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 LA RECHERCHE SUR LES COMPETENCES TECHNIQUES ET PROFESSIONNELLES PERMETTANT L’INSERTION DE LA RECONSTRUCTION A LA DECONSTRUCTION : LE ROLE DE LA RECHERCHE DANS LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES EN AFRIQUE DU SUD Lesley Powell, School of Education, The University of Nottingham, UK Peliwe Lolwana, Director, Education Policy Unit, Witwatersrand Uni., RSA Février 2012
Cette étude a été mandatée à Lesley Powell, précédemment chercheuse à Human Sciences Research Council of South Africa puis doctorante à l’Université de Nottingham (GB), par NORRAG/ROCARE, avec l’appui de la Coopération suisse au développement (DDC). La traduction du document de l’anglais au français a été réalisée par Laetitia Houlmann. L’étude a été réalisée dans le cadre de la préparation de la de la Triennale de l’ADEA (Association pour le Développement de l’Education en Afrique) qui s’est tenue à Ouagadougou, Burkina Faso, en février 2012. L e NORRAG (Network for Policy Research, Review and Advice on Education and Training) est un réseau qui vise à promouvoir une analyse critique des politiques de coopération internationale en matière d’éducation et de formation ‐ www.norrag.org L e ROCARE (Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education) a pour mission de développer, dans la région, une capacité de recherche en éducation de qualité, capable de produire des résultats facilement utilisables par décideurs et praticiens ‐ www.rocare.org 2
Table des matières TABLE DES MATIERES....................................................................................................3 ACRONYMES ET ABREVIATIONS....................................................................................4 1. INTRODUCTION ........................................................................................................5 1.1. Périodisation de la recherche sur le développement des compétences......... 6 1.2. Aspects non‐abordés........................................................................................ 8 2. PERIODE DE RECONSTRUCTION, 1994 ‐ 2002 ..........................................................11 2.1. Soutien au développement de politiques ...................................................... 11 2.2. Rapports sur les compétences par les SETA................................................... 12 2.3. Etablissements de formation continue (FET) ................................................. 13 2.4. La négligence de la recherche académique durant cette période................. 14 3. PREMIÈRES CRITIQUES, 2002 ‐ 2009 .......................................................................17 3.1. Les collèges de la FET ..................................................................................... 18 3.2. Les apprentissages (Learnerships) ................................................................. 19 3.3. La recherche académique .............................................................................. 20 3.4. Hypothèses..................................................................................................... 21 3.5. Les institutions de recherche ......................................................................... 24 4. DECONSTRUCTION – UN MOMENT NOUVEAU .......................................................26 5. RECHERCHES NOUVELLES POUR DES TEMPS NOUVEAUX .......................................28 6. CONCLUSION..........................................................................................................30 6.1. Systèmes gouvernementaux de contrôle (Monitoring Information Systems) adaptés à des objectifs.................................................................... 30 6.2. Définir en tant qu’objectif clair du gouvernement le développement et le maintien de centres de recherche locaux pour la recherche sur le développement des compétences ............................................................. 30 6.3. Financer les études théoriques ...................................................................... 31 6.4. Développer des structures et des processus qui garantissent des relations de travail entre les universitaires et les décideurs politiques ........ 32 7. BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................33 3
Acronymes et abréviations ANC African National Congress COSATU Congress of South African Trade Unions DPRU Development Policy Research Unit EPU Education Policy Unit HRDR Human Resources Development Report HSRC Human Sciences Research Council JET Joint Education Trust NBI National Business Initiative NECC National Education Coordinating Committee NEPI National Education Policy Initiative NQF National Qualifications Framework NSA National Skills Authority NSDS National Skills Development Strategy NSF National Skills Fund NSPC National Skills Planning Cycle NTB National Training Board OBE Outcome Based Education SAQA South African Qualifications Authority SDA Skills Development Act SETA Sector Education and Planning Authorities SSP Sector Skills Plan VET Vocational Education and Training WPSP Work Place Skills Plan 4
1. INTRODUCTION Le développement des compétences est au cœur de la stratégie de développement de l’Afrique du Sud postapartheid. La Loi sur le développement des compétences (Skills Development Act, SDA) de 1998 a instauré une approche de l’éducation et de la formation radicale et de grande envergure (Afrique du Sud, 1998 amendée en 2008). Contrôlée et mise en œuvre à travers les stratégies nationales de développement des compétences (National Skills Development Strategies, NSDS I, II et III), elle appelle à une amélioration de la quantité, de la qualité et de la pertinence de l’éducation et de la formation, afin d’accroître la compétitivité économique et d’améliorer la qualité de vie des Sud‐Africains. Mise en place dans le contexte de l’apartheid, qui était caractérisé par un faible niveau de compétences, un accès inégal à l’éducation, un chômage à grande échelle, une pauvreté généralisée et une distribution hautement inégale des revenus, elle vise également à promouvoir l’inclusion sociale et économique à travers l’expansion de l’accès et l’accroissement de la participation à un système d’éducation et de formation transformé (Department of Labour, DoL, 2005). La stratégie de développement des compétences de l’Afrique du Sud comporte cinq éléments centraux. 1. La mise en place d’un cadre institutionnel et financier coordonné pour améliorer l’offre de formations et la coordination aux niveaux sectoriel et national. Ce cadre inclut un certain nombre d’institutions, notamment: (i) l’Autorité nationale des compétences (National Skills Authority, NSA), issue de la restructuration du précédent Conseil national de la formation (National Training Board, NTB) et développée pour contribuer à la coordination stratégique et au développement de la SNDS ; (ii) les Autorités du secteur de l’éducation et de la formation (Sector Education and Training Authorities, SETA) établies pour aider les entreprises et les industries à formuler et à mettre en place des projets de formation, pour mettre en lien les projets avec d’autres objectifs stratégiques et pour faciliter l’accès aux subventions disponibles ; (iii) le Fonds national pour les compétences (National Skills Fund, NSF), recevant 20 % du financement alloué au développement des compétences et destiné à financer le budget des SETA ; (iv) l’Autorité sud‐africaine des qualifications (South African Qualifications Authority, SAQA) pour permettre le transfert de qualifications. 2. Un partenariat efficace entre le gouvernement et le secteur privé pour financer le développement des compétences et couvrir certains aspects de l’éducation et de la formation. Une taxe nationale de formation professionnelle a été établie dans l’espoir d’inciter la formation en entreprise. Selon ce système, les employeurs doivent certes payer une taxe de formation sur la base de la masse salariale, mais reçoivent une compensation au paiement de cette taxe sous la forme de subventions pour les frais de formation dans des domaines définis. Un système d’apprentissage (learnerships) a en outre été mis en place pour lier l’éducation et l’expérience professionnelle dans une approche structurée qui conduit à des qualifications enregistrées à travers le Cadre national de qualifications (National Qualifications Framework, NQF). 5
3. Des informations pour une planification stratégique : s’assurer que les informations sur le marché du travail soient collectées, analysées et diffusées de façon adéquate dans le cadre d’un Cycle national de planification des compétences (National Skills Planning Cycle, NSPC) afin de pouvoir identifier et répondre aux besoins en éducation et en formation. 4. L’amélioration des services d’orientation et de placement pour mettre en rapport les travailleurs avec des emplois, prodiguer des conseils sur les aides disponibles, contribuer aux plans sociaux destinés à répondre aux « dégraissages » de masse et aider les groupes les plus vulnérables à accéder au marché du travail. 5. L’amélioration de l’offre éducative pour développer une offre en formations de haute qualité à travers un système éducatif financé par des fonds publics, qui soit réactif, rentable et responsable. Le SDA a instauré un cadre réglementaire unique qui, du côté de la demande, est composé de la NSA et de 23 SETA. Du côté de l’offre figurent les institutions éducatives, aussi bien publiques que privées. Leur offre éducative comprend une scolarisation dans les écoles (degrés R à 9), une formation continue (Further Education and Training, FET) soit dans les écoles (degrés 10 à 12), soit dans les établissements de FET pour l’enseignement et la formation professionnels (programme national professionnel 1‐3) et un enseignement supérieur dans les universités. L’objectif est de faciliter l’accès à un enseignement et à une formation de qualité et de permettre la mobilité et le transfert par le biais du NQF (Allais, 2003). Un principe inhérent à la scolarisation post‐obligatoire est de rassembler l’offre et la demande en développement des compétences d’une manière qui réponde à la discordance entre les hauts niveaux de chômage (surtout chez les jeunes) et la pénurie de compétences qui caractérise le marché du travail (Bhorat, 2008; Daniels, 2007). Un grand nombre d’emplois exigeant des niveaux de compétences supérieurs et techniques demeurent en effet vacants durant de nombreuses années bien que les organisations s’efforcent de recruter des employés qualifiés dans le domaine. 1.1.
