III CAPILLARITE – TENSION SUPERFICIELLE 1. Mise en évidence

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III CAPILLARITE – TENSION SUPERFICIELLE 1. Mise en évidence
Université Paul Sabatier - FSI
L2 Mécanique / Mathématiques
III
CAPILLARITE – TENSION SUPERFICIELLE
La « tension de surface » est un phénomène qui fait apparaître une grandeur intensive propre
aux liquides qui peut revêtir une grande importance dans des problèmes spécifiques :
capillarité, formation de gouttes et de bulles, mouillabilité…
Elle peut être généralement négligée dans les problèmes avec des écoulements, en dynamique
des fluides, mais pas dans les systèmes de petite taille (microfluidique …)
1. Mise en évidence
Différents exemples permettent d’illustrer l’influence de la tension de surface :
ƒ
bien que l’acier ait une masse volumique plus de 7 fois supérieure à celle de l’eau, on
peut poser à la surface de l’eau une aiguille à coudre ou un trombone sans qu’ils ne
coulent au fond du récipient,
ƒ
certains insectes se déplacent à la surface de l’eau comme s’ils glissaient sur un film
souple,
ƒ
on observe des ménisques sur les bords des verreries (verres, pipettes, récipients…)
contenant un liquide.
ƒ
Lorsqu’on mets en contact un milieux poreux (papier, brique …) ou des tubes très fins
(capillaires) avec un liquide, celui-ci « monte » dans le milieu
ƒ
des gouttes de liquide posées sur un plan horizontal ne s’étalent pas, mais prennent
une forme oblongue…
….
Dans tous ces exemples, le principe fondamental de la statique est pris en défaut.
Cela s’explique par la présence d’une force complémentaire à la surface du liquide : la force
de tension superficielle.
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2. Origine physique :
L’origine des forces de tension superficielle est à chercher au niveau microscopique, dans les
interactions électrostatiques qui existent entre les atomes (ou molécules, ou ions…).
Soit un liquide avec une surface libre au contact de l’air.
Une molécule à l’intérieur du liquide subit de la part de ses voisines des forces d’attraction
(forces de Van der Waals). Son environnement étant symétrique, celles-ci se compensent, en
conséquence la résultante est nulle en moyenne.
A la surface ; ce n’est plus le cas : la situation est alors disymétrique. Les attractions dues aux
molécules du liquide sont beaucoup plus grandes que celles des molécules du gaz (moins
nombreuses et plus éloignées) et tendent à faire replonger la molécule de la surface vers
l’intérieur.
Il subsiste à la surface une résultante non nulle, dirigée vers l’intérieur du liquide.
Il faut donc fournir de l’énergie pour amener une molécule en surface et créer ainsi
l’interface.
A toute surface est associée une énergie supplémentaire dite énergie de tension superficielle,
ou énergie interfaciale, qui est proportionnelle à la surface.
Ceci explique que tout liquide tend spontanément à diminuer sa surface de contact avec le gaz
(ou encore à prendre la surface minimale) de manière à minimiser son énergie interfaciale
→ formation de gouttes ou de bulles, pour lesquelles la forme sphérique présente le plus
faible rapport surface/ volume. La sphère est la surface d’énergie minimale
Exemple : Paille dans une bulle de savon…
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3. Définition
Quand on gonfle un ballon de baudruche, on étire sa surface en lui fournissant un travail qui
augmente son énergie potentielle élastique (comme pour un ressort).
Cette énergie peut être récupérée sous forme de travail ou de chaleur.
De la même façon, les molécules superficielles possèdent une énergie potentielle liée aux
forces de cohésion du liquide (elles compriment les autres molécules du milieu).
Pour accroître la surface, il faut donc apporter de l’énergie, et l’expérience montre qu’il y a
proportionnalité entre le travail à apporter dW et l’augmentation dA de l’aire de la surface
de liquide.
On écrit alors simplement :
dW = σ dA
σ est le coefficient de proportionnalité est appelé cœfficient de tension superficielle ou tout
simplement tension superficielle.
C’est une propriété de l’interface entre le liquide et le gaz.
Quand l’interface correspond à la surface de contact entre deux liquides non miscibles,ou
entre un liquide et un solide, on définit alors de la même façon un cœfficient de
proportionnalité appelé coefficeint de tension interfaciale.
