Eyes Wide Shut - Aids
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MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT Swiss Aids News 1 | MARS 2012 Eyes Wide Shut PROGRAMME NATIONAL VIH/IST 3 Stigma lié au VIH: hypocrisie communautaire? SOCIÉTÉ 4 Eyes Wide Shut – le VIH et la communauté 6 «Je n’ai jamais eu peur» 13 «Ici, nous sommes entre de bonnes mains» MÉDECINE 8 Stress psychique 9 «Il en coûte de gérer la différence» 11 Important: prévention du cancer de l’anus 12 Problématique: l’hépatite C DROIT 14 Safari à travers la jungle juridique 16 Quels coûts sont pris en charge par la caisse pour les dépressions? É D I T O R I A L Est-ce que vous cherchez un article spécifique dans un numéro des Swiss Aids News? Ecrivez-nous un e-mail à [email protected]. Vous abonnez à SAN? C’est simple: écrivez ou téléphonez-nous (adresses ci-dessous). IMPRESSUM Edité par Aide Suisse contre le Sida (ASS) Office fédéral de la santé publique (OFSP) Rédaction lic. phil. Stéphane Praz (sp), rédacteur en chef Brigitta Javurek (bj), journaliste RP Dr iur. LL. M. Caroline Suter (cs) lic. phil. Claire Comte (cc) lic. iur. Dominik Bachmann (db) David Haerry, Conseil Positif Suisse (dh) Shelley Berlowitz (ShB) Version française Jaime Calvé, Bâle Inter-Translations SA, Berne Transit TXT, Fribourg (droit) Mise en pages et présentation Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle SAN no 1, mars 2012 Tirage: 5500, parution bimestrielle © Aide Suisse contre le Sida, Zurich Les SAN bénéficient du soutien de l’Office fédéral de la santé publique, d’Abbott SA, de Boehringer Ingelheim (Schweiz) SA, de Tibotec, a Division of Janssen-Cilag SA, de ViiV Healthcare GmbH Les partenaires industriels des Swiss Aids News n’exercent aucune influence sur son contenu. Pour vos communications Rédaction Swiss Aids News Aide Suisse contre le Sida CP 1118, 8031 Zurich Tél. 044 447 11 11 Fax 044 447 11 12 [email protected] www.aids.ch Photo de couverture © Jakob Fridholm / Johnér Images / Corbis Les photos dans cette brochure servent à l’illustration. Les personnes montrées sont des modèles. 2 Swiss Aids News 1 | mars 2012 Chère lectrice, Cher lecteur, La prévalence de l’infection à VIH est très élevée parmi les homosexuels. Dans aucun autre groupe, les personnes séronégatives aussi doivent-elles à ce point être conscientes de la présence du virus. Les militants gays ont nettement marqué la lutte contre la maladie depuis le commencement. Les constats d’une analyse récemment publiée sont d’autant plus stupéfiants: les préjugés et l’ignorance qui entourent le VIH sont largement répandus au sein de la communauté gay également. De nombreux homosexuels séropositifs souffrent de la stigmatisation qui en découle. Le présent numéro en aborde les conséquences, non seulement pour les homosexuels séropositifs, mais aussi pour l’ensemble de la communauté gay. Le stigmatisme du VIH est aussi présent dans le thème qui suit: la santé psychique des homosexuels séropositifs. Dans une interview, Stephan Dietiker, psychologue au Checkpoint Zurich, aborde leurs problèmes particuliers. Et nous dit s’il faut être soi-même gay pour conseiller des gays séropositifs, ou séropositif, ou les deux. Le présent numéro aborde encore d’autres thèmes comme la prévention du cancer de l’anus et la prévention de l’hépatite C. Et nous donnons un aperçu des principaux thèmes juridiques pouvant concerner les gays séropositifs. Par ailleurs, un week-end Queer+ se prête idéalement aux réponses à toute question additionnelle. Pour en savoir plus, aller à la page 13. Stéphane Praz Rédacteur en chef des Swiss Aids News P R O G R A M M E N AT I O N A L V I H / I S T P N V I La stigmatisation des personnes séropositives parmi les gays: un cas d’hypocrisie communautaire? Les gays ne sont pas moins discriminants et insensibles envers leurs pairs que le reste de la population générale. Les termes de «folles», «bears» ou «daddies» sont des traces linguistiques d’une stigmatisation de personnes qui ne répondent pas au type idéal gay que l’on admire principalement dans les magazines. Cet idéal est jeune, beau, viril, bien musclé, toujours à la mode, en bonne santé, intelligent, créatif et capable de prouesses sexuelles. Tous ne correspondent (évidemment) pas à cet idéal. Les hommes trop gros, trop vieux, trop féminins, trop laids, et naturellement les hommes séropositifs, peuvent rapidement se trouver isolés du reste de leur communauté. Si l’on peut difficilement cacher son surpoids ou son âge avancé, les personnes séropositives peuvent garder leur statut sérologique sous silence et se protéger d’un rejet social, affectif et sexuel. Or, ce silence est souvent lourd à porter car il mène à une autre forme d’isolement. Les hommes gays séropositifs doivent faire face à un double coming out: celui d’homosexuel dans une société majoritairement hétérosexuelle, et celui de porteur du virus du sida vis-à-vis de leurs proches, parfois de leurs collègues de travail, de leurs partenaires sexuels occasionnels, mais surtout vis-à-vis de leur partenaire stable potentiel. A l’instar d’une normalisation toujours plus grande de l’homosexualité dans les sociétés occidentales, le VIH ne devrait plus être un obstacle à la recherche d’un partenaire stable ou occasionnel au sein d’une communauté qui compte environ 10-15% de personnes séropositives et qui sait mieux que quiconque comment se protéger efficacement d’une infection. Et pourtant, cet obstacle est loin d’avoir disparu. «Les hommes gays diagnostiqués séropositifs ne représentent pas un danger pour leur communauté.» est d’autant plus grande sachant que chaque gay entretient tôt ou tard des rapports sexuels protégés avec un homme séropositif sans le savoir et sans que ceci n’aboutisse à une infection. En outre, il est aujourd’hui avéré que les personnes séropositives suivant un traitement antirétroviral, ayant une virémie indétectable depuis au moins six mois et n’ayant pas d’autres IST, ne transmettent pas le VIH. Du safer sex au safe sex En somme, avoir des rapports sexuels protégés avec un partenaire séropositif sous traitement et avirémique correspond en termes de VIH à du safe sex – un échelon supérieur au safer sex. Les hommes gays diagnostiqués séropositifs ne représentent pas un danger pour leur communauté. Ces personnes sont prises en charge, traitées, suivies et responsables en adoptant des comportements préventifs après leur diagnostic. Les hommes qui entretiennent, en revanche, des rapports sexuels non protégés sur la base de leur dernier test VIH négatif constituent les principales sources de transmission. Persuadés de gérer correctement leurs risques dans leurs relations de confiance, une fraction de ces hommes s’infecte, puis transmet le virus, sans le savoir, à leur partenaire stable et/ou leurs amants durant la phase hautement infectieuse de la primo-infection qui dure de trois à six mois. Il est temps pour les gays de briser le tabou du VIH dans leur communauté et de les encourager à parler ouvertement dans leur couple des éventuelles prises de risque hors de leur relation. C’est aussi en apprenant à évaluer correctement ses risques (dans les Checkpoints et les centres VCT) et en parlant en toute transparence de son statut VIH que la prévention gagnera en efficacité. Steven Derendinger, chef de projet MSM/MSW section Prévention et Promotion, OFSP Bien heureux les ignorants? Nombreux sont les gays qui n’éprouvent aucune difficulté à avoir des rapports sexuels protégés avec des partenaires dont ils ne connaissent pas le statut sérologique. Ils se sentent, par contre, insécurisés aussitôt qu’ils apprennent la séropositivité de leurs partenaires. S’agit-il de vieilles peurs d’une maladie autrefois mortelle ancrées dans la mémoire collective d’une population traumatisée par l’épidémie du