Magyar Királyi Földtani Intézet (1989.)

Transcription

Magyar Királyi Földtani Intézet (1989.)
PROLEBIAS HUNGARICUS NOV. SP. UNE NOUVELLE ESPÈCE DE POISSONS
CYPRINODONTIDAE DES DLATOMITES MIOCÈNES DE SZURDOKPÜSPÖKI
(COMTÉ DE NÓGRÁD, HONGRIE)
par
Jean G
audant
17, rue du Docteur Magnan — 75013 Paris (France)
(U.R.A. 720 du C.N.R.S.)
UDC: 567:551.782.1 (234.373.3)
D e s c r i p t o r s : Pisces, Cyprinodontidae, morphologie, taxonomie, taxon
nouveau, Miocène, paleoecologie, milieu saumâtre, Montagne Mátra (NE Hongrie)
Une nouvelle espèce de poissons Cyprinodontidae, Prolebias hungaricus nov. sp.,
dont les otolithes sont conservées in situ, est décrite dans les diatomites inférieures du
Miocène moyen (Badénien supérieur) de Szurdokpüspöki (Comté de Nógrád, Hong­
rie). Ces poissons permettent de confirmer le caractère faiblement saumâtre de ce sédi­
ment.
Introduction
L’existence de poissons fossiles dans les diatomites inférieures saumâtres qui affleùrent
entre Szurdokpüspöki et Gyöngyöspata (Sud-Oest des Monts Mátra) (Fig. 1) a été signa­
lée pour la première fois par M. H a j ő s (1968) qui, citant les déterminations inédites de B.
B ô h m , y mentionnait les espèces Clupea longimana H e c k e l et Leuciscus zagyvaniensis
B ô h m . Il faut toutefois noter que cette dernière n’ayant jamais été, ni décrite, ni figurée,
doit être considérée comme nomen nudum. De plus, les fouilles que nous avons réalisées à
Szurdokpüspöki en collaboration avec le M. L. K o r d o s , et l’examen des fossiles récoltés
précédemment dans ce gisement par les Mme M. H a j ó s et M. N. H o m o n n a y (collections
conservées à l’Institut Géologique de Hongrie: MÁFI) nous ont convaincu qu’il n’existe
qu’une seule espèce de poissons fossiles à Szurdokpüspöki et qu’il ne s’agit ni d’un Clupeidae, ni d’un Cyprinidae, mais d’un Cyprinodontidae.
Données stratigraphiques
D’après les travaux les plus récents, l’âge des diatomites inférieures saumâtres de
Szurdokpüspöki pourrait être soit badénien (M. H a j ó s 1986), soit sarmatien (G. H á m o r
1985). Ce dernier intègre ces niveaux dans la « Sajóvölgy Formation » qu’il considère
comme constituant la base du Sarmatien. Or, nous disposons de datations radiométriques
obtenues sur le tuf rhyolitique qui, à Szurdokpüspöki, sépare les diatomites inférieures sau-
B io z o n e s
m a m m a lo g iq u e s
P a ra té th ÿ s
M é d ite rra n é e
CD
ZJ
o
O
—1
-11.8 M.A.
MN 8
S a rm a tie n
MN7
S e rra v a llie n
B a d é n ie n
MN 6
•-13.7+0.8M.A.
(t ) Szurdokpüspöki
MN 5
L a n g h ie n
-16.8 M.A.
K á rp á tié n
Fig. 2. Tableau indiquant la position stratigraphique probable
des diatomites inférieures de Szurdokpüspöki
mâtres et les diatomites supérieures marines, intégrées par G. H á m o r (1985) dans la
« Kozárd Formation ». Ce tuf rhyolitique, souvent désigné comme « tuf rhyolitique supéri­
eur » (« Upper Rhyolite Tuff ») est désormais baptisé par cet auteur « Galgavölgy Rhyolite Tuff Formation ». Il a été daté par la méthode radiométrique K /A r à —13,7+0,8 M.A.
