Le Parti québécois et la constituante - Presse

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Le Parti québécois et la constituante : un retour sur le chemin des défaites
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Le Parti québécois et la
constituante : un retour sur le
chemin des défaites
- Politique québécoise - Politique -
Date de mise en ligne : mardi 17 janvier 2017
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Le Parti québécois et la constituante : un retour sur le chemin des défaites
Le Parti québécois de Jean-François Lisée repousse la tenue d'un référendum sur la
souveraineté en 2022. Il considère que faire intervenir l'option indépendantiste dans le cadre
des prochaines élections nuirait à la bataille contre le gouvernement Couillard. Ce
raisonnement s'inscrit dans une longue tradition défendue par les élites nationalistes qui
dirigent le PQ. Ce n'est qu'exceptionnement que ce parti a accepté d'affronter réellement le
gouvernement canadien et à chaque moment en parlant de nouvelle entente ou de
souveraineté partenariat. Il vaut la peine de se repencher sur cette longue histoire de défaites
à l'heure où les indépendantistes se font dire que ces attitudes velléitaires indiquent "Le
chemin des victoires"
1. Définition de la constitution comme expression d'un rapport de force
La constitution est la loi fondamentale d'un pays. Suivons le raisonnement de Ferdinand Lasalle à ce sujet. [1]
Qu'est-ce qui distingue une loi fondamentale, écrit-il ? C'est la loi fondamentale qui marque de son sceau toutes les
lois et dispositions juridiques édictées dans un pays. Elle agit comme une force déterminante sur le caractère de ces
lois : à qui s'applique cette loi, qui détient la responsabilité de son application, quel mécanisme définit les possibilités
de son abrogation, quelle instance juridique peut l'invalider ou la défendre...). La force déterminante de la constitution
n'est rien d'autre que celle des rapports de forces réels entre classes et nations existants dans une société donnée.
Les lois expriment des rapports de force. Il faut donc changer la réalité de ces rapports de force pour changer les lois
(et particulièrement la constitution), et non l'inverse, afin que les normes nouvelles reflètent cette réalité transformée.
C'est ainsi que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique était l'expression des grands entrepreneurs qui voulaient
transformer les colonies britanniques d'Amérique du Nord en pays, en un marché unifié. La nation
canadienne-française n'a pas été consultée à ce propos. Les nations autochtones et métisses n'ont eu droit qu'à la
spoliation. Seules les élites canadiennes-françaises liées au grand patronat du Haut et du Bas-Canada ont eu droit
au chapitre, comme partenaires minoritaires et subordonnés.
2. Pourquoi la question de la constitution devient-elle une question d'actualité ?
Les différents processus constituants mobilisés, la démarche choisie, les acteurs impliqués vont eux aussi dépendre
des rapports de force réels... dans une société. Quand un processus de réforme constitutionnelle ne mobilise que
des premiers ministres laissant le peuple sur la touche, il faut comprendre qu'on ne s'attaque pas à la logique
fondatrice de cette constitution. On la dépoussière, on l'aménage ou l'adapte à certains changements sociaux. Mais
lorsqu'on parle de constituante élue au suffrage universel, lorsqu'il s'agit de concrétiser la souveraineté populaire, on
a affaire à une démarche fondatrice, et on peut s'attendre à un prévisible bouleversement des assises de la société
engagée dans un tel processus. C'est pourquoi les constituantes sont des réalités politiques qui sont le plus souvent
le résultat de crises sociales importantes. Elles sont collées à des guerres ou à des révolutions. Dans notre histoire,
c'est lors des rébellions de 1837-38, que l'idée de constituante s'est d'abord manifestée.
Au cours des années 60, la nation canadienne-française devient québécoise. Des partis indépendantistes voient le
jour : Rassemblement pour l'Indépendance nationale, Ralliement national, Parti républicain... Les mobilisations se
multiplient. Les polices antiémeutes répriment. La domination de l'État fédéral est remise en question. Le mouvement
syndical se développement massivement, particulièrement dans le secteur public. Le Parti libéral du Québec
scissionne. La réalité se transforme. Dans les sommets de la société, on envisage certains aménagements. Daniel
Johnson, chef de l'Union nationale désire en arriver à une constitution interne pour le Québec.
