West Papua Damien Faure La solitude du Papou Fil Ch Ré
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West Papua Damien Faure La solitude du Papou Fil Ch Ré
Vendredi 10 mai 2013 www.globalmagazine.info Le magazine de la slow-info ABONNEZ-VOUS EN LIGNE ! LE FILM DU JOUR West Papua 2013 Pendant 10 ans, Damien Faure a filmé la rébellion des Papous de Nouvelle-Guinée Occidentale contre la politique colonialiste indonésienne. Une trilogie à découvrir dans un coffret DVD (en vente pendant le festival), dont West Papua est le premier volet. Le petit bateau à moteur de la mission de Kiunga vient de quitter la Fly River. Le cours d’eau s’est subitement rétréci et la couleur verte des arbres s’est assombrie. Quelques minutes au milieu d’une végétation luxuriante et fantomatique, puis l’embarcation débouche sur un magnifique lac intérieur. L’endroit pourrait être paradisiaque si le bateau n’avait pas quitté la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour entrer dans l’ancienne Irian Jaya, la Papouasie occidentale, vingt-sixième province de l’Indonésie. A l’avant, le Père Jacques Gros, membre de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paul, missionnaire catholique qui sillonne la frontière, des Highlands jusqu’aux côtes du détroit de Torres. A l’arrière, deux chefs locaux du TPN, la branche armée de l’Organisation pour la libération de la Papouasie (Organisasi Papua Merdeka, OPM). Les premières maisons sur pilotis surgissent. Agglutinés le long de la rive, des dizaines d’enfants fêtent l’arrivée du seul bateau à moteur depuis trois mois. Petit à petit, le camp militaire de Memeyop se remplit d’étranges silhouettes. Plus grand que tous les autres, impressionnant, un homme maigre, en tenue de camouflage et barbe blanche, s’extirpe de la foule. C’est Bernard Mawen, le chef de l’armée de libération de la région sud de la Papouasie occidentale. Une légende vivante… Damien Faure OCÉAN Équateur GÉOPOLITIQUE La solitude du Papou Papouasie occidentale avec son pouvoir indonésien et des séparatistes Papous, Papouasie orientale avec des Papous au pouvoir et des séparatistes mélanésiens… En Océanie, culture ne rime pas nécessairement avec nation. Les Papous sont en bonne place dans la liste des peuples au destin compliqué. Voilà une île, la Nouvelle-Guinée, qui à l’apogée des empires coloniaux occidentaux, fut pour sa partie Ouest occupée par les Pays-Bas, pour sa partie Est dominée par la Grande-Bretagne (avec même un épisode allemand). Le vent de décolonisation de l’après-Seconde Guerre mondiale n’a effacé ni les frontières coloniales, ni les divisions et différences entre ethnies. L’Ouest est passé sous contrôle musclé indonésien, l’Est est devenue la Papouasie Nouvelle-Guinée, membre du Commonwealth. Et les Papous dans tout ça ? Ils sont 800 000 pour 321 ethnies différentes (et autant de langues) côté indonésien, dans un pays-archipel de 243 millions d’habitants dont plus de 4 millions ont migré sur leur île. Les Papous indépendants sont beaucoup plus nombreux, environ 5 millions sur les 6,5 millions d’habitants de Papouasie Nouvelle-Guinée, parlant plus de huit cents langues. Nulle surprise à ce que les Papous aient du mal à communiquer entre eux, Un combattant indépendantiste papou. (Photo extraite du film “West Papua”) N O U V PACIFIQUE E L L E - G U I N Pic Jaya Jayapura É E 5 029 m PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE INDONÉSIE source de nombreux conflits entre villages et ce qui les laisse aussi indifférents au sort des cousins Papous toujours colonisés. Par contre, dans les deux Papouasies, la richesse du sous-sol attire avec la même avidité les multinationales minières et pétrolières (cuivre, or, gaz naturel), ce qui provoque des conflits avec les populations locales. Ainsi sur l’île Bougainville (Papouasie Nouvelle-Guinée), la mine de Panguna (cuivre) exploitée par une filiale australienne de Rio Tinto, a fait naitre un mouvement séparatiste qui l’a fait fermer et a obtenu le principe d’un référendum sur son indépendance (prévu d’ici à 2020). Si elle advient ce sera un échec pour l’unité nationale papoue orientale. Côté occidental, la mine de Grasberg, la plus grande mine d’or et la troisième de cuivre du monde, exploitée par la multinationale américaine Freeport Sulphur, a été paralysée par une grève de trois mois en 2011. Grève qui arrangeait le gouvernement indonésien dans son bras de force avec les « intérêts étrangers » mais qui laissa les ouvriers papous à leur solitude politique et culturelle. NOUVELLEBRETAGNE Port Moresby 300 km Mer de Corail Damien Faure Invité du festival, le cinéaste a présenté son film hier ; il renouvellera projection et débat samedi à la maison d’arrêt de Rochefort. Gm : Trois films et dix ans plus tard, la situation a-t-elle changé ? D.F. : Non, les exactions se multiplient. Bien qu’elle soit actée, l’autonomie est bafouée au quotidien, sans partage des richesses