ANTOLOGÍA DE LA MATERIA DE DESARROLLO HUMANO 4
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ANTOLOGÍA DE LA MATERIA DE DESARROLLO HUMANO 4
ANTHOLOGIE DE LA MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 5 Automne 2012 1 TABLE DE MATIÈRES Programme Lectures 1. La personne dans une organisation. 2. La personne dans la philosophie de l’organisation. 3. Le travail dans le développement humain. 4. Les 7 habitudes des gens très efficaces. 5. La gestion des talents. Annexes Test pratique. Pp. 3 7 8 9 12 31 35 49 50 2 PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN V Automne 2010 Heures par semaine : 10 h. Durée du cours : trois semaines. Objectif général. L’étudiant sera capable d’identifier l’importance de se développer dans une organisation tout en respectant les normes et philosophie de cette institution. Il saura appliquer ses connaissances et potentiel pour atteindre ses objectifs. leçon 1 2 3 4 5 sujet étudié La personne dans une organisation. 1.1. Le département de gestion des ressources humaines. 1.2. Planification et contrôle de la gestion. 2. La personne dans la philosophie de l’organisation. 2.1. Le succès de la philosophie. 2.2. La relation entre l’association, l’entreprise collective et les membres dans une structure de type coopératif. 3. Le travail dans le développement humain. 3.1. Le sens du travail. 1. Révision générale. objectifs spécifiques Connaître le rôle d’une personne dans une organisation. activités Se placer dans une entreprise. Raconter des expériences vécues. matériel Anthologie, lecture basique, pp. 8. produit Incorporer le concept de « philosophie » dans la vie des élèves comme un élément recteur d’un comportement. Comparer les différentes philosophies de vie des élèves. Anthologie, lecture basique, pp. 8-9. Rechercher quels sont les départements qui composent une organisation. Être capable d’apprécier l’importance des éléments d’une organisation. Quels sont les éléments indispensables qui assurent le fonctionnement de l’ICUM ? Envisager son futur dans l’ambiance du travail. Anthologie, lecture basique, pp. 10-12. Rechercher philosophies entreprises gastronomie. Anthologie, lecture basique, pp. 12-14. Réflexion : quels sont les piliers de ma vie ? Comparaison avec ceux d’une organisation. Révision générale du Anthologie, Connaître travail. qu’est-ce le de trois trois de 3 Premier examen partiel. 6 3.2. L’évolution du concept du travail. Différence entre travail et emploi. Connaître l’histoire du travail à côté de l’évolution humaine. Pourquoi travaille-ton ? Travail et santé. Savoir la raison pour laquelle le travail est important dans la vie. Qu’est-ce que le sens du travail ? La centralité du travail. Qu’est-ce que représente le travail ? Reconnaître la signification du travail à nos jours. La cohérence du travail. 3.10. Stimuler l’engagement des employés. 3.11. Le modèle sociotechnique. Révision générale. Deuxième examen partiel. Connaître l’importance de l’engagement et du compromis dans le développement du travail. 3.3. 7 3.4. 3.5. 8 3.6. 3.7. 3.8. 9 10 11 12 contenu. 3.9. 4. Les 7 habitudes des gens très efficaces. 4.1. La pro activité. 4.2. « Commencer avec la fin en tête ». 4.3. « Mettre les premières choses en premier ». 4.4. Pensez « gagnantgagnant ». 4.5. Chercher tout d’abord à comprendre, ensuite à être compris. 4.6. Créer des synergies. Faire un axe du temps avec les périodes historiques et la forme de travailler. Réflexion : est-il vraiment indispensable de travailler ? lecture basique, pp. 8-14. Anthologie, lecture basique, pp. 14-16. Anthologie, lecture basique, pp. 17-21. Réflexion : qu’est-ce que le travail représente maintenant pour moi ? Et dans l’avenir proche ? Débat : Jusqu’où arrive l’importance des collaborateurs dans une organisation ? Anthologie, lecture basique, pp. 21-26. Révision générale du contenu. Anthologie, lecture basique, pp. 26-31. Reconnaître les « clefs au succès » Analyser les erreurs comme une voie d’apprentissage. Anthologie, lecture basique, pp. 16-31. Anthologie, lecture basique, pp. 31-33. Reconnaître les « clefs au succès » Débat : quels sont mes habits pour avoir du succès ? Anthologie, lecture basique, pp. 33-35. Réflexion : pourquoi suisje unique dans le monde ? Quels avantages représente cela ? Recherche sur les modes de production économique : comment gagnait-on l’argent autrefois ? Réflexion : comment balancer le travail pour qu’il n’affecte pas la santé et la vie privée ? Réflexion : que représente le travail pour ma famille ? Recherche sur les droits des employés et leur importance sur le développement d’un employé. Réflexion : quand et pourquoi est-ce que je considère que quelqu’un a eu du succès ? 4 13 14 15 4.7. Aiguiser votre lame. 5. La gestion des talents. 5.1. Émergence du management des talents. 5.2. Attitudes au travail et pratiques managériales « atypiques » 5.2.1. Le cas de Silicon Valley. 5.3. Les conditions d’existence du management des talents. 5.4. Qu’est-ce que le talent ? 5.4.1. Des facteurs « internes ». 5.4.2. Des facteurs « externes ». 5.4.3. Des facteurs « relationnels ». 5.5. La relation symétrique et duale entre individu et organisation. 5.6. L’économie du talent. 5.7. Le modèle du management des talents. Révision du cours. Troisième examen partiel. Connaître talent. qu’est-ce un Réflexion : quels sont mes talents ? Anthologie, lecture basique, pp. 35-39. Réflexion : comment puisje appliquer les 7 habitudes à mes affaires quotidiennes ? Être capable de gérer les talents propres. Lecture commentée : comment développer mes talents personnels ? Anthologie, lecture basique, pp. 40-47. Recherche : qu’un talent ? Révision de tout le cours. Anthologie, lecture basique, pp. 31-48. qu’est-ce 5 6 Évaluation. A. Note. Évaluation 1e partiel 2e partiel 3e partiel Examen final Total Rubrique Examen Exposé Devoirs Examen Exposé Devoirs Examen Exposé Débat Devoirs 40% 40% 20% 40% 40% 20% 40% 30% 30% 20% Valeur 20% 20% 20% 40% 100% Attention. Aucun examen n’est accumulatif, hormis le final. L’élève ne peut pas dépasser la quantité d’absences aux séances établie par l’Institut. La note minimale est 7,0. Il est obligatoire de se présenter avec tout le matériel didactique à chaque leçon. Il est indispensable de porter l’uniforme complet afin de pouvoir entrer à la classe. Bibliographie Anthologie du cours. Sources. Bourdieu, P, Les règles de l’art, Editions du Seuil, Paris 1992. Emery, M. Participative Design for Participative Democracy. Canberra, Centre for Continuing Education- Australian National University 1993. Emery, F. Future we are in. Leiden, Pays Bas, Martinus Nijhoff 1976. Netchum, L. D. & Trist, E. All Teams Are Not Created Equal. How Employee Empowerment Really Works. Newbury Park, Sage 1992. Morin, E. M. Stimuler la santé par le travail? Le cas des cadres supérieurs du Réseau de la santé et des services sociaux au Québec. 58e congrès du département des Relations industrielles de l’Université Laval. Santé mentale et travail. L’urgence de Penser autrement l’organisation. Québec, 6 mai 2003. Morin, E. M. Le sens du travail pour des gestionnaires francophones. Revue Psychologie du travail et des organisations, 3 (2 et 3), (paru en 1998), 26-45. Morin, E. M. L’efficacité organisationnelle et le sens du travail. In : T. C. Pauchant et coll. (coord.), La quête du sens. Gérer nos organisations pour la santé des personnes, de nos sociétés et de la nature, Montréal, Québec/Amérique, et Paris, Éditions de l’organisation, Collection Manpower, 257-286 1996. Morin, E. M. & Cherré, B. Les cadres face au sens du travail, Revue Française de Gestion, 126, 83-93 1996. Sources électroniques. http://devenir-consultant.fr http://www.cepes.uh.cu http://www.frontiercollege.ca http://www.santepsy.ulaval.ca 7 LECTURES 8 1. LA PERSONNE DANS UNE ORGANISATION Compte tenue de l’importance de la personne dans une organisation, puisqu’elle est le cœur de n’importe quelle institution, il faut toujours être capable d’analyser son rôle et son importance. Dans une entreprise le département chargé de l’analyse pour le recrutement du personnel et la maintenance de l’ordre dans l’organisation est le département de gestion des ressources humaines. 1.1. Le département de gestion des ressources humaines. La gestion des ressources humaines est un ensemble de pratiques ayant pour objectif de mobiliser et développer les ressources humaines pour une plus grande efficacité et efficience, en soutien de la stratégie d'une organisation. C’est une activité essentiellement fonctionnelle de l'entreprise, de nature transversale par opposition à une activité hiérarchique. En simplifiant, elle se divise en deux grandes branches : d'un côté l'administration des ressources humaines (paie, juridique, contrat etc.) qui est une activité plus verticale. et de l'autre le développement des ressources humaines (gestion des carrières, gestion des compétences, recrutement, formation etc.) qui est de plus en plus souvent partagée avec les managers opérationnels. 1.2. Planification et contrôle de la gestion. Dans les années 90, des concepts jaillissent et complémentent la théorie administrative : stratégie, structure et culture. L’adaptation des ressources et habiletés de l’organisation s’envisage comme indispensable dans une entreprise ou organisation. Ceci à cause du contexte 9 changeant et afin de profiter les opportunités tout en évaluant les risques selon les buts et objectifs poursuivis. À ce moment-là déjà les stratégies se cherchaient en commençant par le générique pour aller au spécifique. Aujourd’hui on peut considérer qu’une stratégie est des actions o upas qu’une entreprise doit faire pour atteindre ses objectifs et mission. De nombreuses études ont déterminé que beaucoup d’entreprises, dans de différentes périodes ou de différents contextes ont plus de succès si elles emploient une gérance stratégique. Les entreprises ayant une planification stratégique formelle surpassent celles qui l’ont informellement. 2. LA PERSONNE DANS LA PHILOSOPHIE DE L’ORGANISATION. La philosophie d’une entreprise représente un processus par lequel la haute direction montre ses valeurs et croyances à ses membres, la manière sur laquelle on conduira les politiques de l’entreprise, et la manière d’agir de l’entreprise devant ses fournisseurs, clients, actionnaires, employés, société, gouvernement et publique général. Avec la philosophie de l’organisation on établit un guide de comportement afin d’agir de la même façon avec tous les acteurs-relations avec l’entreprise. Elle est une déclaration permanente qui normalement est créée par la personne qui gère l’organisation. La philosophie peut être vue dans une manifestation écrite et/ou avec le comportement du (de la) responsable de l’organisation. Elle doit toujours être appliquée, même si les circonstances ou les crises éventuelles posent des barrières. 2.1. Le succès de la philosophie. On pourra considérer qu’une entreprise a eu du succès lorsqu’elle a été capable de transmettre ses idéaux à ses membres. Toute sorte d’organisation a 10 besoin d’une synergie de ses membres, afin qu’elle puisse atteindre ses buts collectifs. Le rôle du département des ressources humaines est capital dans ce point, puisqu’il doit être le garant de l’application de la philosophie dans toutes les actions de l’entreprise. Analysons, donc, cette image et réflexion. 