l était temps effectivement de retourner voir l`esprit, le fantôme ou

Transcription

l était temps effectivement de retourner voir l`esprit, le fantôme ou
I
l était temps effectivement de retourner voir l'esprit, le fantôme ou quoi que ce fût de leur ami,
et de tirer certaines choses au clair. Par la même occasion, ils utiliseraient à bon escient la
particularité temporelle qu'ils avaient remarquée : le temps s'écoulait plus rapidement dans le
palais qu'au dehors, ce qui leur permettrait de s'exercer plus longuement afin de pouvoir tenir tête à
Malcolm et ses sbires.
- On ira tous les trois ensemble, ou quelqu'un reste pour vérifier qu'Anatole ne fait pas n'importe
quoi ? Demanda Margot.
La remarque fit de nouveau hennir l'animal.
- Il devient de plus en plus susceptible, ce cheval...
- Il vaut mieux en effet que l'un de nous reste dehors, on ne sait jamais. Mais je crains plus une
attaque qu'une erreur du cheval, reprit l'aîné.
- En même temps, l'un de vous sait où on est ? Depuis le début, c'est lui qui nous guide, sans qu'on
n'y fasse rien, remarqua Georges.
- Pas faux, acquiesça Jean. Quoi qu'il en soit, je resterai dehors. Il faut que Margot voie le conteur.
Et Georges pourra mieux lui expliquer que moi le problème qu'on va avoir pour maîtriser le Souffle.
- Le mode Souffle, très exactement ! Le corrigea Georges d'un ton docte et l'index gauche levé.
- D'accord pour le mode Souffle ! Rigola Jean. En attendant, il n'y a pas de temps à perdre, allez-y
et essayer de ne pas sortir trop tard.
- On est partis ! Cria Margot d'un ton enjoué.
Georges laissa les rênes à son frère et suivit sa sœur qui était déjà entrée dans la roulotte.
- A toi l'honneur ! Fit-il.
Margot posa la main droite sur la porte dont les contours s'illuminèrent vivement, puis les reliefs et
la poignée apparurent. Ils pouvaient entrer.
- Tu es bel et bien une Fille de Byblos, très chère sœur, félicitation !
- Arrête ton char, tu veux ?
Les deux enfants pénétrèrent dans le hall du palais. Margot en avait déjà vu une bonne partie, de
l'extérieur, mais y marcher était une tout autre expérience. Entendre ses pas résonner contre les murs
immenses, être happée par cette sensation de grandeur intimidante étrangement mêlée d'une
rassurante familiarité valait le détour. Elle se souviendrait toute sa vie de la première fois qu'elle
pénétra dans le palais du conteur.
- Et maintenant, il faut vouloir entendre l'histoire du conteur, fit-elle.
- Je ne l'aurais pas formulé comme ça, mais oui.
Ils avancèrent jusqu'à la même porte que les deux frères précédemment avaient ouverte afin de
partir à la recherche de la plume. Mais cette fois-ci, ils tournèrent la poignée en pensant au conteur.
Ils se retrouvèrent directement dans la pièce aux rideaux rouges, mais un drôle de chantier les y
attendait : Eldric n'était pas visible, et le pianorchestre paraissait démembré, plusieurs tuyaux,
boulons, écrous étant éparpillés ça et là au milieu d'un bric-à-brac musical dont on n'aurait pu faire
une liste précise.
- Eldric ? Appela Margot
- On m'appelle ? Qui est là ?
Le conteur venait de se dresser derrière son engin après avoir ouvert une sorte de trappe, la figure
pleine de cambouis.
- Ah, c'est vous, les enfants ! Oh ! Mais la jeune Margot me fait l'honneur de sa présence ! Je suis
ravi de te revoir, ma petite !
En disant ces mots, il rentra la tête en refermant la trappe, puis un coup retentissant fit s'ouvrir une
petite porte sur le côté du pianorchestre d'où il sortit à quatre pattes, avant de se redresser en
essuyant son bleu de travail. Mais il n'eut pas le temps de finir de s'épousseter que Margot lui fonça
dessus et l'enserra dans ses bras. D'abord surpris, il la prit à son tour dans ses bras et ils restèrent
ainsi quelques instants, savourant leurs retrouvailles.
- Je croyais vous avoir perdu...
- Moi pas, je savais que j'allais vous revoir. Mon palais fut construit pour cela. J'ai senti ton entrée
dans le Souffle. J'ai pleuré.
