Le commodat et le bail emphytéotique

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Le commodat et le bail emphytéotique
Mois AAAA
Mois
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février
2007
Le commodat et le bail emphytéotique
En bref
Les organismes à but non lucratif, beaucoup plus que les opérateurs commerciaux, peuvent,
du fait de leur objet d’intérêt général, avoir recours pour leurs locaux d’activité à des formules
originales de mise à disposition de locaux ou de terrains soit gratuitement soit pour des
sommes « symboliques » au regard du marché avec cependant un certain nombre de
contreparties à leur charge : respect de l’objet défini, entretien en bon père de famille,
possibilité de prise en compte de charges incombant au propriétaire. Il s’agit du commodat et
des baux emphytéotiques dont le bail à construction constitue une modalité particulière.
Mots clés
Prêt à usage, commodat, emphytéose, bail à construction
Auteur
Marc Pillon, Conseiller technique Uriopss Rhône-Alpes
Uniopss
Repères juridiques
• Le prêt à usage ou commodat est réglementé par les articles 1875 à 1891 du Code civil.
• Les dispositions du bail emphytéotique sont régies par :
¾ le Code rural, articles L. 451-1 à L. 451-13 ;
¾ pour le bail à construction, le Code de la construction et de l'habitation, articles L. 251-1
L. 251-9 ;
• Pour les opérations avec des collectivités territoriales : le Code général des collectivités
territoriales, articles L. 1311-1 à L. 1311-4.
L’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés à but non lucratif
sanitaires et sociaux) est le Centre national d’animation et de ressources (Cnar) Action sociale,
médico-sociale et santé au sein du Dispositif local d’accompagnement (DLA), dispositif national
d’appui aux activités et services d’utilité sociale.
Plus d’informations sur ce dispositif : http://www.avise.org
Dans le cadre de cette mission, l’Uniopss propose des « fiches pratiques de gestion » pour outiller
les associations et les accompagner dans leur démarche de pérennisation de leurs activités d’utilité
sociale afin de consolider et développer les emplois. Elles sont notamment accessibles aux
adhérents de l’Uniopss et des Uriopss identifiés, sur les sites Internet du réseau Uniopss-Uriopss.
Plus d’information sur l’Uniopss : http://www.uniopss.asso.fr
Ces fiches sont la propriété de l’Uniopss. Elles ne peuvent être reproduites sans son consentement
écrit.
Ministère de la Santé
et des Solidarités
Commission EUROPEENNE
Fonds social européen
Le commodat et le bal emphytéotique
Fiches pratiques de gestion, mars 2007
I - Le commodat
Le prêt à usage ou commodat, bien que non exclusif des associations et fondations, est d’usage fréquent pour
celles-ci, aussi le Règlement n° 99-01 du Comité de la réglementation comptable (CRC) apporte des précisions
sur son traitement.
1) Définition et conditions du commodat
Certaines associations ou fondations bénéficient d'une mise à disposition gratuite de biens immobiliers, à charge
pour elles d'utiliser ces biens conformément aux conventions et d'en assurer l'entretien pendant la durée du prêt
à usage ou commodat.
« Le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en
servir, à charge par le preneur de la rendre après s’en être servi » (article 1875 du Code civil). Ce contrat permet
donc à l’association ou la fondation de disposer de biens qui ne lui appartiennent pas.
Il peut s’agir d’un acte sous seing privé ou d’un acte notarié. Il n’y a pas de droit d’enregistrement à prévoir.
Selon l’article 1876 du Code civil, « ce prêt est essentiellement gratuit ».
Sauf convention contraire, le prêt est nécessairement à durée déterminée : « Le prêteur ne peut retirer la chose
prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a
été empruntée. Néanmoins, si, pendant ce délai, ou avant que le besoin de l'emprunteur ait cessé, il survient au
prêteur un besoin pressant et imprévu de sa chose, le juge peut, suivant les circonstances, obliger l'emprunteur à
la lui rendre » (Article 1888 du Code civil).
Au terme du commodat, le prêteur récupère le bien, y compris les constructions ajoutées, la propriété du sol
emportant la propriété du dessus et du dessous (Article 552 du Code civil).
Selon l’article 1878 du Code civil, « Tout ce qui est dans le commerce, et qui ne se consomme pas par l’usage,
peut être l’objet de cette convention ». Le commodat peut donc concerner toute immobilisation corporelle.
