compte-rendu des - Lettres | Académie d`Amiens
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compte-rendu des - Lettres | Académie d`Amiens
COMPTE RENDU DES JOURNÉES DE FORMATION SUR LE NOUVEL OBJET D’ÉTUDE DE L’EAF « Le roman et ses personnages : vision de l’homme et du monde » Février 2008 Les remarques et synthèses d’ateliers qui suivent sont issues des trois journées de formation proposées par l’inspection pédagogique régionale. Elles proposent des réponses et des idées pour traiter ce nouvel objet d’étude. Nous remercions de nouveau tous les enseignants pour leurs contributions, et en particulier les animateurs d’ateliers et les auteurs de comptes rendus. — Réponses à quelques questions récurrentes : . Quelle place accorder aux romans traduits ? — Pas plus pour le roman que pour d’autres genres, on ne peut proposer d’œuvre intégrale en traduction pour l’oral de l’EAF. En revanche, les lectures cursives et complémentaires (romans ou essais, voire poèmes ou pièces) peuvent porter sur des textes traduits, et cela est même particulièrement pertinent pour le roman. . Le roman réaliste français du 19e siècle doit-il avoir une place prépondérante ? — Les professeurs sont libres de leur choix , à condition que leur traitement de l’objet d’étude en donne une vision pertinente. Comme le montrent d’ailleurs les Annales zéro concernant le nouvel objet d’étude, le roman réaliste français conserve une certaine prééminence dans la perception que nous avons du genre. Son esthétique est d’ailleurs proche de la culture commune (y compris télévisuelle) des élèves. Elle peut faciliter leur adhésion première, ce qui justifie alors son choix (à condition de ne pas les ennuyer). Mais il faut impérativement l’inscrire, grâce aux lectures cursives et complémentaires, dans une perspective globale et critique du genre, montrant que ce réalisme n’a rien de naturel. Inversement, prendre pour support une fiction baroque ou un roman de Duras ne peut se concevoir sans leur mise en relation avec ledit réalisme. . Comment enseigner l’histoire du genre romanesque dans le cadre, contraignant car limité, de la préparation à l’EAF ? — On ne peut être exhaustif, et nous n’encourageons pas les professeurs à proposer de grands développements ou de grandes enquêtes préalables. Il faut pourtant créer une vision globale et problématisée du genre. Elle peut s’articuler, très synthétiquement, autour de quelques grands axes et du ou des groupements de textes portant sur cet objet d’étude (par exemple, autour de la notion d’héroïsme, ou d’enchantement ou au contraire de lucidité romanesque — ou d’engagement, etc.) Lectures cursives et complémentaires, échos (même très partiels) d’un groupement de texte à l’autre, peuvent aider dans cette tâche difficile. . Comment évaluer la qualité de l’expression dans l’écrit d’invention portant sur un texte romanesque, et en particulier, quelle poids lui accorder au regard d’autres attentes ? — Non spécifique à ce nouvel objet d’étude, la question toutefois se pose particulièrement sans doute pour des écrits non argumentatifs. La correction de l’expression y est bien sûr requise de toute nécessité (sur le plan graphique, orthographique, syntaxique et lexical). L’inventivité et la culture stylistique et littéraire dont témoigne l’élève relèvent d’un jugement plus ouvert, en n’oubliant cependant pas qu’ils font partie de ce qui peut montrer une certaine maîtrise de l’objet d’étude : outre l’entraînement par l’écriture, primordial, avoir lu et analysé des romans aide à la transposition romanesque. Deux choses à notre sens ne doivent pas être oubliées. D’une part, la lecture d’un professeur (en cours d’année comme à l’examen) doit bien relever de l’évaluation pédagogique et non du jugement esthétique. D’autre part, nous devons faire l’effort de tendre à une certaine étanchéité des critères, afin d’éviter qu’une attente l’emporte sur toutes les autres — cela peut ainsi permettre d’évaluer le plus justement une copie inventive mais peu rigoureuse, d’un côté, excessivement banale quoique respectant les attentes objectives d’un l’énoncé, de l’autre. Voyez, à titre