Périodisation de la recherche sur le développement des compétences Le présent article discute des deux dernières décennies de recherches sur le développement des compétences. Il s’appuie sur la conceptualisation proposée par le Conseil pour la recherche en sciences humaines (Human Sciences Research Council, HSRC) (2004) qui considère que le développement des ressources humaines comprend plusieurs phases dans le cycle de vie de l’être humain, soit « la transition vers l’école », « la sortie de l’école et la première entrée sur le marché du travail », « la traversée du marché du travail tout au long de la vie professionnelle » et « la sortie du marché du travail » (Kraak, 2004: 1). L’article se concentre sur la troisième phase, c'est‐à‐dire « la sortie de l’école et la première entrée sur le marché du travail ». L’article décrit la production de connaissances dans le développement des compétences au cours de trois périodes clés. Tout d’abord, la Période de reconstruction, qui s’étend de 1994 à 2002, a marqué la conception de la législation sur le développement des compétences 6
postapartheid et des structures et institutions la sous‐tendant. La deuxième, appelée Premières critiques et allant plus ou moins de 2002 à 2009, a vu l’émergence d’études critiques envers certains aspects de la législation sur le développement des compétences, ciblées principalement sur l’efficacité avec laquelle la législation avait été mise en œuvre et sur les structures et institutions qui avaient été créées dans ce cadre. Durant la troisième période, Déconstruction – Un moment nouveau, qui s’étend de 2009 à aujourd’hui, les chercheurs ont commencé à remettre en question et à démonter les hypothèses sur lesquelles étaient construites les structures et les institutions du développement des compétences. Ce moment nouveau a connu une impulsion importante avec la création en 2009 d’un nouveau Département de l’enseignement supérieur et de la formation (Department of Higher Education and Training, DHET), dont le mandat comporte l’enseignement supérieur, l’éducation permanente et les compétences basées sur l’emploi (McGrath, 2010). La périodisation que nous utilisons s’appuie sur la terminologie développée par Muller (1999). C’est tout particulièrement le cas de la conceptualisation de la première phase, la Période de reconstruction. Dans sa discussion sur la production de connaissances sur l’éducation dans les années 1990, Muller distingue le rôle joué par les intellectuels dans le mouvement de libération sud‐africain, qu’il nomme « critique », du rôle joué par les intellectuels dans le développement des politiques éducatives postapartheid, qu’il appelle « reconstruction ». Muller fonde cette distinction sur la relation entre l’Etat et les intellectuels, les chercheurs s’étant impliqués dans la « critique » du régime de l’apartheid avant 1994 et dans la « reconstruction de la démocratie » après 1994. S’appuyant sur la terminologie de la « critique » et de la « reconstruction », il soutient que la façon dont les intellectuels se placent par rapport à ces deux rôles relativement opposés et polarisés dépend de la « structure du champ intellectuel et de sa relation avec le champ du pouvoir dans toute conjonction historique » (Muller, 1999: 117). La relation des chercheurs sur le développement des compétences avec le champ du pouvoir est un thème qui sous‐tend la périodisation choisie et la discussion présentée dans cet article. La polarisation entre la « critique » et la « reconstruction » fut un exercice sensible pour Muller car il abordait le champ du pouvoir durant l’apartheid, où une ligne de démarcation divisait ceux qui étaient en faveur du régime de l’apartheid et ceux qui étaient pour le mouvement de libération et luttaient donc contre le régime de l’apartheid. Les voix intellectuelles de la seconde catégorie étaient largement exclues, en raison de leur engagement auprès du mouvement de libération, de l’élaboration des politiques éducatives durant l’apartheid. Lors de la période de démocratie, les deux décennies sur lesquelles se concentrent notre article, ces divisions sont potentiellement plus fluides, les chercheurs s’engageant à certains moments de leur carrière dans la critique et à d’autres dans la reconstruction, voire parfois dans les deux en même temps. La division entre les voix impliquées dans la discussion avec l’Etat et celles exclues de cette discussion est également plus fluide. Un chercheur ou une institution de recherche peut être inclus à une période et exclu à une autre. Il s’agit là d’un autre thème qui sous‐tend ce document, dans le sens où nous voulons montrer que les institutions de recherche et les individus impliqués dans la recherche sur le développement des compétences lors d’une période ne l’étaient pas forcément durant les autres. Inhérente au travail de Muller est la certitude, que cet article partage, selon laquelle la recherche en éducation peut apporter, et apporte, une contribution. Cette dernière s’opère 7
par le biais d’un échange direct de résultats de recherches mais aussi, et surtout, à travers un dialogue permettant l’expansion de concepts et le développement de cadres conceptuels à travers lesquels nous pouvons observer et comprendre notre système de développement des compétences et les implications – voulues ou non – des politiques que nous avons développées. Un aspect fondamental de la périodisation est qu’elle permet de voir les différents rôles que la recherche sur le développement des compétences a joués durant les différentes périodes. 1.2.
Aspects non‐abordés L’espace dévolu à cet article impose de mettre l’accent sur l’étendue de sa couverture, au détriment d’autres aspects importants liés à la recherche dans le domaine du développement des compétences. Le premier de ces aspects est l’héritage d’un secteur de l’éducation et de la formation radicalement divisé et hautement stratifié par le gouvernement postapartheid. Initiée par la découverte de ressources minérales dans le pays au début du XIXe siècle, l’approche du développement des compétences est fortement façonnée par son histoire coloniale et par l’apartheid. Réparer les séquelles de ce passé était la mission de l’Afrique du Sud postapartheid et continue à constituer un défi pour le gouvernement actuel, dans la mesure où elles imprègnent les structures du marché du travail. En effet, les divisions qualitatives de l’offre éducative perdurent, la stratification entre riches et pauvres suivant toujours les contours instaurés par l’apartheid, malgré la panoplie de lois et de services d’assistance sociale mis en place pour redresser ces distorsions. L’espace disponible ici ne permet pas une discussion détaillée sur les effets de l’histoire politique, sociale et culturelle sur le développement des compétences aujourd’hui. Les lecteurs intéressés par cette question peuvent se référer aux travaux de Kallaway (1984 et 1997), McGrath (1996) et Badroodien (2004). Trois aspects sont cruciaux pour cet article : (i) Le système éducatif stratifié et défini racialement qui réservait les meilleures institutions éducatives aux Sud‐Africains blancs et offrait des institutions éducatives au rabais aux Sud‐Africains noirs. (ii) La segmentation raciale du marché du travail qui cantonnait les noirs dans les emplois mal payés à travers une loi sur l'emploi favorisant le recrutement des blancs et la ségrégation résidentielle, dans une économie caractérisée par une faible croissance et une dépendance excessive de la production primaire. (iii) La discordance des compétences entre les besoins et l’offre de main d’œuvre, soit un chômage à grande échelle et en augmentation constante, surtout chez les jeunes, qui continue à coexister avec des pénuries de main d’œuvre qualifiée dans certains domaines clés. Le deuxième aspect est l’importance des recherches menées avant les premières élections démocratiques en 1994. Si cet article se concentre sur les recherches effectuées après l’apartheid, il est important de noter que l’objet des politiques qui façonnent et marquent le développement des compétences et les débats et tensions qui les accompagnent a une bien plus longue histoire. Cette histoire inclut le travail produit durant ce que Padayachee (1998) nomme la « décennie de la libération de l’Afrique du Sud », qui se caractérisait par une relation de travail étroite entre le mouvement social pour la libération, le Congrès national africain (African National Congress, ANC) et des universitaires progressistes (relation qui n’était toutefois pas dénuée de tensions – voir Muller, 1999 et Padayachee, 1989). Du côté 8
de la demande, une étape importante dans la réflexion de l’ANC sur les politiques économiques postapartheid a été marquée par les discussions tenues lors de la conférence de l’Université de York en 1986 intitulées The SA Economy after Apartheid avec une sélection d’articles publiés dans l’ouvrage After Apartheid: The Renewal of the South African economy (Padayachee, 1989: 435). Suite à cela, un certain nombre de conférences se sont tenues en dehors de l’Afrique du Sud, lors desquelles des universitaires progressistes se sont rencontrés et ont débattu de la future trajectoire des politiques de l’Afrique du Sud (Padayachee, 1989). Cette interaction s’est opérée au sein de réseaux de recherche sur les politiques et à travers la mise en place de groupes de réflexion destinés à produire des recommandations de politiques pour l’Afrique du Sud postapartheid. Parmi ces groupes figuraient le Economic Trends Research Group lancé par le Congrès des syndicats sud‐
africains (Congress of South African Trade Unions, COSATU) en 1986, qui devait formuler une politique économique pour l’Afrique du Sud postapartheid et la réflexion sur la Politique de stratégie industrielle (Industrial Strategy Policy) basée dans les universités du Cap et du Witwatersrand qui comprenait des discussions sur la formation en entreprise. L’Initiative nationale de politique éducative (National Education Policy Initiative, NEPI), établie par le Comité national de coordination de l’éducation (National Education Co‐
ordinating Committee, NECC), a été lancée au début des année 1990 pour produire une analyse des options éducatives pour l’Afrique du Sud postapartheid et leurs implications dans les principaux domaines des politiques éducatives, y compris ce qui était alors nommé « développement des ressources humaines » et « éducation post‐secondaire ». Alors que les universitaires progressistes étaient embarqués dans la critique mais n’avaient aucune expérience dans l’élaboration de politiques et que le mouvement de libération démocratique résistait aux politiques non‐démocratiques et génératrices d’exclusion du gouvernement de l’apartheid, un aspect crucial était de stimuler « le débat et la discussion » en amenant « plus de points de vue, d’intérêts et de forces pour peser sur le processus de prise de décision » (NEPI, 1993 : 8). La NEPI a largement fait appel aux Unités de politique éducative (Education Policy Units, EPU) d’alors, qui avaient été créées à la fin des années 1980 par le NECC pour fournir un contexte intellectuel au développement d’une politique éducative postapartheid. L’époque était à l’inclusion, notamment l’inclusion intellectuelle, avec l’objectif d’élargir et d’étendre la participation au débat et à la discussion. Le troisième aspect est la distribution de la production de connaissances en fonction de l’origine ethnique et du sexe : dans le domaine de la recherche liée au développement des compétences comme ailleurs, cette distribution était biaisée au début des années 1990 en faveur des universitaire blancs, et plus précisément des hommes. Ce qui est particulièrement inquiétant est que ce déséquilibre selon le genre et l’origine ethnique dans la communauté de la recherche ne s’est résorbé que marginalement au cours des deux dernières décennies. Le déséquilibre ethnique continu qui caractérise la communauté de la recherche a des implications non seulement sur le choix des sujets étudiés, mais aussi sur la façon dont les recherches sont menées, dans la mesure où le fossé linguistique et ethnique entre les chercheurs (principalement blancs) et les étudiants (principalement de couleur) entrave les études qualitatives, surtout celles qui demandent des entretiens poussés avec les étudiants et adoptent des approches interprétatives comme les approches fondées sur les récits de vie. L’article discute de la structure de la production de recherche sur le développement des 9
compétences et la façon dont elle a servi à empêcher la croissance d’une communauté de chercheurs et, en particulier, d’une communauté de chercheurs noirs 1 . 1
