Concurrence : les bonnes leçons de l`affaire GE
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Concurrence : les bonnes leçons de l`affaire GE
REPÈRES ET TENDANCES COMPTES ENJEUX EUROPÉENS NATIONAUX Concurrence : les bonnes leçons de l’affaire GE-Honeywell HERVÉ DUMEZ ET ALAIN JEUNEMAÎTRE* O Sociétal Où va l’Europe en matière de politique de la concurrence ? La Commission se voit de plus en plus souvent reprocher une approche étroite et sectaire (voir p. 17). Le débat, déjà ancien, vient de rebondir avec le désaveu infligé récemment par la Cour de Luxembourg à l’exécutif communautaire, qui avait refusé en 1999 la fusion de deux voyagistes britanniques. Mais l’affaire la plus retentissante et la plus symbolique a été l’interdiction, l’an dernier, de la fusion entre les entreprises américaines General Electric et Honeywell. Retour sur un cas exemplaire, qui montre que la Commission a quelques arguments à faire valoir quand elle défend la concurrence. N° 37 3e trimestre 2002 * Centre de recherche en gestion, École polytechnique, et Nuffield College, Oxford, Maison française d’Oxford. 12 L e projet de fusion entre General Electric et Honeywell était le plus important jamais enregistré dans l’histoire de l’industrie américaine, et, ipso facto, dans toute l’histoire industrielle : près de 45 milliards de dollars. Les deux firmes n’étaient pas, sauf sur quelques segments de marché relativement mineurs, directement concurrentes. La situation était en tout cas très différente de ce qu'elle aurait été si, par exemple, Boeing et Airbus avaient projeté de fusionner. Le projet, qui était plutôt de nature conglomérale et verticale, fut approuvé le 2 mai 2001 par le Département américain de la Justice. Celui-ci avait simplement imposé comme condition la vente de la division turbines pour hélicoptères de Honeywell et le fait pour le nouveau groupe de favoriser l’entrée d’une nouvelle entreprise de service d’entretien de CONCURRENCE : LES BONNES LEÇONS DE L’AFFAIRE GE-HONEYWELL certains réacteurs produits par Honeywell. Le 16 mai, le projet était approuvé par les autorités canadiennes de la concurrence. Mais le 3 juillet, la Commission interdisait cette fusion entre ces deux entreprises américaines. Lorsque se produit une affaire de ce type, la Commission fait connaître sa décision. Cette annonce est assortie d'un communiqué de presse donnant un bref résumé des positions de l’exécutif communautaire, qui publie quelques semaines plus tard sa décision proprement dite ; en l’espèce, 134 pages, entrant dans les détails techniques de la définition des différents marchés pertinents, développant des points d’analyse économique abstruse, ainsi que des points juridiques complexes. Ainsi, lorsque la décision est rendue publique, la presse commente à chaud, sans disposer des éléments techniques du dossier, auxquels elle n’aura accès que des semaines plus tard, avec la publication in extenso. Certes, la Commission a fait des progrès dans sa politique de communication : lors de la première décision d’interdiction d’une fusion dans la Communauté sur la base du contrôle des concentrations, celle du rachat de De Havilland par ATR, le communiqué de presse avait suivi avec un temps de retard l'annonce de la décision. Avec le recul apporté par le temps, les commentaires publiés à l’époque dans la presse apparaissent maintenant bien rapides, et fondés sur des données qui se sont révélées fausses par la suite1. Aujourd'hui encore, le communiqué qui accompagne l'annonce de la décision reste succinct. De plus, les journalistes n'ont pas d'accès direct aux fonctionnaires qui ont instruit l'affaire. Les firmes, quant à elles, occupent tels écarts sont courants, on a le terrain et discutent avec la encore pu le voir récemment presse. Le débat est donc en avec la décision de bloquer les partie déséquilibré. Fleurissent importations d’acier et celle de subventionner l’agriculture. alors les analyses à l’emportepièce sur l’absence de politique industrielle européenne, sur Il n’est donc pas faux de ramener l’autorisation de fusion en quesl’extrémisme « ultra-libéral », les tion à une décision de politique « ayatollahs de la concurrence industrielle classique. Depuis de Bruxelles », et autres jugements quelques années, Airbus taille du même genre. En face : un simple des croupières à Boeing. La communiqué de presse et les