Déjeuner annuel du Président au Mansion House 21 mars
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Déjeuner annuel du Président au Mansion House 21 mars
Déjeuner annuel du Président au Mansion House 21 mars 2014 Discours de Denis Kessler, Président-Directeur général de SCOR Monsieur le lord-maire, Messieurs les lords, Monsieur le Président, mesdames et messieurs, permettez-moi tout d’abord de remercier Graham, Président de l’Insurance Institute of London, pour m’avoir proposé de prendre la parole lors de ce prestigieux événement. Je me sens d’autant plus honoré que je suis le seul Français à avoir eu ce privilège. Graham, vous avez fait véritablement preuve d’audace. Mais finalement, l’essence même de l’assurance réside dans la prise de risques, n’est-ce pas ? Bien évidemment, en tant que professionnel expérimenté, vous avez pris la peine de venir à Paris pour m’expliquer le protocole à suivre. Je vous avoue que cela m’a intimidé. Mais je suppose qu’en l’absence du sheriff aujourd’hui, je pourrai sortir du Mansion House non menotté, même si j’oublie un des toasts ! On m’a demandé de vous faire part de quelques-unes de mes réflexions sur notre secteur. Le monde de l’assurance est parfois dépeint par des personnes extérieures à la branche ou des observateurs déplaisants comme un secteur ennuyeux et peu enclin au changement. Je suis convaincu que ce jugement est erroné. Bien au contraire, je suis persuadé que le secteur de l’assurance est en train de changer, certes en silence, mais en profondeur, cette évolution résultant de l’introduction et de la diffusion de technologies modernes. L’offre de services d’assurance et de réassurance a été transformée en profondeur par la généralisation d’outils technologiques qui n’étaient pas disponibles il y a encore une dizaine d’années. J’ai par ailleurs constaté que la transformation numérique de notre secteur semble s’accélérer. Les services d’assurance et de réassurance évoluent rapidement, transformant nos entreprises et le jeu de la concurrence, créant de nouvelles opportunités de marché, et ainsi de suite. En bref, les fondements microéconomiques du secteur de l’assurance et de la réassurance connaissent actuellement une série de transformations technologiques sans précédent. Permettez-moi d’illustrer ces profonds changements par quelques exemples. Tout d’abord, la technologie réduit fortement l’asymétrie de l’information entre assureurs et assurés. C’est un grand changement car cette asymétrie est au cœur même de tous les contrats d’assurance. Il est assez remarquable de voir que cette asymétrie se réduit tant du côté des assureurs que des assurés. Auparavant, les assurés ignoraient la juste valeur du risque. Aujourd’hui, ils peuvent avoir facilement accès à un grand nombre de données. De plus, l’augmentation du nombre de sites internet comparant les différents tarifs d’assurance représente un nouveau défi pour les assureurs. A l’inverse, les assureurs, qui étaient auparavant confrontés à une asymétrie de l’information relative aux facteurs de risques individuels des assurés et par conséquent au problème de la sélection adverse, disposent aujourd’hui de nouveaux outils qui leur apportent une meilleure connaissance de leurs clients et permettent une évaluation plus détaillée des risques. L’accès à d’énormes bases de données et la télématique ne font qu’accentuer ce phénomène. Nous sommes entrés dans l’« ère des capteurs », qui permet un suivi en temps réel des facteurs de risques. Les implications en termes de prévention, de détection des fraudes et de gestion des sinistres sont considérables tant en assurance vie qu’en assurance non-vie. Deuxièmement, en réduisant les coûts, la technologie modifie le périmètre de l’assurabilité. La souscription automatique de risques vie individuels en quelques minutes à l’aide de bases de données réduit considérablement les coûts et les difficultés que représente la souscription d’une police d’assurance vie, et permet un gain de temps. De même, l’utilisation d’images satellite en agro-assurance apporte des avantages similaires en supprimant les coûts de règlement des sinistres liés aux analyses réalisées « sur le terrain ». Troisièmement, la technologie modifie la façon dont les assureurs évaluent et modélisent les risques. Les outils actuellement disponibles ont des fonctionnalités qui auparavant n’existaient pas. Nous entrons dans un univers de modèles internes sophistiqués fondés sur une approche stochastique multidimensionnelle, qui permet une meilleure compréhension du portefeuille de risques et contribue à optimiser l’allocation de capital. Le fait que cette approche soit adoptée par Solvabilité II est certainement un point positif. Cependant, les avancées réalisées en matière de modélisation des risques ont également un effet perturbateur sur notre secteur au travers du phénomène dit de « capital alternatif ». Les modèles ont alimenté le phénomène des ILS (cat bonds, ILW, obligations indexées sur le risque de mortalité, etc.) en permettant aux investisseurs d’endosser le rôle de souscripteurs et d’évaluer ainsi les risques et les probabilités par eux-mêmes sans avoir besoin de travailler dans une compagnie d’assurance ou de réassurance. Cette ouverture apporte de nouvelles capacités qui inquiètent les marchés de la réassurance