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vendredi 9 juin 2006 page 5 ÉDUCATION ET JEUNESSE DROITS DE L’HOMME L’idéologie n’aime pas rire H assan Nasrallah n’a vraisemblablement pas le sens du divertissement. Il ne s’évade jamais ni ne se détourne des pensées sombres qui accompagnent le quotidien tragique d’un résistant. C’est son choix, certes, de faire de la résistance pour la résistance, de s’en servir pour asseoir encore plus l’autorité du Hezbollah au Liban-Sud, mais ce choix n’est guère partagé par l’ensemble des Libanais, par des citoyens qui ne veulent plus vivre dans la tragédie de la guerre, et qui ont choisi de faire prévaloir le bon sens sur l’aventurisme aveugle au nom de toutes les causes arabes. Ils ont préféré le bonheur, l’ouverture sur le monde, la volonté de modernisme et plus que tout, dans leur conquête de la liberté, ils sont soucieux de préserver un des acquis nahdawi du printemps de Beyrouth, à savoir la liberté d’expression. Ce droit fondamental tellement méprisé sous l’ère syrienne, l’ère de la censure, et pis encore lors de l’autocensure au nom de laquelle on a abandonné à elle seule une partie de l’opposition, est une condition essentielle de l’universalité de la liberté. Les émeutes de la nuit du 1er au 2 juin dernier ont dévoilé combien est forte la tentation d’une dérive liberticide, au nom de l’idéologie. Sanctionner dans la rue, et par les moyens qu’offrent la rue, un programme télévisé parce qu’il a dépassé les « lignes rouges » à l’égard d’un homme politique (quelle différence avec un homme religieux du moment où celui-ci participe à la chose publique ?) renvoie à l’absurde peint par Brecht dans cette magnifique métaphore : quand « le peuple n’arrive pas à dissoudre le gouvernement, pourquoi empêcherait-on alors le gouvernement de dissoudre le peuple ? » « Dissolvons » alors, comme le préconisait le dramaturge allemand, les populations d’Achrafieh, Aïn el-Remmaneh et Tarik Jdidé parce que l’on n’est pas parvenu à dissoudre le gouvernement. Un gouvernement dont l’autorité brille d’ailleurs par son absence et son incapacité à prendre en main la sécurité des citoyens. Encore fallaitil trouver un prétexte pour donner l’ordre, parce qu’il s’agit bien d’un ordre, d’un mouvement, peut-être pas préparé, mais sûrement encadré, organisé, dirigé par des cadres, sinon des députés du parti, et récupéré par les familiers de la surenchère. On l’a trouvé dans l’émission Basmat Watan. L’idéologie stigmatise l’ennemi : traître est celui qui réclame le désarmement des milices et le rétablissement de l’État de droit. L’idéologie fixe les « lignes rouges » à ne pas dépasser, mais nul ne sait en quoi elles consistent, où elles s’arrêtent et où elles commencent. Un peu comme lorsqu’on emprisonne à Damas parce que l’on « a porté atteinte au moral de la nation ». Qui mesure le moral de la Résistance ? Qui diffé- rencie le politique du religieux chez Hassan Nasrallah ? Seule l’idéologie le dit, et elle se sert de la rue pour le faire savoir. L’idéologie a aussi ses outils de relais, pour la police et la propagande. Elle les a trouvés dans la Sûreté générale, qui se substitue au juge d’instruction, à la justice tout court, et dans le Conseil national de l’audiovisuel, simple organe administratif, qui s’est érigé, par la voix de son président Abdel-Hadi Mahfouz, en un véritable justicier, avec une certaine prétention à la totalité et à la vérité, qui cherche à imposer l’idéologie à tout le monde, en l’occurrence à Charbel Khalil dont les actes ne peuvent que représenter le détachement, l’incroyance et la descente vers l’hérésie. L’idéologie a aussi ses mythes, une gestuelle caractéristique, des images emblématiques, un jeu de drapeaux, de symboles, de couleurs, un langage automatique, des idiomes propres à elle, un culte de l’être suprême, et nul ne peut y toucher, pas même par le rire. C’est encore plus hérétique, plus dangereux par le rire. En introduisant l’humour dans la politique, on efface en quelque sorte le caractère tragique de l’idéologie. Demain on interdirait la bicyclette parce