Le travail en classe en sous-groupes de pairs
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Le travail en classe en sous-groupes de pairs
Le travail en classe en sous-groupes de pairs LE TRAVAIL EN CLASSE EN SOUS-GROUPES DE PAIRS par Michel Staszewski Professeur à l’Athénée Royal Victor Horta (Saint-Gilles) Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 42 Le travail en classe en sous-groupes de pairs Bien mené, le travail des élèves en sous-groupes est un outil performant. Comment le rendre intéressant et enrichissant pour chacun ? Par travail scolaire en sous-groupe de pairs, j'entends une situation où des élèves travaillent ensemble dans un groupe suffisamment petit pour que chacun puisse participer à une tâche commune, sans la supervision directe et immédiate de l'enseignant. [A] Intérêt du travail scolaire en sous-groupes de pairs 1) Mon expérience professionnelle de ces dernières années en classe d'histoire m'a convaincu que le développement du travail en sous-groupes est un outil pédagogique très intéressant (et très efficace s'il est utilisé judicieusement) car: • il permet de multiplier les interactions entre les apprenants, ce qui accroît leur implication dans la tâche et, par conséquent, dans les apprentissages; • il les rend plus responsables de ce qu'ils ont à faire (dans un sous-groupe de pairs, les élèves sont libres d'accomplir leur tâche de la façon qu'ils jugent la meilleure mais ils doivent rendre des comptes à l'enseignant sur le produit final), donc il favorise leur accession à l'autonomie; • il constitue un moyen de compenser les disparités entre individus face aux apprentissages, à condition de veiller à la composition équilibrée des sous-groupes (voir plus loin). 2) La pratique du travail en sous-groupes exerce souvent un effet positif sur les relations entre élèves: entraide, dialogue. L'obligation de contribuer à l'élaboration d'un produit commun stimule le développement de la capacité à dialoguer, à être solidaires les uns des autres. 3) Les sous-groupes se justifient pour résoudre des tâches complexes. Exemples: conceptualisation, tâches faisant appel à la créativité. Face à de tels objectifs, le groupe de pairs se révèle plus performant que la somme de ses membres. 4) Le travail en sous-groupes favorise aussi l'apprentissage de divers savoir-faire: écouter, prendre sa place parmi les pairs, négocier, s’exprimer oralement, ... Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 43 Le travail en classe en sous-groupes de pairs 5) Les sous-groupes sont des structures coopératives. La pratique de la coopération constitue une initiation à la citoyenneté dans la mesure où, en coopérant: • les élèves apprennent à assumer une marge d'autonomie, ce qui a pour effet de les rendre plus responsables d'eux-mêmes; • les élèves deviennent co-responsables de la construction de leur savoir; • la coopération implique l'égalité fondamentale des participants (droit égal de participer à la tâche et d'apprendre). [B] Problèmes posés par le travail scolaire en sous-groupes de pairs ... et tentatives de réponses Voici une liste non-exhaustive de dysfonctionnements qu'on rencontre parfois dans de tels groupes: • • • • division des tâches sans coopération; manque d'implication de certains élèves dans le travail, sous-groupes déséquilibrés (les « forts » ensemble, les « faibles » ensemble); disputes; consignes non respectées; trop grande dépendance de sous-groupes vis-à-vis du professeur. Pour que les sous-groupes de pairs fonctionnent réellement comme des organes coopératifs, certaines conditions doivent être réunies: 1° Les sous-groupes ne doivent pas être formés en fonction des affinités personnelles des élèves car: • certains élèves risqueraient de se trouver mis à l'écart; • dans un sous-groupe composé d'amis ou de bons copains, la tentation sera forte de s'intéresser à autre chose qu'à la tâche donnée. Quant au hasard, il risque de faire mal les choses s'il ne met en présence que des élèves peu outillés ou peu motivés (ce qui va souvent ensemble) par rapport à l'activité en question. 2° Il convient de veiller à ce que les sous-groupes soient composés de manière à ce que chaque élève puisse y jouer un rôle. Pour ce faire, le professeur veillera à ce que chacun soit doté, dès le commencement de l'activité, d'un rôle particulier, complémentaire des autres rôles (on empêche ainsi une division des tâches sans coopération). Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 44 Le travail en classe en sous-groupes de pairs Exemples de rôles possibles: • «secrétaire» (responsable de la production écrite du groupe); • responsable du matériel; • « gardien du temps »; • délégué auprès du professeur: cette fonction est particulièrement utile quand les élèves n'ont pas encore l'habitude de fonctionner en sous-groupes de pairs; la présence d'un tel délégué oblige les membres du groupe à passer par le délégué, donc à se concerter avant de faire appel au professeur. La conséquence en est que la dépendance des élèves vis-à-vis du professeur diminue. La multiplication de rôles différenciés et complémentaires permet de garantir une tâche (donc une place) à chaque élève. A éviter: que les élèves remplissent toujours le même rôle (ils n'apprendraient qu'un nombre limité de savoir-faire). La place et le rôle de chacun dans les sous-groupes : la question du statut 1 Quand un enseignant laisse se former les sous-groupes au hasard et ne veille pas à ce que chacun ait une responsabilité particulière, on constate fréquemment les dysfonctionnements suivants: des élèves ne participent pas, d'autres prennent toute la place, certains ne sont pas écoutés par les autres. Ces situations inégalitaires qui s'installent très rapidement dans des groupes de pairs laissés à eux-mêmes s'expliquent en grande partie par le statut déjà détenu par chacun des élèves de la classe avant que les sous-groupes ne soient formés. C'est ainsi que certains élèves, parce qu'ils sont performants en maths ou en français, seront dotés, au regard de leurs condisciples, d'un statut scolaire élevé. Les autres membres des sous-groupes auxquels ils participent auront tendance à les considérer comme des 'experts' et à leur faire confiance dans la réalisation de toute tâche assignée à leur sous-groupe (autrement dit à renoncer à exercer leurs propre réflexion et jugement). 1 Ces réflexions à propos du statut des élèves en classe m'ont été en partie inspirées par la lecture du livre d'Elizabeth G. COHEN, Le Travail de Groupe - Stratégies d’enseignement pour la classe hétérogène, Éditions de la Chenelière, Montréal, 1994 Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 45 Le travail en classe en sous-groupes de pairs Une autre catégorie d'élèves à statut élevé dans le groupe-classe regroupe ceux qui, tout en n'étant pas considérés comme de 'bons élèves" (c'est-à-dire, à statut scolaire élevé),ont un statut élevé parmi leurs pairs (ils sont 'populaires'), en raison de leur charme, de leur charisme, de leur réussite sportive, etc. Ceux-là aussi seront spontanément plus écoutés dans les sous-groupes. Un troisième type de statut peut également jouer un rôle: le statut social: les préjugés sexistes, « classistes » et ethniques font que certains élèves sont à priori reconnus par leurs condisciples comme plus ou moins compétents que les autres. Ainsi chaque élève est doté, aux yeux de ses pairs, de caractéristiques de statut (compétence en écriture, beauté, classe sociale, ethnie, sexe, ... ) qui entraînent des attentes de compétence: ses condisciples s'attendent à ce qu'un élève de haut statut soit plus compétent qu'un autre de bas statut sur un large éventail de tâches. On trouvera dès lors souvent l'élève de haut statut remplir un rôle de leader dans un groupe non structuré, même si, par rapport à la tâche à réaliser, il a moins que d'autres les compétences nécessaires. Ces différences de statut, si elles ne sont pas contrecarrées, de manière volontariste, à l'initiative de l'enseignant (formation dirigée des sous-groupes, attribution de rôles), entraînent très souvent un appauvrissement des apprentissages durant le travail en sous-groupes du fait que les interactions sont limitées. [C] Rôle du professeur pendant les travaux en sous-groupes • • Il interviendra le moins possible, si ce n'est pour veiller : à ce que les consignes de travail soient respectées, chacun exerçant son rôle; à ce qu'aucun groupe ne soit bloqué dans sa tâche. Il jouera donc les rôles de garant des règles du jeu et de personne-ressource. Ainsi les rapports entre l'adulte et les adolescents évoluent dans le sens d'une moins grande dépendance des seconds vis-à-vis du premier. Le travail en sous-groupe, conçu comme décrit ci-avant, favorise la valorisation de chaque élève: chacun a un rôle unique et indispensable à la bonne marche du groupe; il a une obligation de résultat mais est responsabilisé dans l'organisation de sa tâche. De plus, il concoure à la réalisation d'un produit (production écrite, orale, picturale, ... ) qui sera présenté à l'ensemble du groupe-classe 2 . Comme ce type d'organisation permet une évaluation formative (le professeur intervient à la demande en tant que personne-ressource), il y a de fortes chances pour que le produit final soit valable donc valorisant pour ses concepteurs. 2 La perspective de devoir présenter sa production à l'ensemble du groupe-classe incite les élèves à être actifs dans leur sous-groupe car la plupart des jeunes attachent beaucoup d'importance non seulement au jugement de leur professeur mais aussi à celui de leurs pairs. Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 46 Le travail en classe en sous-groupes de pairs [D] Articulation entre le travail individuel, le travail en sous-groupes et le travail en groupe-classe En ce qui me concerne, j'utilise le plus souvent les activités en sousgroupes dans des dispositifs d'apprentissages comportant également des phases de travail individuel et de travail collectif en groupe-classe. J'estime, en effet, qu'articulés entre eux, ces trois cas d'activités se complètent. Exemples: le travail individuel est particulièrement pertinent quand il s'agit de faire apparaître les représentations spontanées des élèves ou de vérifier l'appropriation par chacun d'un concept ou d'un savoir-faire; le travail en groupe-classe est nécessaire, comme débouché des activités en sous-groupes (mise en commun des productions favorisant la mise en valeur des productions des sous-groupes, la confrontation des points de vue, un travail de synthèse, une appropriation collective de savoirs). M. Staszewski, novembre 1996. v v v Informations Pédagogiques n°37 - Novembre 1997 47