indicatif, le barème proposé par la commission d’entente de l’EAF pour la session 2008. — Deux remarques complémentaires : . L’extension considérable de ce nouvel objet d’étude appelle une juste répartition de son approche : o par un véritable travail des équipes pédagogiques sur la progression 2nde-1ère, concernant les œuvres lues (afin d’éviter redites et impasses) et les notions narratologiques abordées (attention, à cet égard, à s’accorder sur des définitions rigoureuses et un vocabulaire commun). o en n’hésitant pas, en 1ère, à diffracter pour partie l’objet d’étude sur plusieurs groupements de textes (par exemple, Don Quichotte peut apparaître à propos du baroque, et l’idée que Hugo se fait de la poésie englobe le roman, l’extrait d’une préface de Balzac ou d’un article de Sarraute peut se traiter à propos de l’argumentation). . À propos de l’écriture d’invention, o des collègues ont rappelé qu’il s’agissait autant d’un exercice de lecture que d’un exercice d’écriture. o certains ont proposé, à titre d’exercice, que des élèves joignent à leur écrit d’invention un paragraphe dans lequel ils justifient leurs choix, ce qui leur permettrait d’en prendre conscience et de les analyser. Journées de formation sur « Le roman et ses personnages, vision de l’homme et du monde », Vendredi 8 février 2008. Atelier « Histoire du genre », Animatrice : Carole Bully, Lycée Branly (Amiens) Compte rendu : Sylvain Lœillet, Lycée Lamarck (Albert) Cf. le plan et les documents de l’atelier « Histoire du genre », accessibles par ailleurs sur le site ► Déroulement de l’atelier : présentation Document support : les extraits proposés sont plutôt à envisager, au sein d’une séquence, comme des textes complémentaires à la réflexion sur le roman et ses personnages. Le caractère cosmopolite du groupement (où on trouve notamment des textes de Cervantès, Kafka, Joyce, mais aussi des passages extraits d’œuvres d’écrivains contemporains comme Kundera, Kertész ou Volodine) nous rappelle que les professeurs sont invités, dans leur travail sur le roman, à ne pas négliger les œuvres traduites. Les professeurs présents doivent se demander quelles activités peuvent être mises en place à partir des textes du corpus, comment « créer de l’intertextualité » et des mises en perspectives, et repérer les problèmes récurrents. Pour inciter chaque professeur à s’exprimer et lancer les échanges, Carole Bully propose un rapide tour de table. ► Échanges et réflexions… 1. La place des romanciers français du XIXe siècle dans notre réflexion Il apparaît d’abord que le corpus nous rappelle un problème évoqué le matin même lors de l’intervention de M. Vanoosthuyse, professeur à l’université Paris III et spécialiste du récit : faut-il repenser la place importante que la tradition et « l’institution » donnent aux auteurs français du XIXe siècle dans notre réflexion sur le roman ? Le corpus fournit une réponse : en faisant cohabiter des textes de Balzac (extraits de l’ « Introduction » aux Études philosophiques – doc. 12, et dernières lignes du Père Goriot – doc.13) et de Flaubert (extrait de L’Éducation sentimentale – doc.14) avec des textes venus d’horizons culturels fort différents (tirés des essais critiques d’Erich Auerbach et Thomas Pavel – doc.11, ou bien du best seller Da Vinci Code – doc. 10), il nous encourage à proposer à nos élèves une réflexion plus « ouverte » sur le statut du personnage dans des œuvres qui posent la question de la vraisemblance et du réalisme. 2. Articuler les textes « classiques » et les textes « inattendus » De façon plus générale, articuler la lecture de textes dits « classiques » et la lecture de textes qu’on peut considérer comme « inattendus » reste une démarche mise en œuvre par la plupart des professeurs présents pour réfléchir sur le roman. a- En faisant étudier à ses élèves Les Fleurs Bleues (dont on trouve un extrait dans le corpus - doc.21), une collègue peut associer au plaisir de la lecture une réflexion sur les origines du roman : les premiers textes du corpus, notamment l’extrait du Roman d’Énéas (doc.2), de La Divine Comédie (doc.3) et les mots du médiéviste Michel Zink (le roman n’est pas un genre littéraire mais « une méthode de travail, une forme d’analyse du passé et de ses sources ») peuvent être convoqués sous forme de textes complémentaires à l’étude de l’œuvre de Queneau pour apporter un éclairage sur l’histoire des origines du roman. En travaillant sur le thème de l’héroïsme (dans le prolongement de sa séquence sur la poésie), elle a également pu poser la question : « comment un personnage devient-il un héros mythique ? ». Le lien entre roman et épopée (rappelé par M.Vanoosthuyse), entre héros épique et personnage romanesque, est posé, justement par Don Quichotte, dont le corpus fournit un extrait également exploitable (doc.5). Enfin, l’association de l’extrait des Fleurs bleues et du « schéma Gorman » pour Ulysse, de Joyce, dans la dernière partie de l’exposé (doc.20) permettrait de compléter la réflexion en s’interrogeant sur la question du mythe dans le genre romanesque. b- Un autre collègue, en faisant lire à sa classe Le Président de Jean Raspail et en établissant des rapprochements avec Le Vicomte de Bragelonne et Le Colonel Chabert, est également parvenu à susciter l’intérêt des élèves grâce à un roman attractif souvent méconnu, et à le mettre en relation avec des œuvres plus classiques pour s’interroger sur une vision désabusée du monde. c- L’étude du Ravissement de Lol V. Stein, de Marguerite Duras permet, pour l’un des professeurs présents, de réfléchir avec les élèves sur l’esthétique de la réception et la participation du lecteur dans l’élaboration du roman. Un extrait de L’Œil et l’esprit, de Maurice Merleau-Ponty, proposé en lecture complémentaire, a enrichi le travail sur le roman de Duras et sa vision de l’homme et du monde. Le caractère singulier de l’œuvre, qu’on peut rapprocher de l’esthétique du Nouveau Roman, encourage, comme la collègue l’a souligné, à repenser l’héritage du roman du XIXe siècle. On pourrait ajouter qu’il invite aussi à faire des rapprochements avec d’autres romans du XXe siècle qu’on peut qualifier d’ « expérimentaux », et dont le corpus offre plusieurs extraits (je pense notamment aux textes d’Alfred Döblin et d’Antoine Volodine, doc. 18 et 19). Ces œuvres nous invitent plus que jamais à repenser notre horizon d’attente en ce qui concerne le genre romanesque. 3. Comment présenter l’histoire du roman et de ses enjeux ? La plupart des professeurs présents s’accordent, ensuite, sur l’idée qu’il est nécessaire de donner aux élèves des repères sur l’histoire du roman et de ses grandes problématiques : le corpus fournit, à ce titre, des références utiles. Je note que la présence de textes tirés d’essais offre un bon moyen de rappeler ou bien d’annoncer, « en passant », l’étude de ce genre argumentatif (également au programme de première) que les élèves ont parfois du mal à concevoir clairement. L’extrait de L’Art du roman, de Milan Kundera (doc.1) propose une thèse à la fois claire et inventive (« Il me plaît de penser que l’art du roman est venu au monde comme l’écho du rire de Dieu. ») qui pourrait bien se prêter à ce léger détour… LE ROMAN ET SES PERSONNAGES Journée du 08 février 2008 Quelques réflexions sur la lecture cursive Animateur : Emmanuel Broc, Lycée du Vimeu (Friville-Escarbotin) Compte rendu : Michèle Lejeune, Lycée Boucher-de-Perthes (Abbeville) I Sa validation • Il est de notre responsabilité de s’assurer qu’elle a été faite par les élèves ; cf son rôle lors de l’entretien, cf ce qu’en dit le rapport Jordy • Les modalités peuvent être variées, créatives : des travaux d’écriture : invention, lettre à l’auteur, réécriture ; dissertation : large corpus d’extraits à exploiter ; réalisation d’une anthologie de scènes, de topoï, avec paratextes et notes sur le lexique ou glossaire à l’oral : préparer un argumentaire pour une rencontre, réelle ou imaginaire, avec l’auteur… Madame Fize, IA-IPR, renvoie à ce sujet à un article de L’École des Lettres, sur la lecture cursive de la seconde à la première (Chantal Dulibine, « Les mille et un goûts de la lecture cursive », L’École des Lettres 2003-2003 n°5 — téléchargement payant de ce long article sur le site de la revue). II Débat