dossier pédagogique la tombe et son mobilier
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dossier pédagogique la tombe et son mobilier
Musée archéologique départemental de Jublains Dossier Ressources La tombe et son mobilier En lien avec l’exposition «Secrets de momies, rites et croyances funéraires à la fin de l’Égypte pharaonique » Musée archéologique départemental de Jublains Du 8 juillet au 13 décembre 2011 Le musée archéologique départemental de Jublains ouvre ses portes à l’Egypte ancienne et accueille deux momies, qui ont été passées au scanner en 2007 ; ce qui a permis d’en révéler tous les secrets. Autour de ces pièces remarquables, le musée invite à une découverte du monde des morts et des dieux, tel qu’il est rêvé et vécu par les anciens Egyptiens. Cette exposition est le fruit d’un partenariat privilégié avec le musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, initiateur du projet. Les collections de ce grand musée sont accompagnées de prêts des musées de Nantes, Amiens, Angers, Château-Gontier, Roanne, Soissons et du Louvre. L’exposition s’organise en quatre grands thèmes : - Osiris et les dieux funéraires : Osiris, grand dieu des morts, préside la première partie, où sont expliquées sa légende et sa grande popularité dans toute l’Egypte. Isis, Nephthys, Horus et Anubis, divinités de la famille osirienne, l’accompagnent, mais aussi d’autres dieux qui jalonnent le long voyage des défunts dans l’au-delà. - L’art de la momification : La belle momie d’Ânkhpakhered, dessinateur au temple d’Amon sous la XXVIe dynastie (680-525 avant J.-C.), et son sarcophage couvert de textes magiques, témoignent des soins accordés aux défunts juste après leur mort. Durant ces préparatifs, le corps est momifié puis entouré de nombreux objets magiques et religieux : amulettes, bandelettes, ornements, cartonnages, sarcophages sont autant de protections destinées à l’accompagner sans encombre jusqu’au monde des morts. - Funérailles et maison du mort : Avec les funérailles, le mort entre dans sa dernière demeure et accède au royaume d’Osiris. Sa mémoire est rappelée et célébrée, aussi bien dans la tombe qu’à l’extérieur, sur les stèles et les tables d’offrandes. Vaisselle, objets du quotidien, statuettes funéraires sont installés dans la chambre funéraire, pour suBvenir aux besoins de sa nouvelle vie dans l’au-delà. - Séramon et l’Au-delà : Dans sa tombe creusée dans la falaise thébaine, Séramon était entouré de plusieurs sarcophages emboîtés l’un dans l’autre. La qualité de sa momification et du mobilier qui l’accompagnait témoigne de l’importance de ce haut personnage, mais aussi des pratiques en cours à l’époque de la XXIe dynastie (1069946 avant J.-C.). En introduction à la visite, sont figurées une carte et une chronologie, qui permettent de placer quelques repères avec les élèves. La carte La carte rappelle les grandes caractéristiques de l’Egypte : c’est un pays désertique mais qui a la chance d’être traversé par le Nil. « L’Egypte est un don du Nil », commente Hérodote lors de sa visite du pays. Le Nil est l’un des plus grands fleuves du monde. Long de 6500 km, il traverse plusieurs pays d’Afrique avant de se jeter dans la mer Méditerranée. A l’époque antique, sa grande crue annuelle recouvrait de limon noir les terres de la vallée et permettait la pratique de l’agriculture. Toutes les grandes villes sont aménagées le long du Nil et à l’exception des oasis, toute la population s’y regroupait. La forme de la vallée du Nil fait que très tôt, on a distingué la Haute Egypte, qui couvrait tout le sud du tracé jusqu’à Memphis, et la Basse Egypte, qui correspondait au delta (endroit où le Nil forme de multiples rameaux, qui se jettent dans la Méditerranée). Les pharaons étaient ainsi désignés comme les rois de Haute et Basse Egypte, pour bien indiquer qu’ils régnaient sur tout le pays. Séramon et Ânkhpakhéred, dont les momies sont présentées dans l’exposition, ont vécu à Thèbes, là où se trouve aujourd’hui la ville de Louqsor et le temple de Karnak. Ils ont d’ailleurs tous les deux travaillé dans ce grand temple consacré au dieu Amon. A leur mort, ils ont été enterrés de l’autre côté du Nil, dans la falaise, à proximité du site de la Vallée des Rois. La chronologie L’histoire pharaonique égyptienne s’étend sur presque trois millénaires, puisqu’elle commence vers 3000 avant J.