Pudding Théâtre Géopolis

Transcription

Pudding Théâtre Géopolis
Pudding Théâtre
Géopolis
Pudding Théâtre
57
Pudding Théâtre
Géopolis
Le Pudding Théâtre
Le Journal Officiel annonce la naissance du Pudding Théâtre le 13
juillet 1999. Dès le commencement, se dessine notre marque de
fabrique : travailler avec les outils du théâtre au service de la rue,
au plus près de l’urbain et au plus proche des publics. Notre mode
de fonctionnement : la création collective dirigée. Les postes « mise
en scène » et « écriture-dramaturgie » sont des postes fixes qui se
nourrissent de l’intelligence collective de l’équipe et vice et versa.
Si le travail de répétition passe par l’improvisation, les représentations,
elles, sont réglées au cordeau, tout en s’adaptant à la ville et aux
jauges public.
Après avoir travaillé en scènes nationales et autres CDN, tout en
menant des recherches de formes théâtrales pour lieux non théâtraux,
nous sommes sortis des salles par manque d’espace et de relation de
proximité avec le public
Dès notre premier spectacle ZAP !, tous les ingrédients puddinguesques
sont là, en substance. Les spectacles suivants, L’Histoire Extraordinaire,
Class Service et Hollywood Tif, structurent nos méthodes de travail.
Avec Mémoires de Chambres Froides, nous expérimentons les
bascules temporelles, qui nous permettent de faire franchir à notre
public un long laps de temps en l’espace de quelques secondes. Ces
bascules font aujourd’hui partie des ingrédients de la sauce Pudding.
En 2009, D.O.Q., conte urbain… sort en rue. Feu Monsieur Crespin a
fait entrer ce spectacle dans les manuels de son école des arts de la
rue… Notre plus beau compliment !
Se créent conjointement LaVoiturArtificeS et Alambic. L’un comme
l’autre avec un objet scénographique motorisé et mobile comme pivot
dramaturgique. Avec L’Épouvante (2015), nous interrogeons la notion
de peur. L’Épouvante a fait rire, grincher, frissonner, pleurer, mais
surtout réfléchir les publics Chalonnais et Aurillacois. Par certains de
ces axes dramaturgiques, notamment celui du mouvement théâtralisé,
L’Épouvante préfigure notre prochaine création Géopolis.
Théâtralement, nous ne sommes ni militants, ni engagés politiquement,
nous faisons du théâtre à échelle humaine, du théâtre citoyen. Nous
avons joué avec nos neuf spectacles dans la plupart des festivals
français, des plus conséquents aux plus petits. Au fils des ans, la patte
de la compagnie est devenue marque de fabrique, avec toujours la
58
volonté farouche de faire de la ville le théâtre de tous les possibles
pour l’offrir à nos publics. La compagnie est conventionnée depuis
2009 par le conseil régional de Franche-Comté.
CHRISTOPHE CHATELAIN, metteur en rue
Né en 1969, artiste metteur en rue, formateur, acteur pour m’amuser,
ancien acrobate, ancien acteur. En 1980, je suis en 6ème, je vois une
comédie musicale dans mon collège, c’est le flash. J’incorpore un
atelier théâtre en 4ème. Je ne savais pas que ça allait changer ma vie.
À partir de là, je pratique le théâtre comme un affamé. Je rencontre
Sylvie Faivre, ma collaboratrice de toujours. Et puis tout s’enchaîne :
A3 théâtre, bac théâtre, puis une école atypique, le Centre Régional
de Formation aux arts et Techniques du Spectacle, crée pour nous en
Franche-Comté le DUMST. Avec Sylvie on croit inventer un théâtre qui
se joue ailleurs que dans les théâtres et qu’on a appelé le « théâtre
autre ». En fait du théâtre de rue, mais on ne savait pas.
