Agir sur les effets délétères du travail en horaire atypique

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Agir sur les effets délétères du travail en horaire atypique
Agir sur les effets délétères du travail
en horaire atypique sur la santé :
dépasser les questions de compensations
financières et de volontariat
Les salariés du commerce travaillent beaucoup
plus souvent que l’ensemble des salariés
selon des horaires atypiques
L’enquête
Surveillance
médicale
des
expositions aux risques professionnels (Sumer)
de 2010 lancée par la Direction générale du
travail et la DARES met notamment en
évidence
que
les
contraintes
organisationnelles spécifiques au secteur
« commerce » se traduisent par un recours
important aux horaires atypiques de travail.
L’expression « horaires atypiques » s’applique à
toutes les configurations du temps de travail en
dehors du cadre de la semaine standard.
SEMAINE STANDARD
SEMAINE ATYPIQUE
Entre 5 h et 23 h
De 21 h à 6 h (définition juridique du
travail de nuit)
5 jours : du lundi au vendredi
Nombre variable : samedi, dimanche ou
les jours fériés
L'amplitude des journées
de travail
8h
En-deçà de 5h ou au-delà de 8h
La structure de la journée
Durée continue avec une pause
déjeuner
(entre 12 h et 14 h)
Temps morcelé, par des « coupures »
de durée variable
5 j. travaillés et 2 j. de repos
consécutifs en fin de semaine
Régulier cyclique (3 x 8, 2 x 12) ou
irrégulier
Les horaires
Les jours travaillés
Le rythme du temps de
travail
Selon cette enquête :
 29 % des salariés du commerce ne disposent
pas d'au moins 48 heures consécutives de
repos au cours d'une semaine contre 15,5 %
des salariés du privé tout secteur confondu.
 45,7 % des salariés du commerce sont
amenés à travailler le dimanche et jours
fériés contre 31,4 % des salariés du privé
tout secteur confondu.
 29,7 % des salariés du commerce n’ont pas
les mêmes horaires tous les jours contre
22,7 % des salariés du privé tout secteur
confondu.
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Pas de connaissance de l'horaire de travail à
effectuer la semaine suivante
Pas les mêmes horaires tous les jours
Travail en équipes (travail posté)
Travail le dimanche et jours fériés, même
occasionnellement
Travail de nuit (entre minuit et 5 heures), même
occasionnellement
Effectuer des astreintes
Ne pas disposer d'au moins 48 heures consécutives
de repos au cours d'une semaine
Plus de 40 heures travaillées la semaine précédente*
0,0
Ensemble des salariés du privé
5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0
Ensemble salariés du Commerce
La tendance actuelle des pouvoirs publics
de dérégulation de l’organisation du temps de travail
augmente les possibilités de recours au travail
du dimanche et en soirée dans le commerce
Un salarié ne peut travailler plus de 6 jours par
semaine : au moins un jour de repos (24 heures
auxquelles s’ajoute un repos quotidien
minimum de 11 heures) doit lui être accordé
chaque semaine et, en principe, le dimanche
(repos dominical). Toutefois, la loi du 10 août
2009 a étendu les possibilités de dérogations
permettant aux entreprises du commerce
notamment de faire travailler leurs salariés le
dimanche.
l'égalité des chances économiques ». L’exécutif
veut notamment élargir les dérogations à la
règle du repos dominical pour permettre à un
plus grand nombre de commerces d’ouvrir ce
jour, en les « zones touristiques à fort potentiel
économique ».
Le « travail en soirée » pourra également être
autorisé, « sur décision de l’Etat », dans les
« zones à haut potentiel économique » et
moyennant des majorations de salaires.
