La lettre d`Archimède

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La lettre d`Archimède
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 53 — 26 mars 2016
Le Bois dont les rêves sont faits
Keeper — Sunset Song
Le film mystère
En bref et en vrac — Prochains rendez-vous à l’Eldo… et ailleurs
LE BOIS DONT LES RÊVES SONT FAITS
un film de Claire Simon
avant-première le jeudi 31 mars 2016, 20 h
en présence de la réalisatrice Claire Simon
Si ma promenade est une promenade, je ne suis plus un « je », je suis un événement. — Gilles Deleuze
Claire Simon nous invite à l’accompagner dans les bois, au bois de Vincennes précisément, pour une
longue promenade d’une année. « C’est l’enfance qui revient », dit-elle. Je la comprends, je suis toujours
un peu nostalgique lorsque je me balade en forêt, c’est un retour à un paradis perdu en quelque sorte.
« On y croit, on y est. C’est une illusion vraie », ajoute-t-elle. Le bois de Vincennes est entouré par la ville,
quelques bâtiments qui surpassent les plus grands arbres, les cloches des églises, les bruits de circulation,
les avions rappellent la proximité de la civilisation. La forêt est domestiquée, nettoyée, mise en forme par
les employés municipaux. Lieu de promenade, de drague, de prostitution, de travail, de sport, de fête, de
vie… la forêt est multiple, aussi variée que les hommes et les femmes qui la parcourent.
Au hasard des déambulations, la réalisatrice nous fait découvrir le bois, la bordure aux allures de square,
l’allée royale et les petits sentiers, la plaine et les sous-bois, le lac Daumesnil et la rivière artificielle, le pigeonnier, la pagode, le terrain de rugby… La balade n’est pas que spatiale, ici nous sommes dans la forêt
anarchique telle qu’elle devait être au temps des Gaulois, là un Deleuze fantomal discourt dans une fac
évanouie dont seul un tuyau de cuivre atteste l’existence, puis deux compteurs de papillons nous ramènent
au fugitif instant présent. Le bois, chargé de souvenirs par les uns, est réinventé par les autres, devenant
tour à tour logis réel, chambres imaginaires, salle de musculation ou évocation d’un ailleurs, par-delà les
mers ou les années. C’est un lieu circonscrit par la ville et pourtant si éloigné d’elle, lieu de relative liberté.
Le Bois dont les rêves sont faits est composé de rencontres. Les personnes que Claire Simon interroge ont
chacune leur propre raison d’être au bois. Chacun, en expliquant sa présence, se raconte. Au détour d’une
phrase, nous apprenons que la réalisatrice leur avait déjà parlé et expliqué son projet, certains ont hésité
à être enregistrés, d’autres ont fait faux-bons. L’écoute de Claire Simon est bienveillante, les habitants,
employés ou promeneurs se livrent, une dernière phrase teintant parfois un récit enjoué d’un peu de
tristesse, un regard mélancolique tempérant un discours affirmé — quoi que lieu propices aux souvenirs
et aux rêveries, le bois reste hanté par la vie d’en-dehors du bois.
Le Bois dont les rêves sont faits (France ; 2015 ; 2 h 24 ; couleur), écrit et réalisé par Claire Denis, produit par Jean-Luc Ormières et Sandrine
Dumas ; image de Claire Simon, montage de Luc Forveille ; avec la voix de Laurence Vielle. Sophie Dulac Distribution.
Et aussi à l’Eldo…
KEEPER
un film de Guillaume Senez
Maxime a 15 ans. Il n’est plus un enfant et pas encore un adulte, ou peut-être est-il toujours un peu des
deux. Il est le plus souvent insouciant, confiant en un avenir radieux et facile, pas tout à fait conscient des
responsabilités de l’âge adulte. Sa vie amoureuse et sexuelle n’en est qu’à ses débuts, encore influencée
par les stéréotypes pornographiques. Il sort avec Mélanie qui a 15 ans elle aussi. L’aime-t-il vraiment ?