(G. H á m o r et al. 1979). Cela le place approximativement à la limite Badénien—Sarmatien
(F. R ögl & F. F. S t e i n i n g e r 1983). En conséquence, comme le montre la figure 2, les dia­
tomites inférieures saumâtres de Szurdokpüspöki paraissent devoir être rapportées au Ba­
dénien et non au Sarmatien.
Une seconde méthode de détermination de l’âge des diatomites inférieures de Szur­
dokpüspöki repose sur l’étude des Mammifères fossiles. Or, la partie supérieure des diato­
mites inférieures a livré des restes de Vertébrés parmi lesquels ont été identifiés Deinotherium aff. bavaricum ( v o n M e y e r ) , Gomphotherium angustidens ( C u v i e r ) , Macrotherium
grande ( L a r t e t ) , Brachypotherium brachypus ( L a r t e t ) , « Aceratherium » tetradactylum
( L a r t e t ) , ainsi que des restes de Rhinocerotidae indéterminés (M. K r e t z o i & I . P á l f a l v y
1969). D’après L . K o r d o s (1985), cette association caractériserait les zones mammalogiques MN 6 ou MN7. Or, comme le montre la figure 2, la zone MN6 correspond au Badénien moyen, tandis que la zone MN7 débute au Badénien supérieur pour se terminer au
Sarmatien inférieur.
Description anatomique
• Les poissons décrits ci-après sont conservés dans les collections -paléontologiques de
l’Institut Géologique de Hongrie (MÁFI). Ils ont été récoltés par la Mme M. H a j ó s et M.
N. H o m o n n a y . En outre, les fouilles réalisées en 1987 par l’auteur, en collaboration avec le
M. L. K o r d o s ont permis d’ajouter à ce matériel une trentaine de spécimens. Il est égale­
ment à noter que quelques poissons fossiles de Szurdokpüspöki sont conservés au Dépar­
tement de Géologie et Paléontologie du Muséum d’Histoire naturelle de Hongrie (Termé­
szettudományi Múzeum).
La forme du corps — Les poissons découverts dans les diatomites de Szurdokpüspöki
appartiennent à une espèce de petite taille dont la longeur standard ne semble pas avoir
été supérieure à 40 mm. On notera cependant que M. H a j ó s (1968, p. 11) mentionne une
taille moyenne atteignant approximativement 6 cm, alors que la longueur totale des spéci­
mens que nous avons examinés n’excède jamais 48 mm. Le corps est élancé, sa hauteur
maximale représentant le plus souvent 20 à 25% de la longueur standard. La nageoire
caudale, en forme de palette tronquée postérieurement, a une longeur qui représente ap­
proximativement 1/4 à 1/5 de la longueur standard. La tête, relativement grande, consti­
tue généralement environ 30% de cette même dimension.
Les mensurations de l ’holotype (inventorié V. 18084 Vt 143) s’établissent comm suit:
Longueur totale: —
Longueur standard: 32,5 mm
Hauteur maximale du corps: 6,5 mm
Longueur de la tête: 10 mm
Distance anté-dorsale: 23,5 mm
Distance anté-anale: 23 mm
Distance anté-pectorale: 12 mm
Distance anté-pelvienne: 18 mm
Longueur de la dorsale: 5,5 mm environ
Longueur de l’anale: 6 mm environ
Longueur des pectorales: 4 mm
Longueur des pelviennes: 3 mm
Longueur basale de la dorsale: 3 mm
Longueur basale de l’anale: 3,5 mm
Longueur du pédicule caudal: 6 mm
Hauteur du pédicule caudal: 4 mm
Les nageoires dorsale et anale qui sont pratiquement opposées l’une à l’autre sont
toutes deux situées dans la moitié postérieure du corps. L’anale débute généralement un
peu en avant de la verticale passant par l’origine de la dorsale bien que, dans certains cas,
les deux nageoires soient exactement opposées. Les pelviennes, de petite taille, sont tou­
jours insérées un peu plus près de l’origine de l’anale que de la base des pectorales.
