Les secrets de la compétition sur l`eau
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Les secrets de la compétition sur l`eau
RENCONTRE PROTOTYPAGE ET INNOVATION Rencontre avec Benjamin Muyl, architecte naval. Ce spécialiste des bateaux de course a travaillé sur des navires d’exception, dont le vainqueur de la dernière coupe de l’America. Il revient sur son métier, les outils qu’il utilise et ses projets. Les secrets de la compétition sur l’eau Sur quels bateaux avez-vous travaillé ? Il y a une dizaines d’années, j’ai travaillé sur l’hydroptère (un bateau équipé d’hydrofoils qui « vole » au dessus de l’eau, NDLR), puis sur Geronimo, le bateau d’Olivier de Kersauson et un hydraplaneur skippé par Yves Parlier. Ensuite, je suis parti en Espagne pour travailler sur Areva Challenge, le défi français pour la 32e Coupe de l’America. Plus récemment, j’ai participé à la conception de BMW Oracle, le gros trimaran qui a remporté la 33e Coupe de l’America et, enfin, Foncia, qui a fait la dernière Route du Rhum. Comment conçoit-on un bateau de course ? Un bateau de course, c’est un prototype. Et en général, c’est un modèle unique. Quand on le peut, on s’appuie sur l’expérience passée pour construire le suivant. Mais pour des projets comme BMW Oracle, il est nécessaire de faire beaucoup de simulations, de modélisations et d’analyses en amont. La simulation joue un grand rôle dans votre métier… Elle intervient dans l’étude des écoulements (aéro et hydro) autour du gréement, de la coque et de ses appendices, celle de la structure à différents niveaux de détail, et ce que l’on appelle le VPP (velocity production program) : un modèle qui va intégrer l’ensemble des résultats, qu’ils soient expérimentaux ou issus de simulation, pour nous aider à prédire la « performance vraie » du bateau. Un projet, c’est six mois d’études avant de lancer la construction, puis un an de construction pendant lequel on continue les études. On les arrête à la mise à l’eau ou plus tard. La quantité de simulations dépend du budget du projet et du temps dont on dispose. Comment faites-vous toutes ces simulations ? Avec les personnes avec qui je travaille régulièrement, nous avons pour ambition de développer la modélisation et la simulation. Pour cela, nous venons de conclure deux partenariats avec Siemens PLM Software et Microsoft. Le premier nous donne accès aux outils de simulation dont nous avons besoin ; le deuxième nous a permis l’acquisition d’un cluster de calcul. On a tendance à comparer votre métier à l’aéronautique ou à la Formule 1. De qui vous sentez-vous plus proche ? J’ai eu l’occasion de rencontrer les équipes d’Eureka, qui préparent des véhicules pour les 24 h du Mans. Il y a beaucoup de points communs entre nos activités, dans les matériaux utilisés, les aspects aérodynamiques, les contraintes de structure et les aspects réglementaires. Enfin, ils s’appuient beaucoup sur les mesures embarquées, comme nous. Et ils utilisent des électroniques qui ressemblent aux nôtres. Comment aller plus vite ? Les progrès des analyses fluidiques, la définition des gréements et des voiles, avec l’apparition des mâts-ailes, par exemple, constituent des éléments importants. En course océanique, l’anticipation de la météo crée un gros changement. Les bateaux vont vite, on peut donc se servir de la météo plutôt que de la subir. Y a-t-il un projet qui vous fait rêver ? J’aime le monde de la petite Coupe de l’America. Ce sont de plus petits bateaux, de plus petits budgets. J’essaie d’en monter un actuellement. J’aimerais aussi me lancer dans un projet de record de vitesse. Propos recueillis par Jean-Sébastien Scandella Janvier-Février 2011 • Dossier Manufacturing • 37