Notons que le secteur du développement des compétences se caractérise, du côté de l’offre, par un corps étudiant à forte majorité noire. Les établissements de formation continue (FET) sont composés à 88 % de jeunes de couleur, avec 75 % de noirs, 7 % de métis et 2 % de jeunes d’origine indienne (Powell et Hall, 2004), et 89 % des étudiants en apprentissage (learnership) sont de couleur, avec 73 % de noirs, 13 % de métis et 3% de jeunes d’origine indienne (Powell, 2007). Si les taux de participation des jeunes noirs et métis dans le système universitaire restent encore bas, les taux de scolarisation des deux groupes commencent à croître, augmentant la masse d’étudiants noirs et métis qui suivent un enseignement supérieur. 10
2. PERIODE DE RECONSTRUCTION, 1994 ‐ 2002 Les travaux de recherche entrepris après l’élection du premier gouvernement démocratique (entre 1994 et 2002) se sont consacrés, dans un premier temps, à comprendre les structures et les systèmes qui existaient dans le système de main d’œuvre de l’apartheid et, par la suite, à développer des recommandations de politiques pour un système unique et coordonné de développement des compétences. Une grande partie de cette recherche a été menée par l’Initiative nationale sur les entreprises (National Business Initiative, NBI), une organisation à but non‐lucratif financée principalement par de grandes entreprises qui vise à contribuer au développement social et économique; par le HSRC, une organisation de recherche parapublique destinée à soutenir la transformation de l’Afrique du Sud à travers la recherche ; par l’Unité de recherche sur les politiques de développement (Development Policy Research Unit, DPRU) basée à l’Université du Cap ; et, dans une moindre mesure, par le Groupe conjoint sur l’éducation (Joint Education Trust, JET), une agence non‐
gouvernementale située à Johannesburg. Les EPU, qui étaient complètement impliquées dans le développement des politiques postapartheid, n’étaient impliquées que marginalement dans la recherche sur le développement des compétences durant cette période. Un aspect de cette situation a été la perte de capacité des EPU et des universités plus généralement, les chercheurs étant recrutés pour occuper des postes au sein du gouvernement. Le ministre de l’éducation de l’époque, par exemple, a été recruté à l’Université du KwaZulu Natal, le directeur de la division des ressources humaines du HSCR à l’Université du Cap‐Ouest et le directeur de la division de la NBI qui a entrepris le travail sur les établissements de FET à l’EPU basée à l’Université du Cap‐Ouest. Un autre aspect était l’accent mis par les EPU sur l’enseignement supérieur et la scolarisation. Les recherches menées durant cette période ont, à quelques exceptions près, privilégié les méthodologies quantitatives et, lorsqu’elles adoptaient des méthodes qualitatives, elles préféraient aux approches interprétatives des « données dures » descriptives pouvant servir de base à l’élaboration de politiques. Les recherches étaient toutes financées soit directement par le gouvernement, soit par des donateurs et des entreprises travaillant en partenariat avec le gouvernement, et visaient à aider les Départements de l’éducation et du travail à mettre en œuvre les lois sur la formation continue et sur le développement des compétences ainsi que les politiques y afférentes, comme la Loi sur la taxe de formation professionnelle (Skills Development Levies Act). Ces recherches visaient avant tout à développer des indicateurs qui fonctionneraient comme points de référence pour mesurer les transformations du secteur. En conséquence, les chercheurs ont privilégié les approches appliquées plus que études théoriques (McGrath, 2008) et les approches quantitatives plus que les approches qualitatives. 2.1.
Soutien au développement de politiques Le développement de systèmes de gestion pour remplacer les systèmes différenciés et séparés de l’apartheid était une tâche initiale importante pour permettre d’atteindre un système unique et coordonné. Les Systèmes de gestion de l’information (Management Information Systems, MIS) hérités de l’apartheid n’étaient pas adéquats pour cette tâche. 11
Divisés entre les groupes ethniques et entre leurs Homelands antérieurs et l’Afrique du Sud, ils ignoraient l’information sur les Sud‐Africains noirs et négligeaient d’importants indicateurs d’efficacité. Une tâche essentielle pour le premier gouvernement élu démocratiquement était donc de développer des systèmes d’information à partir de données provenant des écoles, de l’enseignement supérieur et de la formation continue du côté de l’offre, et des entreprises du côté de la demande. De l’autre côté, il était également nécessaire de développer des systèmes de gestion institutionnels qui pourraient fournir les données nécessaires au niveau du secteur et des entreprises. L’objectif était d’établir un MIS destiné à informer le NSPC, afin de mettre en place des cibles et des objectifs à travers les NSDS, devant être suivies par des périodes de contrôle et de révision. Jusqu’à présent, les NSDS I et II ont été produites, et la NSDS III a été publiée en 2010. 2.2.
Rapports sur les compétences par les SETA Du côté de la demande, une part très importante des informations fournies au gouvernement pour effectuer des planifications provient des Plans sectoriels de compétences (Sector Skills Plans, SSP), qui sont assemblés au niveau sectoriel par les SETA et transmis sous la forme d’un SSP annuel au gouvernement national. Les SSP constituent une étape importante du NSPC ainsi que du NSPC de chaque secteur. Les SSP servent trois objectifs principaux : (i) fournir des données pour planifier stratégiquement le développement des compétences ; (ii) offrir une occasion annuelle de contrôler les progrès réalisés dans le développement des compétences et (III) développer avec les acteurs clés une vision et une stratégie collectives. Les SSP sont assemblés sur la base de Plans de compétences sur le lieu de travail (Workplace Skills Plan, WPSP) au niveau des entreprises et soumis au SETA par toutes les entreprises du secteur. Les WPSP fournissent des informations sur les formations offertes par les entreprises à leurs employés au cours des 12 mois précédents, les conditions prévues pour accéder aux prochaines formations et les pénuries critiques de compétences. Si les SSP représentent une source d’informations utile et un aspect essentiel du NCPC, ils comportent aussi de nombreux problèmes. Le premier et principal problème réside dans le manque de capacité disponible pour analyser et gérer la base de données des WPSP reçus par les SETA. S’ajoute à cela la difficulté d’articulation entre les MIS des entreprises et ceux des SETA. Murock et al (2008) soutiennent que, bien que les SETA soient sur une « trajectoire positive », ces problèmes perdurent et résultent du fait que « les SETA et le système de développement des compétences [se situent] à un stade crucial [et précoce] d’institutionnalisation » (Murock et al, 2008: 2). Une autre préoccupation, probablement plus importante, est que les SSP fournissent une liste composée de besoins en formation et de pénuries de compétences et sont par conséquent contraints de généraliser les pénuries de compétences et les besoins en formations les plus cruciaux. Une critique formulée par les prestataires d’éducation et de formation est que ces rapports ont été généralisés à un tel point qu’ils n’étaient plus utiles à l’élaboration des réponses à ces besoins. Cependant, et malgré ces problèmes, les SSP ont apporté une contribution immense à la collecte de données sur les besoins en compétences des secteurs. Selon Daniels (2007), ces données fournissent des informations essentielles sur la relation entre « les données au niveau micro (entreprises), l’agrégation sectorielle à travers les SSP et l’agrégation 12
nationale » et « représentent [ainsi] un cadre hautement cohérent pour la collecte de données (au niveau des entreprises) qui facilite aussi bien l’analyse que la mise en œuvre de politiques » (Daniels, 2007: 5). Comme le dit Daniels (2007), sans les données des SSP et des WPSP, une grande partie des analyses secondaires n’auraient pas été possibles. L’étude de 1997 portant sur l’apprentissage en entreprise, par exemple, a utilisé la base de données des SETA pour établir une base de données sur les diplômés de l’apprentissage (Powell, 2007) et Atmore E. (2001) a utilisé les SSP pour effectuer une évaluation des besoins en formation des praticiens du développement de la petite enfance. 2.3.
Etablissements de formation continue (FET) Une composante centrale de la stratégie pour le développement des compétences, du côté de l’offre, est l’acquisition de compétences intermédiaires à supérieures à travers l’Enseignement et la formation professionnels (Vocational Education and Training, VET). Ici, les établissements publics de FET ont un rôle crucial à jouer. Mis en place formellement en 2002 avec la création de 50 établissements issus de la fusion des 152 établissements d’enseignement technique qui existaient précédemment avec des écoles normales et des centres de formation, le secteur se situe au carrefour de l’école, de l’enseignement supérieur et du monde du travail. Il a pour attribution d’offrir des compétences de niveaux intermédiaire à supérieur qui répondent aux besoins en formation de l’économie globale tout en étant accessibles aux apprenants issus de milieux défavorisés (Fisher, et al, 2003). Parallèlement à ce mandat (et en chevauchement avec celui‐ci), il doit former au travail entrepreneurial et pallier aux pénuries de compétences qui existent au sein des économies locales et dans le pays dans son ensemble (Badrodien et Kraak, 2006). Entre 1998 et 2004, les NBI ont géré le Fonds de collaboration pour les Colleges (Colleges Collaboration Fund), un projet de 120 millions de Rand financé par des entreprises (quoiqu’en partenariat avec le gouvernement) qui visait à soutenir le Département de l’éducation dans la transformation des établissements d’enseignement technique en établissements de FET. La recherche formait une part cruciale du travail du Fonds, qui a notamment effectué des analyses situationnelles des établissements d’enseignement technique dans chacune des neuf provinces, hormis le Kwazulu Natal qui a été étudié par le HSRC (Kraak et Hall, 1997). Ces études ont une composante qualitative et quantitative. La partie qualitative s’appuie sur des entretiens sous forme de groupes de discussion avec les équipes de gestions des établissements, le personnel enseignant et les étudiants pour comparer le statut actuel des établissements d’enseignement technique avec les conditions énoncées dans la Loi sur la FET et déterminer leur capacité à se transformer (Fisher et al, 1998; Jaffe 2000a, 2000b, 2000c, 2000d). Quant à la partie quantitative, elle rassemble une série d’indicateurs développés pour décrire les approches de gestion et de gouvernance, les partenariats entre établissements, les profils des étudiants et du corps enseignant et l’infrastructure des établissements (Powell et Hall, 2000, 2002 et 2004). Durant la même période, le HSRC a mené un suivi socioprofessionnel des diplômés en ingénierie (Cosser, 2003). Ces études de recherche appliquée étaient essentielles au développement du secteur des établissements de FET puisque l’on en savait très peu sur les établissements d’enseignement technique qui devaient former le noyau du secteur. Les seules informations disponibles 13
étaient fournies par la Commission De Lange, nommée par le gouvernement de l’apartheid dans les années 1980. Les données statistiques manquaient en particulier sur les établissements d’enseignement technique « historiquement noirs » qui avaient été largement ignorés par la Commission. La fonction de la recherche était de servir le processus de transformation en fournissant les informations et statistiques nécessaires à transformer les établissements d’enseignement technique divisés ethniquement et disparates en un système unique et coordonné d’établissements de FET. Ensemble, ces rapports ont dressé le tableau d’une offre éducative étroite, avec plus de 80 % des jeunes inscrits dans deux types de programmes, ingénierie et gestion d’entreprises (Powell et Hall, 2000, 2002, 2004); d’une offre de qualité médiocre (Fisher et al, 1998; Kraak et Hall, 1999); d’une capacité limitée aux niveaux de la gestion et de l’enseignement (Fisher et Jaff, 1998; Kraak et Hall, 1999) et d’institutions marquées par des inégalités ethniques et de genre (Powell et Hall, 2000, 2002, 2004). 2.4.
