dossier EHESP Préparer aujourd`hui les enjeux de demain

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dossier EHESP Préparer aujourd`hui les enjeux de demain
n° 56 mars - avril 2015
LE JOURNAL DE L’ASSOCIATION DES DIRECTEURS D’HÔPITAL
www.adh-asso.org
dossier
EHESP
Préparer aujourd’hui
les enjeux de demain
6
27
31
page 6
Vie associative
ADH IDF : quand la mobilité
devient un facteur clé de réussite
page 27
Vie de l’école
Coupe technocratique 2015
Les EDH arrachent la victoire à Strasbourg !
ISSN : 1779-9465
page 31
Vie hospitalière
Floriane de Dadelsen
Service de santé des armées
VIE DE L’ÉCOLE
Stages internationaux - Témoignages
La promotion Denis-Mukwege
à la conquête du monde… hospitalier
En fin d’année dernière, les élèves globe-trotteurs
de la promotion 53 ont eu l’opportunité de se frotter
aux réalités hospitalières à travers le monde. Durant deux mois,
les élèves ont été accueillis dans les structures de santé
de Reykjavik, Hanoï, Skopje, Völklingen, Rio de Janeiro, Rabat…
L’occasion de confronter leur vision de l’hôpital au quotidien
de nos homologues étrangers… parfois séduisant, parfois déconcertant !
Voici les témoignages de six élèves directeurs à leur retour en France.
Floriane Loctin
Fondation Oswaldo Cruz, Rio de Janeiro, Brésil
En quoi a consisté ton stage ?
J’ai eu la chance de faire mon stage à Rio de Janeiro, au sein d’un
centre de soins primaires dépendant de la Fondation Oswaldo
Cruz (ou FiOCruz), une fondation sous la tutelle du ministère de
la Santé brésilien. Ce centre de soins est situé dans les quartiers
nord de Rio, au milieu des favelas. Ma mission consistait à étudier
la prise en charge des maladies chroniques et le lien entre soins
primaires et hôpital.
Quelles différences avec le système français ?
Les deux systèmes de soins sont très différents ! Au niveau des
soins primaires, dans le système public, on ne choisit pas son
médecin traitant : chaque famille est répertoriée et orientée vers
une « équipe de santé de la famille » composée d’un médecin
généraliste, d’un dentiste, d’un infirmier, d’agents communautaires
de santé et éventuellement de paramédicaux (diététiciens, psychologues…). Les cabinets de médecins libéraux n’existent donc
(presque) pas et la prise en charge pluridisciplinaire est la règle.
En ce qui concerne les hôpitaux, ceux-ci sont gérés et financés
page
22 au niveau municipal. Ils
sont donc de petite taille
par rapport aux hôpitaux
français.
Quels apports ?
Cette expérience m’a
appor té beaucoup de
choses. J’en retiendrai une, à
réutiliser une fois en poste : le
management à la brésilienne, qui m’a semblé plus souple, plus
informel. La hiérarchie est très peu marquée ; lors d’une réunion,
il est ainsi très difficile d’identifier le supérieur hiérarchique, et
le tutoiement est la règle. Ce style de management m’a semblé
propice à la prise d’initiatives.
Une anecdote ?
Des prescriptions « médicales » un peu exotiques : une praticienne
conseillait par exemple des pilules d’eau bénite pour favoriser la
grossesse ou des leçons de samba contre la dépression !
n°56 mars-avril 2015 - Journal de l’Association des directeurs d’hôpital
VIE DE L’ÉCOLE Stages internationaux
Quentin Demanet
Skopje, ancienne République yougoslave de Macédoine
En quoi a consisté ton stage ?
Je suis parti étudier la direc tion des établissem
ents de santé en
République de Macédoine à la suite de la réform
e de santé de janvier 2013, qui a instauré deux directeurs à la tête des
établissements.
J’y ai rencontré l’ensemble des acteurs du monde
sanitaire et social,
les direc teurs économiques et médicaux des
établissements de
santé, mais aussi les organismes de tutelles tels que
le minis tère de
la Santé ainsi que l’ambassade de France. Ces mom
ents d’entretiens
et d’observations d’un système de santé en pleine
mutation ont été
extrêmement enrichissants dans l’analyse des gouve
rnances en santé.
Quelles différences avec le système français ?