sida ou est-ce la conscience de s’exposer à un risque théorique d’infection qui incitent certains gays à repousser leurs pairs ayant été diagnostiqués VIH-positif? Quelle que soit la réponse, ce rejet n’est pas justifié et relève d’un manque d’honnêteté intellectuelle et d’une forme d’hypocrisie communautaire. Après 30 ans de prévention VIH, l’efficacité du préservatif n’est plus à discuter. Si l’on considère le nombre moyen de partenaires sexuels par individu dans la population gay, l’hypocrisie Swiss Aids News 1 | mars 2012 3 SOCIÉTÉ Eyes Wide Shut – le VIH et la communauté Les gays séropositifs sont rarement l’objet de discrimination directe au sein de la communauté gay. Ils se voient cependant confrontés à des préjugés dans de nombreuses situations et, parfois même, à de frappantes fausses idées. Or, une attitude éclairée face au VIH serait un gain pour tous, séropositifs comme séronégatifs. «Lorsqu’ils sont informés du statut séropositif de l’autre, ils tombent des nues et se détournent.» «Toi? Séropositif? Tu n’as pas du tout l’air malade.» Plus d’une personne séropositive aura déjà entendu ce genre de réflexion. La phrase stigmatise inconsciemment, car elle trahit l’idée que se fait l’interlocuteur des personnes séropositives: elles sont surtout malades, et cela se voit. Et cette remarque montre par ailleurs que les préjugés et l’ignorance sur le VIH restent très répandus. Que ce soit aussi le cas parmi les gays, un groupe fortement touché par l’infection à VIH depuis plus de 25 ans, peut étonner. Les auteurs de l’article récemment paru sur la stigmatisation du VIH au sein de la communauté homosexuelle e ont compilé, puis analysé les résultats de plusieurs études. Leur conclusion: les gays séropositifs font l’objet de discriminations au sein de la communauté. Stephan Dietiker, psychologue au Checkpoint Zurich, renvoie aux causes du stigmatisme: «Le VIH souffre d’une connotation négative à plus d’un égard: maladie, tabou, angoisse et terreur des années 80. La stigmatisation a plus d’un visage: de la discrimination avec les prestations d’assurance, jusqu’au rejet à l’occasion d’une rencontre, en passant par l’attitude maladroite d’amis face à l’inconnu. La propre angoisse peut aussi s’avérer stigmatisante.» Oliver, séropositif depuis neuf ans, connaît le problème. «Dans le petit univers gay, du moins dans l’espace urbain, la plupart réagissent généralement de manière relativement sereine. Mais il existe aussi un certain nombre de gays qui prennent leurs distances, dès qu’ils apprennent le statut séropositif. C’est pourquoi beaucoup de séropositifs ne parlent guère de leur infection autour d’eux.» Que signifie cela dans la réalité? Remarque e Smit et al. (2011): Das HIV-Stigma innerhalb homosexueller Gemeinschaften: Eine Auswertung der Literatur, Originalartikel (englisch) online (ahead of print), paru le 25/11/2011 dans AidsCare. 4 Swiss Aids News 1 | mars 2012 Les exemples de stigmatisation sont multiples: idée fausse que les séropositifs sont mortellement atteints, qu’ils ne fonctionnent pratiquement plus, rejet sexuel des séropositifs (alors que la pratique du safer sex et une charge virale supprimée empêchent aujourd’hui une transmission de l’infection avec une fiabilité absolue), l’idée qu’il appartient uniquement aux séropositifs d’éviter les transmissions, les reproches de culpabilité («il aurait pu se protéger»). «Le rejet sexuel est fréquent», confirme Oliver. «Certains gays sont disposés à avoir des rapports non protégés, sans demander le statut de leur vis-à-vis. Mais, lorsqu’ils sont informés du statut séropositif de l’autre, ils tombent des nues et se détournent.» Pour lui, le principal problème vient du fait que l’on ignore tout simplement le thème du VIH au sein de la communauté: «On vit ainsi caché d’une certaine manière.» Conséquences pour les séropositifs Beaucoup de séropositifs ne se voient pas en mesure de parler de leur infection à leurs proches, par crainte de la stigmatisation. Dietiker voit aussi un problème dans la perception de soi: «Le sentiment de honte et de culpabilité est très présent dans l’infection à VIH: ‹Ma vie est ruinée, et c’est de ma faute› – difficile à étaler devant les amis, les parents … – même si, naturellement, ce n’est pas juste.» Par conséquent, les personnes affectées s’isolent elles-mêmes, pour éviter d’emblée tout événement stigmatisant potentiel. Oliver dit: «Cela pèse de ne pouvoir le dire à personne, ou à un petit nombre seulement, surtout les premiers temps après le diagnostic. Ne pas pouvoir expliquer pourquoi l’on se sent mal, passer sous silence les visites chez le médecin, taire le séminaire sur le Stoos, cacher les médicaments à la maison et les prendre de sorte que personne ne remarque rien. Avec le temps – c’est mon expérience après neuf ans avec le VIH – on s’y habitue.» La difficile recherche de partenaires de vie ou de partenaires sexuels donne souvent lieu à des expériences marquantes. Selon la situation personnelle, la confiance en soi peut en ressortir durement et durablement atteinte. Et l’isolement s’en trouve encore accentué. Certaines études montrent que les hommes séropositifs souffrent bien plus souvent de épressions que les gays séronégatifs. «La d honte et la culpabilité sont des sentiments autodestructifs et peuvent avoir des répercussions terribles sur l’équilibre psychique. Il faut affronter la situation, il faut des encouragements et de la proximité pour intégrer un tel événement dans la vie», estime Stephan Dietiker. Des études montrent que les symptômes dépressifs, les idées de suicide, les sentiments d’angoisse et la solitude ont un lien direct avec le stigmatisme du VIH chez les hommes séropositifs. Le stigmatisme du VIH a un impact extrêmement défavorable, à l’intérieur de la communauté gay aussi. Les tests de dépistage du VIH sont moins nombreux lorsqu’il faut s’attendre à être discriminé. «J’entends souvent dire que certaines personnes ne font pas le test parce qu’elles ont peur d’avoir contracté l’infection, mais se disent plutôt, ‹ce que je ne sais pas ne me préoccupe pas›» dit Dietiker. Cette attitude est fatale, car le diagnostic est souvent l’occasion de mieux se protéger, et permet d’obtenir une thérapie – élément essentiel tant pour la santé personnelle que pour la prévention. En outre, le stigmatisme du VIH fait qu’un certain nombre de personnes séropositives n’informent par leurs partenaires sexuels de leur infection. Un entretien franc sur la meilleure stratégie pour se protéger n’est ainsi pas possible. Tandis que la majorité des séropositifs ont un comportement sexuel responsable, le stigmatisme du VIH peut favoriser un comportement à risque dans certains cas. Une étude américaine effectuée auprès de gays séropositifs pratiquant intentionnellement des rapports sexuels non protégés par voie anale a révélé que ce comportement s’expliquait en partie par le stigmatisme ressenti de l’infection à VIH – en plus du stress lié à l’homosexualité, aux reproches intérieurs et à la toxicomanie. Les choses avancent lentement – mais elles avancent Oliver voit des signes d’amélioration dans la communauté gay sur la manière de gérer l’infection à VIH: «Je pense qu’il était bon de publier la déclaration de la CFPS. A savoir de mentionner que les personnes séropositives suivant un traitement ne sont plus contagieuses.» Or, © Miroslaw Oslizlo / iStockphoto Conséquences pour la communauté gay le message n’est pas encore passé partout. Et d’autres aspects, comme les images horribles de la maladie, ne sont guère faciles à chasser des esprits. Une chose est claire: il faut poursuivre sans relâche le travail d’information pour que les séropositifs puissent tout naturellement vivre comme membres de la communauté gay. Le VIH est, dans la réalité, une partie de la communauté