2.2. La relation entre l’association, l’entreprise collective et les membres dans une structure de type coopératif. La figure empruntée de l’ouvrage présente les trois piliers d’une entreprise collective. On peut le comparer à un petit tabouret à trois pieds. Lorsqu’un un des trois piliers casse il est pratiquement impossible qu’il reste debout ! Le premier pilier est constitué par les membres – dans ce cas économiquement actifs - qui d’une part sont des adhérents de leur association actionnaires et d’autre clients des part des services marchands. Le deuxième pilier est le groupement des producteurs poussés par des motivations associatives, solidaires autres que le bénéfice pécuniaire. Ici l’union, la concorde font leur force et les rend incontournables. Le troisième pilier est l’entreprise coopérative fournisseur de services concurrentiels (rapport prix/qualité intéressant) à ses « clients ». Il s’agit de l’acteur entrepreneurial actif sur le marché. 11 Le tout est interconnecté par un système de règles qui assure la cohésion entre les trois pivots du siège. Si l’un des trois casse, évolue à une vitesse différente ou se sépare du reste, le tout devient instable et finalement tombera. Le rapport entre chacun des trois éléments doit être bénéfique et ce de manière réciproque. Par exemple la relation de l’individu est différente vis-à-vis de son groupement qu’envers sa coopérative. Le lien 1 : Le client cherche auprès de l’entreprise des produits qu’il achètera à bon prix et qui l’aideront à développer son entreprise, puisque c’est là qu’il trouve ses revenus (pas en premier lieu dans les ristournes). Il s’attend à un prix honnête, pour une qualité appropriée recherchée, disponible dans les délais et en quantités voulues et éventuellement à crédit. C’est-à-dire, le client a une relation avec l’entreprise pour améliorer la société en demandant un meilleur service à chaque entreprise, de cette manière l’entreprise et la société en général se développent en même temps et les expectatives des personnes remontent. En contre partie l’entreprise vend à un prix rentable à des nombreux clients fidélisés et loyaux, qui ne cherchent pas à la tromper ni à l’endetter jusqu’à causer des problèmes de trésorerie. Assuré d’un marché fidèle et loyal l’entreprise pourra travailler à une échelle qui le permet d’atteindre son seuil de rentabilité. C’est-à-dire, l’entreprise reconnaît l’effort fait par la société en lui offrant de bons prix pour se faire gagner une clientèle fidèle. Le lien 2 : Le membre attend de son association des avantages sociaux autres que financiers. Il ne payera pas ou symboliquement pour ces services. Le membre reçoit les avantages suivants : un cadre d’échange d’idées pour l’amélioration de son entreprise et au-delà ; des formations professionnelles subventionnées ; une solidarité en dehors du système de crédits lors des moments difficiles ; un coup de pouce (moral et matériel) lors du démarrage d’une nouvelle activité ; une cogestion effective et démocratique des affaires de l’association ; une copropriété pour la partie de la richesse à laquelle il a contribué. Maintenant on parle du client interne ou des membres de l’entreprise. 12 Pour ce lien on étudie la relation qu’il y a entre l’entreprise comme ensemble d’actionnaires et les membres comme ensemble de travailleurs ; quand les travailleurs réalisent bien leurs travaux et le font de la manière correcte, l’entreprise devra leur répondre en leur donnant des avantages sociaux, tels que : la sécurité sociale – IMSS au Mexique –, des emprunts pécuniers pour construire les maisons des membres – INFONAVIT au Mexique – et d’autres qui représentent un aide de la part de l’entreprise envers ses travailleurs. En contrepartie il participe bénévolement aux activités, il défend les intérêts de la coopérative contre les « prédateurs » divers, il se mobilise pour réaliser des apports en nature, il paye des parts sociales, il contribue gratuitement avec des idées constructives, il fait jouer son réseau social (capital social) pour obtenir des appuis, etc.… C’est-à-dire, lorsque le travailleur reçoit un soutien de la part de l’entreprise, il lui répondra en lui offrant son engagement et sa fidélité, comme dans une équipe de football. Le lien 3 : L’entreprise génère des bénéfices dont l’association dispose. L’association investira une partie pour entretenir le lien 2. L’entreprise doit donc veiller à ce qu’il y ait des marges et éviter à vendre au prix de revient aux clients. Il faut respecter un bon équilibre entre d’une part les services aux individus – éventuellement des tarifs différentiels entre membres et clients nonmembres – et la rentabilité de l’ensemble. L’association ne pourra garantir et stimuler la loyauté des membres vis-à-vis de leur coopérative que si elle peut offrir d’autres avantages, comme des formations, une caisse de solidarité, etc. En contrepartie l’assemblée générale doit veiller à ce que l’entreprise ait un gérant et équipe complète de personnes dévouées et motivées avec des moyens adéquats pour fonctionner de manière viable dans un contexte de concurrence libre. Écrémer tous les bénéfices et rendre tout investissement et donc développement de l’entreprise impossible prépare sa mort ! L’AG doit donc déléguer des pouvoirs à un conseil d’administration qui est un véritable allié de la direction de l’entreprise. C’est-à-dire, tout l’ensemble de l’entreprise doit chercher le même but et représenter un seul corps devant la société. 13 3. LE TRAVAIL DANS LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (Comprend des extraits de l'article “DONNER UN SENS AU TRAVAIL”, par Estelle M. MORIN) Dans cette partie nous nous pencherons sur la relation entre travail et développement humain. À partir de cela, nous serons mieux à même de comprendre comment le bien être d'un individu dans son contexte professionnel peut contribuer à l'exercice effectif de son travail. Nous nous efforcerons d'approfondir des notions introduites lors des cours précédents – Psychologie Industrielle – afin de mieux saisir les sujets traités dans cette partie. Le travail joue un rôle important dans le développement de la personne. À prime abord, il lui permet d’assurer sa subsistance, c’est certain, mais ce n’est pas là son seul intérêt. Le travail est avant tout une activité par laquelle une personne se définit, s’insère dans le Monde, actualise son potentiel, et crée de la valeur, ce qui lui donne, en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à sa vie. Qu’est-ce que le travail ? Qu’est-ce qui lui donne du sens ? Comment peut-on organiser le travail pour qu’il ait un sens, préserve la santé des employés et stimule leur performance au travail ? C’est à ces questions que ce document tentera de répondre. 3.1. Le sens du travail. Il faut bien admettre que nous n’avons jamais réellement posé la problématique du travail dans le contexte de l’existence humaine ; nous avons surtout adressé le problème de l’emploi, dans une perspective économique et sociologique, avec des méthodes positivistes et quantitatives. C’est James Hilmand qui, dans ses réflexions sur le travail, pose ces questions troublantes. Je veux simplement parler du travail comme d’un plaisir, comme d’une gratification instinctuelle — au lieu d’en parler comme d’un droit, « le droit au travail », ou comme d’une nécessité économique, ou comme un devoir social, 14 ou comme une pénitence imposée à Adam après qu’il eut été chassé du paradis terrestre. Les mains veulent faire des choses et l’esprit aime à s’y appliquer. Le travail est vital, irréductible à quelque autre valeur. Nous ne travaillons pas pour ramasser le fruit de la cueillette, pour acquérir du pouvoir dans la tribu, pour acheter une nouvelle voiture, et ainsi de suite. S’il apparaît qu’il y peu d’intérêt pour l’étude des caractéristiques du travail, il semble toutefois y avoir une certaine curiosité au cours des trois dernières années, à en juger par l’accroissement relatif du nombre de publications sur ce sujet. Or, faut-il se rappeler ce que Sigmund Freud lui-même affirmait : le travail, comme l’amour, est une nécessité vitale pour le développement de la personne et de la société démocratique. Ses portées sont à la fois matérielles, sociales, économiques, psychologiques, psychiques et biologiques. Il est temps de s’intéresser sérieusement au travail, à ce que signifie l’activité même du travail dans l’existence des personnes. 3.2. L’évolution du concept de travail. La conception qu’on a du travail est intimement associée aux fondements idéologiques et religieux des civilisations, ainsi qu’au développement de la technologie. D’après Fox (1980), trois périodes historiques ont marqué la notion du travail. Dans les sociétés dites primitives, la cueillette, la chasse et la pêche étaient les principales formes de travail. Dans les sociétés dites traditionnelles, les communautés avaient tendance à être plus sédentaires ; il s’ensuivit le développement de l’agriculture, la formation de gouvernements plus centralisés, et des modes de fabrication plus rationnels et plus complexes. Avec l’avènement de l’industrialisation, les structures d'autorité et les systèmes de gestion de la main-d'œuvre devinrent encore plus complexes. L’organisation du travail encouragea la spécialisation des compétences et renforça les caractères utilitaires du travail. Durant les deux premières périodes, le travail faisait partie intégrante des autres activités de la vie quotidienne, comme le sont la famille, les loisirs et la spiritualité. C’est le développement de la société industrielle qui 15 entraîna la dissociation et l’émiettement du travail. Weil (1949) va même jusqu’à dire que notre civilisation moderne, dont nous sommes si fiers, est malade de ne pas savoir quelle place ou quelle valeur accordée au travail physique et à ceux qui l'exécutent. Cette philosophe engagée rappelle le sens du travail dans la Genèse. Le caractère pénal du travail, indiqué par le récit de la Genèse, a été mal compris faute d'une notion juste du châtiment. On lit à tort dans ce texte une nuance de dédain pour le travail. Il est plus probable qu'il a été transmis par une civilisation très antique où le travail physique était honoré par-dessus toute autre activité. Plusieurs signes indiquent qu’il y a eu une telle civilisation, qu'il y a très longtemps le travail physique était par excellence une activité religieuse et par suite une chose sacrée. Les Mystères, religion de toute l’Antiquité préromaine, étaient entièrement fondés sur des expressions symboliques du salut de l’âme tirées de l'agriculture. Le même symbolisme se retrouve dans l’Évangile. (...) En tout cas, toutes les traditions religieuses de l’Antiquité, y compris l’Ancien Testament, font remonter les métiers à un enseignement direct de Dieu. Les observations de Firth (1948) vont dans le même sens. Cet anthropologue montre que, dans des sociétés dites primitives, le travail impliquait essentiellement une variété d’incitatifs comme la récompense de l'effort qu'apportent les produits fabriqués, le prestige social associé à la reconnaissance de la compétence et la création d'un réseau social supportant l'individu. Dans les sociétés primitives, le travail impliquait une forme d’organisation qui permettait la répartition des tâches selon les compétences individuelles et la coordination des activités en vue d'accomplir quelque chose d’utile à la communauté et à l’individu. Il supposait aussi l’exercice d’un leadership pour initier et diriger les activités, le recours à des contrôles pour ajuster la progression du travail et des normes techniques pour assurer la qualité de l’exécution. 