Extrait du livre « Le silence intérieur de Erik Sablé

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Extrait du livre « Le silence intérieur de Erik Sablé
Extrait du livre « Le silence intérieur de Erik Sablé »
1.Comprendre le mental
Le silence intérieur est la condition pour que naisse une réalité spirituelle. L’esprit doit être vide
du monde et de son image, libre de l’agitation des pensées et du tumulte des émotions pour que la
Présence se déploie au sein de l’être. Cette présence est le plus intime, le plus secret, ce qui ne
se montre jamais, ne peut s’objectiver. Elle est voilée par les préoccupations quotidiennes et
toutes les formes de l’extériorité, et seule la nudité, « la pauvreté en esprit », nous ouvre à cet
indicible.
En cela l’agitation mentale est considérée comme l’obstacle majeur à la naissance d’une vie
spirituelle authentique. Patanjali résume cela en une formule : « yoga citta vritti nirodah », le
yoga est la cessation des formations mentales, ce qui correspond au Nibbana du Bouddha, le
silence intérieur.
Le flux des pensées errantes qui occupe constamment le champ de notre conscience n’est donc
pas un phénomène superficiel, sans conséquences, comme le croit la vision matérialiste de notre
époque, mais la source de toutes les illusions. Le mental exerce un réel envoûtement qui nous
plonge dans un état de rêve perpétuel, et le silence intérieur est la porte qui nous ouvre à la
présence de l’Attention, à l’unique réalité.
Pour faire naître ce silence, beaucoup de maîtres préconisent un effort de maîtrise. Il s’agit
d’arriver à contrôler l’agitation mentale en restreignant le flux des pensées, en le fixant sur un
objet particulier : le souffle, une bille de couleur, le bleu du ciel, une sensation, la flamme d’une
bougie, etc…
Mais même si la concentration volontaire est un aspect important du travail sur soi, rejeter le
mental sans tenter de le comprendre, est une attitude pour le moins étrange. Les chercheurs
spirituels qui le considèrent comme un « ennemi », tout en ignorant le fonctionnement de cet
ennemi engagent une lutte sans fin. Ce combat amène d’ailleurs une tension peu propice au
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développement de la quiétude intérieure.
Il est important de s’interroger sur le mental : qu’est-t-il ? d’où vient-il ? que cherche-t-il ?
Quelle est sa fonction ? Et il est étonnant que peu de personnes engagées dasn une démarche
spirituelle s’interrogent sur les raisons de l’agitation des pensées.
Les textes indiens comparent souvent le mental à un animal féroce, et c’est en comprenant sa
véritable nature que nous pourrons l’approcher, peut-être l’apprivoiser, et nous ouvrir au silence.
Non pas un silence forcé, contraint, mais un silence naturel, qui vient de l’intérieur, comme un
moment de grâce où tout se tait au-dedans de nous. Ce silence s’élargira peu à peu au cours de la
démarche spirituelle jusqu’à devenir la note sur le fond de laquelle se déploiera notre vie.
Il est une autre raison qui rend nécessaire la connaissance des mécanismes du « moi ». Le
chercheur spirituel qui pratique la méditation peut expérimenter des états de profonde
absorption, de béatitude, de plénitude extraordinaire. Mais ceux-ci ne sont pas la réalisation et
ils laissent en fait le « moi » inchangé.
Si l’on n’a pas développé parallèlement une claire vision des mécanismes de « l’ego », ce dernier
peut prendre des formes subtiles et même utiliser l’énergie de l’expérience spirituelle. Il
détourne alors cet afflux de « pouvoir et de lumière » amené par la pratique de la méditation
pour amplifier certains comportements égotiques.
L’ambition, une soif de jouissance démesurée, la colère, cetaines formes de délires, et surtout
l’orgeuil et la vanité ( qui peuvent prendre des formes très subtiles) sont alors amenés à la
surface pour occuper totalement le champ de la conscience. Ce qui explique le cas de ces
enseignants qui sont lumineux, et pourtant infantiles dans leurs comportements, leurs réactions,
emplis d’orgueuil ou d’idées délirantes. L’histoire de la spiritualité est jalonnée de tels parcours
ou un visage du « moi » resté invisible, caché dans les replis de la psyché, se révèle et envahit
totalement un être qui devient de ce fait un faux prophète conduisant les autres à l’abîme.
La pratique de la concentration, le développement de la quiétude intérieure est indispensable car
un esprit dispersé ne peut rien. Mais, parallèlement le chercheur spirituel devra apprendre à
connaître son « moi », pour en découvrir ses méandres, en comprendre les mécanismes subtils, s’il
veut la vraie liberté qui est la liberté du sage réalisé sans tomber dans les multiples pièges qui
s’ouvrent sur le chemin.
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Commentaire supa.
Erik Sablé montre bien ici que la sagesse ne s’acquiert qu’en pratiquant Samatha ( la
concentration) et Vipassana ( la pleine conscience des dhammas) de manière complémentaire. Il
rejoint ainsi complètement l’enseignement du Bouddha-Samadhi :
- Dhammapada verset 372 Il n’y a pas Concentration méditative (Samatha) sans Sagesse (Vipassana)
et il n’y a pas de Sagesse sans Concentration méditative.
Celui en qui il y a la Sagesse et la Concentration méditative
est en vérité sur le chemin de Nibbana, la libération ultime.
Portrait de Erik Sablé
Né à Nice en 1949, Erik Sablé observe et étudie les oiseaux depuis plus de trente ans.
A dix-huit ans, il entre dans la vie active en alternant voyages et nombreux métiers : gardien
d’immeuble à Paris, lapidaire, ouvrier agricole dans le Gers, charpentier dans les Pyrénées,
accompagnateur en montagne.
Il est l’auteur de quelques livres pour enfants aux éditions Milan, de plusieurs essais, de la
Sagesse des oiseaux chez Zulma (2001) et du Traité du goéland argenté (Les Deux Océans,
2002). Il est directeur de collection (« Chemin de Sagesse » chez DERVY)
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