Lettre # 57 - WordPress.com

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Lettre # 57 - WordPress.com
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 57 — 23 avril 2016
Le Fils de Joseph — Mékong Stories
Doc, doc, doc, entrez !
Le film mystère
En bref et en vrac — Prochains rendez-vous à l’Eldo
LE FILS DE JOSEPH
un film d’Eugène Green
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le cinéma d’Eugène Green, disons que celui-ci se refuse à tout réalisme,
s’oppose aux règles arbitraires de jeu et de diction appliquées habituellement dans les fictions, exclut
toute convention psychologique ou sociologique, et se revendique malicieusement d’un héritage européen, chrétien et baroque. Tout œuvre d’art est construction et Eugène Green n’essaie pas de nous le
faire oublier, tout élément de l’image est signifiant et aucun plan n’est gratuit, comme ce très beau mouvement de caméra pendant le générique, qui passe de l’horizontalité contemporaine à la verticalité spirituelle de Notre-Dame. Cinéma réservés aux intellos ? Non, car Eugène Green raconte une histoire non pas
véritable mais mythique, simplement, avec humour, et sans vouloir nous faire croire le contraire.
Le Fils de Joseph décrit la quête d’un adolescent en colère, Vincent, à qui la mère, Marie, affirme qu’il n’a
pas de père, son géniteur l’ayant quitté lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte. Ayant renoncé à
la vengeance, Vincent rencontre inopinément Joseph qui vont s’initier l’un à la filiation, l’autre à la paternité. Face à l’égoïsme du père originel, la trinité Joseph-Vincent-Marie se fond en une nouvelle famille.
Par le biais des récits bibliques et des œuvres qu’ils inspirèrent, Eugène Green s’interroge sur la (re)composition de la famille et de ses valeurs dans une société dominée par l’égocentrisme, le profit et la volonté
de pouvoir. La leçon est simple comme celle des mythes et des contes, et la satire cruelle et réjouissante.
La beauté raffinée du film fait le reste.
Le Fils de Joseph (France, Belgique ; 2016 ; 1 h 55 ; couleur, 1.85:1 ; 5.1), écrit et réalisé par Eugène Green, produit par Francine et Didier
Jacob ; musique d’Adam Michna Z Otradovic, Emilio de Cavalieri et Domenico Mazzocchi, image de Raphaël O’Byrne, montage de Valérie
Loiseleux ; avec Victor Ezenfis (Vincent), Natacha Régnier (Marie), Fabrizio Rongione (Joseph), Mathieu Amalric (Oscar Pormenor), Maria de
Medeiros (Violette Tréfouille). Distribué par les Films du Losange.
MÉKONG STORIES
un film de Phan Đăng Di
En mars 2012, Phan Đăng Di était venu à l’Eldorado présenter son premier long métrage, Bi, n’aie pas peur !
(Bi, đừng sợ ! ; 2010) qui m’avait séduit entre autres par l’enchantement enfantin que le réalisateur, regardant
par les yeux de Bi, insufflait au monde. Vũ, le personnage central, à la fois panoptique et spéculaire, de Mékong
Stories n’est plus un enfant, il est étudiant et se consacre à la photographie. Il reste cependant encore en
retrait du monde, en observateur, n’osant s’y plonger entièrement comme les camarades qu’il fréquente encore l’ont fait, quittant le système scolaire pour devenir ouvrier, barman ou chanteur de rue. Le regard de Vũ,
s’il n’est plus enchanté comme celui de Bi, reste tout de même plein d’espoir. Le jeune homme apprendra par
les coups et les ruptures que la perte des illusions de la jeunesse est inéluctable.
Le film commence à Saïgon où nous suivons les différents protagonistes de Mékong Stories dans le travail ou
les loisirs pas toujours légaux que leur offre la ville. La narration est assez lâche, les histoires s’entremêlent,
Phan Đăng Di brosse le portrait d’une jeunesse modeste par petites touches, mêlant un peu de documentaire,
me semble-t-il, à la fiction. Puis l’action s’accélère, les fils se nouent, les sens s’affolent, l’atmosphère se fait
irréelle… La terre et l’eau semble prendre vie, se mêlent, et les jeunes gens aussi. Avec ce deuxième film, Phan
Đăng Di confirme ses qualités de scénariste et de réalisateur, son talent à évoquer de multiples destins, les
forces cachées, et le désir. Dans Mékong Stories comme dans Bi, n’aie pas peur !, le détour par le fantastique
et la poésie ne fait qu’accentuer la dureté du monde, la solitude viscérale des êtres.