Depuis la réfor me de 2013, le modèle macédonie
n de direc tion
d’hôpital se rapproche de la gouvernance frança
ise des EPS : deux
direc teurs, un contrôle exercé par le conseil d’éta
blissement – en
charge d’approuver les décisions – et un fonds d’assu
rance social –
principal payeur du système. Cependant, la principale
différence avec
le système français réside dans l’extrême politis
ation des relations
interpersonnelles. Les relations directes avec le minis
tère de la Santé
Christine Cosmao
Hôpital SHG Kliniken Völklingen en Sarre, Allemagne
En quoi a consisté ton stage ?
ntion de coopéL’hôpital de Völklingen a signé en mars  2013 une conve
re en charge en
ration avec le centre hospitalier de Forbach pour prend
myocarde, résidant
urgence les patients atteints d’un infarctus aigu du
logues allemands
en France à proximité. En contrepartie, des cardio
soins intensifs de
participent à la permanence des soins de l’unité de
, j’ai comparé les
cardiologie du CH de Forbach. Pendant ce stage
et d’autre de
part
de
logie
parcours de soins des patients en cardio
nariat. J’ai
parte
le
la frontière et le parcours des patients inclus dans
patients et suggéré
proposé des documents en français à l’attention des
ise.
des adaptations de prestations à la patientèle frança
sont monnaie coura nte et le
conse il d’éta blisse ment n’est
que le relais de ses direc tives.
Les directeurs ne disposent d’aucune marge de manœuvre et
n’ont que très peu d’autonomie,
à l’exemple de la négociation des
budgets, véritable jeu de dupes.
Quels appor ts ?
En tant que futur DH, ce stage m’a permis de mene
r une analyse
complète d’un système de santé étranger et de
mesurer l’impact
de réformes de santé, particulièrement dans un
pays en transition.
Une anecdote ?
Un clin d’œil aux étudi ants de méde cine pour
la riche sse des
discussions et des échanges effectués à la suite de
ma présentation
au sein de la faculté de méde cine, autou r des
comparaiso ns des
systè mes de santé ; un riche mom ent.
infirmiers assur ent le rôle de
l’aide -soignant en plus de leurs
missions.
Quels appor ts ?
J’ai obser vé des bonnes pratique s qui pour raien t être
transposées en France comme
par le personnel,
la promotion des « idées d’amélioration » proposées
la conciliation
orer
améli
le service « famille et métier » qui œuvre pour
communication et
de la vie professionnelle et de la vie familiale, la
rences, les gains
l’ouverture sur la ville par l’organisation de confé
mieux cerner
de
is
perm
m’a
organisationnels… Cette expér ience
Quelles différences avec le système français ?
rrence et le
concu
entre partenariat et
ent aux Länder et les enjeux des coopérations
La compétence sanitaire incom be essentiellem
santé.
qu’en France. La positionnement des acteurs de
les établissements de santé sont plus autonomes
cine hospi talièr e Une anecdote ?
sépar ation entre la médecine de ville et la méde
ment une dicho - J’ai obser vé le fonctionnement d’un service d’urgence cardiologique.
est plus strict e en Allem agne . Il exist e égale
patie nts assur és Suite à un malentendu dans la transmission de l’information concernant
tomie entre les patie nts assur és publics et les
est différ ente en ma venue dans le service, le médecin que j’accompagnais a cru que
privés. L’orga nisation de l’aide médicale urgente
nel para­médical. j’étais étudiante en médecine !
Allemagne puisque le régulateur est un profession
agne et les
Allem
en
e
talièr
Il n’y a pas de fonct ion publique hospi
Journal de l’Association des directeurs d’hôpital - n°56 mars-avril 2015 page
23
VIE DE L’ÉCOLE
Harmonie Acquaviva
Rabat, Maroc
Institut national d’oncologie de
s, pour qui le
à recruter des praticien
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le.
ôpital est souvent dif fici
métier de direc teur d’h
En quoi a consisté ton
stage ?
liQuels apports ?
