Séquence 5 sur les poètes de la Résistance

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Séquence 5 sur les poètes de la Résistance
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Biographies de poètes engagés dans la Résistance
 Paul Eluard : né à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-lePont le 18 novembre 1952.
Poèmes pour la paix (1918), poèmes.
Mourir de ne pas mourir (1924), poèmes.
Capitale de la douleur (1926), poèmes.
L’Amour, la poésie (1929), poèmes.
La Vie immédiate (1932), poèmes.
Facile (1935), poèmes.
Les Yeux fertiles (1936), poèmes.
Cours naturels (1938), poèmes.
Poésie et Vérité 1942 (1942), poèmes.
Au rendez-vous allemand (1944), poèmes.
Poésie ininterrompue (1946-1953), poèmes.
Le Temps déborde (1947), poèmes.
Le Phénix (1951), poèmes.
 Louis Aragon : né à Tinchebray dans l'Orne, le 19 février 1896, mort à Paris le
28 septembre 1966.
Anicet ou le Panorama (1921), roman.
Le Mouvement perpétuel (1926), poèmes.
Le paysan de Paris (1926)
Les Cloches de Bâles (1934), roman.
Les Beaux quartiers (1936), roman.
Les Yeux d’Elsa (1942), poèmes.
Aurélien (1945), roman.
La Diane française (1945), poèmes.
Les Communistes (1949-1951), roman.
La Semaine sainte (1958), roman.
Blanche ou l’oubli (1967), roman.
 Robert Desnos : (né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au
camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du
joug de l'Allemagne nazie)
C’est les bottes de sept lieues… (1926), poèmes.
Corps et biens (1930), poèmes.
Le Veilleur du Pont-au-Change (1944), poème.
Séquence 4
Dominante : HDA
Objectif :
Le surréalisme
Les séductions de la révolte (1917)
Le surréalisme est né de la protestation de quelques jeunes gens en colère, qui eurent vingt ans
pendant la première guerre mondiale. Horrifié par l’hécatombe que celle-ci avait provoquée,
le poète Paul Valéry put écrire : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que
nous sommes mortelles. »
Enrôlés dans des services de médecine militaire, Breton et Aragon avaient constaté euxmêmes les ravages de la guerre avait opérés sur les corps meurtris et dans les consciences
perturbées des soldats revenus du front. Pour soigner ces névroses de guerre, Breton eut
l’occasion d’utiliser des nouvelles méthodes de traitement, recommandées par un psychiatre
viennois encore inconnu en France : Sigmund Freud : la psychanalyse. Il s’agissait de faire
parler les malades selon le principe des associations libres : on leur demandait de produire non
un discours structuré mais un flux de mots et d’images échappant à la conscience, cela
permettant l’émergence de leurs obsessions cachées.
C’est de cette pratique médicale qu’allait dériver le mode de production des textes
surréalistes. Cette « écriture automatique », sorte de dictée de l’inconscient, que Breton et
Soupault utilisèrent dans Les Champs magnétiques, frappa les auteurs par sa richesse et sa
fantaisie. Elle sera pour longtemps le moyen privilégié de parvenir à la libération des
contraintes recherchée par le surréalisme.
Nusch Eluard, André Breton, Greta Knutson,
Valentine Hugo, « cadavre exquis », vers 1930,
(crayons de couleur sur papier noir ; Saint-Denis,
Musée d’Art et d’Histoire)
« Cadavre exquis : jeu de papier plié qui consiste à
faire composer une phrase ou un dessin par
plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles puisse
tenir compte des collaborations précédentes.
L’exemple devenu classique qui a donné son nom
au jeu tient dans la première phrase qui a été
obtenue de cette manière : Le cadavre Ŕ exquis Ŕ
boira Ŕ le vin Ŕ nouveau » (Dictionnaire abrégé du
surréalisme, Paris, janvier 1938)
Pendant la guerre, le Roumain Tristan Tzara, créa un mouvement de protestation collective
assez semblable qui utilisait la dérision et la provocation comme armes principales et se
baptisa d’un nom volontairement ridicule : le mouvement « dada ».
Cette anarchie permanente séduisit Breton et Eluard quand le mouvement arriva de Suisse à
Paris : de l’organisation de concerts grotesques où l’on tape sur des casseroles et où l’on
injurie le public à celle du procès parodique de Maurice Barrès accusé de délire militariste et
patriotique, l’esprit de bouffonnerie systématique finit par lasser André Breton, le chef de file
des surréalistes.