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Mais, dans le mouvement national extra-parlementaire, des solutions plus audacieuses sont esquissées. Du 5 au 9
mars 1969, les États généraux du Canada Français concluent sa démarche en tenant des Assises nationales. [2]
Sans en avoir encore véritablement le moyen de l'imposer, les Assises affirment haut et fort que le pouvoir
constituant appartient au peuple québécois. On y esquisse le projet de société d'un Québec indépendant. Le
gouvernement du Québec se voyait confier le mandat d'arrêter les modalités de l'élection et du fonctionnement de la
constituante : 300 à 500 personnes élues au suffrage universel au niveau des circonscriptions électorales ;
incompatibilité des fonctions de député et de constituant ; mandat de douze mois ; soumission au peuple du projet de
constitution élaborée par voie de référendum...
Dans son discours de prorogation des Assises nationales, Rosaire Moraire affirmait : « Il a fallu prendre conscience
de cette situation de prolétariat dans laquelle 80% de la population vit. Si nous voulons résoudre les problèmes
collectifs, si nous voulons redresser une situation économique intolérable, nous devons prendre conscience de l'état
de notre main-d'oeuvre et d'une situation de plein emploi qui est tragique dans ses perspectives de vie sociale. » [3]
le centre de ce discours : le pouvoir constituant appartient au peuple du Québec.
Dans son discours de clôture, le président des États généraux du Canada français, Jacques-Yvan Morin, allait dans
le même sens : « La grande idée qu'il faut répandre et mettre en oeuvre au Québec, c'est la constituante, c'est-à-dire
une assemblée encore plus représentative que la nôtre (les États généraux) élue au suffrage populaire, en dehors
des cadres traditionnels, et pour la seule fin de prendre des décisions quant au type de société que nous voulons
instaurer à travers nos institutions et notre constitution. Lesquelles décisions seraient par la suite soumises
l'approbation de la collectivité par voie de référendum. » [4] On était à cent lieues des allégations des souverainistes
d'aujourd'hui qui prétendent qu'il faut séparer le projet social du projet national.
Mais cette démarche se faisait dans le cadre d'une double absence d'un parti hégémonique (1965-1969...) des
secteurs nationalistes de la bourgeoisie québécoise d'une part, alors que les secteurs organisés des classes
ouvrières et populaires demeuraient sans expression politique autonome, loin de pouvoir être les porteurs d'un tel
élan.
3. Le politique péquiste marginalise la perspective de constituante
Le programme de 1970 du Parti québécois reprendre cette perspective [5] : « La constitution ; État souverain le
Québec adoptera une constitution élaborée avec la participation populaire au niveau des comtés et ratifiée par les
délégués du peuple québécois réunis en assemblée constituante.. Cette constitution devra refléter les aspirations et
la nature réelle du peuple québécois. » Le programme prévoyait la mise en place d'une république présidentielle et
parlementaire. Le système électoral devrait comporter « un élément de représentation proportionnelle. »
Dans une brochure parue en 1972, et intitulée, Comment se fera l'indépendance ? - série d'entrevues avec René
Lévesque, Jacques Parizeau, Jacques-Yvan Morin et Camille Laurin. Un Québec souverain reste défini comme une
république démocratique et sociale. Les programmes du PQ contiendront un tel engagement, et ce, jusqu'à la prise
du pouvoir le 15 novembre 1976. Ce n'est qu'en 1979 que disparaît toute référence au mode d'élaboration de la
Constitution et à la convocation d'une assemblée constituante. [6]
Mais la perspective de constituante n'est pas un élément stratégique dans la conception de l'accession à la
souveraineté. Cette accession se fera soit par l'obtention d'un mandat donné par une élection à une majorité de
députés dans un premier temps soit par un référendum sur cette question à partir de 1974. La perspective de
constituante reste marginale. Elle vient à la fin du processus une fois l'indépendance réalisée..