16 Avec l’avènement de l’industrialisation, le travail et ses modes d’organisation se sont considérablement transformés. Le travail est dorénavant organisé selon le principe d’efficience, instaurant des routines et des réponses mécaniques à des commandes opérationnelles. Les relations humaines se sont imprégnées de l’économique et de la technique, abrogeant le social tout autant que le spirituel. Firth (1948) établit la principale différence entre les sociétés primitives et les sociétés développées dans le rapport du travail aux autres activités de la vie et dans la nature des rétributions qui lui sont associées. Par exemple, dans les sociétés primitives, les rétributions du travail prenaient une variété de formes : 1. Une rétribution matérielle (manger, boire, chaleur), 2. Une sécurité (c’est-à-dire une stabilité et un support dans l’environnement social), 3. Une activité physique et mentale (qui agit comme un stimulant), 4. Une variété d’expériences (qui agit aussi comme un stimulant), 5. Une expérience esthétique, c’est-à- dire qui procure du plaisir à celui qui l’accomplit, 6. La reconnaissance et le prestige social, 7. La création de liens d’amitié, et 8. Le service à autrui. Dans les sociétés industrialisées, les rétributions sont souvent limitées au salaire et aux avantages sociaux (régime de retraite, congés divers, assurances collectives, etc.). 3.3. Différence entre travail et emploi Quand on songe au travail, on pense souvent à l’emploi. C’est vrai qu’à bien des égards, le travail et l'emploi ont beaucoup de caractéristiques en commun. Toutefois, ce sont des notions différentes, et la confusion qui règne à leur sujet a causé beaucoup de malentendus dans la recherche. Cette confusion provient en grande partie de l’évolution de la conception du travail, du moins dans les sociétés occidentales. Le travail est une notion qui comporte plusieurs définitions. Brief et Nord (1990) soutiennent que le seul élément qui rallie les multiples acceptions soit une 17 activité qui a un but (purposeful activity). Généralement, on le définit comme une dépense d'énergie à travers un ensemble d'activités coordonnées visant à produire quelque chose d'utile (Firth, 1948; Fryer et Payne, 1984; Shepherdson, 1984). Il peut être agréable ou désagréable, et il peut être associé ou non à des échanges de nature économique. Il peut être exécuté ou non dans le cadre d'un emploi. D’après les entrevues réalisées par Fryer et Payne (1984), le travail serait une activité utile, déterminée par un but défini au-delà du plaisir engendré par son exécution. L’emploi, c’est l’occupation de l’individu définit par l’ensemble des activités rétribuées, dans un système économiquement organisé. Selon Fryer et Payne (1984), l’emploi implique des relations d'échanges institutionnalisées. Il est aussi associé à une rétribution sous forme de salaire. Il implique souvent le consentement de l'employé à laisser quelqu’un d’autre lui dicter la nature de son travail et la manière de l’exécuter. 3.4. Pourquoi travaille-t-on? Firth (1948) soutient que le travail ne doit pas impliquer seulement des relations fondées sur les exigences techniques et économiques; il doit également impliquer un ensemble de relations fondées sur les nécessités humaines et sociales sans quoi on met en péril le sain développement de la société. En effet, le caractère des relations qu’entretiennent les individus a un effet important sur leur décision de s’engager dans leur activité productive et sur la qualité de leur production. Brief et Nord (1990) arrivent aux mêmes conclusions : donner au travail le sens d’une activité que l'individu fait pour gagner un salaire, entraîne des conséquences fâcheuses autant personnelles qu’institutionnelles. En outre, cette restriction du sens du travail à son aspect économique engendre ou renforce les rapports contractuels entre l’individu et l’organisation qui l’emploie, conférant une importance à la rémunération au détriment de l’esprit de service et de communauté. Elle dévalue également les activités non-rémunérées comme le bénévolat et le travail domestique ; celles-ci n’étant plus considérées comme du travail, elles ne sont plus reconnues. Au niveau institutionnel, cet 18 usage de la notion de travail crée également une situation où le traitement salarial attire plus l’attention des négociateurs que le traitement des relations humaines dans l’organisation ou le traitement psychologique qu’y trouvent les individus. Quoiqu’on en dise, le travail est une activité très importante pour les humains et pour la société. Le travail est avant tout une activité par laquelle une personne s’insère dans le monde, exerce ses talents, se définit, actualise son potentiel et crée de la valeur qui lui donne, en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à sa vie. Erich Fromm (1975) écrit : La conscience que l’homme a de lui-même, comme vivant dans un monde étranger et tout-puissant, et le sentiment d’impuissance qui en résulte pourrait facilement le submerger. S’il s’éprouvait comme entièrement passif, comme pour un pur objet, il perdrait le sens de sa propre volonté, de son identité. Pour compenser cela, il doit acquérir le sentiment d’être capable de faire quelque chose, de remuer quelqu’un, de marquer son empreinte, ou, pour utiliser le mot anglais le plus juste d’être effective (efficace). On se sert aujourd’hui de ce mot à propos d’un orateur ou d’un vendeur « efficace » pour désigner celui qui réussit à obtenir des résultats. Mais c’est une altération de sens originel de to effect (effectuer) du latin ex făcěre, faire. [...] C’est, en dernière analyse, la preuve qu’on est. Le principe peut être exprimé ainsi : je suis, parce que j'effectue. (pp. 249-250) Parce qu’il permet à la personne de produire des résultats qui lui sont singuliers, parce que ses produits sont utiles, servent à quelque chose, le travail permet à la personne de faire la preuve de son existence, de se reconnaître et d’être reconnue. En raison de ses routines et de sa quotidienneté, le travail est aussi un formidable moyen de gérer l’angoisse du vide. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à écouter la détresse des gens qui se retrouvent au chômage du jour au lendemain, ou encore celle des personnes qui prennent leur retraite à un âge précoce. 19 3.5. Travail et santé Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2001); la santé n’est pas que l’absence de maladie ou de déficience, c’est aussi un état de bien-être physique, mental et social. Elle définit également la santé mentale comme un état de bien-être qui permet à la personne de se réaliser et de s’ajuster aux exigences normales de la vie, qui lui permet également de travailler de manière efficace et productive, et d’apporter ses contributions à sa communauté. L’OMS rapporte plusieurs facteurs déterminants de la santé mentale. Par exemple, elle relate des facteurs socio-économiques et de l'environnement, comme le chômage, la pauvreté, le niveau d’éducation, la situation du pays, etc. La vulnérabilité des personnes qui vivent dans des conditions défavorables peut être accrue par des conditions déficientes d’hygiène de vie, le sentiment d’insécurité, le désespoir, l’exposition à des mouvements sociaux radicaux, l’exposition à des risques de violence et de maladies. L’OMS indique aussi que la santé mentale est associée aux comportements des personnes. Par exemple, la consommation d’alcool et de drogues, les comportements violents, les comportements abusifs, etc. affectent la santé mentale. Également, des problèmes de santé physique comme des troubles cardiovasculaires, des problèmes neurologiques ou physiologiques peuvent entraîner des troubles de santé mentale. Enfin, l’OMS reconnaît enfin que le travail et les conditions dans lesquelles il s’accomplit ont un impact sur la santé mentale, notamment le stress, l’iniquité, les pratiques discriminatoires, etc. À cette liste de facteurs, il faudrait ajouter le sens que donne un individu à son travail. Les facteurs de souffrance au travail ont été clairement déterminés par les travaux sur le stress au travail (Karasek et Theorell, 1990; Kasl, 1992; Dejours, 1993; Davezies, 1999). Ce sont généralement : la charge et le rythme de travail ; les horaires de travail (horaires rotatifs, horaires variables, horaires 20 imprévisibles, horaires de nuit, nombre d’heures de travail) ; le futur de l’emploi (sécurité) ; la reconnaissance et le soutien ; l’autonomie et l’exercice des compétences. Lorsqu’ils sont inadéquats, ces facteurs peuvent engendrer des problèmes de santé affectant la capacité des personnes à travailler. Ils constituent donc la cible de la prévention de la maladie et de la détresse psychologique dans les milieux de travail. Les facteurs de plaisir au travail sont moins connus et reconnus dans les milieux de la recherche. Nos enquêtes sur la qualité de vie au travail nous ont permis d’en déterminer plusieurs : les occasions d’apprentissage et de développement ; l’utilité sociale du travail ; la rectitude morale des processus, des pratiques et des résultats ; la qualité des relations (connections positives). Ce n’est que depuis récemment (depuis 20 ans) que l’on apprécie à sa juste valeur l’importance du travail pour préserver et stimuler la santé des personnes. Et c’est encore plus récemment que des gestionnaires reconnaissent les impacts que peut avoir le travail sur la santé. Aux États-Unis d’Amérique, le premier recensement des écrits sur cette question est à notre connaissance celui de Danna et Griffin datant de 1999. Pourtant, on continue de gérer le travail de façon à produire des résultats financiers attendus, mais pas nécessairement pour réaliser la raison d’être de l’organisation qui rend légitimes ses activités, ni pour contribuer au développement des personnes ou celui de la société. Se posent alors des questions éthiques importantes mettant en cause le travail dans ces organisations. En effet, le travail est déshumanisé dans beaucoup d’entreprises, y compris celles des services publics : les personnes sont des ressources, les temps de travail sont réduits à l’état d’urgence, les rythmes de travail s’accélèrent, les frontières entre les espaces et les sphères de l’existence se fondent et se confondent, le travail lui-même devient incertain et, quant à l’avenir, encore plus incertain. Encore aujourd’hui, des soupirs d’impatience, d’impuissance voire de résignation se font entendre à tous les paliers des organisations. Cependant, il est grand temps d’y voir, car les problèmes de santé engendrés par le travail ou 21 les conditions dans lesquelles il s’effectue augmentent à tel point que cela pourrait devenir un problème de santé publique. Dans les organisations, nombre d’efforts ont été faits au cours des dernières années pour soulager la souffrance, notamment par le biais des programmes d’aide aux employés. Beaucoup de programmes ont été mis en place pour aider les gens à reconnaître les signes et les symptômes du stress avant que la situation ne s’aggrave, grâce à des programmes de mieux-être, des activités de sensibilisation, des séminaires de perfectionnement ou des politiques d’hygiène de vie et de promotion de la santé. Ces efforts ont essentiellement porté sur le développement de stratégies individuelles pour faire face au stress ou pour recouvrer la santé. Il faut féliciter les employeurs qui ont eu le courage de soutenir ces programmes et qui veillent à les enrichir. Cependant, le problème de santé au travail qui existe actuellement et qui tend à se répandre ne sera pas endigué tant et aussi longtemps que les facteurs qui sont à son origine ne seront pas déterminés, reconnus et corrigés. Le National Institute for Occupational Safety and Health émettait déjà cette opinion en 1990 (Sauter et al. 1993). S’il est juste que les problèmes de santé des employés peuvent être engendrés par des dispositions personnelles, des styles de vie désorganisés, ou des problèmes personnels, il est temps de reconnaître également qu’ils peuvent aussi être engendrés par des problèmes d’organisation du travail et des mauvaises conditions de travail. La fièvre des restructurations et des rationalisations des entreprises s’est accompagnée de la perte de sens dans les organisations (Pauchant et coll. 1996). De quoi s’agit-il au juste? 