La vannerie en Bourbonnais - fatp-cmc

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La vannerie en Bourbonnais - fatp-cmc
La vannerie en Bourbonnais
Textes et clichés de Georges Guillemin
En dehors de leurs occupations habituelles aux travaux des
champs et des soins aux animaux, les paysans n'ont jamais
disposé, tout au moins autrefois, pendant leurs longues journées
de labeur, des instants nécessaires à ce que nous appelons de
nos jours "la détente".Moins absorbante était cependant la
période hivernale avec ses longues veillées, bien oubliées
aujourd'hui, pendant lesquelles chacun s'appliquait à des
travaux manuels très variés. Parmi ceux-ci était la vannerie,
car tout bon métayer avait appris des anciens, dès son jeune âge,
la façon de tresser l'osier pour la confection de paniers, dont on
connait l'utilité à la ferme. Pourtant, cette petite industrie
domestique a perdu beaucoup de son activité depuis pas mal
d'années, et semble se localiser dans les milieux que nous
appelons "bohémiens" ou "romanichels", passés maîtres dans
l'art de la vannerie, et qui écoulent leur fabrication dans les
foires et les marchés, voire même en sollicitant leur clientelle
urbaine ou campagnarde à domicile.Si dans les milieux ruraux
quelques vieux paysans continuent à travailler l'osier, les jeunes
restés fidèles à la terre se désintéressent de cette activité
artisanale, considérée sans doute comme non rentable, puisque
de nos jours la rentabilité prime la satisfaction du travail
personnel. Autrefois en Bourbonnais, la vannerie produisait des
modèles différents suivant les régions, mais aussi des objets
d'utilités diverses : vans pour agiter et nettoyer le grain, hottes
de vignerons, claies ou sicles pour le séchage des fruits,
corbeilles et paniers de dimensions variables, enveloppes de
on m'en apporte aussi quelquefois. Je prends aussi du saule
"marsault", qu'on appelle ici le "verdiau" et qui pousse au bord
de l'eau. Il en existe de trois espèces qu'il faut savoir connaître,
car il y en a du bon et du mauvais, il faut savoir choisir entre le
le "franc", le "doux" et le "souple".
"La coupe de l'osier se fait aussi bien au printemps qu'à la StMartin, c'est à dire après la montée de la première et de la
deuxième sève. Toutefois il faut éviter de trop laisser sécher les
tiges. En général, on coupe pour une utilisation de deux à trois
mois, puis on recommence l'approvisionnement. Passé cette
période, l'osier que l'on veut conserver doit être mis à sécher à
l'ombre. Au moment de s'en servir, on l'expose dehors à la pluie à
même la terre pour le mouiller (on dit le faire revenir) et l'assouplir."
"L'osier est utilisé sous son aspect naturel, avec son écorce,
ou bien "plumé", c'est à dire débarrassé de l'écorce, opération que
le vannier entreprend lorsque le bois est vert, ou bien qu'il ait été
trempé s'il s'agit d'osier coupé depuis un certain temps.
L'extrémité la plus fine de la tige est engagée dans une fente
pratiquée au sommet d'un piquet solidement fiché en terre, et le
vannier, tirant l'osier vers lui le fait glisser dans cette sorte de
pince agissant à la façon d'un double rabot, obtient ce qu'on
appelle l'osier blanc qui, débarrassé de sa pelure, est mis en bottes et conservé à l'ombre dans un endroit sec. Au moment de s'en
servir, les bottes détachées sont mises à tremper une demijournée dans l'eau tiède (à renouveler quand elle refroidit).
Contrairement à l'osier naturel, l'osier blanc ne doit surtout pas
être déposé sur la terre mouillée car il noircirait".
"La fabrication des paniers, selon leur volume, exige des
osiers de grosseurs différentes. Les petits paniers sont faits de
petites vises cultivées, alors que pour les grosses pièces le vannier
bonbonnes, sans oublier le greugnon, sorte de cage en osier de
forme ovale que l'on suspendait aux solives, et dans lesquels on
mettait sécher les noix. En Combrailles bourbonnaises, on
fabriquait, et l'on fabrique toujours dans certaines exploitations
agricoles, un panier solide destiné au ramassage des pommes de
terre et autres produits des champs ; le fond est constitué
d'une planchette de bois sur laquelle sont percés des trous
légèrement obliques, destinés à maintenir des petites lattes
(souvent de châtaignier ou de noisetier fendu) servant à
supporter la tresse ; l'anse de ces paniers est généralement en
noisetier ou fait d'un rejet de chêne.
Aux environs de Montluçon, le pays Biachet, et particulièrement
la région de Désertines, produisait un genre de demi-panier, la
"bignache", qui servait au ramassage des cerises, et ressemblant à un panier coupé en deux au milieu de sa largeur, qui aurait
conservé son anse, une paroi plate également en osier tressé réunissant les deux côtés.
