Archives de la critique d`art n°22
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Archives de la critique d`art n°22
Source Archives de la critique d’art n°22 Date Automne 2003 Signé par Arnaud PIERRE Le lecteur francophone n’a longtemps eu accès aux textes de Konrad Fiedler qu’à travers les extraits ouvrant l’indispensable anthologie de Roberto Salvini sur les théories de la pure visibilité et à travers les commentaires pénétrants de Philippe Junod. L’année dernière, les éditions de l’Imprimeur faisaient paraître, sous le titre Essais sur l’art, un recueil de longs morceaux choisis (voir La notice n° 029 dans le n° 21 de Critique d’art, p.46). C’est donc dans un très récent regain d’intérêt que se place la publication de Sur l’origine de l’activité artistique [1887] que Danièle Cohn rend disponible pour la première fois en version intégrale, dans une nouvelle traduction indéniablement élégante et pleine d’allant. Il y passe la force de cette esthétique qui évacue les questions kantiennes du beau et du goût pour mieux affirmer la dimension cognitive de l’art. L’esthétique chez Fiedler n’est pas la théorie du Beau, mais la science de l’art en tant qu’il est tourné vers la mise au jour de ce qui, dans le réel ne relève que de ses qualités visibles et n’est accessible que par la visualité. Fiedler définit ainsi un mode autonome de la connaissance du monde en tant qu’il est visible, dont les répercussions sur l’histoire de l’art et la critique se font sentir de la Kunstwissenschaft allemande jusqu’à Clement Greenberg, et sur les artistes eux-mêmes – Danièle Cohn rappelle par exemple la dette de Paul Klee, dont le célèbre axiome (« l’artiste ne restitue pas le visible, il rend visible », c’est-à-dire que le visible n’existe que par la visibilité que l’œil et la main de l’artiste lui font acquérir) doit tout à Fiedler, qu’il a lu. Le message de Fiedler n’a donc rien perdu de son intensité, justifiant l’écho que lui donne aujourd’hui une collection vouée a combler certaines lacunes éditoriales de la tradition esthétique. Il est vrai qu'il y a encore fort à faire en la matière : l’esthétique psychologique de Theodor Lipps, par exemple, composerait un stimulant diptyque avec celle de Fiedler, son exact contemporain.