Cela reflète la domination idéologique écrasante du Parti Québécois sur le mouvement national et plus
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particulièrement de sa direction qui concentre entre ses mains l'essentiel des décisions stratégiques. On est loin du
souffle de démocratie participative et d'aspiration à une véritable souveraineté populaire que portaient les Assises
nationales. On se souviendra de la façon dont fut mise au point la question du premier référendum. L'apparition d'un
deuxième référendum dans la question référendaire fait suite à des tractations secrètes sur le libellé de la question
où même des dirigeants importants du parti, dont Jacques Parizeau, avaient été écartés.
Le livre blanc sur la souveraineté-association déposé à l'Assemblée nationale en 1979 ne fait aucune mention du
processus d'élaboration de la Constitution d'un Québec indépendant. Il s'inscrit dans le prolongement de l'idéologie
des deux peuples fondateurs. Si le référendum donne au gouvernement le mandat de négocier une nouvelle entente
avec l'État fédéral, un deuxième référendum devra être tenu pour ratifier le résultat des négociations.
L'adoption de la stratégie référendaire répondait moins à une volonté d'expression de la souveraineté populaire qu'à
la volonté des élites technocratiques qui dirigeaient le PQ d'opérer une disjonction entre la prise du pouvoir d'une
part et l'ouverture d'une négociation avec le fédéral d'autre part. Les ministres péquistes sont les seuls constituants
de cette démarche souverainiste. Les dirigeants du Parti québécois mènent le processus sur toute la ligne. Ils visent
à conserver intact le Canada comme espace économique distinct et à assurer la libre circulation des marchandises
et des personnes tout en accordant au Québec la totalité des pouvoirs dont a besoin la nation selon eux..
4. La défaite référendaire de 1980 conduit le gouvernement Lévesque à s'engager dans des négociations
constitutionnelles visant la réforme de l'État canadien
La campagne référendaire a donné lieu à une mobilisation passive. Elle visait selon la lettre de René Lévesque
distribuée à l'ensemble de la population à parvenir à une nouvelle entente avec le Canada. Les dirigeants péquistes
promettaient à la population qu'une victoire au référendum ne changerait pas radicalement la donne sociale. Ils n'ont
donc pas cherché à construire une dynamique d'affrontement et de rupture avec l'État canadien. L'idée de
souveraineté populaire est complètement effacée des discours souverainistes.
A. La défaite référendaire redonne l'initiative politique au gouvernement fédéral.
La défaite référendaire de 1980 n'a pas seulement rejeté le gouvernement péquiste sur la défensive. Elle a mené le
gouvernement péquiste à renoncer à son objectif stratégique de souveraineté-association. Il entreprend des
négociations constitutionnelles sans aucun rapport de force. Le gouvernement fédéral a une orientation claire : la
centralisation est nécessaire pour dépasser les étroites aspirations locales discordantes et assurer le destin du tout
canadien. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada anglais imposent le rapatriement
de la constitution canadienne sans l'accord du Québec. Les militant-E-s indépendantistes du Parti québécois tendent
de raidir la position du Parti québécois devant un tel coup de Jarnarc. Mais ils sont remis à leur place par le
rénérendum [7] qui oblige l'ensemble des membres à se ranger inconditionnellement sur les positions du chef.
B. Le tournant vers le beau risque... fait éclater le Parti québécois. Des ministres quittent le gouvernement et
le parti se vide. La défaite sera au rendez-vous.
Les reculs se multiplient. Dans une lettre au Devoir, René Lévesque réduit la perspective de souveraineté à une
simple police d'assurance. Le passage du Parti québécois à l'affirmationnisme de Pierre-Marc Johnson sur le terrain
national et aux mesures antipopulaires sur le terrain social mène à la défaite de 1985. Bourassa s'engage dans les
négociations constitutionnelles pour soi-disant réintégrer le Québec dans l'honneur et la dignité selon une formule
ciselée par Lucien Bouchard lui-même qui avait rallié le Parti de Brian Mulroney.