Deux revues, un manifeste (1922-1924)
La révolte de Breton porte en effet, bien plus que pour Tristan Tzara, sur la place de l’art et de
la littérature qu’il faut redéfinir. C’est d’ailleurs ce titre de Littérature qu’il choisit par
antiphrase pour la revue qu’il fonde en 1919. Robert Desnos y publie ses récits de rêves et des
textes écrits sous hypnose. Il s’agit toujours, comme pour l’écriture automatique, de donner la
parole à l’imaginaire enfoui sous la conscience. Le but reste de libérer les forces vives de
l’individu, non de produire de « beaux » textes savamment composés.
En 1924, Breton fait paraître le Manifeste surréaliste, où il définit le mouvement par les
techniques d’automatismes pratiquées depuis 1918 :
En cette même année 1924 est fondée uns nouvelle revue : La Révolution surréaliste.
L’Ange du foyer ou le triomphe du surréalisme,
Max Ernst (1937), huile sur toile, 114 x 146 cm. Collection particulière.
De la révolte à la révolution (1925-1933)
Le groupe des surréalistes connaît un succès de scandale hérité du goût de la violence et de la
provocation du mouvement dada : lors d’un banquet organisé pour un poète oublié
aujourd’hui, Michel Leiris crie : « Vive l’Allemagne ! », déclenchant une bagarre générale !
De 1925 à 1928 paraissent quelques œuvres majeures : Aragon publie Le paysan de Paris en
1926 et le Traité du style en 1928 ; Eluard Capitale de la douleur en 1926, et Desnos La
Liberté ou l’Amour en 1927. En 1928, Breton fait paraître Nadja, modèle achevé d’un type
nouveau de récit qui s’inscrit au cœur de la recherche du « surréel ».
René Magritte - La trahison des images
Admirateurs de Rimbaud, les surréalistes s’efforcent de réaliser le précepte de celuici : « changer la vie ». Sous l’impulsion de Breton, ils vont adopter un autre mot d’ordre, plus
politique de Karl Marx : « changer le monde ». En effet, à partir de 1925, s’amorce un
rapprochement avec les intellectuels communistes. En janvier 1927, Aragon, Breton et Eluard
adhèrent au parti communiste français.
Mais des crises secouent le mouvement. Les anciens compagnons qui refusent cet
engagement, comme Desnos et Leiris sont exclus ; les surréalistes se sentent rapidement mal à
l’aise dans les activités de simples militants que les dirigeants du PCF méfiants vis-à-vis de
ces intellectuels petits-bourgeois, leur assignent. Sans renier ses orientations révolutionnaires,
Breton quitte rapidement le parti.
Sensible aux images dans sa propre écriture, Breton a toujours considéré les peintres comme
des surréalistes à part entière. Max Ernst, Giorgio de Chirico, Francis Picabia furent célébrés
par lui dès les années 20. Dans les années 30, l’Espagnol Salvador Dali popularise les images
oniriques avec succès. Un autre Espagnol, le cinéaste Luis Bunuel réussit, avec un Chien
andalou en 1929, réalisés d’après des scénarios de Dali, la percée du surréalisme au cinéma en
faisant scandale.
Les montres molles - Dali
La diffusion du surréalisme (1933-1945)
Face aux difficultés de l’époque, les surréalistes s’engagent dans des combats politiques
radicaux par l’écriture de manifestes mais aussi de poèmes. Contre la dureté des temps,
Breton chante l’Amour fou en 1937. Mais Eluard rompt définitivement avec Breton en 1938
qui s’exile en Amérique après la défaite française en 1940, alors qu’Eluard et Aragon se font
les chantres de la Résistance et que Desnos meurt en déportation.
La fin du mouvement (1945-1969)
Revenu en France en 1946, Breton est concurrencé par les communistes et l’existentialisme :
Sartre et Camus sont les hommes nouveaux de l’après-guerre. Sa mort, en 1966, consomme la
fin du mouvement surréaliste. Mais l’esprit surréaliste, ses principes esthétiques et éthiques,
font encore subir leur influence sur la sensibilité contemporaine. L’attention à l’imaginaire
que porte une société de plus en plus modelée par l’image doit sans doute beaucoup aux
pionniers qui explorèrent les « champs magnétiques » de l’inconscient.