La tête (Pl. 1, fig. 3) — L’état de conservation généralement assez médiocre du maté­
riel ne permet pas de donner une description détaillée de l’anatomie céphalique. En effet,
seuls quelques os ont pu être observés dans des conditions satisfaisantes.
Comme le montre l’holotype (inventorié V. 18084 vt 143), la région préorbitaire est
relativement grande puisqu’elle constitue approximativement le 1/4 de la longueur de la
tête tandis que le diamètre horizontal de l’orbite égale environ 1/3 de cette même dimen­
sion.
Le toit crânien est visible sur le spécimen inventorié V. 18 086 (Pl. 1, fig. 3). On y re­
marque le grand développement des frontaux.
La cavité buccale, oblique, est relativement courte puisque l’articulation de la mandi­
bule avec le carré prend place sous le bord antérieur de l’orbite. Le dentaire est observable
sur le spécimen inventorié V. 18 089, récolté par M. H a j ó s (Fig. 3). On y remarque l’ab­
sence de processus ventral en éperon dirigé vers l’avant, caractéristique du genre Aphanius N a r d o , et la présence de plusieurs rangées de dents coniques sur son bord oral. Les
dents de la rangée externe (Pl. 1, fig. 5) sont sensiblement plus grandes que les dents inter­
nes qui devaient être disposées en deux rangées.
Dans la région postorbitaire, on distingue le préopercule dont la branche horizontale,
plus développée que. la branche verticale, mesure approximativement les 2/5 de la lon­
gueur de la tête. L’opercule, de grande taille, présente une forme générale subtriangulaire
(Fig. 4). Comme le montre le spécimen inventorié V.18090, récolté par M. H a j ó s , les
bords antérieur et supérieur de l’os, tous deux pratiquement rectilignes, forment entre eux
un angle d’environ 100°. De ce fait, le bord supérieur s’élève sensiblement vers l’arrière
avant de se raccorder au contour postéro-ventral qui est plus ou moins régulièrement con­
vexe. Les os pharyngiens inférieurs sont parfois observables, notamment sur le spécimen
inventorié V. 18 091, récolté par N. H o m o n n a y (Fig. 5). Ils sont triangulaires, allongés et
relativement étroits. Ils portent de nombreuses dents pharyngiennes coniques, légèrement
arquées, sur lesquelles s’observe, sur leur face concave, approximativement à leur tiers dis­
tal, une petite protubérance en forme de bulbe (Pl. 1, fig. 6—7).
Des otolithes (sagitta) sont assez souvent fossilisées in situ sur les squelettes. Comme
le montrent celles représentées (Fig. 6; Pl. 1, fig. 4), les sagitta présentent une forme géné­
rale ovoïde à subcirculaire. Le rostrum et i'antirostrum, tous deux relativement effacés,
sont séparés par une excisura assez profonde. Le sulcus peut pratiquement se diviser en un
ostium, à peine élargi mais assez nettement déprimé et une cauda rectiligne peu profonde,
qui n’atteint pas le bord postérieur de l’otolithe. Une aréa déprimée, allongée longitudi­
nalement, prend place sur le champ dorsal. Le champ ventral est légèrement bombé. La fa­
ce externe de la sagitta est assez modérément convexe.
Le corps — Le squelette axial paraît être composé de 28 ou 29 vertèbres dont 11 ou
12 constituent la région abdominale, tandis que le nombre de vertèbres postabdominales
varie de 16 à 18. Les centra vertébraux sont sensiblement allongés et rétrécis en leur mili­
eu. Ils supportent des neurapophyses et des hémapophyses très développées dont l’extré­
mité distale prend place approximativement aux 2/3 ou aux 3/4 de la distance séparant
les parties supérieure et inférieure des centra, respectivement des bords dorsal et ventral de
l’animal.
