Une ère nouvelle…Port-au-Prince, Haïti
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Une ère nouvelle…Port-au-Prince, Haïti
The Bronx Journal/February 2002 FRENCH B3 Une ère nouvelle…Port-au-Prince, Haïti SASHA JEAN-LOUIS Bronx Journal Staff Reporter ne foule bruyante s’est ruée contre l’énorme barrière et s’est déversée dans la rue, la plupart des femmes et enfants chargés de provisions et d’habits. Ils ont attendu durant des heures sous un soleil infernal. C’était le jour des visites au Pénitencier National qui renferme plus de 18000 prisonniers haïtiens. Le Pénitencier National est la plus grande de 19 prisons. Les droits de visitation sont octroyés 2 fois par semaine pour une durée de 20 minutes. Quand finalement ils décident d’ouvrir les portes, les sentinelles se retirent pour ne pas être bousculés par la foule anxieuse de voir les êtres qui leur sont chers : mari, frère, fils, amant. La scène est chaotique, mais bien meilleure que ce que furent jadis les prisons haïtiennes, un enfer où régnaient l’isolation et la terreur, où certains sont disparus à tout jamais. Le droit de visitations est l’une des améliorations significatives au pénitencier national depuis 1995. Ces améliorations sont dues et font partie de la réforme du système pénitencier haïtien. Depuis 1804 la justice haïtienne a été sous le contrôle militaire. L’armée a régné en tant que geôlier, juge et jury ; définissant le crime, infligeant la sentence et le prix à payer sans devoir en rendre comte à quiconque pendant un demisiècle. Les prisons haïtiennes se sont faites célèbres pour leurs violations des droits de l’homme, de l’isolation, à opunément laisser mourir leurs prisonniers de faim, jusqu’au meurtre. Au retour d’exil du président JeanBertrand Aristide en 1994, l’urgence de faire de la police, des tribunaux et des prisons des organisations indépendantes s’est avérée nécessaire. Par un décret officiel l’armée fut abolie en 1995. Une prison civile fut établie sous la tutelle du Ministère de la justice. En 1997, les prisons furent placées sous la juridiction de la police comme le requiert la constitution d’Haïti de 1986. Le ministère de la justice fut appel à l’UNDP (United Nations Development Program) pour aider Haïti à créer un nouveau système pénitencier à ras le sol. Le projet de réforme completè des prisons haïtiennes de 4.5 millions a été financé par l’UNDP et les gouvernements français, haïtiens et américains, avec l’aide technique de la MICIVIH (Mission Civile Internationale en Haïti). Des le début, le directeur des prisons françaises Pierre Delattre et le canadien Jean-Paul Lupien de l’UNDP ont dirigé le projet. Selon les dires des autorités haïtiennes, ils ont réussi à accomplir de « petits miracles » en très peu de temps. « Quand nous sommes arrivés il y a 4 ans » explique Lupien « nous sommes partis de rien, les prisonniers étaient entassés les uns sur les autres dans de petites cellules dépourvues d’air. Ils dormaient à même le sol et déféquaient dans les même sceaux qu’ils utilisaient pour se laver quand il y avait de l’eau. Les soins médicaux, les plans de la prison, horaires et règlements étaient inexistants. De concert avec la Croix-Rouge et d’autres FILE organisations internationales, Delattre et Lupien ont aidé à implanter une nouvelle infrastructure et des conditions de vie humaines pour les prisons en Haïti. Cuisiniers, infirmiers et médecins ont été embauchés. Dispensaires, douches et toilettes, cuisines, de même que des cours de recréations et des salles de visites ont été bâtis et installés. C’est l’ère d’une aube nouvelle. Une formation en compréhension des droits de l’homme pour les geôliers fut nécessaire. L’UNDP a pourvu plus de 180 recrus avec une formation de base : 320 geôliers ont reçu une formation sur le tas. Le projet a aussi financé un centre, des manuels et des équipements de formation. Quelques haïtiens, alors que d’autres, ont été envoyés au Canada afin d’apprendre la gestion et la sécurité en matière de prisons. Trente-deux superviseurs ont reçu leur formation dans les prisons françaises, de la Guyane, Guadeloupe et Martinique. Deux-tiers des 500 