qu’elle n’est pas assez tragique, le jus d’orange parce qu’il rafraîchit, et les chaussures parce qu’il faut porter des bottes. Des bottes toujours prêtes aux victoires de l’idéologie, toujours prêtes aux guerres idéologiques, au « choc des civilisations », prêtes à marcher sur l’ennemi, où qu’il se trouve, à Tarik Jdidé, Achrafieh ou Aïn el-Remmaneh. Si l’ennemi n’existe pas, on le construit socialement. On le cherche, on finira toujours par trouver quelqu’un. Là commence la terrible vocation à vouloir former un tout, à faire de cette construction de la réalité un tout auquel nul ne peut échapper, sinon par l’exil ou le suicide. Là commence la tentation du totalitarisme, à chercher des ennemis partout, même parmi les amis, en les qualifiant de traîtres, de dissidents ou d’hérétiques, et à se lancer dans un perpétuel mouvement de production d’ennemis. Loin des compromis qu’impose la tradition politique libanaise, avec ses marchandages et ses arrangements, faudrait-il rappeler notre devoir de révolte et notre refus de toute demi-mesure lorsqu’il s’agit de défendre la liberté d’expression au Liban. Seul le droit en fixe les modalités d’exercice. Rien n’est sacré, et tout peut se dire, dans la mesure où l’opinion ne sombre pas dans la diffamation. Cela, seul le droit peut le différencier. Pas Hassan Nasrallah, ni ses hordes dans la rue ni Abdel-Hadi Mahfouz. On n’éradiquera jamais la bêtise et l’ignominie que le jour où l’on saura qu’il est des principes comme la liberté d’expression qui ne peuvent s’accommoder de tiédeur. Amine ASSOUAD IEP-Paris Sauver le printemps de Beyrouth I l y a un peu plus d’un an, le Liban vivait encore sous le poids écrasant de la tutelle syrienne et de la présence humiliante des troupes de Damas sur son territoire. Il y a un peu plus d’un an, le pays vivait encore l’exil d’un général de l’armée libanaise, farouche opposant à l’occupation syrienne, et goûtait amèrement à l’injustice effarante de l’emprisonnement de Samir Geagea. Le peuple libanais, toutes composantes confondues, s’était alors soulevé pour mettre un terme à une phase noire de son histoire et avait réellement déclenché le processus d’une nouvelle étape…qui semble ne pas se réaliser ! On peut citer parmi les raisons de ce délai dans l’accomplissement de la « Renaissance libanaise » l’œuvre inachevée du rouleau compresseur dit « révolution du Cèdre » qui n’a pas pu, au cours des manifestations gigantesques et des élections parlementaires, emporter avec lui les deux premières magistratures du pays, connues pour être prosyriennes. La dynamique politique a été prise ainsi en otage entre une majorité parle- mentaire et ministérielle « souverainiste » (quoique la plupart de ses composantes étaient auparavant alliées de la Syrie) et une présidence de la République qui s’obstine à ne pas se convertir au « souverainisme ». Mais aussi, on peut évoquer le divorce entre les « forces du 14 Mars » et le général Aoun qui avaient, il n’y a pas longtemps, tissé ensemble la toile antisyrienne. Cet éloignement s’est accompagné d’un rapprochement entre ce dernier et le tandem chiite Amal-Hezbollah, et le maintien du président Lahoud dû aux tiraillements – pour et contre la démission – au sein d’une même équipe. Les cartes ayant été brouillées, l’opinion publique s’est retrouvée déchirée et déboussolée par une multitude de positions antagonistes, et elle fut donc paralysée. L’intérêt des acteurs politiques primant, comme d’habitude au Liban, sur celui du public, on a mis de côté toutes les questions de réformes économiques sérieuses en faisant preuve d’attentisme et d’apathie en- vers ces questions, pourtant prioritaires. Encore pis, alors que la flamme révolutionnaire du 14 Mars portait en son sein non seulement le rejet de l’occupation syrienne, mais aussi les aspirations d’une jeunesse qui refuse le confessionnalisme et rêve d’un État laïc – où le citoyen serait l’unique dénominateur et son État l’unique garant –, on observe un retour en force des clans et des « zaamate » confessionnels (comme du temps de la « moutassarrifiya »), avec un phénomène