La négligence de la recherche académique durant cette période Très peu de recherche académique a été produite sur le développement des compétences durant cette période. Dans le domaine de VET (FET, en Afrique du Sud), seul un nombre limité de mémoires de master et de thèses de doctorat ont été rédigés, s’élevant au total, selon une revue de la littérature effectuée sur les sites SABINET et QUEST, à moins de 10. Ces travaux ont été produits dans des universités sud‐africaines à l’exception d’un, publié à l’Université d’Edimbourg. Ces études se concentrent sur des sujets liés à la transformation du secteur des compétences, en passant en revue les Changing discourses in education and training (McGrath, 1996), Repositioning of technical colleges within the transformation of education in South Africa (Van Der Merwe, 2000) ainsi que des stratégies de mise en œuvre de la Loi sur la FET de 1998, comme les services de soutien aux étudiants et les contenus d’apprentissage. Les exceptions, en termes de recherche académique, concernent les domaines où les politiques de développement des compétences abordaient le secteur de l’éducation et de la formation dans son intégralité, et avaient par conséquent des implications pour l’école et l’enseignement supérieur. Parmi ces domaines figurent l’Education basée sur les résultats (Outcome Based Education, OBE), le NQF et la SAQA. Ici, la communauté académique critiquait l’approche de développement adoptée qui, selon les chercheurs, s’inscrivait dans une approche néolibérale déterminée par le marché et ne débouchait donc pas sur l’inclusion sociale et la réduction de la pauvreté visées. Ce manque d’intérêt pour une littérature plus académique s’explique en partie par les conditions sociales de la production de connaissances éducatives qui prévalaient dans les années 1990 et au début des années 2000. Muller (2000) montre que, dans le contexte sud‐
africain, l’apartheid a largement exclu la possibilité de toute relation entre l’Etat de l’apartheid et les universitaires progressistes : « la route vers l’Etat était fermée » (Morphet, 1986 cité in Muller, 2000: 118). Les universitaires se sont distancés de l’Etat, la « teneur de la politique progressiste en matière d’éducation en Afrique du Sud (étant) celle d’une politique d’opposition, au moins depuis les émeutes de Soweto en 1976, pour des raisons totalement compréhensibles » (Muller, 2000: 18). La fin de l’apartheid a été le théâtre d’un changement 14
radical de position, l’important n’étant plus de critiquer l’Etat de l’apartheid, mais de construire un Etat démocratique. « Le slogan From critique to reconstruction était déjà un cliché. Partout, de toutes parts, non seulement les policy think tanks mais aussi les organisations non‐gouvernementales et les universitaires étaient vivement invités à laisser de côté la « critique » et à embrasser la « reconstruction » (Chrisholm, 1992) … en 1992, la « reconstruction » était devenue une affaire sérieuse en Afrique du Sud (Muller, 2000: 123). Le passage de la critique à la reconstruction a changé la relation des universitaires progressistes avec le « champ du pouvoir ». Ils avaient peu de temps à disposition, et n’avaient pas de patience, durant cette période pour s’engager dans une université d’opposition, l’attitude étant qu’ « il y avait un travail sérieux à faire… le bien‐être des gens dépendait de cela et les sceptiques devaient rester à l’écart » (Muller, 2000: p.127). La relation entre les universitaires travaillant sur l’éducation et l’Etat démocratique était (et est encore dans une certaine mesure) nettement différente de la relation que les universitaires de nombreux pays comme le Royaume‐Uni entretiennent avec l’Etat. Si les « progressistes » sud‐africains ont lutté pour « reconstruire » une société démocratique et ont travaillé en partenariat avec l’Etat pour atteindre ce but, au Royaume‐Uni, les individus ont choisi leur camp entre le travail intellectuel et le travail sur les politiques (Young, 2007). Ainsi, tandis que les universitaires britanniques progressistes travaillant dans le domaine du développement des compétences s’opposaient à l’Etat à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les progressistes sud‐africains ont contribué au développement et à la mise en œuvre de la révolution des compétences en Afrique du Sud. Le nombre limité de recherches sur le développement des compétences peut également s’expliquer par la taille et la nature de la communauté de recherche. Alors que les chercheurs spécialisés dans le développement des compétences formaient un petit groupe hors de la communauté de recherche dans les quelques initiatives évoquées précédemment, l’enseignement supérieur bénéficiait d’une communauté de recherche stable basée dans un grand nombre d’institutions, telles que des départements du gouvernement, des facultés des sciences de l’éducation et des unités de recherche universitaire. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on la compare à la communauté de recherche consacrée à l’enseignement scolaire, qui avait une tradition de recherche longue et établie. Ainsi, à l’inverse de l’enseignement supérieur et de l’école, peu de recherches ont été (et sont actuellement) menées par des universitaires sur le développement des compétences. McGrath (2008), exprimant sa préoccupation face à la faible capacité de recherche disponible pour la FET, remet en cause la communauté de l’enseignement universitaire, en demandant : « Quelle école ou faculté d’enseignement mérite son nom si elle ne sait rien sur une partie de l’éducation qui bénéficie à bien plus d’un million d’étudiants à travers ses composantes publiques et privées? » Sa préoccupation est partagée au niveau international par Winch (2000), qui affirme que « tout individu intéressé à promouvoir (et à comprendre) l’enseignement professionnel est vu comme un béotien » (Winch, 2000: 1). Winch poursuit son raisonnement en expliquant : 15
« Ce point de vue est une farce ; nos préoccupations les plus profondes pour le bien‐être moral et spirituel sont étroitement liées au travail, et tout enseignement orienté sur le bien‐être de la vaste majorité de la population, qui ne va pas vivre la vie de la bourgeoisie d’antan, doit se consacrer à la préparation à l’emploi dans son sens le plus large » (Winch, 2000: 1). Dans un contexte de pauvreté généralisée et de montée du chômage des jeunes, il est crucial d’inscrire l’entrée dans le travail des jeunes sortis de l’école à l’ordre du jour des politiques sud‐africaines. 16
3. PREMIÈRES CRITIQUES, 2002 ‐ 2009 L’année 2002 a marqué un tournant dans la recherche sur le développement des compétences avec un engagement toujours plus critique face aux politiques en vigueur (McGrath et al, 2004; Kraak, 2004, 2007; Papier, 2006, 2008 et Sooklal, 2005). Une grande partie des cadres de politiques avaient été formulés et vivaient les premières étapes de leur mise en œuvre. Ces études étaient centrées sur la « prise de conscience du fait que les politiques ne sont pas uniquement des déclarations mais aussi des pratiques » (McGrath, 2004: 4) et exprimaient certaines préoccupations quant à l’échec des politiques à atteindre les résultats escomptés (Papier, 2006). Une préoccupation cruciale à cette époque était l’incohérence structurelle du système de développement des compétences, causée par la mise en place de l’éducation et de la formation dans deux départements distincts, le Département de l’éducation et le Département du travail (Kraak, 2006, 2007, 2008; Cosser et al, 2004; McGrath, 2004; McGrath, 2010; Gewer et Murock, 2010). Jusqu’à très récemment, le développement des compétences à travers les SETA relevait du Département du travail et l’offre éducative dépendait du Département de l’éducation. McGrath (2010) résume ainsi les problèmes inhérents à cette division: « En gros, deux systèmes s’étaient développés avec un manque d’articulation ou, pire encore, avec un degré élevé de conflit sur des points essentiels. Ainsi, de façon schématique, le Département du travail (à travers les SETA) disposait de l’argent, tandis que le Département de l’éducation disposait des principaux prestataires publics » (Mcgrath, 2010: 1). Dans ce contexte, Kraak (2006) soutenait l’importance des « politiques conjointes » pour corriger la situation en permettant « une coordination et une complémentarité intersectorielles des politiques » (Kraak, 2006). Cette inquiétude quant à la cohérence structurelle était manifeste non seulement au niveau des ministères, mais aussi au niveau des institutions. Le Report of the study team on the implementation of the NQF, bien que positif sur les objectifs de ce dernier, note « des tensions et des désaccords considérables quant aux rôles respectifs des principaux acteurs institutionnels, y compris de la SAQA elle‐même » (McGrath, 2005: 144). Lundall (2003) fait observer que, si la formation en entreprise financée à travers la taxe sur la formation professionnelle représente une amélioration significative par rapport à ce qui existait durant l’apartheid, les retards administratifs subis lors de la mise en place des structures institutionnelles ont donné lieu à des retards considérables dans la réalisation des objectifs de formations prévus par les NSDS. Une contribution cruciale à la recherche durant cette période a été la publication par le HSRC de deux rapports sur le développement des ressources humaines en 2004 et 2008. S’appuyant sur la terminologie de Finegold et Soskice’s (1998) d’équilibre fondé sur des compétences de haut niveau (High Skills Equilibrium, HSEq) et d’équilibre fondé sur des compétences de faible niveau (Low Skills Equilibrium, LSEq), le rapport de 2004 plaide en 17
faveur d’une stratégie de développement des compétences sur plusieurs fronts qui créerait « une grande quantité d’emplois peu qualifiés absorbant la main d’œuvre, tout en augmentant les exportations à haute valeur ajoutée » (Kraak, 2004: 32). Ce débat a eu pour rôle principal de développer une logique inverse à celle du HSEq, avec sa focalisation sur les « travailleurs du savoir », en plaidant pour un autre discours axé sur des « compétences supérieures pour tous » (McGrath, 2004). Pour étayer cet argument, l’étude examine les déficits en compétences à chacun des niveaux de compétences (inférieur, intermédiaire et supérieur) et soutient que les déficits en compétences ne se situent pas uniquement dans la tranche supérieure des compétences, comme les partisans de l’approche du HSEq le supposeraient, mais aussi dans la tranche intermédiaire, voire dans la tranche inférieure. Le rapport a apporté une immense contribution au débat en arrivant à la conclusion que des inefficacités grossières continuaient à exister au sein du système, notamment le nombre élevé d’apprenants redoublant des classes ou abandonnant l’école ainsi que la diminution de la population scolaire totale (HSRC, 2004: p. 23). Pour ce qui est de la scolarité post‐
obligatoire, le rapport indique que 81 % des jeunes entraient dans les établissements de FET avec un degré 12 et en sortaient avec un certificat de N3 (un équivalent et pas une qualification supérieure), ce qui constituait une régression à un niveau inférieur d’apprentissage à l’entrée dans l’établissement de FET (Fisher et al, 2003). Le deuxième rapport, publié en 2008, soutient qu’il existe un « désalignement » significatif entre les besoins de l’économie en pleine croissance et « les effets de saturation de l’expansion du système d’éducation et de formation durant la période 2000‐2005 » (HSRC, 2009: 1). L’argument central est que la forte croissance économique (5 %) n’est pas assortie d’une croissance équivalente dans les rendements de l’éducation et de la formation, et même, est potentiellement menacée par « la saturation de l’expansion » dans les institutions de formation, qui se révèlent incapables d’assurer la quantité et la qualité des compétences requises pour soutenir et augmenter la croissance économique (HSRC, 2009: 1). 3.1.