3.6. Qu'est-ce que le sens du travail ? Yalom (1980) définit le sens en se référant à la cohérence, à l'intention qui est exprimée par quelque chose. La quête de sens implique une recherche de 22 cohérence. Yalom fait la différence entre le sens et le dessein (purpose); ce dernier terme a pour référent l'intention, le but, et la fonction. Il distingue également entre le sens et la signification (significance); bien que ces deux termes soient interchangeables, la notion de signification implique l'idée d'importance ou de conséquence, du moins en anglais. La notion de signification met en évidence les valeurs qui sous-tendent le sens de même que les résultats auxquels l'individu aspire. D'après Weisskopf-Joelson (1968), il est nécessaire que l'individu maintienne une cohérence entre les sphères privée (intérieure) et publique (extérieure) de sa vie pour qu’il puisse trouver du sens dans le travail. Il semble que ce soit une condition sine qua non d’engagement personnel dans divers projets de vie, dans les causes qu'il doit servir. Il semble que l'individu a besoin d'une histoire, d'un système de croyances qui lui permette de comprendre et d’interpréter plusieurs, sinon tous, les aspects de sa vie, pour qu’il y trouve du sens. En dernier lieu, la présence d’un but ou d’une cause qui transcende la vie de l'individu, ou qui embrasse une grande période de sa vie, constitue une autre composante du sens. La recherche de Frankl (1969) tout comme celle de Yalom (1980) appuient cette proposition. Brief et Nord (1990) affirment que le sens de toutes les activités humaines est obtenu de deux sources : la compréhension et l’intention. À celles-ci, il semble qu’il soit utile de considérer la cohérence. Brief et Nord (1990) expliquent qu'il est possible de comprendre l’interprétation qu’il fait de son travail et ses intentions à propos de son travail en mettant au jour les facteurs de son développement personnel et de la perception de sa propre histoire (en termes des événements qui l’ont marqué et de ses besoins passés, présents et futurs). Il faut toutefois reconnaître que d’autres facteurs méritent aussi d’être envisagés comme pouvant déterminer le sens du travail. C’est le cas notamment de l’idéologie dominante et la socialisation, des normes sociales, la technologie, l’économie, et bien entendu, le langage lui-même. 23 3.7. La centralité du travail Dans les années soixante, on a forgé l’expression « la société des loisirs » pour caractériser cette époque où les loisirs étaient mis de l’avant comme activités de développement et d’épanouissement personnel. Cela en a conduit plusieurs à croire que la place occupée par le travail dans la vie des gens était dévalorisée au profit des loisirs. Or, il semble que cela ne soit pas le cas. Morse et Weiss (1955) ont posé la question suivante à 401 personnes ayant des emplois variés (professionnels, managers, vendeurs, ouvriers spécialisés et non-spécialistes, fermiers, etc.) : Si vous héritiez suffisamment d’argent pour vivre confortablement sans travailler, pensez-vous que vous travailleriez de toute façon ou non? Quatre-vingts pourcent (80 %) ont répondu qu’ils continueraient de travailler. Les raisons qu’ils donnent pour justifier leur réponse sont par exemple, le travail les tient occupés; il leur donne un intérêt; C’est bon pour la santé; c’est agréable de travailler. Morse et Weiss (1955) ont retenu trois observations de cette enquête : (1) le travail n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie pour la majorité des travailleurs, (2) il ne faut pas être près de la retraite, ni menacé de perdre son emploi pour savoir ce que le travail signifie pour soi, et (3) le travail remplit d’autres fonctions que la fonction économique. D’après ces chercheurs, le travail donne à l’individu le sentiment d’appartenir à une plus grande société, d’avoir quelque chose à faire et d’avoir un but dans la vie. Cette enquête fut reprise par Tausky (1969), cette fois avec 100 cols bleus. Il a trouvé que 82 % d’entre eux continueraient de travailler de toute façon. En 1974, avec Kaplan, Tausky a repris cette étude. Leur échantillon consistait alors en 275 individus sans emploi, inscrits à un programme d'emploi de la Nouvelle Angleterre. Ils ont posé la question précédente, formulée d'une façon appropriée. Kaplan et Tausky (1974) ont obtenu 80 % de réponse positive. Vecchio (1980) a révisé cette question, pensant qu'un élément de rêve pouvait biaiser la réponse. Il a plutôt demandé : Si vous aviez assez d'argent pour vivre confortablement, de la façon qui vous plaît, le reste de votre vie, continueriezvous de travailler ou arrêteriez-vous de travailler? Des 1 099 personnes 24 interrogées, 72,2 % ont répondu qu’elles continueraient de travailler de toute façon. Gini et Sullivan (1987) rapportent une recherche effectuée en 1983, à l’Université du Kentucky, auprès de 7 281 adultes et trouvent un pourcentage de 64 % de répondants qui continueraient de travailler. L’équipe internationale de recherche sur la signification du travail (MOW, 1987) ont obtenu un pourcentage de 86,1 (de 9 290 sujets). La consistance de ces résultats à travers le temps indique clairement que le travail est important dans la vie pour la majorité des individus. Maintenant, est-ce que cela implique que le travail occupe une place centrale par rapport aux autres activités de la vie ? C’est ce que Dubin a voulu savoir. Dubin (1956) a mis au point le questionnaire Central Life Interests, comprenant 40 énoncés, et mesurant les préférences exprimées par le sujet pour accomplir une activité dans un lieu ou une situation qu'il définit comme étant soit celui du travail ou en-dehors du travail. Quatre aspects de l'expérience du travail sont évalués : la possibilité de créer des liens d'amitié, le plaisir procuré par l'activité, l'appartenance à l'organisation et le rapport à la technologie. Dubin (1956) a mené son enquête auprès de 491 ouvriers d'usine. Selon ses résultats, seulement 24 % des ouvriers situent le travail au centre de leur vie. Ces résultats ont par contre soulevé beaucoup de controverses, car d’autres chercheurs ont trouvé des résultats forts différents dans d’autres échantillons. Par exemple, Orzack (1959) a interrogé 150 infirmiers; 79 % des répondants situaient le travail au centre de leur vie. Il explique ce résultat par les caractéristiques des identités professionnelles étudiées. Maurer (1968) a également obtenu des résultats qui infirment ceux de Dubin (1956), cette fois chez 111 superviseurs dans l'industrie. Mannheim et Cohen (1978) ont construit une échelle composée de 7 énoncés pour mesurer la centralité du rôle du travail chez les individus. Le contenu de cette échelle est le suivant : 1. L'intérêt pour le travail, 2. L'importance de réussir au travail, 25 3. La présence de préoccupations non-reliées au travail, durant la période de travail, 4. La présence de préoccupations reliées au travail, en-dehors des heures de travail, 5. L'importance d’être au courant de ce qui se passe au travail, 6. La juste répartition du temps entre le travail et le non-travail, et 7. L'intériorisation des rôles associés au travail. D'après leurs résultats, la centralité du travail varie surtout en fonction des perceptions qu'ont les employés de leur emploi et plus particulièrement des caractéristiques de leur travail. La centralité du travail pourrait ainsi être déterminée par le sens que donnent les sujets à leur travail. 3.8. Qu'est-ce que représente le travail? À partir des études menées sur la centralité du travail, England et Whiteley (1990) font trois propositions. Premièrement, le travail est important et significatif pour la majorité compte tenu du temps que chacun y consacre dans sa propre vie. Deuxièmement, le travail permet d'obtenir des résultats autant économiques que psychosociaux. Troisièmement, le travail est associé avec d'autres aspects importants de la vie quotidienne comme la famille, les loisirs, la religion et la communauté. La représentation du travail a également été étudiée par le biais des attitudes à l’égard du travail. Wrzesniewski, McCauley, Rozin et Schwartz (1997) ont en effet trouvé trois attitudes typiques concernant le travail : l’emploi, la carrière et la vocation. Ce résultat s’appuie sur les travaux de Bellah et al. (1985). Il y a des personnes pour qui le travail est un emploi. Elles ont tendance à penser que le travail est un moyen de gagner sa vie. Elles n’ont pas d’autre attente que celle d’obtenir un salaire et des avantages sociaux en échange de leur temps et de leurs efforts. Le travail est plutôt un mal nécessaire qui assure les revenus suffisants pour profiter de la vie en dehors du travail. 26 Il y a des personnes pour qui le travail est une carrière. Elles ont tendance à croire que ce qu’elles font dans leur travail leur permettra d’avancer dans leur plan de carrière et d’atteindre leurs objectifs professionnels. Elles ont ainsi tendance à investir beaucoup d’énergie dans leur travail afin d’obtenir l’avancement qu’elles convoitent et elles n’hésitent pas à adopter des attitudes de compétition pour se tailler la meilleure place au sein de l’organisation. Les opportunités d’avancement, les primes au mérite, les concours stimulent leur intérêt, car ils attisent leur goût pour l’accomplissement et le dépassement. Il y a aussi des personnes pour qui le travail est une vocation. Elles ont tendance à concevoir le travail comme une activité essentielle qui leur permet de s’accomplir et de contribuer à leur communauté. Travailler leur procure du plaisir et de la gratification. D’après les enquêtes qu’a réalisées Wrzesniewski et al. (1997), les personnes qui ont une attitude « vocation » sont en meilleure santé et trouvent plus de satisfaction dans leur travail que les autres. Cela s’expliquerait par le fait que ces personnes ont tendance à se donner des défis dans l’accomplissement de leurs tâches. À partir de ces observations, Wrzesniewski et Dutton (2001) ont proposé le concept « fabriquant d’emploi » (job crafter) pour désigner le phénomène par lequel l’attitude typique d’une personne à l’égard du travail la conduit à percevoir son emploi d’une certaine consistante avec son attitude et par conséquent, à lui attribuer le sens correspondant. Ainsi, le sens qu’un sujet donne au travail serait en partie déterminé par son attitude typique à l’égard du travail en général. 