Conséquences :
Ce travail à apporter pour augmenter l’aire superficielle correspond à celui d’une force F,
tangent à la surface, qu’il faudrait appliquer sur un une longueur L de surface pour produire la
même variation dA .
Considérons une bulle de savon piégée sur un cadre fermé par une tige.
La lame de liquide, tendue, exerce une force en cherchant à minimiser sa surface.
Pour augmenter cette surface A, il faut exercer une force F qui tire le film.
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Pour déplacer la tige de dx et augmenter la surface de L dx , il faut fournir le travail :
dW = σ dA , et dW = F dx
soit encore la force : F = σ L .
Ceci signifie inversement que la surface de liquide exerce une force de sens opposé qui
s’exerce sur le liquide,et en particulier sur les parois qui le limitent.
Dans ce cas
r
r
Fliquide = − F
avec
r
Fliquide = σ L
(cf. fil dans un cadre métallique)
Remarque :
Diviser un liquide en fines gouttelettes (pulvérisation, atomisation émulsification …) ou
produire de fines bulles d’air ou de gaz dans un liquide (aération, oxygénation …) revient à
augmenter considérablement la surface de contact avec le milieu environnant, gaz ou liquide.
Ce sont donc des opérations qui consomment de l’énergie.
4. Unités
La relation de définition précédente nous donne pour unité de la tension superficielle :
[σ ] = [W 2] = [F ] = J m −2 = N m −1 = kg s −2
[L] [L]
Exemples :
Quelques valeurs sous 1 bar :
Remarques :
ƒ
On constate que la tension superficielle dépend d’une part de la nature des liquides en
contact, d’autre part de la température (diminue quand la température augmente).
(exemple : eau sur une poêle chauffée…)
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ƒ
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Pour de faibles variations de température, la relation σ = σ 0 (1 − α σ θ ) offre un accord
satisfaisant avec les résultats expérimentaux
ƒ
En pratique, σ varie peu en fonction de la nature du gaz qui surmonte le liquide.
ƒ
La tension superficielle est très sensible aux impuretés, aussi bien dissoutes en
volume, qu’à la surface du liquide étudié
5. Surfaces sphériques - Loi de Laplace
En un point d’une surface liquide plane, les forces de tension superficielle, tangentes à la
surface, s’équilibrent en moyenne.
Sur une surface courbe (bulle, goutte, ménisque …), ce n’est plus le cas. Il apparaît une
résultante des forces superficielles dirigée vers l’intérieur du liquide qui donne naissance à
une pression intérieur Pi , supérieure à la pression extérieure Pe .
Il en résulte donc une surpression : ΔP = Pe − Pi .
C’est cette surpression qu’il faut exercer pour faire des bulles avec de l’eau savonneuse
(similaire à la surpression qu’il faut appliquer pour gonfler une baudruche en caoutchouc)
a) ·Cas de la goutte:
Considérons une goutte de liquide,
sphérique, de rayon R, immobile
(la pression du liquide pousse vers l’extérieur,
que la tension de surface contient)
La goutte est à l’équilibre,
donc le travail des forces extérieures
est compensé par le travail des forces intérieures.
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Bilan :
ƒ
forces de pression : F pression = P S = −( Pext − Pi ) 4 π R 2
ƒ
forces de tension superficielle : Ftension = σ
Finalement, à équilibre :
r
dS
= σ 8π R
dR
r
∑F = 0,
ce qui donne l’expression de la suppression interne :
ΔP = Pext − Pint =
2σ
R
Il s’agit de la loi de Laplace
Cette surpression interne est celle qui a tendance à faire éclater la goutte, et qui est contenue
et équilibrée par les forces de tension superficielle qui tendent le film de molécules de surface
comme le ferait une membrane élastique
b) ·Cas de la bulle
Pour une bulle d’eau savonneuse sphérique, le raisonnement est exactement le même, mais
dans ce cas l’eau savonneuse crée une double interface entre l’air intérieur et l’air extérieur de
la bulle, il faut alors considérer 2 couches superficielles.
La différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la bulle devient :
ΔP = Pext − Pint =
4σ
R
Remarque :
il existe donc une discontinuité de pression à la traversée d’une interface sphérique gazliquide ou liquide-liquide, la pression étant toujours plus élevée du coté concave, aussi bien
pour les gouttes que pour les bulles
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Généralisation :
Dans le cas général d’une surface courbe non sphérique, ayant deux rayons de courbure R1 et
R2 , la surpression est donnée par la formule de Laplace généralisée :
⎛ 1
1 ⎞
⎟⎟
ΔP = σ ⎜⎜ +
⎝ R1 R2 ⎠
Le cas de la goutte sphérique correspond au cas particulier où R1 = R2 = R
6. Angle de raccordement - Mouillabilité
Une goutte de liquide posée sur une surface plane s’étale plus ou moins.
Son étalement dépend de la surface du solide, du liquide, et du gaz en contact.
Entre chaque couple de phases (solide, liquide et gaz) existe une tension superficielle
spécifique, notées σ SL , σ LG et σ SG .
ƒ
Si la goutte s’étale (eau ou huile sur verre propre), il y a mouillage total
Ceci signifie que la situation (solide mouillé) est énergétiquement plus favorable que
le contact solide-gaz, ce qui peut se traduire par σ SL , σ LG << σ SG
ƒ
Si le liquide reste en goutte (eau sur plastique, mercure), le solide n’est pas recouvert
et le mouillage est partiel
L’énergie du contact solide-gaz est plus faible que celle des 2 autres contacts :
σ SG << σ SL , σ LG
Dans le cas du mouillage partiel, la goutte reste hémisphérique, et son rayon de courbure
diminue d’autant que plus que le solide est mouillant vis-à-vis du liquide
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L’équilibre du mouillage partiel se traduit par un raccordement du liquide au solide le long
d’une ligne faisant un angle θ avec le solide tel que :
θ=
σ SG − σ SL
σ LG
La valeur de cet angle renseigne donc sur la propriété de mouillabilité du solide par le liquide.
ƒ
Ainsi θ = 0 traduit un étalement complet du liquide et un mouillage parfait.
ƒ
Plus θ augmente, moins le liquide mouille la surface solide.
ƒ
Pour θ > 90° , le liquide ne mouille plus la surface (non-mouillant)
Exemples
Eau ou alcool sur une surface de verre propre : θ ≈ 0 , mercure sur du verre : θ = 130° …
Remarque :
Ce phénomène a une grande importance dans de nombreux domaines domestiques et
industriels, pour tout ce qui concerne les opérations de nettoyage par exemple (les lessives et
détergents doivent à la fois mouiller les surfaces sales et dissoudre ou disperser les impuretés.
Ces produits abaissent donc les tensions superficielles ou interfaciales au sein du milieu à
traiter pour ensuite pénétrer, s’étaler et prendre contact avec les surfaces à la place des
souillures.
7. Ascension capillaire. Loi de Jurin
Au contact d’une paroi verticale plongeant dans un liquide, on retrouve les 3 cas de
mouillage: parfait, imparfait et pas de mouillage, avec les même angles de raccordement que
sur un support horizontal.
Dans le cas du mouillage parfait, le liquide remonte sur la paroi et forme un film liquide
(monomoléculaire).
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L’existence d’un angle de raccordement différent de 90° a pour conséquence une différence
de niveau Δh entre la surface plane du liquide et la ligne du contact liquide-solide.
Si on plonge maintenant deux lames parallèles dans un liquide qui les mouille parfaitement et
que l’on diminue progressivement leur distance e, on constate qu’à partir du moment où la
surface plane disparaît entre les deux lames, le niveau du liquide s’élève au dessus du niveau
environnant.
La formation d’un ménisque quasi cylindrique s’accompagne de l’apparition d’une
surpression ΔP dans le liquide, analogue à celle qui existe dans les gouttes et dans les bulles.
Cette surpression est responsable de l’ascension du liquide entre les plaques jusqu’a une
hauteur h au dessus du niveau normal.