de suivisme populaire néoféodal sans précédent ! Au moment où nous avons rêvé durant des semaines à un avenir meilleur, une reprise économique, on se retrouve aujourd’hui face à une émigration en flèche, ou encore à des plans économiques inexistants avec en surface une corruption continue (comme en témoigne le problème de l’EDL et de milliers d’autres)… L’absence de nouveaux partis politiques et l’assassinat de deux figures-clés de la révolution du Cèdre – les deux journalistes penseurs Samir Kassir et Gebran Tueni – n’ont fait que rendre le paysage politique encore plus morne. Le Liban semble ne pas pouvoir sortir de cette phase cruciale, et le rêve réalisé par tout un peuple risque de s’atrophier et d’être sacrifié encore une fois sur l’autel des intérêts les plus égoïstes de notre classe politique. Mais faut-il continuer de la sorte ? Et comment sortir de cette impasse ? En présence des politiciens actuels, l’impasse me semble persistante. Ceux qui ont fait la guerre et envoyé des jeunes mourir aux fronts sont ceux-là mêmes – toujours vivants et riches, on ne sait comment – qui ont trahi la souveraineté et l’honneur de leur pays durant l’ère syrienne. Ce sont eux qui se sont proclamés « libérateurs » du pays et héros des révolutions après avoir encaissé des millions durant l’occupation… Ce sont toujours eux qui s’assoient autour d’une table ronde pour discuter de tout et de rien ! Assez de moquerie, messieurs, assez de théâtre ! Bachir EL-KHOURY L’esprit de Gebran Tuéni ravivé par les étudiants de l’AUB L ’amicale estudiantine de la faculté des arts et des sciences de l’Université américaine de Beyrouth a organisé une exposition en mémoire du martyr Gebran Tuéni sur le campus de l’université. Sur cinq panneaux installés tout près du West Hall, des photos retraçant le parcours de la vie du journaliste ont été exposées, attirant étudiants et professeurs de tout bord. Des images qui racontent en silence le parcours de la vie d’un héros qui a mené son combat pour la liberté et la souveraineté de son pays jusqu’au bout avant d’être lâchement assassiné. C’est d’ailleurs cet aspect combatif et rebelle de la personnalité de Gebran Tuéni, mais également le côté purement humain qui ont été évoqués lors de la conférence organisée à cette occasion. Un documentaire spécial sur les derniers mois vécus par le journaliste et député martyr a été projeté au début de la conférence, rappelant à une audience – particulière- ment émue – le fameux serment lancé devant une marée humaine le 14 mars 2005. Retour en images également pour les douloureuses funérailles du martyr Samir Kassir, durant lesquelles Gebran Tuéni portait le cercueil de son collègue. Un moment marqué par la douleur, l’indignation, mais également le défi. Enfin, le documentaire a rapporté en outre des passages de la dernière apparition de Gebran lors de l’émission Kalam el-nass, quelques semaines après l’attentat perpétré contre la journaliste May Chidiac ; une émission qui est restée dans la mémoire du fait des propos particulièrement virulents lancés par le martyr contre le régime syrien, l’invitant à défier les politiciens – « nous et non un papillon », avait-il dit en allusion à May Chidiac. L’assassinat du journaliste et député n’a pas tardé après cet « appel ». C’était ensuite au tour de Nayla Tuéni et de Ghassan Hajjar, deux journalistes d’an-Nahar, de parta- ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR George Kadige préside un jury à l’Université de Poitiers D ouble première à l’Université de Poitiers : une étude de droit comparé des retraites en France et au Liban, et surtout la présidence d’un jury français confiée à un Libanais, Me George Kadige, ancien président du conseil d’administration de la CNSS et professeur à la faculté de droit et de sciences politiques de l’USJ. La thèse, présentée par un doctorant libanais, M. Rodny Daou, a été saluée par le jury, admise à la publication et proposée pour une subvention au ministère français de l’Éducation nationale. L’avenir des retraites, souligne M. Daou, est l’une des questions sociales majeures