de la commission sur le choix de la lecture cursive • Choix ouvert, liens plus ou moins distendus avec l’œuvre intégrale ou le groupement de textes • Ou choix plus directif, proposant des pistes, des liens plus étroits, quelques exemples pour les tenants de cette tendance : Séquence ou Œuvre intégrale étudiées Gobseck Proposition motivée Paul et Virginie Les Grands-mères de Doris LESSING Les Choses d’autres romans d’apprentissage Madame Bovary L’Education sentimentale Le Père Goriot Principe, objets d’étude tricotés… autour du personnage de l’usurier récurrent dans les deux œuvres « travail de l’écrivain », évolution de personnages, caractérisation d’un personnage typé contrepoints, visions antithétiques intertextualité, voire réécriture lectures en réseau, autour de la « carrière d’un personnage » par exemple Atelier La Scène de roman Animation et compte rendu : Agnès Orosco, Lycée Lamarck (Albert) Corpus proposé au groupe : Madame de La Fayette : Mort de Mme de Montpensier (La Princesse de Montpensier – 1662) Montesquieu : Mort de Roxane (Lettres Persanes – 1721) Abbé Prévost : Mort de Manon (Manon Lescaut - 1728) Laclos : Mort de Mme de Tourvel (Liaisons dangereuses – 1782) Chateaubriand – Mort d’Atala (Atala - 1802) Flaubert – Mort d’Emma (Madame Bovary - 1857) Les frères Goncourt – Mort de Germinie (Germinie Lacerteux - 1864) Zola – Mort de Catherine Maheu (Germinal - 1885) Proust – Mort d’Albertine (Albertine disparue – 1925) Camus – Mort de la mère (L’Étranger – 1942) Duras – « Mort » d’Anne-Marie Stretter (Le Vice-Consul, 1966 / India Song, 1973) Échenoz – Mort de Sylvie Fabre (L’Occupation des sols, 1988) Documents iconographiques : Girodet : Atala mise au tombeau (1808) Achille Dévéria : gravure pour la mort de Mme de Tourvel, in Les Liaisons dangereuses, Londres, 1820. Visible sur le site utpictura : http://galatea.univ-tlse2.fr/pictura/UtpicturaServeur/Images/NePasOuvrir/1/B1472.jpg Mort de Manon : http://www.site-magister.com/manon1.jpg Remarques préliminaires : - L’importance du corpus proposé a nécessité que nous travaillions vite, et nous a amenées à faire des choix. - Le sujet peut être délicat à aborder en classe. Il arrive que les récits de mort provoquent des réactions « à vif », que le professeur doit être prêt à affronter. Rappel : définition de la « scène » de roman d’après Genette : moment du récit où, hors narration, le texte se déploie en quelque sorte dans le « temps réel » de la lecture (par rapport à l’ « ellipse », blanc de la narration, la « pause descriptive », le « sommaire », récit en accéléré). Scène : terme qui relève à la fois du vocabulaire du théâtre et de la peinture. Moment privilégié de l’étude de texte. Cf Stéphane Lojkine : La Scène de roman. Puf 2002 Site utpictura où l’on peut consulter – mais non reproduire – un très grand nombre d’illustrations de scènes romanesques, accompagnées d’analyses intéressantes. NB : Les textes proposés dans le corpus ne constituent pas tous des « scènes ». • Première activité (que l’on peut confier aux élèves) : tri des textes. Par exemple, trois scènes de mort par empoisonnement, deux lettres, deux mères, etc. Partant du constat que la mort était un moment décisif à la fois pour le personnage qui meurt (le moment qui transforme sa vie en destin, cf. Camus, in L’Homme révolté, Le roman comme révolte) et pour celui qui reste confronté au deuil, nous avons pour notre part choisi de classer les textes en deux catégories, reliées lâchement par une catégorie intermédiaire : - La mort mise en scène comme cérémonie funèbre - La mort de l’autre comme révélateur du survivant A - La mort mise en scène comme cérémonie funèbre Extraits de Montesquieu, Laclos, Chateaubriand, Flaubert B - La mort de l’autre comme révélateur du survivant Extraits de Germinie Lacerteux, Germinal, Proust, Camus C – Textes intermédiaires : Extrait de Manon Lescaut, qui conjugue les deux aspects, Duras et Echenoz. Nous avons choisi de laisser de côté l’extrait de La Princesse de Montpensier, complexe sur le plan narratif et historique, et où la scène de mort ne concerne que la toute fin du passage. • - Proposition de