UED de didactique des langues - Production des enseignants et des

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UED de didactique des langues - Production des enseignants et des
UED de didactique des langues
Licences 3
Méthodes et méthodologies pour l'enseignement des langues
étrangères (l'exemple du français langue étrangère)
Cours SUED/CREA filmé de Ph. Blanchet
Professeur de sociolinguistique et didactique des langues
à l'université Rennes 2.
Films vidéos
et accompagnement écrit disponibles en ligne
2005-2006
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Méthodes et méthodologies pour l'enseignement des langues étrangères (l'exemple
du français langue étrangère)
1. Présentation
Ce cours est destiné à compléter les acquis UED de Licence 2 de didactique des
langues. J'y développe la problématique en analysant de façon transversale les choix
proposés par divers courants méthodologiques en didactique des langues/du F.L.E. Le
cours s'appuiera notamment sur l'étude d'extraits de méthodes et manuels. On y
privilégiera, comme précédemment, une approche dite "communicative" jusqu'à ses
évolutions
récentes
(interculturalité,
"éveil
aux
langues",
méthodes
"métacommunicatives" et ciblées, didactique du plurilinguisme).
Le choix du français répond toujours à la même motivation, qui est double :
-c'est la seule langue que nous soyons sûr que vous ayez tous en commun, puisque vos
langues de spécialité sont diverses ;
-le français étant une langue que, pour la plupart, vous possédez très bien, de manière
intuitive, probablement comme langue première, il est pertinent de vous proposer de
prendre du recul et de le regarder autrement (problème commun à tous les enseignants
dits "natifs" d'une langue).
L'essentiel de ce cours est contenu sur douze films d'environ 50 minutes chacun (10
sont prêts, 2 sont en préparation et vous seront proposés début 2006). Ces films sont
une version retravaillée du même cours pour les étudiants assidus (années 1998-99 et
2003-2004) que j'ai réalisée avec le CREA et le SUED. Les extraits de méthodes et
documents didactiques commentés y sont présentés à l'écran.
Ces films sont visionnables sur le serveur du SUED et sur Canal U (tous deux
nécessitent en ce cas un haut débit) et sur cassettes VHS ou DVD. Ils sont programmés
sur France 5 deux à trois fois par an dans le cadre des « Amphis de la 5 ».
A ces films s'ajoute le présent document, dans les pages duquel vous allez trouver, plus
loin, quelques données générales sur les méthodologies en FLE. Cela vous donnera, en
plus du plan des cassettes, une trame écrite pour mieux suivre les enregistrements.
Votre examen final consistera en un commentaire de document de ce genre, et je vous
proposerai un ou deux devoirs d'entrainement conçu sur le même modèle pendant
l'année.
Vous pouvez m'écrire ou me rencontrer à l'université. Si vous m'écrivez, adressez votre
lettre au département Lettres de l'université (campus Villejean, 6 avenue Gaston Berger,
35043 Rennes cédex). Si vous souhaitez me voir, mon bureau est au département
Lettres (B326). Il reste préférable de prendre RV avant de venir (tel 02 99 14 15 67 avec
répondeur).
E-mail : [email protected]
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2. PLAN DU COURS sur CASSETTES
(les titres et intertitres correspondent à ceux figurant sur les documents vidéo)
Cours n°1: Définitions générales
Inter-titre 1 : Présentation générale
IT2 : Didactique "qu'es acò" ?