avec les populations papoues. En outre, celles-ci deviennent minoritaires du fait de la stratégie de peuplement menée par le pouvoir indonésien. Quant aux rebelles militant pour la défense de leurs droits, ils sont soumis à des tortures et autres atrocités, commises par l’armée en toute impunité. ÎLES SALOMON D’une superficie comparable OCÉAN à celle de la France métropolitaine, PACIFIQUE la Nouvelle-Guinée est une île montagneuse couverte de forêts INDONÉSIE AUSTRALIE tropicales. Les peuples premiers OCÉAN INDIEN qui y vivent, connus sous le nom de Papous, ont été colonisés par diverses puissances européennes. La partie orientale est aujourd’hui indépendante, tandis que l’Ouest est une province indonésienne. INTERVIEW DU RÉALISATEUR DE ”WEST PAPUA“ Globalmagazine : Pourquoi un film sur la guérilla papoue, un univers aux antipodes des Beaux-Arts que vous avez étudiés à Saint-Etienne ? Damien Faure : J’ai été alerté par un article du Monde Diplomatique en 1998, mettant en lumière la mise sous tutelle indonésienne de la Papouasie Occidentale. Une guerre de colonisation oubliée de tous, contrairement au conflit du Timor Oriental qui a mobilisé la communauté internationale. Je me suis dit que je pouvais faire quelque chose avec ma caméra, témoigner, dire au monde ce qu’il se passe. ÎLE BOUGAINVILLE Le réalisateur Damien Faure (photo Paol Gorneg) LE FILM D’HIER Filmer une légende Parti explorer la Papouasie Nouvelle-Guinée, Paul Wolfram, a rencontré le song, équivalent local de notre yéti. Rires et tremblements lui ont inspiré un film à la portée universelle : Stori Tumbuna (2011, 80 min). Comment transmettre à un public large la culture d’autrui ? Dans Stori Tumbuna, le chercheur néo-zélandais Paul Wolfram rejoue les codes du documentaire ethnographique. Vivant seul au milieu de groupes papous isolés, il choisit, plutôt que de témoigner ou documenter, de rejouer l’un des aspects majeurs de cette culture, à savoir l’humour. Le scénario, universel, est celui de la peur face à un être mythique et monstrueux, que le peuple Lak nomme song mais qui s’apparente à notre yéti. Le réalisateur, aidé de ses complices papous, fait rire par un comique de mots, de situation et des éléments burlesques. Il porte ainsi en dérision des clichés sur l’image du sauvage, comme la poursuite du blanc par les noirs autochtones. En naît une œuvre remarquable par sa sincérité et son originalité, qui la situent entre documentaire et fiction. Le public était au rendez-vous, l’auditorium empli d’une centaine de spectateurs ravis. Certains sont même, malgré l’heure tardive, intervenus après la projection. C’est le cas d’Honorine, émue de constater certaines similitudes entre les cultures lak et wallisienne, comme le lien viscéral à la terre et la vie familiale. 2013 Photo extraite du film de Paul Wolfram, Stori Tumbuna Rétroviseur 2012 L’événement s’est passé l’an dernier à la médiathèque municipale de Rochefort : l’ouverture exceptionnelle du fond Lesson a permis, entre autres, de feuilleter et d’admirer quelques ouvrages puisés dans le leg de René-Primevère et Pierre-Adolphe Lesson, enfants du pays. GLOBALMAGAZINE spécial Festival de Rochefort est réalisé par Gilles Luneau, Anne-Laure Murier, Hugues Piolet et Amandine Tondino. Les kataras de Christine Cho (photo Paol Gorneg) Habitants des îles Sandwich in "Atlas de voyage avec des portraits de sauvages d'Amérique, d'Asie, d'Afrique et des îles du Grand océan; des paysages, des vues maritimes et plusieurs objets d'histoire naturelle" par Louis Choris © médiathèque de Rochefort EXPOSITION Christine CHO Les peintures et collages de Christine CHO installent un monde où les vieilles palmes ont un air de jeunesse, où les noix portent des bébés. Un monde bleu comme le Pacifique. Christine Cho était des trois premières éditions de Rochefort Pacifique, comme festivalière. Dès la première, l’appel du monde kanak s’est fait entendre. L’archipel c’était, pour elle et son compagnon, le souvenir d’une actualité calédonienne douloureuse de la fin des années 80, perçue à distance comme une honte républicaine au point de n’oser, pour ce couple d’enseignants, postuler en Océanie. La rencontre, à Rochefort, avec des Kanaks, les a fait changer d’avis : ils les ont convaincus « du besoin de professeurs ne venant pas en Nouvelle Calédonie pour de l’argent mais pour instruire ». Quatre ans plus tard, Christine revient de la Province nord (Canala, Poindimié) avec ses valises chargées de collages, de peintures et de kataras. En xaracuu (une des langues kanak), katara désigne un pétiole de palme. Elle les a ramassés au pied des cocotiers ou au milieu des feux allumés pour s’en débarrasser. Elle les peint, leur donne une seconde vie et, parfois noué d’un morceau de tissu coloré, les expose. Comme cette semaine à la galerie l’Aurore (rdc du palais des congrès). G.L. Nathan, neveu de l’artiste (photo Paol Gorneg) www.globalmagazine.info