-C. et s’achève au tournant de notre ère avec la conquête romaine. Cette longue période appartient à ce que l’on appelle l’Antiquité, premier temps de l’Histoire qui suit l’apparition de l’écriture. En effet l’écriture égyptienne, celle des hiéroglyphes, est l’une des plus vieilles du monde. L’exposition s’intéresse plus particulièrement aux époques de la fin de l’Egypte pharaonique, qu’ont connues Séramon et Ânkhpakhéred. - Séramon a vécu à la XXIe dynastie (1069-944 av. J-C.), qui marque le début d’une période de troubles appelée Troisième période intermédiaire (TPI). 2000 ans pratiquement ont passé depuis les grandes pyramides, qui datent de l’Ancien Empire. - Ânkhpakhéred a vécu à la XXVIe dynastie (680-525 av. J-C.), au tout début de la Basse Epoque. Lors de cette période, l’Egypte retrouve une prospérité sous des pharaons nationaux (les Saïtes) puis étrangers (perses et grecs). La grande majorité des objets de l’exposition date de la Troisième Période intermédiaire (1069-664 avant notre ère) ou de la Basse Epoque (664-332 avant notre ère). La tombe et son mobilier Les Égyptiens croient en une vie après la mort. Après la mort, le défunt entame un long voyage vers l’Au-delà, auquel il s’est préparé pendant toute sa vie. Au cours de ce périple, il va devoir franchir différents obstacles et va rencontrer de multiples divinités sous la protection desquelles il va se placer. Parmi les divinités qui l’accompagnent, Osiris occupe une place de choix. Osiris et la légende Osirienne Osiris, grand dieu des morts Osiris, grand dieu des morts, dispose d’une grande popularité dans toute l’Egypte. Souverain du royaume souterrain, dieu bénéfique, il protège tous les défunts. Les statuettes de ce dieu sont nombreuses dans les tombes et dans les temples. Osiris est également très souvent figuré sur les cercueils et les papyrus funéraires. Il est toujours représenté de la même manière : il est debout, mais dans une posture de momie, intégralement enveloppé d’un linceul. Il porte deux attributs royaux, le sceptre heka et le fouet nekhekh, ainsi qu’une couronne (la couronne atef), constituée d’un bonnet haut encadré de plumes d’autruche, de cornes de bélier et surmontée d’un uraeus (serpent cobra). Osiris est entouré d’une nombreuse famille (annexe1). Il est le fils de Geb et Nout, dieux de la Terre et du Ciel. Il a un frère, Seth, et deux sœurs, Isis et Nephthys. Isis, sa sœur, est aussi son épouse, comme cela se pratiquait souvent dans les familles royales. Ensemble, ils ont un fils : Horus. Osiris a également un fils de son autre sœur Nephthys : Anubis. Les membres de sa famille (sauf Seth qui est un dieu violent) sont très souvent représentés sur le mobilier funéraire et accompagnent le défunt dans son voyage vers le royaume des morts. L’histoire d’Osiris est racontée dans une légende, qui légitime son statut de roi des morts, car il va devenir la première momie et le premier exemple de résurrection. La légende osirienne Dans la mythologie égyptienne, le pays est partagé entre les deux frères : Osiris détient la partie fertile, et Seth les déserts. Jaloux de la popularité d’Osiris, Seth fomente un complot contre son frère. Il conçoit une ruse qui conduit à enfermer Osiris dans un coffre puis il le jette dans le Nil. Osiris se noie. Isis, accompagnée de sa sœur Nephtys, part à sa recherche. Elle retrouve Osiris à Byblos et le ramène en Égypte. Seth l’apprenant découpe alors Osiris en 14 morceaux qu’il éparpille dans tout le pays. Isis part à nouveau à la recherche des morceaux et en retrouve 13 : il manque le sexe qui, selon la légende, a été jeté dans le Nil et dévoré par un poisson. Grâce à ses pouvoirs magiques et à l’aide d’Anubis, elle reconstitue le corps d’Osiris, qui devient ainsi la première momie. Le martyr d'Osiris lui vaut de gagner le monde