Magritte - L’empire des lumières
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Textes n°1 : Eluard
1. La Courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)
Pablo PICASSO, Portrait de
Nusch Eluard, 1937
2. La Victoire de Guernica
Le poème La Victoire de Guernica a été inspiré par un fait historique. Le 26 avril 1937, les
avions de l’armée allemande bombardent Guernica pendant 3 heures. Bilan 2000 morts. Ceci
est le symbole de la guerre dans son horreur. Paul Eluard va écrire ce poème pour dénoncer
cette barbarie pendant la guerre en Espagne.
I
Beau monde des masures
De la nuit et des champs
II
Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups
III
Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d'exemple
IV
La mort coeur renversé
V
Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l'eau le sommeil
Et la misère
De votre vie
VI
Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l'aumône partageaient un sou en
deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s'accablaient de politesses
VII
Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de
notre monde
VIII
Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs
IX
Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent
X
Les femmes les enfants ont les mêmes roses
rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang
XIII
Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de
l'avenir
XI
La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile
XIV
Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.
XII
Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché
Paul Eluard, Cours naturel, 1938
3. Liberté
Pendant la guerre, engagé dans la Résistance, Paul Eluard participe au grand mouvement qui
entraîne la poésie française, et le poème Liberté ouvre le recueil Poésie et Vérité paru en
1942.
Les textes qui forment ce recueil sont tous des poèmes de lutte. Ils doivent entrer dans la
mémoire des combattants et soutenir l'espérance de la victoire : comme on le faisait pour les
armes et les munitions, le poème Liberté a été, à l'époque, parachuté dans les maquis et lu
clandestinement, soulevant ainsi l’enthousiasme, réveillant les énergies et devenant un grand
classique de la poésie engagée.
Sur la jungle et le désert
Sur mes cahiers d'écolier
Sur les nids sur les genêts
Sur mon pupitre et les arbres
Sur l'écho de mon enfance
Sur le sable de neige
J'écris ton nom
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur toutes les pages lues
Sur le pain blanc des journées
Sur toutes les pages blanches
Sur les saisons fiancées
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur les images dorées
Sur l'étang soleil moisi
Sur les armes des guerriers
Sur le lac lune vivante
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
Paul Eluard, Poésies et vérités, 1942
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Textes n°2 : Aragon
1. IL N'Y A PAS D'AMOUR HEUREUX
A cause de son exposition à la guerre et son amour intense pour Elsa, le sujet d'un
grand nombre des poèmes de Louis Aragon concerne ces deux thèmes, aussi bien
qu'une nostalgie pour le bonheur qui ne se trouve que dans la paix et le patriotisme
comme le montre ce poème célèbre mis en musique par Georges Bassens.
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Louis Aragon, La diane Française
2. Strophes pour se souvenir
« Strophes pour se souvenir » est un poème extrait du Roman Inachevé, en 1955, en
mémoire du groupe Manouchian, résistants étrangers fusillés par la Gestapo en 1944.
L'annonce de leur condamnation avait été faite par le biais d'une affiche reproduisant leurs
photographies, et qui est restée sous le nom de l'Affiche rouge. Le poète tente de raviver
le souvenir des résistants. Ce texte sera également mis en musique par Léo Ferré.
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Louis Aragon, Le Roman Inachevé
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Textes n°2 : Aragon
Strophes pour se souvenir
1) Quelles remarques pouvez-vous faire en ce qui concerne la forme de ce poème (mètre,
strophes, rimes) ?
2) Distinguez trois situations d’énonciation différentes dans ce poème, en observant
notamment les pronoms personnels et les adjectifs possessifs : qui s’adresse à qui, quand et
pourquoi ? Quels moyens typographiques aident le lecteur à les repérer ?
3) Quels éléments de l’Affiche rouge Aragon évoque-t-il ?
4) Selon lui, quel effet cette affiche veutŔelle provoquer ?
5) Quelle est l’attitude des Français occupés vis à vis de cette affiche ? Relevez les allusions
au contexte temporel et historique.
6) Quel portrait l’Affiche rouge présente-t-elle des résistants ?
7) Quel portrait le poète lui oppose-t-il ?
8) Que nous apprend la lettre de Manouchian sur la personnalité du chef de réseau ?
Observez les champs lexicaux développés, les répétitions.
9) Quelle est la nature de cette lettre ? Quelle est sa fonction ?