La souveraineté populaire n'est plus à l'ordre du jour. Les enthousiasmes pour la constituante des États généraux
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sont oubliés. Les constituants de ces négociations constitutionnelles sont les premiers ministres du pays. Elles sont
faites de tractations secrètes et de jeux d'équilibre qui laissent encore une fois le peuple québécois hors jeu. Il n'y a
aucune dénonciation systématique de ces négociations qui écartent le peuple. Il n'y a aucune campagne dénonçant
le caractère élitiste et classiste, secret et manipulateur du projet de « réforme »...de la constitution canadienne et de
ces négociations constitutionnelles.
C. Les accords du lac Meech sont finalement rejetés.
Les accords du lac Meech étaient les demandes les plus minimales jamais formulées par le Québec pour définir sa
place dans la constitution canadienne. Les propositions constitutionnelles avancées par le gouvernement Bourassa
ne répondent en rien à la volonté exprimée depuis les années 60 de voir un transfert de pouvoirs vers l'État
québécois. Malgré cela, les accords du lac Meech seront rejetés par des gouvernements provinciaux du Canada
anglais qui trouveront qu'ils constituent des concessions trop importantes faites à la société québécoise. Les accords
de Charlottetown qui codifiaient un nouveau recul sur les concessions cosmétiques faites au Québec étaient à leur
tour rejetés par un référendum pancanadien tant par le Québec que par le Canada-Canada. Mais ce double rejet
reposait sur des raisons inverses. Pour le Québec, ils accordaient trop peu de concessions au Québec. Pour le
Québec, ils apparaissaient offrir trop de concessions au Québec pour le reste du Canada.
5. Le référendum de 1995, l'ouverture à une souveraineté populaire limitée dans le cadre d'un tournant
néolibéral
L'incapacité du gouvernement Bourassa de livrer la marchandise sur le terrain national a nourri les sentiments de
rejet de la part du reste du Canada. Le reste du Canada (ROC) a refusé d'accorder un minimum de concessions
réelles portant sur une nouvelle répartition des pouvoirs. Cette situation a renforcé les sentiments souverainistes
dans la population et a permis au courant indépendantiste dirigé par Parizeau de reprendre en main du PQ et de
reconquérir le pouvoir dans la perspective de la tenue d'un référendum sur la souveraineté.
A. L'entente du 12 juin 1995 sur la souveraineté partenariat
En 1994, le PQ reprend le pouvoir. L'année suivante, il organise un référendum sur la souveraineté partenariat. Le
gouvernement Parizeau n'envisage pas de convoquer une Assemblée constituante. Il adopte un projet de loi qui
définit déjà clairement les grandes lignes de la souveraineté recherchée. La direction péquiste est engagée dans le
néolibéralisme et veut désarmer la méfiance du gouvernement de Washington. Elle propose donc une souveraineté
limitée.
Sous les pressions de Lucien Bouchard et de Mario Dumont, le projet est encore dilué dans le sens d'une
souveraineté-partenariat. L'entente du 12 mai 1995 [8] conclue par le Parti québécois, le Bloc Québecois et l'ADQ)
prévoit l'association avec le Canada, la monnaie commune, la double citoyenneté, le soutien à l'ALENA et aux
alliances militaires (OTAN et NORAD). Le Québec deviendrait souverain, mais les Québécoises et les Québécois
pourraient demeurer citoyens canadiens. Le Québec deviendrait souverain, mais il pourrait continuer à profiter de la
monnaie canadienne. Le Québec deviendrait souverain, mais il continuerait à être parti à tous les traités et alliances
signés par le gouvernement du Canada. Des institutions politiques communes sont même proposées.
B. Le référendum de 1995 : l'expression contrôlée et limitée de la souveraineté populaire.
Contrairement au référendum de 1980, la direction péquiste prévoit une large consultation organisée par la
Commission sur l'avenir du Québec. Cette consultation a démontré la force des aspirations démocratiques du peuple
québécois. La Commission a tenu près de 300 audiences, reçu plus de 3 000 mémoires et réuni près de 40 000
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personnes. La Commission des jeunes a tenu 20 forums dans 25 villes auxquels ont participé 5 000 jeunes. Nombre
de personnes et d'organisations qui ont pris la parole devant les deux Commissions tenaient à lier les revendications
sociales et les revendications nationales. Mais le gouvernement péquiste ne voyait là que des dérapages. Nous
n'étions pas dans un processus d'expression réelle de la souveraineté populaire. Le Parti québécois gardait le
contrôle total de l'agenda et les choix politiques sont restés fermement dans les mains du gouvernement péquiste.
