Le Bouton de Nacre de Patricio Guzmán
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Le Bouton de Nacre de Patricio Guzmán
Le Bouton de Nacre de Patricio Guzmán **** Partant d’une fantastique ouverture, sur une goutte d’eau enfermée dans un bloc de quartz vieux de 3000 ans, ce documentaire explore la relation étrange et compliquée du Chili avec l’océan. Au début de Contact, de Robert Zemeckis, la scientifique pure et dure incarnée par Jodie Foster regarde le cosmos et, subjuguée, dit à son collègue : « Ils auraient dû envoyer un poète ! ». C’est fait. Le résultat s’intitule Le Bouton de Nacre. Pendant vingt ans, Patricio Guzmán a dressé un réquisitoire cinématographique contre le coup d’Etat et la dictature de Pinochet, à travers des enquêtes implacables. Et puis brutalement, changement de registre. En 2010, le réalisateur revient à Cannes avec Nostalgie de la Lumière, rêverie métaphysico-poético-politique, cosmogonie mélancolique hantée par un endroit magique, le désert d’Atacama. Les étendues arides et le ciel étoilé devenaient les prétextes d’une quête mémorielle. Avec Le Bouton de Nacre, il reprend ce principe, mais change de matière. Ce n’est plus le sable, la poussière, mais l’eau qui conduit ses divagations : on passe des peuples des côtes massacrés par les colons espagnols aux victimes de Pinochet jetées dans l’océan. La voix de Guzmán, ses images sensualistes et les interviews passionnantes forment le fil conducteur de ce collage fascinant qui rappelle la filmographie de Terrence Malick par son esthétique cristalline et par sa volonté de caresser la matière. On pense aussi aux écrits de philosophe Gaston Bachelard, notamment à L’intuition de l’instant et à L’eau et les rêves. Mais la puissance du documentaire réside surtout dans la façon dont Guzmán mélange les différentes strates : son obsessionnel travail sur la mémoire et ses dérives imagées entrent en résonnance et confèrent au plaidoyer sa force poétique. L’émotion conceptuelle est forte mais, comme dans Nostalgie de la Lumière, l’émotion visuelle l’est plus encore. Les reflets floutés sur une rivière qui se transforment en voute céleste ; un bouton corrodé par le sel et la terre ; les gros plans surréalistes d’un bloc de quartz… Guzmán réussit à mettre en équation la place de l’homme dans l’Univers, sa place dans l’histoire de l’humanité et à lui rappeler son nécessaire devoir de mémoire. Gaël Golhen