fusion entre General Electric et commentaires du Commissaire Honeywell se situe au niveau des lui-même et du porte-parole de équipements pour les avions : la Commission. Manquent sans réacteurs, avionique , trains doute des explications montrant d’atterrissage, freins, etc. Si elle que l’affaire est avant tout techétait intervenue, la nique, alors que le dénouvelle firme aurait bat est d’abord lancé fourni près de 50 % sur un plan politique. Le communiqué de la valeur d’un annonçant avion. Airbus n’aurait L’ARRIÈRE-PLAN plus été qu’un concepla décision POLITIQUE teur ensemblier très est succinct, l est évidemment dépendant de son impossible que la les journalistes fournisseur américain plus grosse fusion de n’ont pas accès géant. Grâce à cette l’histoire industrielle fusion, l’industrie aux fonctionnaires des États-Unis, lorsaméricaine aurait requ’elle est étudiée qui ont instruit commencé à dominer par les autorités de l’affaire, toute la chaîne de la concurrence, tant production aéronaules firmes visées américaines qu’eurotique. Ainsi s’explipéennes, ne devienne occupent le terrain : quent les pressions pas un problème poli- fleurissent alors politiques étonnantes tique. Mais le fait que exercées par les resles analyses à le débat se situe sur ponsables américains, ce plan n’est pas un l’emporte-pièce y compris par le préproblème en soi. Ce sur l’« extrémisme sident Bush lors de qui peut l’être, en reson premier déplaceultra-libéral » vanche, est qu’il soit ment en Europe. Le réduit à cette seule de Bruxelles. sénateur Jay Rockefeller dimension. de Virginie-Ouest, président de la sousFace à la décision américaine commission du Sénat sur l’aviad’autoriser la fusion General tion, avait même déclaré en juin Electric-Honeywell, les Européens 2001, alors que la Commission ont naturellement tendance à s’orientait vers une interdiction : penser que les Etats-Unis restent « Une décision interdisant cette égaux à eux-mêmes, proclamant transaction pourrait provoquer leur attachement au marché un coup de froid sur la future libre et aux lois antitrust, mais coopération transatlantique en autorisant, lorsque l’occasion s’en matière d’aéronautique »2. présente, une fusion qui renforce leur puissance industrielle : les Mais, de leur côté, les Américains discours sont une chose, les peuvent eux aussi interpréter actes en sont une autre. De la décision européenne d’inter- I 1 Ce fut le cas dans l’affaire ATRDe Havilland, avec notamment un article de Michel Rocard publié dans Le Nouvel Observateur du 10 au 16 octobre 1991, « Un crime contre l’Europe ». 2 De Q. Briggs John & Rosenblatt Howard (2001), « A Bundle of trouble : the Aftermath of GE/Honeywell », Antitrust, automne 2001. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 13 REPÈRES ET TENDANCES diction comme une démarche politique. Les arguments ne manquent pas, parmi lesquels la quête de légitimité de la Commission en matière de concurrence. Comment mieux asseoir son pouvoir qu’en démontrant sa capacité à interdire une fusion purement américaine ? De plus, l’interdiction de la fusion ne peut-elle apparaître comme une décision de politique industrielle déguisée, permettant de protéger les concurrents européens de General Electric et d‘Honeywell (Rolls Royce par exemple, dans le domaine des réacteurs) et de protéger Airbus face à un fournisseur américain ultra-puissant, capable de s’adjuger une part croissante de l’offre aéronautique ? Qu’on l’admette ou non, il existe bien une dimension politique dans l’acceptation ou le refus des concentrations. Néanmoins, et bien qu’elle soit souvent estompée dans les débats de presse, la dimension technique reste essentielle. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 14 motivée par la volonté de combiner des productions. Face à cette stratégie, les autorités américaines ont estimé : Le marché de l’aviation est complexe : sur les gros et les moyens avions, les constructeurs, Airbus et Boeing certifient plusieurs fournisseurs produisant des éléments, comme les réacteurs. Ils laissent à leurs clients, les compagnies aériennes, le choix du fournisseur. Adoptant pour leur flotte le même modèle de Boeing, par exemple, Air France et Lufthansa peuvent choisir des types de réacteurs différents. Cette possibilité est notamment liée à des problèmes de maintenance : il est plus économique pour une compagnie, même si elle achète à la fois des Boeing et des Airbus, d’acheter tous ses réacteurs à la même société. 