gay. Il est important qu’il soit perçu de façon correspondante par les gays – dans l’intérêt de tous les gays séropositifs, dans l’intérêt de tous les gays. sp Swiss Aids News 1 | mars 2012 5 SOCIÉTÉ «Je n’ai jamais eu peur» Dani, 39 ans, est spécialiste en in formatique; il travaille à mi-temps, prépare sa maturité en parallèle, est gay, et séropositif depuis douze ans. De nombreux gays séropositifs passent leur infection sous silence par crainte d’être discriminés et stigmatisés. Toi, par contre, tu vis ouvertement ton infection. Qu’est-ce qui te motive? Le VIH fait partie de moi. Et je ne souhaite pas cacher cette partie. Si je cache le VIH aux autres, je cache ma propre personne. Je vis depuis douze ans avec la maladie, et je vis bien avec elle. Je crois que c’est important: si l’on a personnellement une bonne relation avec la maladie, on n’a aucun problème non plus à en parler. Et comment fais-tu? «Au début, je cherchais à dessein un entretien direct en tête-à-tête avec les personnes qui me tenaient à cœur.» Ce n’est pas que j’ai besoin de parler de mon infection à tout moment et partout. Au début, je cherchais à dessein un entretien direct en tête-à-tête avec les personnes qui me tenaient à cœur. «Mes gens» sont tous informés entre-temps. Aujourd’hui, je décide si c’est opportun d’en parler selon la situation. Car, comme je l’ai dit, l’infection fait partie de moi, mais n’est justement qu’une partie de moi. Cependant, il arrive régulièrement que je corrige de fausses vues et idées sur le VIH, et je suis d’autant plus crédible lorsque je laisse entendre que l’information vient de première main pour ainsi dire. Etait-ce immédiatement clair pour toi après le diagnostic que tu voulais communiquer ouvertement? Au début, j’étais naturellement sous le choc. J’ai eu besoin d’un certain temps pour bien réfléchir à la question. Dans une telle situation, l’on n’est pas encore prêt à en parler à autrui – hormis à 6 Swiss Aids News 1 | mars 2012 d’autres séropositifs. Et j’ai heureusement pu le faire, car j’avais quelques amis qui étaient séropositifs depuis quelques années. J’avais déjà parlé de l’infection à VIH avec eux, et je les ai ensuite rencontrés plus fréquemment pour leur demander: «Comment avez-vous vécu tout cela? Comment avez-vous géré la situation?» Par ses amis, j’ai su d’emblée que le VIH n’était pas la fin, la catastrophe absolue. C’est pourquoi je n’ai jamais eu peur. Bien sûr, le fait de n’avoir jamais caché mon homosexualité m’a aussi aidé. Par chance, mon éducation s’était inscrite dans une grande ouverture d’esprit, de sorte que j’ai pu révéler mon homosexualité sans problème à mes parents à l’âge de 16 ans déjà. Ces expériences positives m’ont encouragé à vivre ouvertement mon infection à VIH également. «Dans de tels moment, on pourrait insister pour avoir des rapports protégés, sans rien dire de l’infection.» As-tu été l’objet de discrimination? Pas de façon immédiate ni directe. Indirectement, oui. Par exemple, lorsque je constate que mon vis-à-vis s’attend à des rapports sexuels non protégés, alors qu’il ne connaît pas mon statut. Peut-être même quelqu’un qui «n’irait jamais au lit avec un séropositif». On voit là clairement transparaître l’idée qu’il appartient uniquement et exclusivement aux séropositifs d’empêcher une transmission du VIH. Et, que si le partenaire ne dit rien, il est certainement séronégatif. Dans de tels moments, on pourrait insister pour avoir des rapports protégés, sans rien dire de l’infection. Mais je préfère que les choses soient claires, et, dans la plupart des cas, il n’y a pas de rapports sexuels en fin de compte. Beaucoup de gays semblent prendre goût à la roulette russe, mais ils estiment trop dangereux des rapports sexuels sûrs avec un séropositif. A tout point de vue un comportement particulièrement idiot, et très vexant en principe. Je dois cependant ajouter que je perds moi aussi tout intérêt dans ce genre de situation. Un tel comportement en dit finalement plus sur mon vis-à-vis que sur moi-même. «Le VIH comme partie intégrante de la communauté gay, comme une partie de notre sexualité» Il est aussi désagréable d’être réduit par les autres à sa seule infection. Dani n’est plus une personne aux nombreuses facettes, mais uniquement le séropositif, point final. Et certains prennent leurs distances, simplement parce qu’ils savent que l’on est séropositif. Certains de mes amis ont directement appris que quelqu’un ne voulait plus avoir affaire avec eux – en raison de l’infection. Certains semblent craindre de devoir bientôt s’occuper d’une personne gravement malade. Cela ne reflète guère une vision éclairée de l’infection à VIH. Les connaissances sont donc généralement lacunaires au sein de la communauté gay? Absolument. Ou, autrement dit, parce que beaucoup ne se penchent pas sur le thème du VIH, et qu’ils ont des idées surannées qui ne correspondent plus à la réalité. Des idées qui se sont gravées dans la conscience collective voilà des années, des images fortes qui n’ont pas évolué depuis. Par exemple, la publicité de Benetton qui montrait un homme famélique sur son lit de mort. Certaines gens s’imaginent une infection à VIH de cette manière aujourd’hui. De telles photographies sur la maladie me dérangent évidemment comme séropositif. D’un autre côté, beaucoup de gays sont très bien informés sur le VIH, ils connaissent la déclaration de la Commission fédérale pour les questions liées au sida, savent ce qu’est une PPE, etc. Un vaste travail de prévention et d’information est effectué dans les milieux gays. Pourquoi à ton avis existe-t-il encore autant de lacunes? Ce n’est pas tant que cela un manque de savoir, mais plutôt un refoulement collectif du thème de l’infection à VIH. Je pense que c’est surtout lié à des angoisses. L’idée d’être séropositif en terrorise plus d’un. C’est pourquoi, on élude la question. Premièrement, on ne veut pas admettre les risques, ce qui fait que l’on finit par prendre des risques et refuse ensuite de passer le test de dépistage pour ne pas devoir faire face à la maladie. Je connais plusieurs exemples de personnes qui menaient consciemment une vie sexuelle très risquée, et n’ont cependant jamais effectué le test. Aussi longtemps qu’elles ne se trouvaient pas en très mauvaise condition par suite d’une infection à VIH avancée. Tu vis ton infection ouvertement et tu as fait beaucoup de bonnes expériences à cet égard. Recommandes-tu cette même attitude à chacun? on dirait que règne la devise: «Ce qui ne peut être n’est pas». Les organisations et les associations gays ne doivent pas être les dernières à traiter le thème, non pas comme le problème d’autrui, mais comme partie intégrante de la communauté gay, comme une partie de notre sexualité. Il doit de nouveau occuper une place centrale le jour de la SaintChristophe (CSD) – pas uniquement à quelques stands marginaux – mais dans les discours même des élus ou autres personnalités qui s’expriment lors du CSD. Je suis conscient que la cohésion au sein de la communauté gay n’est plus celle d’il y a 20 ans, où l’on luttait justement pour la «cause gay». Ce n’est pas mal pour autant. Certains thèmes qui font partie de l’homosexualité devraient de nouveau revenir sur le devant de la scène. Entre autres, des thèmes politiques aussi. Et certainement le VIH. Interview accordée à Stéphane Praz Il n’existe aucune recommandation à valeur universelle. Chacun doit décider pour soi et trouver sa voie, car les situations individuelles peuvent beau coup varier. Pour ce qui concerne la communauté gay, je pense quand même que ce serait avantageux pour la plupart. Quand je pense simplement aux rumeurs qui peuvent circuler: on parle dans le dos de nombreux séropositifs qui taisent leur infection, car l’on a appris par des voies détournées que, probablement, etc. S’ils