J’avais pour mission de réa
des objec tifs
rd permis de réaliser
nctio
Ce stage m’a tou t d’abo
ser un audit sur le fon
dans le domaine
du professionnels (développer des connaissances
nement et l’organisation
es utiles à mes
ire de l’oncologie , développer des compétenc
pôle gy néco -mamma
). Il m’a aussi
e le pilotage de projet
it
(PGM) de l’hôpital. Il s’ag futures fonctions comm
au regard du modèle
à la prise permis de réfléchir à ma future fonction
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Maroc
sur certains aspec ts co
d’un pôle d’excellence au
du col de l’utérus. marocain et de m’interr oger
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té d’un hôpital.
L’objectif pour l’établiss
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de ce nouveau pôle do
Une anecdote ?
le système français ?
ux socio-esthéticiennes
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t des médecins leur hospitalisation. Elles ne sont qu
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les direc teurs d’hôpital
donc et j’ai eu la chance de faire la tournée du pô
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ayant déjà une longue
té marocains de Un grand moment de convivialité
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simple » les chambres où cer taines patientes se
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de leurs voisines venue
concevoir qu’un direc teu
praticien. Cette la première fois, sous l’œil amusé
été
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gestionnaire, qui plus est
endant en train nombre dans la chambre.
ôpital médecin est cep
vision du direc teur d’h
s
d’évoluer en raison de
Johanne Menu
Hôpital de l’université de médecine de Hanoï, Vietnam
En quoi a consisté ton stage ?
Ma mission était de décrire le management actuel de l’hôpital,
notamment en collectant les données utiles pour l’offre de formation
à proposer en vue de la transformation de l’hôpital en CHU. Il
s’agissait de décrire le fonctionnement au quotidien de l’hôpital par
grandes fonctions et activités : la direction, les services de gestion, le
champ de compétences du décideur hospitalier, la responsabilité, la
délégation, les processus de décision, les relations avec les instances
délibératives, consultatives.
Quelles différences avec le système français ?
La régulation de l’offre de soins est quasi inexistante, de même
que la médecine de ville. Les patients se rendent donc en premier
recours à l’hôpital, ce qui génère des flux importants à absorber
pour les établissements.
page
24 Quels apports ?
Les enseignement s que
j’en tire sont nombreux !
J’ai d’abord découvert la
coopération internationale,
ses acteurs, son financement
et la richesse qu’elle apporte
en termes d’échange d’expériences. J’ai par ailleurs
renforcé ma capacité à comprendre et à gérer la complexité
des acteurs dans les relations internes et externes d’un projet.
Une anecdote ?
Une erreur de traduction amusante ! En visitant l’hôpital de
l’université avec une collègue vietnamienne, j’ai appris que dans
le service de pneumologie étaient soignés les « pneus » !
n°56 mars-avril 2015 - Journal de l’Association des directeurs d’hôpital
VIE DE L’ÉCOLE Stages internationaux
Estelle Rayne
Direction des finances de l’hôpital universitai
re d’Islande Landspítali, Reykjavik
En quoi a consisté ton stage ?
Mon stage avait pour objet
d’appor ter des informations sur
ce qui se faisait ailleurs afin de
permettre à l’établissement de
met tre en œuvre les grandes
réformes hospitalières, abandonnées au moment de la crise éco
nomique : tarification à l’activité,
amélior ation de l’information qua
lité, développement des soins
programmés aux patients étrange
rs… Le pays ne comptant que
320 000 habitants, les experts hos
pitaliers sont tous concentrés au
CHU ; de ce fait, c’es t l’hôpital qui
impulse ses propres réformes.
« Notre situation est unique : nous devo
ns proposer des soins de qualité sur
un territoire isolé, peu peuplé et en crise
. Landspítali n’a pas un monopole,
il a une responsabilité immense », exp
liquait Maria Heimisdottír, la DAF
de Landspítali. Bien que le CHU
accueille un tier s de la population
islandaise chaque année et, depuis
peu, des patients du Groenland
et des îles Féroé, la file active n’es
t pas suffisante pour proposer
certains soins trop spécialisés, pou
r lesquels les patients sont envoyé
s
à l’étranger. L’hôpital tente de rem
édier à la situation en organisant un
échange de praticiens avec des hôp
itaux étrangers afin de maintenir
et développer leur s compétence
s.
Quels apports ?
J’ai éprouvé l’utilité du benchmarki
ng et des programmes de coopér ation et j’ai appris à les utiliser
efficacement, enseignements qui
me seront indispensables dans ma
future pratique professionnelle.