traditionnelle et ont des répercussions tarifaires dans certains pays et sur certaines branches de marché. La part de réassurance traditionnelle confrontée à la concurrence du marché du capital alternatif déprendra fortement des progrès accomplis par les modèles. Aussi les assureurs et réassureurs devront-ils surpasser ces modèles et démontrer la valeur ajoutée du capital humain. Cela dit, les technologies fourniront aux nouveaux venus de nouveaux outils leur permettant de pénétrer notre secteur ; en définitive, les technologies limiteront les barrières à l’entrée. Quatrièmement, les technologies contractent le temps. Elles permettent, quasiment en temps réel, une adaptation des politiques de souscription, une réallocation des ressources et un ajustement des capacités. Reprenons l’exemple du capital alternatif, phénomène qui n’est pas seulement intéressant parce qu’il permet une augmentation de l’offre en capital dans le secteur, mais également parce qu’il est susceptible de conduire à un ajustement plus rapide de l’offre et de la demande. Lorsque l’offre répond plus rapidement à la demande, l’expérience nous apprend que les cycles ont tendance à être plus courts, voire à disparaître. Lorsque, par ailleurs, la rétention de la clientèle est moins forte, nous passons d’un point d’équilibre à un autre selon un schéma aléatoire. Dernier point, les avancées technologiques abolissent la notion de distance. Nous vivons dans un monde de clouds, de réseaux globaux, de groupes multicentrés, présents sur plusieurs continents, et de chaînes d’approvisionnement sophistiquées reliées au monde entier. Les distances semblent ainsi de plus en plus réduites et le monde de plus en plus plat. Dans un monde dominé par la technologie, les marchés « physiques » tels que le quartier d’affaires EC3 à Londres ont-ils un avenir ? C’est une vraie question. Certains observateurs affirment qu’ils sont voués à disparaître sous les coups d’Amazones high-tech des temps modernes, le progrès du numérique ayant remplacé l’arc et les flèches des guerrières de l’Antiquité. D’autres soutiennent au contraire que les marchés traditionnels seront renforcés grâce à la transformation numérique de notre secteur. Cela peut sembler paradoxal. Pour ma part, je penche pour la seconde hypothèse. Les technologies donnent tout leur sens aux regroupements d’entreprises en un même endroit tels que la Silicon Valley, la Route 128 autour de Boston ou le Silicon Roundabout de la City, et non le contraire. Ni Oxford ni Cambridge ne souffrent de l’importance grandissante des MOOC et des formations en ligne. Pourquoi ? Lorsque vous travaillez dans un secteur dont le cœur de métier est fondé sur la connaissance, vous avez besoin d’un « écosystème » de talents permettant un échange de points de vue et une émulation. L’importance du capital humain dans notre secteur sera renforcée par les avancées numériques. Les fondements de la réassurance résident bel et bien dans la connaissance. C’est aussi un secteur où les relations humaines jouent un rôle important et au sein duquel la culture du risque est forte. La réassurance s’appuie sur de bonnes pratiques éprouvées dans le temps, et sur la confiance et la loyauté, deux conditions essentielles pour une activité où les parties prenantes partagent souvent le même sort sur plusieurs décennies. Pour accorder votre confiance à quelqu’un, vous avez besoin de connaître la personne, boire un verre ou déjeuner avec elle (et je dois dire sur ce point que mon avis sur la cuisine britannique s’est considérablement amélioré aujourd’hui). L’ensemble des parties prenantes en assurance doivent suivre cette approche et respecter ces valeurs : courtiers, assureurs, réassureurs, gestionnaires de sinistres, investisseurs, analystes, etc. C’est le cas sur des marchés tels que la City, et l’Insurance Institute contribue largement à la formation des nouvelles générations qui maîtriseront les technologies en vue d’une meilleure gestion du risque social et individuel. Ce ne sont pas là de simples mots. SCOR est très présent sur le marché londonien par ses activités locales (228 collaborateurs travaillent dans nos bureaux du 10 Lime Street) comme par son activité aux Lloyd’s. Nous sommes fiers d’être le principal fournisseur de capital pour les Lloyd’s et avons de grandes ambitions pour notre syndicat Channel 2015, qui devrait disposer de sa propre agence de gestion à partir du deuxième trimestre 2014. Je commence même à m’inquiéter que SCOR s’anglicise autant. Pas plus tard que la semaine dernière, je lisais la note d’un analyste financier sell-side travaillant à Londres et écrit pour la première fois sur SCOR, et voici ce que j’ai trouvé. Cette note (qui recommande évidemment d’acheter le titre SCOR) est intitulé : « SCOR : le meilleur des deux mondes » : « La stratégie d’entreprise fait penser davantage à une société du marché londonien qu’à un réassureur européen ». J’en déduis que cet analyste considère que Londres ne fait pas partie de l’Europe ! Un autre passage dit : « Le modèle de SCOR se différencie de celui de ses concurrents immédiats. SCOR ressemble davantage à une société du marché londonien ». J’en suis presque tombé à la renverse ! Mesdames et Messieurs, c’est pour moi un grand honneur de porter un toast à l’Insurance Institute of London.