en parlaient ouvertement, les commérages ne seraient plus aussi passionnants pour les autres. Et c’est justement les commérages qui empoisonnent la situation. Il est clair que les séropositifs comme la communauté gay dans son ensemble iront de l’avant si les séropositifs s’affichent plus. Comment atténuer le stigmatisme du VIH dans la communauté gay? Je crois qu’il faut surtout parler du combat contre l’ignorance. A l’heure actuelle, Swiss Aids News 1 | mars 2012 7 MÉDECINE Stress psychique Aide en cas de problèmes psychiques Checkpoint Genève Le harcèlement, la discrimination et la stigmatisation rendent malade. Proportionnellement, les homosexuels souffrent plus souvent de maladies psychiques que la moyenne de la population. Le même tableau apparaît pour les hommes séropositifs. Le cadre social joue un rôle prépondérant lorsqu’il s’agit de surmonter les problèmes. Et il existe des offres spéciales à caractère professionnel pour les gays séropositifs. Rue du Grand-Pré 9, Genève Grottes Heures d’ouverture (sans rendez-vous): lundi à mercredi de 16 h - 20 h, vendredi de 12 h - 16 h. Checkpoint Zurich Konradstrasse 1, 8005 Zurich Heures d’ouverture (sans rendez-vous): lundi 14 h - 20 h, mercredi et vendredi 12 h - 20 h, dimanche 16 h - 20 h. Le site Blues-out de Dialogai Genève propose une foule d’informations, de conseils, d’adresses et d’indications sur la santé psychique à l’attention de la communauté gay: www.blues-out.ch/pages/gaysbis.php. Queer-talk (consultation et psychothérapie) et Queer-help (soutien de la part d’autres gays séropositifs) sont proposés par le Checkpoint Zurich, dans le but d’améliorer la santé psychique des gays et des autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH): http://checkpoint-zh.ch/service/queertalk/ http://checkpoint-zh.ch/service/queerhelp/. Pour mener une vie de gay séropositif, il faut avoir une bonne image de soi et un environnement sur qui compter dans un monde hétérosexuel. Or, c’est souvent ce qui fait défaut. Les offres telles que les dispensent les checkpoints de Genève et de Zurich sont d’autant plus importantes: les gays séropositifs y reçoivent des informations de fond sur les maladies psychiques, des conseils pratiques, des services professionnels d’assistance et peuvent y rencontrer d’autres gays séropositifs. La Geneva Gay Men’s Health Study a été réalisée en 2007 par diverses universités suisses avec le concours de Dialogai, la plus grande organisation gay de Suisse romande; 571 gays de Genève ont répondu aux questions posées. L’analyse des résultats balaie bien des illusions. Près de la moitié des participants sondés montraient des signes d’affection psychique. e Chez les séropositifs aussi – gays ou non – le nombre de maladies psychiques est disproportionnellement élevé. r De nombreux hommes souffrent de dépressions profondes; d’autres, de troubles anxieux et de phobies. Un nombre substantiel a un problème d’alcoolisme ou de toxicomanie. «Les gays séropositifs parviennent diversement à surmonter ces problèmes, selon leurs ressources et leur environnement social.» Pas encore d’authentique égalité Remarques e Wang et al.: High prevalence of mental Gay Men’s Health Study. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol (2007) 42:414–420. r Whetten et al.: Trauma, Mental Health, Distrust, and Stigma Among HIV-Positive Persons: Implications for Effective Care. Psychosomatic Medicine (2008) 70:531–538. 8 Swiss Aids News 1 | mars 2012 © Joan Vicent Cantó Roig / iStockphoto disorders and comorbidity in the Geneva Tant l’homosexualité que l’infection à VIH restent stigmatisées dans notre société. Les séropositifs sont confrontés à des peurs de contagion irrationnelles dans leur entourage; au travail, ils sont souvent victimes de harcèlement. En outre, leur couverture d’assurance est inférieure, et la protection des informations sur leur santé n’est pas garantie dans beaucoup d’entreprises. Lorsqu’ils sont gays par-dessus le marché, ils doivent énormément lutter pour bloquer intérieurement la discrimination et le mépris, et faire face à un environnement en partie peu compréhensif à leur égard. La combinaison de l’homosexualité et du statut séropositif peut nuire à la santé psychique. Les traumatismes consécutifs à la violence homophobe et/ou un diagnostic séropositif sont difficiles à supporter. Les gays séropositifs parviennent diversement à surmonter ces problèmes, selon leurs ressources et leur environnement social. Certains ont un bon poste, un cercle d’amis attentionnés et une famille compréhensive. Dans le cas contraire, le manque d’estime de soi, l’humeur dépressive ou l’angoisse prennent le dessus (SAN 2/juin 2011), ce qui fait qu’un grand nombre de gays séropositifs se renferment, et vont jusqu’à s’isoler socialement. Un cercle vicieux, car un environnement social bienveillant constitue une des principaux facteurs de la santé psychique. Il aide à surmonter le stress et à maîtriser les crises de la vie. ShB MÉDECINE «Il en coûte de gérer la différence» Les hommes viennent avec des dépressions ou des troubles anxieux, en raison du stress avec leur partenaire ou leur chef, ou parce qu’ils n’arrivent plus à s’endormir sans un joint – en somme des thèmes communs à d’autres cabinets aussi, et cela concerne les clients séronégatifs comme les clients séropositifs. Une infection à VIH peut constituer un événement difficile à intégrer dans la vie; nous parlons en l’occurrence d’un trouble d’adaptation. Souvent, nous avons affaire à une conjonction de plusieurs facteurs stressants. Lorsqu’une séparation vient s’ajouter à l’infection, que la situation professionnelle est instable, que la personne traverse une crise personnelle vers le milieu de sa vie, qu’elle n’arrive plus à s’orienter, ou tout simplement parce que c’est un peu trop à la fois. pratiques envisageables pour leur problème, et comment y parvenir par étapes? Cela fait que les psychothérapies durent souvent moins longtemps que pour les traitements où il faut remonter jusqu’à l’enfance par exemple. Parmi vos clients, vous comptez des gays et d’autres qui s’entendent comme hétérosexuels, mais ont occasionnellement des rapports sexuels avec des hommes. Cette différence a-t-elle un impact sur la thérapie? Il existe une grande différence entre un gay affirmé vivant en partenariat enregistré et un père de famille qui vit en secret sa vie homosexuelle, et vient secrètement en consultation. Il existe des HSH qui considèrent, après avoir soupesé les avantages et les inconvénients, qu’ils perdraient trop en affichant leur orientation sexuelle. Je peux le comprendre, mais cela a son prix – le bien-être psychique aussi. Qui paie la thérapie chez vous? Quel rôle joue le cadre social? Je peux proposer une psychothérapie déléguée médicalement. Celle-ci est prise en charge par l’assurance de base des caisses-maladie. Un bon réseau familial, un partenariat stable, des solides amitiés, un emploi sûr – tous ces facteurs ont un effet positif sur la santé psychique. Lorsque tout cela fait défaut, il apparaît bien plus difficile de surmonter un diagnostic positif et de gérer le stress psychique. Une part importante de la consultation consiste à observer: où aller chercher de l’aide? Il est possible de s’appuyer sur de bons amis ou sur des proches compréhensifs; leur assistance est garantie. Or, ce rôle peut aussi être assumé par des groupes de personnes également affectées, par exemple les queer-helper au Checkpoint. Les consultations constituent-elles de brèves interventions en situation de crise, ou bien s’agit-il de psychothérapies d’une certaine durée? Il y a des clients qui me consultent après un résultat de test positif et requièrent une intervention en situation de crise. Ils retrouvent généralement leur stabilité après deux à trois