La passion de la Nouvelle-Zélande selon Claude Picher

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La passion de la Nouvelle-Zélande selon Claude Picher
Avril 2002
Contes et comptes du prof Lauzon
La passion de la Nouvelle-Zélande selon Claude Picher
2e partie
par Léo-Paul Lauzon
Quatrième verset: Sur les syndicats et la liberté retrouvée du travailleur. Voici comment
l'évangéliste néolibéral Claude Picher de La Presse résumait le nouveau contexte du marché du
travail en Nouvelle-Zélande: «Libre choix, pour le travailleur, d'appartenir ou non à un syndicat.
Possibilité, pour le travailleur et tout employeur, de négocier salaires, horaires et conditions de
travail sans intermédiaire. Cette mesure signifie pratiquement l'extinction du pouvoir syndical».
Fini enfin, comme il le dit si bien «l'establishment syndical» et les «privilégiés syndiqués».
Naturellement, il ne pouvait se retenir de se défouler encore un peu plus sur nos cols bleus
municipaux. Et, n'oubliez pas que, qui dit cols bleus dit nids-de-poule et des extra-larges en plus
de ça, surtout à Montréal. Dixit Picher: «Des cols bleus municipaux grassement payés pour un
rendement médiocre, bénéficiant de conditions de travail nettement supérieures à leurs collègues
du privé, protégés par une sécurité d'emploi blindée, ne sont-ils pas, effectivement, des
"privilégiés"»? Pour Picher, l'adoption en Nouvelle-Zélande de l'Employment Contracts Act a libéré
le travailleur. Que c'est donc merveilleux, le travailleur est maintenant libre de négocier lui-même,
sans intermédiaire, ses propres conditions de travail avec son employeur dans un marché du
travail efficient et équilibré dans lequel il y a un juste rapport de force entre les deux parties.
Enfin, en déréglementant on a dépollué le marché du travail qui a ainsi pu retrouver son juste
équilibre et on peut maintenant parler, en Nouvelle-Zélande, de loi naturelle du marché du travail,
libéré de ses irritants et de ses entraves représentés par les syndicats et les lois et les règlements
du travail. Terminé la dictature syndicale imposée aux pauvres employeurs sans défense et fini
aussi les gras durs syndiqués du public payés 40 000$ par année. Car, pour Picher, à 40 000$ par
année on est tous des privilégiés. En passant Claude, c'est quoi ton revenu brut annuel incluant
des petits «sidelines»? On retrouve ici même au Canada ce merveilleux marché du travail libre
dans le domaine bancaire où les syndicats ne sont pas présents sauf chez Desjardins et à la
Banque Laurentienne. Et, c'est ainsi que ce sont les caissières qui, individuellement, ne l'oublions
http://www.unites.uqam.ca/cese/chroniques/chroniques2002/mars02.html pas, ont négocié leurs
salaires qui avoisinent le salaire minimum. Elles ont insisté pour ne pas en recevoir plus. Elles ont
négocié elles-mêmes une par une leur horaire de travail à 25 heures par semaine dans lequel elles
n'ont pas d'heure payée par l'employeur pour dîner. Elles ont exigé aucun ou peu d'avantages
sociaux. Et, en pleine période de profits records, elles ont négocié et exigé leurs propres
congédiements afin d'aider «sa» banque à atteindre de nouveaux profits records et «ses»
dirigeants à être rémunérés comme du monde.
Les parachutes dorés octroyés aux dirigeants bancaires, les caissières en voulaient pas pour elles.
À 20 000$ par année, elles peuvent vivre grassement, qu'elles ont dit. Les parachutes dorés pour
les boss... les frites dorées pour les caissières, qu'elles scandent, avec raison d'ailleurs. Et puis, il
y a vraiment un juste rapport de force entre la caissière de la succursale Ontario-Frontenac et le
gros et gras André Bérard, le président de la Banque Nationale. Si le regroupement des
travailleurs est à proscrire dans l'évangile néolibérale, le regroupement des entreprises dans leurs
associations respectives et dans leurs chambres de commerce est souhaitable afin de mieux
défendre leurs intérêts communs. Faut pas appeler ça des groupes de pression qui sont
exclusivement le lot des syndicats et des groupes communautaires.
Cinquième verset: Sur les autochtones. Aux dires du prophète Claude Picher, «Même s'ils
accusent un retard économique important, les Maoris sont, dans l'ensemble beaucoup mieux
intégrés à la société blanche que ne le sont les autochtones en Amérique du Nord». L'important
pour les minorités c'est de s'intégrer docilement sous l'exploitation de la majorité blanche. Tant
qu'à y être, on pourrait ainsi leur «shipper» nos autochtones afin qu'ils puissent se réformer eux
aussi avec nos itinérants et nos fonctionnaires. Naturellement, priorité sera accordée aux
Mohawks. Ça va nous coûter cher en frais de voyage, mais ça vaut la peine. Je vous le dis, un
investissement à long terme.
