Discours de bienvenue du président du Conseil de ville de Berne

Transcription

Discours de bienvenue du président du Conseil de ville de Berne
Communication
Canton de Berne
Chancellerie d’Etat
Manifestation
Fête d’inauguration « 600 ans de l’Hôtel du gouvernement à Berne »
Sujet
Discours de bienvenue du président du Conseil de ville de Berne
Date
23 janvier 2017
Orateur/
Oratrice
Christoph Zimmerli, président du Conseil de ville de Berne
« Par amour »
Mesdames et Messieurs,
Chères et chers convives,
1417 marque l’année de l’inauguration de l’Hôtel du gouvernement à Berne et l’année de
naissance de Nicolas de Flüe, plus connu sous le nom de Frère Nicolas. Canonisé en 1947,
l’ermite de Ranft est considéré encore aujourd’hui comme le saint patron de la Suisse. Le
4 décembre 1482, il écrit une lettre devenue célèbre au vénérable Conseil de la ville de
Berne pour le remercier d’un généreux don de 40 livres pour sa chapelle. Cette lettre, il
l’écrit aussi « par amour ». Je cite : « Obéir est le plus grand honneur au ciel et sur la terre.
Appliquez-vous donc à être obéissants les uns envers les autres. La sagesse est le plus
désirable de tous les biens parce qu’elle permet d’entreprendre toutes choses en les menant
à bien. La paix se trouve toujours en Dieu, car Dieu est la paix, et la paix ne peut être
troublée. La discorde au contraire trouble toujours. Veillez donc à chercher avant tout la
paix. Protégez les veuves et les orphelins comme vous l’avez fait jusqu’ici. Celui qui jouit icibas d’un plus grand bien-être, qu’il en soit reconnaissant envers Dieu, afin que son bonheur
soit encore augmenté dans le Ciel. Les fautes publiques, il faut les empêcher et s’en tenir
toujours à leur propos à la justice. »
Frère Nicolas mettait ainsi en garde nos ancêtres que sans justice, il n’y a point de paix. Une
sagesse très ancienne qui puise ses origines dans la philosophie grecque et que l’on
retrouve dans un psaume de la Bible. Frère Nicolas donne corps à cette idée lorsqu’il affirme
que la miséricorde est la plus grande des vertus. Il ne faut pas priver les pauvres du
minimum vital. Cette mise en garde, en plus de nous parler de stratégie politique et de
religion, porte un message social.
Frère Nicolas appelait nos ancêtres à s’écouter les uns les autres, à faire preuve d’empathie
et à entretenir le dialogue. Son approche philosophique, selon laquelle notre libre-arbitre doit
se plier à la volonté commune tant que celle-ci s’inscrit dans le bon droit, était
révolutionnaire en son temps. Il s’inscrit en précurseur du concept de volonté générale,
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Fête d’inauguration « 600 ans de l’Hôtel du gouvernement à Berne » du 23 janvier 2017
amené par Jean-Jacques Rousseau au siècle des Lumières. Le philosophe considérait la
volonté générale, le consensus, comme le socle de la démocratie.
Dans sa lettre, Frère Nicolas exhorte le Conseil de ville à empêcher les fautes publiques et
favoriser la justice. Une exhortation qu’il faut sans doute interpréter à la lumière de l’affaire
Garillat. L’abréviateur apostolique Nicolas Garillat tenta de s’approprier les bénéfices du
priorat de Rüeggisberg en colportant, pour faire pression, la rumeur de l’excommunication
d’Adrian von Bubenberg, décédé en 1479. Il sema ainsi la discorde, posant les prémisses de
la Réforme à Berne. Pour le chansonnier Mani Matter, qui a étudié cette lettre, ce message
sur le péché transforme « notre égocentrisme en humilité, c’est-à-dire en courage serviteur
qui ne connaît ni sentiment de supériorité ni complexe d’infériorité ».
La suite de l’histoire, nous la connaissons : sans la Réforme, le processus des Lumières
aurait mis plus de temps à se dérouler. Et sans les Lumières, nous n’aurions ni l’état de droit
ni la démocratie que nous avons aujourd’hui. On n’aurait sans doute pas vu non plus
546 électeurs se réunir dans la Collégiale de Berne le 17 octobre 1832 pour former la
première assemblée de la commune de Berne. On se trouvait alors dans une phase de
régénération, en réponse à la période de restauration conservatrice des années 1830. Le
Conseil de ville dans sa composition actuelle à 80 membres et dans une fonction législative
siégea pour la première fois le 8 mars 1888. A propos de la Collégiale : ce n’est donc pas un
hasard si le Conseil de ville y tiendra une séance ordinaire le 29 juin.
Jeremias Gotthelf, le grand écrivain originaire de l’Emmental, a décrit Frère Nicolas en ces
termes : « Sa vie était au ciel, mais les situations humaines s’ouvraient clairement devant lui,
il connaissait avec précision et la Parole de Dieu et la conjoncture du temps. » La lettre
adressée par Frère Nicolas au vénérable Conseil de la ville de Berne reflète bien sa
personnalité. C’est donc à juste titre qu’elle constitue l’un des documents les plus importants
de l’histoire de la Confédération helvétique.
Ce document, aujourd’hui conservé dans les Archives de l’Etat à Soleure, est rédigé en mots
en apparence simples. Quiconque lit ces 335 mots pourra cependant constater que l’on peut
en tirer maints enseignements et moult courage, dans le monde d’aujourd’hui a fortiori. Au
Conseil de ville qui entame sa 22e législature, je souhaite une belle dose de « courage
serviteur ».
Je vous remercie de votre attention.
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