de l'Au-delà dont il devient le souverain. Les conditions de la survie dans l’Au-delà Pour accéder à l’éternité, les Égyptiens doivent préserver leur corps, faire en sorte qu’on ne les oublie pas, se nourrir… La conservation de leur corps est conditionnée par différents éléments : la qualité de la momification, la présence d’amulettes, de cercueils ou de cartonnages et enfin la construction de la tombe qui assurent la protection de la momie. Ne pas tomber dans l’oubli conditionne aussi la survie dans l’Au-delà. Chez les Égyptiens, nommer les choses ou les êtres conduit à les faire exister ; il est très donc fréquent d’inscrire le nom et les titres du défunt sur son mobilier funéraire et sur sa tombe. La vie dans l’au-delà, étant le prolongement de la vie terrestre, le défunt doit se nourrir mais aussi travailler. Les offrandes de nourriture permettent d’assurer la subsistance du mort et les ouchebtis, qui l’accompagnent dans sa tombe, prennent en charge sa part de travail. Préserver son corps : la momification Avant 3200 avant notre ère, les Égyptiens enterrent leurs morts dans de simples fosses creusées dans le sable. La préservation des corps ne doit alors rien à la science mais tient aux conditions climatiques et à la nature désertique du pays. Les premières momies sont donc des momies naturelles. Au début de la période pharaonique, le souhait de mieux protéger le corps conduit à la construction de mastabas pour les rois et les dignitaires du pays. Les plus modestes sont, quant à eux, installés dans de simples cercueils en vannerie ou en bois, déposés dans des caveaux. Mais ces nouvelles pratiques ont engendré la dégradation des dépouilles, qui ne profitaient plus de l’action bénéfique du sable. Au fil du temps, par l’acquisition de nouveaux procédés, les embaumeurs ont mis au point une technique de momification garantissant la conservation du corps. Les étapes de la momification La momification, résultat d’opérations complexes, dure de 40 à 70 jours. Cette technique donne les meilleurs résultats au Nouvel Empire (1539-1069 avant J.-C.). Réservée à l’élite à l’origine, elle tend peu à peu à se généraliser à l’ensemble de la population. Selon Hérodote (historien grec du Ve siècle avant notre ère), il existe trois niveaux de momification : le premier niveau comprend l’éviscération, l’excérébration et le bandelettage, le second niveau se passe d’éviscération et le troisième est réalisé avec des produits de moindre qualité. Cette différence de qualité dépend de plusieurs facteurs : l’époque, le lieu mais aussi la richesse du défunt. La momification se déroule sous le contrôle d’Anubis. Ce dieu à tête de chacal, a été l’artisan de la première momification. A ce titre, il préside à l’embaumement et aux rites de l’ouverture de la bouche. Il accompagne aussi les morts dans l’Au-delà et protège leur tombe. Anubis accompagne également le défunt jusqu’au tribunal d’Osiris, afin qu’il se soumette à l’épreuve de la pesée du cœur. - l’éviscération abdominale L’éviscération abdominale, mise en œuvre dès 2625 avant notre ère, permet d’éviter le pourrissement des organes internes et assure ainsi une meilleure conservation du corps. Une incision, pratiquée sur le côté gauche en bas de l’abdomen permet de retirer les intestins, le foie, l’estomac et les poumons. Ces organes, momifiés séparément, sont soit déposés dans des vases canopes, soit remis en place à l’intérieur du corps, selon l’époque. A la Troisième Période intermédiaire par exemple, époque de Séramon, dont la momie est présentée dans l’exposition, les viscères momifiés sont replacés à l’intérieur de l’abdomen. A l’époque suivante, les viscères sont de nouveau déposés dans des vases canopes. La découverte des instruments utilisés par les embaumeurs lors de la momification est extrêmement rare. Certains sont néanmoins connus, car ils ont été reproduits sous la forme de talisman, telle l’amulette des deux doigts, qui est l’évocation de l’instrument utilisé pour l’éviscération. - l’excérébration Pour les Égyptiens, le cerveau n’a pas d’utilité : c’est le cœur qui est