velazquez resumé - Les Mardis de l`Art
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velazquez resumé - Les Mardis de l`Art
Velázquez par Guillaume Kientz Né à Séville en 1599, Velázquez est l’une des plus importantes figures de l’histoire de l’art, tout style et toute époque confondus. Chef de file de l’école espagnole, peintre attitré du roi Philippe IV, au moment où l’Espagne domine le monde, il est le strict contemporain de Van Dyck, Bernin et Zurbaran, bien que son art ne l’élève à une intemporalité que seuls peuvent lui disputer les noms de Léonard, Raphaël, Michel-Ange, Titien, Caravage et Rembrandt. Formé très jeune dans l’atelier de Francisco Pacheco, peintre influent et lettré de la capitale andalouse, il ne tarde pas à s’imposer et, encouragé par son maître devenu aussi son beau-père, décide de tenter sa chance à la Cour de Madrid. Après une première tentative infructueuse, il est finalement nommé peintre du roi en 1623 marquant le début d’une ascension artistique et sociale qui le mène aux plus hautes charges du palais et au plus près du souverain. Sa carrière est rythmée par deux voyages déterminants en Italie, le premier autour de 1630, le second autour de 1650, et par les naissances et décès successifs des héritiers au trône. Maître dans l’art du portrait, dont il libère et renouvelle le genre, il n’excelle pas moins dans le paysage, la peinture d’histoire ou, dans sa jeunesse, la scène de genre et la nature morte. LES ANNÉES DE FORMATION DANS L’ATELIER DE PACHECO En 1611, à l’âge de douze ans, Diego Velázquez entre dans l’atelier du peintre et théoricien Francisco Pacheco. Séville est alors la plaque tournante de toutes les nouveautés en provenance ou à destination du Nouveau Monde. Ouverte sur les Flandres, l’Afrique et l’Italie, la ville brasse une population cosmopolite animée par une vitalité économique que garantit l’arrivée régulière d’or en provenance des Amériques. Ce contexte bénéficie au développement des arts, de sorte que le métier de peintre peut paraître une carrière honorable pour un fils de bourgeois aisés comme Diego Velázquez. Les six années passées aux côtés de Pacheco sont pour le jeune artiste l’occasion de fréquenter l’élite sévillane. Son maître anime une académie informelle dont les réunions rassemblent les esprits les plus brillants de la ville. Ce contexte stimulant se double dans l’atelier d’une émulation au contact d’autres artistes, comme Alonso Cano et Francisco López Caro, ou d’autres techniques à travers les sculptures de Juan Martínez Montañés, auxquelles il peut prendre part pour la polychromie. Le 14 mars 1617, Velázquez est reçu dans la corporation des peintres. Un an plus tard, il épouse la fille de son maître, Juana Pacheco. Cette même année 1617 est marquée par un débat passionné sur le culte de l’Immaculée Conception, dont un bref pontifical du pape Paul V vient d’interdire la critique publique. Le rôle nouveau dévolu aux images depuis le concile de Trente associe désormais intimement l’artiste au théologien, prolongeant le débat dogmatique sur le terrain visuel. VARIATIONS NATURALISTES Le mot espagnol bodegón est généralement associé au genre de la nature morte. Il désigne d’abord un lieu décrit comme l’antichambre de caves à vin où est offert à qui n’a pas de cuisine la possibilité de consommer un repas frugal. Par extension, le mot finit par caractériser les représentations de cuisines et de tavernes où sont mises en scène les couches inférieures de la population, appelées les picaros. Quoique considéré comme mineur, ce genre était en vogue au début du XVIIe siècle, à la faveur d’un intérêt nouveau pour la peinture de la réalité auquel on a donné le nom de naturalisme. Sur la vingtaine de compositions exécutées par Velázquez à Séville, près de la moitié sont des bodegones, dont certains se retrouvent dans de prestigieuses collections comme celle du duc d’Alcalá. Cet engouement pour les sujets humbles et les inventions du jeune Sévillan se traduit en outre par l’existence de nombreuses variantes et variations d’après ses œuvres, attestant le succès de sa peinture mais sans doute aussi l’activité à ses côtés d’un atelier dont les contours demeurent mystérieux. LA DÉCOUVERTE DU CARAVAGISME En 1622, Velázquez tente une première fois sa chance à la Cour de Madrid. S’il ne parvient pas à accéder à la personne du roi, il peut néanmoins se faire connaître de son entourage. Il découvre en outre la peinture que l’on y pratique et que l’on y apprécie, notamment les dernières tendances caravagesques venues d’Italie. Vers 1620 déjà, des contacts entre le jeune artiste et le caravagisme avaient pu passer par la