10) Quelle est la fonction de ce poème engagé ? Comparez la 1ère et la 2ème strophes avec la
dernière (répétitions, oppositions) et interrogez-vous sur le titre du poème.
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Textes n°2 : Aragon
Strophes pour se souvenir
1) Quelles remarques pouvez-vous faire en ce qui concerne la forme de ce poème (mètre,
strophes, rimes) ?
2) Distinguez trois situations d’énonciation différentes dans ce poème, en observant
notamment les pronoms personnels et les adjectifs possessifs : qui s’adresse à qui, quand et
pourquoi ? Quels moyens typographiques aident le lecteur à les repérer ?
3) Quels éléments de l’Affiche rouge Aragon évoque-t-il ?
4) Selon lui, quel effet cette affiche veutŔelle provoquer ?
5) Quelle est l’attitude des Français occupés vis à vis de cette affiche ? Relevez les allusions
au contexte temporel et historique.
6) Quel portrait l’Affiche rouge présente-t-elle des résistants ?
7) Quel portrait le poète lui oppose-t-il ?
8) Que nous apprend la lettre de Manouchian sur la personnalité du chef de réseau ?
Observez les champs lexicaux développés, les répétitions.
9) Quelle est la nature de cette lettre ? Quelle est sa fonction ?
10) Quelle est la fonction de ce poème engagé ? Comparez la 1ère et la 2ème strophes avec la
dernière (répétitions, oppositions) et interrogez-vous sur le titre du poème.
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Textes n°2 : Aragon
Strophes pour se souvenir
1) La forme de ce poème (mètre, strophes, rimes) ?
Mètre = alexandrin
7 strophes de 5 vers = 7 quintils
abbab- cbbcb Ŕ dbbdb Ŕ ebbeb Ŕ fbbfb Ŕ gbbgb Ŕ hbbhb : répétition d’une même rime en [an] tout au
long du poème
Absence de ponctuation et vers libres malgré une certaine régularité
2) Coexistence de trois situations d’énonciation différentes
v. 1 à 18 : le poète (« nos ») s’adresse aux résistants (« Vous », « vos ») « onze ans » après
l’événement relaté, afin d’en conserver le souvenir.
v.19 à 30 : vers en italique, paraphrase poétique de la lettre de Manouchian, l’énonciateur est ce
résistant (« je », « moi », « nos », « mon »), le destinaire est sa femme Mélinée (« toi », « ma
Mélinée », « te »). Il s’agit d’une reprise de la lettre réelle écrite par Manouchian avant son exécution.
V.31 à 35 : narration à la 3ème personne, le poète n’est plus présent dans les vers (« Ils »), recul,
conclusion.
3) Les éléments de l’Affiche évoqués par le poème
Aragon évoque les « portraits (…) Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants » des résistants.
Souligne le choix de photos présentant des individus à l’apparence inquiétante (cf. hypallage « de
barbe et de nuit » + gradation). Il fait allusion à la couleur rouge de l’affiche qu’il compare à « une
tache de sang », mettant par là en relief l’objectif recherché par les propagandistes, à savoir
l’association dans l’esprit des Français, entre les résistants et le sang, le crime. Il parle également des
légendes présentes sous les portraits : « à prononcer vos noms sont difficiles ».
4) L’effet que cette affiche veut provoquer
L’évocation de cette affiche est très subjective : Aragon ne se contente pas de décrire l’Affiche rouge,
mais offre en même temps son interprétation, qui consiste en une dénonciation des effets recherchés
par les propagandistes sur les passants. En effet, les portraits offrent des résistants des images
angoissantes (ressemblent à des fous furieux). Adjectifs qui mêlent la description du visage et le trait
dont il serait révélateur : l’hostilité, le danger. La couleur rouge est destinée à les associer au sang et au
crime, leurs noms sont inscrits parce que leur consonance étrangère les rend antipathiques et
inquiétants (inversion du verbe à l’infinitif montre comment la rhétorique nazie associe dangerosité et
identité étrangère). Selon Aragon, cette affiche veut provoquer « un effet de peur » (faire peur et non
convaincre par des arguments, toucher l’être humain dans ses sentiments primaires et non le faire
réfléchir).
5) L’attitude des Français occupés vis à vis de cette affiche et les allusions au contexte temporel et
historique.
