La vérité toute nue

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La vérité toute nue - page 1
La vérité toute nue
Je m’appelle Marcel Poniatovsky. Je suis belge, comme mon nom ne l’indique pas. Je
suis né durant la seconde guerre mondiale, celle qui n’aurait jamais dû exister. La date exacte
importe peu. Ne croyez pas que le l’esquive sous prétexte d’éviter des commentaires
déplaisants. D’ailleurs, si vous y tenez, je peux vous dire que mon père était le fils d’un
mineur polonais émigré, d’où mon nom. Ma mère était flamande. Ils se sont rencontrés dans
un champ de betteraves wallon. Il avait les pieds plats – je parle de mon père – ce qui lui valut
d’être exclu des valeureuses troupes de troufions. Il n’a donc pas eu le loisir de baver devant
les charmes de Madelon. Il s’est occupé de ceux de ma mère et c’était plutôt mieux comme
cela. Sinon, je ne serais pas là à vous raconter ma vie.
“Nous y voilà ! Il va nous raser celui-là avec ses souvenirs de petit vieux en manque
d’activité !”
Rassurez-vous, chère Lectrice ou cher Lecteur, je ne compte pas vous ennuyer avec mes
années couches. Ma mère en a tellement lavé et suspendu au fil, expressément installé en
travers de la cuisine, qu’elle en eut presque une overdose. J’étais, paraît-il, un rapide. Etait-ce
dû à son lait que mes tétées fréquentes extirpaient de ses seins mûrs ou était-ce un défaut de
mon système digestif ou, tout simplement, étais-je impatient d’évacuer mes ingestions pour
pouvoir vite recommencer ? Il est vrai que, de mes petits doigts, je m’agrippais à ces
pourvoyeurs de bien-être, en ayant l’air d’y prendre du plaisir à tel point qu’ils en étaient tout
pigmentés de rouge. Ma génitrice en fut tellement dépitée que, n’étant pas masochiste pour un
sou, elle éloigna ma petite bouche goulue de son téton martyrisé pour la rapprocher de la
tétine amorphe d’un biberon. Je remplaçai alors l’expression dactyle par des vocalises
improvisées, tout autant que répétées, de dépit. Rien n’y fit.
Je grandis. Et déjà vint le temps de l’école. Ce fut le premier chambardement dans ma
jeune vie. J’y vécus déjà les prémisses d’une tendance au voyeurisme. Dans la classe que je
fréquentais, je fus étonné qu’il y ait d’autres enfants qui ne fussent pas de mes parents. Ils
étaient même nombreux, à croire que d’autres que mon père avaient trouvé le bon prétexte
pour ne pas aller s’exposer inutilement sous l’uniforme militaire. Mon premier maître d’école
était une maîtresse. Au début, je l’aimais bien. Je n’arrêtais pas de la regarder béatement. Plus
justement, je concentrais mes coups d’œil fréquents sur une partie bien précise de son
anatomie qu’elle dévoilait partiellement en déboutonnant le haut de son chemisier. Elle me
rendait bien mon admiration en me parlant toujours avec une voix douce et en me regardant
d’un air encourageant. Je n’étais pas comme certains camarades de classe qui osaient faire des
bêtises. Quand c’était le cas, la maîtresse rougissait de colère et ses cris perçants punissaient
le coupable et nous paralysaient tous. Moi, par contre, j’étais toujours sage, comme une
image, et plutôt taiseux. Je m’évertuais à faire plaisir à mon institutrice en m’appliquant lors
des découpages, collages et autres coloriages variés qu’elle nous proposait. Elle me disait que
j’étais un gentil garçon et quelques fois elle exprimait ses sentiments par des caresses dans le
cou. J’étais aux anges. En récompense de mes bonnes prestations, elle venait me remettre un
“bon point”, en se penchant vers l’avant. J’en concluais qu’elle me permettait de la sorte
d’explorer davantage son corsage.
Donc, comme je le disais, j’aimais aller à l’école, jusqu’au jour où la maîtresse nous
donna à chacun une ardoise noire et une touche grise. A la première leçon d’écriture, il fallait
calligraphier les cinq voyelles. Je pris la touche et me concentrai sur mon travail. C’est alors
qu’elle s’approcha vivement de moi une règle à la main. Je lui sortis mon plus beau sourire.
Mais elle fit semblant de ne pas le voir. Bien au contraire, elle afficha un regard sévère
ponctué par une frappe cruelle sur ma main gauche. J’en fus stupéfait, non par la douleur
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© EDITIONS DRICOT – LIEGE-BRESSOUX – BELGIQUE.
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ressentie, mais par cet acte de traîtrise. Depuis lors, je n’ai plus aimé l’école, n’aimant plus
ma maîtresse. Elle essaya par la suite de réparer le dommage moral qu’elle me causa en
choisissant des chemisiers plus moulants. Ce fut peine perdue. Son corsage n’avait plus la
cote à mes yeux. Je lui trouvais un tas de défauts qui m’échappent à l’heure actuelle devant
l’afflux de visions interférentes.
Je grandis encore, de tous mes membres. J’arrivai à l’âge où un organe particulier
focalisa davantage mes sens. Pourtant, je le connaissais depuis toujours. Je l’exhibais
quotidiennement, voire même plusieurs fois par jour, hors de mon pantalon, en le pinçant des
deux pouces et index pour orienter le flux d’urine. Il nous arrivait, entre garnements que nous
étions devenus, mes camarades et moi, de faire des concours du plus long jet. Nous nous
alignions, de préférence sur un muret bordant le chemin, en prenant soin de nous placer à
l’abri du vent. Tout l’art consistait à solliciter la vessie tout en comprimant fortement
l’extrémité de la “lance”. Il fallait ensuite, à bon escient, libérer la pression engendrée tout en
poussant le ventre vers l’avant. Il y avait parfois des dérapages de direction qui
occasionnaient des rires ou des hurlements de fureur suivant le sens du jet. Un beau jour, ce
membre devint bizarrement sensible au toucher.
Je crois percevoir un changement de votre rythme respiratoire, chère Lectrice. Je veux
mettre de suite les choses au point. Il n’entre pas dans mes intentions de verser dans
l’érotisme. Loin de moi cette idée ! Tout au plus, vous dévoilerai-je la vérité toute nue. Vous
voilà prévenue ! Quant à vous, cher Lecteur, ne choisissez pas de plonger du nez dans le livre
ouvert pour occulter un début de gêne. Vous avez été jeune, vous aussi. Vous avez
vraisemblablement vécu les événements que je vais relater. Vous devez bien vous l’avouer, à
moins que vous ne soyez un parfait hypocrite !
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