L` utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard
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L` utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard
L’ u topie interstitielle du pitre Rémi Gaillard Jérôme Dubois Rémi Gaillard est un pitre français qui réalise des vidéos privées qu’ il est possible de visualiser gratuitementsur internet. Il est devenu assez populaire en France et plus encore ailleurs. Son leitmotiv est d’être "n’ importe qui" pour pouvoir faire "n’ importe quoi", des choses qu’ habituellement on ne se permet pas, détournant les situations quotidiennes du vivre-ensemble pour s’en amuser. Il crée ainsi, dans l’ espace partagé publiquement (rue, ascenseur, magasin, terrain de golf, piscine, etc.), pour lui-même et les complices de son rire, ce qu’ on peut appeler une utopie interstitielle, permettant aux internautes de vivre par procuration ce qu’ il fait, tout en leur donnant des idées pour faire de même. Résumé : L E S C A H I E R S Jérôme Dubois Je me bats pour vivre comme j’ aime, c’ est-à-dire en m’ amusant. Remi Gaillard R émi Gaillard est un pitre français qui se met en scène dans des situations de la vie de tous les jours qu’ il détourne pour en rire et réalise, à l’ aide d’un complice, des vidéos amateurs privées qu’ il est possible de visualiser gratuitementsur son site web87, sur Youtube, Dailymotion et sur les blogs de particuliers. Il est devenu populaire au point d’avoir une f iche de présentation sur la célèbre encyclopédie Wikipedia. Il serait encore plus populaire en Espagne qu’ en France et sa notoriété atteint même l’ Asie. Depuis 2001, ses vidéos auraient déjà été vues plus de trois cents millions de fois. Sa transnationalité vient du fait qu’ il utilise un langage, celui de la gestualité imagée, évitant les problèmes de traduction, et un comique de situation, tel que le faisait Buster Keaton au temps du cinéma muet ; en s’adressant autant aux adultes qu’ aux adolescents et, hormis certaines vidéos où on le voit en costume d’Adam, aux enfants. Par exemple, il parodie les Jeux olympiques en se costumant en sportif et en rejouant les épreuves dans la rue et les transports publics ; ou bien il se déguise en pingouin, entre en dodelinant au magasin de surgelés Picard, prend un poisson surgelé et sort tranquillement sans payer ; ou encore il transforme un ascenseur en boîte de nuit, etc. Sa popularité vient du fait que le gag imagé fonctionne comme le mot d’esprit dont Freud a décrit le phénomène : « Un mot d’esprit 87 http ://www.nimportequi.com L ’ I D I O T e I D E 255 L’ utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard nouveau fait l’ effet d’un événement d’intérêt général ; on le colporte de bouche à bouche comme le message de la plus récente victoire. » (Kofman, 1986 : 106, 113)En effet, le mot colporter signif ie étymologiquement « porter sur son cou ». Ce que Gaillard colporte, c’ est la bonne nouvelle d’une victoire de l’ esprit frondeur qui allège cous et nuques car elle les délivre du joug pesant de la société. Or, à cette délivrance tous aspirent, car ce n’ est qu’ au prix d’une forte dépense psychique que chacun à l’ ordinaire peut supporter ce joug. « – Vos vidéos faisaient déjà un carton sur Internet mais la dernière, où vous êtes déguisé en Mario, dépasse tous les records. – C’ est de la folie ! On en est à plus de 1,3 million de vues sur Dailymotion et je ne compte pas Youtube. Ma force, c’ est que j’ utilise un langage international. Que tu sois espagnol ou tchèque, tu comprends ce qui se passe. Après L’ équipe mag, j’ ai fait, cette semaine, les télévisions japonaise et hongroise ! Mon site marche bien mais je n’ ai que 30 % d’internautes français contre 45 % d’espagnols. Je suis convaincu que le média le plus fort, ce n’ est pas la télé ou le web, c’ est les gens. » Vignale, 2008 De fait, les gens qui découvrent son œuvre créent un effet boule de neige sur le Net, ce qu’ on appelle un buzz, en visionnant plusieurs fois les mêmes vidéos, en les montrant autour d’eux et en envoyant à d’autres internautes les vidéos ou l’ adresse du site de Rémi Gaillard dont la maxime récréative, clôturant chaque vidéo comme une moralité incongrue, est la suivante : « C’ est en faisant n’ importe quoi qu’ on devient n’ importe qui ». Son leitmotiv est d’être n’ importe qui pour, justement, pouvoir faire n’ importe quoi, des choses qu’ habituellement on ne se permet pas, et si possible d’en vivre f inancièrement en insérant des encarts publicitaires sur son site. Je me bats pour vivre comme j’ aime, c’ est-à-dire en m’ amusant, dit-il. 256 L E S C A H I E R S Jérôme Dubois Pour reprendre le Traité de l’ idiotie du philosophe Clément Rosset, « on voit ici se confondre une notion avec son propre contraire : que le « n’ importe comment » coïncide exactement avec le « pas du tout n’ importe comment, mais bien de cette façon-ci ». Il n’ est pas de « n’ importe quelle façon » qui ne débouche sur « une certaine façon » » (Rosset, 2004 : 13). Gaillard crée ainsi, d’une certaine façon, en l’ occurrence en s’amusant, pour lui, tout en permettant aux autres de vivre ce qu’ il fait par procuration et parfois même de façon effective, ce qu’ on peut appeler une utopie interstitielle. En quoi son action artistique relève de la fonction sociale du clown et constitue une utopie interstitielle ? C’ est ce que nous allons voir. Tout d’abord, ce que Gaillard réalise répond à la volonté d’introduire du jeu dans la réalité sociale existante en jouant soi-même avec cette réalité, en la tournant en dérision par son autodérision. Il y a bien une forme de théâtralisation de soi en tant que trublion, avec un public réel pris à partie, bon gré ou malgré lui, et un autre public virtuel constitué par les innombrables internautes. Aussi, Gaillard est-il corporellement présent à chaque réalisation, à ses risques et périls – puisqu’ il lui est arrivé de prendre des coups de particuliers et de passer la nuit en garde à vue au commissariat. Il appelle ses œuvres des « caméras de situation » qu’ il range en deux grands types : « funny » et « impostures ». Le funny se veut un genre comique qui consiste à surfer avec la réalité quotidienne pour se l’ approprier comme un espace de jeu, de la même manière que ceux qui font du skate s’approprient la ville, tandis que les impostures88 sont des situations qui s’inscrivent dans le cadre d’émissions télévisées que Gaillard investit soit en se faisant passer pour un candidat, soit depuis le public, soit en se faisant passer pour un membre de l’ une des équipes de sport alors télévisées, en s’accaparant pour le 88 Gaillard se réfère à l’ étymologie du motimposteur, du latin imponere « tromper » : personne qui trompe autrui en se faisant passer pour quelqu’ un d’autre. Or, quand il n’ y a pas d’enjeu vénal, cela est tout bonnement une blague où le blagueur se pare du pouvoir de séduction et conviction du comédien pour faire rire. L ’ I D I O T e I D E 257 L’ utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard coup l’ antenne. Son action n’ a d’autre visée que de détourner un moment le cours normal des choses en montrant que l’ on peut se jouer de ce que l’ on nous donne pour normal et d’en rire, rire dont Bergson a dit avec justesse qu’ il était une critique en acte des formes ankylosées de la société. En cela Gaillard remplit la fonction sociale du clown. C’ est d’ailleurs en tant que clown qu’ il caractérise son style sur son espace Youtube. En quoi son action renvoie à une utopie interstitielle ? Il faut préciser ici le sens du mot utopie : « Il ne s’agit plus de chercher une utopie lointaine, mais des utopies interstitielles, des « bricolages » existentiels, proches, qui vont favoriser quelque chose de l’ ordre de l’ émotionnel, domestique. » (Maffesoli, 2004 : 32) L’ utopie n’ est pas un espace qui n’ existe pas, mais un espace qui n’ existait pas en tant que tel et que l’ on crée par la force des émotions plus que des idées. C’ est la force d’Internet de créer une potentialité utopique en mettant potentiellement en rapport les gens et en libérant un espace virtuel d’expression extensible à l’ inf ini, au sein duquel la réalité importée apporte une dimension essentielle, sa part émotive. En effet, si des idées sont à l’ origine des créations de Gaillard sur le Net, celles-ci prennent place d’abord dans l’ expérience vécue, dans l’ interaction avec des personnes qui, prises au dépourvu, réagissent en fonction de leurs émotions, soit