qui préoccupent les gouvernements de tous les pays, qu’ils soient développés ou émergents. La présentation de l’expérience française, très riche en la matière, permet d’offrir de nouvelles perspectives aux travaux actuellement menés au Liban en vue de la création, pour la première fois dans l’histoire du Liban, d’un régime légal de retraite qui prendrait progressivement la place du régime d’indemnité de fin de service, toujours en vigueur. Le jury, présidé par M. Kadige, comprenait également Mme Leila Azouri Jamhouri, professeur à la faculté de droit de l’Université libanaise, qui a dirigé la thèse de M. Daou. La thèse était préparée en cotutelle entre l’Université de Poitiers et l’Université Saint-Esprit de Kaslik, qui sont liées par une convention de coopération. Le directeur de thèse associé n’était autre que M. Michel Borgetto, professeur à l’Université de Paris II (Panthéon Assas). ger leurs expériences personnelles avec le journaliste martyr. Prenant la parole, Mlle Tuéni a voulu mettre l’accent sur l’aspect purement humain de son père. « Gebran Tuéni a beaucoup souffert durant son enfance et sa jeunesse à cause de la maladie de sa sœur et de sa mère », raconte-telle, et il a toujours exprimé une compassion envers les malades. Mais c’est quelqu’un qui « arrosait son entourage de bonheur » et d’optimisme, et qui montrait une affection particulière envers ses filles. D’ailleurs, chaque samedi ou dimanche, « il insistait à rester avec nous, mettant de côté son travail, pourtant surchargé », raconte Nayla. C’était quelqu’un de profondément chrétien dans sa croyance religieuse et de profondément libanais dans son appartenance nationale. « Il a refusé de quitter le pays, même lorsque sa famille vivait à l’étranger », ajoute Nayla, qui précise que son père ne voulait pas prêcher la résistance et vivre en même temps en dehors du pays. Entre la carrière politique, diplomatique, mais également philosophique de son père et le poème engagé de sa mère, Gebran Tuéni a grandi dans une famille attachée au Liban, et la libération de son pays de toute occupation étrangère était devenue sa cause. « Quelques jours après le retrait israélien, mon père s’était rendu avec un groupe d’amis à la frontière pour célébrer » l’événement, raconte Nayla. Il considérait que la libération du Sud devait être couronnée par une fin de la tutelle syrienne et un rétablissement de la souveraineté totale. Quant à M. Ghassan Hajjar, il a rappelé à l’audience qu’il y a un an exactement, une conférence s’est tenue au même endroit à l’AUB, mais en présence de Gebran Tuéni. Il a évoqué ensuite le côté rebelle du martyr qui est arrivé même à se révolter contre « la politique classique adoptée par le journal de son grand-père et de son père ». Il a créé ainsi Nahar ach-chabab et Nahar al-alam (du monde) afin de permettre aux jeunes de s’exprimer (à travers le Hyde Park) et aux lecteurs intéressés par la politique internationale de ne pas être confinés aux affaires locales. M. Hajjar a rappelé également que Gebran a introduit les couleurs dans son journal et s’est lancé dans un projet de modernisation de la technologie mise en place après avoir supervisé directement la construction du nouveau bâtiment d’an-Nahar. Il a ainsi créé une « vraie révolution dans le fond et la forme du journal ». C’était quelqu’un qui cherchait le changement où qu’il soit, et « sa souffrance n’était pas due uniquement à son passé personnel, mais elle avait pour source également le désespoir et le défaitisme de la société contre lesquels il voulait lutter à tout prix ». C’est alors qu’il s’est trouvé de facto proche de la jeunesse en laquelle il voyait l’espoir et l’élan du changement. « Gebran suivait en personne l’arrestation par les SR de chaque étudiant et déployait tous ses efforts en utilisant ses contacts pour parvenir à le libérer », raconte Ghassan Hajjar. Son dernier projet élaboré avant son assassinat portait sur le gouvernement de l’ombre – un projet visant à intégrer les jeunes universitaires dans le processus de décision. Ces jeunes pourraient, selon la vision