Les côtes, longues et relativement robustes, semblent avoir été au nombre d’environ 9
paires. L’extrémité distale des premières paires de côtes atteint le bord ventral de la cavité
abdominale tandis que la longeur des côtes situées en arrière des nageoires pelviennes di­
minue progressivement.
La cavité abdominale est généralement plus ou moins colorée par une substance orga­
nique noirâtre, comme c’est généralement le cas chez les Cyprinodontidae Fossiles.
Fig. 3.
Fig. 4.
B
A
Fig. 5.
Fig. 6.
Fig. 3. Prolebias hungaricus nov. sp. Face mésiale de la mandibule du spécimen inventorié
V. 18089, conservé à l’Institut Géologique de Hongrie
Fig. 4. Prolebias hungaricus nov. sp. Face interne de l’opercule gauche du spécimen inventorié
V. 18090, conservé à l’Institut Géologique de Hongrie
Fig. 5. Prolebias hungaricus nov. sp. Face inférieure de l’os pharyngien inférieur gauche du spécimen
inventorié V. 18091, conservé à l’Institut Géologique de Hongrie
Fig. 6. Prolebias hungaricus nov. sp. Face interne de deux otolithes.
A: Sagitta droite inventoriée V. 18088.
B: Sagitta gauche inventoriée V. 18087.
Ces deux otolithes sont conservées à l’Institut Géologique de Hongrie
La nageoire caudale, en forme de palette tronquée postérieurement, mesure, selon les
individus, un quart à un peu moins d’un quart de la longueur standard. Elle se compose de
12 à 14 rayons principaux à la fois articulés et bifurqués, en avant desquels prennent place,
dorsalement et ventralement, respectivement 5 à 7 et 5 ou 6 rayons marginaux.
Comme le montre le spécimen inventorié V. 18 092, le squelette caudal axial est cons­
titué de 4 vertèbres: en avant du complexe uro-terminal trois vertèbres préurales libres
contribuent en effet, par leurs neurapophyses et hémapophyses allongées, au soutien des
lépidotriches caudaux. Le caractère le plus marquant du squelette caudal axial est toutefois
la possession d’une plaque biypurale unique très large sur laquelle s’observe une ride longi­
tudinale médiane incomplète.
La nageoire dorsale — De taille médiocre, la nageoire dorsale est insérée sensiblement
en arrière du milieu du corps puisque la distance antédorsale représente approximative­
ment 70% de la longueur standard. Elle débute un peu en arrière de la verticale passant
par l’origine de l’anale, à laquelle elle est opposée. Elle est composée de 8 ou 9 lépido­
triches parmi lesquels on distingue à l’avant un court rayon indivis suivi d’un long rayon
articulé mais non bifurqué, en arrière duquel prennent place 6 ou 7 rayons à la fois articu­
lés et bifurqués. La longeur du plus long lépidotriche dorsal égale approximativement la
hauteur du corps mesurée à son point d’insertion.
L’endosquelette de la nageoire dorsale est composé de 8 ou 9 axonostes proximaux
relativement courts. En effet, leur extrémité proximale ne s’intercale qu’assez faiblement
entre les extrémités distales des neurapophyses correspondantes.
La nageoire anale — Sensiblement plus grande la nageoire dorsale à laquelle elle est
opposée, la nageoire anale débute cependant un peu en avant de la verticale passant par
l’origine de celle-ci. Elle se compose de 11 à 13 rayons. On dénombre à l’avant deux ou
trois courts rayons auxquels font suite un long rayon articulé non bifurqué, qui est aussi le
plus long de la nageoire, et 9 ou 10 lépidotriches à la fois articulés et bifurqués dont la lon­
gueur diminue progressivement vers l’arrière. La longueur des plus longs rayons excède lé­
gèrement la hauteur du corps mesurée à son point d’insertion.