Le ministre de l’Economie et des Finances a
dévoilé, mercredi 15 octobre, les grandes
lignes de son projet de loi « pour l'activité et
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La loi du 10 Aout 2009 vise à adapter les dérogations du principe de repos
dominical dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que
dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires
Au travers de cette loi, il s’agit de lister les différentes dérogations :
1) Les dérogations permanentes de droit concernent les établissements que le Code du travail
(art. R. 3132-5 du Code du travail) autorise à ouvrir tous les dimanches sans avoir à solliciter une
quelconque autorisation. Ces établissements sont classés en deux catégories.
a) quelques activités commerciales qui nécessitent d’être exercées de manière continue (Tabacs,
Stations essence, Jardineries et commerce de fleurs en gros et au détail, Commerces de détail
d’ameublement depuis la loi du 3 janvier 2008).
b) tous les magasins, quelle que soit leur taille (hypermarché, supermarché, supérette) dont
l’activité exclusive ou principale est la vente au détail de denrées alimentaires, le repos hebdomadaire
peut être donné le dimanche » à partir de treize heures (au lieu de midi, depuis la loi du 10 août 2009) :
articles L. 3132-13 et R. 3132-8.
c) les établissements qui vendent au détail des produits non alimentaires (art. L. 3132-25) situés
dans les communes « d’intérêt touristique », dans les communes thermales, dans les « zones touristiques
d’affluence exceptionnelle ou dans les zones d’animation culturelle permanente ». Il s’agit d’une des
nouveautés introduites par la loi du 10 août 2009 (auparavant, il fallait demander une autorisation).
2) Les dérogations conventionnelles : la dérogation est possible en application d’un accord
collectif conclu entre un représentant de l’employeur et les organisations syndicales. A défaut d’accord
collectif, seul l’inspecteur du travail peut autoriser le travail le dimanche.
a) en cas de travail continu (art. L. 3132-14), seules les industries ont vocation à en bénéficier. Il
s’agit des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives. Exemple : le personnel
sécurité – incendie d’un établissement organisé en plusieurs équipes qui se relaient de manière continue.
b) les équipes de suppléance (art. L. 3132-16), le personnel est divisé en deux groupes. Le 2ème
groupe a uniquement pour fonction de remplacer le 1er pendant les jours de repos de l’équipe.
3) Les dérogations temporaires sur autorisation, Les employeurs qui ne rentrent pas dans les
cas de dérogation de droit ou conventionnelle doivent demander à l’administration l’autorisation de faire
travailler les salariés le dimanche. Il s’agit donc, la plupart du temps, de demandes émanant
d’établissements commerciaux non alimentaires.
a) Les dérogations accordées par le Préfet : les périmètres urbains de consommation exceptionnels
( PUCE) pour des unités urbaines de plus de un million d’habitants, « les établissements de vente au détail
qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage de consommation
exceptionnelle caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle
concernée et l’éloignement de celle-ci du périmètre » (article L. 3132-25-1). L’Alsace et le département
de la Moselle ne sont pas concernés.
b) Les dérogations accordées par le maire : Le maire (ou le Préfet s’il s’agit de Paris) peut autoriser
par arrêté les commerces de détail à ouvrir cinq dimanches dans l’année (art. L. 3132-26).
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Le travail en horaires atypiques, désorganisateur
biologique et facteur de marginalisation sociale
Les horaires de travail atypiques, notamment
le travail de nuit, sollicitent intensément les
mécanismes physiologiques d'adaptation de
l'organisme et s'associent généralement avec
une diminution moyenne du temps de sommeil
de 1 à 2 heures par tranche de 24 heures,
insuffisamment récupérées en fin de semaine,
constituant ainsi une dette de sommeil.
Les effets chroniques sur la santé découlent
de la répétition sur le long terme des
perturbations des rythmes biologiques et de
la privation de sommeil, qui agissent par des
altérations du fonctionnement des systèmes
immunitaire,
métabolique,
endocrinien,
digestif etc. Le problème du maintien de la
vigilance des travailleurs se pose également
dès lors qu’on lui demande de travailler en
désaccord avec les rythmes biologiques. Les
ruptures de rythme et la privation de sommeil
sont à l'origine d'une somnolence excessive qui
peut entraîner une augmentation des erreurs,
Effets sur la
performance
Effets sur la
vigilance
assoupissements, et accidents et de manière
plus générale une dégradation de la
performance.