entretiens. D’autres viennent avec des angoisses, un état dépressif ou un traumatisme – dans ce cas, la psychothérapie est naturellement plus longue. J’ai tendance à privilégier la recherche de solutions, c’est-à-dire que je cherche avec mes clients une voie viable pour le présent: à savoir, les solutions © Photo: Regula Müdespacher Stephan Dietiker, avec quels problèmes les hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) viennent-ils au Checkpoint? Le psychologue Stephan Dietiker tient depuis 2010 un cabinet de consultation psychologique pour les hommes entretenant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) dans le cadre de l’offre dispensée par queer-talk au Checkpoint Zurich. Environ la moitié des hommes faisant appel à l’offre sont séropositifs. Un thérapeute doit-il être gay ou séropositif pour travailler auprès de HSH séropositifs? En principe, non. Voyons d’abord l’infection à VIH: un médecin ne peut pas avoir Swiss Aids News 1 | mars 2012 9 MÉDECINE eu lui-même toutes les maladies pour comprendre les symptômes ou les guérir. Et pour ce qui concerne l’homosexualité: il existe beaucoup de bons thérapeutes hétérosexuels, des femmes aussi, qui font un excellent travail auprès des gays. Mais l’homosexualité peut aussi présenter un avantage pour le thérapeute. Ceux qui viennent au Checkpoint savent ou supposent que je suis gay, et le souhaitent aussi en règle générale. Les gays ne se sentent pas toujours à l’aise lorsqu’ils veulent parler avec un hétérosexuel de rapports sexuels entre gays, ou encore des lieux de rencontre gays. Lorsque l’on pense à la communauté gay, des concepts tels que «jeune», «dynamique», «séduisant», «bien situé» viennent immanquablement à l’esprit. A quoi ressemble la réalité? Il existe de jeunes gays, très stylés, extrêmement séduisants, à qui tout réussit. Mais il existe aussi un envers au décor. La poursuite d’un tel idéal coûte énormément d’énergie. Certains vont au-delà de leurs capacités physiques et psychiques: ils travaillent à 120%, sortent beaucoup, suivent des cours de formation continue, font de la musculation, et prennent en plus des anabolisants et des drogues. Une chose après l’autre, les gars! C’est un surmenage incroyable pour l’organisme et pour le mental. Certains parviennent mieux que d’autres à tout concilier. Les uns vivent ainsi et trouvent un équilibre, d’autres pas. Cela dépend des ressources personnelles, de la situation financière et professionnelle, du réseau social, mais de l’âge aussi: un quadragénaire n’a pas l’organisme d’un jeune de 20 ans. Quel âge ont vos clients? La manière de gérer le diagnostic du VIH varie-t-elle entre les HSH plus jeunes et les plus âgés? Le plus jeune a 18 ans, le plus âgé 68. Bien sûr, la manière de gérer la situation varie – à 50 ans, votre situation n’est pas la même qu’à 20 ans face à la vie. Un jeune de 20 ans part d’un organisme pour 10 Swiss Aids News 1 | mars 2012 l’essentiel encore intact, il pose de toutes autres questions et ne dispose pas de la même expérience qu’un quadragénaire. La dépression aussi se manifeste en général différemment chez le jeune de 20 ans et le quinquagénaire. La symptomatique est certes identique, mais les symptômes sont vécus différemment et leur signification dans la vie de tous les jours varie elle aussi. «En présence de troubles du sommeil, d’irritabilité excessive, ou lorsque l’on ne comprend pas ses propres angoisses, il peut être utile de passer nous voir.» Tant le VIH comme l’homosexualité souffrent d’une connotation négative dans notre société. Quel effet produit leur combinaison sur la santé psychique des gays séropositifs? Pour certains gays, le diagnostic du VIH, c’est comme la répétition d’un film déjà vu. Les questions soulevées par la découverte de l’homosexualité ressurgissent: «Je ne suis pas comme je devrais être, je ne fais pas partie des autres, à qui puis-je faire confiance?» Dans notre société, malheureusement, le stress est souvent tout simplement supérieur pour les gays. Il en coûte de gérer la différence, les préjugés des autres et les propres images négatives que chacun véhicule. Il reste moins de ressources pour bien s’occuper de soi, avec les implications possibles pour les comportements face au risque, et la santé sexuelle par voie de conséquence. Mais la manière de réagir au diagnostic varie fortement d’une personne à l’autre. S’y attendait-on, est-ce totalement inattendu? Est-on livré à soi-même, peut-on compter sur un partenaire? Quelles informations a-t-on déjà, quelles peurs sont présentes? La souffrance psychique peut-elle être engendrée par le diagnostic de l’infection à VIH, ou bien existait-elle déjà au préalable en règle générale? Les deux sont possibles. Il se peut que la césure que constitue le diagnostic positif déclenche une dépression, dans l’impossibilité de surmonter la crise. Il est tout à fait possible aussi que le stress additionnel renforce et mette au jour des troubles psychiques déjà présents ou latents. Beaucoup n’osent pas recourir à une psychothérapie. Oui. Beaucoup se disent: «Je ne suis pas dérangé» et voient dans une psychothérapie un signe de leur propre faiblesse. Le contraire est le cas; c’est faire preuve de force que de veiller à soi! Lorsque le trouble est somatique, personne n’hésite à se rendre chez le médecin, et le mental est déterminant pour le bien-être de la personne. Temporiser ne fait qu’empirer la situation pour rien. En présence de troubles du sommeil, d’irritabilité excessive, ou lorsque l’on ne comprend pas ses propres angoisses, il peut être utile de passer nous voir. Stephan Dietiker, merci beaucoup de cet entretien. Interview par Shelley Berlowitz MÉDECINE Important: prévention du cancer de l’anus L’incidence du cancer de l’anus chez les HSH séropositifs a fortement augmenté depuis l’introduction du traitement antirétroviral hautement actif (HAART). Selon des données publiées voilà deux ans, on l’estime à environ 128 cas pour 100 000 personnes – c’est le centuple de l’incidence relevée parmi la population en général. En Suisse, aucun vaccin contre le VPH pour les hommes n’est autorisé. L’incidence du cancer de l’anus chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) est supérieure à la fréquence du cancer du col de l’utérus chez les femmes. Elle est particulièrement élevée chez les HSH séropositifs. L’incidence élevée est liée à la durée de l’infection à VIH. e L’affection commence par des altérations cellulaires cancérigènes à l’anus causées par certains types de virus du papillome humain (VPH); les mêmes souches virales sont à l’origine du cancer du col de l’utérus. A l’intérieur de l’étude de cohorte suisse, les patients séropositifs font l’objet d’examens réguliers pour déceler d’éventuels cancers de l’anus; une fois par an dans la plupart des cliniques. Les directives de l’European AIDS Clinical Society recommandent une scannographie endo-rectale tous les un à trois ans, avec ou sans test de Pap, pour l’ensemble des HSH séropositifs. Si le test de Pap révèle quelque anomalie, une endoscopie anale additionnelle est conseillée. Si les prodromes de cancer sont détectés à temps, les chances de réussite thérapeutique sont bonnes. Il vaut quand même mieux ne pas en arriver là. Pour ce faire, certains cliniciens, ainsi que les défenseurs des droits de patients, demandent désormais une vaccination des jeunes garçons contre le VPH et pas seulement des jeunes filles. La vaccination précoce des adolescents aurait aussi pour avantage que les hommes ne propagent plus le virus du papillome humain. Le vaccin contre le VPH a aussi une influence sur le risque d’infection à VIH: une étude sud-africaine montre que celui-ci est plusieurs fois plus élevé chez les hommes ayant contracté le VPH. r Le virus du papillome humain cause par ailleurs plus