L’endosquelette de la nageoire anale se compose de 10 à 12 axonostes proximaux de
longueur modérée puisque seuls les axonostes antérieurs ont leur extrémité proximale qui
s’intercale quelque peu entre les extrémités distales des hémapophyses correspondantes.
La ceinture scapulaire et les nageoires pectorales — Relativement longues puisque
l’extrémité distale de leurs plus longs rayons atteint approximativement la base des nageoi­
res pelviennes, les nageoires pectorales sont insérées en position basse sur le flanc. Elles se
composent généralement de 13 à 15 lépidotriches.
L’anatomie de la ceinture scapulaire n’est pas connue avec précision.
La ceinture et les nageoires pelviennes — Les nageoires pelviennes, relativement peti­
tes, sont généralement insérées approximativement au milieu de l’espace séparant la base
des pectorales de l’origine de l’anale. Dans certains cas, toutefois, comme sur l’holotype in­
ventorié V. 18 084 vt 143, elles sont un peu plus proches de cette dernière, la distance pelvo-anale représentant seulement 46% de la distance pectoro-anale. Elles sont constituées
de 6 rayons dont un seul n’est pas bifurqué. Leur longueur égale approximativement la
moitié de la distance pelvo-anale.
Les os pelviens, dont la forme générale évoque celle d’un triangle allongé, ont une
largeur maximale qui n’excède pas les 2/3 ou les 3/4 de leur longueur, laquelle représente
approximativement les 2/3 de celle des lépidotriches pelviens.
Les écailles — De type cycloïde, les écailles sont grandes, au point que leur nombre
ne devait pas excéder une trentaine dans une rangée longitudinale. Leur surface est ornée
de circuli concentriques relativement espacés, tandis que des radii, au nombre d’environ 8
ou 9, sont présents sur leur champ antérieur.
Analyse taxonomique
Bien que l’anatomie des petits poissons téléostéens miocènes de Szurdokpüspöki de­
meure très imparfaitement connue, il ne fait aucun doute qu’ils appartiennent à la famille
des Cyprinodontidae, comme l’indiquent à la fois la structure du squelette caudal axial et
l’absence de dimorphisme sexuel. En outre, la morphologie du dentaire, dépourvu de pro­
cessus ventral en éperon, et la possession de dents coniques sur le dentaire et le prémaxil­
laire, permettent d’affirmer qu’on est en présence du genre Prolebias S a u v a g e .
Compte tenu de l’homogénéité des principaux caractères anatomiques observables
chez les nombreuses espèces du genre Prolebias S a u v a g e , les critères utilisables pour défi­
nir les affinités des diverses espèces sont à la fois méristiques (composition de la colonne
vertébrale et des nageoires impaires), morphométriques (position relative des nageoires) et
anatomiques (structure du squelette caudal axial et, dans une moindre mesure, morpholo­
gie des otolithes).
On notera tout d’abord que la composition de la colonne vertébrale des poissons de
Szurdokpüspöki n’apporte aucune information décisive car leur nombre de vertèbres post­
abdominales varie de 16 à 18, ce qui chevauche la limite entre les deux ensembles princi­
paux (chez lesquels on dénombre respectivement 16—17 et 18—19 vertèbres postabdomi­
nales) qu’il est possible de définir au sein du genre Prolebias S a u v a g e (J. G a u d a n t 1978,
1981), si l’on excepte P. chebianus O b r h e l o v à qui n’en possède que 11 à 15 (N. O b r h e l o v à 1985).
La composition de la nageoire dorsale dont l’endosquelette est généralement formé
de 7 ou 8 axonostes proximaux conduit à rapprocher les poissons de Szurdokpüspöki de la
seule espèce P. chebianus O b r h e l o v à , des « couches à Cypris » (Ottnangien-Karpatien)
de Bohême (N. O b r h e l o v à 1985).