Dans les associations ou fondations, les biens objets de commodats sont en général des ensembles immobiliers
affectés à des activités (scolaires, hospitalières, sociales …) dont les propriétaires ne souhaitent pas, pendant la
durée du commodat, assurer eux-mêmes la gestion. Ils se contentent de contrôler l’orientation d’utilisation du
bien et la manière dont les charges d’entretien sont assumées par l’emprunteur. En général l’emprunteur assume
la charge d’impôt (taxe foncière) et les charges d’assurance qui, normalement, incombent au propriétaire.
L’existence d’un contrat de commodat permet à l’association d’inscrire en comptabilité les biens mis à sa
disposition et de rendre ainsi plus fidèle l’image du patrimoine à la lecture du bilan.
L’article 1880 du Code civil énonce que « L’emprunteur est tenu de veiller, en bon père de famille, à la garde et à
la conservation de la chose prêtée. Il ne peut s’en servir qu’à l’usage déterminé par sa nature ou par la
convention ; le tout à peine de dommages-intérêts, s’il y a lieu ». L’obligation de veiller à la conservation de la
chose prêtée peut conduire le preneur à constituer une provision pour grosses réparations (charge incombant
normalement au propriétaire) destinée à faire face aux coûts de remise en état.
2) Traitement comptable
Inscription en comptabilité du commodat :
¾ à l’actif du bilan de l’établissement utilisateur, inscription de la valeur des biens mis à disposition, dans un
compte 228 « Immobilisations grevées de droit » ;
¾ au passif du bilan de l’établissement utilisateur, inscription de la contrepartie au crédit du compte 229 « Droits
des propriétaires » (il s’agit de fonds associatifs pouvant être repris avant dissolution).
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Le commodat et le bal emphytéotique
Fiches pratiques de gestion, mars 2007
Considérant que des immobilisations qui ne sont pas la propriété de l’association ne peuvent être amorties,
seules des provisions peuvent être constituées pour faire face à la dépréciation des biens, dans la mesure où le
loyer est inexistant ou symbolique :
¾ débit du compte 6815 « Dotation aux provisions pour risques et charges d’exploitation » ;
¾ crédit du compte 15722 « Provisions pour grosses réparations (biens en commodat) ».
Pour les établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi que pour les établissements sanitaires, le calcul du
montant des provisions annuelles pour grosses réparations est soumis à une réglementation précise.
Pour les établissements sociaux et médico-sociaux, l’article R. 314-86 du Code de l’action sociale et des familles
(CASF) énonce : « Les loyers éventuellement versés à une personne morale distincte de l'organisme
gestionnaire ne peuvent pas prendre en compte des charges relevant du propriétaire, sauf en cas de louage
emphytéotique. En ce dernier cas, la somme du loyer annuel, des dotations aux provisions pour travaux, ainsi
que des charges de grosses réparations, au sens de l'article 606 du code civil, qui sont mises à la charge du
locataire, ne peut excéder, chaque année, la valeur locative de l'immeuble évaluée par le service des
Domaines. »
Selon l’instruction comptable « M 21 bis », dans le secteur sanitaire l’établissement devra faire procéder par le
service des Domaines à une évaluation de la valeur locative de l’immobilisation. Le montant de la dotation
annuelle au compte de provision ne pourra dépasser 75 % de la valeur locative. Dans le cas où un loyer
manifestement sous évalué est versé, ce pourcentage s’appliquera sur la différence entre la valeur locative et le
loyer versé.
Selon l’instruction codificatrice M21 du 23 mars 2000, applicable aux établissements sanitaires publics, « Pour
les immeubles mis temporairement à disposition ou pris à bail en contrepartie d’un loyer symbolique ou
manifestement sous-évalué, il est normal que l’établissement bénéficiaire assure la prise en charge des frais de
réparation qui incomberaient normalement aux propriétaires, lorsque le contrat de location le prévoit. A cette fin,
les établissements peuvent constituer une provision pour renouvellement des immobilisations. Le montant de
cette provision ne doit pas dépasser le montant qui est dû au titre d’un loyer normal, ce loyer pouvant être évalué
par l’administration des Domaines. »
L'amortissement de ces biens est constaté en débitant le compte 229 par le crédit du compte 228. Ainsi, à la fin
du contrat de commodat, la valeur du bien est nulle.
A la fin du contrat, lors du retour du bien au prêteur, les comptes 228 « Immobilisations grevées de droits » et
229 « Droits des propriétaires » sont soldés l’un par l’autre.
II - Le bail emphytéotique
L’emphytéose devrait son origine chez les Romains, à la location des terrains publics moyennant un revenu
appelé vectigal.