IT3 : Langue et identité culturelle
IT4 : Bilinguisme et interculturalité
IT5 : Pédagogie distincte de didactique
IT6 : Enseigner et apprendre
Cours n°2: Panorama des méthodologies
IT1 : Présentation
IT2 : Terminologie
IT3 : Traditionnelles I [anciennes méthodes traditionnelles ]
IT4 : Traditionnelles II [méthodes traditionnelles directes]
IT5 : Traditionnelles III [méthodes traditionnelles directes actives]
IT6 : Comportementalistes [méthodes comportementalistes structurales]
IT7 : Audio-visuelles [méthodes communicatives structuro-globales]
IT8 : Notionnelles-Fonctionnelles [méthodes communicatives audio-orales]
IT9 : Interculturelles [méthodes communicatives interculturelles et/ou ciblées]
Cours n°3: Une méthode traditionnelle (1ère partie) : le "Mauger"
IT1 : Critères d'analyse
IT2 : Titre [Le cours de langue et de civilisation françaises de G. Mauger (1953)]
IT3 : Principes généraux [une méthode traditionnelle directe active]
IT4 : Références… [intellectuelles et institutionnelles]
IT5 : Supports
IT6 : Progression
Cours n°4: Une méthode traditionnelle (2ème partie) : le "Mauger"
IT1 : Principes pédagogiques
IT2 : La leçon 1
IT3 : Les exercices
Cours n°5: Une méthode audio-visuelle : Voix et Images de France
IT1 : Présentation [de nouveaux principes : la révolution communicative]
IT2 : Matériel pédagogique [du son et de l'image]
IT3 : Choix fondamentaux [l'approche structuro-globale]
IT4 : Evolutions… [didactiques et pédagogiques]
IT5 : Contenus
Cours n°6: Une méthode notionnelle-fonctionnelle (1ère partie) : Sans Frontières 1
IT1 : Changements dans la continuité
IT2 : Principes généraux
IT3 : Progression [de nouvelles références]
IT4 : Contenus et supports de l'audio-oral communicatif
IT5 : Unités
IT6 : Critiques [des choix didactiques ambigus]
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Cours n°7: Une méthode notionnelle-fonctionnelle (2ème partie) : Archipel et une
méthode interculturelle ciblée : Fréquence Jeunes
IT1 : Archipel [principes généraux]
IT2 : Documents authentiques en question
IT3 : Une unité [ses choix, son organisation]
IT4 : Fréquence Jeunes [une méthode actuelle, interculturelle et ciblée]
IT5 : Principes généraux
IT6 : Une unité [ses choix, son organisation]
IT7 : Interculturalité [une autre approche des identités culturelles]
Cours n°8: Des méthodes actuelles pour adultes
IT1 : Ciblage du public et de ses besoins
IT2 : Interculturalit et approche communicative indirecte
IT3 : Exigences pédagogiques
IT4 : Scénarios professionnels [une méthode pragmatique]
IT5 : Référentiel FAS [FLE et alphabétisation des travailleurs migrants en France]
Cours n° 9 : Des méthodes pour enfants
IT1 : Un public spécifique
IT2 : Le P’tit manuel
IT3 : Diabolo Menthe
IT4 : La petite grenouille
Cours n° 10 : Etude de méthodes récentes (années 1990-2003)
IT1 : Libre-Echange
IT2 : Café crème
IT3 : Studio 100.
Cours en préparation :
Cours n° 11 : De la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme
Résumé : Le cours présente les travaux récents de plusieurs équipes spécialistes du
plurilinguisme et leurs retombées en termes de didactique et de politiques linguistiques
éducatives, qui font évoluer en profondeur les objectifs et les contenus de
l'enseignement des langues, ainsi que l'ensemble du regard porté sur le plurilinguisme
en Europe.
IT1 : Au niveau européen (rapport Beacco-Byram)
IT2 : Au niveau français (rapport Legendre)
IT3 : Nouveaux textes de l’éducation nationale française
Cours n° 12 : De nouveaux outils de référence
Résumé : Le cours présente, dans le cadre des orientations renouvelée vers une
didactique du plurilinguisme, des outils de références qui permettent sa mise en œuvre
pédagogique, depuis le cadre européen qui définit des compétences générales jusqu'aux
supports de type portfolio (biographie linguistique de l'apprenant) et activité d'éveil au
langage pour les jeunes enfants.
IT 1: Retour sur un diagnostic
IT 2: L'éveil aux langues
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IT 3: Le Portfolio
IT 4: Le Cadre européen
3. Bibliographie indicative
-H. BESSE, 1985, Méthodes et pratiques des manuels de langue, Paris, Didier.
-E. BÉRARD, 1991, L'Approche communicative, Paris, Clé-International.