3.9. La cohérence du travail Le sens du travail peut être conçu comme un effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, le degré d’harmonie ou d’équilibre qu’il atteint dans sa relation avec le travail. Le concept de cohérence, développé surtout en psychologie existentielle (Yalom, 1980), peut être apparenté à celui de la consistance (Heider, 1946) ou à celui de la congruence (Osgood et Tannenbaum, 1955) : les idées que l’on a à propos de quelque chose tendent à 27 s’organiser en systèmes d’équilibre et, par conséquent, toute incohérence entraîne des activités (intellectuelles, émotionnelles, comportementales, etc.) pour réinstaller l’équilibre. La cohérence que le sujet trouve dans son rapport au travail lui procure un sentiment de sécurité psychologique et de sérénité qui l’aidera à faire face aux épreuves que comporte inévitablement l’exercice même de ses fonctions. Yalom (1980) soutient que l’être humain à besoin de sens pour comprendre et interpréter ses expériences dans le monde et pour se définir les valeurs sur lesquelles il pourra fonder ses actions. Ce psychiatre affirme également que le sens est nécessaire à l’hygiène mental de l’être humain : l'individu a besoin d’une raison d’être, d'avoir un but, des valeurs ou des idéaux, sans lesquels il connaîtrait une condition de détresse que Frankl (1967) qualifie de spirituelle. Ces absolus inspirent ses attitudes et ses conduites et lui servent de guides d'actions. En soi, le monde ne comporte pas d’absolu, de sens, d’idéal, ou de valeur; ce sont les individus qui créent le sens, les valeurs et les idéaux, par leurs actions et leurs interactions. Dès lors, la quête de sens est en essence une expérience existentielle. Dans le contexte du travail, Kasl (1992) explique qu’un employé peut s’adapter à une situation qui lui paraît absurde, c’est-à-dire qui n’a pas de sens, mais cette adaptation se fait au prix de quelque chose : ajustement des aspirations, modification des valeurs de travail; détournement de l’attention vers les relations professionnelles, augmentation de la valeur attribuée au salaire, désaffection à l’égard du travail et de l’employeur, mésestime de soi, etc. La quête de sens se manifeste par un état d’anxiété qui n’est pas toutefois anormal ni pathologique (Tillich, 1952). En fait, l’être humain est constamment en quête de sens, impliquant par le fait même qu’il en manque toujours. Frankl (1967) abonde dans le même sens : la quête de sens est inhérente à l’existence humaine. Toutefois, cet état anxieux doit aussi s’accompagner d’état de plaisir et de joie pour que l'individu demeure en santé (Maslow, 1968). 28 Dans ses études cliniques, Baumeister (1991) a déterminé quatre besoins qui concourent à donner un sens à la vie : 1. Avoir une raison d’être, une raison de vivre, 2. Avoir le sentiment d’avoir un contrôle sur son destin et de l’efficacité dans ses projets, 3. Avoir le sentiment d’être une personne correcte, dont la conduite est moralement justifiable, et 4. Avoir un sentiment de dignité et de valeur personnelle. Selon ce psychiatre, ces besoins sont inter-reliés et leur satisfaction se manifeste par le sentiment de cohérence et de sens de sa vie. Pour Isaksen (2000), le sens du travail est perçu comme un état de satisfaction engendré par la perception de cohérence entre la personne et le travail qu’elle accomplit. D’après son analyse de 28 entrevues avec des employés dans le secteur de la restauration, il est possible pour une personne de donner un sens à son travail, malgré les conditions difficiles dans lesquelles il s’effectue. Huit caractéristiques du travail contribuent à lui donner un sens : 1. La possibilité de s’identifier à son travail et à son milieu de travail, 2. La possibilité d’avoir des bonnes relations avec les autres et de se préoccuper de leur bien-être, 3. Le sentiment que le travail est utile et contribue à l’accomplissement d’un projet important, 4. Le sentiment que le travail accompli est important pour les autres, est bénéfique pour autrui, 5. La possibilité d’apprendre et le plaisir de s’accomplir dans son travail, 6. La possibilité de participer à l’amélioration de l’efficacité des processus et des conditions de travail, 7. Le sentiment d’autonomie et de liberté dans l’accomplissement de son travail, et 8. Le sentiment de responsabilité et de fierté du travail accompli. 29 Isaksen (2000) a également observé que les sujets qui donnaient un sens à leur travail supportaient mieux le stress que les autres. De tels travaux nous ont amené à formuler des hypothèses quant aux effets protecteurs voire bénéfiques du sens du travail pour la santé des personnes. 3.10. Stimuler l'engagement des employés. Dans des travaux sur l’organisation du travail, le sens du travail est défini comme un effet de cohérence entre les caractéristiques qu’un sujet recherche dans son travail et celles qu’il perçoit dans le travail qu’il accomplit. Les caractéristiques d’un travail stimulant ou motivant ont fait l’objet de plusieurs recherches depuis 1960. Tout un champ de connaissances en ont émergé, qu’on a appelé «organisation du travail» ou en anglais «job design». L’organisation du travail consiste à agencer les activités et des conditions dans lesquelles il doit se faire, selon des caractéristiques qui lui donnent du sens (Ketchum et Trist, 1992). L’étude de l’organisation du travail amène à déterminer les conditions de la qualité de vie au travail. Par définition, la qualité de vie au travail est un état général de bien-être des personnes dans leur milieu de travail. On le décrit généralement à l’aide des indicateurs suivants : le sens du travail, l’engagement organisationnel ou le sentiment d’appartenance à l’organisation, le sentiment de dignité et d’accomplissement dans son travail et l’atteinte de l’équilibre entre le travail et la vie privée. Dans ce domaine de recherche, le modèle sociotechnique de Trist (1978) est prédominant. 3.11. Le modèle sociotechnique. Dès 1950, Eric Trist, à l’Institut Tavistock de Londres, montrait que l’insatisfaction des travailleurs, dans le secteur des mines en Grande Bretagne, était moins causée par le salaire que par l’organisation du travail. Dans les enquêtes qu’il a faites auprès des travailleurs, il a cherché à comprendre quelles étaient les conditions qui présidaient à l’engagement des employés pour 30 leur travail. Avec ses collègues, il en est venu à proposer une approche qu’on appelle le design des systèmes sociotechniques (en anglais, Socio Technical System Design, STSD). Ce modèle vise à organiser le travail de telle sorte que l’engagement des employés pour leur travail soit stimulé et que la performance organisationnelle s’en trouve améliorée. Il s’agit en fait d’organiser le travail de façon à correspondre aux motivations intrinsèques des employés aussi bien qu’à leurs besoins extrinsèques (Ketchum et Trist, 1992). Le tableau 1 présente les propriétés que devrait avoir un tel travail. Conditions de l’emploi Le travail lui-même Un salaire juste et acceptable De la variété et du défi L’assurance de l’emploi De l’apprentissage continu Des avantages convenables Une marge discrétionnaire de l’autonomie La sécurité De la reconnaissance et du support La santé Une contribution sociale qui fait du sens La justice et l’équité des procédures Un futur désirable D’après les recherches faites par Trist (1978, 1981) et Emery (1976, 1964), le travail doit présenter donc six propriétés pour stimuler l’engagement de celui qui l’accomplit : 1. La variété et le défi : Le travail doit être raisonnablement exigeant, autrement qu’en termes d’endurance, et comporter suffisamment de variété : cet aspect du travail permet de reconnaître le plaisir que peuvent donner l’exercice des compétences et la résolution de problèmes. 2. L’apprentissage continu : Le travail doit offrir des occasions d’apprentissage sur une base régulière : cet aspect du travail permet de stimuler le besoin de croissance personnelle. 3. Une marge discrétionnaire et l’autonomie : Le travail doit faire appel à la capacité de décision de la personne; cela reconnaît le besoin 31 d’autonomie et le plaisir tiré de l’exercice du jugement personnel au travail. 4. La reconnaissance et le support : Le travail doit être reconnu et soutenu par les autres, dans l’organisation; cet aspect du travail stimule le besoin d’affiliation et d’appartenance. 5. Une contribution sociale qui fait du sens : Le travail doit permettre de relier l’exercice des activités et leurs conséquences sociales; cela contribue à la construction de l’identité sociale et sauvegarde la dignité personnelle. Cet aspect du travail reconnaît le plaisir de contribuer à la société. 6. Un futur désirable : Le travail doit permettre d’envisager un futur désirable; il peut comporter des activités de perfectionnement et d’orientation professionnelle. Cet aspect du travail reconnaît l’espérance comme un droit humain. En plus de ces aspects intrinsèques du travail, le design des systèmes sociotechniques prend en considération plusieurs aspects extrinsèques pouvant affecter l’engagement au travail, tels que le salaire, les conditions matérielles et physiques et les règles organisationnelles. Bien qu’il existe des différences individuelles et des facteurs contextuels qui peuvent influencer l’engagement au travail, il semble que ces 12 facteurs contribuent sensiblement à l’amélioration de la qualité de vie au travail et de la performance organisationnelle. 4. LES 7 HABITUDES DES GENS TRÈS EFFICACES Si l’on considère que le développement de l'individu est fondamental pour la réussite d’une entreprise/organisation, nous sommes en mesure d’affirmer que cette dernière est tributaire de la réussite de chacun des employés. Une équipe est en mesure d’atteindre ses objectifs seulement lorsque ses membres atteignent les leurs. Stephen Covey, dans son ouvrage “Les sept habitudes des gens efficaces” publié en 1989 énumère sept principes qui, si établis en tant qu'habitudes, sont censés aider une personne à gérer efficacement son quotidien et ses projets 32 dans tous les aspects de son existence : professionnel, mais aussi familial et civique. Selon Covey, cela demande essentiellement le respect de quelques principes universels et d'ailleurs intemporels. Les méthodes et les principes compris dans les 7 habitudes peuvent permettre de relever des défis réels, de résoudre de vrais problèmes et de produire des résultats concrets. Quelles sont vraiment ces 7 habitudes pour être parmi « ceux qui accomplissent de grandes choses » ? 4.1. La pro activité. Ce concept est le contraire de la « réactivité ». La majorité des gens sont réactifs : ils se plaignent de ce qui leur arrive, ils rejettent la faute et la responsabilité sur autrui, ils sont toujours victimes et se conduisent comme tel, ils ont du mal à prendre des initiatives. Par contre, une personne « proactive » se conduit en admettant qu'elle est la seule responsable de ce qui lui arrive, de ses actions. La personne proactive agit, et ne se plaint pas. Elle cherche l'opportunité dans les problèmes, elle voit les solutions ? Et non les obstacles. Dans l'entreprise, elle donne le courage de prendre des risques et d’accepter de nouveaux défis en vue d’atteindre des objectifs. 4.2. « Commencer avec la fin en tête ». Face aux problèmes, face aux projets que nous élaborons, nous avons toujours tendance à chercher des « solutions faciles et rapides » à ce qui arrive. Mais dans la majorité des cas, ces « remèdes rapides » ne résolvent pas les problèmes en profondeur, et les problèmes resurgiront dans le futur avec une gravité accrue : nous appliquons ces « remèdes rapides » parce que « nous ne commençons pas la résolution des problèmes avec la fin en tête ». 33 Cette habitude, une fois assimilée, aide énormément à faire de grands accomplissements, à instaurer l'harmonie et à éliminer efficacement les problèmes. Dans le cadre du travail, cette habitude aide à mener les projets à terme et rassemble les équipes et les organisations autour d’une vision, d’une mission et d’un but. 4.3. « Mettre les premières choses en premier ». C'est l'habitude de la bonne organisation du temps. Savoir quelles sont les priorités, les tâches prioritaires à accomplir. Dépensez-vous la majorité de votre temps aux choses les plus importantes (pour vous). Dans un cadre professionnel, cette habitude aide à réaliser d’abord les choses les plus importantes et favorise une efficacité directe. 