nouveaux gardes étaient des militaires, ce qui fut un obstacle énorme et poussa les enseignants à obliger leurs élèves à comprendre la nécessité de développer une nouvelle attitude envers les prisonniers, une attitude où la compréhension et le respect des droits de l’homme règnent. Charles S., un superviseur au pénitencier national pour hommes, est un ancien militaire. Parmi les premiers formés par les experts français, il est impressionné par les grands changements qui ont eu lieu. «Avant,» dit-il, «les prisonniers étaient battus à longueur de journée et étaient traités pis qu’un amas de détritus. Maintenant, les vigiles portent des soufflets et des bâtons au lieu d’armes à feu, et les prisonniers sont traités comme des êtres humains qui, certes, ont commis des crimes, mais qui ont aussi le droit d’aller à la toilette, de manger chaque jour, d’avoir une récrée et des visiteurs.» Charles dit qu’il n’a pas peur parce qu’il a appris comment prendre en main un prison- nier agressif sans lui faire de mal et il y a un système de support en place qui réagira en un clin d’œil si besoin est. Pas un prisonnier, il ajoute, ne fut tué depuis qu’il travaille à la prison. Au sein du pénitencier les prisonniers habitent de grands dortoirs au lieu de cellules et ne portent pas d’uniformes. Dans un endroit pas encore rénové, 300 prisonniers sont entassés dans un trou qui est obscur, dépourvu d’air, avec une petite porte en fer forgé comme sortie. Les 3 étages rénovés « Titanic » en comparaison, sont clairs, aérés et confortables. Les prisonniers ne démontrent aucune peur de se plaindre devant les gardes. Plusieurs racontent leurs malheurs. Le plus incroyable est l’expression d’isolation et de besoin imminent pour une comparution devant le juge. Chargés de crimes qui rangent de petits larcins au meurtre, la plupart de ces hommes sont emprisonnés pen- dant dix mois à quatre ans sans procès. Tilius Nestor, 50 ans, fut appréhendé dans son lit pour le meurtre d’un homme qu’il n’a jamais vu de sa vie. La police l’a battu comme un chien durant trois jours et cela fait maintenant trois ans qu’il est en prison sans jamais comparaître devant le juge. Emmanuel Whitman, 21 ans, fut incarcéré dix mois sur la parole de sa mère qui, d’après ses dires, est folle et dangereuse. Bertoi F., accusé d’avoir volé de l’équipement électronique de son travail, est en prison depuis trois ans sans procès. Lupien, de UNDP, est connu pour son attitude débonnaire mais respectueuse envers prisonniers et politiciens. Il a la réputation d’un homme qui donne des résultats. En priorité sur sa liste de réformes fut d’établir un manuel d’enregistrement pour savoir qui est emprisonné, depuis quand, et pourquoi. De grands tiroirs sont maintenant remplis de dossiers pour chacun des prisonniers. Chacune de ces fiches note l’identité du prisonnier, l’accusation, sa date d’incarcération, et le nom de son juge et avocat s’il y en a. Ceci est particulierment important en Haïti où, d’après la MICIVIH, 80% des prisonniers demeurent incarcérés des années sans jamais comparaître devant un juge. Le projet de réformer les prisons haïtiennes fut complété en 1998 avec de grandes améliorations dans l’infrastructure et conditions de vie. La création de nouveaux services et un changement radical d’attitude envers les prisonniers est le début d’une ère nouvelle. Il reste beaucoup à faire. Les 18 autres prisons ont le besoin urgent d’être réparées ou rebâties. Cela diminuera considérablement la charge du pénitencier national. Les formations en compréhension des droits de l’homme et gestion d’administration doivent continuer. « On ne dit pas que les conditions de vie des prisonniers sont à la norme » dit le directeur de la police, « seulement que nous sommes sur le bon chemin et qu’avec l’aide internationale, le gouvernement haïtien continuera à s’améliorer dans cette direction » Can’t Read This Page Yet? Study French at LEHMAN COLLEGE with Professors Antoinette Blum Thomas Spear Lynne Van Voorhis Explore Lehman’s French Page on the Web at: www.lehman.cuny.edu/depts/langlit/french Languages & Literatures Tel: (718) 960-8215 Fax: (718) 960-8218