Cette consultation est une bien pâle expression de ce qu'aurait pu être une véritable démarche d'Assemblée
constituante, car la population du Québec aurait dans une telle institution eu le droit de décider collectivement de la
réalité du Québec dans lequel elle voulait vivre.
Le camp du OUI a adressé un discours à saveur progressiste à la population. Les discours et la publicité du Camp
du OUI associaient ce camp à la paix, à une société écologique et féministe. On cherchait à lier ce camp aux
aspirations à une société égalitaire, à une société qui n'est pas seulement centrée sur la défense des intérêts des
possédants. Ce fut la base de la force du OUI. Mais, ces discours n'ont cependant pas été accompagnés de
véritables mobilisations populaires ni d'engagements réels en termes de projet de société.
Contrairement aux attentes du camp du OUI, tous les secteurs importants de la bourgeoisie québécoise se sont
rangés dans le camp du NON. Même les entreprises dont le développement avait profité du soutien actif de l'État
québécois se sont portées à la défense du fédéralisme canadien.
Quant aux dirigeants canadiens, ils n'ont guère fait preuve d'un comportement démocratique. Ils n'ont reculé devant
aucun moyen légal ou illégal pour empêcher la population du Québec de se prononcer librement. Avant le
référendum, Jean Chrétien a déclaré qu'il ne reconnaîtrait pas une victoire du OUI. À la lumière des manoeuvres
déloyales sinon illégales des fédéralistes, bon nombre de gens considèrent que le référendum de 1995 a été
littéralement volé. [9]
C. La principale leçon du référendum de 1995, la mise en place d'une constituante est essentielle pour
construire une majorité indépendantiste au Québec
Le deuxième référendum sur la souveraineté montre la nécessité d'une large démarche de démocratie participative
réelle permettant que des débats irriguent en profondeur l'ensemble de la société et que la démarche se donne le
temps de le faire. Les travaux d'une constituante qui peuvent s'étendre sur un ou deux ans et qui devraient être
précédés et accompagnés par une telle démarche peuvent favoriser une conscientisation politique de la société.
Pour s'opposer aux forces du statu quo, il faut la plus large mobilisation possible du camp du changement. Les
responsables du référendum de 1995 ont fait quelques pas dans cette direction. Mais cela est demeuré somme toute
insuffisant pour obtenir une majorité.
La direction péquiste a également négligé le caractère multinational (la réalité autochtone) et multiethnique du
Québec et a misé essentiellement sur les francophones. Aucune alliance stratégique n'a été recherchée dans le
cadre du référendum avec les peuples autochtones vivant au Québec. La campagne en direction des communautés
ethnoculturelles a été peu développée. Cette erreur stratégique a permis aux fédéralistes de se présenter comme les
uniques défenseurs des communautés issues de l'immigration. Cette négligence niait la présence de membres de
ces communautés dans le camp du OUI et elle réduisait aussi la portée du ralliement au camp du OUI. Le camp du
OUI n'avait pas reconnu pleinement que la force véritable d'une démarche indépendantiste reposait sur l'ouverture
aux aspirations démocratiques et sociales de sa majorité populaire et de l'ensemble des composantes de la société
québécoise. [10]
6. Les fruits amers de la défaite référendaire de 1995
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A . Le durcissement fédéral - ou la volonté de cuirasser la négation du droit à l'autodétermination du Québec
L'État canadien n'a jamais reconnu officiellement le droit à l'autodétermination du Québec. La réalité nationale du
Québec n'a pas non plus été reconnue tout au plus, on a poussé l'audace à définir le Québec comme une société
distincte. Mais la participation des fédéralistes aux référendums de 1980 et de 1995 constituait une reconnaissance
de facto de ce droit, du moins aux yeux de la population, même si les responsables politiques à Ottawa se fendaient
de déclarations sur le caractère étroitement consultatif des référendums.