souvent que le tabac le cancer du pharynx chez les hommes qui pratiquent des rapports sexuels oraux-génitaux t ainsi que le cancer de la tête et le cancer de la nuque. u Vaccin contre le VPH pour les jeunes? Deux vaccins contre le VPH sont autorisés et commercialisés en Suisse: Cervarix et Gardasil. L’autorisation vaut uniquement pour les femmes et vise à prévenir le cancer du col de l’utérus (les deux vaccins) ainsi que les verrues génitales (uniquement Gardasil). Des discussions à l’échelon international, de même qu’en Suisse ont eu lieu sur la pertinence d’une autorisation pour les jeunes hommes gays aussi. Au Etats-Unis par exemple, le vaccin Gardasil est également autorisé contre les verrues génitales chez les hommes, et, depuis décembre 2010 par ailleurs, contre le cancer de l’anus chez les hommes comme chez les femmes. Beaucoup de praticiens spécialistes du VIH ont œuvré aux Etats-Unis pour l’autorisation du vaccin contre le VPH chez les hommes. Fin octobre 2011, le comité compétent du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a adopté un projet portant sur les recommandations pertinentes en matière de vaccin. Par-delà l’argument que constitue la prévention du cancer de l’anus et des verrues génitales, le CDC justifie sa recommandation par le décevant taux de vaccination parmi les jeunes filles – la vaccination des jeunes garçons favoriserait le recul de la propagation du VPH dans la population. Une recommandation officielle du CDC est attendue dans les mois qui viennent. L’Agence Médicale Européenne (EMEA) a déjà également autorisé Gardasil pour les jeunes garçons à partir de 9 ans; la Suisse reste à l’écart pour l’instant. Les HSH soucieux de leur santé devraient veiller à effectuer régulièrement un examen de dépistage du cancer de l’anus. * dh Remarques e Crum-Cianflone N et al.: Anal cancers among HIV-infected persons: HAART is not slowing rising incidence. 5th IAS Conference on HIV Treatment, Pathogenesis and Prevention, Cape Town, abstract WeB101, 2009. r Auvert B et al.: Association of oncogenic and nononcogenic human papillomavirus with HIV incidence. JAIDS 53:111–116, 2010. t Chaturvedi A et al.: Human Papillomavirus and Rising Oropharyngeal Cancer Incidence in the United States. Journal of Clinical Oncology, doi: 10.1200/JCO.2011.36.4596. u Mehanna H et al.: Oropharyngeal carcinoma related to human papillomavirus. BMJ 2010;340:c1439. * L’auteur remercie le docteur Jan Fehr, Clinique d’infectiologie et d’hygiène hospitalière à l’Hôpital Universitaire de Zurich, pour la relecture du manuscrit. Swiss Aids News 1 | mars 2012 11 MÉDECINE Problématique: l’hépatite C Des données tirées de l’étude suisse de cohorte VIH confirment l’augmentation du nombre d’infections à VHC parmi les HSH séropositifs. Beaucoup expliquent cette tendance par certaines pratiques sexuelles. Généralement, une forte consommation de stupéfiants pendant les rapports sexuels pourrait jouer un rôle significatif. Aucune approche préventive n’existe dans l’immédiat. «Le recours aux drogues et aux stimulants pendant les rapports sexuels est plutôt la norme que l’exception au sein de la communauté gay fétiche.» Le dépistage systématique du virus de l’hépatite C (VHC) chez les patients séropositifs a été instauré en 1998 dans l’étude suisse de cohorte VIH (SHCS). Les infections s’inscrivaient en recul depuis chez les toxicomanes et s’avéraient rares parmi les patients hétérosexuels. Or, l’incidence du VHC a fortement augmenté chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), et une dynamique renforcée s’observe: la moitié des cas s’est déclarée au cours des trois dernières années. Des analyses génétiques virales révèlent une multiplication du nombre des transmissions au sein de réseaux sexuels. Les facteurs de risque sont encore insuffisamment compris, mais vont de pair avec des pratiques sexuelles sans protection. e r Que signifie «unsafer sex» en rapport avec le VHC? Remarques e van de Laar T, Pybus O, Bruisten S et al.: Evidence of a large, international network of HCV transmission in HIV-positive men who have sex with men. Gastroenterology 2009 May;136(5):1609–17. r Matthews GV, Pham ST, Hellard M et al.: Patterns and characteristics of hepatitis C transmission clusters among HIV-positive and HIV-negative individuals in the Australian trial in acute hepatitis C. Clin Infect Dis 2011 Mar 15;52(6):803–11. * L’auteur remercie le docteur Andri Rauch de l’Hôpital de l’Ile à Berne pour la relecture du manuscrit. 12 Swiss Aids News 1 | mars 2012 Le «fisting» est une pratique sexuelle dans laquelle le poing est introduit dans le vagin ou dans le rectum. Des traumatismes qui en résultent sous forme d’érythèmes ou de saignements favorisent le risque d’infection à VHC. Ils s’expliquent fréquemment par une insensibilité à la douleur après la consommation de drogues, à une technique inappropriée ou à une durée excessive de la session. Le péril multiplié lors de «fisting parties» constitue un risque supplémentaire: les gants encaoutchouc ne sont pas utilisés, ou bien sont employés pour plusieurs partenaires passifs à la fois; les godemichets sont utilisés pour différents hommes sans être nettoyés, des rapports non protégés par voie anale ont lieu, alors que le rectum saigne déjà – ou la capote n’est pas changée entre différents partenaires passifs. Les pratiques suivantes pourraient également jouer un rôle: rapports non protégés par voie anale, piercing pendant les rapports sexuels ou infusion scrotale à la solution physiologique; l’échange occasionnel ou intentionnel de seringues, l’échange de sex-toys, ou bien des rapports sexuels avec des partenaires en phase aiguë de séroconversion VHC. Le recours aux drogues et aux stimulants pendant les rapports sexuels est plutôt la norme que l’exception au sein de la communauté gay fétiche. La méthamphétamine (crystal meth) s’emploie fréquemment, et, de plus en plus, par injection aussi. Le déplacement de la drague vers les moyens virtuels de communication dépersonnalise les rapports sexuels et réduit la disposition à négocier. Il existe de nombreuses raisons à cette recrudescence de la toxicomanie. Des attentes en rapport avec le mode de vie jouent un rôle dans la communauté gay, la pression du groupe, la peur des contacts sociaux ou intimes, l’angoisse de l’échec sexuel, certaines attentes en rapport avec le corps et l’apparence, la solitude et l’isolement, les dépressions et le dysfonctionnement émotionnel, la consommation de drogues comme élément du mode de vie, ou par dépendance physique. Comment approcher les patients concernés? Il faut absolument faire preuve d’empathie; le soutien psychiatrique ou psychologique est parfois indiqué, mais pas toujours. Une stratégie qui marche souvent: faire comprendre au patient que la consommation de drogues n’est pas inhabituelle et planifier, ensemble, les étapes suivantes. Or, certains médecins traitants ne sont guère familiers avec ces souscultures et les comportements correspondants, ou bien ne parviennent pas à les comprendre. Il reste des risques à caractère non sexuel, à savoir surtout du matériel d’injection, utilisé professionnellement ou avec de la drogue, ainsi que l’échange de pailles servant à sniffer la drogue. La situation est difficile pour les mesures de prévention, le groupe cible est restreint, et celui-ci requiert des informations très spécifiques et complètes. Il faudrait absolument de meilleures données statistiques sur les différentes situations à risque.