-BILLIEZ, J. (éd.), De la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme,
Grenoble, CDL-LIDILEM, 1998
-Ph. BLANCHET, 1998, Introduction à la complexité de l'enseignement du Français
Langue Etrangère, Louvain, Peeters.
-H. BOYER, M. BUTZBACH & M. PENDANX, 1990, Nouvelle introduction à la
didactique du français langue étrangère, Paris, Clé-International.
-Conseil de l’Europe, 2001, Cadre européen commun de référence pour l’apprentissage
et l’enseignement des langues. Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1e ed. 1996 ; 2e ed. corr.
1998. Paris, Didier. Téléchargeable sur :
http://www.culture2.coe.int/portfolio/documents/cadrecommun.pdf
-CASTELLOTTI V. (Dir.), D’une langue à l’autre : pratiques et représentations,
Publications de l’université de Rouen, 2001.
-CASTELLOTTI, V. & PY, B., La Notion de compétence en langue, Lyon, ENSéditions, 2002.
-O. CHALLE, Enseigner le français de spécialité, Paris, Economica, 2002.
-Conseil de l’Europe, 2001, Le portfolio européen des langues, Paris, Didier.
-R. GALISSON et alii, 1980, D'hier à aujourd'hui, la didactique générale des langues,
Paris, Clé-International.
-R. GALISSON et alii, 1982, D'autres voies pour la didactique des langues étrangères,
Paris, Hatier/CREDIF.
-R. GALISSON, 1990, De la linguistique appliquée à la didactologie des languescultures : vingt ans de réflexion disciplinaire, Paris, Didier.
-R. GALISSON et D. COSTE, 1976, Dictionnaire de didactique des langues, Paris,
Hachette.
-C. GERMAIN, Evolution de l'enseignement des langues, 5000 ans d'histoire, Paris,
Clé-international/Nathan, 1993.
-GIRARD, D. et alii, 1992, Choix et distribution des contenus dans les programmes de
langues, Strasbourg, Conseil de l’Europe.
-D. LEHMANN, Objectifs spécifiques en langue étrangère, Paris, Hachette, 1993.
-PENDANX, M. 1998, Les activités d’apprentissage en classe de langue, Paris,
Hachette.
-L. PORCHER, Le français langue étrangère, Paris, Hachette, 1995.
-Ch. PUREN, 1988, Histoire des méthodologies de l'enseignement des langues, Paris,
Nathan.
-Ch. PUREN, 1994, La Didactique des langues étrangères à la croisée des méthodes,
essai sur l'éclectisme, Paris, Didier/CREDIF "Essai".
-RIVENC, P., 2003, Apprentissage d’une langue étrangère / seconde. 3. La
méthodologie, Bruxelles, De Boeck.
-G. de SALINS, 1992, Une introduction à l'ethnographie de la communication pour la
formation à l'enseignement du F.L.E., Paris, Didier.
-C. TAGLIANTE, 1994, La classe de langue, Paris, Clé-International.
-G. ZARATE, 1986, Enseigner une culture étrangère, Paris, Hachette.
6
4. Documents relatifs aux nouvelles orientations méthodologiques et
institutionnelles dans l’enseignement des langues
1) Beacco, J.-C. & Byram, M., Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques
éducatives en Europe, Conseil de l’Europe, 2003. Rapport téléchargeable en version
intégrale ou de synthèse que le site :
http://www.coe.int/T/F/Coopération_culturelle/education/Langues/Politiques_linguistiq
ues/Activités_en_matière_de_politique/Guide/
2) Legendre, J., Rapport d’information sur l’enseignement des langues étrangères en
France (sénat, 2003). Téléchargeable sur le site : http://www.senat.fr/rap/r03-063/r03063.html
3)
Le
programme
SOCRATES
EVLANG :
http://jaling.ecml.at/french/autresevlang.htm
rapports
complets
sur
4) Conseil de l’Europe, 2001, Cadre européen commun de référence pour
l’apprentissage et l’enseignement des langues. Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1e ed.