Par ailleurs, la présence du travailleur requise
par l’employeur à des heures où il serait
souhaitable d’être libre pour se consacrer aux
différentes activités de la vie hors travail soit
parce qu’ils représentent un moment privilégié
pour accomplir des activités importantes, soit
parce qu’ils constituent une période où il est
possible d’exécuter de nombreuses sortes
d’activités peut également entraîner un
isolement social, perturber la vie de famille,
empêcher la pratique du sport ou de certains
loisirs et faciliter l'abus de substances
addictives (tabac, alcool, cannabis etc.).
Travailler en horaires a donc des effets de
différentes natures :
Effets sur la
santé
physique et
mentale
Travail en
horaire
atypique
Effets sur la
vie sociale et
familiale
Intensification
de la charge
mentale
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Ces effets sont souvent moins négatifs
si le choix des horaires est personnel
Trois facteurs au moins peuvent influencer la
position des salariés par rapport aux
organisations temporelles. Ce sont :
 Les conflits entre les exigences temporelles
du travail et celles des activités hors travail,
notamment dans leurs relations avec les
proches.
 Les discordances entre la mobilisation sur le
lieu de travail et les rythmes circadiens, avec
les effets négatifs sur la santé (troubles du
sommeil, de la digestion, etc.).
 Les valeurs attachées par les travailleurs à
leurs différentes activités professionnelles et
hors travail.
Les enquêtes sur « pour ou contre le travail
effectué le week-end » mettent en évidence
des avis divergents. Une grande disponibilité en
semaine sera vécue par les uns comme positive
« pour s’occuper des enfants et de la maison,
les économies de frais de garderie (pour
enfants en bas âge) » par les autres de façon
négative car se trouvant en déphasage avec les
autres membres de la famille, avec les relations
amicales… ».
La tolérance à ces formes d’aménagement
temporel ne dépend donc pas simplement de
la physiologie, de la fatigue, des biorythmes,
mais également de la notion de volontariat du
salarié et l’acceptation par l’entourage.
Cependant,
la
capacité
individuelle
d'adaptation aux changements des rythmes
biologiques n'exclut aucunement l'apparition
des effets à long terme. Une privation de
sommeil entraîne des altérations fonctionnelles
certaines, même si les ressources physiques et
psychologiques permettent à l'individu de
tolérer et d'être fonctionnel malgré les
perturbations.
C’est donc bien la combinaison de facteurs
professionnels et extra professionnels qui
détermine la position vis-à-vis des horaires
atypiques. De l’acceptation ou du refus par les
salariés en regard de leurs contraintes
familiales et sociales, de ces rythmes hors
normes, dépendra pour une large part, leur
santé psychologique.
Dépasser les questions de compensations
financières et de volontariat pour mener
une réelle politique de prévention
Trop souvent le débat autour de la
dérégulation des organisations du temps de
travail est cristallisé sur les questions de
compensations financières et de la notion de
volontariat. Or, comme on a pu le voir
précédemment, les enjeux sont bien plus
importants pour les travailleurs et les
établissements car les conséquences peuvent
être importantes en termes de santé, de
gestion des ressources humaines et de
performance économique du fait des risques
d’augmentation : des inaptitudes des salariés,
de l’absentéisme, des accidents graves, des
accidents domicile-travail, du Turn-over du
personnel allant à l’encontre d’un maintien des
compétences.
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Un recours accru et non maîtrisé au travail en
horaire atypique par les employeurs peut se
traduire par une précarisation de l’emploi
pour remplacer les absents, des risque de
baisse de la performance globale, dans un
contexte de mise en concurrence accrue.
Rappelons que l’employeur est tenu, en vertu
de l’obligation générale de résultat en termes
de santé et de sécurité qui lui incombe dans
l’article L4121-1, d’assurer la sécurité et
protéger la santé physique et mentale des
travailleurs, notamment par la mise en place
d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille alors à l'adaptation de ces
mesures pour tenir compte du changement des
circonstances et tendre à l'amélioration des
situations existantes.
Plus spécifiquement depuis novembre 2010,
l’article L.4121-1 du Code du travail impose à
l’employeur de prendre des mesures de
prévention de la pénibilité lors du recours au
travail de nuit et aux équipes successives
alternantes.