* dh SOCIÉTÉ «Ici, nous sommes entre de bonnes mains» R. C., gay, a récemment appris qu’il était séropositif. Les questions se bousculent dans sa tête. Il a des difficultés avec le diagnostic, se sent souvent seul. En consultation, il entend parler d’une offre Queer+: un week-end d’atelier gratuit sur le thème de «la vie avec le VIH», s’adressant aux gays. Cadre de la manifestation: un hôtel wellness avec panorama de montagne en toile de fond. R. C. nous en fait le récit. «La soif de connaissances paraît énorme» Le personnel de l’hôtel nous souhaite la bienvenue, puis nous avons un peu de temps pour nous installer et prendre nos marques. Nous nous réunissons ensuite en séance plénière, et l’organisateur – l’antenne zurichoise d’Aide contre le Sida, à savoir le centre de santé homosensible Checkpoint – présente le programme des trois jours à venir. La seconde impression aussi est positive, et tous réfléchissent aux thèmes qui les intéressent spécialement. Onze ateliers au total sont proposés, en allemand et en français évidemment. Les thèmes sont spécifiques et variés «VIH & couple», «stress vécu & stress supportable», «Comment traiter mon médecin», «Safari dans la jungle juridique», etc. Tous les ateliers sont animés par un spécialiste et une personne affectée. Médecins, psychologues et un juriste sont présents. Ici, nous sommes entre de bonnes mains. Nous constatons avec stupéfaction que l’ensemble des participants se sont inscrits à tous les ateliers. La soif de connaissances paraît énorme. Et il nous reste suffisamment de place pour nos sentiments, qui submergent certains d’entre nous de temps à autre. Le diagnostic du VIH n’est pas une promenade de santé. «Tous ont en commun leur statut de séropositif et la disposition à faire cette nouvelle expérience.» «Il est bon de dialoguer avec d’autres personnes directement affectées» © Jupiterimages / Thinkstock Nous, un groupe de gays, prenons la route de la montagne. C’est un jeudi après-midi de l’automne 2011. But de l’expédition: le weekend Queer+ à Stoos dans le canton de Schwyz. Les participants viennent de Suisse alémanique comme de Suisse romande. Scepticisme, nervosité, attentes, un mélange spécial règne dans l’air. Qu’est-ce qui nous attend? Quel est le programme? Tous ont en commun leur statut de séropositif et la disposition à faire cette nouvelle expérience. Arrivés à Stoos, nous prenons nos quartiers, de confortables chambres dans un agréable hôtel, panorama de montagne inclus. Nous formons un groupe important; nous essayons tous – moi compris – d’être forts, en espérant repartir plus forts encore après ce week-end. Et d’apprendre ce que signifie d’aménager activement sa vie avec une maladie chronique, et de vivre avec l’infection. Le «plus» pour les gays séropositifs Le prochain week-end Queer+ se tiendra du 26 au 29 avril 2012 ainsi qu’à l’automne (la date suivra). Inscriptions sur le site Les connaissances se font vite, et les sujets de conversation ne tarissent pas. Comment as-tu découvert ton infection? As-tu peur du futur? Prends-tu des médicaments? Il est bon de dialoguer avec d’autres personnes directement affectées. L’impression d’être seul et isolé avec cette maladie s’estompe peu à peu. Les responsables des ateliers sont aussi disponibles pour les conseils individuels. Une offre qui est largement mise à profit. De temps à autre, je m’offre un regard sur les montagnes. Les heures à Stoos filent en un rien de temps. Je ne regrette aucun instant des trois jours passés à Stoos. Je n’ai plus l’impression d’être livré à moi-même et, dans l’immédiat, j’ai n’ai plus de questions. Par ailleurs, j’ai décidé de m’engager moi aussi pour Queer+ à l’avenir. checkpoint-ge.ch/accueil/stoos/. Langues du cours: allemand et français. Les week-ends réservés aux gays séropositifs, ainsi qu’à leurs partenaires et aux célibataires ont été organisés pour la première fois il y deux ans. Le feed-back favorable donné par les participants à Queer + et le fait qu’un nombre croissant d’hommes séropositifs et leurs partenaires prennent le chemin de Stoos donne raison aux auteurs de l’initiative: il est utile et bénéfique d’apprendre dans un cadre agréable comment vivre avec l’infection et aménager activement sa vie comme malade chronique. Swiss Aids News 1 | mars 2012 13 DROIT Safari dans la jungle du droit: thèmes juridiques abordés au cours des weekends Queer+ © kallejipp / photocase.com Suis-je obligé d’informer mon supérieur de ma séropositivité? Les assurances peuvent-elles m’exclure en raison de ma séropositivité? Dois-je craindre une condamnation en cas de rapports sexuels non protégés? Y a-t-il des professions que je ne peux plus exercer? Autant de questions parmi d’autres qu’aborderont les participants à l’atelier «Safari dans la jungle du droit». Service de consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida Nous répondons à des questions juridiques en relation directe avec une infection à VIH dans les domaines suivants: Droit des assurances sociales Droit de l’aide sociale Assurances privées Droit du travail Droit en matière de protection des données Droit des patients Droit sur l’entrée et le séjour des étrangers Notre équipe est à votre service: mardi et jeudi: de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h. Tél. 044 447 11 11, [email protected] Remarques e Pour plus d’informations: Brochure «Protection des données – protection de la sphère privée», www.aids.ch/shop/ produkte/infomaterial/pdf/1050_02.pdf. r Pour plus d’informations: Brochure «Emploi et VIH», www.aids.ch/shop/ produkte/infomaterial/pdf/1239-02.pdf. 14 Swiss Aids News 1 | mars 2012 Apprendre sa séropositivité s’accompagne le plus souvent de questionnements d’ordre juridique. L’expérience en la matière de la consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida montre que les principales interrogations concernent la protection des données, le travail, les assurances et le droit pénal. Ces thèmes ont également été intensivement abordés en atelier. Petit tour d’horizon des informations les plus importantes. Devoir de discrétion Dans le cadre des week-ends à Stoos, l’on n’attend pas l’atelier juridique pour aborder la question du devoir de discrétion; ce sujet est abordé avec les participants dès leur arrivée. Ces derniers sont informés que toutes les informations échangées au cours du week-end sont hautement confidentielles et que l’identité des participants ne peut en rien être divulguée à l’extérieur. Les participants signent un document par lequel ils s’engagent à respecter ces conditions. Il existe toute une série de lois qui con traignent les spécialistes, les autorités et les personnes privées à un devoir de discrétion. Ces dispositions visent à éviter la collecte et la diffusion abusives d’informations confidentielles et à protéger le droit personnel de l'individu. Les personnes séropositives sont particulièrement sensibilisées au fait qu’aucune personne non autorisée ne doit être informée de leur infection afin d’éviter que cela n’engendre des discriminations. Par conséquent, il importe d’informer les personnes auxquelles l’on fait part de sa séropositivité qu’il s’agit d’une information hautement personnelle. Toute personne qui divulgue une telle information sans autorisation enfreint la législation et pourrait être poursuivie en dommages-intérêts et réparation morale. e Environnement de travail En Suisse, aucune profession n’est interdite aux personnes séropositives, étant donné qu’il n’y a pas de risque d’infection dans le travail au quotidien. Cela s’applique également aux professions médicales: le respect des mesures d’hygiène qui sont de toute manière obligatoires (par exemple le port de gants) permet d’exclure ici aussi pratiquement toute transmission. De même, il n’existe aucune obligation d’informer son employeur de sa séropositivité, et un employeur ne peut en aucun cas demander un diagnostic du VIH. S’il le fait tout de même, l’on est en droit de fournir une réponse fausse étant donné que la question est illégitime. En Suisse, les rapports de travail peuvent être résiliés librement. Tant l’employé que