L’attitude des Français, désignés par des noms, des GN ou des pronoms les présentant comme un
ensemble anonyme, est double :
durant le jour : indifférence apparente (« sans yeux pour vous le jour durant »)
pendant la nuit : solidarité et reconnaissance secrètes
La synecdoque et l’hypallage « des doigts errants » mettent en relief cette duplicité des Français.
Combat collectif et anonyme qui contredit la « peur » des passants, voire l’hostilité à ces étrangers
attendue par les occupants. L’inscription « Morts pour la France » qui figurera après la guerre sur de
nombreuses plaques dans les rues des villes insurgées, confirme cette opposition entre les résistants de
la nuit (cf. Editions de minuit) et les indifférents du jour, également signifiée par les conjonction
« Mais » en milieu de strophe, pour marquer le basculement entre le jour et la nuit, une attitude et son
contraire.
Double opposition :
indifférents et collaborateurs = résistants
résistants muets et inactifs le jour = combattant la nuit
Références au contexte historique : « les mornes matins », « Tout avait la couleur uniforme du givre »,
« fin février ». Evocation du moment exact : le mois et le froid qui y est associé, mais aussi de
l’atmosphère propre à cette sombre période de l’histoire qu’est l’occupation (« mornes »).
6) Le portrait que l’Affiche rouge présente des résistants est l’inverse du portrait que le poète lui
oppose :
Individus étrangers donc dangereux, criminels, terroristes.
≠ Strophe 1 : modestie, courage, pugnacité des résistants présentés comme des anonymes oubliés (cf.
jeu de négations : répétition de « ni ») // lettre // dernière strophe.
8) La lettre de Manouchian apporte une dimension pathétique à la personnalité du chef de réseau
La lettre de Manouchian, en donnant la parole au chef de bande, met en valeur de manière directe,
concrète et poétique l’humanité des résistants.
Répétition de « Adieu » + champ lexical du bonheur (« Bonheur », « plaisir », « heureuse ») et de la
nature dans sa beauté (« lumière », « vent », « beauté des choses », « Un grand soleil d’hiver éclaire la
colline », « Que la nature est belle ») : regret de quitter la vie « que le cœur me fend », « mon
orpheline »).
Absence de haine (« sans haine ») envers ses meurtriers, grand calme (« calmement »). Répond à la
haine et à la violence par l’amour et la paix.
9) La nature de cette lettre et sa fonction
Cette lettre est une paraphrase poétique de la véritable lettre de Manouchian (lequel était d’ailleurs
poète) : poème dans le poème. Elle s’adresse à Mélinée, la femme du chef de bande, mais aussi à tous
« ceux qui vont survivre », leur transmettant un message de paix, d’espoir (cf. impératifs et futurs
présentant l’image d’un avenir plein de promesses).
Cette lettre constitue une réponse à l’Affiche rouge évoquée dans les 1ères strophes du poème. Elle
permet en quelque sorte de donner la parole à l’accusé qui se défend non pas au moyen d’arguments,
mais tout simplement en opposant à la haine des occupants une foi indestructible en l’amour et la paix.
Présente une image spirituelle, poétique, humaine du chef de bande, en totale opposition avec les
photos montrant des actes de violence.
10) La fonction du poème engagé
Strophe 7 : passage du « vous » au « ils », de l’anonymat à un nombre « vingt et trois » (anaphore) +
relative, noms et adjectifs qui permettent de les caractériser, afin de rendre leur place aux résistants
étrangers dont Aragon souligne le patriotisme. Antithèse « étrangers » / « nos frères » : solidarité de
ces résistants étrangers qui se sont battus jusqu’à la mort pour le pays qui les avait accueillis (plus
courageux et plus patriotiques que certains « vrais » Français !). Renvoie aussi à la parole évangélique.
Ces résistants étrangers sont présentés comme des êtres généreux et courageux, des martyres qu’il faut
réhabiliter, auxquels il faut rendre hommage.
Œuvre de mémoire cf. titre « Strophes pour se souvenir » = « Onze ans déjà que cela passe vite onze
ans ». Poème écrit en 1955, à une période où le souvenir de la guerre et de la Résistance s’estompe.
Membres de l’Affiche rouge = oubliés de l’Histoire. Volonté de les réhabiliter. Importance de la
notion de temps qui passe (répétition de la durée « onze ans », adverbes « vite », « déjà », absence de
ponctuation) : il faut lutter contre l’oubli. Poème = épitaphe (cf. dernière strophe).