La courte victoire du camp fédéraliste en 1995 devait conduire Ottawa à encadrer leur participation à un éventuel
référendum, la loi C-20, ladite loi sur la clarté. Elle donnait à la Chambre des communes l'obligation d'évaluer le
caractère recevable ou non de la question posée dans un éventuel référendum et ouvrait sur la remise en question
du niveau de vote devant être atteint par un référendum gagnant pour participer à des négociations avec les
souverainistes. Il s'agissait en fait d'affirmer haut et fort le refus du droit à l'autodétermination du Québec. D'ailleurs,
le gouvernement Harper devait poursuivre sur cette lancée par une politique conséquente de construction politique et
symbolique de la nation canadienne dans une dénégation de plus en plus systématique de l'existence des minorités
nationales opprimées dans l'État canadien.
B. Accumulation des défaites et dérives néolibérale et provincialiste du Parti québécois
La défaite référendaire va déboucher sur la démission de Jacques Parizeau et le couronnement de Lucien Bouchard.
La direction Bouchard approfondit le tournant néolibéral du gouvernement péquiste. Elle fit du déficit zéro son objectif
principal, s'attaqua aux employé-e-s du secteur public. Le bloc social qui s'était reconstruit en appui au PQ
commença à s'effriter de nouveau. La courte victoire de 1998 a permis à Lucien Bouchard de rejeter à un avenir
indéfini la tenue d'un autre référendum. Sa démission, son remplacement par Bernard Landry ne conduisent
nullement à un changement de politique. Une politique de plus en plus conséquemment néolibérale continua à
opérer ses ravages dans la population et à miner le soutien électoral du Parti québécois.
Sur le terrain national, alors que nombre de souverainistes croyaient que le caractère serré des résultats au
référendum ouvrait la possibilité d'une reprise des hostilités référendaires, la courte victoire aux élections du 30
novembre 1998 où le PQ gagne ses élections avec une minorité des votes (42,87% et 77 député-e-s contre 43,5%
47 député-e-s pour le Parti libéral de Jean Charest), amène Lucien Bouchard à interpréter ces résultats comme le
signal d'un récessaire report de la tenue d'un référendum à un avenir indéterminé. Le programme du PQ en 2001
consigne cette orientation : « Au moment jugé opportun, le gouvernement du Québec soumettra donc à la population
le projet de faire du Québec un pays souverain et de présenter au Canada une offre de partenariat. » [11] La
perspective de partenariat est encore dans le décor. Pour ce qui est du projet de constitution, son élaboration est
confiée à une commission constituante : « Un projet de constitution sera élaboré par une commission constituante
établie conformément aux prescriptions de l'Assemblée nationale. Cette commission, composée d'un nombre égal
d'hommes et de femmes, sera formée de parlementaires et de non-parlementaires et comprendra des Québécois
d'origines et de milieux divers. » [12]
La défaite de 2003 aux élections a permis sans doute d'ouvrir le débat sur la redéfinition des perspectives de la lutte
pour la souveraineté au sein du Parti québécois, la « Saison des idées ». L'article 1 du programme de 2005 stipule
qu'un gouvernement péquiste tiendra un référendum dans un premier mandat. Cette perspective est restée lettre
morte. La démission de Landry, son remplacement par Boisclair, puis sa démission suite à la défaite humiliante du
PQ en 2007 qui fit perdre au PQ son statut d'opposition officielle montrait que ce dernier était entré dans une crise
stratégique majeure. Pauline Marois fit du rejet de l'obligation de la tenue d'un référendum dans un premier mandat
la condition de son retour à la direction du PQ.
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C. La constituante refait surface dans le programme en avril 2011
Le congrès de 2011 lui donna satisfaction. « Aspirant à la liberté politique, le Parti Québécois a pour objectif premier
de réaliser la souveraineté du Québec à la suite d'une consultation de la population par référendum tenu au moment
jugé approprié par le gouvernement. » La constituante qui refait surface dans le programme d'avril 2011 prévoit
également qu'un gouvernement souverainiste « créera une assemblée constituante à laquelle sera conviées à siéger
tous les secteurs et les régions de la société québécoise ainsi que les nations autochtones et inuites du Québec
avec d'écrire la constitution d'un Québec indépendant et devant être approuvé par le peuple québécois ». [13]. Mais,
cette proposition ne sert qu'à répondre à l'ère du temps et ne prête pas à conséquence, parce qu'elle n'est pas un
moment de la stratégie d'accession a l'indépendance, car elle surviendrait après la réalisation de cette dernière. La
stratégie menant à l'indépendance fait maintenant cruellement défaut, car la tenue d'un référendum est maintenant
repoussée à un avenir indéterminé.