4.4. Pensez « gagnant-gagnant ». C'est l'habitude du « savoir négocier » ou « savoir administrer ». C'est l'habitude de voir les avantages possibles pour chaque parti impliqué dans une action, un processus et de se concentrer à ce que tout le monde puisse en tirer profit. Dans le monde du travail, elle facilite la résolution des conflits et aide les personnes à rechercher une victoire mutuelle, renforçant ainsi la synergie du groupe. 4.5. Chercher tout d'abord à comprendre, ensuite à être compris. L'habitude de la recherche de la « bonne relation ». C'est une habitude qui se base sur l'empathie, sur l'écoute. C'est l'habitude qui permet de trouver la vraie 34 source des problèmes afin de pouvoir enfin appliquer entièrement les habitudes 2 et 4. Dans une entreprise/organisation, elle aide les gens à comprendre les problèmes d’abord afin de trouver les meilleures solutions, et favorise une meilleure communication pour une résolution efficace des problèmes. 4.6. Créer des synergies Stephen Covey explique cette habitude par la formule : 1+1 = 3, 4, 10 ou 1 000 000. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas très doué en calculs mais il veut dire que « la somme de ce que peut faire chaque individu en agissant seul n'est rien comparé à ce que peuvent faire tous les individus mis ensemble et œuvrant en synergie ». La synergie c'est la multiplication des compétences (et NON pas l'addition) afin de créer des résultats bien au-delà de ce qu'une simple coopération ou d'une simple alliance peut produire. Au travail, cette habitude renforce le sentiment d’appartenance des membres de l’équipe et tire profit de la diversité des gens pour atteindre des niveaux de réussite toujours plus élevés. 4.7. Aiguiser votre lame. C’est l’habitude de la recherche de la perfection. C’est l’habitude que les personnes qui ne cessent de se former et de se développer ont acquis. C’est l’habitude de ceux qui pensent que « la vie est un éternel apprentissage ». Bref, l’ouvrage de Stephen COVEY est un must en matière de leadership, de management et de développement personnel. Il serait dommage de s’en priver. Dans le monde du travail, elle favorise l’amélioration continue et protège contre l’épuisement et l’improductivité qui en résulte. 35 5. LA GESTION DES TALENTS Extrait de l'article “Emergence d'un nouveau modèle de management”, de Pierre Mirallès, Directeur Général Adjoint de l’IDATE, Professeur Associé à l’IAE de Montpellier. La communication propose un concept du talent utilisable en gestion des ressources humaines et, sur cette base, construit un modèle de management qui s’oppose et dépasse le modèle de la compétence. Le talent est défini comme « excellence + différence » et vu comme une idiosyncrasie. Manager les talents implique de mettre en œuvre un ensemble cohérent de pratiques de gestion typiques, telles que le scouting (détection/sélection), le casting (composition d’équipe), le coaching (accompagnement/conditionnement) et le cocooning (protection/rétention). L’émergence dans les organisations du management des talents exprime l’immersion d’une partie de leurs activités dans le monde de l’hyper compétition. 5.1. Émergence du management des talents. Avec les années 2000, plusieurs phénomènes nouveaux connaissent une importance accrue : il s’agit en particulier des risques de pénurie de main d’œuvre, du développement de l’hyper compétition, et du poids croissant de l’innovation dans le coût des produits mis sur le marché mondial. Le retrait de la vie active de cohortes nombreuses de baby-boomers risque d’entraîner un sévère déficit de main d'œuvre qualifiée. Simultanément, la mondialisation se concrétise par un phénomène d’hyper compétition entre firmes, tel qu’il a été théorisé par R. D’Aveni (1995) il y a quelques années. L’hyper compétition, c’est avant tout un contexte au sein duquel aucun acteur ne peut prétendre à bénéficier d’un avantage concurrentiel unique et durable (comme par exemple le coût de production ou les barrières à l’entrée), mais dans lequel les différents compétiteurs recherchent des combinaisons éphémères d’avantages concurrentiels variés tels que le délai de mise en marché, la qualité, la capacité financière, la technologie, etc. Par ailleurs, nos économies se "déforment" dans le sens du renversement de la proportion traditionnelle entre coûts de conception et coûts de production des biens et des services. Selon D. Pineau-Valencienne, de 30% des coûts totaux, les coûts de 36 conception – R&D, design, marketing, etc.- seraient passés à 70% du coût de revient des produits mis sur le marché actuellement, les coûts de manufacturing suivant l'évolution inverse. Cette déformation, rendue possible ou encouragée par la diffusion des technologies de l'information, s'accompagne d'une augmentation considérable de l'incertitude et des risques auxquels sont confrontées les entreprises. En effet, des firmes présentes depuis très longtemps sur un marché sont désormais appelées à remettre en jeu leur position pratiquement à chaque sortie d'un nouveau produit, ou au moins d'une nouvelle génération de produits. Ces phénomènes créent des conditions qui tendent à renforcer considérablement les exigences de performance et d'implication des salariés. Dans un tel environnement incertain, il faut faire confiance avant toute chose aux hommes et à leurs ressources personnelles. De ce fait, le rapport des forces évolue de plus en plus en faveur des individualités capables de « faire la différence » dans la compétition. En effet, il semble bien que, dans de nombreux secteurs de l’économie, la performance des organisations repose de plus en plus sur l’excellence individuelle d’un petit nombre de personnes-clés, personnes que désigne le qualificatif de « talents ». Ces individus ne se sont pas nécessairement des dirigeants ou des leaders. Simplement, ils disposent d’atouts personnels exceptionnels et contrôlent des processus déterminants pour l’organisation. C’est par exemple le cas du présentateur du « 20 heures » sur une grande chaîne de télévision, du styliste chez le grand couturier, du grand joueur dans l’équipe professionnelle de football, mais aussi de nombre de chercheurs, concepteurs, marketeurs, développeurs, etc. Pourtant, la réflexion théorique sur le concept de talent, sur le rôle du talent dans la performance, ou encore ses conséquences au niveau du management des organisations, paraît à ce jour singulièrement pauvre. En fait, le terme même de talent est pratiquement absent de la littérature consacrée à la gestion, si on met à part quelques travaux de circonstance comme le célèbre ouvrage The War for Talents (Michaels, Handfield-Jones et Axelrod) écrit il y a quelques années par plusieurs consultants de Mc Kinsey. Il est vrai que cette notion 37 apparaît à première vue étrangère au monde de la gestion, et semble présenter de sérieux handicaps pour prétendre au statut de concept scientifique : le caractère soi-disant ineffable du talent, perçu comme une sorte de "je ne sais quoi", son usage longtemps réservé à des professions spécifiques, la faible prise des organisations sur la naissance et le développement des talents singuliers, les difficultés, réelles ou supposées, de leur valorisation collective… tout cela rendait la notion de talent d’un maniement malaisé et apparemment d'un intérêt pratique limité. Il en va désormais différemment, comme nous allons tenter de le montrer. 5.2. Attitudes au travail et pratiques managériales « atypiques ». En effet, si le nombre des secteurs concernés par la « guerre des talents » ne cesse pas apparemment de croître, les comportements de certains des salariés qui y exercent leurs exceptionnelles capacités ne laissent pas de surprendre et de déstabiliser leurs managers. Au moment de la bulle Internet, c’est en masse que des consultants expérimentés et reconnus abandonnaient les big four pour fonder des start-up. Chacun connaît (elle défraie la chronique) l’explosion des rémunérations de certains high flyers : présentateurs d’émissions télé, experts en placements financiers, créatifs d'agences de publicité...Sans parler des exigences jugées farfelues de certaines « divas » en ce qui concerne leurs conditions de travail, allant du choix de la couleur de leur fauteuil à l’administration de massages californiens à l’heure du déjeuner… Autant de pratiques jugées naguère bizarres ou exotiques, en tout cas sans signification à défaut d’être sans conséquence, mais qui, par leur développement et l’élargissement de la population qu’elles touchent, constituent progressivement une véritable phénoménologie dont nous faisons ici l’hypothèse qu’elle présente quelque cohérence. 5.2.1. Le cas de Silicon Valley. Au moins autant que celui des individus, c'est le comportement des organisations qui peut parfois intriguer l’observateur. À cet égard, le modèle de 38 la Silicon Valley est instructif à plus d’un titre. Pour les auteurs français qui se sont penchés sur ce complexe organisationnel au début des années 2000, la gestion des hommes dans la Vallée présente plusieurs caractéristiques surprenantes. Le turn-over, très important, non seulement n’y est pas considéré comme un indicateur de mauvaise gestion, mais au contraire « correspond à une dynamique d’entrepreneuriat associée à une quête d’excellence ». La démarche d’intégration dans l’organisation n’est pas fondée sur des processus formels, mais « part de l’individu, s’appuie sur ses sources de passion et l’ensemble des moyens que celui-ci peut se donner pour devenir le meilleur dans le domaine choisi ». L’apprentissage, la mise à jour des compétences, et plus généralement la responsabilité de carrière, relèvent explicitement de l’initiative des salariés, et s’opèrent aussi bien dans l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci. L’utilisation fréquente d’un système d’évaluation relative (ranking) des personnes entre elles a pour objectif de « fidéliser les 10% meilleurs performeurs d’une population donnée, en leur offrant tous les avantages possibles, notamment une très forte rémunération ». La place du talent dans ce modèle managérial apparaît centrale. En effet, «les acteurs de la Vallée sont davantage motivés par leurs idées, leurs projets, que par leur entreprise ». La méritocratie prévaut, et le mérite se juge d’abord aux résultats. « Les concepts de commitment (engagement) et de jeu (les gens sont joueurs et frondeurs) sont érigés en véritables principes d’action ». La rapidité d’action et de réaction est un paramètre essentiel de la réussite, et celle-ci se mesure avant tout en dollars. Ce qui est particulièrement frappant dans cette description du management pratiqué dans l’univers des dotcoms, c’est qu’elle pourrait presque s’appliquer telle quelle au monde du spectacle, du sport professionnel, de la mode, etc. mais aussi de la haute finance, de la politique, de la recherche scientifique… 5.3. Les conditions d’existence du management des talents. Quels points communs dégager entre ces divers univers professionnels, dans lesquels la performance des organisations semble fortement corrélée au talent personnel de certains des individus qu'elles emploient ? 