le siège de toutes les émotions. Le cerveau peut donc être retiré. L’enlèvement se fait généralement par le nez, à l’aide d’un crochet en fer. Cette technique a été mise en œuvre pour Séramon. Pour Ânkhpakhéred, dont la momie est également présentée, la technique utilisée est différente. Le cerveau a été extrait par le foramen magnum, gros orifice situé à la base, à l’arrière du crâne. - la dessication du corps Le corps du défunt est recouvert de natron, sel naturel composé d’un mélange de chlorure de sodium et de carbonate de sodium hydraté, très gourmand en eau. - le bandelettage Après la dessication, le corps est enveloppé dans plusieurs couches de bandelettes de lin. Chaque enroulement se fait dans un ordre précis, accompagné de la lecture de formules et de la pose d’amulettes. Quelquefois, la momie est placée dans un linceul, maintenu par des bretelles. La momie d’Ânkhpakhéred a été enveloppée de cette façon. Protéger son corps et sa momie - les amulettes Les amulettes sont chargées d’assurer la protection de la momie. Beaucoup sont de simples hiéroglyphes et empruntent à la langue égyptienne leur pouvoir prophylactique. Leur emplacement n’est pas laissé au hasard : chaque type joue un rôle spécifique en relation avec une partie du corps. Le scarabée est placée sur la poitrine car il protège le corps, l’œil oudjat protège l’incision de l’abdomen, le chevet, sorte de repose tête, garantit le réveil du défunt. Œil-oudjat Chevet La présence d’amulettes entre les bandelettes et leur multiplication assurent au défunt une meilleure protection. - les cercueils et cartonnages Protégée par les bandelettes et les amulettes, la momie est installée dans un cercueil en bois. Le cercueil n’est pas souvent fabriqué d’un seul tenant mais comporte des éléments rapportés, tels la barbe ou encore le visage. Le visage n’est pas un portrait fidèle de la personne mais est stylisé. Parfois, les défunts sont placés dans des cercueils emboîtés les uns dans les autres, ce qui leur garantit une meilleure protection. D’autres fois, s’ils ne disposent pas de moyens financiers suffisants ou bien parce que les pratiques funéraires ont évolué, les défunts sont simplement protégés par des cartonnages, c'est-à-dire des bandes de lin enduites et peintes. Ces cartonnages ont évolué au fil du temps. Ils sont moulés directement sur la momie à la XXIIe dynastie ou constitués d’éléments disjoints positionnés sur le défunt, à l’époque grécoromaine. Ces changements de pratique sont aussi à mettre en relation avec l’insécurité qui règne à certaines époques, et la nécessité de cacher les tombes afin de les soustraire aux pillages. Une fois la momie installée dans le cercueil, les funérailles peuvent commencer. Un cortège accompagne le défunt vers sa dernière demeure. Ce cortège est constitué de prêtres pour la réalisation des rituels, des membres de la famille et de pleureuses (membres de la famille ou professionnelles recrutées pour l’occasion). L’un des rituels importants est celui de l’ouverture de la bouche. Le défunt est redressé devant la porte de sa tombe. Le prêtre lui effleure sa bouche, de façon à lui redonner le souffle de la vie. - la tombe et son mobilier La vie des Égyptiens est comparable à la course du soleil dans le ciel : lever à l’est et coucher à l’ouest. C’est donc sur la rive ouest du Nil que vont être installées les nécropoles. La traversée du Nil pour passer d’une rive à l’autre s’effectue en barque. Si la localisation des nécropoles ne varie pas au fil des siècles, les tombes, elles, connaissent des transformations. Avant l’époque pharaonique (vers 3200 ans avant notre ère), les Égyptiens confient leurs morts au désert. La mise au jour des dépouilles par des animaux met en péril l’accès à l’éternité car la vie dans l’Au-delà est conditionnée par la préservation du corps. Pour protéger leurs dépouilles, les pharaons se font construire de magnifiques monuments qui évoluent au fil du temps : mastabas, pyramides à degrés puis pyramides à faces lisses. Mais ces tombeaux richement décorés, pourvus d’une multitude d’objets plus