La notion de château dans la France de la vigne et du vin.
Transcription
La notion de château dans la France de la vigne et du vin.
La notion de château dans la France de la vigne et du vin. Salle de l’Académie des Sciences , des Arts et Belles Lettres de Dijon Jean-François Bazin s’est interrogé, à notre demande, sur la notion de château dans la France de la vigne et du vin. Conférence illustrée de nombreuses étiquettes de vin montrant des châteaux bourguignons, ou beaujolais, correspondant à la dénomination d’un vin. Un aperçu iconographique inédit ! Pourquoi et comment le mot château est-il devenu à Bordeaux le synonyme de propriété vitivinicole ? Apparu modestement en 1855 (seulement Lafite, Latour, Margaux, Beychevelle et Issan), ce mot envahit rapidement la Gironde (318 châteaux en 1868, 1600 en 1908, 2400 en 1949, 4000 de nos jours). L’existence d’un château tel que nous l’entendons n’est d’ailleurs pas nécessaire. Le succès de ce terme évidemment flatteur, auquel s’attachent une évidente noblesse et le goût français, est considérable : ce gallicisme passe à l’anglais (chateau sans accent circonflexe), envahit la Californie vitivinicole, les vins des Nouveaux Mondes et une large partie de la France en AOC (Château Chalon en Jura, Château Grillet en vallée du Rhône) ou en marques. Car le terme château désigne presque toujours un nom de marque, et le droit des marques lui est donc applicable. En Bourgogne, l’approche n’est pas la même. On y demeure très généralement attaché à la réelle existence d’un château historique, (voire d’une belle demeure bourgeoise du XIXème siècle, ou encore d’un manoir, quand il se produit bien sûr une relation entre un domaine vitivinicole, une appellation d’origine contrôlée et une marque (pour le château proprement dit). Au demeurant la terre à vigne est précieuse et rare. Dans la Côte, on préfère le pinot noir aux parterres d’un parc, le chardonnay aux légumes de Madame... La référence au château est rare : ainsi dit-on Clos de Vougeot et non Château du Clos de Vougeot. On parle de clos, de cru, de lieu-dit et en définitive de climat, terme consacré en 2015 par l’UNESCO. Le mot château concerne toujours une appellation d’origine contrôlée (un vin de table ne peut pas se prétendre château). Le recours à ce mot nécessite une provenance précise des raisins concernés par cette dénomination et la capacité de les vinifier au château indépendamment de tout autre raisin. Est-ce si simple ? Nullement. Le droit d’appeler son vin sous le nom de château, en Bourgogne, est lié à mille considérations. Par exemple, le propriétaire d’une cuverie dépendant anciennement du château, proche de celui-ci, a déposé comme marque « Château de X... » pour son vin. Cette marque s’imposera durablement quand bien même les propriétaires ultérieurs du château dans son ensemble auraient voulu donner le nom de « Château de X... » à leur vin authentique. A l’aide de nombreux exemples, la conférence a permis de comprendre, dans une grande diversité de situations, comment le château s’accole en Bourgogne à la vigne et au vin. Certaines étiquettes anciennes de châteaux bourguignons sont imaginaires : des « passe-partout » d’imprimeurs pour les négociants de Bercy qui donnaient n’importe quel nom à tel ou tel vin. Ainsi un Chambertin dans un décor alpestre... D’autres signalent des constructions du XIXème ou du XXème siècle, intéressantes mais pourvues d’un nom dit de fantaisie (le Château de la Tour au sein du Clos de Vougeot, par exemple, dénomination assez récente). Oublierait-on enfin ces Châteaux Lamartine (plusieurs en Bordeaux Supérieur/Cantenac Brown, en Côtes de Castillon, etc.), Fort de Vauban, Bossuet, Eiffel rencontrés çà et là dans le vignoble français et honorant des Bourguignons célèbres ? Nous étions très nombreux dans la Salle de l’Académie à suivre cette passionnante et originale conférence, dont chacun se souviendra. Puis Sylvie et Michel Guyon nous attendaient tous en leur Hôtel de Massol pour un pot amical, délicieusement accompagné de Pernand Vergeless et de Chambolle-Musigny rouge, de nos hôtes.