Les collèges de la FET La période entre la création des établissements de FET en 2002 et 2006 a vu la consolidation du secteur des établissements, avec la nomination de directeurs d’établissements, le développement de systèmes de gestion communs dans tout le secteur et la nomination et la formation de conseils d’établissement. En 2005, un fonds de recapitalisation de 1,9 milliards de Rand a été mis à disposition pour moderniser les infrastructures et équipements désuets des établissements. 2006 et 2007 ont été le théâtre d’un autre changement majeur avec le remplacement des programmes du NATED habituellement offerts par les établissements de FET, par les programmes du Certificat national professionnel (National Certificate Vocational, NCV). Ces programmes offrent des formations aux niveaux 2,3 et 4 du NQF dans des domaines pour lesquels l’Initiative pour une croissance accélérée et partagée en Afrique du Sud (Accelerated and Shared Growth Initiative of South Africa, ASGiSA) a identifié des pénuries de compétences. Les programmes offerts dans 11 domaines et pour plus de 50 qualifications visent à intégrer des composantes théoriques et pratiques de l’enseignement professionnel. 18
En 2006, la Loi sur les établissements de FET, (FET Colleges Act) qui définit leur cadre réglementaire, a été adoptée. La loi établit les principes et mécanismes par lesquels ces établissements, par comparaison avec les écoles, doivent être dirigés, administrés et financés et, ce faisant, cherche à apporter une certaine uniformité dans la législation relative aux établissements. La même année, un programme de bourses de 600 millions de Rand financé par le gouvernement a été mis en place pour les établissements. Toujours en 2006, le Plan national pour les établissements de formation continue en Afrique du Sud (National Plan for Further Education and Training Colleges in South Africa) a été publié par le Département de l’éducation. L’année 2004 a marqué un tournant dans la recherche sur la formation continue avec un engagement toujours plus critique face aux politiques en vigueur (McGrath et al, 2004, 2005; Kraak, 2004, 2007; Papier, 2006, 2008 and Sooklal, 2005). Les débats étaient alors centrés sur l’échec des politiques de formation continue à atteindre leurs objectifs et sur « la discordance entre les politiques et la réalité » (Papier, 2006: 5). Comme l’affirme Papier (2006), « Les qualifications professionnelles doivent devenir convoitées, parce qu’elles offrent un vrai apprentissage et de vraies compétences, inspirent la confiance parmi les employeurs, sont abordables pour les masses qui ont besoin d’une formation et parce que la voie d’apprentissage y est clairement indiquée. C’est ce que les politiques ont promis, mais il semble qu’il y ait encore du chemin à faire pour y parvenir. […] J’aimerais lancer un fervent appel pour une évaluation de la discordance entre les politiques et la réalité » (Papier, 2006: 5). Les recherches ont souligné cette « discordance entre les politiques et la réalité » (Papier, 2006: 5) en se concentrant sur les politiques d’éducation et de formation et leurs implications pour les établissements de FET (McGrath, 1996; McGrath, 2004; McGrath, 2010). McGrath (2004) reproche aux politiques relatives à la formation continue d’ignorer le « contexte économique » dans lequel les transformations citées dans le Livre vert et la Loi sur le FET devaient s’opérer. Compte tenu de l’ampleur du chômage, il considère qu’il est crucial de s’intéresser au rôle que les établissements de FET doivent jouer dans le développement des compétences ciblé sur le secteur informel. Un corpus plus restreint de travaux, coïncidant en partie avec les travaux mentionnés ci‐dessus, se concentre sur la relation entre les écoles et le marché du travail (Cosser, 2003; Gewer, 2009; Pereira et Taylor, 2004), ainsi que sur des aspects du développement institutionnel, et plus particulièrement sur la création de systèmes de gouvernance (Powell, 2004) et de systèmes de gestion efficaces (Geel, 2005) ainsi que la nomination d’enseignants (Jaffe et al, 2004; FETI, 2009). 3.2.
Les apprentissages (Learnerships) Un aspect important de la stratégie de développement des compétences est l’offre d’apprentissages. Développés comme les fondements de la stratégie de développement des compétences, les apprentissages ont pour objectif de fournir une formation en entreprise 19
sous une forme structurée et systématisée, de lier un apprentissage structuré à des sites multiples d’expérience professionnelle et de faire déboucher cela sur une qualification reconnue nationalement. A cet égard, les apprentissages sont enregistrés par la SAQA et comportent des compétences définies qui sont certifiées par le biais de tests théoriques et pratiques (Kraak, 2007). Les apprentissages représentent un modèle de formation consensuel où les employeurs (entreprises) et les prestataires de formation publics et privés conviennent par contrat de fournir des formations accréditées et approuvées aux apprenants. Le contrat d’apprentissage est conclu par un employeur ou des employeurs, un apprenant et un prestataire de formation. Il contraint l’employeur à employer l’apprenant, lui apporter une expérience professionnelle spécifique et lui permettre d’assister à la formation, et l’apprenant à travailler pour l’employeur et à suivre la formation requise (République de l’Afrique du Sud, 1998). Les apprentissages visent à augmenter la participation à l’éducation en favorisant l’accès des élèves défavorisés grâce à des bourses d’apprentissage et à élargir la participation en encourageant l’apprentissage tout au long de la vie. L’importance des apprentissages pour le développement des compétences repose sur un certain nombre de préoccupations qui coïncident largement avec celles du secteur des établissements de FET. Tout d’abord, les bourses d’apprentissage visent à accroître l’accès à la formation et offrent des opportunités de première et de seconde chance aux personnes économiquement et socialement défavorisées. De plus, la composante pratique obligatoire en entreprise vise à préparer les apprenants à l’employabilité et à créer une étroite synergie entre l’enseignement et le monde du travail, réduisant ainsi l’écart ente la théorie et la pratique et entre l’apprentissage en salle de classe et l’expérience professionnelle. Enfin, les apprentissages sont proposés dans le cadre des compétences intermédiaires à supérieures, soit la focalisation des établissements de FET. Les études portant sur l’efficacité des apprentissages ont fait ressortir des problèmes liés à la fois à leur conceptualisation et à leur mise en œuvre (Fester, 2006), surtout aux niveaux inférieurs du NQF, les apprentissages étant confrontés à des défis relatifs aux programmes et aux institutions. Parmi ces défis figuraient notamment le manque d’engagement de l’industrie en faveur de la formation en entreprise et la reconnaissance inégale de l’apprentissage sur le marché des qualifications (Powel, 2007). 3.3.
La recherche académique Durant cette période, la recherche académique a connu une croissance fulgurante, le plus souvent sous la forme de mémoires produits dans le cadre de masters en sciences de l’éducation ou de masters en lettres et sciences humaines. Similaires aux travaux publiés durant la Période de reconstruction, ces études présentent des sujets épars, sont suivies par différents superviseurs et sont menées dans différentes universités. Si bon nombre des mémoires se concentraient sur des aspects de la mise en œuvre des politiques de FET et de leurs succès et échecs, quelques‐uns ont commencé à remettre en question les hypothèses sous‐jacentes à l’approche du développement des compétences. Barnes (2004), par exemple, montre que, contrairement aux hypothèses sous‐tendant les politiques qui soulignent l’importance des établissements de FET pour la croissance économique, 20
« l’éducation ne cause pas de changements dans l’économie, elle répond plutôt à de tels changements » (2004: xv). Allais (2003, 2007) adresse une critique acerbe au NQF sud‐africain. Contrairement, et en réponse, aux arguments qui se concentrent sur des préoccupations liées à la mise en œuvre du NQF, Allais (2003, 2007) soutient que la déconnexion dans la mise en œuvre est le résultat direct de la déconnexion inhérente à deux paradigmes opposés qui le soutiennent: celui du néolibéralisme d’une part, et celui de l’égalitarisme d’autre part. Par ailleurs, elle souligne que la prédominance croissante du paradigme néolibéral a donné lieu à un rétrécissement des connaissances, le personnel enseignant s’efforçant de construire des programmes qui répondent aux exigences des unités standards (standard units) et à l’exigence de résultats clairs. Comme l’affirme Allais, « une notion s’est développée selon laquelle le programme est un simple processus technique consistant à trouver la façon de faire en sorte qu’un groupe spécifique d’apprenants acquière les compétences, connaissances, attitudes et valeurs requises » (Allais, 2003: 313). Gamble (2006), dans une analyse de ce que constitue le savoir « intermédiaire », soutient que « la transition de la VET à la FET pourrait servir à diluer le savoir et les compétences nécessaires pour différentes professions ». Dans le contexte d’un système artisanal en échec, Gamble explore la complexité du développement des programmes au niveau intermédiaire. Elle souligne l’importance de maintenir « une combinaison plus forte plutôt que plus faible de la pratique et de la théorie » qui permette à l’enseignement pratique de se renforcer, mais pas aux dépens de l’enseignement théorique (Gamble, 2003). Akojee (2008) apporte une contribution importante en soulignant que l’incohérence au sein du secteur des compétences nuit au rôle que les établissements de FET publics peuvent jouer et, ce faisant, ouvrent un espace pour les établissements privés. Il soutient que ces établissements privés sont partie intégrante du système de VET et qu’ils ont un rôle clé à jouer dans le développement des compétences. En mettant sur la table la question des établissements privés, il soulève un débat important sur la façon dont l’enseignement privé peut être utilisé pour compléter l’investissement public dans l’éducation. 3.4.