somptueux les uns que les autres, sont très visibles dans le paysage. Ils sont régulièrement pillés lors des périodes de troubles. Pour garantir la tranquillité de leurs défunts au Ier millénaire avant notre ère, les Égyptiens les dissimulent dans des cachettes. Les tombes sont creusées dans les falaises thébaines, surplombant le Nil. Ces changements dans les modes d’inhumation induisent la réduction du mobilier funéraire, car les tombes sont beaucoup plus petites : seuls les vases canopes, les ouchebtis, les statuettes et les papyrus funéraires continuent d’accompagner le mort dans l’Au-delà. Avant la mise au tombeau, le cercueil contenant la momie est dressé devant la porte de la tombe. Grâce au rite de l’ouverture de la bouche réalisé par le prêtre, le mort retrouve le souffle de la vie. Ramené magiquement à la vie, et après avoir reçu les offrandes alimentaires, le défunt est installé dans la tombe. Ne pas tomber dans l’oubli - Le souvenir du nom Pour survivre dans l’Au-delà, le défunt doit conserver et protéger son corps, mais aussi faire en sorte qu’on ne l’oublie pas. De nombreux objets funéraires (statuettes, cercueils, ouchebtis, stèles…) portent des inscriptions indiquant le nom et les titres du défunt et parfois sa filiation. Ces inscriptions participent à la reconnaissance du défunt après sa mort et perpétue son souvenir pour l’éternité. Aujourd’hui, elles présentent un intérêt supplémentaires : elles permettent de se faire une idée du mobilier qui accompagnait le défunt, et de regrouper les objets dispersés dans des collections diverses, si sa tombe a été pillée. C’est le cas pour Séramon, dont la tombe a sans doute été pillée et le mobilier funéraire éparpillé : un papyrus et une statuette de Ptah-Sokar-Osiris sont conservés au musée du Louvre, un second papyrus à la Bibliothèque nationale de France et enfin un ouchebti au musée de Bologne. Séramon en hiéroglyphes - Le culte des morts Le culte des morts se déroule à l’extérieur de la tombe, théoriquement sous la responsabilité du fils aîné du défunt. En pratique, un prêtre est désigné et rétribué pour assurer cette mission basée sur des invocations et des offrandes régulières, nécessaires à la survie dans l'Au-delà. La stèle funéraire est indispensable à l’organisation du culte mortuaire. Apparue vers 2700 avant notre ère, elle est l’apanage des nobles. Mais dès le début du Moyen Empire (vers 2000 avant J.-C.), ces rites funéraires destinés à assurer la survie dans l'Au-delà deviennent accessibles aux Égyptiens de condition sociale modeste. Les stèles funéraires sont alors fabriquées en série, et prennent une forme caractéristique qu'elles garderont pendant près de 2000 ans, avec quelques rares variantes : elles s'inscrivent désormais dans un rectangle au sommet cintré. Stèle d’Ankhéseniset La réalisation d'une stèle est sans doute relativement coûteuse, ce qui explique que certaines sont d'exceptionnelle facture alors que d'autres sont nettement plus grossières. Cette différence de qualité est également à mettre en rapport avec l'époque à laquelle elles sont sculptées. Ainsi, il est probable que les périodes dites "intermédiaires", qui correspondent à des périodes de récession ou de décadence, ont une répercussion sur l'art en général, l'art funéraire n'étant bien sûr pas épargné. Se nourrir Pour assurer sa subsistance dans l’Au-delà, le défunt doit se nourrir. La garantie de sa survie dépend des vivants, qui doivent déposer les offrandes alimentaires. - Les offrandes Les offrandes attendues sont souvent clairement indiquées sur les cartonnages ou sur les stèles funéraires. Destinées à l’alimentation du défunt, elles sont réelles ou magiques. Lorsque les offrandes sont réellement déposées sur une table d’offrandes, après un laps de temps suffisant pour que le défunt s’en nourrisse, elles sont récupérées et redistribuées ou consommées par les prêtres. Si ce sont des offrandes magiques, elles peuvent être activées de plusieurs façons : elles existent par le simple fait qu’elles soient inscrites, dessinées sur la table d’offrandes ou si l’on verse de