Vendredi 8 février Saint John Coltrane Church

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Vendredi 8 février Saint John Coltrane Church
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Vendredi 8 février
Saint John Coltrane Church
Dans le cadre du cycle Le jazz mystique
Du vendredi 8 au mercredi 13 février 2008
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr
Cycle Le jazz mystique
du vendredi 8 au mercredi 13 février
« Comment faire sans Dieu ? » C’est sur cette franche interrogation que se conclut Music Is
My Mistress, le livre de mémoires de Duke Ellington. Occulté par une critique rationaliste
embarrassée par de telles démonstrations de piété, le rapport des musiciens de jazz
au sacré est pourtant une quasi-constante de leur discours. Qu’elle s’inscrive dans le cadre
d’une Église ou prenne la forme d’une croyance toute personnelle, la foi en une transcendance
accompagne la plupart d’entre eux et répond aux interrogations que leur pratique musicale peut
soulever – en particulier celle de l’improvisation parfois directement reliée par eux à l’inspiration
divine. Le jazz lui-même entretient dans sa forme et dans ses « rites », si l’on peut dire, de fortes
correspondances avec le gospel, largement pratiqué par les musiciens afro-américains
dès l’enfance. Pendant plusieurs décennies cependant, leur foi est restée de l’ordre du privé,
expression d’une spiritualité ne pénétrant que rarement le cadre de la musique.
La cristallisation entre cheminement spirituel et démarche artistique s’est opérée en la personne
de John Coltrane qui, en 1964, enregistre une ode à l’amour divin, A Love Supreme, dont la forme –
une suite pour quartette de jazz – et les développements transcrivent une expérience d’ordre
mystique. Mais Coltrane n’est pas le seul ; il ne fait que précipiter un mouvement qui fait florès
dans les années soixante. Tout en s’émancipant de ses propres canons, le jazz se pare de
références explicites au sacré et tend à se modeler d’après elles : la conversion de Yusef Lateef
à l’islam nourrit sa fascination pour les modes orientaux, les convictions animistes de Don Cherry
l’ouvrent aux musiques du monde, la pratique du bouddhisme amène Herbie Hancock à des plages
introspectives et planantes tandis que le syncrétisme de Pharoah Sanders introduit toute
une bimbeloterie percussive en nappes méditatives…
En consacrant un cycle au jazz « mystique », la Cité de la musique jette une lumière sur
une dimension essentielle de l’histoire de cette musique. En plaçant celui-ci sous le sceau d’Albert
Ayler et de son album Spiritual Unity enregistré en 1964, elle rappelle qu’une bonne partie du
free-jazz est indissociable d’aspirations spirituelles – autant, sinon plus, que politiques. Jamais
l’ardeur d’Albert Ayler n’aurait été aussi grande si elle n’avait été sous-tendue par une forme
d’illuminisme. Jamais le parcours de John Coltrane n’aurait pris les apparences d’une quête
mystique s’il n’avait correspondu à un cheminement d’une exemplarité telle qu’une église de
San Francisco l’a érigé en saint patron – la Saint John Coltrane Church – et qu’en France, Christian
Vander a fondé Magma en 1969 pour combler le manque laissé par sa disparition. La ferveur du
saxophoniste Albert Ayler – qui se définissait lui-même comme le « Saint-Esprit » d’une trinité dont
le « Père » était Coltrane et le « Fils » Pharoah Sanders – est saluée par le saxophoniste Laurent
Bardainne tandis que le guitariste Marc Ribot reprend ses pièces les plus emblématiques,
en compagnie du contrebassiste Henry Grimes qui a déjà exploré l’univers du natif de Cleveland.
Participant au forum qui creusera la question du mysticisme dans le jazz, le saxophoniste Raphaël
Imbert propose, quant à lui, de redécouvrir la musique sacrée composée par Duke Ellington à la fin
de sa vie, en préalable au concert de l’Arkestra fondé par Sun Râ (décédé en 1993), inventeur d’une
musique prétendument intergalactique, gourou d’un orchestre à la cosmologie ésotérique qui
– ne l’oublions pas – voyait dans l’ailleurs cosmique (« Space is the place » étant son slogan)
un au-delà, métaphysique ou utopique, où la communauté noire pourrait exister sans avoir
à subir ni le joug ni même le dogme d’une autorité qu’elle ne se serait pas choisie.