39 Le premier d’entre eux est certainement la situation d’incertitude extrême qui entoure la performance organisationnelle. Qu’elle soit inhérente au métier (c’est le cas, exemplaire, de la « glorieuse incertitude » du sport), liée à un moment particulier de la vie de l’organisation, notamment une de ces situations de « crise » propices à l’émergence et à l’expression des personnalités exceptionnelles, ou encore à l’état du marché, l’incertitude constitue un facteur d’autant plus prégnant que les enjeux de la situation sont élevés. Enjeux économiques (remporter un marché crucial), symboliques (devenir ou rester leader), voire même vitaux (continuer à exister). Mais à elle seule l’incertitude n’est pas suffisante pour créer le « besoin de talents », et pour donner à ceux-ci une valeur élevée. Encore faut-il que l’exigence de performance qu’elle suscite se cristallise dans l’action de quelques individus. Pour ces «hommes-clefs » qui contrôlent des processus cruciaux pour l’organisation, le résultat individuel entraîne le résultat organisationnel. Ce qui implique que la performance individuelle soit visible, identifiable dans le résultat collectif, et donc à la limite isolable et mesurable, quitte à développer les méthodes et instruments nécessaires à cet effet. Pour le coup, les talents peuvent légitimement revendiquer une part significative du résultat collectif, que cette part soit symbolique ou directement matérielle. Ces différents facteurs créent un ensemble de situations et de métiers, pour lesquels la notion de talent apparaît non seulement pertinente, mais constitue un axe central du management. Ces contextes professionnels, nous les dirons talent sensitive, c’est à dire sensibles aux talents. Cela ne signifie pas qu’on ne puisse pas exercer tout métier avec talent, mais simplement que le talent n’est pas toujours et partout un facteur-clé de performance pour l’organisation. C’est pourquoi le management des talents ne concerne ni tous les individus qui composent une organisation, ni toutes les organisations. À la différence des modèles universalistes, il s’intéresse au contraire aux personnes (mais aussi aux organisations) dans ce qu’elles ont de singulier et même d’inimitable. 40 Prenons ici un exemple, celui du secteur bancaire. Dans les grandes banques «généralistes» coexistent aujourd’hui des activités qui font l’objet d’un management de type franchement néo-taylorien (c’est par exemple le cas des centres d’appel, où les impératifs de qualité et de productivité prédominent) ; d’autres qui, subissant (multiplication des de automates plein fouet bancaires, les évolutions technologiques communications one to one généralisées par Internet, ouverture internationale créée par le marché unique), sont amenées à mettre en avant les problématiques d’évolution des compétences et de flexibilité (c’est notamment le cas du réseau des agences); d’autres enfin qui, aux prises avec l’incertitude la plus grande (les marchés financiers et le trading) font une large place au management des talents. 5.4. Qu’est-ce que le talent ? Et peut-on manager les talents ? Parler de management des talents implique bien entendu de préciser la notion même de talent, pour en faire si possible un concept utilisable en gestion. Pour notre part, nous définissons le talent comme excellence plus différence. En effet, si la compétence d’un individu se définit par ce qu’il sait faire, son talent est caractéristique de ce qu’il fait mieux que les autres. Le talent est donc d’abord excellence individuelle dans une activité donnée. Et, comme il n’existe aucun maximum absolu qui serait par essence indépassable, l’excellence personnelle dans une activité s’apprécie donc à un moment donné (et dans un contexte donné) à travers une comparaison, un classement (ranking) des professionnels en fonction du niveau de leurs performances. Mais pour faire mieux que les autres, le talent se doit de « faire la différence ». Pour gagner dans la plus haute compétition, il ne suffit pas d’être bon partout, il faut surtout être meilleur que les autres « quelque part ». C’est pourquoi trouver sa place parmi l’élite impose de choisir et de cultiver son style. À l’origine, celuici n’est autre que la projection dans l’activité de singularités personnelles, de caractéristiques individuelles intimes. C’est ce qui fait qu’on distingue le travail de l’un du travail de l’autre. Bien entendu cette projection est d’autant plus marquée que l’activité est l’objet d’un investissement personnel intense, d’une passion plus ou moins exclusive. Mais le style n’existe pas seulement par le hasard des singularités : il est aussi et surtout le fruit d’un travail conduit 41 sciemment et patiemment par la personne pour identifier et développer ce qu’elle fait mieux et plus facilement que les autres, ce qui lui permet d’obtenir un avantage compétitif. Signature d’une identité professionnelle, le style apparaît donc comme une sorte de « devoir-être » de l’individu tendu vers l’excellence, un attracteur vers lequel tendent ses gestes et ses postures, une singularité cristallisée dans une sorte d’habitus. La recherche de l’excellence apparaît donc avant tout comme la recherche d’avantages compétitifs individuels plus ou moins décisifs. De tels avantages paraissent pouvoir être obtenus en mobilisant trois grandes catégories de facteurs : 5.4.1. Des facteurs « internes ». C’est à dire favorisant la mobilisation des ressources personnelles distinctives, des qualités individuelles capables de « faire la différence » dans le jeu concurrentiel. Celles-ci, qui constituent en quelque sorte l’infrastructure, le socle du talent, sont relativement hétérogènes. Elles combinent notamment des aptitudes innées, des compétences spécialisées (des « gestes professionnels » par exemple) ou génériques, mais aussi des attitudes (notamment la « volonté de réussir » ou la résilience) et des croyances. Dans la recherche de la performance, il est nécessaire de détecter et de porter à leur plus haut degré de développement et de mobilisation ces ressources distinctives. Telle est la fonction propre du coaching : préparer l’individu de talent pour l’amener au moment venu à l’« état de performance », l’accompagner pour lui permettre d’exprimer son potentiel, d’être « présent à lui-même » à l’instant crucial. Un point crucial du coaching est l’établissement entre le coach et le coaché d’une relation de confiance. C’est notamment celle-ci qui permettra à ce dernier de développer son « sentiment d’efficacité personnelle », qui apparaît comme un facteur clef de succès en situation de haute compétition. 5.4.2. Des facteurs « externes ». C’est à dire relatifs à la création d’un environnement favorable à la performance individuelle. Outre la dimension purement technique de l’activité, 42 qui consiste à mettre à la disposition de l’individu les « meilleurs » instruments, les « meilleurs » spécialistes, etc. Il nous faut retenir ici l’idée que le talent doit être protégé, mis à l’abri des perturbations, sollicitations ou incommodités extérieures, et maintenu en état de plaisir narcissique et de confiance. Ce cocooning n’est pas synonyme de confort, comme on le croit souvent à tort, car n’oublions jamais que l’individu doit être maintenu en tension vers la recherche de la performance. Simplement, il s’agit de le concentrer sur la performance, en écartant tout ce qui pourrait disperser l’usage de ses ressources. 5.4.3. Des facteurs « relationnels ». À la fois internes et externes ; c’est à dire plus précisément favorisant l’interaction du talent avec les autres ressources de l’organisation, et tout spécialement avec les autres talents dont elle dispose. En effet, à l’observation, il semble bien que chaque talent ait dans l’organisation une « place » optimale, c’est à dire une position (poste + statut + rôle) qui autorise sa meilleure expression et surtout sa plus grande influence sur la performance collective. Une conséquence importante de tout cela est la difficulté à remplacer « à l’identique » un individu de talent. Car ce n’est pas seulement une compétence qui fait alors défaut, à laquelle on pourrait en théorie substituer une autre compétence équivalente. Mais c’est tout un système qui se trouve soudain déséquilibré par la perte d’un avantage compétitif autour duquel se structure une tactique, c’est à dire une disposition particulière des ressources, système qu’il faut désormais reconstruire sur des bases différentes. Car pour un individu de talent, pratiquer un certain style, c’est véritablement « jouer sur ses points forts », c’est à dire organiser son action en fonction de ce qu’on sait faire mieux que les autres. Ces considérations désignent la fonction d’une compétence organisationnelle jusqu’ici peu mise en évidence, celle précisément qui consiste à construire un effectif, un groupe professionnel, une équipe de travail ou de direction, en vue d’assurer la meilleure complémentarité des styles respectifs de chacun de ses participants. Composer une « équipe qui gagne », c’est faire en sorte que les talents s’additionnent, qu’ils se mettent en valeur réciproquement, au lieu de se neutraliser ou même de se contrarier mutuellement. Cette compétence le plus 43 souvent tacite, ou plutôt cette pratique managériale émergente, nous la désignons par le terme de casting. Ainsi, contrairement à un discours trop souvent entendu, manager les talents ne saurait se limiter à détecter et à sélectionner les meilleurs professionnels dans une activité donnée. Compétence nécessaire mais non suffisante, le scouting peut conduire à des échecs cuisants s’il n’est pas intégré dans un ensemble cohérent de pratiques, dont nous venons d’évoquer certaines, et qui constituent véritablement le contenu du management des talents. 5.5. La relation symétrique et duale entre individu et organisation Nous concevons donc le talent d’un individu comme une configuration spécifique de ressources personnelles, relativement stables et permanentes, en grande partie héritées par l’individu qui en est le dépositaire (le « talent », par métonymie). Ces ressources constituent une idiosyncrasie, c’est à dire un actif spécifique incorporé. En parlant de ressources héritées par l’individu, nous voulons mettre l’accent sur le fait que ces qualités ont pour le sujet qui en est doté le statut d’un « patrimoine » reçu de la nature, de la famille ou de l’histoire personnelle. Que ces qualités soient innées ou non est un débat qui échappe au domaine de la gestion. Ce qui est sûr, c’est que l’héritage confère certaines obligations au légataire. Comme le souligne Bourdieu, pour que ce patrimoine soit conservé et valorisé, il est nécessaire que « l’héritage hérite l’héritier », c’est à dire que l’individu de talent reconnaisse et assume ses qualités exceptionnelles, qu’il accepte l’investissement personnel nécessaire à leur préservation et leur mise en valeur. En parlant de ressources incorporées dans l’individu, nous voulons souligner le fait que ces qualités « appartiennent » à l’individu et à lui seul, qu’elles font partie de lui et ne peuvent en être détachées. De même, ces qualités ne peuvent être utilisées que par la personne qui les détient ou, si c’est par un tiers, uniquement à travers elle : on ne peut pas les en « extraire », comme on le ferait par exemple d’un ensemble de connaissances, d’un « tour de main » reproductible, ou encore d’un savoir-faire professionnel. 