’avait que 56 ans. On sent que cet homme a
souffert d’être éloigné de la Russie, la nostalgie qu’il ressentait à
l’égard de son pays natal transparaît dans tous ses poèmes. Après son
exil, ses parents ont mis tout en œuvre pour le suivre mais leurs
tentatives d’émigration n’ont jamais abouti et il n’a jamais revu sa
famille. Brodsky confie à ce propos que ce qui lui manque par-dessus
tout, c’est le fait que ses parents ne lui aient jamais appris à
mourir. Il ne les a pas vu mourir et n’a pu assister à leurs
funérailles. La façon de mourir est pourtant la dernière chose que l’on
apprend de ses parents. Toute son œuvre est inspirée de ce combat.
Est-ce un hasard si, à cet instant précis, vous vous sentez concerné
par le fait de vieillir, la peur de mourir? Ou, sauf votre respect,
votre âge y est-il pour quelque chose ?
Roofthooft : Il est évident que nous vieillissons mais en toute
honnêteté, je suis vieux depuis longtemps déjà. A l’âge de 18 ans, je
pensais énormément à la mort, tous les jours pour être précis. J’ai
toujours été tourmenté. En même temps, cette prise de conscience de la
mort qui peut surgir à tout moment confère à la vie une sorte de
vitesse, un certain rythme. Je me demande si je vivrais avec autant de
passion et d’intensité si je me savais éternel. J’ai vécu tellement de
choses au cours de mon existence et, en même temps, j’ai l’impression
de n’avoir rien fait. Mais je ne suis pas pessimiste, j’adore la beauté
et la vie. Telle est peut-être la raison pour laquelle je me préoccupe
à ce point de la mort: j’ai énormément à perdre.
ASSOCIATION D’AVENTURIERS
J’ai le sentiment que vous êtes des aventuriers de l’univers
artistique. Vous travaillez avec de nombreux partenaires, vous n’avez
aucune attache et participez aux projets les plus divers. Est-ce là un
choix délibéré ?
Defoort : Tout à fait, je ne souhaite pas m’enfermer dans un quelconque
carcan. Je ne veux pas faire partie d’un système. La plupart des
compositeurs ressentent le besoin de s’inscrire dans une tendance et de
s’y consacrer entièrement. Tous mes projets partent de zéro. Ce
phénomène est dû à l’urgence, j’ai toujours ressenti le besoin de faire
ce que je voulais avec les personnes que je choisis. En raison de ce
choix, je me retrouve en permanence dans une situation instable.
L’aventure peut être stressante. Je ne cesse jamais de chercher mais
j’en ai besoin.
Roofthooft : En ce qui me concerne, c’est plutôt l’inverse :
directement après mes études, j’ai été nommé successivement dans les
troupes Toneelgroep, De Appel, NTG et De Nieuwe Scène. Je les ai toutes
quittées. J’ai compris très tôt que je ne pourrais jamais travailler
pour une seule troupe. Dans ces différents groupes, j’ai rencontré trop
de gens qui n’étaient pas passionnés. Si l’on s’accroche à une même
branche en permanence, elle finit par rompre. Je ressens à chaque fois
le besoin de trouver de nouvelles personnes pour repartir de zéro. J’ai
encore le sentiment d’avoir 23 ans et que ma vie ne fait que commencer.
BIOGRAPHIES
KRIS DEFOORT
Kris Defoort (1959) a étudié la flûte à bec et la musique ancienne au
Koninklijk Vlaams Conservatorium d’Anvers (Barthold Kuijken, Koen
Dieltiens, Jos Van Immerseel, Balderick Deerenberg) et a suivi une
formation de piano jazz, composition et improvisation au Conservatoire
royal de Liège (Dennis Luxion, Frederic Rzewsky, Garrett List, Philippe
Boesmans).