connaissance d’œuvres de Jusepe de Ribera envoyées depuis Rome et Naples et de tableaux de Luis Tristán parvenus à Séville. C’est cependant à l’occasion de son premier voyage en Castille que Velázquez peut véritablement mesurer et imiter la modernité élégante de cette nouvelle manière, à travers notamment les compositions de Juan Bautista Maíno et de Bartolomeo Cavarozzi. ENTRE SÉVILLE ET MADRID : PREMIERS PORTRAITS Quelques mois à peine après son retour à Séville, le peintre est rappelé à la Cour par le comte d’Olivares, principal ministre du jeune Philippe IV. Le 30 août 1623, le souverain lui accorde une séance de pose. Son portrait plaît, et le 6 octobre le jeune artiste est nommé peintre du Roi. À Madrid, Velázquez n’est cependant ni le seul peintre ni le seul bon peintre. Le naturalisme bouillonnant pratiqué dans sa jeunesse s’accorde par ailleurs mal avec la tradition froide et figée du portrait de cour espagnol, de sorte qu’entre 1620 et 1624 il renouvelle ses influences et refroidit sa manière au contact des autres artistes de la scène madrilène. 2. VELÁZQUEZ PEINTRE DU ROI LE PREMIER VOYAGE EN ITALIE Les débuts de Velázquez à Madrid sont marqués par la visite d’hôtes prestigieux, le futur Charles Ier d’Angleterre en 1623, le cardinal Francesco Barberini en 1626 et le peintre Pierre Paul Rubens en 1628-1629. Les deux premiers sont de grands collectionneurs, le troisième est un artiste que les cours européennes s’arrachent. Tous trois sont passionnés d’art italien. C’est, semble-t-il, Rubens qui obtient de Philippe IV l’autorisation pour son jeune collègue d’effectuer un voyage de formation dans la péninsule voisine. Velázquez s’embarque ainsi le 10 août 1630 à Barcelone, arrive le 23 à Gênes pour faire d’abord route vers Venise. Il quitte ensuite la Sérénissime pour Rome, en passant par Ferrare et Cento notamment. Velázquez peut enfin se mesurer à l’Antique et aux plus grands peintres de son époque. Il peut aussi pratiquer la peinture de paysage, qui triomphe au même moment sous les pinceaux de Dughet, Poussin et Claude Lorrain. Il peut enfin s’attaquer au maître genre, la peinture d’histoire, et prend l’initiative de deux grandes compositions, l’une sacrée, l’autre profane, répondant aux deux tendances esthétiques dominantes : les derniers feux du caravagisme incarnés par Valentin et le néo-vénétianisme coloré de Pierre de Cortone, Guerchin et Poussin. BALTASAR CARLOS, L’INFANT CHÉRI Les premières victoires militaires du règne de Philippe IV et la naissance d’un prince héritier ouvrent pour la monarchie une période d’apogée dont la construction du palais du Buen Retiro est l’incarnation la plus visible. Quand l’infant Baltasar Carlos voit le jour, Velázquez est encore en Italie. À son retour, le peintre doit ainsi se consacrer en priorité aux portraits du jeune espoir de la dynastie. On voit dès lors l’enfant grandir de toile en toile, dans les différentes situations et tenues qui siéent à ses fonctions à venir. L’artiste met au service de cette imagerie royale toute sa science et ses récents acquis italiens, dans le rendu vibrant du paysage notamment. Il s’adjoint en outre un collaborateur important, Juan Bautista Martínez del Mazo, entré dans son atelier en 1631, devenu son gendre en 1634 et nommé professeur de peinture et de dessin du jeune infant en 1643. MYTHOLOGIES Bien que son rôle auprès du roi ait principalement consisté à être portraitiste, Velázquez aborda à de nombreuses reprises la fable sacrée ou profane. Dans un cas comme dans l’autre, il choisit d’ancrer sa représentation dans le réel ou, plus exactement, dans le concret, entretenant un mystère qui laisse parfois croire à un portrait caché derrière le modèle. De qui sainte Rufine prend-elle les traits? Démocrite estil un bouffon de la Cour ? Quelle est l’énigmatique identité qui se dissimule derrière le visage trouble de Vénus dans le miroir ? 3. VELÁZQUEZ PORTRAITISTE PEINDRE LA COUR C’est sur un portrait que Velázquez a été nommé peintre du Roi, c’est un portrait encore, Les Ménines, qui l’a consacré comme l’un des peintres les plus célèbres de tous les temps. Il est ainsi naturel que le genre du portrait soit celui dans lequel son apport reste le plus significatif. Depuis l’Italie, il réussit à emplir d’atmosphère ses compositions, à faire circuler l’air autour de ses modèles. Si les conventions rigides du portrait royal ne se prêtent pas, par nature, à l’innovation, les effigies de bouffons, de nains, de comédiens – parfois aussi d’artistes – lui fournissent des terrains d’expérimentation où régénérer la tradition et renouveler le genre. LE SECOND VOYAGE EN ITALIE À la différence de son