1996 ; 2e ed. corr. 1998. Paris, Didier. Téléchargeable sur :
http://www.culture2.coe.int/portfolio/documents/cadrecommun.pdf
5) Organisation de la scolarité des élèves nouvellement arrivés en France sans maîtrise
suffisante de la langue française ou des apprentissages, Circulaire n° 2002-100 du 2504-2002, et Missions et organisation des centres académiques pour la scolarisation des
nouveaux arrivants et des enfants du voyages, Circulaire n° 2002-102 du 25-04-2002
(textes téléchargeables sur http://www.education.gouv.fr/bo, interroger le moteur de
recherche MENTOR sur le site).
6) Programmes, informations et rapports concernant les langues dans l’éducation
nationale française sur le site : http://www.eduscol.education.fr/
7) Castellotti, V. & Py, B., La Notion de compétence en langue, Lyon, ENS-éditions,
2002 et Castellotti V. (Dir.), D’une langue à l’autre : pratiques et représentations,
Publications de l’université de Rouen, 2001.
8) Billiez, J. (éd.), De la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme,
Grenoble, CDL-LIDILEM, 1998.
9) Prudent, L.-F., Tupin, F. & Wharton, S. (éds), Du plurilinguisme à l’école. Vers une
gestion coordonnée des langues en contextes éducatifs sensibles, Bern, Peter Lang,
2005, 483 p.
5. Critères d'analyse didactique d'une méthode de langue
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titre
auteur(s), qualifications annoncées
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éditeur et partenaires
année de publication
matériels
tables des matières et autres plans
introduction/commentaires pédagogiques
public(s) et objectifs visé(s)
structure-type d'une "unité"
types de contenus communicatifs, culturels, langagiers
et pédagogiques (activités, exercices…)
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6. Repères chronologiques pour l'étude des méthodologies
en didactique des langues
NB: les méthodes d'un époque perdurent aux époques ultérieures. Il n'y a donc pas
substitution générale mais ajout en parallèle, avec plus ou moins de mixages
intermédiaires.
a) Du XVIème siècle à la fin du XIXème siècle :
Méthodes à dominante écrite et grammaticale, normatives et correctives, fondées
sur le travail de traduction des textes littéraires, sous influence des langues anciennes
(latin, grec), et s'adressant avant tout, à l'époque, à des milieux aisés où le français est
langue seconde, notamment en France et en Europe.
b) Du début du XXème aux années 1950 :
L'essor de l'enseignement du F.L.M., avec la francisation des citoyens français par
l'école obligatoire, permet de distinguer assez nettement (trop nettement ?) F.L.M. et
F.L.E. Premières "méthodes directes" de F.L.E. qui ont la caractéristique de ne pas
passer par la traduction et de viser autant l'oral que l'écrit. Conçues d'abord pour exclure
les langues régionales de l'enseignement en France (où ces langues restaient un
intermédiaire nécessaire à la compréhension des enfants), elles ont été étendues avec
l'idée que le "bain" total était pédagogiquement un procédé efficace (méthode dite "par
immersion"). Elles restent à objectif grammatical, centré sur les contenus et l'écrit, mais
dans la langue-cible uniquement.
c) Années 1950-60 :
Début des recherches en didactique et pédagogie du F.L.E., sous l'influence du
renouveau pédagogique général initié dès les années 1930 (J. Piaget, C. Freinet, etc.),
pour répondre à la décolonisation et à l'expansion pédagogico-linguistique anglophone.
Méthodes comportementalistes américaines audio-orales (Skinner : pédagogie de la
réponse au stimulus et du renforcement par récompense). Exercices grammaticaux
structuraux répétitifs, et laboratoire de langue (répétition automatique d'éléments
linguistiques isolés) dans la perspective de l'imitation d'un modèle "parfait". Naissance
d'organismes officiels de recherches en didactique du FLE (CREDIF, BELC),
élaboration du français fondamental (lexique le plus fréquent).
d) Années 1970 :
Premières méthodes audio-visuelles (enregistrement + film fixe), dans la
méthodologie
Structuro-Globale-Audio-Visuelle
(SGAV).