Vincent Bessières
VENDREDI 8 FÉVRIER, 20H
SAMEDI 9 FÉVRIER, 20H
MERCREDI 13 FÉVRIER, 20H
Saint John Coltrane Church
Hommage à Albert Ayler
Première partie
« Duke Ellington’s Sacred Music »
His Eminence Archbishop
Franzo W. King, direction, saxophone
Brother Fred Harris, direction musicale,
piano
Most Reverend Mother Marina King,
direction chœur, voix
Deacon James Max Hoff, Father Robert
James Haven, Reverend Franzo
King Jr., saxophones
Reverend Sister Wanika King Stephens,
Senior Warden Clarence Robert
Stephens, basses
E. W. Wainwright, batterie
Desiree McCloskey, Sister La Vette
King, Brother Cartier King, Angela
Baham, Ann Mack, Sister Erinne
Johnson, Sister Hallie Greene, voix
Première partie
« Here is to you, Albert Ayler! »
SAMEDI 9 FÉVRIER, DE 15H À 19H
Laurent Bardainne, saxophone ténor
Dean Bowman, voix
Nicolas Villebrun, guitare
Arnaud Roulin, claviers
Philippe Gleizes, Vincent Taeger,
batterie
Avec la participation des élèves des classes
musicales du collège Jean-Jaurès
Seconde partie
Sun Râ Arkestra
de Saint-Ouen.
Seconde partie
Marc Ribot « Spiritual Unity »
Marc Ribot, guitare
Roy Campbell Jr., trompette
Henry Grimes, contrebasse
Chad Taylor, batterie
Forum Le jazz mystique
15H : Conférence, table ronde
Animée par Vincent Bessières, journaliste
Avec Raphaël Imbert, musicien et
musicologue, et Vincent Cotro,
enseignant-chercheur en musicologie
17H30 : Concert
Brotherhood Consort
Raphaël Imbert, saxophone, direction
Jean-Luc Di Fraya, percussion, chant
André Rossi, orgue
Michel Peres, contrebasse
Mourad Benhammou, batterie
Simon Tailleu, contrebasse
Compagnie Nine Spirit
Raphaël Imbert, saxophones, direction
Thomas Savy, saxophones, clarinettes
Christophe Leloil, trompette
Émile Atsas, guitare
Carine Bonnefoy, piano
Simon Tailleu, contrebasse
Mourad Benhammou, batterie
Jean-Luc Di Fraya, percussions, chant
Marion Rampal, chant
LUNDI 11 FÉVRIER, 20H
Magma
Christian Vander, batterie, chant
Stella Vander, chant, percussions
Isabelle Feuillebois, chant
Himiko Paganotti, chant
Antoine Paganotti, chant
James Mc Gaw, guitare
Emmanuel Borghi, claviers
Philippe Bussonnet, basse
Benoit Alziary, vibraphone
Marshall Allen, direction, saxophone alto,
flûte
Art Jenkins, voix, percussions
Knoel Scott, saxophone alto
Charles Davis, saxophone ténor
Yahya Abdul Majid, saxophone ténor
Danny Thompson, saxophone baryton, flûte
Fred Adams, trompette
Cecil Brooks, trompette
Dave Davis, trombone
Dave Hotep, guitare électrique
Farid Barron, piano
Juini Booth, contrebasse
Elson Nascimento, percussions, surdo
Wayne Anthony Smith Jr., batterie
VENDREDI 8 FÉVRIER – 20H
Salle des concerts
Saint John Coltrane Church
His Eminence Archbishop Franzo W. King, direction, saxophone
Brother Fred Harris, direction musicale, piano
Most Reverend Mother Marina King, direction chœur, voix
Deacon James Max Hoff, Father Robert James Haven, Reverend Franzo King Jr., saxophones
Reverend Sister Wanika King Stephens, Senior Warden Clarence Robert Stephens, basses
E. W. Wainwright, batterie
Desiree McCloskey, Sister La Vette King, Brother Cartier King, Angela Baham, Ann Mack,
Sister Erinne Johnson, Sister Hallie Greene, voix
Sister Hallie Greene, technique
Ce concert est enregistré par France Musique.
Fin du concert (sans entracte) vers 22h10.
A Love Supreme
On imaginerait difficilement, en France, que l’on révère un artiste au point de le canoniser.
C’est ce que fit l’archevêque et saxophoniste Franzo Wayne King qui, en 1971, fonda à San
Francisco la Saint John Coltrane African Orthodox Church, formée seulement de musiciens.
