Expertise médico-légale en traumatologie.
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Expertise médico-légale en traumatologie.
L’EXPERTISE MEDICOLEGALE EN TRAUMATOLOGIE Dr W Ouslim médecine légale CHU Oran Dr M Mimouni Chirurgie orthopédique & traumatologique CHU Oran I. Introduction / définition: L’expertise médicale est une mesure d’instruction confiée, soit par une juridiction (juge ou procureur) soit par un organisme privé (sécurité sociale, société d’assurance) , à un médecin qui reçoit une mission précise à fin de rendre un avis destiné à éclairer la personne commettante. Il s’agit d’un acte mixte : médical quand au fond et juridique quand à la forme. En général, en Algérie, les experts sont choisis sur la base des listes homologuées par le ministère de la justice; toutefois, en cas de nécessité, la juridiction peut désigner un médecin qui ne figure sur aucune liste d’expert prévue par le code. Le médecin expert est informé de sa mission par le jugement ou l’arrêté le désignant et qui lui sont présentés par la ou les personnes à examiner; la nomination de plusieurs experts de la même spécialité ou de spécialités différentes est possible. II. Intérêt de la question: La recrudescence des violences urbaines, des accidents de travail, des accidents de la voie publique et de la circulation fait que les lésions locomotrices représentent le premier motif d’expertise médicale . Tout médecin praticien peut être requis pour effectuer une expertise médicale dans le cadre de sa compétence qu’il soit ou pas inscrit sur la liste d’experts (art 131 du code de procédure civile). III. Les étapes de l’expertise en traumatologie: 1. Enoncé de la mission de l’expert: • Décrire les lésions imputées à l’accident . • Consulter tous les documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiquées indiquant l’évolution des dites lésions et préciser si celles-ci sont bien en relation directe et certaine avec le traumatisme. • Déterminer la durée de l’incapacité temporaire totale de travail. • Fixer la date de consolidation des blessures. • Dire s’il résulte des lésions constatées une incapacité permanente , dans l’affirmatif, chiffrer le taux de cette incapacité permanente partielle IPP. • Déterminer les éléments justifiant une indemnisation tel la douleur et le préjudice esthétique en qualifiant leur importance • Dire si l’état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration • la décision ordonnant l’expertise doit fixer un délai au terme duquel le rapport doit être déposé. 2. L’examen clinique: -Le médecin expert, après avoir pris connaissance de la mission contenue dans le jugement ou l’arrêté, interroge le patient, étudie les documents médicaux, procède à l’examen médical classique de la victime, fait pratiquer des examens complémentaires; -le résultat de cet examen sera la détermination des éléments du préjudice subit qu’il soit patrimonial ou extrapatrimonial. i. Les éléments du préjudice patrimonial: a. La consolidation: correspond à la fin des soins avec stabilisation des séquelles ; c’est la date où les séquelles constatées sont stabilisées et ne devraient plus évoluer vers l’amélioration ou l’aggravation. b. Incapacité temporaire totale (ITT) : c’est la période qui s’ étend entre le traumatisme et la date de consolidation. c. Incapacité partielle permanente (IPP): c’est la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant directement du traumatisme. ii. Les éléments du préjudice extrapatrimonial: -le pretium doloris ou souffrances endurées ou encore prix de la douleur: évaluer sur une échelle de 0 (très léger) à 7 (très important). -le préjudice esthétique: c’est l'ensemble des disgrâces dynamiques et statiques imputables à l'accident et persistant après la consolidation. Il est calculé sur une échelle graduée de 0 à 7. -le préjudice juvénile: Le traumatisme prive le patient du plein accomplissement de son activité corporelle et notamment l’exercice de certains sports. - Le préjudice moral: est difficilement apprécié, peut être parce que la doctrine a tendance à considérer que sa réparation est délicate car son évaluation est subjective . - L’assistance par tierce personne présence permanente d’une tierce personne pour aider la victime d’un traumatisme à effectuer les actes de la vie courante, à savoir, l’autonomie locomotive (se lever, s’habiller, se coucher, se déplacer l’alimentation)….. L'indemnisation s'effectue selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaires . IV. Problème médicolégaux: 1. syndrome subjectif : il est essentiellement composé de signes subjectifs non évaluables il s’agit par exemple de douleurs ou de troubles du sommeil. 