A l’équilibre, deux forces se compensent :
ƒ
les forces de tension superficielle (longueur mouillée = 2 L ) : F = 2 L σ
ƒ
le poids de liquide qui s’est élevé (~parallélépipède) : P = ρ h L e g
D’où la hauteur d’ascension : h =
2σ
ρ ge
Dans le cas où l’angle de raccordement n’est pas nul, les forces de tension font un angle α
avec la verticale. La hauteur d’ascension devient : h =
2 σ cos α
ρ ge
Le même phénomène se produit lorsqu’on plonge un tube de très petit diamètre intérieur
( d = 2 r ) dans un liquide qui mouille sa paroi.
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La forme du ménisque est ici pratiquement celle d’une calotte sphérique rayon R.
On peut alors écrire la relation :
r = R cos θ
où θ est l’angle de mouillage
Entre les points E, I, A et S on peut écrire (théorème de Pascal, statique des fluides):
PE − PS = ρ g h
et
PE = PI ,
avec PE = PA = Patm
Et d’après la loi de Laplace, la surpression au niveau du ménisque est
PA − PS =
2σ
R
(force ascensionnelle, fait monter le ménisque)
On obtient finalement la valeur du dénivelé d’eau : h =
2 σ cos θ
ρ gr
Il s’agit de la loi de Jurin :
La hauteur de remontée capillaire h est proportionnelle à la tension superficielle σ du liquide
et inversement proportionnelle au rayon du tube capillaire.
Remarques :
ƒ
L’équilibre des forces, avec une longueur mouillée égale à 2 π r ⇒ même résultat
ƒ
Dans le cas où le liquide ne mouille pas la paroi, l’angle de raccordement est alors
supérieur à 90°. La relation précédente est toujours valable, mais cosθ est alors
négatif, la dénivellation h est donc aussi négative ⇒ abaissement de niveau
Extension : La tension superficielle permet d’expliquer les phénomènes d’attraction et de
répulsion qui apparaissent entre les corps de petite taille qui flottent à la surface d’un liquide,
ainsi qu’entre ces corps et les parois d’un récipient.
L’attraction a lieu lorsqu’elles sont toutes le deux soit mouillées, soit non mouillées par le
liquide. En revanche, si l’une est mouillée, et l’autre ne l’est pas, elles subissent une répulsion
mutuelle.
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8. Mesure de la tension superficielle
Il existe différentes méthodes pour mesurer le cœfficient σ
ƒ
méthode par arrachement:
on mesure directement, grâce à un dynamomètre, de la force nécessaire à l’arrachement d’un
solide de forme simple (cylindre creux, plaque …), parfaitement mouillant, plongé dans le
liquide dont on veut mesurer la tension superficielle
F = P + σ L , où L est la longueur mouillée ⇒ σ
ƒ
Méthode du tube capillaire
Observation de l’ascension d’un liquide dans un tube capillaire.
Connaissant ( r , α , ρ ) , la mesure de h ⇒ σ
Nécessite l’utilisation d’un cathétomètre et d’un microscope pour mesurer h et r avec
précision
ƒ
Méthode des gouttes (goniomètre)
Comme la tension superficielle est responsable de la formation des gouttes, l’étude ces
dernières permet la détermination de σ .
Deux méthodes :
Méthode de la goutte posée (ou goutte sessile) : une analyse d’une photographie de la goutte
de profil permet de mesurer θ directement , et d’obtenir σ , car
σ=
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ρ g h2
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où h est la distance entre le point de contact d’un plan vertical tangent à la goutte et la surface
supérieur de celle-ci
Méthode de la goutte tombante (stalagnomètre)
Méthode reposant sur la loi de Tate :
« la masse des gouttes issues d’un tube capillaire est proportionnelle à la tension superficielle
m goutte = k σ
où k est une constante indépendante du liquide et du rayon du tube capillaire»
Mesure relative → σ = σ 0
ƒ
m
m0
Méthode de la pression maximale de bulle
La génération de bulles dans un liquide à partir d’une pression minimale Pm dans un tube à la
profondeur z vérifie :
Pm = ρ g z +
2σ
Rm
où Rm est le rayon maximal de la bulle avant qu’elle ne s’échappe du tube
Mesure insensible aux impuretés de surface.
ƒ
Méthode des ondes de surface
La célérité c des ondes de surface dépend de la longueur d’onde, de la tension superficielle, de
la masse volumique et de l’épaisseur de la couche de liquide.
Mesure de c ⇒ σ
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