44 Ainsi, l’organisation qui en fait usage ne peut faire usage de ces qualités qu’en s’offrant temporairement les services de l’individu qui les détient. Rare, le talent est aussi mobile car intensément sollicité. C’est pourquoi pour l’organisation, la détention d’un talent constitue un avantage compétitif toujours précaire, sauf à payer à prix d’or l’exclusivité d’une relation durable. Parler de ressources spécifiques présentes un double sens. Ce qui est singulier c’est d’abord une association unique de qualités : le grand footballeur par exemple, un Zidane ou un Ronaldinho, combine le plus souvent une adresse technique exceptionnelle, les capacités physiques d’un athlète de haut niveau, et une intelligence du jeu qui lui permet d’avoir un temps d’avance sur ses adversaires. Sans parler de la grinta, c’est à dire de la volonté permanente de gagner, qui le maintient à un niveau élevé de motivation malgré les difficultés, les échecs et parfois les souffrances. Mais ce qui est singulier aussi, c’est l’adaptation de cette combinaison de qualités à une activité et à un contexte spécifiques dans lesquels le talent « s’exprime » le mieux. Pour rester dans le monde sportif, extrêmement rares sont les athlètes qui manifestent des talents exceptionnels dans des disciplines différentes. Et, à l’intérieur même d’une discipline, on remarque très souvent la préférence d’un athlète pour un type particulier de club, d’entourage, de compétition, pour certaines conditions ou certains adversaires, auxquels leur style personnel convient tout particulièrement. Analyser le talent comme une idiosyncrasie implique trois conséquences essentielles du point de vue de la relation d’emploi : Le talent constitue en général, au moins potentiellement, la principale source de « richesse» de l’individu qui le détient. Cela implique une responsabilité particulière de la personne vis à vis de son « capital talent », notamment dans sa préservation et sa mise en valeur, mais aussi dans la construction d’un parcours de carrière lui permettant de valoriser au mieux ce capital. Il appartient au talent d’être « entrepreneur de lui-même » (Ehrenberg). Ce capital ne peut se valoriser que dans une activité et dans des conditions spécifiques. Cette spécificité du talent comme actif est à la fois un atout (si l’activité dans laquelle s’exerce fait l’objet d’une forte demande sociale, elle le 45 place en situation de monopole) et un talon d’Achille (lorsque cette demande baisse ou lorsque la personne n’est plus en mesure d’y répondre au niveau d’exigence requis, la reconversion s’avère très délicate). Si le talent appartient à la personne, son expression nécessite comme on l’a vu la mise en œuvre de processus spécifiques par une organisation (ou un ensemble d’organisations) apte à en tirer une valeur économique. D’où une double dépendance : des talents par rapport aux organisations capables de leur offrir les meilleures conditions d’expression ; des organisations par rapport aux talents capables de leur permettre de viser l’excellence dans leur sphère d’activité. C’est pourquoi au management des talents, conçu comme répertoire de pratiques organisationnelles, répond chez l’individu la gestion de son talent, qui consiste pour lui à le reconnaître, l'assumer et le développer, puis à rechercher les meilleures conditions de son expression et de sa valorisation. Ceci au sein de l’organisation dont il fait partie bien sûr, mais aussi au travers de sa trajectoire professionnelle, ainsi que dans les dimensions de sa vie privée qui sont de nature à l’impacter. Cette nécessaire articulation entre gestion et management des talents peut se synthétiser dans le tableau ci-dessous. Figure n° 1 : Gestion et management des talents comme pratiques de gestion Actes de gestion (Re) connaître L'organisation (management La personne (gestion du des talents) talent) Scouting S’exposer Cocooning, coaching S’entourer, se préparer Casting S’engager idéntifier, capter Protéger, conditionner, placer en « état de performance » Exploiter, combiner à d’autres ressources 46 5.6. L’économie du talent. Dans ces conditions, le contrat qui lie la personne et l’organisation n’a plus grand chose à voir dans son contenu et ses modalités avec un contrat de travail traditionnel. Notre hypothèse est ici que les talents et les organisations s’engagent non plus dans une relation de louage d’un temps de travail, ni même dans la mise à disposition par le salarié de ses compétences pour une mission donnée, mais dans un échange de promesses en vue de relever un défi commun, c’est à dire dans un contrat assimilable à une sorte de joint venture, incluant généralement des formes de partage des risques et des profits. Dans un tel contrat les deux éléments majeurs sont le niveau (la valeur) et la durée de l’engagement réciproque. La valeur du contrat est en rapport avec le niveau de l’ambition affichée, et sa durée fixe l’horizon auquel l’objectif commun se doit d’être atteint. Un tel contrat affirme nettement la préférence des parties prenantes au talent pour un « contrat psychologique » de type transactionnel (Schein), c’est à dire au fond une relation essentiellement marchande. Dans un tel contexte, la régulation de l’emploi se fait avant tout par le marché externe, en tout cas entre organisations relevant de la même sphère d’activité. Cela ne signifie pas que les dimensions affective ou communautaire soient absentes de la relation d’emploi. Bien au contraire, elles y prennent une saveur particulière si on veut bien se souvenir que le talent implique un engagement de toute la personne dans l’activité, et que celle-ci est d’abord une passion qui anime l’individu. Le contrôle de l’affectif, de l’émotionnel, sont comme on l’a vu une des conditions essentielles de la performance individuelle. Mais la dimension rationnelle et marchande domine absolument la relation contractuelle. C’est peut-être cette dichotomie extrême, cette nécessité de gérer simultanément une relation brutalement marchande et un engagement émotionnel intense dans l’action, qui est à l’origine des fonctions d’impresario ou d’agent. En « transférant » la gestion de ses contrats à un tiers l’individu de talent sépare l’implication affective et l’implication calculée, et cette séparation lui permet tout à la fois d’optimiser sa carrière dans le temps et sa performance dans l’instant. 47 Entrepreneuriat personnel et relation d’emploi fondée sur le modèle marchand vont de pair avec l’impératif de mobilité et même d’hyper-mobilité professionnelle. En effet, la mobilité est ce qui permet au talent de multiplier les expositions (c’est à dire les défis successifs qui lui permettent d’étalonner et de montrer son talent), et d’exprimer au mieux son potentiel. C’est aussi et indissociablement ce qui lui permet de tirer le maximum de valeur économique de ce potentiel, en monnayant ses services à l’organisation qui se trouve à tout moment la mieux placée pour lui proposer les conditions les plus avantageuses, en fonction de ses objectifs de carrière. Ainsi, vue sous l’angle de la relation d’emploi, la figure du talent apparaît comme le type extrême du « professionnel ». Pour cette catégorie de travailleurs, identifiés par un haut niveau de compétence et d’autonomie, et surtout par la détention de compétences essentielles et transférables entre diverses organisations, émerge une nouvelle forme de relation professionnelle caractérisée notamment par : 1. Des salaires élevés et totalement dépendants de l’état actuel de la demande pour les compétences que ces travailleurs détiennent ; 2. Un pouvoir de négociation considérable vis à vis des organisations qui les emploient du fait de leur mobilité potentielle ; 3. Un encadrement totalement personnalisé. À travers cette relation d’emploi du troisième type, la figure du talent n’est finalement pas sans rappeler celle, beaucoup plus archaïque, du compagnon ou mieux, celle du « sublime » (Gazier) qui construit son « chef d’œuvre » au fil de ses expériences successives. 5.7. Le modèle du management des talents. Partant de ces hypothèses, on peut esquisser la construction d’un modèle du « management des talents », qu’on pourrait opposer presque terme à terme au modèle de la compétence, comme à celui des qualifications. Cette construction s’établit à partir des facteurs majeurs qui constituent la situation d’incertitude qui caractérise l’environnement de l’organisation, et l’exigence de performance individuelle. Selon cette vue, au risque minimum (et à l’exigence la plus faible) correspondrait le modèle fordiste ou néo-taylorien de la qualification et au risque maximum (et l’exigence la plus forte) le management par les talents. 48 Cette comparaison en quelque sorte « terme à terme » de ces trois modèles de base de la relation individu / organisation considérée sous l’angle du management ne doit pas faire penser à une grille d’évaluation (dans lequel tel modèle serait supposé supérieur aux autres) ni à la représentation d’une évolution historique, dans lequel un modèle serait automatiquement appelé à succéder à un autre, et qui donc toucherait quasi inéluctablement toutes les organisations. À cet égard, même s’ils les évoquent, ces trois modèles de la relation d’emploi ne recouvrent pas les trois modèles de la GRH que propose par exemple Galambaud (2002) : modèle de l’administration, de la gestion et du marché, qui renvoient plutôt à des styles de direction et des formes de gouvernance. En fait, nous voyons d’abord le management des talents comme la manifestation de la mise en place d’un étage supplémentaire dans les possibilités et pratiques du management à l’intérieur même des organisations, et donc comme représentatif d’un accroissement de la complexité organisation elle sous la pression de l’hyper concurrence. De ce fait, le management des talents ne saurait être conçu comme un modèle à vocation universelle, mais plutôt comme un ensemble cohérent de notions et de pratiques qui permettent de penser et de structurer des formes singulières d’organisation, faisant une large place aux individus et à leurs talents. Pour plus d'informations à ce sujet, voir http://devenir-consultant.fr/ 49 ANNEXES 50 TEST PRATIQUE À partir des six propriétés pour stimuler l’engagement des employés, Trist (1978, 1981) et Emery (1976, 1964) ont créé la “Matrice de 6 critères”. Cette matrice est une forme de validation du travail faite par l'individu, elle est dirigée aux employés afin qu'ils puissent exprimer leurs besoins concernant leur travail. À partir de l'information obtenue dans les matrices, l'organisation/entreprise est en mesure de créer les conditions optimales pour que les employés aient un exercice effectif de leurs fonctions. Observez l'exemple suivant : Noms des participants Critères psychologiques Marie Jean (assistante Marc (manager) (manager administrative) 1. Autonomie Alice (assistante) Jacques (assistant) adjoint) -2 0 -1 -3 -2 (a) Définition d'objectifs -4 +3 -2 -3 -3 (b) Rétro alimentation -3 +4 0 -4 -4 3. Variété -3 5 0 4 -3 4. La reconnaissance et le 8 4 2 8 8 (a) socialement utile 9 9 9 9 9 (b) voir le produit fini 4 10 7 3 4 6. Un futur désirable 3 7 6 2 2 2. L’apprentissage continu support 5. Une contribution sociale qui fait du sens Les premiers trois critères doivent être optimales pour chaque individu: les trois vont de -5 (trop peu) à +5 (trop), 0 étant optimale, idéel. En ce qui concerne les critères 4, 5 et 6, il est considéré qu'on ne peut pas en avoir trop, ils vont donc de 0 (rien) à 10 (beaucoup). 51 Observez les valeurs que les employés ont attribuées à chacun des critères. Si vous tenez compte du poste que chacun d'eux occupe, à quel degré, pensez-vous, se sentent-ils engagés? Essayez de justifications possibles. _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________.