Stages internationaux - Restitutions
La 11e édition du Forum
international à l’EHESP
Le 4 février 2015, la 11e édition du Forum international
s’est déroulée sur le campus rennais de l’EHESP.
Cet événement annuel est intégré au programme
d’enseignement de plusieurs filières de formation de
professionnels de santé : directeurs d’hôpital, directeurs
d’établissement sanitaire, social et médico-social,
inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, attachés
d’administration hospitalière et directeurs des soins.
Un temps fort pour les élèves
Lors de cette édition, des restitutions
ont été réalisées par des élèves de
l’EHESP par tis en stage fin 2014 pour
une durée de un à deux mois, en
Europe et à l’international. Les thèmes
des ateliers de restitution étaient très
diversifiés :
• promotion de la santé et prévention.
Deux ateliers anglophones ont également eu lieu.
Des tuteurs de stage étrangers ont
été accueillis à cette occasion en terre
rennaise, représentant six pays : Burkina
Faso, Hongrie, Macédoine, Maroc, PaysBas, Québec. Ils ont témoigné de leur
expérience de manager d’établissement
hospitalier, sanitaire, social, médico-social, ou de chef de projet en santé
publique au
• lutte contre les inégalités de
santé ;
• politiques sociales et de santé ;
• organisation, pilotage, régulation
et management des services de
santé dans leurs dimensions sanitaires et médico-sociales ;
• environnement et santé ;
Journal de l’Association des directeurs d’hôpital - n°56 mars-avril 2015 page
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VIE DE L’ÉCOLE
sein d’associations et d’organisations
non gouvernementales.
Des prix ont été décernés lors de la
clôture du forum aux meilleures restitutions de stage. Enfin, un concours
photos a été organisé et les meilleurs
clichés récompensés.
La politique
des stages internationaux
Les élèves des formations
de professionnels de santé
Les stages à l’étranger contribuent à la
volonté d’internationalisation
de l’EHESP, inscrite dans
le contrat d’objectif et de performance
2014-2018. Ils visent à accompagner les
évolutions du système de santé et sont
le lieu d’échanges de bonnes pratiques
entre les stagiaires et les structures
d’accueil. L’élève, en sa qualité d’ambassadeur de l’EHESP, participe ainsi à
l’ouverture européenne et internationale de l’école.
Les étudiants
de formation de master
Le stage international des étudiants
suivant leur master à l’EHESP est différent du stage des élèves fonctionnaires :
il s’agit d’un stage de fin d’études qui
donne lieu à la rédaction d’un mémoire
et d’une soutenance tout en présentant
un enjeu d’insertion professionnelle. l
Les élèves récompensés pour les meilleures restitutions de stage et leurs tuteurs lors du Forum
international 2015 (photo Solène Roi).
Témoignages de tuteurs de stage
« Personne à l’hôpital n’était capable de faire un benchmark au
niveau européen. C’est ce que la stagiaire a réussi à faire, avec
l’aide de l’équipe et du Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah).
Une première aux Pays-Bas ! » Royan Van Velse, directeur des
achats, hôpital Rijnstate, Pays-Bas (tuteur d’un élève EDH)
« Ce fut un réel apport pour notre structure, par un échange de
compétences, de savoirs et de savoir-faire : un bel échange entre
civilisations, même si la France et le Maroc, on se connaît déjà ! (rires)
L’échange a été également très fort pour le personnel. » Mohamed
Lamadel, directeur, centre social pour personnes âgées HayNahda, Rabat, Maroc (tuteur d’une élève DESSMS)
page
26 « Le stagiaire n’était pas habilité à aider les handicapés, puisque
son diplôme ne le permettait pas (ce n’est pas un éducateur
spécialisé, ni un assistant social). De ce fait, il a réalisé
différentes interviews au sein de l’équipe (avec des docteurs,
des travailleurs sociaux, des infirmières, deux ou trois clients…)
et a été force de proposition. Cela nous a permis d’avoir un
avis extérieur sur notre fonctionnement, et nous avons même
été jusqu’à changer notre protocole. » Erik Fukz, chargé de
développement, Merek, centre de réhabilitation pour
personnes handicapées physiques, Hongrie (tuteur
d’un élève IASS).
n°56 mars-avril 2015 - Journal de l’Association des directeurs d’hôpital