Hypothèses Si les études de cette période critiquaient les relations structurelles établies dans le secteur de l’enseignement et la formation, la mise en œuvre des politiques, l’efficacité des institutions et des structures et le désalignement continu entre la formation et le marché du travail, elles acceptaient toutes – à l’exception des études académiques – les principes sous‐
jacents au secteur. Le plus crucial de ces principes, ancré dans l’approche transformative adoptée par le gouvernement postapartheid, est l’hypothèse selon laquelle l’éducation et la formation peuvent faire une différence dans l’économie. Ce n’est pas une hypothèse irraisonnable, puisqu’il est prouvé qu’il existe une forte corrélation entre les niveaux d’éducation et de formation, la compétitivité et la stabilité économiques d’une nation. Mais ce n’est pas non plus une hypothèse incontestée, dans la mesure où la notion simpliste d’une relation linéaire ou d’une simple relation de cause à effet entre l’éducation et la croissance a été largement remise en question. Wolf (2002) soutient qu’à force de croire en une relation directe entre l’éducation et la croissance économique d’une nation, on a assisté 21
à une « expansion éducative comme fin en soi » (Wolf, 2002: 245). Elle affirme ainsi que les nations, « en extrapolant les bénéfices de l’éducation dans le même esprit d’optimisme infini et infondé que des investisseurs pris dans une bulle spéculative », ont adopté des cadres de politiques mal conçus pour aider les pauvres et incapables de mener à la croissance économique espérée (Wolf, 2002: 245). Cet argument est formulé également par Ashton et Green (1997) et Keep et Mayhew (1999), qui expliquent que : « Les tentatives visant à stimuler l’offre de VET sans s’attaquer simultanément aux caractéristiques structurelles au sein des entreprises qui limitent les besoins en niveaux intermédiaires d’éducation et de compétences courent le risque de créer une situation où les retours sur investissement dans la VET seront inadéquats » (1999: 134). Nous ne suggérons pas ici qu’il n’existe aucune relation entre l’avancée de l’éducation et le développement économique, mais nous soutenons que la nature de cette relation est complexe et liée autant aux politiques et pratiques sociales, économiques, commerciales et politiques d’un pays qu’à son système éducatif, qui ne constitue qu’une partie d’un cadre socio‐économique national plus large. La deuxième hypothèse, liée à la première, suggère qu’une augmentation de l’offre éducative conduira à une réduction de la pauvreté. De nouveau, il s’agit d’une supposition raisonnable. L’expérience sud‐africaine montre en effet une corrélation claire entre les qualifications éducatives et le succès sur le marché du travail, les individus au bénéfice de qualifications plus élevées ayant plus de chances d’accéder au marché du travail et d’avoir une meilleure satisfaction professionnelle et de plus hauts salaires (Branson et al, 2009). Pourtant, cette hypothèse non plus n’est pas dénuée de défis et de nuances. Les défis résident dans la question clé de savoir « quel genre d’éducation et de formation est privilégié par le marché du travail ? ». Powell (2007) indique que plus de 30 % des diplômés de l’apprentissage étaient au chômage, parfois encore un an après l’obtention de leur diplôme. Cosser et al (2003), dans une étude consacrée à l’insertion des élèves des établissements d’enseignement technique sur le marché du travail, indiquent qu’à peine plus du tiers d’entre eux étaient employés après avoir achevé leurs qualifications et qu’il leur avait fallu en moyenne 6 mois depuis la fin de leur études pour trouver un emploi (Cosser et al, 2003: 86). Sur la base de lettres envoyées par des étudiants, il dresse le tableau de diplômés impatients d’accéder au marché du travail qui, comme le décrit l’un d’entre eux, accepteraient « n’importe quel emploi » ou, comme l’affirme un autre, frustrés après des tentatives infructueuses répétées, « [sont] moins des diplômés de l’enseignement technique que des ratés de cet enseignement » (Cosser et al, 2003: 91). Ces conclusions sont appuyées par Gewer (2009) qui, à travers le suivi socioprofessionnel de 1 532 diplômés d’établissements de FET du Gauteng, soutient que ces établissements ont un impact limité sur le taux d’emploi, et en particulier sur le taux d’emploi dans le domaine étudié. Une tendance similaire s’observe dans le secteur de l’école. Ainsi, le Rapport sur le développement des ressources humaines de 2004 (Human Resources Development Report, HRDR) indique que 51 % des jeunes ayant achevé l’école ne parviendront pas à trouver d’emploi. Selon le Rapport, « il est probable que la mauvaise qualité réelle ou perçue de l’école sud‐
africaine (en particulier du système scolaire anciennement noir) 22
constitue du côté de la demande une dissuasion majeure d’employer en nombres des jeunes entrant pour la première fois sur le marché du travail » (HSRC, 2004: 31). Si beaucoup de choses ont changé dans le secteur des établissements de FET depuis l’étude de Cosser en 2003, la question demeure : quelle différence fait l’éducation dans la vie des pauvres ? Et, plus précisément, l’accès à quel genre d’éducation et de formation est‐il requis pour faire une différence dans la vie des apprenants ? Cette question n’est pas nouvelle dans le monde de l’éducation et de la formation et certainement pas non plus dans les contextes en développement et, selon Wolf, (2002) elle constitue « littéralement la question à « un milliard de dollars » pour les politiques éducatives » (2002: 29). La question exige de nouveaux engagements en matière de développement des compétences dans des contextes en développement. Que signifient les compétences dans ces contextes ? Et quelles compétences sont importantes ? Palmer (2007), aux prises avec ces questions dans une étude sur la VET au Ghana, note que la formation offerte se concentre essentiellement sur le secteur formel alors que la grande majorité des étudiants (il cite le chiffre approximatif de 90 %) finira par travailler dans le secteur informel (Palmer, 2007). A cet égard, Palmer fait ensuite référence au Livre blanc sur le rapport du comité d’examen de la réforme de l’éducation au Ghana, qui affirme que « la réforme n’est pas parvenue à tenir sa promesse d’équiper les jeunes de façon complète… avec des compétences directement utilisables dans le monde du travail » (Palmer, 2007: 402). Il y a plus de quatre décennies, Foster (1965), dans son argumentation contre les aspirations grossières de la VET à réparer et résoudre les problèmes sociaux et économiques, a inventé le terme d’ « illusion de l’école professionnelle » (Vocational school fallacy) en soutenant que cette dernière n’était pas convoitée par les jeunes ghanéens d’une part et ne profitait pas au développement économique d’autre part : « … les efforts consentis actuellement pour développer une éducation technique et agricole à grande échelle au Ghana risquent de ne pas être plus fructueux que ceux réalisés précédemment, à moins d’être accompagnés par des changements dans la structure économique » (Foster, 1965: 294). La troisième hypothèse se rapporte à la notion de cheminements (pathways). Cette notion a été utilisée pour la première fois en Australie dans le Rapport Finn en 1991 (Mckenzie, 2000). Depuis lors, elle a constitué un concept clé dans le façonnement de l’éducation et de la formation dans ce pays. L’Australie n‘était pas seule à s’intéresser aux cheminements. Le rapport comparatif de l’OCDE (Making Transitions Work, 2000) compare l’éducation et les transitions professionnelles dans 14 pays, montrant que la plupart d’entre eux « essaient de rendre les voies entre l’école et le travail plus attrayantes, ouvertes et flexibles et d’offrir plus d’opportunités pour combiner l’apprentissage professionnel et l’enseignement général » (Mckenzie, 2001). La notion de cheminement implique de savoir clairement d’où l’on vient et où l’on va et suggère un lien plutôt linéaire entre les expériences d’éducation et de formation et l’emploi. Mckenzie (2001) explique que le terme de cheminement trouve son origine dans les 23
préoccupations politiques concernant l’interdépendance entre l’éducation et l’emploi. Il en résulte que les études examinant les cheminements éducation‐emploi sont généralement appliquées, financées par le gouvernement et menées soit par des institutions de recherche du gouvernement, soit par des institutions mandatées par le gouvernement et utilisent pour la plupart des méthodes quantitatives. Ecclestone (2009) soutient que le concept de « transition » est plus large que celui de « mouvement » ou de « transfert » en cela qu’il inclut les « mouvements » entre et parmi les contextes et les « transferts » d’un environnement à un autre, mais se réfère aussi aux changements qui affectent le rôle social et l’identité des individus. Par opposition à cette compréhension de la « transition », la métaphore du « cheminement » représente un concept bien plus étroit qui reflète un « mouvement » linéaire, dans ce cas de l’éducation et la formation à l’emploi. La notion de « transition » correspond davantage à l’expérience des jeunes qui, en raison de la montée du chômage des jeunes et de la complexité croissante des « cheminements » d’éducation et de formation, prennent plus de temps à traverser l’éducation et la formation et à accéder à l’emploi, ou au chômage dans de nombreux cas (Evans et Furlong, 1997; Kraak, 2007). Cette notion de cheminement et la relation attendue entre l’éducation et le travail ont eu pour résultat qu’un grand nombre de chercheurs ont examiné divers aspects de la « capacité de réponse » dans les établissements de FET. Parmi les exemples discutés et cités précédemment figurent les Learner destinations de Cosser (2003), les Features of social capital that enhance the employment outcomes of FET college learner étudiés par Gewer (2009) et les Labour market outcomes of learnerships de Powell (2007). 3.5.