Séquence 4
Dominante : lecture
Objectif :
Texte n°3 : Desnos
Ce cœur qui haïssait la guerre
Ce poème extrait du recueil Destinée arbitraire, témoigne de l’engagement de Desnos dans la
résistance, engagement qui lui valut la déportation et lui coûta la vie. Avant d’être publié en
1975 à titre posthume, il a circulé clandestinement et a participé au combat d’idées en incitant
ses lecteurs à rejoindre les rangs de la résistance.
Ce cœur qui haïssait la guerre
voilà qu'il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons,
à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines
un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat.
Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres cœurs, de millions d'autres cœurs
battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l'ombre
à la besogne que l'aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.
Robert Desnos, Destinée arbitraire 1975
Séquence 4
Dominante : HDA
Objectif :
Etudier l’Affiche Rouge
L'Affiche rouge est une affiche de propagande placardée en France dans le contexte de la
condamnation à mort de 23 membres des FTP-MOI de la région parisienne, le
21 février 1944.
1. Contexte historique
L'affichage partout dans Paris fut accompagné par la diffusion large d'un tract reproduisant :
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au recto, une réduction de l'affiche rouge ;
au verso, un paragraphe de commentaire fustigeant « l’Armée du crime, contre la
France ».
Les dimensions de ce tract sont de 22 x 26 cm
2. Description
Il existe trois formats différents dont les formats 152 x 130 cm, et 118 x 75 cm.
L'affiche, dont l'image figure ci-contre, comprend :
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un slogan : « Des libérateurs ? La Libération ! Par l'armée du crime » ;
les photos, les noms et les actions menées par dix résistants du groupe Manouchian :
o « Grzywacz Ŕ Juif polonais, 2 attentats »,
o « Elek Ŕ Juif hongrois, 8 déraillements »,
o « Wajsbrot Ŕ Juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements »,
o « Witchitz Ŕ Juif polonais, 15 attentats »,
o « Fingerweig Ŕ Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements »,
o « Boczov Ŕ Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats »,
o « Fontanot Ŕ Communiste italien, 12 attentats »,
o « Alfonso Ŕ Espagnol rouge, 7 attentats »,
o « Rayman Ŕ Juif polonais, 13 attentats »,
o « Manouchian Ŕ Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600
blessés » ;
six photos d'attentats ou de destructions, représentant des actions qui leur sont
reprochées.
3. Analyse :
La mise en page marque une volonté d'assimiler ces dix résistants à des terroristes : la couleur
rouge et le triangle formé par les portraits apportent de l'agressivité ; les six photos en bas,
pointées par le triangle, soulignent leurs aspects criminels.
a) Connotation morbide donnée par les couleurs rouge (= sang) et noire (= mort).
b) Présence de photos : - médaillons portraits en noir et blanc, aspect + ou - hirsute,
visages patibulaires…, disposés en triangle, dont le sommet est occupé par le portrait
de Manouchian, pour former une flèche orientée vers le bas de l’affiche.
- photos rectangulaires documents relatant des actes terroristes (déraillement de
trains), montrant des cadavres, un corps attaché (d’un " terroriste " ?) transpercé de
balles et, au centre, une saisie d’armes (des " terroristes " ?).
Présence de texte : - légende correspondant à chaque portrait patronyme, mais absence
de prénom ( = rejet de l’aspect affectif), nationalité et idéologie (= étranger et
dangereux), nombre d’attentats commis Terroristes dangereux, dépourvus de toute
humanité, qui n’ont aucun point commun avec les " vrais " Français.
- gros titres, placés en haut et en bas de l’affiche : en haut phrase nominale
interrogative, écrite en blanc.
en bas
phrase nominale exclamative, écrite en rouge, coupée en deux par le point
d’exclamation, dont la seconde partie (" l’armée du crime ") est justifiée par le
montage et la disposition des photos.
Gros titre en rouge = thèse des auteurs de l’affiche.
OBJECTIFS DE L’AFFICHE :
1) convaincre les Parisiens que ces hommes sont des terroristes, non pas des
libérateurs, et qu’ils oeuvrent pour le désordre et la mort, face à l’ordre établi
par l’armée allemande
2) dissuader ceux qui en auraient envie d’entrer dans la Résistance.
Il s’agit d’une affiche de propagande, destinée à influencer l’opinion du
destinataire, à lui faire adopter un certain point de vue, au moyen d’un montage
de photos, d’images et de textes évocateurs, choisis pour cet effet.