Dans l'ancien droit français, on considérait l'emphytéote comme un véritable propriétaire, ayant le domaine utile à
charge de fournir une redevance au propriétaire éminent.
Le Code civil était muet sur l'emphytéose, mais la jurisprudence en admit la survivance.
La Loi du 25 juin 1902, codifiée dans le Code rural, en a défini la nature, et précisé les effets.
Le bail emphytéotique est un bail de longue durée (de 18 ans au minimum à 99 ans au maximum) qui confère au
preneur un droit réel immobilier. Ce type de bail ne porte que sur des immeubles (terrains, immeubles), il passe
obligatoirement par un acte notarié est soumis à la publicité foncière par acte authentique. Il ne peut se prolonger
par tacite reconduction.
L'acte constitutif de l'emphytéose n'est assujetti qu’à la taxe de publicité foncière et aux droits d'enregistrement et
de transcription établis pour les baux à ferme ou à loyer d'une durée limitée (article 689 du Code général des
impôts (CGI)). Les mutations de toute nature ayant pour objet soit le droit du bailleur, soit le droit du preneur, sont
soumises aux dispositions du Code général des impôts concernant les transmissions de propriétés d'immeubles.
Le droit est liquidé sur la valeur vénale déterminée par une déclaration estimative des parties.
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Fiches pratiques de gestion, mars 2007
1) Droit de l'emphytéote
On appelle emphytéote ou preneur, la personne physique ou morale titulaire du bail ; il s'agit de l'équivalent du
locataire dans un contrat de bail ordinaire.
Le preneur va se voir conférer des droits plus importants que ceux découlant d'un bail ordinaire. En effet, il a
l'usage et la jouissance de la chose sur laquelle porte son droit. Il en recueille les fruits et l'exploite comme
l'usufruitier. Il peut modifier l'utilisation qui est faite de l'immeuble loué, qui peut être hypothéqué et même faire
l'objet d'une saisie immobilière. Enfin, son droit est cessible et se transmet aux héritiers de l'emphytéote.
2) Obligations de l'emphytéote
En contrepartie de ses prérogatives, l'emphytéote doit payer une redevance généralement faible. Mais cette
modicité de loyer a pour contrepartie des charges plus lourdes : il doit acquitter les charges et contributions,
effectuer les réparations de toute nature, donc même les grosses réparations. Le preneur ne peut opérer dans le
fonds aucun changement qui en diminue la valeur. Il n'est dispensé de reconstruire que s'il établit que la ruine
provient d'un cas fortuit ou d'un vice de la construction. S'il a fait des améliorations ou des constructions qui
augmentent la valeur du fonds, il ne peut ni les détruire, ni réclamer aucune indemnité à l'issue du contrat. De par
sa finalité, le bail emphytéotique implique une obligation d'investir et lie l'emphytéote à des engagements
contractuels importants. A noter également qu'il supporte toutes les charges foncières, ce qui présente
évidemment un avantage fiscal certain pour le propriétaire.
A défaut de conventions contraires, le preneur ne peut demander la réduction de la redevance pour cause de
perte partielle du fonds, ni pour cause de stérilité ou de privation de toute récolte à la suite de cas fortuits. Il ne
peut se libérer de la redevance, ni se soustraire à l'exécution des conditions du bail emphytéotique en délaissant
le fonds.
Le bailleur peut demander la résolution en cas de détériorations graves ou de non-paiement de deux années de
redevance.
A l’expiration du bail, l’immeuble redevient la propriété du propriétaire-bailleur.
Les baux emphytéotiques conclus avec des collectivités territoriales ou l’un de leurs établissements publics
obéissent à des règles particulières définies dans le Code général des collectivités territoriales.
3) Le bail à construction
Le bail à construction régi par le Code de la construction et de l'habitation peut être considéré comme une
variante de l’emphytéose. Il s’agit de la location d’un terrain avec l’obligation pour le preneur de construire et
d’entretenir.
Cette formule permet au propriétaire du terrain, généralement une collectivité locale, de fixer une destination
précise à l’usage du terrain. Elle permet également, notamment en milieu urbain, d’accéder au foncier sans avoir
à supporter le coût du terrain, tout en bénéficiant de droits réels immobiliers : ce type d’opération est
particulièrement intéressant pour les opérations à caractère social en zone ou période de forte spéculation
immobilière et constitue un levier d’action puissant pour les collectivités territoriales.
Le prix du bail peut consister en loyers périodiques ou, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates
et dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la
propriété ou à la jouissance de tels immeubles.
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