De 1987 à 1990, Kris Defoort réside à New York, berceau du jazz. Il y
suit des masterclasses auprès de Fred Hersh, David Berger et Paul Bley;
son activité principale est alors le piano jazz. Il a joué avec le
Lionel Hampton Big Band (avec en « guest » Dizzy Gillespie), avec Jack
de Johnette, Adam Nussbaum, Reggie Workman, Mike Formanek, Barry
Altschul, Vince Herring, Judy Niemack, Tito Puento, Lee Konitz et
Hannibal Peterson, pour n’en citer que quelques-uns. À son retour en
Belgique en 1991, Kris Defoort poursuit sa trajectoire musicale:
compositeur, pianiste improvisateur, leader du sextet KD's Basement
Party, du trio KD's Decade, d’Octurn, de Dreamtime, Sound Plaza (avec
Mark Turner, Jim Black et Nicolas Thys) et récemment le Trio Kris
Defoort (avec Nicolas Thys et Lander Gyselinck). Grâce entre autres
au soutien du centre culturel De Werf à Bruges et LOD (Gand), plusieurs
de ces projets se verront édités en cd. Kris Defoort a également
collaboré avec divers interprètes ou groups de la scène jazz
contemporaine (Jim Black, mark Turner, AKA Moon, Vegetable Beauty,
Garrett List, Paul Rodgers, Han Bennick etc.).
Depuis 1998, Kris Defoort est compositeur en résidence auprès de la
compagnie de théâtre musical contemporain LOD à Gand. Avec Fatou
Traoré, il a créé le spectacle dansé Passages (2001), présenté sur la
scène de plusieurs festivals de renom en Europe (Festival d’Avignon,
Salzbourg, Charleroi-Danse...). Fin 2001, Kris Defoort, répondant à une
commande émanant de LOD, de Ro Theater (et coproducteurs deSingel et La
Monnaie), compose l’opéra The Woman Who Walked into Doors
Doors, basé sur le
livre éponyme de Roddy Doyle. Cet opéra, dans une mise en scène de Guy
Cassiers, fera le tour d’Europe (Duisbourg, Triennale de la Ruhr,
Paris, Strasbourg, Bruxelles, Dublin, Zurich, Amsterdam, Rotterdam,
Anvers…), recevant les louanges appuyées de la presse et du public.
En 2002, Kris Defoort écrit Conversations with the Past, une œuvre pour
cuivres, piano, harpe, contrebasse et percussion pour de Filharmonie
(Anvers). La même année paraît Sound Plaza, un CD jazz en collaboration
avec le saxophoniste Mark Turner, le bassiste Nicolas Thys et le
percussionniste Jim Black. Fin 2003 suivent le String Quartet n°1
(production LOD) et ConVerSations/ConSerVations , un projet basé sur la
musique de la Renaissance. Avec la soprano Claron McFadden, Dreamtime
et le quatuor Danel, il approfondit sa recherche de synthèse entre
ancien et moderne, entre classique et jazz.
Depuis 2005 Kris Defoort a travaillé à plusieurs projets. Artiste en
résidence du Palais des Beaux-Arts (BOZAR) pendant la saison 2006-07,
il déploie toutes ses facettes: pianiste improvisateur jazz et
compositeur. À cette occasion, Jan Michiels créé son cycle pour piano
Dedicatio (neuf lettres en musique). À la demande du Concours Reine
Elisabeth, il écrit l’œuvre pour piano seul imposé lors de l’édition
2007: Dedicatio 6; Treasure of Emotions (to Keith Garrett).
Le 8 mai 2009, le Théâtre Royal de la Monnaie donne la création
mondiale à Bruxelles de son deuxième opéra, House of the Sleeping
Beauties , dans une mise en scène de Guy Cassiers. En 2010, c’est Les
Concerts Brodsky , un spectacle basé sur des textes de Joseph Brodsky,
dans lequel il occupe la scène avec l’acteur Dirk Roofthooft. Kris
Defoort reste également actif comme pianiste improvisateur dans
différentes formations et il est professeur
de composition,
arrangements et improvisation libre au Koninklijk Conservatorium de
Bruxelles.