1. que les compagnies aériennes et les constructeurs d’avions étaient des entreprises assez grandes et expérimentées pour résister au pouvoir de marché de l’entreprise fusionnée ; Pour d’autres produits, en revanche, c’est le constructeur de l’avion qui impose ses choix aux compagnies. L’idée de la fusion General Electric-Honeywell consistait à s’appuyer sur le fait que les deux entreprises produiraient à la fois des réacteurs, ASPECTS TECHNIQUES des trains d’atterrissage, des ET ARGUMENTAIRE systèmes d’avionique, etc., pour AMÉRICAIN combiner ces types d’offre. Dans l est toujours difficile, un premier temps, au travers de simples des rabais auraient décisions concernant la Les autorités de été offerts, soit concurrence, de retra- Washington ont directement aux cer les stratégies des estimé que la constructeurs entreprises. Quelques d’avions, soit aux points peuvent pourtant fusion entraînerait compagnies aéune baisse des être soulignés. riennes choisissant un ensemble d’éléprix sur le marché, General Electric est une ments de leurs des plus grosses firmes témoignant avions produits par au monde et fonctionne d’une amélioration General Electricselon une logique de de la concurrence. Honeywell ; dans conglomérat. Elle n’était un second temps, en concurrence directe des combinaisons avec Honeywell que sur quelques techniques d’offres auraient segments de marché. Il y avait été proposées, et non plus de donc peu de problèmes horizonsimples rabais. Les choix des taux de domination directe des compagnies auraient alors été marchés. En fait, la fusion était plus limités. I ENJEUX EUROPÉENS 2. que les offres combinées fournies par la firme fusionnée seraient proposées à des prix avantageux, et donc que la fusion entraînerait une baisse des prix sur le marché, témoignant d’une amélioration de la concurrence ; 3. que ces baisses de prix et cette amélioration technique de l’offre, si elles étaient perçues positivement par les clients, obligeraient les concurrents à offrir un équivalent, ce qui est la justification même du marché. Si tel n’était pas le cas, les concurrents seraient éliminés, l’objectif de la politique antitrust n’étant pas de protéger les entreprises inefficaces. LES RAISONS DE LA COMMISSION L a Commission européenne a, de son côté, mené une analyse plus complexe. Elle a noté que General Electric avait des activités techniques, mais aussi des activités financières, et qu’elle pouvait donc offrir des crédits spécialisés à ses clients. Une compagnie n’achète pas seulement des réacteurs, mais des plans de financement. L’exécutif bruxellois a également été très préoccupé par la dimension verticale de la fusion. General Electric dispose, en effet, d’une filiale de location d’avions aux compagnies aériennes, le Gecas. Cette filiale est le plus gros client des constructeurs d’avions, représentant à elle seule à peu près 10 % des acquisitions d’appareils CONCURRENCE : LES BONNES LEÇONS DE L’AFFAIRE GE-HONEYWELL neufs, soit deux fois celles de la plus grosse compagnie. Surtout, le Gecas a une stratégie commerciale consistant à acquérir des avions à contre-cycle, c’està-dire au moment où les compagnies aériennes réduisent leurs commandes. Les achats du Gecas peuvent représenter plusieurs années de la production d’un constructeur moyen. En outre, les compagnies aériennes qui louent des avions pour compléter leur flotte préfèrent qu’il existe des synergies techniques entre les avions qu’elles possèdent et les avions qu’elles louent. Elles ont donc tendance à suivre les choix techniques opérés par le Gecas, qui joue un rôle de leader sur le marché. Pour la Commission, par conséquent, 1. General Electric était en position dominante sur plusieurs des marchés concernés ; 2. la fusion avec Honeywell aurait permis à General Electric de proposer des produits et services que ses concurrents auraient été incapables d’offrir ; 3. General Electric aurait eu les moyens financiers d’offrir à ses clients des conditions financières hors de portée de ses concurrents ; 4. la firme fusionnée aurait été capable de favoriser de manière déterminante, directement et indirectement, l’achat de ses offres combinées. Ainsi, cet ensemble d’éléments aurait permis à la nouvelle firme d’éliminer ses concurrents