de Gebran, suivre en permanence les décisions économiques, sociales et politiques du gouvernement, et critiquer, le cas échéant, les irrégularités. « À l’époque de l’occupation, les jeunes devaient être dans les rues pour manifester et renforcer le courant d’opposition, mais après la libération du Liban, l’heure était venue de s’intégrer au pouvoir pour stimuler les corrections nécessaires de l’intérieur », ajoute M. Hajjar. C’est d’ailleurs cet engagement-là pour faire avancer les choses dans le bon sens qui permettrait d’éviter un nouvel assassinat, celui de l’esprit de Gebran Tuéni... B. K. Liberté d’expression … encore et toujours Cette rubrique a pour objectif de dévoiler une violation des droits de l’homme au Liban (chronique ou d’actualité) et d’identifier la référence correspondante dans la charte internationale des droits de l’homme ; le but étant de sensibiliser les lecteurs, plus particulièrement les jeunes et les étudiants, à des thématiques souvent occultées ou mal comprises. Q ue les changements politiques survenus depuis février 2005 aient permis aux Libanais de rêver que les atteintes aux libertés publiques de l’ère syrienne font partie de l’histoire n’est pas étrange. Par contre, ce qui est contraire au bon sens, c’est que des actions similaires à ce qui s’est produit en réaction à l’émission Basmat Watan puissent encore être justifiées ou même banalisées. Sauf pour quelques noms (et encore), on se serait cru en plein août 2001, en décembre 1996, en 1994, 1992, etc. La date du 1er juin 2006 devrait être, toutes proportions gardées, ajoutée aux autres stations (mal- heureuses) de la répression liberticide dont les Libanais se souviennent encore. Reprenons les faits : • Les « masses » envahissent les rues pour protester contre l’émission Basmat Watan, sous prétexte que la personnalité de Hassan Nasrallah a été parodiée. Ainsi soit-il. Mais est-il permis que les violences qui ont accompagné cette protestation, qui ne devait en aucun cas se transformer en une agression contre des civils innocents, soient complètement occultées par les forces de l’ordre et les autorités ? Aucune action concrète, à part les (habituelles) condamnations … N’est-il pas clair que ce genre de réactions violentes ne peut qu’influer négativement sur la créativité artistique, et les libertés d’expression et de croyance ? • Autre fait : la Sûreté générale convoque, sous la menace, le producteur de l’émission. Pas de réprimandes contre les responsables de cette grave violation, pas de mise à disposition, etc. Les autorités, passives, ne sont-elles pas en train de consacrer une pratique funeste qui peut toucher n’importe quel politicien, journaliste, artiste, intellectuel, etc. dans l’avenir ? Qui se chargera de les défendre alors ? • Des responsables gouvernementaux (ministre de l’Information, président du CSA…) interviennent pour justifier, condamner, banaliser, distribuer des certificats de professionnalisme, de nationalisme, de loyauté… Étrange, ce pays qui clame haut et fort qu’il est un phare démocratique dans un désert de régimes autoritaires, mais qui garde quand même un ministère de l’Information (pour faire quoi ?), ou qui permet au président d’une autorité, dont le rôle est régulateur par excellence, d’accuser, d’incriminer, d’innocenter… Et la justice dans tout ça ? Pas un mot. Rien. Silence !! Pourtant, la seule conduite (acceptable) à avoir dans des cas pareils, c’est de demander à la justice d’examiner le cas et de déterminer si vraiment il y a eu violation de la loi, et de décider ensuite des responsabilités et des sanctions. Aucune atteinte à la dignité de n’importe quelle personnalité ne justifie ce qui s’est passé. Le Liban démocratique ne se construit pas sans le rôle accru d’une justice immunisée, indépendante et surtout impartiale. Élie ABOUAOUN Courrier Un voyage dans le temps : le printemps de Beyrouth, c’est nous … B ienvenue à bord de la « Rétrospective ». Destination: les années « lumière ». Année 2001 - Les services de renseignements de l’armée arrêtent plus de deux cents militants chrétiens antisyriens. Le 