Présupposés
épistémologiques issus de la gestalt-theorie (on ne peut pas aborder un phénomène
global à partir de ses éléments constitutifs, car c'est la forme globale qui constitue les
éléments et non le contraire), emphase sur les canaux non-verbaux de communication
(mimo-posturo-gestuel, visuel, auditif), sur le suprasegmental (rythmes, intonations,
etc.), sur des aspects interactionnels affectifs (image de Soi et de l'Autre). Début de
l'influence post-soixante-huitarde des théories et méthodologies psychothérapeutiques
de la communication (Palo-Alto, PNL) et des pédagogies dites "non-directives". La
finalité du F.L.E. devient alors de "structurer l'individu dans une autre langue". Accent
mis sur la forme, moins sur les contenus. Hypothèse de l'apprentissage isomorphe de
l'acquisition "naturelle", d'où poursuite de la "méthode directe" et développement des
laboratoires de langue. Développement de l'enseignement du F.L.E. en France et dans le
monde.
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Conjointement, premières approches notionnelles-fonctionnelles communicatives
orales (accent mis sur un besoin communicatif, pragmatico-sémantique, en situation, et
non plus sur une structure grammaticale normative). Réalisation de Un Niveau-Seuil
première sélection didactique des situations de communications usuelles (dans plusieurs
langues, en 1977 pour le français, publication du Conseil de l'Europe).
e) Années 1980
Déploiement des approches communicatives, à la suite de la méthodologie
SGAV et dans la direction du renouveau didactique lié aux recherches
sociolinguistiques et socio-pragmatiques. Réintroduction de l'écrit -revisité façon
énonciation et grammaire textuelle- dans l'enseignement du F.L.E., et retour à des
méthodes audio-orales (sans film fixe comme support visuel central). Point culminant
de la pédagogie par objectifs (P.P.O.) dans divers domaines, d'où un certain nombre de
retombées dans le champ du F.L.E., où les méthodes SGAV sont délaissées au profit de
méthodes cherchant à être plus rationnelles (recherche d'efficacité évaluable, découpage
en objectifs connus des apprenants), et plus pragmatiques (prise en compte de la
situation d'apprentissage réelle). Développement de la didactique (réflexion sur les
contenus à enseigner, approche variationniste plurinormative ou plurinormaliste) et des
notions d'apprendre à apprendre, de pédagogie différenciée et d'autonomie, de
progressions pédagogiques conçues sur le modèle "sensibilisation, observation,
appropriation, production, création, conscientisation, évaluation critériée", soit en gros
le schéma piagétien).
Expansion du F.L.E. en France, notamment à destination des populations immigrées,
centration d'une politique diplomatique française vers l'Afrique francophone. Montée
des tensions entre francophones et autrophones en Belgique et au Canada.
f) Années 1990
Retour en force du discours expansionniste de "la francophonie" notamment face
à l'anglo-américain, avec reprise en main de l'Agence de Coopération Culturelle et
Technique devenue Agence Intergouvernementale de la Francophonie (organisme
international officiel de la Francophonie) par des francophones occidentaux. Contexte
de l'élargissement de l'Europe ("Acte unique", Maastricht, Union Européenne, chute du
bloc communiste à l'Est…), de la mondialisation d'une économie libérale (GATT puis
OMC…). Contexte éducatif de l'influence accrue des langues de l'immigration, et des
langues régionales de France (largement soutenues par les populations concernées, les
instances européennes, l'ONU, les collectivités locales après la décentralisation de
1982) par rapport au français (devenu en 1992 langue officielle -unique- "de la
République"). Développement de l'idée d'une écologie des langues et des cultures.
Réduction drastique du dispositif F.L.E. en France parallèle à celle de l'immigration,
mais compensée par la lutte contre "l'illettrisme" et "l'exclusion", l'orientation vers le
"Quart-monde" en plus du "Tiers-monde". Tentatives séparatistes au Québec.
g) Années 2000
Développement des méthodes connues dans les années 1990, avec introduction
massive de la perspective interactionnelle et interculturelle. Développement de
l'utilisation des outils de communication issus des nouvelles technologies (internet,
vidéo, CD, "ateliers pédagogiques personnalisés" et pédagogie assistée par ordinateur
[PAO], vidéodisque "interactif", télématique…). Attention croissante apportée à la
sensibilisation précoce aux langues étrangères (courant du language awareness ou
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"éveil aux langues" venu de Grande-Bretagne et du Canada), multiplication des
méthodes ciblées vers des champs professionnels et techniques précis. Développement
d’une prise en compte de la pluralité linguistique et d’une didactique du plurilinguisme
qui introduisent à nouveau une modification radicale de perspective.