l’eau dessus. Inscrire la nature des offrandes, ou les représenter en images n'est pas innocent. Grâce à la magie de l’écriture, le simple fait de lire les inscriptions énonçant les offrandes suffit à les rendre effectives. Pour les Égyptiens, c’est une garantie destinée à pallier une éventuelle négligence ou une carence des prêtres funéraires : même si le culte est interrompu, la subsistance du défunt dans l'Au-delà ne sera jamais menacée. Travailler La vie dans l’Au-delà est le prolongement de la vie terrestre. Il ne s’agit pas d’une vie de repos mais toujours d’une vie de labeur. Pour effectuer les travaux à leur place, les défunts emportent avec eux des ouchebtis, représentés sous la forme de statuettes. Ces ouchebtis, dont le nom signifie « répondants » doivent, chaque matin, répondre à l’appel du défunt pour aller travailler à sa place. Le nombre d’ouchebtis placés dans la tombe varie en fonction des époques. Au Moyen Empire, le défunt n’emporte qu’un seul ouchebti. Au Nouvel Empire, le nombre d’ouchebtis l’accompagnant dans sa demeure d’éternité est très important : un pour chaque jour de l’année, plus un chef d’équipe par dizaine. Dans certaines tombes de notables, il est fréquent de retrouver plus de 400 statuettes. Ces ouchebtis sont rangés dans une ou deux boîtes en bois. Les ouchebtis et les chefs dizainiers ne sont pas figurés de la même façon. Les ouchebtis sont représentés debout, enveloppés dans un linceul, les bras croisés sur la poitrine. Ils tiennent dans leurs mains deux outils servant aux travaux agricoles : une houe et un hoyau. Un petit sac, accroché dans leur dos, doit servir à mettre la récolte. Le chef dizainier est représenté debout, vêtu d’un pagne et tenant un fouet. Très nombreux encore aux époques saïte et perse, ils disparaissent à l’époque gréco-romaine. Si le nombre d’ouchebtis varie en fonction de la période, il en est de même pour leur couleur. Sous la XXIe dynastie (1069-945 avant J.-C.), les ouchebtis sont en faïence glaçurée d’un bleu très vif, qui est caractéristique de cette époque. Ainsi préparé, protégé et accompagné de son mobilier funéraire, le défunt paut accéder à l’éternité. Objets associés au thème Statue de Ptah-Sokar-Osiris au nom d’Horresnet Bois polychrome et doré Région d’Akhmim Époque ptolémaïque (304-30 av. J.-C.) Amiens, musée de Picardie Inv. M.P. 3057.164 Ptah-Sokar-Osiris est la réunion de trois divinités : Osiris (dieu des morts), Sokar (protecteur de la nécropole) et Ptah. Ptah n’est pas un dieu funéraire, mais le dieu des artisans. Il est un dieu créateur et donc, à ce titre, peut créer la vie. Cette statuette est généralement placée dans la tombe du défunt car elle est liée à l’avenir du mort dans l’Au-delà. La statuette est posée sur un socle creux qui accueille un papyrus funéraire, portant des extraits du Livre des morts. Aux pieds de la divinité, un sarcophage miniature comporte une figurine en terre dont la fonction est double : elle peut représenter le corps du défunt en cas de disparition de sa momie et doit symboliser la résurrection. La figurine est en effet plantée de graines qui germeront et assureront la renaissance. Le petit trou sur le sarcophage est destiné à recevoir la statuette du faucon représentant Sokar. Ici, l’oiseau a disparu. Pilier-djed Faïence glaçurée Epoque saïte (vers 664-525 av. J.-C.) Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie Dépôt du Musée du Louvre, 1890 Inv. ME168/D.890.1.29 Le pilier djed, assimilé à la colonne vertébrale d’Osiris, représente la stabilité du défunt et l’intégrité retrouvée de son corps. Cette amulette est généralement placée sur le cou lors de la momification. Scarabée anépigraphe Terre cuite à glaçure Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie Dépôt des Musées nationaux, 1890 Inv. D.890.1.33 Le cœur est le siège des émotions et la mémoire des actes du défunt. La pesée du cœur est l’ultime épreuve avant d’accéder au royaume des morts. Le scarabée doit soutenir le cœur lors cette épreuve. Si le cœur est lourd des péchés commis, alors il sera jeté à la grande dévoreuse, ce qui condamne le défunt à disparaître à jamais. Si au contraire, le cœur est aussi léger que la Maât, déesse de l’ordre cosmique, alors le défunt accèdera à la vie éternelle. Le scarabée est donc placé sur la poitrine, à hauteur du cœur, qui n’est pas retiré lors de la momification, contrairement aux autres organes internes. Vases canopes Basse Époque, (664-332 av. J.