DIRK ROOFTHOOFT
Dirk Roofthooft est né en 1959 à Anvers, où il suit des cours d’art
dramatique. Dès ces études terminées, en 1981, il travaille avec des
metteurs en scène, chorégraphes et musiciens réputés comme Jan Fabre,
Jan Lauwers/Needcompany, Luk Perceval, Ivo van Hove, Theu Boermans, Jan
Ritsema, Josse De Pauw, Peter Vermeersch, Wim Vandekeybus, Ron Vawter
(The Wooster Group), Rene Pollesch (Volksbühne, Berlin), Lotte van den
Berg, Zita Swoon, the London Symphonietta, Schönberg Ensemble,
Collegium Vocale, la légende de jazz Henry Threadgill (pour l’ouverture
des Salsburger Festspiele en 98) et le metteur en scène d’opéra Peter
Sellars. Il se produit sur les planches des théâtres du monde entier et
joue en néerlandais, en français, en espagnol, en allemand et en
anglais. Au fil des ans, Dirk Roofthooft remporte de nombreux prix, en
Belgique et à l'étranger, tant pour ses rôles au théâtre qu’à l’écran.
Avec Guy Cassiers, il crée Kaspar et Tristan (1980) , Het liegen in
ontbinding (1993) et Rouge décanté (2004). Roofthooft a joué le rôle
principal dans le Mefisto for ever de Guy Cassiers, pour lequel il
s’est vu décerner le Louis d’Or – un prix annuel décerné par les
théâtres des Pays-Bas pour le meilleur rôle de premier plan. En 2009
Dirk Roofthooft a pris sur lui le rôle du vieil Eguchi dans House of
the Sleeping Beauties , un opéra d’après le roman de Yasunari Kawabata,
conçu par Guy Cassiers et par le compositeur Kris Defoort.
Dirk Roofthooft a été invité cinq fois en sept ans au Festival
d’Avignon. Il y a joué non seulement Rouge décanté et Mefisto for ever
de Guy Cassiers mais aussi trois monologues de Jan Fabre : Le Roi du
plagiat , L’Empereur de la perte et Le Serviteur de la beauté.
Roofthooft a également joué dans Je suis sang, autre création de Jan
Fabre. Dirk Roofthooft joue aussi dans Ruhe (Silence), une mise en
scène de Josse De Pauw.
En tant qu’acteur de cinéma et de télévision, Dirk Roofthooft est connu
par son rôle de Pietje de Leugenaar dans Terug naar Oosterdonk , une
série télévisée de Frank Van Passel. Ou encore par Le Chagrin des
Belges, une série télévisée de Claude Goretta d’après le roman de Hugo
Claus. Au cinéma, il a joué dans des films de Dominique Deruddere
(Hombres Complicados, Suite 16 et Hochzeitfeier ), de Patrice Toye
(Rosie) et dans Pleure pas, Germaine d’Alain de Halleux. Il apparaît
aussi dans Olivetti 82, un film de Rudi Van Den Bossche, Sombermans
Actie de Casper Verbrugge, Anyway the wind blows de Tom Barman (dEUS)
et dans De zaak Alzheimer et Loft d’Erik Van Looy. Dirk Roofthooft a
joué dans De Storm de Ben Sombogaert.
Dirk Roofthooft travaille régulièrement avec des artistes comme Thierry
de Cordier, avec qui il a créé, entre autres, un spectacle en ouverture
de l’exposition Over The Edges de Jan Hoet à Gand (2000).
Il a également assumé l’apport auditif de la poésie à Watou, une
exposition
internationale
d’art
contemporain,
de
poésie
et
d’architecture hors des lieux muséaux. Pour l’événement brugeois Poésie
à double temps - une petite révolution susurrante il s’est révélé comme
artiste plastique. A travers des séquences vidéo et de prises de son,
il a livré une interprétation très personnelle des poèmes. Les poèmes
et leur rythmique lui ont inspiré des images corporelles et intimes.