J’intègre La Salamandre comme acrobate comédien, je fais le tour de
l’Europe avec eux pendant cinq ans. Je les quitte, on fonde le Pudding
Théâtre en 1999.
Notre méthode, c’est la création collective dirigée. Pour moi l’acteur
est un créateur. Le metteur en scène un vampire à idées. Donc je signe
en tant que vampire metteur en rue, depuis 16 ans, toutes les créations
du Pudding Théâtre. Et en 16 ans, ça en fait!
Je collabore aussi avec d’autres compagnies : la Rinophanfaryngite,
les Urbaindigènes, les Fugaces, le Cirque équestre Géol, etc. J’ai
soif d’expériences, je suis sûr qu’il faut les multiplier pour devenir
bon. Entre temps, je passe par ce qui deviendra la FAI-AR, qui a
profondément maturé mes pratiques. J’y rencontre Michel Crespin :
un choc. J’y apprends à connaître Jacques Livchine et Hervé Delafond
du Théâtre de l’Unité, des étoiles du nord.
Pour finir, je dirais que la formation (les ateliers de pratique artistique
que je dispense depuis 20 ans dans des lieux non conventionnels
avec des jeunes, des adultes, des taulards, des handicapés, des
circassiens,...) est pour moi une ressource indispensable à mon
équilibre d’artiste. Je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de recette
et s’il y en a une, c’est celle du moment, et on la réinvente ensemble.
SYLVIE FAIVRE, née le jour de la saint Barthélémy en l’année 1969
Enfance dans le Jura, entre livres, jeux de garçon, nature et imaginaire
galopant. Élève de plus en plus délurée, rencontre le théâtre à l’âge
de quatorze ans, et Christophe par la même occasion. Des ateliers
59
amateurs, un circuit A3, une école à Besançon… un beau début de
parcours professionnel comme comédienne et surtout de très belles
rencontres, de très bons pédagogues.
Mon fils a un an quand nous montons le Pudding. D’années en années,
de créations en créations, le Pudding est la compagnie dans laquelle
(ou pour laquelle) je défends ce qui me tient le plus à cœur : un théâtre
de rue, simple, réfléchi et accessible. Un véritable échange avec le
public. Une lecture de la rue comme décor au service des propositions.
Je suis, depuis la naissance de ma fille, rattachée au pôle écriture
et dramaturgie. Souvent les gens me posent la question : « ça ne
te manque pas de jouer ? ». Ce qui me plaisait dans le travail de
comédienne est la même chose que ce qui me passionne dans le
travail d’écriture : chercher.
GÉOPOLIS
« Combien d’événements sont comparables à cet instant crucial
auquel rien ne vous avait préparé, cet instant où vous vous réveillez un
matin, et découvrez que votre vie vient d’être changée à jamais par des
forces qui vous échappent. » Azar Nafisi, Lire Lolita à Téhéran.
Comment quitter son pays ? Comment comprendre qu’il est temps de
le quitter ? Qu’il n’y a plus d’espoir ? Comment décider quand on n’a
plus le choix ? Mais aussi, comment le reste du monde influe sur un
quotidien qui se délite ? Comment une décision prise dans une autre
langue transforme des vies à des milliers de kilomètres de distance ?
Ce sont ces questions qui nous intéressent. Pas tellement pour
y répondre, une vie n’y suffirait pas, mais pour nous interroger et
impliquer notre public dans ce questionnement. Comme pour toutes
nos créations, notre point de vue part de l’humain. Et comme dans tous
nos travaux, nous ne cherchons pas à être sentencieux, à juger, mais
plutôt à faire ressentir, à mettre en émotions des destinées humaines
prises dans la marche des mondes.
Pour mener à bien notre désir artistique, nous souhaitons explorer
différents médiums. Ceux qui nous sont coutumiers et d’autres qui le
sont moins : vidéo, images, lumières, danse.