en fermant définitivement le marché (« foreclosure through packaged offer », § 350 de la décision). La décision d’interdiction s’appuie d’ailleurs sur la réticence de certains acteurs de la chaîne d’offre3, notamment Lufthansa. La Commission estime que la fusion aurait eu pour effet de faire sortir du marché tous les concurrents, incapables de répondre aux offres combinées de General Electric-Honeywell, et qu’à travers les choix du Gecas elle aurait pris en tenaille l’ensemble de la chaîne d’offre. pour faire prévaloir son point de vue, alors même que la position dominante était avérée. Dans le cas General Electric-Honeywell, cette position était nettement moins évidente, la fusion n’étant pas horizontale, et l’offre combinée n’étant pas une réalité mais un projet. Le dossier apparaît nettement plus difficile à plaider Les différences d’interprétation que celui de Microsoft. En effet, des faits s’expliquent sans le Département de la Justice doit doute, on l’a dit, par le suivre des guidelines contexte politique. En La fusion pour les opérations termes industriels, la verticales, que les juges aurait déplacé fusion aurait eu pour américains sont peu effet de déplacer une une grande enclins à interdire. grande partie de la partie de La Commission eurovaleur de la chaîne la valeur de péenne, elle, prend des d’offre aéronautique décisions. Elle n’est de s c o n s t r u c t e u r s , la chaîne d’offre pas tenue par le suivi Boeing et son challenger aéronautique de guidelines. La pièce Airbus, vers un grand vers un grand essentielle est la notififournisseur-concepteur cation des griefs. Elle de composants essen- fournisseurvient tard et surprend tiels, entièrement amé- concepteur donc souvent les firmes. ricain. Mais la divergence de composants Les auditions se tiennent entre les jugements juste après, et, bien américain et européen essentiels, qu’organisées pour être peut aussi s’expliquer entièrement impartiales, ne semblent par des différences américain. pas pouvoir, le plus procédurales. souvent, modifier les positions de la Commission. Les LES DIVERGENCES firmes ont l’impression d’être PROCÉDURALES des souris entre les pattes d’un e Département de la Justice chat qui joue avec elles5. Et cela, (DoJ) américain ne peut pas même si elles ont été informées prendre la décision d’interdire des points qui font problème à une fusion : il doit demander à un la Commission par le communijuge, au cours d’une procédure qué de presse accompagnant la pleinement contradictoire, une décision d’entamer une procédure décision d’interdiction. Au mod’enquête approfondie. ment où se déroulent les faits, le Département de la Justice est Il est bien sûr possible d’introengagé dans l’affaire Microsoft duire un recours contre une déqui, sur le fond, est de même cision de la Commission devant nature 4. Microsoft est accusé le Tribunal de première instance, d’avoir tenté de protéger sa puis, éventuellement, devant la position dominante contre NetsCour européenne de justice, cape en combinant son offre : comme cela a été fait, avec intégration de son navigateur, succès, dans l’affaire récente Explorer, avec son système d’exdes voyagistes anglais. Mais ploitation, Windows. l’effet d’un tel recours est très différent de la décision résultant On sait la difficulté rencontrée de l’approche américaine. Là, par le Département de la Justice l’interdiction est décidée par L 3 Lufthansa est la seule compagnie aérienne à être venue témoigner aux auditions. Elle a clairement manifesté son opposition à l’opération. D’autres acteurs de la chaîne ont également manifesté leur opposition mais ont refusé de le faire en public. 4 Voir H. Dumez (2000) « Le procès Microsoft : un thriller économique », Sociétal, n° 28 et « Les leçons du procès Microsoft », Sociétal, n° 29. 5 Voir Patterson Donna E. & Shapiro Carl (2001), « Transatlantic Divergence in General ElectricHoneywell : Causes and lessons » Antitrust, automne 2001. Dans une affaire à laquelle nous avons participé, une des entreprises impliquées a choisi de ne pas se présenter aux auditions organisées par la Commission : elle estimait que celles-ci représentaient pour elle un coût supplémentaire important et que, de toute façon, la Commission ne changerait pas sa position. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 15 REPÈRES ET TENDANCES un juge tenu de suivre des guidelines précis canalisant l’analyse. Ces divergences procédurales peuvent influer sur l’appréciation finale. En matière de fusions verticales, par exemple, on a vu que la ligne politique s'était infléchie la marge d’appréciation est avec le passage de l’administraplus large qu’en matière de tion Clinton (très active) à l’adconcurrence horizontale. On a ministration Bush (plus encline à beaucoup glosé sur les théories trouver un accord avec la firme économiques ayant servi de de Bill Gates). base à l’appréciation de la DE LARGES ZONES Commission. Les économistes DE CONSENSUS Il est paradoxal que les Étatsaméricains, conseils de General l faut cependant relativiser Unis attachent une telle imporElectric et Honeywell, ont ironisé les divergences d’appréciation tance à une divergence dont sur la vétusté de ces raisonneentre les autorités américaines on vient de voir ments. En réalité, il y et européennes. En matière de qu’elle était plutôt a moins une vérité concurrence, elles sont plutôt exceptionnelle . A universelle en analyse Les Américains rares et le plus souvent minimes. l’intérieur même économique qu’un état devraient être En revanche, les zones de consendes Etats-Unis, des de l’art, un état des satisfaits : dans sus sont larges et portent nooppositions sont controverses, à un motamment sur les problèmes hod’ailleurs possibles ment donné. Le Dépar- les négociations rizontaux : les ententes, cartels, en matière de politement américain de internationales, ils alliances trop étroites entre tique de la concurla Justice a utilisé dans ont toujours insisté entreprises directement concurrence, puisque deux certaines affaires des rentes sont interdites ou condaminstitutions antitrust raisonnements proches pour que leurs nées des deux côtés de l’Atlanont été créées pour de ceux qu’a menés la partenaires (Europe tique ; les fusions entre deux instaurer une certaine Commission dans le cas et Japon surtout) entreprises directement concurémulation : le DéparHoneywell, en particulier rentes ayant pour but de créer tement de la Justice l’importance attachée développent ou de renforcer une position et la Federal Trade au rôle pivot du Gecas 6. des politiques de dominante sont également inCommission. Il arrive concurrence actives. terdites à Washington comme à L’affaire est intervenue donc que si la Federal Bruxelles. au moment où l’admiTrade Commission nistration Clinton quittait ses considère qu’une affaire ne mérite La concurrence apparaît donc fonctions, alors que l’équipe Bush pas enquête le Département de comme une dimension fondaprenait les siennes. Traditionnella Justice s’en saisisse, et récipromentale du bon fonctionnement lement, les administrations répuquement. Ces divergences ne des marchés, aux Etats-Unis blicaines sont plus sensibles aux sont pas rares. comme en Europe. L’affaire arguments des grandes firmes, General Electric-Honeywell n’a alors que les administrations Les Américains devraient être débouché sur des décisions démocrates se montrent plus satisfaits : dans les négociations contradictoires que parce qu’elle actives en matière de politique internationales, ils ont toujours était d’une nature particulière. antitrust. Dans l’affaire Microsoft, beaucoup insisté pour que leurs partenaires (Europe et Japon surtout) développent des politiques de concurrence actives. Un pouvoir qui déborde Avec l’affaire General ElectricHoneywell, l’Union européenne les frontières de l’Union a prouvé que son action antitrust avait les mêmes fondements Comment une instance communautaire peut-elle s’opposer à une fusion et la même légitimité que celle entre entreprises américaines ? En fait, la Direction de la concurrence des Etats-Unis.l (DG4) de la Commission européenne a en charge des problèmes de concurrence sur les marchés de l’Union. Elle est donc compétente pour toutes les opérations susceptibles de fausser ou restreindre la concurrence dans l’espace européen, et cela quelle que soit la nationalité des firmes en cause. Si deux firmes américaines fusionnent, qu’elles opèrent en Europe et que cette fusion a des conséquences sur le marché européen, l’opération de concentration peut être interdite sur cette base. I 6 H. Dumez (2002), « Intégration ou désintégration : l’entreprise dans la chaîne d’offre », Sociétal, n° 35. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 16 ENJEUX EUROPÉENS