Avec un endosquelette de la nageoire anale composé de 10 à 12 axonostes proxi­
maux, les poissons de Szurdokpüspöki ne peuvent être comparés qu’à des espèces de l’Oli­
gocène inférieur comme P. rhenanus G a u d a n t et P. aymardi ( S a u v a g e ) .
La position relative des nageoires dorsale et anale (nageoire anale débutant un peu en
avant de la verticale passant par l’origine de la dorsale) place les poissons de Szurdokpüspöki dans un ensemble relativement vaste auxquelles appartiennent les espèces P. meyeri ( A g a s s i z ) , du Miocène inférieur du bassin de Mayence, P. egeranus L a u b e , des
« couches à Cypris » (Kárpátién) de Bohême, et d’assez nombreuses espèces oligocènes
parmi lesquelles P. rhenanus G a u d a n t , P. catalaunicus G a u d a n t , P. aymardi ( S a u v a g e )''
etc... (J. G a u d a n t 1981, 1982, 1988).
La position des nageoires pelviennes, situées approximativement à mi-distance entre
la base des pectorales et l’origine de l’anale, distingue en revanche les poissons de Szurdokpüspöki de toutes les espèces oligocènes du genre Prolebias S a u v a g e mais aussi de l’espèce
miocène P. chebianus O b r h e l o v à , de l’Ottnangien-Karpatien de Bohême, qui possèdent
toutes des nageoires pelviennes insérées toujours beaucoup plus près de l’anale que des
pectorales. Les poissons de Szurdokpüspöki diffèrent en outre de P. meyeri ( A g a s s i z ) , du
Miocène inférieur du bassin de Mayence, et de P. egeranus L a u b e , du Kárpátién de Bohê­
me, espèces chez lesquelles, les pelviennes sont, au contraire, sensiblement plus proches
des pectorales que de l’anale (W. W e i l e r 1963; N. O b r h e l g v à 1985).
. Par ailleurs, la structure du squelette caudal axial, dans lequel s’observe une grande
plaque hypurale unique, rappelle celle de plusieurs espèces de l’Oligocène inférieur
comme P. rhenanus G a u d a n t , P. catalaunicus G a u d a n t et P. aymardi ( S a u v a g e ) (J. G a u ­
d a n t 1981, 1982, 1988) mais aussi celle décrite par N. O b r h e l o v à (1985) chez P. chebia­
nus, de l’Ottnangien-Karpatien de Bohême.
Enfin, les otolithes de Szurdokpüspöki diffèrent sensiblement, par leur forme ovoïde à
subcirculaire, de celles des diverses espèces du genre Prolebias S a u v a g e décrites par W.
W e i l e r (1963) dans l’Oligo-Miocène du bassin de Mayence (Allemagne), qu’il s’agisse de
P. meyeri ( A g a s s i z ) , de forme générale subtriangulaire, de P. praecursor W e i l e r , caracté­
risée par son contour dorsal, accidenté par un tubercule saillant, ou encore de P. altus
W e i l e r , très hautes par rapport à leur longueur. En revanche, les otolithes observées in si­
tu sur les poissons de Szurdokpüspöki présentent quelque ressemblance avec celles de P.
senesi B r z o b o h a t ÿ & S t a n c u , du Sarmatien du sondage Mochovce N -6 (Slovaquie). Elles
en diffèrent cependant car ces dernières sont quelque peu allongées et possèdent une excisura sensiblement moins marquée (R. B r z o b o h a t ÿ & J. S t a n c u 1974).
En résumé, les Prolebias de Szurdokpüspöki possèdent donc une association unique
de caractères qui les distingue de toutes les autres espèces du même genre décrites à ce
jour. C’est pourquoi il est nécessaire de les considérer comme les représentants d’une espè­
ce nouvelle que nous proposons de nommer Prolebias hungaricus nov. sp. Cette espèce
peut être définie par la diagnose suivante:
« Petits poissons dont la longueur semble avoir été inférieure à 40 mm. Corps élancé
dont la hauteur représente entre 1/5 et 1/4 de la longueur standard. Tête relativement
grande constituant près du tiers de la longueur standard. Cavité buccale courte, oblique.
