Un Gastrotraining franco-africain à l`Hôpital américain

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Un Gastrotraining franco-africain à l`Hôpital américain
Évènement
Un Gastrotraining
franco-africain à l’Hôpital américain
© DR
Le samedi 25 octobre, à l’initiative de trois
médecins libéraux – les Drs Luc Karsenty
(ancien chef de service de gastroentérologie),
Olivier Spatzierer et Kouroche Vahedi –, des
gastroentérologues français et africains ont
participé à la première journée de formation
en gastrotraining. L’objectif principal était de
permettre un échange de compétences en
gastroentérologie interventionnelle entre les
praticiens des deux continents et d’entamer
une réflexion sur les pathologies africaines du
système digestif.
L
’Hôpital américain est
une structure particulière
au sein de l’offre de soins
en France. En effet, son
statut – accréditation aussi bien
par les autorités de santé françaises
qu’américaines – est unique en
France. Depuis plus de 100 ans,
l’Hôpital américain se pose en référence pour la médecine. Son équipe
médicale internationale permet un
échange de compétences, renforçant la crédibilité de son expertise.
L’équipe soignante encadre les patients avec une grande diligence. Le
ratio nombre de soignants/nombre
de lits est le plus élevé de France. La
personnalisation des soins de haute
qualité s’accompagne de moyens
médicaux de dernière génération,
garantissant les meilleures conditions de travail et d’efficacité. Fort
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l’essentiel
PAR TIMOTHÉE PROUZET
de cette visibilité, l’Hôpital américain apparaissait comme l’une de
meilleures structures pour accueillir une telle journée d’étude, offrant
les moyens et la crédibilité nécessaires à la sensibilisation et la formation de praticiens africains aux
protocoles en vigueur en France.
Nombre de spécialistes de
renom étaient au rendez-vous ce
samedi. Cette rencontre était la première du genre en France. Plusieurs
professeurs de facultés de médecine
africaines et françaises ont participé
aux discussions. Durant la retransmission des interventions (simultanément dans l’amphithéâtre de
l’Hôpital américain et à l’Hôpital
d’instruction des armées de Libreville), les membres des corps
professoral et médical présents
commentaient, analysaient, ques-
tionnaient. Car comme l’a souligné
le Dr Karsenty, l’objet de ce gastrotraining était notamment d’échanger sur des pratiques aujourd’hui
courantes en France, qui pourraient être transposées au sein des
services de santé d’Afrique. Cette
journée d’études a créé un climat
propice aux retours d’expérience.
Elle a également permis de réfléchir sur les pathologies digestives
les plus courantes chez les patients
africains.
LES CANCERS DIGESTIFS :
UNE PRIORITÉ EN AFRIQUE
Au cours d’une communication du Pr David Khayat, l’accent
a été mis sur le cancer en Afrique.
En effet, ce continent présente ses
propres pathologies cancéreuses,
lesquelles sont induites, entre
Santé
SITUATION ET COÛT DES
TRAITEMENTS
Bien souvent, en Afrique, l’accès aux thérapies se heurte à un
problème de coût. Or aucun pays au
monde ne peut envisager de lutter
efficacement contre le cancer sans
avoir mis en œuvre une politique
volontariste à cet effet. Cela nécessite la création d’un registre national et d’un plan d’infrastructures,
sans oublier le volet prévention.
Certains États se sont engagés dans
cette voie, notamment au Maghreb.
En revanche, hormis l’Afrique du
Sud, qui a fait un grand pas dans ce
sens, les pays subsahariens peinent
à mettre en œuvre leurs plans nationaux. Alors qu’ils se sont engagés,
au travers de la déclaration d’Abuja
de 2001, à affecter 15 % de leur
PIB au secteur de la santé, ils n’y
consacrent en moyenne que 3 %,
ciblant en priorité le sida, le paludisme et la tuberculose.
L’exposé du Pr Khayat insistait
sur le fait qu’aucun État n’est capable de faire face, seul, aux coûts
élevés d’une prise en charge globale.
D’où l’importance du secteur privé
et de la mise en place de réseaux
Nord-Sud et Sud-Sud entre chercheurs, praticiens et laboratoires.
L’accès aux traitements de première
ligne va être effectif. Car, même si
le coût des thérapies demeure élevé,
les médicaments génériques vont
permettre une réduction des prix et
les pays à faible revenu pourront en
disposer, en attendant d’avoir accès
aux traitements les plus récents.