Les institutions de recherche Malgré l’immense contribution apportée par le HSRC et la NBI à la recherche dans le domaine du développement des compétences, ces deux centres de recherche ont connu « une perte considérable de capacité… au cours des cinq dernières années » (McGrath, 2008) et, fin 2009, n’étaient plus aussi actifs dans la recherche sur la FET et ne s’engageaient que de façon minimale dans la recherche relative au secteur plus large du développement des compétences. Le Colleges Collaboration Fund, le projet sur cinq ans qui avait apporté un financement à la recherche de la NBI sur les établissements de FET, était arrivé à son terme et les trois responsables impliqués dans le Fonds avaient quitté la NBI pour d’autres postes. Au HSRC, le HRDR 2009 était achevé et publié. D’autres projets menés par le HSRC, comme la SA National Skills Survey et le projet de recherche sur les Scarce and Critical Skills, avaient également pris fin, tout comme le SESD financé par Danida. Presque aucune nouvelle institution n’a développé un intérêt et une expertise dans le domaine du développement des compétences. Le financement apporté par les donateurs, qui prévalait durant le Période de Reconstruction, avait pratiquement disparu durant la Période de Critique. Durant la Période de Reconstruction, des donateurs comme le British Council, Danida, l’Union européenne et d’autres étaient impliqués dans la recherche sur le développement des compétences. Durant la Période de Critique, Danida a continué à jouer un rôle à travers le SESD, mais beaucoup d’autres donateurs ont déplacé leur financement vers d’autres domaines. Un petit centre de recherche le Further Education and Training Institute basé à l’Université du Cap Ouest, a été créé à cette époque mais avec un personnel très limité. Le JET a produit quelques travaux, mais une grande partie de ses recherches 24
étaient menées par une petite équipe de quelques personnes, et essentiellement par une personne. Cette situation a eu pour résultat qu’une grande partie des travaux récents sur le développement des compétences ont été entrepris par une communauté de consultants en concurrence, motivés par la compétition pour le prochain projet de recherche plutôt qu’intéressés à collaborer pour surmonter les véritables défis rencontrés par le secteur. Le problème inhérent aux recherches effectuées par des consultants est bien documenté dans la littérature, mais il est bon de le souligner encore une fois. L’aspect le plus important du problème est qu’il s’agit d’un modèle non durable qui empêche de différentes façons le développement d’une trajectoire de recherche sur le long terme. Premièrement, le modèle de consultance limite la formation et l’initiation de jeunes chercheurs (noirs) pour le terrain. Deuxièmement, les projets de recherche menés par des consultants ne génèrent pas plus de valeur ajoutée que les produits ou rapports publiés dans le cadre d’un projet. Dans un cadre institutionnel, les projets de recherche permettraient à d’autres chercheurs (généralement de jeunes étudiants de 3e cycle) de s’appuyer sur le projet et d’utiliser les données pour leurs thèses/mémoires. Troisièmement, les consultants n’ont pas de base institutionnelle pour contrôler, évaluer et commenter leur travail. Ils effectuent le travail et le remettent. Personne ne sait ce qui est arrivé au travail et quel a été l’engagement entre le client (le mandataire de la recherche, généralement le gouvernement ou un organe financé par le gouvernement) et le consultant et, souvent, personne ne voit le travail hormis le consultant et le client. L’institutionnalisation de la recherche permet une discussion et un débat plus larges autour des projets de recherche, puisque les institutions consultent d’autres acteurs et sont en mesure d’interagir avec le gouvernement à propos des conclusions de la recherche. Enfin, les institutions sont capables de soutenir le gouvernement en suggérant des trajectoires de recherche à suivre et des approches et méthodes à utiliser pour y parvenir. Les institutions de recherche, contrairement aux consultants, ont la capacité de s’engager dans une réflexion à long terme sur le domaine de recherche, sont en mesure de suivre l’évolution des débats internationaux et, à travers des publications, maintiennent un lien avec ces débats et leur pertinence pour leur pays d’origine. Les consultants, quant à eux, ne peuvent pas faire tout cela, puisque la plupart d’entre eux passent d’un projet à l’autre, et ont très peu de temps à consacrer à la littérature et aux débats internationaux. Nous ne sous‐entendons pas ici que les consultants sont, par nature, mauvais pour la recherche sur le développement des compétences, en général ou en Afrique du Sud. Au contraire, en l’absence de financement durable pour le développement des compétences durant la dernière décennie, une grande partie de la recherche entreprise dans le domaine n’aurait pas pu être effectuée sans consultants. Néanmoins, il faut souligner l’importance de développer une base institutionnelle durable sur laquelle pourraient reposer des projets à long terme et se développer une recherche et des chercheurs durables. Il est également important de mettre l’accent sur le fait que l’absence de telles institutions définira l’agenda de la recherche et le limitera à des projets de nature essentiellement descriptive et empirique, qui manqueront de théorisation et ne dépasseront pas, pour la plupart, le court terme. 25
4. DECONSTRUCTION – UN MOMENT NOUVEAU En dépit de l’absence d’une communauté académique cohérente et des restrictions en matière de financement, une solide base de recherche sur le développement des compétences s’est mise en place, incluant les approches quantitatives adoptées à la fin des années 1990 et au début des années 2000 (Powell et Hall, 2000, 2002 et 2004), la focalisation sur la cohérence institutionnelle, systémique et politique (Kraak, 2004), la déconnexion entre l’éducation et le marché du travail (Cosser, 2003; Kraak, 2007), le mauvais alignement du NQF (Papier, 2006; Allais, 2003), l’impact du système d’apprentissage (Powell, 2007), l’efficacité du système en termes de structure, de gestion et de recrutement (Jaff et al, 2004) et la capacité du personnel à gérer la réforme institutionnelle (Akojee, 2008; Wedekind, 2010). L’année 2009 a marqué un tournant politique majeur en Afrique du Sud. Après avoir atteint la majorité aux élections nationales de 2009, le président Zuma a remplacé le Président Mbeki qui avait dirigé le pays pendant neuf ans. Deux ans auparavant, en 2007, le Président Zuma avait été nommé au poste de président de l’ANC lors de la conférence de Polokwane, tandis que l’inquiétude principale était l’approche centraliste de la politique et de l’exercice du pouvoir adoptée par le Président Mbeki. Le Président Zuma avait pris la direction de l’ANC avec la promesse d’ouvrir un espace de débat, de discussion et d’interaction et de le faire en « changeant la façon de fonctionner du gouvernement » et en assurant une mise en œuvre plus rapide des décisions. Au cours des premières semaines de sa présidence, en reconnaissance des faiblesses de la séparation entre les Départements de l’éducation et du travail et en réponse aux arguments en faveur d’un système «joined‐up», le Président Zuma a attribué la responsabilité du développement de la petite enfance et de la totalité de l’enseignement scolaire de base à un nouveau Département de l’éducation de base (Department of Basic Education, DoBE) et la responsabilité pour l'enseignement secondaire supérieur, la formation continue et l’université au Département de l’enseignement et de l’enseignement supérieur (Department of Higher Education and Training, DHET). La mise en place de ce Département a jeté les bases d’une approche intégrée de l’éducation et de la formation. Le ministre du DHET Blade Nzimande était, avant les premières élections démocratiques, impliqué de près dans le processus de la NEPI. S’appuyant sur cette expérience, et conformément à la promesse de changer la façon de fonctionner du gouvernement, il s’efforce de changer un système qui utilise l’ouverture expérimentée dans la NEPI. Il a commencé son mandat en organisant de nombreux sommets, notamment le sommet sur l’enseignement supérieur, le sommet sur l’éducation et la formation et le sommet sur le développement des compétences. Ces sommets ont été l’occasion de discussions et de débats et ont offert l’opportunité de présenter et de discuter des travaux de recherche. Toutefois, en raison des brefs délais, tous ces sommets étaient basés sur des travaux de recherche qui avaient été effectués plusieurs années auparavant ou sur des opinions d’individus ou des anecdotes personnelles. Par conséquent, les débats et discussions sur le développement des compétences, quoiqu’utiles, n’étaient pas guidés par des recherches récentes et actualisées. Le ministre a en outre appelé à produire un Livre vert sur l’éducation postscolaire. Si des recherches ont été mandatées pour l’élaboration du Livre vert, il repose sur une base de recherche empirique plutôt que théorique. 26
La mise en place du DHET a relancé le débat sur le secteur des compétences, suscité par un certain nombre de facteurs cruciaux. Au niveau le plus large, on peut citer le changement dans l’approche du développement socio‐économique vers un engagement plus fort en faveur des groupes pauvres et marginalisés, comme l’a souligné le Président Zuma dans son discours d’investiture en déclarant : « tout ce que nous faisons doit contribuer de façon directe et significative à l’amélioration de la vie de notre population ». Un changement similaire s’est produit dans l’engagement pour le développement économique, l’Afrique du Sud s’engageant à travers ses nouvelles politiques à « créer des emplois décents » et à promouvoir une « économie plus inclusive ». Cet engagement en faveur de l’amélioration de la vie des Sud‐Africains a suscité trois types de préoccupations pour le DHET. La première est le nombre croissant de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en formation. Le Département (2010) indique que 42 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans sont dans une telle situation, comptant au total environ 2,9 millions de personnes. La deuxième est le modèle généralisé et persistant d’inégalité qui caractérise la société sud‐africaine et qui se reflète dans l’accès et la réussite des jeunes dans l’éducation et la formation. La troisième, enfin, est la déconnexion persistante entre l’éducation et la formation et les besoins en compétences de l’économie (DHET, 2010). 27