Premiers grands bilans de l'évolution de la didactique des langues et notamment
du F.L.E.
7. Bilan provisoire des évolutions méthodologiques
Ce qui frappe, c'est l'évolution constante, malgré des coups de balancier exagérés,
vers un "juste milieu" didactico-pédagogique qui retiendrait les acquis les plus solides
de chaque époque méthodologique et délaisserait ses hypothèses les plus discutables.
Schématiquement, cette progression serait sans doute une dent de scie, mais qui
tracerait globalement une courbe ascendante en terme de réflexion/théorisation. En tous
les cas, aucune méthodologie n'a été intégralement mauvaise. Chacune a apporté sa
pierre. Aucune, non plus, n'est intégralement bonne. Chacune a ses défauts. Si on avait
enfin trouvé la méthodologie et la méthode miracle, ça se saurait, ça se verrait. Cela
n'engage pourtant pas à une pédagogie papillonnante car la cohérence et la continuité
sont fondamentales dans ce domaine pour les apprenants. Une telle cohérence n'est
possible qu'à condition d'avoir une analyse suffisamment approfondie de ses propres
pratiques, principes et objectifs, ainsi que de ceux des courants pédagogiques envisagés.
Les approches non-magistrales ont cependant toutes un certain nombre de points
en commun : la prise en compte du vécu et des représentations de l'apprenant, le
recentrage de la pédagogie vers la personne (et non plus vers les contenus uniquement),
la recherche d'une meilleure connaissance des processus cognitifs et de l'adéquation des
dispositifs pédagogiques avec eux, le lien avec une didactique réaliste nonencyclopédique, la place accordée aux savoir-faires et à la participation active des
apprenants.
Au delà des recherches scientifiques et des savoirs rationnels, chaque enseignant
de F.L.E., chaque planificateur linguistique, doit aussi se positionner en tant
qu'individu, tant sur le plan éthique que sur le plan personnel.
Mais il manque souvent de véritables moyens et notamment une véritable
formation pédagogique des enseignants ou formateurs en langues. L'enseignement des
langues, par exemple dans l'Education nationale en France, tient souvent trop du
bricolage, des tâtonnements, des incohérences, d'académisme conservateur, faute d'un
plan ambitieux de mise à plat et de relance efficace avec les moyens appropriés. L'idée,
très répandue dans le grand public et surtout dans le monde économique, qu'il suffit de
savoir parler une langue pour l'enseigner, donc que n'importe quelle personne, pourvu
qu'elle soit "native", peut faire l'affaire, est particulièrement erronée. D'une part parce
que le "perfectionnisme" linguistique est inutile et anti-pédagogique, d'autre part parce
qu'il n'y a aucune raison d'ériger un "monolingue natif" en modèle (un bilingue n'est pas
un double-monolingue)… C’est l’un des enjeux majeurs que peut relever une didactique
du plurilinguisme.
8. Des manuels, pour quoi faire ?
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Les manuels ont de grandes qualités. Celles, notamment, de fournir à l'enseignant
et à l'apprenant un référent commun, un cadre, un outil, mais aussi une méthode et une
logistique pédagogiques clé-en-main. A l'époque des moyens techniques de plus en plus
sophistiqués (bandes-sons, supports visuels…), et de l'urgence dans laquelle la
croissance rapide de la demande de formation met les enseignants, c'est là un atout non
négligeable.