Dirk Roofthooft a aussi quelques mises en scène de théâtre à son
palmarès : Emiel , l’adaptation qu’il a faite du Bel Indifférent de
Cocteau ; Enoch Arden , une œuvre pour piano et voix, basée sur le poème
envoûtant d’Alfred Tennyson datant de 1864; Kwartet de Heiner Müller et
la pièce déjà citée Tristan, interprétée par Guy Cassiers. Il a
également signé l’écriture de trois pièces : Emiel, Beschrijving van
een toestand et Alles Liebe, mis en scène par Luk Perceval.
Dirk Roofthooft s’est aussi chargé de la direction et de
l’interprétation de productions musicales. Le concert de blues, Brick
Blues , avec la légende de blues Roland Van Campenhout, portait sur la
nostalgie de ce qui nous a quittés ou de ce que nous avons quitté nousmêmes, en pensant que l’herbe était plus verte ailleurs. Walcott songs
est une production basée sur les poèmes de Derek Walcott, qu’il a
montée avec la légende de jazz Henry Threadgill. Elle a ouvert le
Festival de Salzburg et a été présentée au fameux Blue Note Jazz
Festival de Paris.
À l’automne de 2010, Dirk Roofthooft monte, de pair avec Kris Defoort,
compositeur et musicien de jazz, Les Concerts Brodsky, basés sur des
textes de Joseph Brodsky.
En janvier 2011, il joue au Théâtre National de Chaillot trois solos
mis en scène par Jan Fabre : L’Empereur de la perte, Le Roi du plagiat
et Le Serviteur de la beauté.
JOSEPH BRODSKY
Joseph Brodsky s’intéressait beaucoup à la philosophie, à la religion
et à la mythologie classique. Il était par ailleurs un fervent amateur
de poésie anglaise et américaine, comme il en ressort de l’un de ses
premiers poèmes Elégie à John Donne. Lev Sjestov était le philosophe
dont il se sentait le plus proche. Et le poète qu’il admirait le plus
était W.H. Auden.
Dans ses premières œuvres, Brodsky cherchait notamment à se rapprocher
de la poésie intemporelle et apolitique de sa compatriote Anna
Achmatova qui, contrairement à son autre grand modèle qu’était Osip
Mandelstam, a eu l’opportunité d’exprimer toute son admiration pour
Brodsky. Tout comme chez Achmatova, on relève chez Brodsky, à ses
débuts, une rigueur d’expression, dans des images qui semblent devenir
de plus en plus classiques ou archétypiques avec le temps. Il savait
somptueusement évoquer l’ambiance des villes qui l’enchantaient telles
que Rome et Venise, mais ses images étaient parfois extrêmement
fantaisistes et inattendues, tout en restant cependant très subtiles :
comme dans son magistral poème ‘Berceuse de Cap Cod’, dans lequel il
relie deux mondes, la Russie qu'il a été contraint de quitter et
l’immense domaine des Etats-Unis, par des images à la fois de la ville
et de la nature, dont l’océan infini et faisant office de trait d’union
joue toujours un rôle clé.
Le thème de l'exil est au cœur de la poésie de Brodsky, outre
l’isolement de l’homme en général. Un autre thème qui revient sans
cesse dans son œuvre est la relation entre le poète et la société.
Brodsky insiste à chaque fois sur la puissance de la littérature qui,
selon lui, est en mesure d’influencer favorablement le public et de
constituer dans une grande mesure la culture et la langue dont elle
fait partie. Il était d’avis que la tradition littéraire occidentale
était en partie responsable du triomphe des grandes catastrophes du
vingtième siècle, comme le nazisme, le communisme et les deux guerres
mondiales.
Brodsky utilisait parfois un style soutenu, mais aussi de temps en
temps un style ordinaire ou direct et il possédait une grande force
méditative. Brodsky pensait même que ses textes devaient à proprement
parler être davantage déclamés que lus mentalement et ses propres
conférences faisaient souvent forte impression sur le public.

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