Sa mission ? Amener des individus à la foi, par l’entremise du saint patron que Franzo
King désigna : John Coltrane (1926-1967), légendaire saxophoniste et compositeur afroaméricain. « En 1965, je suis allé à un concert de John, explique-t-il. J’ai eu la révélation
du caractère sacré de sa musique, expression absolue d’amour et de paix. »
Assister à un spectacle de la Saint John Coltrane Church – c’est bien de spectacle dont
il s’agit, dans le sens noble du terme – constitue un événement rare. La congrégation ne
s’était pas produite en France depuis 1973 (à la Sorbonne et au festival d’Antibes), lorsque
la manifestation Sons d’hiver l’a accueillie en février 2007. Selon les concerts, entre un tiers
et la moitié des artistes sur scène sont des révérends. Étonnant tableau que de voir ces
hommes de Dieu, en costume cultuel, emboucher leur saxophone pour un chorus survolté.
De l’encens épand son parfum jusqu’au fond de la salle. Que l’on soit croyant ou non, on est
immédiatement conquis par l’ambiance, conjuguant haute prestation musicale et liturgie
jubilatoire. On a l’impression de se retrouver sur les bancs d’une de ces églises où la plupart
des musiciens afro-américains – Coltrane compris – ont fait leurs classes dès l’enfance.
La Saint John Coltrane African Orthodox Church opère un impressionnant syncrétisme
entre héritage coltranien, sources sacrées de la Great Black Music et prêche dispensé
dans les paroisses. On perçoit la scansion à l’effet saisissant que des orateurs comme
Martin Luther King ont assimilée, à force de sermons entendus dans leur jeunesse. Cette
ardente cadence des syllabes a contribué à l’impact des discours qui, à l’époque du grand
mouvement pour les droits civiques dans les décennies cinquante et soixante, exhortaient
l’auditoire à combattre l’injustice et le racisme institutionnalisé. L’archevêque Franzo Wayne
King incarne cette osmose entre art, engagement politique et conviction religieuse. Ancien
proche de Huey Newton et des Black Panthers, il poursuit sans relâche son action pour la
cité, en aide aux plus défavorisés, aux jeunes, aux personnes âgées…
La puissance chorale de la Saint John Coltrane Church, alliée à la fermeté de la section
rythmique, les envolées des saxophones et l’ancrage spirituel de l’orchestre servent
admirablement les compositions de Coltrane. Toutefois, le programme de l’église
californienne s’étend au-delà du répertoire de Trane, pour inclure des morceaux
que ce dernier jouait ou tout simplement aimait. Ainsi, peut-on entendre le standard
Everytime I Say Goodbye, Straight No Chaser de Thelonious Monk, Dear Lord, Equinox.
Sans oublier A Love Supreme, pierre angulaire du concert.
Ce chef-d’œuvre en quatre mouvements, qui donne son nom au disque enregistré en 1964
par le souffleur inspiré avec le pianiste McCoy Tyner, le contrebassiste Jimmy Garrison et
le batteur Elvin Jones, articule à la perfection les préoccupations de son auteur trois ans
VENDREDI 8 février
avant de mourir. Des fouilles harmoniques menées les années précédentes avec la minutie
d’un archéologue, Coltrane garde la substantifique moelle, dont la frugalité et la densité vont
dans le sens des investigations modales qui le mobilisent alors. Dans le LP original figure le
texte de pochette signé du géant : un poème en direction de l’être suprême. La Saint John
Coltrane Church a fait, de l’emblématique pièce, son hymne. Les voix s’enflamment, le ténor
distille une psalmodie à vous déchirer les entrailles. A Love Supreme nous emporte dans un
tourbillon d’émotions. Exaltation, quand le verbe ou la note monte en volume, hauteur de ton,
intensité dramatique. Sérénité, lorsque le phrasé s’adoucit ou que le temps suspend son vol.
Dans le finale, on sent, selon son tempérament, une libération apaisante ou un galvanisant
appel à la transe.
À la façon d’un metteur en scène, le révérend Franzo King puise aux ressources de la
théâtralité, judicieusement, sans excès ni fard. Il développe un prêche mêlant profondeur
du propos, humour et renseignements sur la fondation de l’église. Il évoque sa vénération
pour Trane, son admiration pour Duke Ellington. « C’est Duke qui a ramené la musique
dans l’église », précise-t-il. Ce qu’illustre le cycle Jazz mystique mis sur pied par la Cité de
la musique, en se concluant notamment sur un pan de la littérature sacrée ellingtonienne
(avec la compagnie Nine Spirit, sous la direction du saxophoniste et arrangeur Raphaël
Imbert, le 13 février).