5. RECHERCHES NOUVELLES POUR DES TEMPS NOUVEAUX Une grande partie de la recherche empirique menée durant la Période de Reconstruction et la Période de Critique était quantitative et, généralement, financée par le gouvernement ou par des donateurs. Si ces approches étaient utiles, voire essentielles, pour la construction du système de développement des compétences et le développement des institutions et structures sur lesquelles il repose, certaines inquiétudes perdurent, suggérant que le moment est venu d’interroger à nouveau, et peut‐être différemment, les approches que nous avons adoptées. Il ne s’agit pas ici d’une critique de ces travaux. Nous reconnaissons simplement les limites de ces approches pour la prochaine phase du développement des compétences. Comme l’a affirmé Thami Mseleku (alors Directeur général de l’éducation) lors de la convention de 2002 sur le FET, la restructuration réussie du secteur des établissements à travers la finalisation du processus de fusion et la nomination de directeurs d’établissement marque « non pas le début de la fin, mais (plutôt) la fin du début » (Powell, 2002: 8). C’est ici, à la « fin du début », que nous faisons face aux limites des approches de recherche qui s’étaient autrefois révélées utiles, voire essentielles, pour rendre possibles les transformations du début. Et c’est ici, à la « fin du début », que nous ressentons une vive frustration face aux politiques qui n’ont pas réussi à générer « les citoyens productifs » espérés lors de la « révolution des compétences » de l’Afrique du Sud. Comme le dit Papier (2006), il n’y a « Aucun doute (que) l’euphorie de notre transition démocratique a résulté en un idéalisme effréné où tout était possible à la simple condition d’y croire et de travailler dur pour y parvenir » (Papier, 2006: 5). Cette euphorie, à la lumière de l’échec des établissements de FET à fournir les travailleurs employables et les compétences requises par l’économie, a mené à une « frustration toujours plus grande » et une relance du débat sur les compétences. La période de « reconstruction » est maintenant terminée et une nouvelle période de « déconstruction » a commencé. Il est temps de reconsidérer les structures des politiques que nous avons développées et leurs implications sur le développement social et économique. Et ce n’est pas seulement pour l’expérience sud‐africaine que cette « déconstruction » s’opère. C’est, comme l’explique Unwin (2004), « … la singularité qui fait de l’Afrique du Sud un prisme précieux à travers lequel nous pouvons jeter un regard neuf sur certaines de nos panacées, comme la thèse des hautes compétences, qui envahissent le débat international sur le changement social et économique. En particulier, le contexte sud‐africain exige que nous fassions une évaluation plus critique, et si possible plus sophistiquée, de la contribution de la VET et du développement des ressources humaines à la prospérité économique et la justice sociale » (Unwin, 2004: 239). 28
En d’autres termes, il est temps de revenir à la critique, si ce n’est que maintenant « la route vers l’Etat (n’) est (pas) fermée » et qu’un engagement actif est non seulement une possibilité, mais aussi une responsabilité. 29
6. CONCLUSION Le présent article a proposé un bref aperçu de la recherche liée au développement des compétences en Afrique du Sud. Nous nous excusons pour tout document que nous n’aurions pas mentionné ici. Nous sommes conscientes qu’il y en a beaucoup. Malheureusement, les contraintes d’espace ont fortement limité la profondeur et l’étendue de cet article. Quelques expériences essentielles issues de l’expérience sud‐africaine valent la peine d’être partagées. 6.1.
Systèmes gouvernementaux de contrôle (Monitoring Information Systems) adaptés à des objectifs Tout d’abord, il est fondamental que le gouvernement dispose de systèmes de contrôle qui répondent aux objectifs de la recherche. Les MIS du gouvernement sont cruciaux pour la prise de décision et l’évaluation de politiques et sont importants pour les décideurs politiques, les chercheurs sur les politiques et les universitaires, puisqu’ils fournissent les données de base sur le système de développement des compétences. En l’absence de MIS, une grande partie de la recherche n’aurait pas été possible. Il convient toutefois de formuler ici une mise en garde. Les MIS se doivent d’être simples et clairement orientés sur les objectifs. Les tentatives d’établir des systèmes complexes, comme cela avait été le cas avec la création initiale du Further Education and Training Management and Information System, (FETMIS), ont retardé de plusieurs années la capacité à atteindre un FETMIS fonctionnel. 6.2.
Définir en tant qu’objectif clair du gouvernement le développement et le maintien de centres de recherche locaux pour la recherche sur le développement des compétences Deuxièmement, il est importance de définir en tant qu’objectif clair du gouvernement le développement et le maintien de centres de recherche locaux pour la recherche sur le développement des compétences. Comme le montre cet article, les chercheurs sur le développement des compétences n’ont pas la vie facile en Afrique du Sud ni en Afrique en général. A l’inverse de bon nombre de leurs consœurs américaines, australiennes ou européennes, les universités africaines ont consacré une grande partie de leurs ressources à la recherche sur l’enseignement et la formation des enseignants. Il est nécessaire de créer une base pour les chercheurs sur le développement des compétences en développant et en maintenant, en tant qu’objectif clair du gouvernement, une communauté de recherche cohérente basée dans des centres de recherche établis, qui ait la capacité de se régénérer à travers la formation de jeunes chercheurs dans des programmes de master ou de doctorat. L’histoire de la recherche sur le développement des compétences souligne l’importance de cet objectif. Actuellement, il existe seulement un petit centre de recherche, le Further Education and Training Institute à l’Université du Cap‐Ouest et un autre, le Programme de 30
recherche sur l’éducation et le marché du travail (Research into Education and the Labour Market Programme, REAL) dans l’EPU de l’Université du Witwatersrand, et les deux centres sont en recherche constante de financement pour continuer à exister. Quelques recherches sont effectuées au HSRC et par le JET. Il s’agit essentiellement de projets de recherche de petite envergure, insuffisants pour produire une base de connaissances efficace pour le secteur ou pour permettre la subsistance d’une communauté de recherche. L’importance de développer et de maintenir une communauté de recherche compétente n’est jamais assez soulignée, tout comme l’importance de développer une communauté de recherche indépendante qui ait suffisamment d’espace pour remettre en question, critiquer et conceptualiser de nouvelles façons de rêver. 6.3.
Financer les études théoriques Le troisième point est l’importance des études théoriques. Ce bref aperçu de la recherche sur le développement des compétences à partir de 1994 souligne le rôle joué par la recherche dans la construction, les ajustements et la conception globale du système de développement des compétences. Cette contribution ne réside pas uniquement dans les compétences empiriques liées à la collecte et à l’analyse de données, mais aussi dans la capacité à débattre, interagir et remettre en question. Et, dans le contexte du transfert international de politiques, il est important de mentionner que le développement d’une communauté de recherche solide reposant sur une base institutionnelle offre l’opportunité de s’impliquer dans les discours internationaux (et plutôt dominants) sur le développement des compétences et de remettre en question, ajuster et modifier ces discours pour les adapter au contexte national. Le terme même de développement des compétences signifie différentes choses dans différents contextes selon les pays, et à l’intérieur même des pays. Les approches du développement des compétences adoptées dans un pays – dans le cadre de projets de développement socioéconomiques plus larges – ne peuvent pas facilement et certainement pas parfaitement être transposées dans un autre, tout comme l’évaluation et les indicateurs et approches de recherche ne peuvent pas être transposés. Cela ne signifie pas qu’il est impossible d’apprendre de ces pays, mais il faut à tout prix éviter de simples transpositions de politiques et développer une expertise de recherche locale pour soutenir l’élaboration de politiques alternatives. Un exemple cité dans cet article est le débat sur l’Equilibre à compétences à haut niveau et compétences à faible niveau, Kraak (2004, 2006) y ayant, à travers son engagement dans ce débat, développé la notion d’une « stratégie des compétences sur plusieurs fronts », visant un « équilibre à compétences supérieures ». Dans la lignée du point précédent, il est fondamental de fournir à la recherche sur le développement des compétences un financement qui dépasse les coûts projet par projet de la recherche et reconnaisse le coût et l’importance de maintenir une communauté de recherche qui ait la capacité de se spécialiser et de toujours être au fait des débats internationaux et nationaux. 31
6.4.
Développer des structures et des processus qui garantissent des relations de travail entre les universitaires et les décideurs politiques Le dernier point, et pas le moindre, est l’importance de maintenir un dialogue structuré entre les universitaires et les décideurs politiques. Les chercheurs et les décideurs vivent dans des mondes différents et répondent à différents types de pressions. Malgré cela, ou peut‐être à cause de cela, les décideurs politiques et les chercheurs devraient travailler ensemble pour questionner les forces, les faiblesses, voire les hypothèses sous‐jacentes aux systèmes et structures. La relation entre les universitaires travaillant sur l’éducation et l’Etat démocratique était (et est encore dans une certaine mesure) nettement différente de la relation que les universitaires de nombreux pays comme le Royaume‐Uni entretiennent avec l’Etat. Si les « progressistes » d’Afrique du Sud ont lutté pour « reconstruire » une société démocratique et ont travaillé en partenariat avec l’Etat pour atteindre ce but, au Royaume‐
Uni, les individus ont choisis leur camp entre le travail intellectuel et le travail sur les politiques (Young, 2007). Les relations de travail entre les universitaires et l’Etat ont permis un débat rigoureux et un engagement autour du développement des cadres de politiques en Afrique du Sud. La profondeur et le degré de cet engagement se sont transformés au cours du temps, passant d’une relation de travail extrêmement étroite durant la Période de Reconstruction à une relation de travail un peu plus distante durant la Période de Critique, où les politiques étaient mises en œuvres rapidement. On laissait entendre que les décideurs politiques s’inquiétaient du fait que trop d’interactions avec les universitaires ralentirait la phase de mise en œuvre. La période appelée Déconstruction ‐un Moment Nouveau a été marquée par la reprise du débat et de l’engagement. Rétrospectivement, une approche plus claire et systématisée de l’engagement entre la politique et la recherche aurait pu générer un engagement plus constant au fil du temps. 32
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