L’augmentation de l’espérance et
de la qualité de vie sera non négligeable et pourrait favoriser une prise
de conscience générale en Afrique.
Les efforts entrepris devraient être
récompensés d’ici peu. Néanmoins,
le contrôle du cancer ne peut se faire
qu’à la condition qu’une coopération internationale s’enclenche de
manière efficace.
UNE TECHNIQUE
RÉVOLUTIONNAIRE
La gastroentérologie a fait
d’énormes progrès. L’endoscopie
interventionnelle s’est fortement
développée et les actes chirurgicaux
sont moins lourds. Il y a encore
quelques années, un patient venant
chercher un diagnostic auprès d’un
gastroentérologue et présentant des
symptômes anormaux durant une
endoscopie devait dans certains cas
se faire opérer. La présence de polype, calcul, tumeur dans l’appareil
digestif induisait un rendez-vous
avec un chirurgien, puis une opération, assortie d’une hospitalisation
de plusieurs jours. Avec l’émergence de l’endoscopie interventionnelle, les gastroentérologues ont
développé des techniques permettant à l’issue du diagnostic de supprimer une tumeur et d’améliorer
ainsi le confort des patients, tout en
diminuant la lourdeur de la prise en
charge.
L’évolution et la simplification
des procédures apparaissent donc
comme une réelle avancée pour des
populations et des pays en manque
de moyens. Selon le Dr Karsenty,
l’endoscopie interventionnelle peut
être une alternative crédible en
Afrique pour la gastroentérologie.
En effet, cette discipline implique
une bonne formation des médecins
– ce qui est le cas en Afrique – et
des moyens techniques restreints.
Ainsi, le dépistage et la prévention de cancers digestifs pourraient
être réalisés avec des combinaisons
coût/résultat très raisonnables.
Pour ses organisateurs, ce colloque est une réussite, tant logistiquement que scientifiquement. Les
participants réfléchissent déjà aux
thèmes qui pourront être abordés
dans un an. L’échange d’expérience
entre praticiens africains et français
est une sorte de formation continue
qui peut renforcer la coopération
médicale entre les deux continents,
et surtout permettre aux pays africains de moderniser leurs approches
et techniques médicales. n
© DR
autres, par les comportements alimentaires et sanitaires et par un
environnement singulier (faune,
flore et climat différents). Contrairement à ce qu’il se passe au Maghreb ou en Europe, les cancers les
plus fréquents pour les hommes en
Afrique subsaharienne concernent
l’appareil digestif (ceux de la prostate et du foie sont de loin les plus
nombreux). Dès lors, le colloque de
gastrotraining prend tout son sens.
Car, a indiqué le Pr Khayat, les efforts de prise en charge des patients
en Afrique sont aujourd’hui principalement tournés vers le sida ; les
structures sont peu adaptées et les
médecins insuffisamment formés
à l’oncologie. Or, d’ici 2020, les
cas de cancers devraient supplanter
ceux du sida. Si le continent veut
pouvoir faire face à ce fort risque
d’épidémie, il doit commencer dès
aujourd’hui, avec l’aide des pays
les plus développés, à pratiquer des
dépistages précoces et proposer des
prises en charge adaptées.
DR LUC KARSENTY
Le Dr Luc Karsenty est titulaire d’une maîtrise
de biochimie, d’un DEA de biologie cellulaire et
physiologie des processus digestifs, d’un DES
d’hépato-gastroentérologie, d’un doctorat d’État
en médecine et d’un diplôme universitaire des
maladies liées au sida. Ce cursus très dense,
complété par des activités de recherche et
d’enseignement, et ponctué de publications
scientifiques, lui a ouvert les portes du
prestigieux Hôpital américain de Paris, où il
a exercé entre autres les fonctions de chef de
service d’endoscopie digestive et chef de service
d’hépato-gastroentérologie.
Luc Karsenty met également son expertise au
service de son engagement humanitaire. Très
impliqué notamment en Afrique francophone,
il collabore avec diverses fondations au Gabon
(fondation Albertine Amissa Bongo, fondation
Omar Bongo), au Congo Brazzaville (fondation
Demain le Congo) et au Tchad (participation aux
œuvres de la Première dame Hinda Déby Itno).
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