L’ambiguïté de la relation, typique des premières histoires d’amour au lycée, est parfaitement rendue par
Guillaume Senez dont Keeper est le premier long métrage. Le réalisateur réussit à saisir avec sensibilité et
subtilité la dualité de l’adolescence, mais aussi les sentiments contradictoires des parents, pris entre le
désir de protéger leurs enfants, et celui de les aider à assumer leurs choix d’adulte.
Mélanie est enceinte. Les adolescents doivent décider en adulte, surtout s’ils décident de garder l’enfant. Ils
se cachent de leurs parents — réflexe d’enfants. Les parents savent ce qu’une grossesse à leur âge implique,
surtout la mère de Mélanie qui l’a vécue. Là encore, Guillaume Senez évite la corde sensible, la théâtralité, le
sujet de société, le jugement facile. Il montre des êtres qui se débattent avec leurs doutes, les relations qui
évoluent, les enfants qui deviennent progressivement un peu plus adultes. Keeper est donc une bonne surprise, la révélation d’un regard et d’une sensibilité. La réalisation est simple, précise et efficace. À noter aussi
des acteurs au jeu très juste, en particulier Kacey Mottet Klein, exceptionnel de subtilité, et Galatéa Bellugi qui
incarne une Mélanie à la limite de l’effondrement. Un réalisateur et des acteurs à suivre.
Keeper (Belgique, Suisse, France ; 2015 ; 1 h 35 ; couleur, 2.35:1 ; Dolby 5.1), réalisé par Guillaume Senez, écrit par David Lambert et Guillaume Senez, produit par Isabelle Truc ; image de Denis Jutzeler, montage de Julie Brenta ; avec Kacey Mottet Klein (Maxime), Galatéa Bellugi
(Mélanie). Distribué par Hapiness Distribution. Young Talent Award au Festival du film de Hambourg 2015 ; Label Europa Cinemas au Festival
international du film de Locarno 2015 ; Prix spécial du jury au Festival international du premier film d’Annonay 2016…
L’eau à la bouche
SUNSET SONG
un film de Terence Davies
sortie à l’Eldorado le mercredi 30 mars 2016
Sunset Song nous transporte dans la campagne écossaise juste avant la Première Guerre mondiale, mais
nous pourrions tout aussi bien être au milieu du XIXe siècle, la Révolution industrielle ayant, semble-t-il,
oublié Blawerie et ses alentours. Chris Guthrie, contrainte d’abandonner ses études, restera attachée à la
ferme familiale malgré la violence de son père, les malheurs et les désillusions de la vie. Sunset Song ne
serait qu’une de ces honnêtes dramatiques un peu kitsch comme les Anglais savent si bien les faire sans
le talent de Terence Davies. Le réalisateur construit chaque cadre avec minutie, choisit la bonne lumière,
intensifie les couleurs — impossible de ne pas penser aux peintres réalistes britanniques. Mais surtout
Davies surprend par l’audace de ses ellipses, les hurlements d’un viol conjugal se transformant en cris de
délivrance d’un accouchement, un panoramique aérien nous transportant d’un moment à un autre, suite
logique du premier. Symphonie élégiaque, Sunset Song est un film singulier dans la production cinématographique actuelle, une œuvre intense d’un réalisateur malheureusement trop rare.
Sunset Song (Royaume-Uni, Luxembourg ; 2015 ; 2 h 15 ; couleur, 2.35:1 ; Dolby 5.1), écrit et réalisé par Terence Davies, d’après le roman
(1932) de Lewis Grassic Gibbon, produit par Roy Boulter, Sol Papadopoulos et Nicolas Steil ; musique de Gast Waltzing, image de Michael
McDonough, montage de David Charap ; avec Agyness Deyn (Chris Guthrie), Peter Mullan (John Guthrie), Kevin Guthrie (Ewan Tavendale).