Incommensurable est l’influence de John Coltrane, tout à la fois comme saxophoniste,
compositeur, improvisateur, leader et, même, sideman (de façon édifiante aux côtés de
Miles Davis, par exemple). L’infatigable défricheur, né en 1926, s’est sans répit remis
en question. La spiritualité diffuse en sa musique parvient à tresser intimement cordes
sensibles d’une âme en quête et mystère de l’art. Plus de 80 ans après J.-C., pourrait-on
dire, la Saint John Coltrane Church sème la bonne parole de son glorieux élu aux quatre
coins du monde. Au nom de l’amour. A Love Supreme…
Fara C.
Concert enregistré par France Musique
Et aussi…
> concerts
> Domaine privé JOHN ZORN
du 23 au 27 juin
Samedi 15 mars, 20h
Lundi 23 juin, 20h
Vendredi 27 juin, 20h
Magick
Compositions de John Zorn
The Organ Summit
Six Litanies For Heliogabalus
Joey DeFrancesco, orgue
Dr Lonnie Smith, orgue
Reuben Wilson, orgue
Jake Langley, guitare
Byron Landham, batterie
Mike Patton, voix
Trevor Dunn, basse
Joey Baron, batterie
Jamie Saft, orgue
Ikue Mori, électronique
Martha Cluver, voix
Abby Fisher, voix
Kirsten Soller, voix
John Zorn, direction, saxophone
Mardi 15 avril, 20h
La Serpenta Canta
Martha Cluver, Abby Fischer, Kirsten
Sollek, Lisa Bielawa, Kate Mulvehill,
voix • Mike Lowenstern, Anthony Burr,
clarinettes basses • Jenny Choi, Jesse
Mills, violons • Jenny Francis, alto •
Fred Sherry, Mike Nicholas, Erik
Friedlander, violoncelles • Steven
Drury, piano
> MÉDIATHÈQUE
Mardi 24 juin, 20h
The Dreamers
> SPECTACLE JEUNE PUBLIC
Mercredi 12 mars, 15h
Les Electro-Merveilles
Compagnie La Carrérarie
Ce spectacle est destiné aux enfants à
partir de 7 ans.
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, claviers
Kenny Wollesen, vibraphone
Trevor Dunn, basse
Joey Baron, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction
Mercredi 25 juin, 20h
Ciné-concert
> Collège
Le Jazz contemporain – Cours du soir
explorant la géographie complexe du
jazz actuel
Du 7 février au 19 juin, les jeudis de
19h30 à 21h30
> forum
Samedi 15 mars, 15h
L’orgue Hammond, du gospel au jazz
Projection du documentaire Jimmy
Smith, table ronde et concert de Organ
Trio
Essential Cinema
featuring Electric Masada
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, orgue
Erik Friedlander, violoncelle
Trevor Dunn, basse
Ikue Mori, électronique
Joey Baron, batterie
Kenny Wollesen, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction, saxophone
http://mediatheque.cite-musique.fr
Sélection médiathèque :
Nous vous proposons…
… de lire :
John Coltrane : sa vie, sa musique de
Lewis Porter (2007) • John Coltrane :
80 musiciens de jazz témoignent
(2007) • Sun Râ : un noir dans le cosmos
d’Aurélien Tchiemessom (2004) • Free
jazz : une étude critique et stylistique du
jazz des années 1960 de Ekkehard Jost
(2002)
… de regarder :
Love you Madly – A concert of sacred
music at Grace Cathedral, Duke Ellington
par Ralph J. Gleason (1965) • John
Coltrane, film de Jean-Noël Cristiani
(1996) • John Coltrane live in ‘60, ’61 &
’65 (collection Jazz Icons) • Space is the
Place, Sun Râ and his Intergalactic Solar
Arkestra, film de John Coney (1974)
… d’écouter :
A love supreme de John Coltrane •
Karma de Pharoah Sanders • Spirits
d’Albert Ayler • Spiritual Unity, Marc
Ribot avec Albert Ayler • Mekanik
Kommandoh : troisième mouvement de
« Theusz Hamtaahk » de Magma
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Stagiaire : Marilène Parrou | Maquette : Elza Gibus
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