Mékong Stories (Cha và con và… ; Vietnam, France, Allemagne, Pays-Bas ; 2015 ; 1 h 42 ; couleur, 2.35:1 ; 5.1), écrit et réalisé par Phan Đăng
Di, produit par Paolo Bertolin, Claire Lajoumard, Trần Thị Bích Ngọc et Diep Hoang Nguyen ; image de Nguyen K’Linh, montage de Julie
Béziau ; avec Lê Công Hoàng (Vũ), Đỗ Thị Hải Yến (Vân), Trương Thế Vinh (Thăng). Distribué par Memento Films Distribution. Prix du jury
jeune au Festival des trois continents 2015.
DOC, DOC, DOC, ENTREZ !
Notes, II
La dernière journée du festival était une carte blanche laissée au critique Patrick Leboutte. Celui-ci a décidé de
commencer par une fiction, le film de soutien ¡Que viva Eldorado! réalisé par Christian Blanchet et Frédérique
Michaudet qui est beaucoup passé en première partie de séance à l’Eldo. Le film n’est pas hors sujet dans un
festival de documentaires puisqu’André Labarthe y explique comment la fiction est née pour aider le documentaire. Après la projection, les deux membres de l’équipe de l’Eldo présents sont rejoints par les deux réalisateurs pour expliquer les difficultés de la salle et le combat mené pour sa survie — cela, vous connaissez.
¡Que viva Eldorado!
Lettre à Jean Sterck
Cap aux bords
La matinée continue avec l’évocation des Rencontres de Laignes, chères à l’Eldorado et Patrick Leboutte.
Marianne Amaré présente sa Lettre à Jean Sterck réalisée pendant les Rencontres 2013, lettre sensible
qui évoque une rencontre fortuite, et que l’Eldo avait passé dans le programme Laignes en court pendant
l’été 2014. J’avais déjà vu les images de Cap aux bords aux Rencontres, des images fortes filmés dans un
camp de vacances pour autistes. François Guerch n’explique pas, ne théorise pas : il montre la vie des
enfants, leurs jeux, leurs danses et leurs crises, le rapport aux accompagnateurs. Dans ma mémoire, cette
nouvelle version est moins dure que la première, plus apaisée. Je vous en reparlerai car le film devrait
être présenté par son auteur à l’Eldo, j’espère prochainement.
Après nous ne restera que la terre brûlée
La Seconde Fugue d’A. Rimbaud
L’après-midi est consacré aux longs métrages. Après nous ne restera que la terre brûlée nous entraîne en
Ukraine, dans un village sur la frontière de la zone de quarantaine autour de Tchernobyl. Delphine Federoff filme les habitants, en particulier ceux qui ont été chassés de leur maison, qui ont été éloignés de
leurs morts. Certains de leurs anciens voisins ont fui la région sinistrée, d’autres sont morts rongés par le
chagrin ou la maladie. Les plus vieux retournent illégalement dans la zone interdite. La Seconde Fugue
d’Arthur Rimbaud suit les trajets que fit le jeune poète de Charleville à Charleroi au début de l’industrialisation de la région. Poèmes à la main, Patrick Talierco cherche les traces de Rimbaud dans un pays qui se
meurt, rencontrant des jeunes conscients que leur avenir est ailleurs, et des édiles incultes qui essaient
de se convaincre de leurs propres artifices. La journée s’acheva par un pot de clôture et une teurgoule
confectionnée avec soin par l’épouse de l’un des organisateurs, et, le lendemain, nous repartions aux
aurores pour être présents à la soirée avec Claire Atherton.
¡Que viva Eldorado! (France ; 2015 ; 7’ ; couleur), écrit et réalisé par Christian Blanchet et Frédérique Michaudet ; musique de Jean-Sébastien
Bach ; avec Christian Blanchet, André Labarthe et la voix de Martin Khalili. https://vimeo.com/132234208
Lettre à Jean Sterck (France ; 2013 ; 4’ ; couleur), écrit et réalisé par Marianne Amaré ; avec la voix de Marianne Amaré.