Sixième verset: Sur les économistes et les «think-tanks» de gauche. Voici ce qu'avait à dire
Claude sur un quidam de gauche qui avait osé critiquer les mesures économiques et sociales
instaurées alors en Nouvelle-Zélande: «Je m'interroge sur la crédibilité du messager. Murray
Dobbin est surtout connu comme militant actif des groupes de gauche saskatchewanais... Ce
«journaliste» est également un des piliers et principaux porte-parole de la Coalition de la
Saskatchewan pour la justice sociale; un groupement de syndicats, d'Églises et de groupes de
pression». Tout le monde sait ça, voyons donc, quiconque travaille pour les syndicats, les groupes
communautaires, les organismes religieux et les partis politiques de gauche fait dans l'idéologie,
les dogmes et le doctrinaire. Ça fait pas sérieux, étant dénué de toute rigueur et de crédibilité et
étant complètement partial. Donc, oubliez les colportages et les menteries véhiculés par ce
morron qu'est Murray Dobbin. C'est un débile mental et quelques électrochocs et l'implantation
d'un générateur cérébral lui feraient grand bien.
Septième verset: Sur les économistes et les «think-tanks» patronaux de droite. Le devin Claude
Picher a eu l'insigne honneur d'interviewer, en Nouvelle-Zélande, l'économiste Ian Duncan qui,
après avoir consulté les chiffres fournis par notre Picher national sur l'état des finances publiques
du Canada, a eu la réflexion suivante: «Je ne pensais pas que vous étiez rendus à ce point...».
Dans l'introduction de son dernier texte du 11 janvier 1994 portant sur la Nouvelle-Zélande,
Claude Picher a dit: «Toutes proportions gardées, les finances publiques canadiennes ont atteint
un état de délabrement encore pire que celles de la Nouvelle-Zélande, il y a dix ans». À bien y
penser, une greffe de cellules cérébrales l'illuminerait encore plus.
Voici en quels termes comment il décrit l'économiste Ian Duncan: «Ian Duncan est économiste
senior à l'Institut de recherches économiques de Nouvelle-Zélande, un organisme indépendant
fondé en 1958, et dont la crédibilité et le rayonnement dépassent largement les frontières du
pays». Voilà, tout le monde sait ça, voyons donc, un organisme de recherche et leurs économistes
financés par le patronat est, aux yeux de Picher, indépendant, empirique, rigoureux, scientifique,
etc. C'est pourquoi il cite abondamment les études de recherche provenant du Fraser Institute, du
C.D. Howe, du Conference Board, de l'Institut économique de Montréal et des économistes de
banques. Je vous le répète une dernière fois, quand c'est financé par le patronat c'est à la fois
impartial et sérieux. C'est pourquoi, aux yeux de Picher, je n'ai et je n'aurai jamais aucune
crédibilité. Je ne suis qu'un impie qui fait vraiment, alors vraiment, dur. C'est pas demain la veille
que je serai nommé «personnalité de la semaine» à La Presse. J'aurais beau être à l'école à huit
heures du matin avec le sourire fendu jusqu'aux oreilles comme «sa» fonctionnaire de NouvelleZélande, y'a rien à faire. S.V.P., abstenez-vous de faire pression à La Presse, vous perdez votre
temps et, de toute façon, je ne le mérite pas. Voyons donc, si je me mets tout d'un coup comme
ça à «fonctionner» sans crier gare, sûr que mes collègues fonctionnaires syndiqués vont loger un
grief contre moi. Je vais «fucker» la job!
Huitième et dernier verset: Sur la fin tragique du modèle néo-zélandais. Alors que le patronat et
les politiciens promettaient mer et monde suite aux baisses radicales d'impôts, aux privatisations,
aux coupures musclées dans les programmes sociaux, et à la déréglementation du marché du
travail qui a favorisé une désyndicalisation massive découlant de l'application de politiques très
néolibérales et bien, mes amis, tout a tourné au cauchemar en Nouvelle-Zélande pour la majorité
et à l'eldorado pour la minorité privilégiée du pays et encore plus pour les multinationales
étrangères. C'est en raison de cela que ce pays est revenu au centre en 1996 et définitivement à
gauche en 1999. Je vous avais prévenu que l'histoire finirait mal et tournerait au vinaigre. Avec le
nouveau premier ministre Helen Clark, les syndicats récupéreront leurs pouvoirs, les privatisations
vont cesser et les impôts vont remonter. Selon le Financial Times de Londres, qui est loin d'être
un organisme marxiste, 15 années de néolibéralisme, c'est le temps qu'a mis la Nouvelle-Zélande
à passer du statut de pays riche à celui de pays qui ne l'est plus, tel que rapporté par l'excellent
journaliste de La Presse, Réal Pelletier, dans son article du 3 septembre 2000. Selon une étude de
l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publiée en 2000, et que le
vénérable Claude Picher a omis de citer, de 1984 à 1995, la fonction publique en NouvelleZélande est passée de 88 000 à 35 000 employés, soit une réduction de 60%. Les réformes ont
également eu des conséquences sociales majeures, comme la diminution des programmes aux
groupes défavorisés, les restrictions dans les programmes de santé, ainsi que des fermetures
d'écoles et de logements sociaux. Les réformes se sont faites au prix de bouleversements
humains, forçant des milliers d'individus à se recycler et d'autres à mettre un terme à leur
carrière, propos rapportés le 23 décembre 2000 par François Normand, journaliste à
l'hebdomadaire Les Affaires.