-C.) Besançon, Musée des Beaux-arts et d’Archéologie Les vases canopes, au nombre de quatre, font toujours partie du mobilier funéraire qui accompagne le défunt, même aux époques où ils n’ont plus d’utilité car les organes momifiés sont alors replacés à l’intérieur du corps, comme c’est le cas à la Troisième Période intermédiaire (époque de Séramon). Ils sont toujours présents, mais sont alors des faux canopes. Destinés à recevoir les viscères momifiés du défunt, ces vases ont des couvercles qui correspondent aux têtes des quatre fils d’Horus, chargés chacun de protéger les organes internes. Amset à tête humaine assure la protection du foie, Hâpy à tête de babouin celle des poumons, Douamoutef à tête de chacal celle de l’estomac et Qébehsénouf à tête de faucon celle des intestins. Ces vases sont, soit regroupés dans un coffre, soit placés aux quatre points cardinaux de la tombe. Couvercle du sarcophage intérieur Séramon Bois stuqué et peint Probablement de la nécropole thébaine XXIe dynastie (vers 1069-944 av. J.-C.) Besançon, Musée des Beaux-arts et d’Archéologie Inv. A.779 Séramon, dont la momie et les cercueils sont présentés, a vécu à la Troisième Période intermédiaire, période de troubles et d’insécurité. La tombe de Séramon a donc été creusée dans la falaise thébaine, afin de la soustraire à la vue et aux risques de pillage. La tombe, desservie par un couloir, est sans doute une simple alcôve, assez petite. Les parois ne peuvent plus accueillir les textes funéraires chargés de guider le défunt vers l’Au-delà. Dorénavant, ce sont les cercueils qui porteront ces formules protectrices. Cela justifie leur multiplication : cercueil extérieur, cercueil intérieur et planche de momie (également appelé couvercle-plaque). Les trois couvercles, en forme de momie, présentent la même décoration : des bandes transversales et longitudinales inscrites de hiéroglyphes enserrent des vignettes figurant des divinités. Les textes hiéroglyphiques comportent notamment le nom et les titres du défunt. Séramon, dont le nom signifie « Amon est mon prince », s’occupait du recrutement du personnel du temple et était chargé des grands travaux. Placé directement sous la direction du grand prêtre d’Amon, (véritable vice-roi de Haute-Égypte à cette époque), Séramon était donc l’un des plus importants personnages du sud de pays. Fragments de cartonnage Plâtre, lin Provenance inconnue XXIIe dynastie, vers 943-750 av. J.-C. Musée des Beaux-arts et d’Archéologie, Besançon Inv. D.863.3.245 Sous la XXIIe dynastie (à partir de 945 av. J.-C), le cercueil intérieur protégeant la momie est remplacé par un cartonnage, moins coûteux. Le cartonnage est fait de lin et de plâtre mêlés. A l’origine, il est directement moulé sur le corps du défunt. A d’autres époques, ce n’est plus le cas et le cartonnage est constitué de plusieurs éléments disjoints, comme à la période gréco-romaine. Quelle que soit leur forme, les cartonnages portent une riche décoration peinte, comprenant des motifs osiriens et solaires, mais aussi, sur les côtés, l’arrière ou bien dans l’axe, quelques colonnes de texte portant de courtes formules. Sur ces deux fragments, on distingue une courte prière dont les hiéroglyphes sont soignés. Elle est adressée au dieu des embaumeurs Anubis, en faveur du défunt : « Offrande que donne le roi à Anubis, qui préside au pavillon divin, pour qu’il soit enterré dans la nécropole de l’Ouest, une offrande en pain, bière, bœuf volaille pour lui (le défunt) ». C’est toujours le roi qui donne l’offrande il est l’intermédiaire entre les dieux et les hommes. Miniatures de deux paniers à grains Faïence XXIe dynastie (1069-943 av. J.