Cap aux bords (France, Belgique ; 2015 ; 53’ ; couleur), écrit et réalisé par François Guerch.
Après nous ne restera que la terre brûlée (Belgique ; 2014 ; 1 h 30 ; couleur), écrit et réalisé par Delphine Federoff ; montage d’Hervé Brindel.
La Seconde Fugue d’Arthur Rimaud (Belgique ; 2015 ; 1 h 32 ; couleur), écrit et réalisé par Patrick Talierco.
Le film mystère
La découverte d’œuvres comme Rashōmon (羅生門 ; 1950) et Les Sept Samouraïs (七人の侍 ; 1954) fut un choc à Hollywood, et,
aujourd’hui encore, l’influence d’Akira Kurosawa est toujours présente dans un certain cinéma occidental. La fin du méchant dans le
film mystère de cette, mortellement blessé à l’arme blanche semaine (le photogramme ci-après), aurait-elle été filmée de la même
manière sans la mise en scène de la mort de Taketoki Washizu (Toshirō Mifune) dans Le Château de l’Araignée (蜘蛛巣城 ; 1957) ?
Pour jouer, envoyez le titre du film mystère par mail à l’adresse [email protected] ou déposez la réponse
en indiquant le numéro de la Lettre, votre nom et des coordonnées (de préférence une adresse électronique) dans l’urne
située dans le hall de l’Eldorado avant le vendredi 23 avril minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et
remportera deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Le photogramme de la semaine dernière était extrait de Ran (乱 ; 1985) d’Akira Kurosawa que l’Eldorado a projeté récemment
dans le cadre du festival Toute la mémoire du monde (Lettre no 47). Plus précisément, l’image est extraite de la scène dans
laquelle Shuri Kurogane (Hisashi Igawa) est censé apporter à dame Kaede (Mieko Harada) et à Jiro Masatora Ichimonji (Jinpachi
Nezu, hors champ) la tête de l’épouse de ce dernier. Félicitations à tous ceux qui m’ont envoyé la bonne réponse ! Le tirage au
sort a désigné Lucas E. qui gagne donc deux places gratuites.
Le Château de l’araignée et Ran sont les adaptations des tragédies Macbeth et Le Roi Lear, les deux seules qu’Akira Kurosawa
(1910 – 1998) fit de pièces de Shakespeare. Il ne faut sans doute pas rechercher trop le dramaturge anglais dans les œuvres du
cinéaste japonais, même si celui-ci était un très grand connaisseur du théâtre, y compris occidental, les artistes sont d’époques
et de lieux différents. Si la comparaison des deux n’est pas sans intérêt, il me semble que la vision rapprochée des deux films
que près de trente années séparent l’est plus encore. Le Château de l’araignée date de la période faste pendant laquelle le
jeune Kurosawa redonne aux films de samouraïs un lustre et un souffle qu’ils avaient perdus, alors que Ran est d’une époque
où le vieux cinéaste peine à trouver des financements pour produire ses films.
En bref et en vrac
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Il y a une dizaine de jours, la société Kongsberg Maritime qui sonde les fonds du Loch Ness a trouvé le célèbre monstre,
ou plus exactement sa réplique construite pour La Vie privée de Sherlock Holmes (1970) de Billy Wilder. Lors des
premières prises, le réalisateur avait voulu supprimer les bosses du mannequin qui avait alors coulé à pic, et une
deuxième créature, réduite au cou et à la tête, avait dû être reconstruite.
Attention ! Dernières séances des films Le Château de l’araignée, Hugo et Joséphine, Jeux de lune Mimi et Lisa et Qui
marche sur la queue du tigre….
Pour la soirée de diffusion des courts métrages soutenus par la région Bourgogne (lundi 2 mai), réservation obligatoire
avant le 28 avril auprès de Katarzyna Lipinska, [email protected].
Prochains rendez-vous à l’Eldo
Avril
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Mardi 26, 20 h 15 : Carte blanche au collectif de contestation de la loi El Khomri (entrée libre).
Jeudi 28, 22 h : Projection de High Rise avec mix, grignotage et verre offert (6 €).
Vendredi 29, 20 h : Collectif Eldo, la séance (réservé aux adhérents).

Lundi 2, 20 h : Courts métrages régionaux en présence des équipes des films (réservation obligatoire).
Mai
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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