7 août, une manifestation est organisée pour stigmatiser l’arrestation des militants du CPL et des FL. Les manifestants sont brutalisés et les journalistes couvrant la manifestation agressés. - Le 21 novembre, les forces de l’ordre font irruption, en pleine nuit, à l’ESIB pour déchirer des posters. Année 2004 - 10 mars : plusieurs blessés dans de violents affrontements entre des étudiants universitaires et les forces de sécurité à la rue Huvelin. - 19 novembre : plusieurs milliers d’étudiants manifestent pour le rétablissement de la souveraineté et le retrait syrien. Année 2005 - Le 21 février, une marée humaine se rassemble à la place des Martyrs pour réclamer le retrait syrien, une semaine après l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. - Le 14 mars, un million de manifestants à la place des Martyrs scandent : « Vérité, liberté, souveraineté. » Résultat : le 26 avril, le dernier soldat syrien quitte le Liban. Le 7 mai, le général Aoun rentre au Liban après un exil de quinze années en France. Le 10 juillet, le Dr Samir Geagea recouvre la liberté après onze années de détention. Des objectifs que l’on croyait impossibles à réaliser sont ainsi atteints … Ce long parcours de mobilisation quotidienne en vue de la souveraineté ne se limitait pas à des manifestations de rue. Cela risquait de donner de nous une image de masochistes qui trouvent un plaisir immense à rentrer ensan- glantés et, parfois, à ne pas rentrer ! Notre mobilisation prenait ainsi d’autres formes culturelles et intellectuelles par des réunions universitaires et l’établissement de contacts avec tous ceux qui partageaient notre désir de changement et de réforme. Même si nous avions des sympathies avec divers courants politiques, le fondement de nos pensées était le même. Et c’était là l’essentiel. Bien que, durant toutes ces années, les agressions et les entraves étaient notre pain quotidien, nous possédions une force indestructible : nous étions unis pour une seule et même cause ! Vaccinés contre le défaitisme, nous adoptions la philosophie de Sartre selon laquelle « même sans espoir, la lutte est encore un espoir ». Résultat : nous avons pu réaliser l’inconcevable, nous avons brisé les murs du silence, nous avons guéri notre pays. Et pour tous ceux qui se disputent la paternité du 14 Mars et de tout ce qui a été réalisé cette année, la lecture des premières lignes de ce texte pourrait mettre en relief une vérité incontournable : le 14 Mars, ce n’est autre que NOUS ; le « printemps de Beyrouth », c’est NOUS … Hélas ! La beauté de ces moments s’est tarie devant la laideur aveuglante de notre séparation ; l’écho d’un million de voix s’évanouit devant le silence tranchant de notre indifférence ! La « révolution du Cèdre » a connu sa plus grande déception quand chacun d’entre nous est retourné derrière son drapeau et son leader traditionnel. « Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés sur la même planète, équipage d’un même navire » (A. de St-Exupéry). Silence…Les politiciens reprennent les rênes du pouvoir, confisquent notre victoire, et nous nous laissons manipuler. Résultat : nous nous entretuons à la suite des résultats des élections du bureau de l’amicale à l’Université libanaise ! Pourtant, rien ne nous empêchait, avant, de nous présenter tous sur une même liste, pour un même but, envers et contre tous ! Notre parcours n’était pas un songe ni une hallucination, mais des faits qui existent et qu’il ne faut pas oublier. Est-ce normal, aujourd’hui, de relire avec nostalgie un chapitre noir de l’histoire de notre pays, seulement parce que nous en étions les acteurs principaux ? Est-ce permis de sombrer dans le même conformisme inerte contre lequel nous avons longtemps lutté, alors que, unis, nous devrions prendre notre destinée entre nos mains ? Nos leaders politiques ne sont pas à blâmer puisqu’il est légitime qu’ils agissent, eux, selon les lois de la politique, de la stratégie et des intérêts…C’est leur travail, après tout ! Mais NOUS, nous sommes à blâmer parce qu’il est impératif que nous agissions selon la loi