premier séjour, le second voyage de Velázquez en Italie n’a plus pour objet de parfaire sa formation mais d’acquérir des œuvres antiques et modernes pour les réaménagements voulus par Philippe IV à l’Alcázar. Le peintre s’embarque ainsi à Malaga le 21 janvier 1649, avec la délégation partie à la rencontre de la future reine d’Espagne, Marie-Anne d’Autriche. Ils accostent à Gênes le 11 mars. Velázquez, comme lors de son premier itinéraire, rejoint d’abord Venise, le 21 avril, puis Ferrare, Bologne, Modène et enfin Rome le 29 mai. Après un rapide passage à Naples, il s’établit durablement dans la ville pontificale, qu’il quitte définitivement au printemps 1651, après maintes demandes de Philippe IV. Devenu agent artistique du roi d’Espagne, l’artiste n’oublie pas qu’il est peintre et exécute à l’occasion de ce second séjour le portrait du souverain pontife et ceux de plusieurs membres de son entourage. Un portrait de son esclave et collaborateur, Juan de Pareja, lui assure en outre un succès public lors de l’exposition annuelle des peintres, le jour de la Saint-Joseph. La majeure partie de son temps est cependant consacrée à superviser des fontes d’après des antiques célèbres, à acquérir des tableaux pour le roi et à recruter des artistes qu’il doit attirer à la Cour de Madrid. VELÁZQUEZ CHEF D’ATELIER À son retour à la Cour à l’été 1651, Velázquez trouve une famille royale au visage profondément changé. Philippe IV a épousé en secondes noces Marie-Anne d’Autriche, sa nièce (la fille de sa sœur Marie), autrefois promise à Baltasar Carlos, mort en 1646. De son premier mariage, seule a survécu l’infante Marie-Thérèse. En 1651, la nouvelle reine est déjà enceinte et accouche le 12 juillet de la princesse Marguerite. Celle-ci incarnera un temps les derniers espoirs dynastiques avant que ne naissent un premier garçon, en novembre 1657, Felipe Próspero, puis un second, Charles II, en novembre 1661. Le renouvellement de la famille royale et le jeu des alliances politiques et matrimoniales pressent la demande de portraits des nouveaux Habsbourg d’Espagne à destination des cours européennes. Nommé maréchal du palais (aposentador) en 1652, Velázquez est alors au sommet de son ascension. Il est également à la tête d’un large atelier, secondé par Juan Bautista Martínez del Mazo, dont la tâche principale est de dupliquer les portraits royaux à partir d’originaux ou de prototypes fournis par le maître. 4. VELÁZQUEZ APRÈS VELÁZQUEZ JUAN BAUTISTA MARTÍNEZ DEL MAZO Né vers 1610, Juan Bautista Martínez del Mazo entre en 1631 dans l’atelier de Velázquez, dont il épouse la fille, Francisca, en 1634. Nommé professeur de peinture et de dessin de l’infant Baltasar Carlos à partir de 1643, il s’affirme comme le principal et le plus fidèle collaborateur du maître. Si son style a longtemps souffert d’une assimilation hâtive à tout ce qui n’était pas assez bon pour être de Velázquez lui-même, son identité artistique sort peu à peu de l’ombre et se distingue de celle de son mentor par une palette plus vive et plus contrastée, une conception simplifiée des formes, et un goût pour les effets de surface qui passe notamment par la multiplication des rehauts blancs. Pour la première fois, un nombre significatif d’œuvres de sa main permettent d’apprécier le peintre à sa juste valeur, en deçà de Velázquez, certes, mais au-delà de la simple production d’atelier. À la vérité sobre de son maître, Martínez del Mazo préfère l’élégante séduction d’une touche plus facile et virtuose en apparence. Il reste cependant le seul à avoir vraiment compris les enjeux esthétiques de la peinture de son mentor, quand bien même cette clairvoyance devait le ramener à ses propres limites. LOS VELAZQUEÑOS À l’exception notable de Juan Bautista Martínez del Mazo, Velázquez n’a pas vraiment fait école. Pourtant, nombreux sont les artistes qui, du vivant du maître ou des années encore après sa mort, montrent dans leur style une inflexion velazquésienne ou font référence à sa peinture. Pietro Martire Neri, son collaborateur à Rome, et Juan de Pareja, son esclave et assistant, n’adhèrent ainsi que transitoirement à sa manière pour céder ensuite à des influences plus faciles et davantage à leur portée. Antolínez et Carreño de Miranda seront pour leur part des protagonistes importants de la seconde école de Madrid, qui voit le triomphe du baroque italianisant à la cour d’Espagne. Ce dernier artiste, le seul à pouvoir prétendre succéder à Velázquez, puise cependant à une autre source, celle de la synthèse vénéto-flamande mise au point par Van Dyck, strict contemporain de Velázquez, plus séduisant sans doute, plus accessible en tout cas.