Dans un texte du journaliste Michel Laliberté publié dans Le Devoir du 8 février 2000 et intitulé:
«Le laboratoire du néolibéralisme au bord du gouffre? Les Néo-Zélandais en ont assez d'être des
cobayes», il y est clairement démontré comment ce pays est devenu une économie de succursales
suite aux ventes de plusieurs sociétés d'État à des étrangers. Ainsi, sur une période de 18 mois
seulement (1998-1999), 35 entreprises ont transféré leur production ailleurs. Les sociétés d'État
vendues à des étrangers pour une bouchée de pain à des investisseurs américains, anglais et
australiens a permis à ces derniers de recouvrer leurs investissements en quelques années
seulement et l'argent sort dorénavant à pleines portes du pays. Alors que le produit de ces ventes
était censé réduire la dette publique du pays, et bien dans les faits, celle-ci a augmenté
considérablement en raison des recettes fiscales dramatiquement réduites provenant des
compagnies et des riches individus. Exactement comme en Argentine.
Enfin, un excellent reportage du journaliste Pierre Tourangeau et de la réalisatrice Kateri Lescop
du Point à Radio-Canada, diffusé le 5 mars 1996, a bien démontré le fiasco de ce petit «miracle»
appliqué en Nouvelle-Zélande. Malgré tout, cela n'a pas empêché l'exécrable ancien ministre des
finances de ce pays, Roger Douglas, de dire que: «Nous n'avons pas tué l'État-providence. Pas
autant qu'il aurait fallu». Soit dit en passant, monsieur Douglas s'est recyclé depuis en
conférencier et en consultant. Parmi ses clients, il y a bien évidemment Ralph Klein en Alberta et
Mike Harris en Ontario. Naturellement, dans son texte du 14 mars 1996, le patriarche Claude
Picher a apporté plusieurs réserves à ce reportage et a continué à défendre «sa» NouvelleZélande néolibérale chérie.
Malgré les échecs retentissants de ces réformes et les drames humains qui en ont résulté, le
patronat de la Nouvelle-Zélande redemande encore des baisses d'impôts, des privatisations et
encore plus de coupures dans les programmes sociaux. Encore et encore la même maudite
cassette comme ici même au Canada.
C'est tout de même bizarre que le patronat d'ici et ses meneuses de claque, qui comprend bien
sûr Claude Picher, ne nous citent dorénavant plus la Nouvelle-Zélande en exemple à suivre. Leur
nouveau modèle est maintenant l'Irlande, un petit pays comme la Nouvelle-Zélande mais situé
dans l'hémisphère Nord. Et, ils reprennent leurs mêmes âneries quétaines et risibles pour nous
vanter les mérites néolibéraux de leur nouveau paradis.
En conclusion, je propose au «journaliste» Claude Picher de La Presse de se recycler en
humoriste. Assuré qu'il sera intronisé rapidement au temple du Musée de l'Humour. C'est
seulement pour son bien et celui de ses lecteurs que je dis ça. Entre «amis», faut se parler et se
dire les choses comme on les ressent, n'est-ce pas Claude! En passant Cloclo, j'aimerais tellement
un jour écrire ta biographie en trois tomes, minimum. Qu'en penses-tu? C'est mon rêve le plus
chéri. Mon thérapeute me dit souvent que ça m'aiderait grandement à m'adapter et à me libérer
de ma jalousie maladive que j'ai développée à ton endroit. Tu représentes énormément beaucoup
pour moi, pour ma mère et pour ma fille, ainsi soit-il. À bien y penser, si Simonne MonetChartrand et son grincheux de mari, de qui j'ai appris à raconter des histoires cochonnes et dont
le prénom m'échappe... pardon, dont je tiens à échapper le prénom, à la demande expresse de
mon thérapeute, ont eu droit à une mini-série de six épisodes à la télé de Radio-Canada, tu
devrais bien avoir droit à une mini-série de douze émissions en reconnaissance pour ton «oeuvre»
et en hommage au «mérite». Ton collègue, Réjean Tremblay, pourrait en être le concepteur, le
narrateur, le producteur et le réalisateur. Qu'en penses-tu? Maudit que j'aimerais ça faire une
brève apparition à titre de figurant, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, dans «ta» mini-série.
Dis oui, Claude, je t'en supplie, ça ferait tellement plaisir à ma mère. Un fatigant dans l'assistance
à l'Olympia de Paris m'a déjà demandé le prénom du vieux «schnouk» grognon. S'il-vous-plaît,
n'insistez-pas, je ne peux le communiquer, mon thérapeute ne veut pas et ma mère ne veut plus
que je joue avec lui. Toutefois, étant donné que vous êtes mes amis, je vais vous donner un
indice; M _ _ _ _ L. Dites, vous aimez jouer au chat pendu et à la guenille brûlée? Moi oui, ce sont
mes jeux préférés. Avant, je jouais souvent avec vous savez qui!

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