de la solidarité et de la fraternité…C’est notre mission avant tout ! Notre alliance est peut-être la seule qui puisse durer si nous ne la limitons pas par des calculs cyniques … Le surnom d’ « Alice », je l’accepte volontiers car je ne trouve aucun mal ni aucune impossibilité à ce que le Liban soit le « pays des merveilles » … Rita SASSINE Information et communication Université Saint-Joseph Place de la Liberté, les pierres restent les seuls témoins pour raviver les mémoires E n visitant récemment la place des Martyrs qui a été au centre de l’action menée lors des événements qui ont marqué l’année 2005, j’ai senti un vide humain accablant. Les jeunes, les adultes, les vieillards et, d’une manière générale, les Libanais qui se sont exprimés d’une manière démocratique lors de la révolution du Cèdre ont déserté les lieux de la place de la Liberté en laissant derrière eux des traces, des signes de l’« Indépendance 2005 ». Désormais, les pierres et les murs sont les seuls témoins qui permettent de raviver les mémoires et de livrer des indices sur la réalité de l’ « Indépendance 2005 ». En faisant le bilan des événements en question, une scène onirique m’a envahi l’esprit. J’ai vu ainsi le « malheur » se personnifier en un démon qui a jeté son dévolu sur le Liban. Il s’est engouffré dans cette terre saine pour courtiser sa bien-aimée « malédiction » qui se balade dans les rues et les places publiques de ce pays. La donne politique libanaise basée sur la division et les conflits a fourni une matière première consistante au « malheur » pour répondre aux faveurs de sa « bien-aimée ». Le « malheur » bénéficie énormément de ce jeu maléfique. Il fonde ainsi ses espoirs sur une dégradation de la vie politique interne pour frapper d’une main de fer et livrer le pays à sa « fille » préférée, « la guerre ». La question qui se pose est de savoir si ce malheur atteindra ou non son but. La réponse est marquée d’ambiguïté et d’incertitude. Si on feuillette des pages d’histoire, on s’éloigne de l’optimisme souhaité. Mais en dépit de tous les accrocs, l’espoir persiste, d’autant que le sens de la dignité nationale revit de plus belle après avoir été bafoué à tort et à travers. Cette dignité nouvellement née va-t-elle vaincre ? Il est vrai que le destin des petits États est dépendant des grands. Nous, Libanais, avons vécu l’angoisse et l’amertume. Nous n’acceptons plus d’être victimes du chantage des Grands. Il est grand temps pour nos « leaders » politiques d’apprendre des erreurs et des expériences passées. Nous, Libanais, particulièrement les jeunes, nous ne vous autorisons plus à avancer timidement en faisant preuve de fragilité et de dépendance. Jeanine KHALIFÉ Master en information et communication Université Saint-Joseph L’Université antonine multiplie les initiatives pour développer l’éducation sportive S ous le patronage et en présence du ministre de la Jeunesse et des Sports, Ahmad Fatfat, l’Université antonine – l’Institut d’éducation physique et sportive –, en collaboration avec l’ambassade de France et l’Université Claude-Bernard Lyon I, a organisé le 2e colloque international en éducation physique et sportive au campus de Hadeth-Baabda. Étaient présents à ce colloque le député Atef Majdalani, l’ambassadeur de Belgique, Stéphan de Loecker, l’ambassadeur d’Italie, Franco Mistretta, l’ambassadeur du Canada, Louis de Lorimier, le conseiller de coopération et d’action culturelle près l’ambassade de France, Frédéric Clavier, le premier secrétaire près l’ambassade d’Italie, Mlle Daniela Tonon, l’attachée de coopération près l’ambassade de France, Mme Anne Ricordel, le directeur de l’Institut d’éducation physique et sportive à l’Université antonine, le père Maroun Bachaalany, et les membres des corps administratifs et estudiantins de l’Université antonine. Lors de la séance d’ouverture, le père Fady Fadel, secrétaire général de l’université, a annoncé que « l’Université antonine va octroyer, à partir de l’année universitaire 2006/2007, une bourse annuelle baptisée “Bourse du ministre de la Jeunesse et des Sports, Ahmad Fatfat” aux