séquence : Étude des cérémonies funèbres Croisement avec l’histoire littéraire : les personnages appartiennent toutes à l’univers de la littérature « classique », ce sont, à des titres divers, des « héroïnes ». Cette séquence pourrait faire suite à une étude de Manon Lescaut, par exemple, comme œuvre complète. On pourrait proposer en outre en lecture cursive Les Liaisons dangereuses, Atala, La Religieuse… Les textes relevant de la thématique du deuil pourraient être proposés à titre de lectures complémentaires, et l'on pourrait faire remarquer aux élèves comment le personnage de la morte, si caractérisé soit-il, s’efface devant la perception que le survivant a de son absence, et de quelle façon cette absence informe son destin. (Autre lecture cursive possible : L’Étranger). I. La mort comme héroïsme : deux morts assumées. A - La lettre comme tirade ou Roxane, héroïne tragique Lettre abolit les distances, et réunit dans un temps commun fictif personnages et lecteur (apostrophes à la 2ème personne). Une révélation /un défi / la lettre d’une héroïne de tragédie cf Phèdre (ma force m’abandonne). La lettre est une mise en scène de la mort, que mime l’écriture, jusqu’au silence final. B – La lettre comme scène picturale et théâtrale : Mme de Tourvel, héroïne chrétienne Importance du décor : cheminée, lit à rideau qui crée à l’intérieur de la pièce un dispositif scénique que l’on ouvre et que l’on ferme. Double mise en scène : celle de Mme de Tourvel qui règle le cérémonial de sa propre mort, celle de Mme de Volanges, qui porte comme d’habitude sur les choses un regard faussé par sa « vertu ». Tressage du récit et de la mise en scène : propos de Mme de Tourvel presque essentiellement rapportés au discours direct, dans l’espace scénique défini par les rideaux qui voilent ou qui révèlent. Mort d’une héroïne fidèle à elle-même jusqu’au bout : mort d’une amante (prière pour Valmont) et d’une chrétienne : prière à genoux, Père Anselme. Lucidité et dignité du personnage. Enfin la lettre est une manifestation du deuil de Mme de Volanges. Les deux textes mettent en scène un dénouement (partiel chez Laclos), et en tant que romans épistolaires, une voix parmi d’autres, occasion d’évoquer la façon dont la polyphonie consubstantielle au genre prévient chez le lecteur toute lecture naïve. II. L’héroïne comme victime : la mort subie A – Mort d’Atala : un chœur funèbre À la fois scène picturale (les deux amants dans les bras du vieillard, le soleil sur la tombe) et théâtralisée : importance du dialogue, et même de la polyphonie (§ 2, 3, 4) Intense charge pathétique : récit fait par un témoin qui est aussi acteur, et cause involontaire de la mort d’Atala. Sursauts de vie et de révolte d’Atala, qui regrette son suicide. Exotisme et christianisme : désespoir farouche de Chactas, foi naïve et sauvage d’Atala, piété et charisme du Père Aubry, apologie du Christianisme par Chactas. Après une lecture de l’ensemble du passage, on pourrait proposer aux élèves de rédiger le commentaire des trois premiers paragraphes. Étude complémentaire : Girodet : Atala mise au tombeau (1808) : érotisme, pathétique et sublime… B – Mort d’Emma : le regard ironique du sceptique Du rituel apaisant à l’agonie terrifiante Scène picturale, série de descriptions dynamiques. La mort d’une pécheresse (intertexte : renversa la tête en poussant un soupir, cf chute avec Rodolphe) Ni Misereatur, ni Indulgentiam. Le contrepoint ironique : la voix de l’aveugle, son chant : une histoire de vertu perdue, une histoire de souffle. Présence du narrateur (l’abbé, Homais, le rythme des oraisons latines) Surgissement du diable. Voltairianisme de Flaubert : elle n’existait plus. Le personnage n’est plus une héroïne : enlaidissement, brutalité de la mort (Texte complémentaire : lettre de Flaubert à ?..., relation de l’auteur à sa créature. Je n’ai pas réussi à retrouver la date de la lettre, après avoir parcouru 1855 et 1856 in extenso). http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k26956x Une Madeleine sans transcendance : vision de l’homme et du monde désespoir et absence d’issue. http://flaubert.univ-rouen.fr/02manus/sepbov2.htm