2. Imputabilité: C’est la relation indispensable de cause à effet entre le traumatisme et les séquelles . 3. Guide des barèmes: Les seuls barèmes officiels algériens, actuellement en vigueur, sont : • Le guide des barèmes applicable aux invalides militaires, anciens moudjahidines et victimes civiles de la guerre de la libération. Décret N°76-82 • Le barème des taux médicaux d’incapacité permanente des accidents du travail ( l’arrêté du 11 avril 1967). • Le barème des victimes de terrorisme. V. A propos d’un cas: expertise chez un patient victime d’un accident de la voie publique: Le nommé T. A a fait l’objet d’une expertise médico-légale le 27/05/2014, conformément au jugement N° 03773/14 ( tribunal d’oran) . ALLEGATIONS : l’intéressé âgé de 40 ans dit avoir été victime d’un accident de la voie publique survenu le 27/02/2013 suite auquel il fut transféré aux urgences médicochirurgicales du CHU d’Oran où il a été pris en charge pour un traumatisme du membre inférieur droit. DOCUMENTS MEDICAUX : Nous avions pris connaissance des documents médicaux suivants : -un certificat descriptif délivré par DR B.M médecin résident en chirurgie orthopédique CHUO établi le: 28/02/2013. -un certificat initial de constatation délivré par Dr O.W médecin résidente en médecine légale CHUO en date du 01/03/2013. -Des radiographies du fémur droit. -une télémétrie des membres inférieurs. L’examen médical: Le nommé T.A âgé de 40 ans présente un état de santé général satisfaisant, l’examen clinique met en évidence des séquelles d’un traumatisme consolidé du membre inférieur droit représenté par: -une cicatrise d’intervention chirurgicale siégeant au niveau de la face externe de la cuisse droite -une fracture consolidée de la diaphyse fémorale droite avec présence d’un matériel d’osteosynthèse ( plaque vissée) -une boiterie à la marche résultant d’une inégalité de longueur des deux membres inférieurs ( 02 cm) -une douleur résiduelle au niveau de la cuisse droite déclenchée par le froid , la montée d’escaliers et la marche prolongée Le reste de l’examen clinique est sans particularités. Au terme de notre examen et après avoir pris connaissances des documents médicaux suscités il s’avère que le patient présente des séquelles d’une fracture consolidée du fémur droit, aucun état pathologique antérieur n’a été retrouvé et les séquelles sont la conséquence directe et certaine du traumatisme survenu le 27/02/2013 justifiant ainsi une incapacité temporaire de travail de 06 mois , une incapacité partielle permanente de 30 %, un pretium doloris : moyen , un préjudice esthétique faible. VI. Conclusion: • La médecine d’expertise se distingue de la médecine de soins par les buts qu’elle s’assigne, par la nature particulière de la relation médecinmalade et par l’incidence sociale qui en résulte. • La vocation de la médecine d’expertise est de formuler des avis techniques, fondés sur la science médicale, aux personnes habilitées à appliquer la loi en vue de la solution d’un problème médicolégal. • Tout médecin peut être sollicité par un magistrat pour « l’éclairer sur un point précis » qu’il ne peut élucider par lui-même. • Bibliographie: -La réparation juridique du dommage corporel , L. Derobert edition Flamarion -Médecine légale juduciaire C. Simonin -Médecine légale à usage judiciaire, M Durigon, P.F Ceccaldi -code de procédure civile algérienne -Code de procédure pénale -Code de déontologie algérien -Guide pratique de l'expertise médicale, Réparation juridique du dommage corporel, Joseph Flasaquier -L'expertise médicale: en responsabilité médicale et en réparation du préjudice corporel, Jacques Hureau, Dominique G. Poitout. -précis de médecine légale, Charles Vibert.