Le paysan Bourbonnais était aussi passé maître dans la confection de panières (paillasses et boutasses) faites de boudins de
paille de seigle serrés les uns aux autres par des liens de ronce fendue et démœllée. Ces ronces étaient coupées après les premières
gelées seulement. La fabrication des ruches faisait également partie des travaux de vannerie, au moyen de tresses en paille de seigle. Le corps de la ruche, semblable à un gros pot renversé, se
nommait suivant les régions : bornion, boutte ou boutron.
se sert d'osier plus épais, parfois refendu en deux, trois ou quatre
sections s'il s'agit de fortes tiges, qu'il est nécessaire de tremper
car l'osier sec se fend. Ces lanières d'osier refendu servent uniquement pour tresser l'entourage du panier : la piquée. Quoi qu'il en
soit, les tiges les plus solides sont réservées pour l'ossature du
fond, les moyennes pour la charpente de l'entourage et les plus
fines pour la piquée."
"En vannerie, tout travail commencé ne doit pas être interrompu, car en séchant l'osier ne peut plus être travaillé".
"De plus, lorsque l'osier est courbé naturellement, il faut
savoir s'en servir, le piquer du bon côté et non pas dans le sens
contraire à sa courbe. Pour tresser la piquée, un gaucher tourne
les vises vers la gauche, un droitier vers la droite, et non pas
l'inverse".
Les grosses tiges d'osier sont séparées au fendoirpour le tressage
(la piquée) du pourtour du panier.
Tressage du fond.
Comment se fabrique un panier
La première qualité d'un panier, c'est d'être solide.
Sa fabrication commence par le fond, qui est tressé sur une ossature suffisamment résistante, et sur laquelle la tresse (appelée lattis
ou piquée) se déploie en spirales pour garnir toute la surface prévue.
On procède ensuite au montage du pourtour, qui nécessite lui aussi une charpente d'osier. Le vannier choisit pour cela des tiges assez
longues et de même grosseur, qu'il taille à leur plus grosse extrémité pour faciliter leur introduction dans l'épaisseur de la piquée du fond,
où elles doivent tenir solidement.
Une légère incision au couteau permet de redresser les tiges sans les briser, pour les ligaturer ensemble à leur petite extrémité afin de
les maintenir en position verticale légèrement recourbée. On obtient ainsi une ébauche de la forme convenable à donner au
Montage de la carcasse du pourtour d'un panier.
Un panier solide exige une anse résistante, faite d'un rejet de
trois ou quatre ans coupé dans les taillis repoussant au pied des
chênes ou des châtaigniers. Ces bois doivent être coupés en lune
vieille, alors que les bois tendres se coupent en lune jeune, ceci est
très important. La lune jeune est la nouvelle lune jusqu'à la
période de la lune pleine, laquelle est suivie de la lune vieille.
Les anses nouvellement coupées sont mises à sécher en étant
maintenues à la courbe voulue par une ficelle tendue qui rapproche les deux bouts, à la forme d'un arc.
A sa mise en service, l'anse est pointée à ses deux extrémités,
qui sont glissée dans les tresses du cordon et de la piquée. La grosseur de l'osier utilisé pour recouvrir le bois appelé "l'âme", est
fonction de la grosseur du panier ; c'est l'habitude du travail qui
permet au vannier d'apprécier. Ces osiers sont placés à raison de
deux de chaque côté à la base de l'âme, autour de laquelle ils sont
enroulés alternativement de leur point de départ au côté opposé,
pour revenir à leur point de départ, de manière à recouvrir entièrement l'anse. Le tressage de l'anse se fait toujours sur la gauche,
elle est ligaturée au cordon.
Il reste au vannier à couper au sécateur les tiges trop longues
non utilisées.
Les paniers terminés ne doivent pas être suspendus par leur
anse avant que l'osier soit sec, car ils se déformeraient.
Les tiges d'osier sont incisées puis rabattues pour le tressage du
cordon protecteur du fond.
L'outillage
Les outils nécessaires au vannier sont assez rudimentaires, outre
ceux qui sont utilisés pour le travail du bois en général ; l'essentiel
pour lui est d'avoir à sa disposition : un sécateur pour couper
l'osier, un petit étau pour commencer les fonds, un couteau et un
fendoir pour diviser en deux, trois ou quatre brins les osiers trop
gros pour être tressés. Ce fendoir est constitué d'un morceau de
bois dur taillé d'un bout en forme d'ailettes biseautées. Le pied de
l'osier est entaillé au couteau en autant de sections que le nombre
de brins à obtenir ; le fendoir tenu d'une main, est introduit dans
les entailles de l'osier que le vannier pousse de l'autre main pour
avoir des lamelles prêtes à être tressées. Enfin, l'osier blanc ou
"osier plumé" est obtenu au moyen d'un grattoir.