étudiants qui se sont distingués à l’Institut d’éducation physique et sportive, ainsi qu’aux étudiants qui ont donné de bons résultats dans nos équipes sportives ». Le père Fadel a indiqué qu’un accord de coopération devait être signé avec l’Université de Turin en Italie, soulignant en outre qu’une école doctorale méditerranéenne en sciences du sport allait être mise en place, en partenariat avec les facultés des sciences du sport en France, et grâce à une coopération avec l’Université Claude-Bernard Lyon I. De son côté, le père Antoine Rajeh, recteur de l’université, a souligné que « l’activité et l’éducation sportives revêtent une valeur particulière, et nous visons à contribuer, par le biais du présent colloque, à les hausser au-delà de l’empirie et du savoir-faire, et à les asseoir sur une base scientifique solide ». « Cette démarche, a-t-il souligné, entreprise par Ling au XIXe siècle, déborde actuellement les cadres de la physiologie pour toucher divers domaines tels que la pédagogie, la diététique, la psychologie et autres... Plus encore, le sport se trouve intégré dans diverses techniques thérapeutiques et rééducatives. » M. Antonio Postiglione, directeur de SUIM de l’Université de Turin, a pour sa part invité « les autorités académiques de l’Université antonine à se rendre à Turin à l’occasion de ces universiades hivernales qui auront lieu durant la période du 17 au 27 janvier 2007 ». En effet, a-t-il dit, « l’Univesité de Turin est constituée de 55 départements concernés essentiellement par la recherche et de 12 facultés qui délivrent 205 cursus de master, parmi lesquels 31 cours se donnent en interfacutlé ». M. Raphaël Massarelli, directeur de l’UFR-Staps de l’Université Claude-Bernard Lyon I France, a pour sa part mentionné trois objectifs qui intéressent tout particulièrement la coopération avec l’Université antonine : « Le premier objectif concerne la recherche et la création du premier pôle de recherche et d’enseignement supérieur français. Le deuxième objectif est la formation et plus précisément la formation internationale. Le troisième objectif de Lyon I est la professionnalisation de ses étudiants et donc de leur intégration dans la vie professionnelle. Un effort particulier a été mis sur les formations diplômantes brèves de 1-2 ans de cursus universitaire. » M. Frédéric Clavier, conseiller de coopération et d’action culturelle près l’ambassade de France, a, quant à lui, évalué d’une façon positive le statut des universités au Liban. « C’est en effet au Liban, a-t-il dit, que par comparaison avec les systèmes éducatifs arabes se situe la qualité la plus éminente de votre enseignement, qui fait de votre pays un pôle régional incontestable. C’est aussi la raison pour laquelle la France développe un partenariat de haut niveau dans toutes les filières d’excellence de vos universités, et de l’Université antonine en particulier. » M. Louis de Lorimier, ambassadeur du Canada, a signalé que « le Canada finance aussi toute une série de projets à travers son implication au sein de la Conférence des ministres francophones de la Jeunesse et des Sports, la Confejes, dont le Liban est un membre actif et qui tenait ses plus récentes réunions ici même à Beyrouth ». De son côté, M. Franco Mistretta, ambassadeur d’Italie, a précisé que « le sport joue un rôle très important dans la société moderne, dès qu’il peut favoriser l’intégration et la consolidation des liens interpersonnels qui constituent les fondements d’une société civile forte et solide ». Le ministre Fatfat a souligné, pour sa part, que « la réforme dans le domaine du sport débute par un changement de mentalité, engageant un partenariat avec les universités, notamment l’Université antonine, afin de bénéficier de leur concours et de leur savoirfaire et leur professionnalisme à l’égard du sport et des sciences du sport ». Il a précisé de même que « nous visons beaucoup la coopération franco-libanaise en matière de jeunesse et de sport. Un protocole a été défini dans le cadre quadriennal divisé en deux parties, 2006-2007 et 20082009 », a-t-il dit.