Mais, du coup, les manuels ont de gros défauts. Ils empêchent de travailler. Ils
font des enseignants, et souvent des apprenants aussi, de simples exécutants, répétiteurs
dépendants d'un outil, et non concepteurs d'un enseignement ou d'un apprentissage
appropriés. Faute de bien connaitre les principes méthodologiques de fond du manuel,
qui sont très rarement bien explicités, les enseignants de F.L.E. ne se les approprient pas
toujours réellement. Alors, ils appliquent, dans l'ordre, et sans autre support, ni sans
modifier quoi que ce soit au travail proposé. En passant exhaustivement par toutes les
activités une après l'autre, ou pire en en piochant au hasard, parce qu'on n'a pas le temps
de tout faire, quitte à ruiner complètement la progression méthodique de l'ouvrage. Ne
parlons plus de différenciation pédagogique, ni de choix didactique…
Il y a là pour les éditeurs, il faut bien le dire, un marché juteux. La concurrence est
vive, les manuels édités sont nombreux. Et l'on sait bien vous séduire pour vous vendre
des produits… dont l'attrait commercial n'est souvent pas fondé sur des critères
didactico-pédagogiques pertinents, mais sur des apparences prosaïques (couleurs,
format, qualité du papier, originalité, modernité technologique, cout…). A y regarder
d'un peu près, et quand on sait comment cela se passe dans nombre de maisons
d'édition, on se rend compte que les auteurs eux-mêmes ne sont hélas pas toujours
particulièrement qualifiés.
Et pourtant, un enseignant (a fortiori un auteur de manuel) doit être un double
spécialiste. Spécialiste didacticien, c'est-à-dire spécialiste des contenus de son champ
d'intervention. Ici, de linguistique, de sémiotique, de socio-pragmatique, d'ethnosociologie, de critique littéraire, de français… Et spécialiste de sciences de l'éducation,
et donc de psychologie, de pédagogie, de communication, d'épistémologie… Et
pourtant, un outil n'est efficace que lorsque l'on se l'est approprié, c'est-à-dire qu'on lui a
imprimé sa marque personnelle. Enseigner, c'est choisir, c'est sélectionner, c'est trier.
C'est poser soi-même ses objectifs, en fonction des apprenants. C'est déterminer avec
eux les moyens les plus adaptés pour les atteindre. C'est évaluer avec eux cette atteinte
et les perspectives de progression. De ce fait, on voit mal comment un manuel et un seul
pourrait satisfaire tous les besoins, tous les publics, toutes les situations.
Concrètement, un manuel ne peut être qu'une base dans laquelle on sélectionne
des supports essentiels et cohérents, et dont on adopte éventuellement les principes
méthodologiques. Il faut savoir en sortir, ajouter d'autres supports sélectionnés ailleurs,
transférer des activités ou des contenus vers d'autres objectifs, réorganiser la démarche
pédagogique en fonction des besoins spécifiques du groupe, en fonction d'options
didactiques particulières. Un manuel est un outil au service de l'enseignement et de
l'apprentissage. Il ne doit pas en être le maitre. Enfin, tous les manuels ne se valent pas.
9. A propos des nouvelles technologies …
Les quinze dernières années ont vu la technologie des moyens de communication
faire un bond spectaculaire. La télématique, l'informatique, la numérisation ont permis
de diffuser très largement des outils révolutionnaires (minitel, micro-ordinateur,
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internet, disques compacts audio et vidéo, magnétoscopes, caméras vidéo, télévision par
cable et par satellite, CD-Rom, DVD…). La pédagogie s'en est bien vite emparé (et la
didactique aussi car il s'agit de nouveaux types de communications à maitriser).
L'enseignement assisté par ordinateur et le CD (surtout le vidéodisque) sont sans doute
les moyens qui ont le plus retenu l'attention des pédagogues. Les évolutions
technologiques ont toujours joué un rôle important dans les évolutions didactiques et
pédagogiques, surtout en ce qui concerne les langues, et notamment les moyens de les
faire pénétrer dans la classe / la salle de formation.