l’employeur peut résilier à tout moment les rapports de travail moyennant le respect des délais de résiliation. Certains motifs de rupture du contrat sont toutefois abusifs. Parmi ceux-ci, un licenciement pour cause de séropositivité, si cette dernière n’a pas eu d’influence sur la prestation de travail. Si l’employé est en mesure de prouver qu’il y a eu abus, l’employeur est obligé de payer de un à six mois de salaire. Toutefois, même un licenciement abusif reste valable. r Assurances Il convient tout d’abord de distinguer deux types d’assurances soumises à des principes de fonctionnement très différents. Un nouveau diagnostic du VIH ne change rien aux assurances existantes, qu’il s’agisse d’une assurance sociale ou privée. Une personne séropositive peut continuer de souscrire de nouvelles assurances sociales, comme par exemple une assurance des soins médicaux et pharmaceutiques et ce, sans aucune limitation. Du reste, cette assurance couvre tous les traitements et médicaments nécessaires liés au VIH. Toutefois, lorsque le VIH est diagnostiqué, l’on ne peut en règle générale plus conclure d’assurance privée (en référence à la vie/santé) ultérieurement, ou uniquement avec des réserves. Cela s’applique dans la plupart des cas aux assurances-maladie complémentaires, aux assurances individuelles d’indemnités journalières et aux assurances-vie. Il existe toutefois quelques exceptions. Il est par conséquent recommandé de prendre contact avec la consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida dans ce cas. Fondamentalement, chaque personne est responsable de sa propre protection. Malheureusement, la jurisprudence suisse ne voit pas les choses de cette manière: une personne séropositive peut être condamnée si elle a eu des rapports sexuels non protégés avec une personne séronégative et ce, même si cela n’a pas débouché sur une infection (tentative). L’art. 122 CP (Lésions corporelles graves) et l’art. 231 CP (Propagation d’une maladie de l’homme dangereuse) s’appliquent. Selon l’art. 231 CP, il peut même y avoir condamnation si le partenaire était au courant de l’infection au VIH et a consenti à avoir des rapports sexuels non protégés. Cet article est actuellement en cours de révision, et il y a des chances qu’il soit modifié. En janvier 2008, la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida (CFS) a publié une déclaration selon laquelle une personne séropositive sous thérapie antirétrovirale (TAR) n’est sexuellement pas infectieuse si elle applique le traitement antirétroviral à la lettre et est suivie par un médecin traitant, si la charge virale se situe en dessous du seuil de détection pendant au moins six mois et si elle ne souffre pas d’autres infections sexuellement © Hemera / Thinkstock Pénalisation «Une personne séropositive peut être condamnée si elle a eu des rapports sexuels non protégés.» transmissibles. t Si ces conditions sont remplies, cela devrait fondamentalement déboucher sur une impunité. En 2009, un jugement genevois a pour la première fois acquitté une personne, car les conditions de la déclaration de la CFS étaient remplies dans son cas. Un jugement de l’instance suprême (Tribunal fé déral) est encore attendu, et des jugements cantonaux ne déploient pas d’effet contraignant pour d’autres cantons. Sauf conclusion contraire, l’on est en droit d’espérer que l’instance suprême se conforme à l’opinion du Tribunal genevois. u cs Assurances sociales Assurances privées Droit public Droit privé Aucune exclusion ni réserve pour les personnes séropositives Exclusions et réserves régulières pour les personnes séropositives Pas de questionnaire de santé Questionnaire de santé/obligation d’informer Exemples: assurance des soins médicaux et pharmaceutiques, prévoyance professionnelle obligatoire, assurance-accidents Exemples: assurance-maladie complémentaire, assurance indemnités journalières, assurance-vie t Déclaration de la CFS disponible sur www.saez.ch/pdf_f/2008/2008-05/ 2008-05-089.PDF. u «Pénalisation de la transmission du VIH», www.aids.ch/shop/produkte/fuerfachleute/ pdf/1040_Positionspapier_Strafbarkeit_F.pdf. Swiss Aids News 1 | mars 2012 15 FORUM Nous répondons à vos questions Demande de Madame A. M. © Viola Heller Quels coûts l’assurance-maladie prend-elle en charge en cas de dépression? Depuis quelque temps, je souffre d’une dépression qui me limite sans cesse davantage dans mes capacités professionnelles ainsi que dans ma vie privée. Pour éviter que les choses ne s’aggravent, je dois solliciter un soutien médical. Quels sont les coûts dont je dois m’acquitter personnellement et quelle part de ces coûts mon assurance-maladie doit-elle assumer? Réponse de Dr iur. Caroline Suter Une dépression se traite généralement avec des médicaments ou une psychothérapie. Une combinaison de ces deux formes d’intervention peut aussi s’avérer utile. Afin de déterminer le traitement le plus adapté à votre cas, vous devriez avoir un entretien personnel avec un spécialiste. Vous trouverez des interlocuteurs potentiels via votre antenne régionale de l’ASS, sur le site: www.promentesana.ch ou encore sur le site: www.docteur.ch/medecins. L’assurance de base prend en charge les coûts des psychothérapies effectuées selon des méthodes dont l’efficacité est scientifiquement prouvée. En outre, le traitement doit être effectué par un médecin spécialisé en psychiatrie et en psychothérapie. Des traitements peuvent toutefois être pris en charge par des thérapeutes qui ne sont pas médecins si ceuxci sont embauchés dans un cabinet médical et si les traitements ont lieu sous la surveillance d’un médecin (c’est ce que l’on appelle la psychothérapie déléguée). L’assurance prend en charge les coûts pour un maximum de 40 séances diagnostiques et thérapeutiques. Si une psychothérapie doit être poursuivie après 40 séances à la charge de l’assurance de base, le médecin traitant doit remettre au médecin-conseil un rapport qui décrit le type de maladie et le déroulement du traitement entamé jusqu’à présent. Il doit en outre formuler une proposition pour la suite de la thérapie (y compris en indiquant l’objectif, la raison, le 16 Swiss Aids News 1 | mars 2012 cadre et la durée probable). Le médecin-conseil de l’assurance examine ensuite la proposition. L’assureur communique à la personne assurée, avec copie au médecin traitant, dans les 15 jours ouvrables suivant la réception du rapport par le médecin-conseil, s’il continue de prendre en charge les coûts de la psychothérapie et pour quelle durée. Si vous bénéficiez d’une assurance-maladie complémentaire, celle-ci couvre tout au plus une certaine partie des coûts liés aux psychothérapies prodiguées par des psychothérapeutes exerçant librement. Le mieux est de vous informer directement auprès de votre assurance complémentaire. «L’assurance de base prend en charge les coûts des psychothérapies effectuées selon des méthodes dont l’efficacité est scientifiquement prouvée.» L’assurance obligatoire des soins médicaux et pharmaceutiques prend en charge les coûts des médicaments prescrits par un médecin, utilisés pour les indications autorisées conformément à la notice et qui sont repris dans la liste des spécialités (www.sl.bag.admin.ch). Si un médicament n’est pas utilisé pour l’indication autorisée, l’assurance de base ne doit en règle générale pas supporter les coûts, comme le met en exergue une décision récente du Tribunal fédéral datant de décembre 2011: un homme s’était vu prescrire du Ritalin pour traiter sa dépression. Etant donné que ce médicament n’est autorisé que pour les enfants, l’assurancemaladie a été libérée de son obligation de prestation. Mais si aucun médicament alternatif n’avait été disponible et si le patient avait été exposé à un danger de mort, l’assurance de base aurait dû prendre ces coûts en charge.