Distribué par Rezo Films. OFCS Award du meilleur film étranger 2015, ICS Award du meilleur film inédit en 2015 (2016).
Le film mystère
Dans Fatima (2015) de Philippe Faucon qui passe encore à l’Eldo, l’une des collègues de Fatima traitent des
commères du nom de ces êtres qui apparaissent dans le film mystère de la semaine. Comme ces montres
sont horribles, j’ai préféré extraire du film mystère un photogramme où seules leurs ombres sont visibles.
Pour jouer, envoyez le titre du film mystère par mail à l’adresse [email protected] ou déposez la réponse en indiquant le numéro de la Lettre, votre nom et des coordonnées (de préférence une
adresse électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado avant le vendredi 25 mars minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Une femme surgissant d’un Colisée miniature avec les chiffres 6 et 5 inscrit chacun sur un de ses seins
pendant une party débridée ? Elle était la surprise pour la fête du 65e anniversaire de Jep Gambardella
(Toni Servillo), le personnage principal de La grande bellezza (2013) de Paolo Sorrentino. Félicitations à
ceux qui ont reconnu ce film qui avait gagné l’Oscar du meilleur film étranger en 2014. Le sort a été clément à Jacqueline M. qui gagne les deux places gratuites.
L’actrice Serena Grandi, qui reprend dans le film de Sorrentino la chorégraphie d’Elisa Mainardi, est originaire de Bologne. Elle débute au cinéma à la fin des années soixante-dix, prenant des pseudonymes
comme Vanessa Steiger pour jouer Maggie dans le film d’horreur Anthropophagous (Anthropophagus ;
1980) réalisé par Joe D’Amato. Elle tourna beaucoup sous la direction de réalisateurs italiens, la plupart
de ses films ne sortant pas en France. Dans sa filmographie, notons tout de même sa présence dans le
premier film réalisé par Roberto Begnini, Tu me troubles (Tu mi turbi ; 1983, sorti en France en 1990), un
premier rôle dans la comédie érotique Miranda (1985) de Tinto Brass, et, bien sûr, La grande bellezza qui,
à ma connaissance, est le dernier long métrage à ce jour auquel elle ait participé.
En bref et en vrac
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Préventes en cours pour l’avant-première de Les Bois dont les rêves sont faits en présence de
Claire Simon (jeudi 31) et pour la soirée Pulp (lundi 4 avril). Inscription conseillée pour la 16e Balade
dans l’histoire du cinéma (mardi 29).
Méfiez-vous ! Dernières séances pour Les Délices de Tokyo, Les Filles au Moyen Âge, Suite armoricaine et la première partie de Homeland, Irak année zéro.
Prochains rendez-vous à l’Eldo…
Mars
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Lundi 28, 18 h : Rencontre autour de Homeland avec Jacques Fontaine, géographe (entrée libre).
Mardi 29, 20 h : Balade dans l’histoire du cinéma menée par Aurélio Savini (CinéDV).
Jeudi 31, 20 h : Avant-première de Le Bois dont les rêves sont faits en présence de la réalisatrice Claire Simon.
Avril
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Lundi 4, 20 h 15 : Séance unique de Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets dans le
cadre du Festival MV.
Jeudi 7, 20 h : Carte blanche lycéens : Whiplash.
Lundi 11, 20 h 15 : Projection de No Home Movie en présence de la monteuse Claire Atherton.
Mardi 12, 20 h 15 : Avant-première de L’Académie des muses en présence du réalisateur José Luis Guerín.
Mardi 19, 15 h 30 : Ciné-atelier Du bout des doigts avec projection de Mimi et Lisa.
… et ailleurs
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Du mardi 5 au dimanche 10 avril : Festival Doc, doc, doc, entrez ! au nouveau cinéma de Villedieules-Poêles (Manche).
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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