Cependant, après la fascination première que de tels outils engendrent, on s'est
bien vite rendu compte que la pratique pédagogique n'avait pas vraiment besoin de leurs
capacités gigantesques, et qu'ici encore l'outil risquait de prendre le pas sur le maitre et
sur l'élève, exécutants et passifs. Manipuler des appareils souvent complexes s’avère
plus souvent être une perte de temps et d'énergie. Un film fixe est, en langue vivante,
pédagogiquement beaucoup plus performant qu'une cassette vidéo, pour de multiples
raisons (rôle de l'imaginaire, rythme de l'image, par exemple). Un bon outil est un outil
qui satisfait des besoins précis. Ce n'est pas un outil surcompétent. De plus, le facteur
humain essentiel à la dynamique pédagogique, et principalement le fonctionnement d'un
groupe, est très fortement ou totalement réduit avec ce genre d'outils informatisés. On
craint l'isolement psychologique des apprenants et l'oubli de l'oral (pour apprendre à
communiquer en langue, c'est grave !). Le problème se pose déjà depuis longtemps avec
les laboratoires de langue. L'apprenant y est en général placé dans une situation de noncommunication, isolé dans une cabine devant un micro, et y répète mécaniquement des
énoncés brefs sortis de tout contexte, n'ayant donc que fort peu de signification et
d'utilité… Et on y met surtout sur des détails superficiels, d'ordre phonétique. On peut
s'interroger sur la "rentabilité" pédagogique de ces équipements fort couteux.
La pédagogie en groupe présente de nombreux avantages, car le groupe est un
espace intermédiaire entre l'individuel et le collectif qui médiatise les passages d'un pôle
à l'autre, un espace dynamique qui provoque l'apparition de processus, de changements,
de déséquilibres et d'équilibres, un espace de structuration des éléments précédents. La
pédagogie en groupe est sans doute la plus cohérente par rapport à un projet de
pédagogie plurinormaliste et interculturelle, pour l'enseignement/apprentissage des
langues.
En ce qui concerne internet, son exploitation pédagogique relève très souvent
d'une vision archaïque de l'enseignement où il suffirait de "transmettre de l'information"
et de faire quelques tests simplistes type QCM pour faire apprendre. C'est évidemment
faux, d'autant plus pour des apprentissages fondamentaux dans des domaines
profondément humains et concrets (comme les langues, dont l'enseignement vise avant
tout l'oral alors qu'internet est surtout écrit). En revanche, en tant qu'outil de recherche,
de transfert de documents et de contact écrit, internet est bien sûr un bon moyen
secondaire et complémentaire de formation. Du reste, les possibilités pédagogiques
offertes par les nouvelles technologies sont rarement exploitées : on se contente de
mette en ligne des fichiers de textes au format pdf au lieu de concevoir des supports
multimédia où l’image et l’interaction sont favorisées.
Employées de façon mesurée et réellement raisonnées, ces technologies sont alors
utiles : logiciels d'activités d'apprentissages souvent de bonne qualité (lecture,
orthographe, par exemple), traitements de texte, logiciels d'analyse textuelle,
enregistrement vidéo de documents sélectionnés et exploités, activités interactives…
Ces logiciels et ressources restent encore peu nombreux.
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On n'a pas fini d'enseigner et d'apprendre les langues-autres, les cultures-autres, et
avec un enseignant professionnel, c'est-à-dire un vrai pédagogue.
10. CONCLUSION
Une méthode de langue n'est qu'un support d'aide à l'enseignement et à
l'apprentissage. Il faut bien en comprendre les principes méthodologiques pour la
choisir, l'exploiter au mieux et l'intégrer de façon cohérente et distanciée dans une
progression pédagogique autonome au service des apprenants.
Les outils et supports, du manuel à la connexion internet en passant par la
cassette vidéo, sont aussi (et pour certains, surtout) des produits commerciaux, qu'on
sait rendre attractifs. Mais pour l'enseignant, le critère de la fonctionnalité pédagogique
doit rester prioritaire.
Un outil neuf n'est pas le garant d'une innovation, ni d'un progrès. Un outil n'est
qu'un moyen au service d'un enseignement/apprentissage raisonné, tant sur le plan
didactique que sur le plan pédagogique, et dont l'objectif est, non pas la langue, mais les
besoins de communication et l'épanouïssement d'une personne humaine autonome et
responsable qui puisse vivre et communiquer le plus harmonieusement possible avec
autrui.
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