Ce sera l'usure d'un gouvernement Charest corrompu et affaibli par un mouvement massif de la jeunesse étudiante,
qui permettra au PQ dirigé par Pauline Marois de former un gouvernement minoritaire qui tiendra à peine 18 mois.
C'est sur ce caractère indéterminé du moment de la tenue du référendum que s'appuiera la campagne de peur
menée par Philippe Couillard contre la tenue d'un référendum surprise que préparerait le Parti québécois s'il était élu.
Mensongère et démagogique, la campagne des fédéralistes a tout même permis au Parti libéral du Québec de
reprendre le pouvoir comme gouvernement majoritaire...
La démission de Pauline Marois, l'élection comme chef puis la démission de Pierre-Karl Péladeau montrent que la
crise stratégique du PQ face à la lutte pour l'indépendance reste entière. La fraction technocratique qui dirige le PQ
aspire d'abord à retourner à la tête d'un gouvernement provincial. Et elle considère que la perspective de la tenue
d'un référendum sur la souveraineté est un obstacle à la reprise du pouvoir. Elle écarte donc systématiquement cette
perspective.
7. Le sens de la victoire de Jean-François Lisée
Ce fut l'option de Jean-François Lisée : pas de victoire du PQ sans la mise de la souveraineté sur la glace pour les
élections de 2018. Un référendum ne sera pas tenu avant les élections de 2022 si le PQ remporte les prochaines
élections provinciales.
La victoire de Jean-François Lisée montre l'ascendant des ministrables sur l'orientation du parti. La défaite de
Martine Ouellet qui a défendu la tenue d'un référendum dans un premier mandat a été écrasante. Cette défaite
reflète la marginalisation du poids des indépendantistes dans ce parti. Maintenant, La proposition principale de 2017
affirme que le PQ demandera à la population du Québec « de lui confier le mandat de réaliser l'indépendance en
2022 » [14]D'ici 2022, bien de l'eau va couler sous les ponts. D'autres virages de Jean-François Lisée seront sans
doute au rendez-vous. La théorie des étapes n'en finit pas de trouver de nouvelles moutures. La constituante, pour le
PQ de Jean-François Lisée, est un sujet de discussion pour une éventuelle convergence. Rien de plus. La tenue du
référendum en 2022, elle, est un miroir aux alouettes.
[1] Ferdinand Lasalle, Qu'est-ce qu'une constitution, 16 avril 1862, http://www.marxists.org/francais/ge...
[2] Voir L'action nationale, volume LVIII, numéros 9 et 10,. mai-juin 1969.
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[3] Idem, page 351
[4] Idem, page 358
[5] Parti québécois, Programme du Parti québécois - La solution, 1970, p. 101
[6] Daniel Turp, La constitution québécoise, JFD Éditions, 2013, pp. 439-440
[7] René Lévesque oblige le Parti québécois à tenir un référendum auprès de tous les membres du parti pour invalider les propositions adoptées
par le congrès du parti et pour imposer ses propres positions.
[8] Texte de l'entente entre le Parti Québécois, le Bloc Québécois et l'Action démocratique du Québec, signée le 12 juin 1995,
http://www.vigile.net/Entente-du-12-juin-1995
[9] Robin Philpot, Le référendum volé, Les Intouchables, 2005
[10] Union des forces progressistes Une constituante pour tracer ensemble les contours d'un Québec indépendant, Texte de Réflexion de l'UFP
,octobre 2005
[11] Programme du Parti québécois, 2001
[12] Programme du Parti québécois, 2001
[13] Programme du Parti québécois de 2011
[14] PQ, Proposition principale, 2017
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