On peut proposer en conclusion à l’étude de ces quatre textes et à la lecture des textes complémentaires le sujet de dissertation suivant : Une critique contemporaine a évoqué dans un essai l’opéra comme « la défaite des femmes ». En vous appuyant sur vos lectures personnelles et sur les textes étudiés en classe, vous direz si l’on peut considérer le roman comme mise en œuvre de la défaite de l’héroïne. Autres lectures complémentaires possibles (pour le plaisir ou la réécriture) : Sylvère Monod (traducteur de Walter Scott, Dickens, Conrad) : Madame Homais (Belfond, 1988) Philippe Doumenc : Contre-enquête sur la mort d’Emma Bovary (Actes Sud, 2007) A. Orosco, avec Joane Jossart, Delphine Caron, Elizabeth Théobald, Danièle Goulet, deux collègues de Doullens et une de La Providence. Ecriture d’invention, les différentes pistes. Animateur : Alain Gascon, Lycée Michelis (Amiens) Compte rendu : Gilles Dubruque, Lycée Saint Rémi (Amiens) Contenu : réflexion sur l’enseignement et l’évaluation de l’écriture d’invention propre à ce nouvel objet d’étude ; variété des pratiques, critères. 1° Le BO met l’accent, dans la définition qu’il donne de cet exercice, sur le fait qu’il s’agit autant d’un exercice de lecture (du ou des textes supports) que d’un exercice d’écriture. 2° Travail autour de la typologie des sujets proposés dans les annales 0 Difficultés soulignées par la lecture des sujets: - nécessité pour l’élève de prendre de la distance (sujet 1, annales 0) ; - lacunes lexicales qui peuvent conduire à des contresens ; - « désacralisation » du texte support : jusqu’où peut-on aller, dans les transformations, sans dénaturer totalement le texte initial ? (cas du sujet 3 où il est demandé aux élèves de raconter l’accident arrivé à Marianne en adoptant le point de vue d’un témoin anonyme.) Echanges autour de la manière de préparer les élèves à cet exercice : - chacun s’accorde à dire qu’il s’agit d’un exercice difficile et que les élèves doivent être conscients de cette difficulté. - analyser différents sujets d’invention afin d’en saisir la richesse et la diversité mais également de dégager les contraintes inhérentes à chaque sujet. (ce qui induit que les contraintes imposées soient explicites) - assurer les connaissances en narratologie et en histoire littéraire (ce nouvel objet d’étude est en lien étroit avec la classe de seconde mais on constate que la maîtrise des élèves est très hétérogène.) 3° La question de l’évaluation Cette question a été abordée à partir du sujet 4 des annales 0 (séries générales) qui a été traité par des élèves et dont deux copies nous sont proposées : "Récrivez la scène décrite par Emile Zola (dans L’Assommoir) en adoptant le point de vue d’un des gardiens du musée commentant avec ses collègues le défilé de la noce dans les galeries du Louvre". - Remarques : il existe un décalage entre les attentes (adoption d’un point de vue interne, utilisation du discours indirect libre…) et les travaux des élèves. Par ailleurs, l’exercice de dialogue pose problème (pauvreté et banalité des échanges). Critères d’évaluation qui peuvent être retenus pour ce sujet : respect du texte initial exploitation du texte initial - invention dans le cadre des consignes - adoption du point de vue du gardien (qui induit l’utilisation des procédés du comique) présence du dialogue, du discours indirect libre. Des qualités d’expression sont observées dans les deux copies : comment les valoriser ? Doivent-elles prendre le pas sur les qualités attendues d’écriture ? 4° Les critères officiels d’évaluation Ils sont explicites et témoignent de l’équilibre à trouver entre l’évaluation de la lecture et celle de l’écriture (« à valoriser ») Piste de réflexion Face au niveau hétérogène des élèves dans la maîtrise de l’écriture, comment valoriser la lecture du sujet ? Les enseignants effectuent déjà un travail préparatoire avec les élèves sur le sujet, ses contrainte, mais serait-il possible alors de joindre à l’écrit d’invention un paragraphe dans lequel l’élève justifierait les choix qu’il a faits, paragraphe qui permettrait à l’élève d’être conscient de ses démarches ?