Mâchoires garnies de dents coniques disposées en 3 rangées sur le dentaire. Sagitta ovoïde
à subcirculaire, présentant une forte excisura. Colonne vertébrale composée de 28 ou 29
vertèbres dont 16 à 18 postabdominales. Environ 9 paires de côtes longues et robustes.
Caudale en forme de palette tronquée, composée de 5—7 + 6 —7 /7 —6 + 5 —6 rayons. Dor­
sale de taille médiocre, composée de 1+7—8 lépidotriches supportés par 8 ou 9 axonostes
proximaux. Anale assez grande, pratiquement opposée à la dorsale mais débutant un peu
en avant de cette dernière; II—III+10—11 rayons supportés par 10—12 axonostes proxi­
maux. Pectorales assez grandes; 13—15 lépidotriches. Pelviennes petites situées à mi-distance entre pectorales et anale; 1+5 lépidotriches. Ecailles cycloïdes grandes. »
Holotype: Spécimen inventorié V. 18084 Vt 143, conservé à l’Institut Géologique de
Hongrie (MÁFI).
Gisement type: Diatomites inférieures de Szurdokpüspöki (Comté de Nógrád,
-Hongrie).
Age: Probablement badénien (M. H a j ó s 1986).
Interprétation paléoécologique
La mise en évidence d’une nouvelle espèce du genre Prolebias S a u v a g e dans les dia­
tomites inférieures de Szurdokpüspöki constitue un élément utilisable pour l’interprétation
des conditions de dépôt de ces sédiments. D ’après l’étude de la flore diatomitique, M . H a ­
j ó s (1968) considère que les diatomites inférieures se sont déposées dans des « eaux sau­
mâtres peu profondes, eutrophes, mal oxygénées, dont la salinité était comprise entre 0,3
et 3%,) » (il est à noter qu’en 1986 le même auteur admet une salinité maximale de 5%,,)Ce milieu oligohalin paraît correspondre très exactement à ce que nous savons du mode de
vie de certaines autres espèces du genre Prolebias S a u v a g e , comme P. meridionalis G a u ­
d a n t et P. cephalotes ( A g a s s i z ) (J. G a u d a n t 1978a, 1978b, 1982b). Le caractère mono­
spécifique de l’ichthyofaune de Szurdokpüspöki et l’absence de poissons dulcaquicoles sténohalins tels que les Cyprinidae témoignent également en faveur de l’existence d’un milieu
plus ou moins saumâtre. La malacofaune, également monospécifique, car réduite à la seule
Hydrobia stagnalis B a s t e r o t , une espèce connue pour sa faculté d’adaptation à des eaux à
salinité variable, tend à confirmer l’interprétation précédente. Il en est de même pour les
larves et les nymphes de Libellulidae qui constituent les seuls restes d’insectes aquatiques
présents dans ces niveaux. Or, certains Odonates possèdent des nymphes capables de vivre
dans des eaux saumâtres dont la salinité est généralement inférieure à 20%0, comme l’a
montré M. W r i g h t (1943) dans le delta du Mississippi.
Conclusion
La découverte d’une nouvelle espèce du genre Prolebias S a u v a g e dans les diatomites
inférieures de Szurdokpüspöki dont l’âge est probablement badénien, a permis de complé­
ter nos connaissances relatives à la distribution spatio-temporelle de ce genre. Alors qu’à
l’Oligocène, celui-ci était très largement représenté dans les milieux saumâtres — voire oc­
casionnellement d’eau douce — du Sud-Est et du Centre de la France, de Catalogne et du
fossé rhénan, il semble avoir disparu de ces régions avant le début du Miocène, à l’excepti­
on du fossé rhénan où l’espèce Prolebias meyeri ( A g a s s i z ) , attribuée à tort au genre
Aphanius N a r d o par H. M a l z (1978) était présente à l’Aquitanien. Plus récemment, le
genre Prolebias a été identifié dans l’Ottnangien-Karpatien de Bohême (G. L a u b e 1901;
N . O b r h e l o v à 1985). Enfin, J. D . D ja f a r o v a (1986) en a décrit une nouvelle espèce
dans le Sarmatien moyen de la République autonome du Nakhitchevan (Azerbaïdjan). Il
s’agit là de l’espèce la plus récente rapportée au genre Prolebias S a u v a g e .