en riant, soit en étant consternées ou stupéfaites, soit en s’énervant, allant parfois jusqu’ à êtres violentes, notamment lorsqu’ elles sont le dindon de la farce, puisque la situation est de fait celle de leur quotidien et qu’ elles y jouent leur propre rôle. Par exemple, il se déguise en chien et entre dans un salon de toilettage pour y prendre une douche, ce qui ne plaît pas du tout à la vendeuse. Et même lorsque Gaillard fait une parodie de jeux vidéos, tels que Mario Bros, il transpose le virtuel dans le réel : le karting de course est placé au beau milieu de personnes qui conduisent leur véhicule, le jet de peaux de bananes pour acquérir des points est effectif. Autrement dit, ses œuvres renvoient à ce que le critique d’art Nicolas Bourriaud appelle l’ esthétique relationnelle : « Les œuvres ne se donnent plus pour but de former des modes de réalités imaginaires 258 L E S C A H I E R S Jérôme Dubois ou utopiques, mais de constituer des modes d’existence ou des modèles d’action à l’ intérieur du réel existant […]. On pourrait parler à leur sujet de micro-utopies, d’interstices ouverts dans le corps social […]. L’ interstice est un espace de relations humaines qui, tout en s’insérant plus ou moins ouvertement dans le système global, suggère d’autres possibilités d’échanges que celles en vigueur dans ce système. » (Bourriaud, 1998 : 13, 72, 16) L’ art de vivre dans la cité et le politique se répondentpar l’ entremise de l’ art qui sert de laboratoire social en proposant une réflexion implicite sur les formes instituées. Gaillard fait par exemple appel à un bestiaire où les déguisements d’animaux incarnent les pensées que pourraient avoir certains animaux, il parodie des sports-spectacles, il se moque ouvertement des policiersen se déguisant en gardien de troupeaux pour les mener à travers la ville, etc. La liberté de création et surtout celle de vivre à sa guise, en l’ occurrence en s’amusant, est ce que recherche et médiatise Gaillard. Ainsi, a-t-il quitté un travail de vendeur pour la condition de chômeur puis de RMIste qui lui a permis de s’adonner à ce dont il avait envie : « – Faire le pitre à longueur de journée, c’ est donc un métier ? – Hou lala ! Ne me parle pas de métier, c’ est l’ horreur. Disons que c’ est devenu mon occupation principale, mon échappatoire, parce que travailler pour un patron, pour moi, ce n’ était pas possible. Au début, je faisais les trucs sous le manteau. Maintenant, je suis entré dans un processus de légalisation avec une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ndlr) ». (Carrière, 2008) Ainsi, quand une chaîne grand public lui a fait signer un contrat, il est dans les jours suivants revenu sur sa décision et a rompu le contrat en menaçant d’une grève de la faim devant le siège de la chaîne, car alors il ne se serait plus senti aussi libre : « Aujourd’hui tu n’ as plus vraiment de liberté comme avant, tout est organisé et manipulé. L’ argent a pris le pouvoir sur tellement de choses, les directeurs des grandes chaînes pensent « produit » avant de penser « artistique ». Heureusement y a Internet et c’est une ramps de lancement pour beaucoup d’artistes et de créateurs. Le paradoxe c’ est qu’ actuellement on peut voir mes vidéos sur M6, mais je sais d’où L ’ I D I O T e I D E 259 L’ utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard je viens. Avant que je signe un contrat d’exclusivité sur Internet, tu peux t’ accrocher. Sur le web y a encore de la liberté faut en prof iter. C’ est vrai que j’ ai connu quelques emmerdes, mais je crois que c’ est ce qui me rend plus fort. C’ est vrai aussi que je travaille avec très peu de moyens, mais c’ est là que je trouve une vraie source d’inspiration. Je sais pas ce que je ferai avec plus de moyens, je crois que je changerai de concept et de devise, mais pour l’ instant je n’ en suis pas là. » Comme il le dit ailleurs : « Moi je veux rester f idèle à ma ville, à ma vie, à mes amis et peu importe ce qu’ il m’ en coûte. » (Gounet, 2008) Rémi Gaillard a eu l’ idée de son espace en regardant la télévision avec des amisf in 1999, une de ces émissions très à la mode aujourd’hui de caméra cachée, d’impostures, de gags en direct dans la rue. C’ est alors que « lui est