Prendre un enfant par la main
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Prendre un enfant par la main
Société / Une alternative moins contraignante à l'accueil permanent Prendre un enfant par la main LE PARRAINAGE S'ADRESSE aux « enfants du juge » et aux enfants défavorisés que leurs parents peinent à élever. LA FAMILLE de parrainage accueille un enfant un week-end sur deux. Problème : il y en a beaucoup trop peu. Noëlle a 28 ans et le sourire éteint des femmes qui se sont résignées au pire. Elle a fui le Rwanda en 2004, après un séjour en prison. Son mari, opposant politique, a été assassiné. Et ses deux petites filles lui ont été enlevées. «Elles ont été recueillies par des tantes, raconte-t-elle dans le coin salon de son minuscule mais propret appartement schaerbeekois. Mais je l'ignorais. Là-bas, tout le monde me croyait morte. Il a fallu deux ans pour que je les retrouve grâce à la Croix-Rouge. Entre-temps, j avais obtenu le statut de réfugiée et elles ont pu me rejoindre. » Deux ans sans papa, assassiné, ni maman, disparue... A leur arrivée en 2006, Esther et Sandrine étaient traumatisées. Plus fermées que des huîtres. Noëlle n'en menait pas large elle non plus. En prison, elle a contracté une maladie chronique qui la consume. Emargeant au CPAS, elle n'en a pas moins entrepris des études d'infirmière, une formation déjà accomplie à Kigali mais sans valeur en Belgique. Entre les cours et les stages, qui l'obligent à payer quelqu'un pour s'occuper des filles, elle travaille comme jobiste le week-end à l'hôpital. « Je ne m'en sortais pas. Il Claire et Yves Dusart-Meyer, les ophiea8ns,letbon- parents de Sophie et de son frère de comme un rayon de so- Thomas, 13 ans, sont devenus les leil. Sandrine, elle, 8 ans parrains de Sandrine. Dans le caaussi, est noire comme une barre dre d'une procédure de parrainade chocolat. L'une est belge, l'au- ge d'enfants en difficulté organitre rwandaise, mais toutes les sée en région bruxelloise par le deux vivent à Bruxelles. « Il faut Service laïque de parrainage. les voir chanter en choeur "Nous « Les enfants habitent en princisommes des soeurs jumelles"», la pe à Bruxelles, mais les familles chanson-phare des Demoiselles viennent de toute la Communaude Rochefort, rit la maman de So- té française, précise Marianne phie. Faut dire que quand « Ma- Daliers, douze ans au service de man Claire », comme l'appelle cette ASBL subventionnée. MalSandrine, leur achète des frin- heureusement, cela ne suffit pas. gues, elles adorent être assorties. On en manque cruellement. » «A mes copines, précise Sophie, Sandrine et sa petite soeur Esje dis que Sandrine est ma demi ther, 6 ans, ont eu de la chance, si -soeur.Maimjlcnsdèe l'on ose écrire. Elles n'ont dû pacomme ma vraie soeur. » tienter que six et quatre mois, resSandrine et Sophie sont insépa- pectivement, pour trouver chacurables, quand elles se voient. Cela ne une famille « avec un coeur arrive, en principe, tous les quin- gros comme ça ». Pas qu'elles ze jours, un week-end sur deux, étaient impatientes, au départ. du vendredi au dimanche soir. Et C'est leur maman qui pensait que pendant la moitié des vacances ça leur ferait du bien. Et qui en scolaires. Depuis un an environ, avait « vraiment besoin ». fallait trouver une solution pour REPORTAGE © ALAIN DEWEZ . les enfants. Mais pas question de m'en séparer. » C'est à la télé que Noëlle entend parler du parrainage. Une formule « tombée du ciel », « miraculeuse »... Les qualificatifs lui manquent. «Le service s'adresse à deux groupes d'enfants, expose Marianne Daliers. Des "enfants du juge; placés en institution par décision judiciaire, et des enfants issus de milieux défavorisés, que leurs parents ont du mal à élever parce qu'ils ont des problèmes de santé, économiques ou sociaux. Souvent des mères isolées. » La plupart du temps, ce sont des services sociaux qui s'adressent à « Le parrainage apporte beaucoup aux filles. En un an, je les ai vues s'ouvrir, s'épanouir. Cela les aide à se reconstruire » l'ASBL. « L objectifn'spadérlenftsumèr, mais de leur donner un plus, une autre forme d'affection, des activités, un réseau... Et parfois unefigrpatl.» Il ne s'agit donc pas de familles d'accueil qui prennent l'enfant totalement en charge, sept jours sur sept. Il ne s'agit pas non plus d'une forme de récréation. « Les parrains et marraines s'enga- gent à accueillir leur filleul, en général âgé de 2 à 12 ans, un weekend sur deux et pendant la moitié des vacances, poursuit la responsable du Service de parrainage. C'est un engagement à long terme. L objectif est d'intégrer l'enfant tout à fait normalement à la vie familiale. » Sandrine fréquente désormais les louveteaux avec Sophie, le dimanche. Il lui arrive même d'accompagner son amie au catéchisme, depuis qu'elle prépare sa première communion. Et elle attend avec curiosité que Sophie entame ses premiers cours de guitare. «Mai aussi, j'aimerais faire de la musique »... Noëlle n'en doute pas un instant. « Le parrainage apporte beaucoup aux filles. Te connais peu de monde et n'ai ni l'occasion ni les moyens de leur o frir le minimum social. Mais en un an, je les ai vues s'ouvrir, s'épanouir. Cela les aide à se reconstruire. » Claire Dusart-Meyer abonde dans son sens. Elle qui travaille dans une pouponnière pour enfants du juge, les enfants placés, elle connaît ! Cela faisait longtemps qu'elle et son mari songeaient à se lancer à leur tour. « Nous n'étions pas prêts à devenir famille d'accueil, témoigne Yves. Le parrainage nous convenait mieux. C'est comme si nous étions oncle et tante, cela ne modifie pas nos habitudes. Nous en avons parlé aux enfants qui ont été enthousiastes. » Il suffit de les regarder s'amuser : l'enthousiasme n'a pas faibli. Au contraire. C'est une procédure longue et rigoureuse qui encadre le choix des familles par le service de parrainage. « Nous voulons mettre toutes les chances de réussite de notre côté », acquiesce Marianne Daliers. Pas toujours facile d'assortir parrains et enfant. Mais, surtout, pas facile de trouver des familles tout court. Medhi, 9 ans, dont les parents sont décédés ; Lisette et Michel, 3 et 4 ans, récupérés par leur papa après avoir été victimes des « négligences graves » de leur mère ; Raphaël, 3 ans, dont la maman travaille le week-end... « Quinze enfants attendent des parrains en ce moment. L'un d'entre eux, un petit garçon de 5 ans allergique aux chiens et chats, depuis un an et dePHILIPPE BERKENBAUM mi. » •