-C.) Angers, Musée Pincé Legs Turpin de Crissé, 1859 Inv. MTC 749/MTC 750 Deux petites cuves en forme de barquette imitent les paniers utilisés pour porter le grain dans les travaux des champs. Leur présence dans les tombes peut être interprétée de deux manières : évocation des travaux agricoles que doivent réaliser les ouchebtis (serviteurs funéraires) à la place du défunt, ou évocation de la scène de la pesée du cœur du défunt devant le tribunal d’Osiris. Ouchebti de Psammétique-Méryptah Terre cuite à glaçure Saqqarah XXVIe dynastie, règne d’Amasis (vers 571-525 av. J.-C.) Besançon, Musée des Beaux-arts et d’Archéologie Inv. 849.3.1 Le défunt est accompagné dans sa tombe par une « armée » de serviteurs : les ouchebtis. Leur rôle est de remplacer le défunt dans les travaux agricoles auxquels il doit prendre part. Les ouchebtis sont donc munis d’outils : le hoyau tenu dans la main droite, et la houe dans la main gauche. Dans leur dos, pend un sac utilisé pour mettre la récolte, maintenu par une corde placée également dans la main gauche. Ces ouchebtis s’organisent en équipes dirigées par un chef : le contremaître. Ouchebti de Mout en costume de vivant Faïence à glaçure Provenance probable : Deir-el-Bahari XXIe dynastie, (vers 1069-943 av. J.-C.) Besançon, Musée des Beaux-arts et d’Archéologie Inv. 931.1.21 Cet ouchebti n’est pas un serviteur mais un chef. Il se différencie des serviteurs par sa tenue et par ses attributs : il est vêtu d’un pagne et tient dans sa main droite un sceptre. Cône funéraire de Chepenmout, épouse du troisième prophète d’Amon Padiimennebnésoutaouy Terre cuite Thèbes Basse Époque, XXVIe dynastie, règne de Psammétique Ier (vers 664-610 av. J.-C.) Nantes, Musée Dobrée Inv. 56.2830 (177) Les cônes funéraires, mentionnant le nom et les titres du défunt, fabriqués en terre cuite sont incrustés dans la façade des tombes. Ils permettent ainsi d’attribuer la propriété du monument funéraire et de perpétuer le nom du défunt, ce qui indispensable pour sa survie. TRADUCTION : l’épouse du troisième prophète d’Amon Padiimennebnésouttaouy, justifié, Chepenmout (leur) deux fils, le prophète d’Amon, prêtre ritualiste, scribe du livre divin, Bénitéhor, le prophète d’Amon Horakhbit. Stèle de Rer devant Osiris et Isis Calcaire Basse Époque (664-332 av. J.-C.) Soissons, Musée de l’ancienne abbaye Inv. 93.7.1334 La stèle fait partie du mobilier funéraire indispensable pour la survie du défunt. Placée près de la tombe à l’origine, elle va peu à peu s’en écarter aux époques tardives. Ce changement d’emplacement se justifie de plusieurs façons : - l’éloignement limite les risques de repérage de la tombe et donc de pillage - l’installation à proximité d’un temple plutôt que près de la tombe permet au défunt de bénéficier des offrandes et des prières faites aux dieux par les fidèles fréquentant le lieu. Cette stèle en pierre est attribuée à la Basse Époque, comme en témoignent le vêtement à franges de Rer, le défunt, et la forme incurvée du soleil ailé surmontant la scène. Rer est représenté dans une posture traditionnelle d’adoration (les mains levées) devant Osiris et Isis, mais ses bras se croisent. Il s’agit d’une erreur de tracé commise par le dessinateur. Table d’offrandes Granodiorite Basse Époque (664-332 av. J.-C.) Roanne, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie Joseph Déchelette Inv. N°170 Les tables d’offrandes servent à recevoir la nourriture et l’eau apportées pour l’âme du défunt. On les place à l’entrée des tombes ou dans la chapelle funéraire, devant une représentation du défunt (stèle ou statue). Elles comportent souvent des représentations en léger relief des offrandes attendues. Celles-ci, aspergées d’eau, suffisaient par magie à assurer le repas du défunt. Ici on distingue aux extrémités deux aiguières du type héset et au centre deux pains longs posés sur deux pains ronds encadrant un pain moulé qui forme avec la natte striée en dessous le signe hétep, qui signifie « offrande ». Une rigole allongée en forme de T, avec un versoir, servait à recevoir l’eau des libations. La table ne comporte pas le nom du défunt. Annexe 1 : la famille d’Osiris