Margot, sans desserrer son étreinte, leva vers lui un regard plein de joie tandis qu'il la couvait d'un
œil bienveillant. Georges ne comprenait pas bien comment deux personnes se connaissant à peine,
finalement, pouvaient être devenues aussi proches... Voyant son regard interloqué, Eldric lui
expliqua :
- Je comprends ton étonnement, Georges, mais il te faut comprendre que nous avons un lien spécial,
Margot et moi.
- Et je peux savoir lequel ?
- Maintenant que je ne suis plus, elle est la nouvelle conteuse, hé hé !
- La nouvelle conteuse ?
- Oui, chaque Fils de Byblos, une fois entré dans le Souffle, se voit confier un rôle spécial. Montre
voir le stylo que tu as dû prendre à Marthe.
- Mme Bartel ? Voilà, dis Georges en prenant le compas sous sa chemise, mais ce n'est plus
vraiment un stylo...
- Non, car tu n'as pas pris son rôle. Un compas ? Tu dois être le nouveau cartographe. Cela fait
longtemps que je n'en avais pas vu. Imran devait être le dernier, il y a... Oh, il doit bien y avoir 150
ans qu'il nous a quitté.
- Donc Jean est devenu poète, Margot conteuse, et moi cartographe. Super. Je dessine des cartes.
- Ne te méprends pas, jeune Fils de Byblos. Ton rôle et ton pouvoir ne sont pas inférieurs à ceux de
ton aîné ou de ta sœur.
- En parlant de pouvoir, Eldric, les interrompit Margot, si nous sommes venus, c'est pour savoir s'il
était possible que nous nous entraînions dans ton palais pour les maîtriser, ce qui nous prendrait trop
de temps à l'extérieur.
- Ha ha ha ! Décidément, Archibald avait raison, vous êtes particulièrement doués ! Oui, bien sûr
que vous le pouvez, et c'est même en partie pour cela que je l'ai créé. Je n'ai pas eu le temps
d'expliquer à tes frères la dernière fois, mais ce palais est ma manière de contrer Malcolm et de
poursuivre l’œuvre des Fils de Byblos. Cela m'a coûté une partie de mes pouvoirs, et je suis devenu
une cible facile pour le comte, mais ça en valait la peine, vous ne trouvez pas ? Venez, suivez-moi,
je vais vous montrer.
Margot desserra enfin son étreinte, et Eldric se dirigea vers la porte. Lorsqu'il l'ouvrit, de l'autre côté
se trouvait une immense pièce vide, un dôme.
- Voici la salle d'entraînement que je vous ai prévue. Pensez-y la prochaine fois que vous voudrez
venir. Ici, vous pouvez utiliser le Souffle à votre guise, sauf bien sûr pour voyager : j'ai voulu que ce
palais soit inviolable, y compris pour Malcolm et ses comparses, donc cette option n'est pas
possible. En revanche, dans cette salle, si vous y pensez correctement, vous pouvez faire apparaître
n'importe quelle personne ou objet, y compris des ennemis. Mais rien ne pourra vous blesser,
rassurez-vous. D'autres questions ?
Les jumeaux restaient muets : peut-être était-ce la dimension titanesque de cette salle vide qui les
surplombait, ou bien le vertige de voir jusqu'où des hommes et des femmes étaient capables de se
projeter et de se sacrifier pour une cause qui leur semblait juste. Eldric avait dû deviner leur pensée,
et il reprit la parole ; il avait abandonné le ton burlesque et enjoué qui semblait le caractériser depuis
sa « résurrection » :
- Vous ne devez pas vous sentir redevables envers ceux qui vous ont précédés. Ce que nous avons
fait, nous l'avons fait parce que nous pensions que c'était la meilleure chose que nous pouvions
mettre en œuvre pour contrer les plans de Malcolm. Pas pour rester dans les manuels d'Histoire ou
que l'on dresse des autels à notre gloire. Vous, vous devez suivre votre route, à votre rythme. C'est
vous qui avez les clefs, désormais.
Ces paroles avaient touché juste. Les deux enfants se sentaient un peu mieux. Mais ils décidèrent
finalement de ressortir parler de tout ça avec Jean avant de commencer leur entraînement
sérieusement. Ils demandèrent, avant de partir, si Eldric serait là pour les aider, les conseiller : leur
ami répondit par l'affirmative. C'est donc plutôt confiants qu'ils retournèrent dans la roulotte.

Documents pareils