Nous cherchons aussi à sortir de la langue. Les spectacles du Pudding
sont très écrits, mais ils sont très dépendants des mots. Notre désir
de toucher un public international et surtout l’idée que le sujet choisi
soit accessible à tous nous pousse à revoir notre modus operandi. Le
corps, les images, les situations parlent. La bouche parle même si on
ne comprend pas tout.
60
L’axe de la scénographie est lui aussi très important. Comment
donner à lire au public de façon simple, un contexte particulier ? Une
scénographie minimale qui fasse sens et qui puisse se transformer, se
transporter, donner à voir le plus petit comme le plus grand.
Le repérage urbain se fera sur une grande place ou une avenue
de quartier, l’idée étant que le public soit mouvant mais pas en
déambulation. Ce sont les personnages qui partent, qui doivent
quitter leur terre. Le public, lui, s’adapte, change de point de vue,
est bousculé, voit les événements sous différents angles, mais notre
spectacle est fixe. Pour l’heure notre synopsis de spectacle est simple,
il se développe en trois mouvements principaux :
1/ Nous souhaitons accueillir nos spectateurs avec convivialité, les
faire pénétrer dans notre espace et leur en donner les clefs. Dès
le départ, notre jauge est divisée en sept groupes différents. Leur
entrée dans notre monde se fera par des guérites assimilables à des
postes de douane. Chaque groupe de spectateurs rencontrera de
façon privilégiée quelques personnages, s’attachera à comprendre
son vécu et à visualiser sa petite histoire dans la grande histoire du
territoire. Les histoires intimes existent parce qu’elles font partie de
la Grande ; celle-ci sera distillée sur l’ensemble de ce mouvement.
Nos personnages ont tous un statut particulier qui constitue un panel
représentatif de leur société. On peut rencontrer l’ouvrier, la maîtresse
d’école, le banquier… mais chacun est présenté par son humanité plus
que par sa fonction.
Dans ce premier mouvement, le public sera pris en charge, dans un
environnement qu’il reconnaît comme différent, avec un langage qu’il
ne comprend pas mais interprète.
2/ Le deuxième mouvement s’amorce avec des rencontres. Rencontre
avec les personnages mais aussi entre les groupes de spectateurs.
Si je suis en train d’écouter le personnage du banquier et que celuici entre en discussion avec celui de l’ouvrier, mon groupe (qui suit le
banquier) se confond avec celui de l’ouvrier. Le public se reconstitue
ainsi en une masse à partir de ces groupes séparés. Le spectateur
passe du statut de « touriste » découvrant un nouveau territoire, à celui
de résident de ce territoire.
La tension larvée distillée dans le premier mouvement éclate. Les vies
sont chamboulées, le public bousculé. Le feu est la matière principale
de ce mouvement, mais aussi le rythme, la frénésie, la danse des
corps, des mouvements, l’urgence. Le public est impuissant parce que
manipulé, parce qu’assimilé à une masse.
61
3/ Le troisième mouvement, le départ, est encore frais dans nos esprits. Estce que nous traitons le départ ? Le voyage ? L’arrivée en terre d’accueil ?
Nous procéderons en tout cas par ellipses, qu’elles soient temporelles ou
spatiales, par images prises sur le vif, par tranches de vécu.
Pour finir, et alimenter les imaginaires, nous voyons un groupe de gens
ensemble, en partance, peu importe qu’ils soient sur un bateau, un camion…
Ils sont ensemble, ils viennent de quitter leur vécu et sont en route vers
l’inconnu. Certains se connaissent, ont pris le départ ensemble, d’autres non.
Chacun a son histoire intime et particulière mais leur voyage participe de leur
histoire commune, de celle de leur terre. Chacun avait un travail, une famille,
un niveau de vie… Ils sont tous différents individuellement et tous semblables
dans leur détresse. Notre spectacle, c’est l’histoire de quelques-unes de ces
personnes, c’est une plongée dans leur passé, à la fois personnel et collectif,
avec bienveillance.
62