Remerciements. L’auteur est heureux de pouvoir exprimer toute sa gratitude envers le Docteur
L. K o r d o s qui a bien voulu organiser des foulles dans les diatomites fossilifères de Szurdokpüspöki',
et qui y a participé personellement.
Le financement de la mission pendant laquelle a été préparée cette étude a été pris en charge
conjointement par l’Académie des Sciences de Hongrie (Magyar Tudományos Akadémia) et par le
Centre National de la Recherche Scientifique.
L’illustration est due au talent de M. J. D y o n .
BIBLIOGRAPHIE
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B
rzobohaty
S eneS
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ÚJ HALFAJ (PROLEBIAS HUNGARICUS N. SP., CYPRINODONTIDAE)
A SZURDOKPÜSPÖKI MIOCÉN DIATOMAFÖLDBŐL
J ean G
audant
17, rue du Docteur Magnan — 75013 Paris (France)
(U.R.A. 720 du C.N.R.S.)
ETO: 567:551.782.1(234.373.3)
T á r g y s z a v a k : Pisces, Cyprinodontidae, morfológia, rendszertani leírás, új taxon, mio­
cén, paleoökológia, csökkentsósvízi környezet, Mátra hegység
A cikk egy új Cyprinodontidae halfaj, a Prolebias hungaricus n. sp. leírását tartalmaz­
za. A jó megtartású csontvázban az otolithok in situ őrződtek meg (Szurdokpüspöki, felsőbádeni „alsó-diatomás” réteg).
A Prolebias hungaricus n. sp. jelenleg a Prolebias S auvage nemzetség legfiatalabb eu­
rópai fajának tekinthető. Korábbi adatok szerint e faj legutolsó európai előfordulása az ottnangiban és a kárpátiban volt. Ugyanekkor a közelmúltban ehhez a nemzetséghez tartozó
fajt jeleztek a Kaukázuson túli szarmatából. A Prolebias faj előfordulása a szurdokpüspöki
diatomitban megerősíti azt a nézetet, hogy ennek az üledéknek csökkentsósvízi környezete
volt.
I. tábla — Planche I
Prolebias hungaricus nov. sp.
Diatomites inférieures (Badénien supérieur) de Szurdokpüspöki
1. Vue générale de l’holotype inventorié V. 18 084 vt 143, conservé à l’Institut Géolo­
gique de Hongrie (MÁFI)
2. Vue générale du specimen inventorié V. 18 085, conservé à l’Institut Géologique de
Hongrie (MÁFI)
3. Tete du specimen inventorié V. 18 086, conservé à l’Institut Géologique de Hongrie
(MÁFI)
Dent: dentaire; Fr: frontal; lop: interopercule; Op: opercule; Pmx: prémaxillaire;
os ph. : os pharyngien
4. Face interne de la sagitta droite prélevée sur le spécimen inventorié V. 18 088, con­
servé à l’Institut Géologique de Hongrie (MÁFI)
5. Dent prélevée sur le dentaire du spécimen inventorié V. 18 088, conservé à l’Insti­
tut Géologique de Hongrie (MÁFI)
6—7. Dents pharyngiennes prélevées sur le spécimen inventorié V. 18 088, conservé à
l’Institut Géologique de Hongrie (MÁFI)
Fig. 1—3: clichés D. S errette ;
Fig. 4—7: élec tro p h o to g rap h ies S. L aroche