apparue cette évidence que vraiment n’ importe qui pouvait faire de la télévision. Même et peut-être de préférence en faisant n’ importe quoi. Un copain pour le son, un pour l’ image, un Caméscope, les décors de Montpellier et des environs : aujourd’hui encore, les sketches de Rémi Gaillard sont faits avec les moyens du bord » (Zilbertin, 2007). Son utopie s’inscrit dans son quotidien et va jusqu’ à drainer sur Internet des émules qui reprennent ses idées pour les appliquer à leur quotidien : « Perso, je commence à faire des vidéos dans son genre, sauf que je ne suis pas seul, on est deux dans pratiquement toutes les vidéos », « J’ adore ce que tu fais, je le fais dans mon village, mais pas comme toi, par exemple Rocky je l’ ai refait », « Mon rêve, c’ est de faire pareil, je commence déjà à le faire, comme mettre des P.V. », « Je vais essayer de le faire à Hendaye », comme nous pouvons le lire sur les commentaires faits par les internautes sur Dailymotion ou Youtube. D’ailleurs, Gaillard propose maintenant un concours sur son site : « Les personnes intéressées peuvent poster leur vidéo sur Youtube ou Dailymotion et m’ envoyer le lien par mail. Si c’ est marrant je les diffuse sur mon site avec grand plaisir ! » Circulent désormais des parodies de ses propres parodies. Avec un budget très limité (quelques tenues de circonstance prêtées par un magasin de costumes, un caméscope et un ami pour 260 L E S C A H I E R S Jérôme Dubois f ilmer), mais un culot inf ini, l’ homme qui faisait n’ importe quoi pour devenir n’ importe qui est f inalement devenu quelqu’ un, une « star » du Net courtisée par les chaînes de télévision. Si bien que d’autres malins pensent pouvoir emprunter ce chemin pour réussir. On le découvre aujourd’hui par exemple avec Gonzague, un homme qui décide de faire des déf is grotesques ou de répondre à ceux que lui posent les internautes et de mettre les vidéos sur Dailymotion, tout comme avec Zazon, une femme qui alimente son vidéoblog de caméras cachées et de sketches, ce qui leur permet de travailler ponctuellement pour la télévision. Aussi, pensons-nous que non seulement l’ utopie interstitielle de Gaillard crée du lien social entre les internautes, mais qu’ elle entraîne d’autres utopies moins en vue. En cela, nous souscrivons à la pensée de Pascal Nicolas-Le Strat et de Michel de Certeau : « Une société, pour l’ auteur de L’ invention du quotidien, se compose de certaines pratiques exorbitées, structurantes et englobantes, bruyantes et spectaculaires, et d’autres pratiques innombrables, restées « mineures », toujours là pourtant quoique non organisatrices de discours, et conservant les prémices ou les restes d’hypothèses [...] différentes pour cette société ou pour d’autres. » (Certeau, 1990 : 79) Si le regard se focalise sur ce qui se présente le plus immédiatement à lui – ce que la réalité lui renvoie de plus abouti et de plus légitime – alors il restera inaccessible à de nombreuses réalités, encore en devenir, agissant plus silencieusement. La société dont nous parle Michel de Certeau est donc bien une société à ontologies multiples, qui ne saurait se réduire à ses développements les plus visibles et les plus englobants mais qui se compose également d’une multiplicité de devenirs restés à l’ état de fragments, à peine ébauchés, mais qui ne demandent qu’ à se déployer – une multiplicité de devenirs, certes mineurs ou minoritaires, mais dont il ne faudrait pas sousestimer la portée constituante. L’ interstice représente certainement un des espaces privilégiés où des questions refoulées continuent à se faire entendre, où certaines hypothèses récusées par le modèle dominant aff irment leur actualité, où nombre de devenirs minoritaires, entravés, bloqués, prouvent leur vitalité. Les interstices sont L ’ I D I O T e I D E 261 L’ utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard là pour nous rappeler que la société ne coïncide jamais parfaitement avec elle-même et que son développement laisse en arrièreplan nombre d’hypothèses non encore investies – des socialités ou des citoyennetés laissées en jachère, authentiquement disponibles, capables de susciter les expérimentations les plus ambitieuses. […] C’ est donc un contre-pouvoir qui