Notes complémentaires
Saint-Antoine-Ermite est le patron des vanniers, corporation
très ancienne qui obtint ses statuts en 1467. Les apprentis
compagnons désirant passer maîtres sont astreints à présenter un
chef-d'œuvre.
Mais toutes les productions des vanniers, qu'ils soient
artisans ou professionnels, ne sont-elles pas déjà des
petits chefs-d'œuvre.
Georges Guillemmin
(La Bourrée Bourbonnaise - Moulins)
Les tiges de la charpente du panier sont rabattues pour tracer le cordon protecteur du bord.
L'anse nue (ou âme) sera recouverte d'osier.
panier. Les tiges seront détachées lorsque les premiers rangs de la piquée maintiendront d'eux-mêmes debout la carcasse ainsi constituée.
Tresser le tour d'un panier est un travail de patience. Les osiers sont passés alternativement devant et derrière les montants qui les
soutiendront, à la manière d'une natte.
Tous les paniers sont pourvus de deux cordons de renforcement pour les rendre plus solides et mieux résistants à l'usure du frottement.
Ces cordons sont formés de bourrelets d'osier entrelacés, tiges rapportées pour celui du bas, où les osiers pointés sont glissés dans
l'épaisseur des tresses et rabattus les uns sur les autres. Le cordon supérieur qui borde le panier est tressé avec les tiges dépassant les
montants soutenant la piquée d'entourage, et qui sont rabattues (une incision faite au couteau évite de les casser).
Les contacts avec les milieux paysans ménagent toujours de fructueuses recherches sur les habitudes de la vie campagnarde et sur
certains usages insoupçonnés conservés dans le terroir depuis un lointain passé. Bien que la façon de vivre des ruraux évolue
prodigieusement depuis le milieu du siècle, le chercheur trouve encore à satisfaire sa curiosité en recueillant auprès d'eux d'utiles
enseignements susceptibles d'enrichir notre folklore.
Le hasard d'une conversation m'avait appris assez récemment, qu'un habitant de Saint-Ennemond, bourg très actif de la Sologne
bourbonnaise, occupait ses loisirs à des travaux de vannerie. Je ne pouvais rester insensible à une telle aubaine, et c'est ainsi que j'eus
l'occasion de faire la connaissance de M. Jean Montcourier, né à Paris (12e) en 1904, et qui depuis son jeune âge était resté attaché à sa
terre Bourbonnaise d'adoption.
Profitant depuis quelques années d'une paisible retraite, notre homme consacre plusieurs heures chaque jour à faire des paniers ;
sollicité de toute part, son adresse à fendre, assouplir et tresser les "vises" lui vaut une réputation justifiée.
Les vanniers sont devenus rares, et la qualité des productions sorties des mains expertes de Jean Montcourier attire vers son atelier une
nombreuse clientèle de son entourage.
"Faire des paniers"... me confiait-il, c'est pour moi une distraction, mais une distraction utile qui aura d'ailleurs été toute ma vie un
agréable passe-temps que je n'ai jamais abandonné, sauf pendant la "drôle de guerre et les longs mois de captivité qui m'ont retenu loin
du pays"...
Jean Montcourier fait partie de ces humbles artisans qui trouvent une satisfaction dans leur travail journalier. Il n'a rien à envier aux
professionnels de la vannerie. J'ai admiré maintes fois sa patience lorsque, abusant peut-être des instants qu'il avait bien voulu me
consacrer, il s'efforçait de me faire comprendre toutes les subtilités de son travail.
Je laisse d'ailleurs la parole au vannier, qui va nous expliquer comment se fabrique un panier, après une évocation de ses débuts déjà
lointains.
"J'ai appris à travailler l'osier quand j'étais jeune, dans les fermes où j'étais placé, et dès l'âge de 12 à 13 ans j'ai commencé à apprendre
la vannerie lorsque je disposais d'un peu de temps. Depuis, j'ai toujours continué car c'est un passe-temps qui me plaît. Maintenant
qu'a sonné l'heure de la retraite, pas question que je m'arrête, les gens de la région viennent continuellement me demander de travailler
pour eux. C'est pour moi une occupation intéressante, d'autant plus que le métier de vannier est un beau travail artisanal qui se perd,
dans les campagnes surtout où les paniers sont des accessoires indispensables, alors qu'il est vraiment dommage que personne ne
s'intéresse plus à leur fabrication."
"La matière première utilisée est la "vise", nom donné à l'osier dans la région ; j'en cultive spécialement chez moi, ou je vais la
chercher moi-même dans les endroits humides le long de l'Alcolin (petite rivière voisine qui se jette dans la Loire) : et puis