Les modalités de prévention primaire aux
horaires atypiques (éviter que les salariés y
soient exposés), qui est notamment la capacité
de l’entreprise à limiter le recours à ce type
d’organisation temporelle du travail, d’apporter
une vigilance particulière à l’adaptation du
contenu du travail et de ces exigences pendant
ces périodes apparaissent comme des
éléments déterminants pour limiter l’impact de
ce type d’organisation du travail sur la santé
des salariés.
Quelques pistes d’action à mener en interne
des établissements
En premier lieu, il est nécessaire de procéder à
une évaluation des risques liés au travail en
horaire atypique au sein de votre
établissement afin d’identifier des mesures de
prévention permettant d’agir directement sur
ces facteurs (respect des principes de
prévention selon l’article L4121-2 du code du
travail). Bien souvent l’action est possible via la
mise en place de mesures visant à améliorer
les conditions de travail et l’organisation du
travail.
En second lieu, quand le recours aux horaires
atypiques de travail est inévitable, l’entreprise
devra alors identifier des mesures visant à
protéger les salariés par exemple :
 en associant les salariés de l’entreprise aux
discussions sur les modalités des horaires
(heures de prise de poste, les rythmes et
sens de rotation, l’amplitude des journées
de travail et le temps de récupération…) ;
 en s’assurant de l’acceptation des horaires
par le salarié et avoir le souci de considérer
la tolérance de ces rythmes par l’entourage
familial ;
 en facilitant la mobilité d’un type d’horaire à
l’autre en prenant en compte l’évolution de
l’âge, la situation familiale, les contraintes
financières, la santé des salariés.
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Plusieurs
actions sont
possibles :
Réaliser un suivi d’indicateurs d’alerte (progression
du recours aux horaires atypiques, demandes de
mobilité des salariés d’un horaire à un autre,
évolution les taux de fréquence, de gravité, y compris
ceux des accidents de trajet, du taux
d’absentéisme…)
Alerter le chef d'établissement, s’il constate des
situations préoccupantes pour la santé et la sécurité
des salariés
Aborder le sujet en réunion d’instance
Veiller à l’observation des prescriptions législatives et
réglementaires en matière de prévention, de santé et
de sécurité des salariés, dont la mise en œuvre
d’actions
Procéder à l’analyse des risques professionnels et des
conditions de travail
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L’action du CHSCT en cas de
situations de travail en horaires
atypiques impliquant la notion
de danger « grave »
L’action du CHSCT en cas d’un
projet important d’introduction
de travail en horaire atypique
 Lancer un droit d’alerte dans le cadre
de la procédure de « danger grave et
imminent » (Art L. 4131-2, L. 4132-2
et L. 4131-3 du Code du travail)
 Etre consulté lors d’un projet
important d’introduction de travail
en horaire atypique conformément à
l’article L.4612-8 « Le CHSCT est
consulté avant toute décision
d'aménagement important modifiant
les conditions de santé et de sécurité
ou les conditions de travail et,
notamment, avant toute
transformation importante des
postes de travail découlant de la
modification de l'outillage, d'un
changement de produit ou de
l'organisation du travail, avant toute
modification des cadences et des
normes de productivité liées ou non à
la rémunération du travail »
 Inscription de cette alerte dans le
registre spécial de consignation des
dangers graves et imminents
 Rassembler l’ensemble des traces
écrites disponibles (PV CHSCT,
rapport médecin du travail, plaintes
écrites des salariés, indicateurs RH,
etc.)
 Réalisation d’une enquête CHSCT,
conjointement avec la direction
(Art L.4612-5)
 Tenir une réunion extraordinaire de
CHSCT et demander la mise en œuvre
de mesures correctives et préventives
 Saisir l’inspection du travail en cas de
désaccord avec l’employeur
 Contacter un expert agréé pour avoir
un avis et être éventuellement
appuyés pour la rédaction de la
délibération dans le cas où vous
décidiez d’avoir recours à une
expertise. (L.4614-12 du Code du
travail)
 Rendre un avis éclairé sur les
conséquences du projet sur la santé,
les conditions de travail et la sécurité
des salariés
 Possibilité de recourir à une expertise
comme le prévoit l’article L.4614-12
du Code du travail pour être éclairé
sur les enjeux du projet permettant
de rendre un avis éclairé
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