se détermine au sein même de la réalité à laquelle il s’affronte ; nous pourrions tout aussi bien parler de contre-expérience ou de contre-existence tant cette forme d’antagonisme s’alimente à des forces « positives ». L’ expérience interstitielle nous éloigne de la conception classique des contrepouvoirs qui tirent leur énergie (et leur raison d’être) du rapport en négatif qu’ ils entretiennent avec leur contexte institutionnel. Rien de tel dans le travail interstitiel ; sa force, il la tient des processus qu’ il est susceptible d’amorcer. Sa montée en puissance se réalise et se module en fonction de l’ intensité (vécue, éprouvée) de ses créations et de ses expérimentations. » (Nicolas-Le Strat, 2008 : 116)89 L’ interstice de Gaillard a ainsi fait des fans et lui permet de créer des événements festifs dans sa ville de Montpellier – là où se trouvent la majeure partie de ses amis – ou ailleurs, en les invitant à jouer avec lui des caméras de situation collectives. Par exemple, Gaillard a loué un bus qu’ il a rempli d’amis déguisés en tout et n’ importe quoi, animaux, pères Noël, etc., il a téléphoné à un magasin de farces et attrapes de Béziers, Interfête, leur a demandé s’ils étaient ouverts et leur a simplement indiqué : « On arrive tout de suite ! », sans plus de précision. En fait, il s’est rendu dans un magasin qui vend des produits pour faire la fête, en prenant au mot l’ enseigne, en y organisant un bal costumé et une bataille de mousse à raser. Autre exemple, les soirées organisées pour la Noël dans une salle de concert de Montpelliers : « – Qu’ y a-t-il au menu de la nuit « N’ importe quoi » au Rockstore, le 20 décembre ? – La première a eu lieu le 3 mai 2007 et il y avait 600 personnes. Le Rockstore, c’ est un peu mon bureau. Il y aura un concert déjanté des Roultaboul, puis la fanfare des Kadors. On fera des projections de vidéos. La suite, 89 262 L E S Article en accès libre sur le site www.le-commun.fr C A H I E R S Jérôme Dubois je ne dis rien, il faut venir. Je dis juste qu’ Alexandra Rosenfeld m’ a promis d’être présente, qu’ on va surfer devant le Rockstore et qu’ on sera f ilmé. Et la vidéo sera sur le Net avant la f in de l’ année. L’ entrée est gratuite pour les kangourous et les streakers (ceux qui viendront nus, ndlr). Sinon, c’ est 5 €. » ( Rioux, 2008 : 12). La soirée du 20 décembre 2008 a cette fois réuni environ 1000 personnes, certaines déguisées dans ses personnages fétiches, qui ont littéralement toutes f ini recouvertes de mousse à raser anti-irritation. En conclusion, si après la Seconde Guerre mondiale, les avantgardes telles que Allan Kaprow furent portées par l’ idée de mêler art et vie dans un processus de libération unanime et de créativité généralisée, aujourd’hui, cette idée continue à se manifester en terme de « micro-utopie », dont la caractéristique principale est, selon Claire Fagnart, coauteur de l’ ouvrage L’ art au XXème siècle et l’ utopie, de rechercher dans l’ interstice le lieu étroit et isolé, l’ action thématique bien ciblée, le dernier espace libre d’un monde uniforme. Alain Pessin allait dans ce sens lorsqu’ il a décrit l’ imaginaire utopique actuel en parlant de brèches ou lignes de fuite. Il s’agit moins de combats idéologiques que d’échappées belles, moins de modèles à suivre ou à reproduire que de spontanéitésaventureuses. C’ est dans cette voie que nous situons l’ œuvre de Rémi Gaillard, dans cet espace interstitiel entre la réalité et la f iction, l’ être et l’ imaginaire, la contrainte et le possible. Bibliographie : ARENDT H. (1995) Qu’ est-ce que la politique ?, Paris, Seuil. BARBANTI R., FAGNART C. (dir.) (2000) L’ art au XXème siècle et l’ utopie, Paris, L’ Harmattan. BOURRIAUD N. (1998) L’ esthétique relationnelle, Dijon, Les presses du réel. CARRIÈRE J. (2008) « Le Montpelliérain Rémi Gaillard fait un carton sur Internet avec sa vidéo Mario Kart », Midilibre.com, 15 décembre. L ’ I D I O T e I D E 263 L’ utopie interstitielle du pitre Rémi Gaillard CERTEAU M. (1990) L’ invention du quotidien – 1, Arts de faire, Paris, Folio. GOUNET D. (2008) « Mon rêve, faire un f ilm genre Les Chti’ s, mais version d’ici », MontpellierPlus, 7août, p.7. 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